186
ÉDITIONS EESP – LES OUTILS LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE Bases conceptuelles et applications d’un dispositif de prise en charge intégratif PIERRE GOBET DÉBORAH GALSTER MARION REPETTI FABIENNE SCHERER ESTELLE CONSTANTIN 02

ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

ÉDITIONS EESP – LES OuTILSÉDITIONS EESP

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Bases conceptuelles et applications d’un dispositifde prise en charge intégratif

LE C

ASE

MA

NA

GEM

ENT

EN C

ON

TEX

TE

PIERRE GOBETDÉBORAH GALSTER

MARION REPETTIFABIENNE SCHERER

ESTELLE CONSTANTIN

0202

Plus qu’une méthode d’accompagnement, le casemanagement est un véritable dispositif de prise en charge.

Il concerne aussi bien le travail social que sanitaire, l’interventionsocioéducative que la réinsertion professionnelle. Intégratif, ilfavorise un suivi continu et cohérent par une meilleure gestiondes frontières institutionnelles et professionnelles. Participatif, ilsoutient les bénéficiaires dans la réalisation de ce qu’ils ou ellesont des raisons de valoriser.

Après avoir exposé les notions clés du case management, ce livreprésente des exemples d’application. L’analyse permet dedégager les conditions nécessaires à l’exercice d’un casemanagement en adéquation avec les exigences professionnelles.

ÉDITIONS EESP – LES OuTILS 02

PIER

RE

GO

BET

, DÉB

OR

AH

GA

LSTE

RM

AR

ION

REP

ETTI

, FA

BIE

NN

E SC

HER

ER,

ESTE

LLE

CON

STA

NTI

N

Page 2: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 3: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENTEN CONTEXTE

Bases conceptuelles et applications d’un dispositif de prise en charge intégratif

Page 4: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 5: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENTEN CONTEXTE

Bases conceptuelles et applications d’un dispositif de prise en charge intégratif

PIERRE GOBET

DÉBORAH GALSTER

MARION REPETTI

FABIENNE SCHERER

ESTELLE CONSTANTIN

Page 6: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

6

Comité d’édition EESP : Isabelle Csupor, Susy Ducraux, Pierre Gobet, JoëlleLongchamp, Gilles Lugrin, Gil Meyer, Paola Richard-De Paolis, Jean-Pierre TabinCoordinateur financier : Sébastien VuillaumeSecrétariat d’édition : Séverine Holdener

Maquette et couverture : Eric Vaucher, Slatkine Reprints, GenèveCorrection : David Laverrière, Lausanne

Cet ouvrage est publié avec le soutien du Réseau d’études appliquées en politiquessociales, familiales et de la santé de la HES-SO (REA)

© 2012, Éditions EESPÉditions EESP, ch. des Abeilles 14, CH-1010 Lausanne, www.eesp.ch

ISBN 978-288284059-2

(La reproduction est soumise à autorisation préalable)

Page 7: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

7

La Haute école de travail social et de la santé – EESP – Lausanne est inscritedans le réseau de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques,au niveau tertiaire A du système de formation suisse. L’EESP est une fondationau sens des art. 80 et ss. du Code civil suisse, reconnue d’utilité publique. Sesquatre missions fixées par la loi fédérale HES (LHES du 06.10.1995) sont :

Formation initiale : mission principale consistant à assurer des formations deniveau universitaire axées sur la pratique et euro-compatibles. Le titre deBACHELOR (cycle de trois ans – 180 crédits ECTS) donne un accès direct aumonde du travail. Il peut être complété par un titre de MASTER (cycle de un àdeux ans – 90 crédits ECTS).

Formation continue : cycles postgrades (certificats, diplômes et masters) destinésaux personnes qui souhaitent poursuivre leur développement professionnel enapprofondissant leurs connaissances dans un domaine d’études particulier ou quidésirent acquérir de nouvelles connaissances dans d’autres domaines.

Recherche appliquée et développement : la Ra&D a pour double objectif d’as-surer l’acquisition et le développement de connaissances en lien avec les milieuxscientifiques et économiques et d’enrichir l’enseignement en y intégrant lespratiques et les savoirs acquis à travers la recherche. Elle soutient l’exploitationdes résultats de la recherche et fournit des prestations à des tiers (entreprises,services, institutions sociales ou sanitaires).

