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1 CAPAVOCAT DROIT INTERNATIONAL PRIVE CORRIGE DU DST n° 4 DU SAMEDI 21 AOÛT 2009 Proposition de correction relative aux cas pratiques Cas n° 1 : (sur 8 points) AMOSA est confrontée à trois questions de droit : - les effets d’une répudiation unilatérale à son encontre (§ 2) ; - l’opportunité d’un divorce ou d’une annulation de son mariage avec ABOUO (§ 3) ; - le juge compétent s’agissant de cette désunion (§ 1). Avant de répondre à ces trois questions, précisons d’emblée que la situation à laquelle nous sommes confrontés est une situation internationale. Certes, AMOSA et ABOUO ont acquis la nationalité française et avaient leur domicile commun à Paris. Toutefois, au moment où ils se sont mariés, AMOSA n’avait que la nationalité camerounaise et ABOUO la seule nationalité ivoirienne. En outre, en répudiant AMOSA, ABOUO a mis en œuvre une institution de droit musulman qui lui était ouverte dans son État d’origine. Enfin, ABOUO vit désormais en Côte d’Ivoire. Dans ces conditions, nul doute que le litige présente des éléments d’extranéité. Avant de pouvoir mettre en œuvre les règles issues du droit international privé français, il convient de vérifier, comme le demande d’ailleurs AMOSA, si le juge français est compétent pour connaître de son action en désunion. § 1 – La compétence du juge français pour connaître de l’action en désunion (2 points) AMOSA veut être certaine que le juge français se reconnaîtra bien compétent pour connaître de son action en désunion à l’encontre d’ABOUO. En matière de désunion, il existe un règlement européen qui unifie les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’Union européenne : le Règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit « Bruxelles II bis ». Or, il convient de noter que ce Règlement a vocation à s’appliquer très largement. Ratione materiae d’abord, il vise toutes les actions relatives à la dissolution du mariage (divorce, séparation de corps et annulation du mariage) et les actions relatives aux mesures de protection de l’enfant. Ratione temporis ensuite, il vise toute action en désunion diligentée après le 1 er mars 2005 (date de son entrée en vigueur). S’agissant de sa délimitation spatiale enfin (ratione loci), le Règlement n° 2201/2003 ne prévoit aucun critère d’applicabilité dans l’espace. Il n’est en effet pas réservé, à la différence du système instauré par le Règlement « Bruxelles I », aux litiges intégrés à l’Union. Cet instrument s’applique donc dès lors que les juridictions d’un État membre sont compétentes en vertu des règles qu’il pose.

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CAPAVOCAT DROIT INTERNATIONAL PRIVE

CORRIGE DU DST n° 4 DU SAMEDI 21 AOÛT 2009

Proposition de correction relative aux cas pratiques

Cas n° 1 : (sur 8 points) AMOSA est confrontée à trois questions de droit :

- les effets d’une répudiation unilatérale à son encontre (§ 2) ; - l’opportunité d’un divorce ou d’une annulation de son mariage avec ABOUO (§ 3) ; - le juge compétent s’agissant de cette désunion (§ 1).

Avant de répondre à ces trois questions, précisons d’emblée que la situation à laquelle nous

sommes confrontés est une situation internationale. Certes, AMOSA et ABOUO ont acquis la nationalité française et avaient leur domicile commun à Paris. Toutefois, au moment où ils se sont mariés, AMOSA n’avait que la nationalité camerounaise et ABOUO la seule nationalité ivoirienne.

En outre, en répudiant AMOSA, ABOUO a mis en œuvre une institution de droit musulman qui lui était ouverte dans son État d’origine.

Enfin, ABOUO vit désormais en Côte d’Ivoire. Dans ces conditions, nul doute que le litige présente des éléments d’extranéité. Avant de

pouvoir mettre en œuvre les règles issues du droit international privé français, il convient de vérifier, comme le demande d’ailleurs AMOSA, si le juge français est compétent pour connaître de son action en désunion. § 1 – La compétence du juge français pour connaître de l’action en désunion (2 points)

AMOSA veut être certaine que le juge français se reconnaîtra bien compétent pour connaître de son action en désunion à l’encontre d’ABOUO.

En matière de désunion, il existe un règlement européen qui unifie les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’Union européenne : le Règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit « Bruxelles II bis ».

Or, il convient de noter que ce Règlement a vocation à s’appliquer très largement. Ratione materiae d’abord, il vise toutes les actions relatives à la dissolution du mariage

(divorce, séparation de corps et annulation du mariage) et les actions relatives aux mesures de protection de l’enfant.

Ratione temporis ensuite, il vise toute action en désunion diligentée après le 1er mars 2005 (date de son entrée en vigueur).