Échanges internationaux : les écoles de la HES-SO entretiennent une traditiond’ouverture vers l’extérieur à travers des collaborations avec des hautes écolesou des institutions de recherche en Suisse ou à l’étranger. Ces relations offrentaux étudiant-e-s de riches possibilités d’études à l’extérieur.

Page 8: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

8

Les Éditions EESP veulent favoriser la diffusion régulière des connaissancesdéveloppées au sein de la Haute école de travail social et de la santé et offrir despoints d’ancrage au dialogue indispensable entre un lieu de formation profession-nelle supérieure et ses partenaires du champ social, éducatif et sociosanitaire.

La Haute école de travail social et de la santé – EESP – Lausanne publie régu-lièrement des études et travaux réalisés par son corps enseignant et d’autrescontributions issues de travaux de recherche et d’analyses d’expériences pratiquesdans les domaines du travail social et de la santé.

La collection «Les Outils » regroupe des ouvrages directement utiles à laformation et pouvant servir de référence dans l’enseignement (manuels, textesde base, etc.).

Page 9: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

PRÉSENTATION DES AUTEURS

• Pierre Gobet, professeur à la Haute école de travail social et de la santé – EESP – Lausanne.

• Déborah Galster, chargée de recherche à la Haute école de travail social etde la santé – EESP – Lausanne

• Marion Repetti, chargée de recherche à la Haute école de travail social et dela santé – EESP – Lausanne

• Fabienne Scherer, chargée de recherche à la Haute école de travail social etde la santé – EESP – Lausanne

• Estelle Constantin, étudiante en travail social à la Haute école de travailsocial et de la santé – EESP – Lausanne, stagiaire de recherche dans le cadre

de son travail de Bachelor

9

Page 10: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 11: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

1. LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT . . . . 191.1. LES DIMENSIONS DU CASE MANAGEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

1.1.1. PROGRAMME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

1.1.2. MODÈLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

1.1.3. PROCESSUS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

1.2. COMPLÉMENTARITÉ OU UNIVERSALITÉ DU CASE MANAGEMENT? 29

1.3. LA NOTION DE CAS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

1.4. RÔLE ET FONCTIONS DES CASE MANAGERS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

1.5. LES ORIGINES DU CASE MANAGEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

1.6. LE CASE MANAGEMENT ENTRE ÉTAT ACTIF ET TRANSPARENCE

INSTITUTIONNELLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

1.7. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

1.8. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

APPLICATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

2. LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION

PROFESSIONNELLE DES PERSONNES EN EMPLOI . . . . . . . . . 492.1. LA RÉORIENTATION DES PRATIQUES ACTUARIELLES . . . . . . . . . . . 49

2.2. LES PRINCIPES DU (DIS)ABILITY MANAGEMENT . . . . . . . . . . . . . . 50

2.3. LE (DIS)ABILITY MANAGEMENT EN SUISSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

2.4. LE CADRE LÉGAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

2.5. LES OBJECTIFS DE L’ACCOMPAGNEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

2.6. LE PUBLIC CIBLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

2.7. LE FINANCEMENT DES MESURES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

2.8. LA CONDUITE DU CAS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

2.9. LIEN DE CONFIANCE, CONFIDENTIALITÉ ET ÉTHIQUE . . . . . . . . . . 62

2.10. LE CASE MANAGEMENT, UNE NOUVEAUTÉ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

2.11. LA COLLABORATION AVEC L’ASSURANCE INVALIDITÉ . . . . . . . . . 65

2.12. LES PRATIQUES D’ÉVALUATION DE L’INTERVENTION

DES CASE MANAGERS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

2.13. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

11

Page 12: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

12

3. CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE . . 753.1. LA PROBLÉMATIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

3.2. LE PROJET «TRANSITION» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

3.3. LE CASE MANAGEMENT «FORMATION PROFESSIONNELLE» . . . . . 77

3.4. LES INITIATIVES CANTONALES ET COMMUNALES . . . . . . . . . . . . . 81

3.5. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

4. LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION

INTERINSTITUTIONNELLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 934.1. LE PROGRAMME «CII-MAMAC» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

4.2. LE MODÈLE «CII-MAMAC» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

4.2.1. LE RÔLE DES CASE MANAGERS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

4.2.2. DROITS ET DEVOIRS DANS MAMAC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

4.3. COLLABORATION ET COORDINATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

4.4. L’ÉVALUATION DU PROJET MAMAC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

4.5. PERSPECTIVES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

4.6. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

5. LE CASE MANAGEMENT DANS LE DOMAINE

DE LA PSYCHIATRIE : L’EXEMPLE VAUDOIS . . . . . . . . . . . . . . 1135.1. LA DÉSINSTITUTIONNALISATION DE LA PRISE EN CHARGE . . . . . 113

5.2. LE PROGRAMME «OF ASSERTIVE COMMUNITY TREATMENT»

(PACT) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

5.3. LA PROBLÉMATIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

5.4. LE PROGRAMME «SUIVI INTENSIF DANS LE MILIEU» (SIM) . . . . 116

5.5. LE PROGRAMME «TRAITEMENT ET INTERVENTION PRÉCOCE DANS

LA PHASE INITIALE DES TROUBLES PSYCHOTIQUES» (TIPP) . . . . 118

5.6. LE PROGRAMME «CASE MANAGEMENT DE TRANSITION» . . . . . . . 120

5.7. LE PROFIL DES CASE MANAGERS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

5.8. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

6. LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

DANS LE DOMAINE DES SOINS AIGUS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1256.1. CASE MANAGEMENT ET MANAGED CARE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

6.2. LE CASE MANAGEMENT DANS L’ASSURANCE MALADIE . . . . . . . . . 127

6.2.1. CASE MANAGEMENT ET CONTRÔLE DES COÛTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

6.2.2. LE RAPPORT AUX FOURNISSEURS DE PRESTATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . 131

6.3. LE CASE MANAGEMENT CHEZ LE FOURNISSEUR DE PRESTATIONS 133

6.4. DES RÔLES APPARENTÉS À CELUI DE CASE MANAGER . . . . . . . . . 134

6.5. PERSPECTIVES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

6.6. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

Page 13: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

7. CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE . . . . . . . 1437.1. LES SOINS DE LONGUE DURÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

7.2. LA NOTION D’INTÉGRATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144

7.3. EXPÉRIENCES INTERNATIONALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

7.3.1. LA SOLUTION QUÉBÉCOISE : LE RÉSEAU DE SERVICES INTÉGRÉS (RSI) . . 146

7.3.2. LE MODÈLE PRIVILÉGIÉ AUX ÉTATS-UNIS :

LA SOCIAL HEALTH MAINTENANCE ORGANIZATION (S/HMO) . . . . . . . . 150

7.3.3. ALLEMAGNE : LES PFLEGESTÜTZPUNKTE

(CENTRES D’INFORMATION ET D’ORIENTATION) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

7.3.4. LES «CLIC» FRANÇAIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

7.3.5. ROYAUME-UNI : LE RECOURS AUX COMMUNITY MATRONS . . . . . . . . . . . 154

7.4. LA SITUATION EN SUISSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

7.4.1. UNE PRESTATION QUI CHERCHE SON MARCHÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

7.4.2. LES RÉSEAUX VAUDOIS ET GENEVOIS DE SERVICES INTÉGRÉS . . . . . . . . . 159

7.5. PERSPECTIVES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

7.6. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

8. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169APPLICATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

OBJECTIFS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

BÉNÉFICES DU CASE MANAGEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

BONNES PRATIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174

ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177LISTE DES SIGLES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

GUIDE D’ENTRETIEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

TABLES DES FIGURES ET TABLEAUFIGURE 1 : LE CASE MANAGEMENT, UNE NOTION COMPOSÉE . . . . . . . . 22

FIGURE 2 : MODÈLE D’EFFETS D’UN PROGRAMME

DE CASE MANAGEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

FIGURE 3 : LE CIRCUIT D’INTERVENTION EN CONTEXTE . . . . . . . . . . . . 26

FIGURE 4 : LE CASE MANAGEMENT D’APPOINT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

FIGURE 5 : LE CASE MANAGEMENT À VOCATION UNIVERSELLE . . . . . . 31

FIGURE 6 : RÔLE ET FONCTIONS DU-DE LA CASE MANAGER . . . . . . . . . 35

FIGURE 7 : LE MODÈLE DU CASE MANAGEMENT CII-MAMAC . . . . . . . . . 99

FIGURE 8 : LA STRUCTURE DES COÛTS D’UNE CAISSE-MALADIE, 2000 . 127

TABLEAU 1 : LES MODÈLES GÉNÉRIQUES DE L’INTÉGRATION . . . . . . . . 145

13

Page 14: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 15: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

INTRODUCTION

Le case management1 renvoie à un champ conceptuel aux contenusinstables ainsi qu’à des pratiques hétérogènes. Les contours de ce dispositifde prise en charge individualisé mis généralement en œuvre quand le suivistandard n’apporte pas les résultats escomptés ne sont pas définitivementétablis.