S’agissant de sa délimitation spatiale enfin (ratione loci), le Règlement n° 2201/2003 ne prévoit aucun critère d’applicabilité dans l’espace. Il n’est en effet pas réservé, à la différence du système instauré par le Règlement « Bruxelles I », aux litiges intégrés à l’Union. Cet instrument s’applique donc dès lors que les juridictions d’un État membre sont compétentes en vertu des règles qu’il pose.

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À cet égard, rappelons que l’article 3, paragraphe 1, a) du Règlement prévoit sept chefs de compétence alternatifs, et dispose notamment que sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve « la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d'eux y réside encore ».

En l’espèce, nul doute que les champs d’application matériel et temporel du Règlement du 27 novembre 2003 sont remplis : AMOSA souhaite agir en divorce (voire en annulation de mariage) et l’on se situe clairement après le 1er mars 2005.

Par ailleurs, il est indiqué qu’AMOSA tourne en rond « dans le grand appartement qu’elle a acheté avec son époux ». Elle réside donc toujours au lieu de la dernière résidence habituelle occupée par le couple à Paris.

Par suite, d’après le Règlement n° 2201/2003, le juge français sera bien compétent pour connaître de l’action en désunion mise en œuvre par AMOSA. La jeune femme peut donc être rassurée. § 2 – Les effets de la répudiation unilatérale à l’encontre d’AMOSA (2 points)

Après avoir eu une attitude relativement souple dans l’accueil des répudiations unilatérales prononcées à l’étranger, la Cour de cassation française a adopté ces dernières années une attitude plus sévère.

Plus précisément, elle a jugé que les répudiations unilatérales qui bénéficiaient au seul mari étaient contraires à l’ordre public français dans la mesure où elles contreviennent au principe d’égalité des époux posé par l’article 5 du Protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (Cass. civ. 1re, 17 févr. 2004 - Fasc., doc. 47 ; Cass. civ. 1re, 25 oct. 2005 - Fasc., doc. 48 ; Cass. civ. 1re, 3 janv. 2006 - Fasc., doc. 49 ; Cass. civ. 1re, 10 mai 2006).

Si les premiers arrêts ont justifié leur solution par la présence du domicile des époux en France, l’arrêt du 10 mai 2006 a bien précisé que la répudiation unilatérale contrevenait aussi à l’ordre public international français « spécialement lorsque les deux époux sont de nationalité française ».

Ajoutons que, dans la grande majorité des cas, le mécanisme même de la répudiation unilatérale suffit à faire apparaître l’inégalité existant entre les deux époux… c’est dire si une telle répudiation a peu de chance d’être désormais reconnue en France.

En l’espèce, AMOSA et ABOUO ont la nationalité française et leur domicile commun à Paris. En outre, la répudiation est intervenue de manière unilatérale, en Côte d’Ivoire, alors qu’AMOSA était restée en France. Autrement dit, on peut supposer qu’elle n’a pas eu son mot à dire.

Compte tenu de ces éléments et de la jurisprudence qui a été invoquée, il est raisonnable de penser que les juges français estimeront que ladite répudiation n’est pas conforme à la conception française de l’ordre public international et qu’ils ne lui reconnaîtront donc aucun effet dans l’Hexagone. AMOSA peut donc à nouveau être rassurée sur ce point. § 3 – Le choix entre le divorce ou l’annulation du mariage (4 points)

AMOSA hésite à demander l’annulation du mariage ou à divorcer. Il s’agit de lui conseiller la meilleure solution. Il faut donc étudier ces deux possibilités.

En premier lieu, l’annulation du mariage.

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Pour l’obtenir, AMOSA invoque le fait que le mariage n’a pas été célébré religieusement. Il convient alors de rappeler que l’annulation est la sanction d’une condition de formation du

mariage. Ainsi, la possibilité d’obtenir l’annulation du mariage doit donc être examinée, avant tout, au regard de la loi applicable à la forme de ce mariage.

Sur ce dernier point, l’on sait que la loi applicable à la forme du mariage est la loi du lieu de célébration du mariage, la lex loci celebrationis, solution posée par le célèbre arrêt Caraslanis (Cass. civ. 1re, 22 juin 1955, Grands arrêts, n° 27) et réaffirmée depuis lors (Cass. civ. 1re, 29 sept. 2004 - Fasc., doc. 40).

La référence à l’arrêt Caraslanis est d’ailleurs doublement importante en la cause, étant donné que cette décision a aussi indiqué que la célébration religieuse du mariage était une condition de forme.

En l’espèce, le mariage entre AMOSA et ABOUO ayant été célébré en France, la loi applicable à la forme de ce mariage est par conséquent la loi française. Or, en droit français, le mariage est parfaitement valable alors même qu’il n’aurait pas été célébré religieusement. Ainsi, le fait que le mariage n’ait pas été célébré religieusement n’est pas une cause de nullité du mariage au regard de la loi française.