Avec cet ouvrage, nous souhaitons prendre part au développement d’uninstrument encore en construction. Les questions qui ont conditionné notreapproche sont les suivantes : Comment le case management doit-il être envi-sagé, quelles caractéristiques doit-il réunir pour soutenir le travail despersonnes – usagers et usagères, aidant-e-s naturel-le-s, professionnel-le-s etcase managers – engagées directement dans les suivis ? L’ouvrage poursuitdeux objectifs. Nous avons d’une part cherché, sur la base de la littératuregénérale disponible, à faire valoir la spécificité du regard des personnes deterrain sur le case management ; d’autre part, nous avons voulu identifier lesapplications les plus marquantes mises en place en Suisse romande, pour lesinsérer dans leur contexte national ou international et mettre en exergue lesbonnes pratiques qu’elles recèlent.

Quelle que soit la réalité qui peut être subsumée sous ce terme, le casemanagement est sujet à des appréciations divergentes. Les uns y voient uneprocédure radicalement nouvelle, les autres, une reprise tout à fait banaledes démarches et procédés qui comptent de longue date au répertoire métho-dologique des professionnel-le-s du social et de la santé. Certains dénoncentune simple mode là où d’autres devinent l’un des pivots d’une réforme qui

15

1 Bien que l’usage le recommande pour les termes issus d’une autre langue, ceux de casemanagement et de case manager ne seront pas marqués par l’italique dans la mesureoù aucun équivalent français véritablement établi n’est encore disponible.

Page 16: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

pourrait marquer durablement le système de prise en charge sociosanitaire.Pour d’autres encore, il témoigne de l’avancée de l’État actif, alors que d’au-tres enfin le conçoivent comme un champ disputé au sein duquel s’articulentdes positions distinctes qui ne s’accommodent pas nécessairement d’unedépréciation de l’État social.

Ce travail s’inscrit, bien sûr, dans ce champ de tension. À nos yeux, le casemanagement n’est pas, a priori, l’instrument d’une réforme néolibérale dutravail sociosanitaire, pas plus qu’il ne s’agit d’un phénomène éphémère,promis à une disparition prochaine. Dès lors, il s’agit de montrer sous quellesconditions il peut satisfaire les exigences que les professionnel-le-s posent àleurs pratiques. En outre, nous admettons que le case management peut, selonla lecture qui en est donnée, être considéré comme un phénomène nouveau.Cela ne signifie pas que nous assumions que le procédé soit en soi novateur.S’il est réduit à sa dimension méthodologique, le case management n’amènerien d’essentiel que le case work, le plan de soin ou encore le coaching

n’apportent déjà. Son caractère novateur apparaît à condition d’y voir undispositif composite, dont la méthode n’est qu’une des dimensions.

Dans la perspective de ce travail, le case management est conçu commel’outil de l’intégration des services à la personne, du désenfermement institu-tionnel des usagers et des usagères, ainsi que du rapprochement de praticienset de praticiennes qui n’ont traditionnellement que peu l’occasion d’échanger.Par les catégories qu’il met à disposition, il s’affirme aussi comme un «analy-seur» des politiques institutionnelles qui sont menées dans des secteurs qui,pour une partie d’entre eux, ne sont habituellement pas mis en parallèle.

Avec cet ouvrage, nous proposons une approche « en contexte» du casemanagement, et ceci sur un double plan. Au plan théorique d’abord, car lecase management se présente comme un dispositif composé de trois dimen-sions – programmatique, structurelle/organisationnelle et méthodologique –,chacune d’elles n’étant intelligible que par son lien aux deux autres. Au planpratique ensuite, puisqu’il est approché dans le cadre des applications qu’iltrouve dans les secteurs de prise en charge les plus divers, suivant les inten-tions les plus variables.

Cet ouvrage s’appuie sur une enquête exploratoire menée en Suisseromande entre juin et septembre 2008 dans le but de produire un inventaire

16

Page 17: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

INTRODUCTION

des pratiques et des projets de case management implantés dans la région.Au total, 46 personnes ont pris part à 39 entretiens. Toutes étaient appeléesdans le cadre de leur activité professionnelle à mettre en place un case mana-gement ou à en appliquer les procédés. Une partie des répondant-e-s a étéapprochée par le biais du Réseau romand de case management, tandis quel’autre partie fut contactée sur proposition des expert-e-s rencontré-e-s dansla phase préparatoire de l’étude. Les personnes ainsi identifiées travaillaientdans l’un des cinq domaines de la santé, du social, de la formation profes-sionnelle, des assurances ainsi que de la gestion des ressources humaines(GRH). L’enquête a été complétée par une recherche documentaire qui apermis de collecter près de 700 titres – monographies, articles à caractèrescientifique et littérature grise essentiellement – de qualité par ailleurs trèsinégale.

L’ouvrage débute par Les bases conceptuelles du case management et uneprésentation des traits propres à la fonction de case manager. Les partiessuivantes présentent les applications les plus visibles en Suisse romande dudispositif. Dans le deuxième chapitre, Le case management et la réhabilitation

professionnelle des personnes en emploi, plus qu’ailleurs, parole est donnéeaux case managers. On y sent les certitudes et les hésitations de celles et ceuxqui sont en charge des suivis. Dans le troisième, Case management et forma-

tion professionnelle, comme dans le quatrième chapitre, Le case management

et la collaboration interinstitutionnelle, l’attention porte moins sur les per -sonnes de terrain que sur les programmes et les modèles qu’une étude de lalittérature grise, plus que toute autre source, a permis de dégager. Les troissections suivantes sont consacrées au domaine de la santé. Elles montrentainsi une unité que les parties précédentes n’ont pas. Le cinquième chapitre,Le case management dans le domaine de la psychiatrie, présente les applica-tions réalisées dans le domaine qui peut être considéré comme le berceau ducase management «moderne». Les exemples d’un case management inspirépar le managed care américain sont produits dans le sixième chapitre, La

mise en œuvre du case management dans le domaine des soins aigus. Enfin,avec le dernier chapitre, Case management et soins de longue durée, le casemanagement n’apparaît plus seulement comme un dispositif de prise encharge d’appoint, il se présente comme l’élément pivot d’un système de priseen charge universel. Précisons que les éléments bibliographiques figurent à lafin de chaque chapitre. Outre les textes cités, on y trouvera un choix des écritsmarquants pour le secteur considéré.

17

Page 18: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Nous saisissons l’occasion de cette introduction pour remercier chaleu-reusement toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ceprojet. Notre reconnaissance va d’abord aux personnes qui ont accepté derépondre à nos questions malgré un emploi du temps toujours chargé. Noustenons ensuite à remercier les expert-e-s qui ont bien voulu relire la partie decette étude relevant de leur domaine. Nous remercions aussi le Comité scien-tifique et le Bureau du Réseau d’études appliquées en politiques sociales, fami-liales et de la santé (REA), un outil de promotion de la recherche financé parla Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO). Sans leur soutienet leurs conseils, ce projet n’aurait pu être concrétisé. Nous sommes recon-naissants aussi envers l’évaluateur-trice anonyme de ses commentaires etsuggestions. Enfin, notre gratitude va aux membres de la première classe duCertificate of Advanced Studies en case management, un cursus de formationcontinue validé par la HES-SO préparant à l’exercice de la fonction de casemanager. Nombre d’idées et de thèses avancées dans cet ouvrage sont leurs.

Notre reconnaissance va également à Gil Meyer pour sa lecture attentivedu texte ainsi que pour ses remarques et ses conseils extrêmement précieux,à Séverine Holdener pour son travail de mise en forme patient et à SusyDucraux, responsable d’édition pour l’organisation de la publication.

18

Page 19: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

1. LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

Le case management est généralement présenté comme une méthode d’in-tervention particulière qui se distingue à la fois par la volonté explicite d’in-tégrer les prestations qui sont fournies au sein d’un réseau d’intervenant-e-spoursuivant des objectifs partagés, par le rapport privilégié et intensif qui liela personne chargée de la coordination de ce réseau à celle qui bénéficie dusuivi, ainsi que par le caractère systématique tant de l’accompagnement quedes procédures d’examen des résultats obtenus.