Partant et en l’absence d’éléments supplémentaires, il semble d’ores que la voie de l’annulation du mariage ne soit pas véritablement pertinente pour AMOSA, dans la mesure où, au regard du droit français, elle ne pourra pas l’obtenir : son mariage n’a pas en effet été célébré religieusement.

Remarque : en l’espèce et en l’absence de toute indication sur ce point, on peut supposer que les conditions de fond du mariage, régies par la loi nationale de chaque époux, à savoir les lois ivoirienne et camerounaise (Cass. civ. 1re, 19 sept. 2007 – Fasc., doc. 35), sont satisfaites.

Vérifions à présent, en second lieu, si le divorce paraît plus adapté. En la matière, le texte pertinent est l’article 309 du Code civil. Il dispose que la loi française

revendique son application pour régir un divorce lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française, lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français ou lorsqu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps.

La Cour de cassation a en outre précisé, s’agissant du champ d’application de cet article, que lorsque les individus intéressés ont la double nationalité, seule la nationalité française doit être prise en considération (Cass. civ. 1re, 13 oct. 1992, Camara).

En l’espèce, ABOUO et AMOSA ont chacun une double nationalité, dont la nationalité française. Aussi et conformément au principe posé par l’arrêt Camara, c’est cette nationalité qui sera seule prise en considération par le juge français. En d’autres termes, le juge français considérera qu’ABOUO et AMOSA ont une nationalité commune : la nationalité française.

Partant, en application de l’article 309 du Code civil, le droit français sera applicable au divorce d’AMOSA et d’ABOUO.

Celle-ci peut ainsi espérer bénéficier du divorce pour faute dans la mesure où ABOUO n’a pas agi conformément au devoir de fidélité et de respect qui lui est imposé par l’article 212 du Code civil. En effet, la loi applicable aux effets du mariage sera, pour le juge français, la loi de la nationalité commune des époux ou, à défaut, la loi de leur domicile commun. Or, ceux-ci sont devenus tous deux français en cours de mariage et ont eu jusqu’à très récemment leur domicile commun à Paris. En conséquence, il est permis de supposer que le juge français sera enclin à considérer que la loi française régissait les effets de leur mariage et que leur comportement devra être examiné au regard de cette loi.

Dans ces conditions, AMOSA aura tout intérêt à demander le divorce pour se placer sous la protection du droit français, d’autant plus que l’annulation du mariage ne pourra

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vraisemblablement pas être obtenue devant un juge français pour le motif invoqué par la jeune femme. Cas n° 2 : (sur 12 points)

Intéressons-nous ici d’abord au cas de M. DIENER (§ 1), avant de nous pencher ensuite sur celui de son fils Mark (§ 2).;

Mais avant toute chose, il convient de préciser que nous nous situons sans aucun doute face à deux situations internationales : M. DIENER est un Allemand, domicilié en France, qui entend agir contre une société danoise (dont le principal établissement se situe en Italie) pour un préjudice subi en France. Mark, pour sa part, est également un ressortissant allemand domicilié en France (Nice) qui a été accidenté en Espagne par le fait d’un ressortissant britannique possédant son domicile à Paris.

En outre, l’on observera que l’ensemble des éléments d’extranéité sont localisés dans l’Union européenne. Partant, il faudra se poser la question de l’applicabilité d’instruments européens en matière de droit international privé. § 1 – Le cas de M. DIENER (8 points)

M. DIENER s’estime victime d’un dommage environnemental lié à la pollution d’une rivière d’eau potable. Cela suppose de résoudre la question du juge compétent (A) et de la loi applicable (B).

A) Le juge compétent (4 points)

Il faut déterminer si le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit « Bruxelles I » est applicable (1) avant de songer à l’appliquer (2).

1. L’applicabilité du règlement n° 44/2001 (2 points)

Ratione temporis, le Règlement est certainement applicable. En effet, il s’applique à toutes les actions diligentées après le 1er mars 2002 (date de son entrée en vigueur). Or, tel sera évidemment le cas en la cause.

Le même constat s’impose ratione materiae. En effet, le litige qui oppose M. DIENER à la société MEDECIN concerne la responsabilité délictuelle puisqu’il s’agit d’un dommage environnemental : on se situe donc bien dans le cadre de la « matière civile et commerciale ».

Ratione loci enfin, le Règlement apparaît aussi applicable. En effet, le défendeur potentiel - la société MEDECIN -, est domicilié dans au moins un État membre (le Danemark, partie au Règlement depuis le 1er juillet 2007, où elle dispose de son siège statutaire ; l’Italie, où est fixé son principal établissement).

De plus, il ne fait pas de doute que la présente affaire vise les « relations intracommunautaires » au sens de l’arrêt Kongress Agentur (CJCE, 15 mai 1990, Kongress Agentur Hagen GmbH c/ Zeehaghe BV, Aff. C-365/88, Rec., p. I-1845, point 17).

Le Règlement « Bruxelles I » étant donc sans conteste applicable à la présente affaire, il faut dès lors l’appliquer.

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2. L’application du règlement n° 44/2001 (2 points)

En premier lieu, l’article 2 du Règlement n° 44/2001 prévoit que les « personnes domiciliées

sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ». En outre, l’article 60 du même texte précise que les sociétés sont domiciliées là où se trouvent leur siège statutaire, leur principal établissement ou leur administration centrale.

En l’espèce, la société danoise MEDECIN a son siège statutaire au Danemark et son principal établissement en Italie. Il est donc possible d’affirmer d’emblée que M. DIENER pourra agir aussi bien devant les juridictions danoises que devant les juridictions italiennes.

En second lieu, l’article 5-3° du Règlement dispose, pour la matière délictuelle, que le demandeur peut agir « devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ». D’après le fameux arrêt Mines de Potasse d’Alsace, rendu dans une hypothèse proche de celle-ci, ce lieu correspond au lieu du fait générateur du dommage ou au lieu du dommage lui-même (CJCE, 30 nov. 1976, Mines de Potasse d’Alsace - Fasc., doc. 31).

En l’espèce, le fait générateur du dommage se situe certainement en Italie puisque l’intoxication de M. DIENER est due à l’ingestion d’une eau de rivière, polluée par les déchets déversés par le principal établissement de la société MEDECIN, établissement précisément localisé à Aoste.

S’agissant du dommage, celui-ci est intervenu en France et, plus précisément, dans le village dans lequel est domicilié M. DIENER.

Dans ces conditions, M. DIENER aura donc le choix d’agir soit devant les juridictions italiennes (et en particulier devant le juge d’Aoste), soit devant les juridictions françaises, spécialement dans le ressort desquelles se trouve le village où il est domicilié.

En somme, M. DIENER pourra donc agir devant les juridictions danoises, italiennes ou françaises. Compte tenu de la situation de son domicile, il sera évidemment judicieux de lui conseiller d’agir devant le juge français (compétent au regard du lieu de survenance du dommage).

B) La loi applicable (4 points)

Il s’agit clairement ici d’une action en responsabilité délictuelle et il convient de consulter à cette fin la règle de conflit de lois applicable devant le juge français, supposé compétent, compte tenu des développements précédents.

Sur ce point, rappelons que, depuis le 11 janvier 2009, le Règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II », a unifié les règles de conflit de lois des États membres de l’Union européenne en matière d’obligations non contractuelles.

Remarque : rappelons que ce Règlement a une portée universelle et que les règles de conflit de lois qu’il prévoit peuvent désigner la loi de pays tiers à l’Union.

C’est donc ce texte qu’il convient d’appliquer à la situation de M. DIENER. Ainsi, en son article 4-1°, celui-ci dispose que « sauf dispositions contraires du présent

règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ».

Une exception à ce principe est toutefois prévue par l’article 4-2° du Règlement. Dans le cas où la personne lésée et l’auteur du dommage ont leur résidence habituelle dans le même pays,

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c’est la loi de ce pays qui s’applique, sachant que l’article 23 du Règlement précise que la résidence habituelle d’une société correspond au lieu où celle-ci a son administration centrale.

Enfin, l’article 7 de cet instrument ajoute que, dans le cas d’une obligation non contractuelle découlant d’un dommage environnemental ou de dommages subséquents subis par des personnes ou causés à des biens, la victime peut fonder sa prétention sur la loi du pays où le dommage est survenu (renvoi à l’article 4-1°) mais aussi sur la loi du pays dans lequel le fait générateur du dommage s’est produit.

En l’espèce, le dommage de M. DIENER est survenu en France (au lieu où il est domicilié) puisque c’est l’absorption de l’eau contaminée de la rivière de son village qui l’a rendu malade.

En vertu de l’article 4-1° du Règlement du 11 juillet 2007, la loi française apparaît donc applicable en la cause. Ce constat s’impose d’autant plus que l’exception prévue par l’article 4-2° en faveur de la loi de la résidence habituelle n’est pas envisageable : M. DIENER est domicilié en France et la société MEDECIN - auteur du dommage - est, du point du Règlement « Rome II », domiciliée en Italie au regard de la situation de son administration centrale.