Le Réseau romand de case management le définit comme «un modèled’intervention personnalisée porté par un-e référent-e unique visant à assurerl’efficience, la transparence et le décloisonnement de la prise en charge parune coopération interinstitutionnelle, interprofessionnelle et communautaireétroite. Réservé au suivi de situations particulièrement complexes sélection-nées sur la base de critères prédéfinis, il est mis en œuvre dans de multiplescontextes avec des objectifs variés dans les domaines social, sanitaire, del’emploi et de la formation. » (Réseau romand de case management, 2008.)

Pour sa part, le Réseau de case management suisse alémanique y voit un«processus spécifique permettant de gérer les questions complexes relevantde l’action sociale, de la santé et des assurances. Dans un processus systéma-tique et coopératif, des prestations de qualité répondant aux besoins indivi-duels sont fournies afin d’atteindre de manière efficiente les objectifs etrésultats convenus. Le case management requiert une coopération interpro-fessionnelle et institutionnelle. Il respecte l’autonomie des clients et évite degaspiller les ressources dans les systèmes du client et des services de soutien.»(Netzwerk Case Management Schweiz, 2006.)

Ces définitions s’appliquent à saisir le case management au moyen dequatre paramètres essentiels : son champ d’application (le secteur des servicesà la personne), son indication (la complexité), la configuration du processus

19

Page 20: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

de suivi (une prise en charge individualisée, structurée avec précision, baséesur la coopération des parties en présence) et son résultat (des effets mesurableset démontrables centrés sur des objectifs). De cette manière, elles construisentle case management essentiellement comme l’art de conduire un cas complexe.

Relevant du même esprit, ces deux définitions trouvent leurs racines etleur légitimité principalement dans les travaux à caractère scientifiqueprésentés dès la fin des années 1980 en Europe du Nord – aux Pays-Bas eten Allemagne particulièrement – par des théoricien-ne-s qui, comme Wolf-Rainer Wendt (1997), Nora van Riet et Harry Wouters (2002), Peter Löcher-bach (2005) ou Manfred Neuffer (2007), sont proches du travail social oudont le nom, à l’instar de Michael Ewers et de Doris Schaeffer (2000), estattaché au travail infirmier.

C’est à ces précurseurs qu’il revient d’avoir adapté à la réalité institution-nelle, intellectuelle et politique du continent une littérature de provenanceanglo-saxonne qui est marquée notamment par les travaux australiens etcanadiens sur le disability management (maintien en emploi par suite d’unemaladie ou d’un accident, professionnel ou non) (INRGIT, 1995) et améri-cains sur le case management dans le domaine de la santé. En revanche, lalittérature disponible en langue française est rare, quand bien même leQuébec, si souvent innovateur en matière de prise en charge sociale et sani-taire, fasse, dans ce domaine aussi, figure d’exception. Toutefois, la discussiony est empreinte d’un contexte institutionnel différent du nôtre2.

Si les définitions qu’avancent les scientifiques diffèrent pour soulignerle caractère rationnel et économique de la prise en charge (Wendt, 2005),l’importance d’une mobilisation active des ressources de l’usager (Kleve et

al., 2003) ou encore la dimension éminemment relationnelle du suivi (Neuffer,2005), toutes s’accordent pour définir le case management d’abord commeun procédé, un modèle ou un concept d’action qui viendrait compléter le

20

2 La majorité des articles consultés sur la plateforme Érudit (www.erudit.org/apropos/info.html, accès du 30.06.2009), à laquelle sont associées les Universités de Montréal,de Laval et du Québec à Montréal, traite de la question du case management en relationavec la réorganisation des services médico-sociaux ou reflète des expériences dedémonstration.

Page 21: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

répertoire des méthodes d’intervention des différentes catégories de profes-sionnel-le-s appelées à le mettre en œuvre. Les assistant-e-s sociaux-ales nemanquent d’ailleurs pas de souligner sa parenté avec le case work et le travailde réseau, les infirmières avec le plan de soins et les psychologues avec lecoaching.

L’identification du case management à une méthode de suivi favorise sansdoute une mise en œuvre rapide de l’instrument. Mais sa portée heuristiqueest limitée. Une telle conception peine à montrer l’originalité d’un dispositifqui apparaît souvent aux professionnel-le-s comme quelque chose de relati-vement banal, qu’ils-elles pratiquent depuis longtemps, même si c’est sousune autre étiquette. Cette approche ne suffit pas non plus à saisir adéquate-ment la réalité que le concept recouvre. Le case management n’est pas unesimple procédure, pas plus qu’il ne se déploie dans les limites étroites durapport entre case manager et usager-ère ou n’est confiné à l’espace social,aussi étendu soit-il, que forme le réseau des aidant-e-s. Plutôt que de leréduire à une technique de suivi, nous le définissons comme un dispositifintégratif de prise en charge orienté sur un objectif d’intérêt général, recou-rant à un accompagnement personnalisé, cohérent et continu, coordonnépar une personne unique, appelée à renforcer l’autonomie de la personneusagère par une participation active de celle-ci ainsi que par la mobilisationde ses ressources.