En outre, il doit être relevé que l’article 7 du Règlement « Rome II » autoriserait M. DIENER à fonder sa prétention sur la loi du pays du fait générateur, c’est-à-dire, en l’espèce, la loi italienne. Dans la présente affaire, le fait générateur consiste en effet dans le déversement de déchets dans la rivière du côté transalpin par l’établissement de MEDECIN à Aoste.

En résumé, M. DIENER aura donc le choix de fonder son action en responsabilité extracontractuelle à l’encontre de la société MEDECIN sur la loi française ou sur la loi italienne. Dans la mesure où il a été considéré précédemment que le juge français, juge du lieu de survenance du dommage (et du domicile de l’intéressé), était compétent pour connaître du litige, il sera conseillé à M. DIENER d’invoquer la loi française, puisque c’est par hypothèse celle que le juge français maîtrise le mieux (sauf bien entendu, l’existence de dispositions plus favorables à l’indemnisation de son préjudice prévues par la loi italienne). § 2 – Le cas de Mark (4 points)

Comme ce qui a été fait pour M. DIENER, il faut déterminer quel est le juge compétent (A) puis quelle est la loi applicable (B) pour le litige opposant Mark DIENER au ressortissant britannique qui l’a accidenté.

A) Le juge compétent (2 points)

À nouveau, il s’agit de vérifier que le Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, dit « Bruxelles I », est applicable (1) puis le mettre en œuvre dans l’affirmative (2).

1. L’applicabilité du Règlement n° 44/2001 (1 point)

Compte tenu de ce qui a été dit plus haut au sujet de la situation de M. DIENER, il ne fait guère de doute que le Règlement « Bruxelles I » soit aussi applicable à la situation de son fils.

Ratione temporis, le Règlement est applicable puisque Mark agira à l’évidence après le 1er mars 2002.

De même, le Règlement n° 44/2001 est applicable ratione materiae : Mark va certainement engager la responsabilité civile extracontractuelle de John et l’on se situe bien en matière civile et commerciale.

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Ratione loci enfin, l’applicabilité du Règlement du 22 décembre 2000 n’est pas douteuse. En effet, le défendeur potentiel - John - a son domicile dans un État membre, la France (et plus précisément à Paris).

Le Règlement « Bruxelles I » est donc clairement applicable à la présente affaire. Reste à l’appliquer.

2. L’application du Règlement n° 44/2001 (1 point)

En premier lieu, l’article 2 du Règlement n° 44/2001 prévoit que les « personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ».

En l’espèce, John a son domicile à Paris. Mark pourra donc agir avant tout devant les juridictions françaises.

En second lieu, l’article 5-3° du Règlement dispose pour la matière délictuelle que le demandeur peut agir « devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ».

En l’espèce, le lieu du fait générateur du dommage et le lieu du dommage sont confondus : ils se situent tous deux sur l’île d’Ibiza, où Mark a été renversé. Mark pourra donc aussi saisir les juges espagnols (du ressort d’Ibiza).

Mark aura donc le choix entre les juges français et espagnols mais compte tenu de la situation de son domicile, il sera évidemment judicieux de lui conseiller, comme à son père, d’agir devant le juge français.

B) la loi applicable (2 points)

S’agissant de la détermination de la loi applicable, le premier réflexe doit être celui d’interroger le Règlement « Rome II », dont les règles s’imposent aux juges espagnol et français depuis le 11 janvier 2009. Il a été vu précédemment que l’article 4-1° du Règlement du 11 juillet 2007 donnait une compétence de principe à la loi du lieu où le dommage est survenu sauf, précise l’article 4-2°, si la victime et l’auteur du dommage ont leur résidence habituelle dans un même État.

Remarque : l’article 4-3° réserve aussi l’application de la loi qui a les liens les plus étroits avec le litige…cette clause d’exception est cependant d’interprétation stricte et, en l’espèce, aucune loi ne paraît avoir des liens plus étroits que celles qui sont désignées en vertu des articles 4-1° et 4-2°.

En l’espèce, Mark et John ont tous deux leur résidence habituelle en France, le premier à Nice et le second à Paris : la loi française apparaît donc compétente, s’agissant du litige qui les oppose.

Toutefois, il faut rappeler que le règlement « Rome II » prévoit en son article 28 qu’il « n’affecte pas l’application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l’adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de lois en matière d’obligations non contractuelles ».

Or, s’agissant des accidents de la circulation comme c’est le cas ici, la France et l’Espagne sont toutes deux parties à la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d’accidents de la circulation. Cette convention est entrée en vigueur le 3 juin 1979 en France et le 21 novembre 1987 en Espagne. C’est donc cette seule convention que les juges nationaux potentiellement compétents (les juges français et espagnols, v. supra) devront appliquer.

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Cela étant dit, rappelons que la convention repose sur une règle de principe donnant compétence à la loi de l’État sur le territoire duquel l’accident est survenu - lex loci delicti (Art. 3).

Remarque : il est vrai que l’article 4 prévoit un certain nombre de dérogations à ce principe en fonction des circonstances, dérogations qui conduisent à la loi d’immatriculation du ou des véhicule(s) impliqué(s) ou à la loi de la résidence habituelle des personnes impliquées dans l’accident. Ces exceptions ne trouvent cependant pas à s’appliquer en l’espèce.

La Convention de La Haye du 4 mai 1971 conduit donc, que ce soit le juge français ou le juge espagnol qui soient saisis in fine, à l’application de la loi espagnole.

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PROPOSITION DE CORRECTION POUR L’EXERCICE DE COMMENTAIRE

Cass. civ. 1re, 11 février 2009, Riley c/ Riley (n° 06-12.140) Si la question de l’admission du renvoi n’est pas nouvelle, sa réception en matière de succession immobilière est pourtant toute récente. Après les interrogations que l’arrêt Ballestrero avait légitimement suscitées, le présent arrêt soumis à commentaire paraît devoir confirmer une tendance initiée par l’arrêt Wildenstein, à savoir celle d’une approche fonctionnaliste et restreinte du renvoi en cette matière. Bien qu’une partie du commentaire pouvait bien entendu vous amener à aborder la question de la loi applicable aux successions internationales, la discussion pouvait cependant être concentrée sur la tendance précitée et sa portée, choix exercé ici. À l’instar de l’unité familiale au lendemain de la perte d’un être cher, l’unité successorale paraît tout autant difficile à trouver, à tout le moins en droit international privé des successions immobilières… et le rôle de “médiateur” que peut assumer le renvoi pour ce faire semble bien limité, comme en témoigne l’arrêt rapporté, rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation le 11 février 20091

L’absence d’unité familiale trouve aisément à s’illustrer dans les faits ayant conduit à la présente espèce. À la suite de l’ouverture en France de la succession de sa mère, décédée en 1989, un héritier fit assigner ses deux frères devant le tribunal de grande instance de Pau. Au soutien de sa prétention, ledit héritier alléguait l’existence d’une donation déguisée, laquelle aurait pris l’apparence d’une vente. Intervenue entre ses parents et ses frères en octobre 1985, celle-ci avait porté sur deux immeubles situés sur l’île de Majorque, aux Baléares.

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Saisie par la suite en cause d’appel, la Cour de Pau avait positivement reçu la prétention de l’héritier et jugé en conséquence que la vente immobilière litigieuse, constitutive d’une donation déguisée, devait être rapportée en valeur à la succession de chacun des parents donateurs. S’agissant plus précisément de la détermination du droit applicable à cette succession, la Cour d’appel, faisant sienne la motivation du juge de première instance, retenait “que si la règle de conflit applicable en matière successorale immobilière donne compétence à la loi du pays où est situé l’immeuble, en l’espèce la loi espagnole, celle-ci adopte le principe de l’unité de la succession, même en matière immobilière, et donne compétence à la loi nationale du défunt de sorte que la loi française est applicable à l’action”.

Un pourvoi en cassation ayant été formé, la haute juridiction était donc principalement invitée à se prononcer sur la question de l’admission du renvoi en matière de succession immobilière. Plus précisément, il s’agissait pour elle de déterminer la mesure dans laquelle le renvoi opéré par la loi étrangère désignée à la loi nationale du défunt pouvait être accepté.

Au visa de l’article 3 du Code civil, la Cour de cassation répond à cette question en énonçant, dans un attendu de principe, “qu’en matière de succession immobilière, le renvoi opéré par la loi de situation de l’immeuble ne peut être admis que s’il assure l’unité successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles”. Ce principe posé, elle censure ensuite l’arrêt d’appel, pour violation de la loi, reprochant à la Cour de Pau de ne pas avoir constaté que la mère, dont la succession était ouverte, “était de nationalité française alors que la loi française n’était compétente, par renvoi de la loi espagnole du lieu de situation des immeubles, que si elle était la loi nationale de la défunte”.

Par cet arrêt, la première Chambre civile de la Cour de cassation vient ainsi confirmer l’admission du renvoi en matière de succession immobilière (I), admission toutefois conditionnée (II).

1 Cass. civ. 1re, 11 févr. 2009, Bull. civ. I, n° 29 ; Clunet, 2009.567, note H. PEROZ ; JCP G, 2009.II.10068, note F. BOULANGER ; D., 2009.1658, note G. LARDEUX ; Rev. crit. DIP, 2009.512, note B. ANCEL.

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I. L’admission du renvoi confirmée Accepté formellement pour la première fois en matière de succession immobilière il y a un peu plus de deux lustres, le renvoi voit son admission en cette matière confirmée par le présent arrêt. Quoique conditionnée (v. infra, II) et partant restreinte (A), cette admission n’en apparaît pas moins discutable (B). A. Une admission restreinte Inaugurée par l’arrêt Ballestrero (Cass. civ. 1re, 21 mars 2000 - Fasc., doc. 7, pp. 121-122), l’admission du renvoi en matière de successions immobilières internationales avait pu à l’époque faire apparaître cette technique comme étant, en ladite matière, aussi bien obligatoire que de principe (l’arrêt énonçant, à l’endroit du juge, “qu’il lui appartenait, dans l’usage de la règle française de conflit de lois, d’appliquer, au besoin d’office, la loi italienne de conflit ainsi désignée et donc la loi à laquelle celle-ci faisait renvoi”). Cette admission semble toutefois aujourd’hui beaucoup plus restreinte. S’inscrivant sur ce point dans la lignée de l’arrêt Wildenstein (Cass. civ. 1re, 20 juin 2006 - Fasc., doc. 8, pp. 122-123), l’arrêt rapporté emploie en effet une formule négative, laquelle paraît devoir faire de l’admission du renvoi, non plus un principe mais bien une exception ! La Cour de cassation ne juge-t-elle pas, dans le chapeau accompagnant le visa de l’article 3 du Code civil, “qu’en matière de succession immobilière, le renvoi opéré par la loi de situation de l’immeuble ne peut être admis que s’il assure l’unité successorale […]” ? À examiner cette formule, il semble d’ailleurs que la restriction qu’apporte la Haute juridiction à l’admission du renvoi soit double. Outre le fait que cette admission, quoique confirmée dans sa possibilité par la présente espèce, a clairement perdu son caractère de principe, il convient en effet d’observer que la Cour entend également limiter sa position à la seule matière des successions immobilières.

Ainsi, moins de dix ans après la solution novatrice que consacrait l’arrêt Ballestrero le 21 mars 2000, la décision rapportée vient très clairement en réduire la portée initiale, à tout le moins sous l’angle de son admission de principe du renvoi en matière de succession immobilière. S’agissant en effet du caractère obligatoire du renvoi, l’arrêt ne permet pas de se prononcer clairement. La cassation intervenue, pour violation de la loi (ici, l’article 3 du Code civil), ne paraît pas en effet devoir être justifiée par le défaut de recherches des juges palois sur la nationalité de la défunte car un manque de base légale aurait alors été plus approprié.

Cependant et quoi qu’il en soit de ce dernier point (sur lequel, v. not. B. ANCEL, note précitée), il reste qu’à restreindre l’admission du renvoi comme elle l’a fait, la Cour de cassation aurait tout autant pu l’exclure complètement. Aussi la solution retenue n’est-elle pas sans prêter le flanc à la critique, ce qui la rend a priori discutable. B. Une admission discutable Les critiques traditionnellement adressées à l’encontre du renvoi sont bien connues : du “jeu de tennis international” dénoncé par BUZATTI au “cabinet des miroirs” dévoilé par KAHN, cette technique porterait en elle une “impossibilité logique” qui la priverait de toute efficacité… sauf peut-être pour les hauts conseillers français à vouloir dépasser les termes traditionnels du débat en assignant au renvoi une mission nouvelle, consistant à poursuivre un objectif de justice matérielle (et non plus conflictuelle), “l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles”.

Retenant en cela une approche “conséquentialiste” (c’est-à-dire une approche consistant à évaluer les avantages proposés par différents moyens de résoudre une difficulté en fonction des résultats auxquels ils conduisent), la Cour de cassation paraît ainsi avoir voulu privilégier la voie de

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l’expédient (J. MAURY, “Règles générales des conflits de lois”, RCADI, 1936, t. 57, p. 548) plutôt que celle de l’innovation.

En effet, par sa recherche d’un moyen d’assurer “l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles”, la Cour de cassation ne dévoile-t-elle pas une désapprobation du morcellement des successions internationales et, partant, son souhait d’y mettre fin ? Or, pourquoi ce faisant, alors que l’objectif qu’elle poursuit est ici clairement affiché, entendre passer par la voie du renvoi plutôt que par celle de la création d’une nouvelle règle de conflit de lois ? La soumission de l’ensemble d’une succession, à la loi nationale par exemple (comme le faisait en l’espèce la loi espagnole) ou encore à la loi du dernier domicile du défunt, aurait assurément pour mérite celui de la simplification. Telle est d’ailleurs la solution que préconise la Commission européenne dans sa proposition de Règlement européen sur les successions de dimension internationale dans l’Union, lequel projette l’application d’un critère unique (celui de la résidence habituelle du défunt, ou à défaut, celui de la loi nationale) pour déterminer la loi applicable à une succession transfrontière (Commission européenne, Communiqué de presse du 14 octobre 2009, IP/09/1508). La constance avec laquelle la Cour de cassation rappelle que les successions immobilières sont régies par la loi du lieu de situation de l’immeuble (Cass. civ., 14 mars 1837, Stewart, GAJFDIP, n° 3) laisse pourtant augurer que les hauts magistrats ne sont pas prêts à abandonner le système dual des règles de conflits élaborées pour la matière de successions internationales, ce dernier se justifiant au demeurant par des considérations bien plus complexes que l’attraction supposément “naturelle” du situs (en ce sens, v. B. ANCEL & Y. LEQUETTE, Grands arrêts, op. et loc. cit., spéc. n° 8-9). Au vu de ce qui précède, le renvoi apparaît donc bien, du point de vue de la Cour de cassation, comme un expédient qui, pour être utile, doit être conditionné. II. L’admission du renvoi conditionnée En adoptant une approche “fonctionnaliste” du renvoi, la première Chambre civile de la Cour de cassation a entendu conditionner la mise en œuvre de ce dernier à la réalisation d’un but, celui d’assurer l’unité de la loi applicable à la succession. Ce faisant, la question de la nature du renvoi semble ne peut plus devoir importer. Autrement dit, à une condition pertinente (A) s’opposerait une condition a priori indifférente (B). A. L’unité successorale, condition pertinente Aux termes de son attendu de principe, la Cour de cassation affirme, ainsi que l’on a déjà pu le mentionner, “qu’en matière de succession immobilière, le renvoi opéré par la loi de situation de l’immeuble ne peut être admis que s’il assure l’unité successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles”. La position de la Cour de cassation est ainsi très nette : le renvoi en cette matière est fonction du résultat auquel il pourra conduire. L’unité successorale sera-t-elle atteinte par sa mise en œuvre et le renvoi sera admis. En cas contraire, c’est-à-dire en cas de persistance du morcellement de la succession immobilière, celui-ci sera en revanche rejeté. En conséquence, il apparaît que désormais, l’admission du renvoi en matière de succession immobilière sera plus que limitée. En effet, parvenir à une unité de loi applicable à la succession (mobilière et immobilière) se présente d’abord plus comme un accident que comme une prévision. Ensuite, cela suppose vraisemblablement que le nombre d’immeubles situés sur un autre territoire que celui du for doive être limité, cela pour réduire aussi bien le nombre de lois applicables que le risque de défaut de renvoi par l’une ou plusieurs des lois en présence. Enfin, il paraît certain que le renvoi ne pourra jouer qu’en cas de désignation, par la règle de conflit étrangère consultée, de la loi du for. Mais c’est déjà aborder la question de l’indifférence ou non de la nature du renvoi comme condition de son admission.

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B. La nature du renvoi, condition indifférente ? Prima facie, la question de savoir si le renvoi est au premier ou au deuxième degré ne paraît plus, à la lecture de l’arrêt rapporté, devoir importer. En effet, pour la première Chambre civile de la Cour de cassation, “le renvoi opéré par la loi de situation de l’immeuble [sera admis] s’il assure l’unité successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles”. Autrement dit, seul paraît devoir compter le résultat auquel le renvoi permettra éventuellement d’aboutir. Sa fonction étant désormais unique (assurer l’unité successorale), celle-ci peut a priori être remplie aussi bien par renvoi à la lex fori que par renvoi à une loi tierce. Cependant et à seconde lecture, il convient d’observer que la censure pour violation de la loi qu’a retenue la Cour de cassation dans cet arrêt se révèle riche d’enseignements. En effet, alors qu’elle aurait pu se contenter d’une sanction pour défaut de base légale (v. supra, I.A.), la Cour a considéré qu’en statuant comme elle l’avait fait, “sans avoir constaté que Marie-Thérèse X… était de nationalité française alors que la loi française n’était compétente, par renvoi de la loi espagnole du lieu de situation des immeubles, que si elle était la loi nationale de la défunte, la cour d’appel a[vait] violé le texte susvisé”, soit l’article 3 du Code civil. Bien qu’alambiquée, cette solution ne paraît pourtant pas devoir laisser grande incertitude : à l’instar de ce qu’elle retenait déjà dans son arrêt Wildenstein (précité, supra, I.A.), la première Chambre civile de la Cour de cassation semble bien vouloir dorénavant n’accepter, en matière de succession immobilière, que le seul renvoi au premier degré, soit un renvoi à la seule loi française. Aussi et in fine, que l’on soit partisan ou contempteur de la technique du renvoi, le présent arrêt se présente comme une solution de compromis qui, une fois n’est pas coutume, satisfera sans nul doute, à égale valeur, les deux partis.