Les notions de programme, de modèle et de processus permettent decerner plus précisément les contours de cet arrangement.

1.1. LES DIMENSIONS DU CASE MANAGEMENT

Le case management associe la volonté politique de soutenir un groupe depersonnes dans un but précis, un plan général d’organisation susceptible deconcrétiser ce dessein et un processus d’intervention apte à structurer lesépisodes de la prise en charge individuelle. La volonté politique qui sous-tendle case management est articulée dans son programme, les contours particu-liers du schéma d’application du programme sont spécifiés dans le modèle,tandis que le processus – qui, en raison de sa forme circulaire, est appelé« circuit d’intervention» – configure les rapports des personnes engagéesdirectement dans le suivi. Le programme renvoie à la dimension socio politique

21

Page 22: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

du case management, le modèle à sa dimension structurelle et le processusd’intervention en représente la composante méthodologique3. La figure 1propose une représentation synthétique de cette notion composée qu’est lecase management.

Figure 1 : Le case management, une notion composée

1.1.1. PROGRAMME

Tout case management est fondé sur un programme. La notion renvoie àl’ensemble des intentions présentées dans le but de provoquer ou de soutenirun ensemble cohérent d’actions liées à une population, des objectifs et desrésultats précis. Le programme peut être destiné à des publics variés tels quele personnel d’une entreprise, la clientèle d’un mouvement associatif, les affi-lié-e-s d’une assurance ou les résident-e-s d’une circonscription territoriale plusou moins vaste. Ainsi, selon son champ d’application, le programme poursuitdes objectifs d’intérêt local, régional ou national. Mais, au niveau qui est lesien, le programme interpelle l’ensemble de la communauté, qui, par le truche-ment des instances compétentes, est en charge d’en poser et d’en entériner lesbuts ultimes, ainsi que de libérer les ressources nécessaires à sa réalisation.

22

3 Le Netzwerk Case Management Schweiz distingue les niveaux normatif, stratégiqueet opératif du case management (www.netzwerk-cm.ch/index.php?id=55, accès du30.06.2009). Bien que certains parallèles puissent être établis, ces notions ont une autrevisée analytique.

Page 23: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

C’est par son programme que le case management trouve sens et légitimité.Sans lui, il est réduit à une simple technique de gestion appelée essentiellementà améliorer l’efficacité et l’efficience de l’intervention sociosanitaire.

Outre le public auquel il s’adresse, les objectifs qu’il poursuit et lesressources dont il dispose, le programme est caractérisé par l’appareil demesures qu’il met à disposition et par la théorie, souvent implicite, qui lesous-tend.

La théorie du programme vise à établir le lien causal entre les actions/mesures prévues, les changements que celles-ci sont à même de provoquer(output) et les effets que ces changements sont susceptibles d’induire(outcome). Le modèle d’effets, qui n’est autre qu’une visualisation de l’en-semble des effets attendus d’un programme, en est la pièce maîtresse. Lafigure 2 présente à titre d’exemple le modèle d’effets d’un programme de casemanagement appliqué au domaine de l’aide sociale.

Figure 2 : Modèle d’effets d’un programme de case management

Source : Haller, 2007.

Ce modèle d’effets attribue deux types d’impacts (output) au programme de

case management. D’une part, celui-ci agit sur la vie quotidienne des bénéfi-

ciaires par une stabilisation de leur état de santé psychique et physique, une

23

Page 24: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

amélioration de leur confiance en soi et l’élargissement de leur capacité d’action. Ces effets, qualifiés de subjectifs, parce qu’ils modifient essentielle-ment le rapport que les bénéficiaires entretiennent avec eux ou elles-mêmes,facilitent d’autre part un changement objectif de leur statut social par l’ob-tention d’une rente invalidité ou la prise d’un travail rémunéré par exemple.Cette seconde catégorie d’effets contribue à la réinsertion sociale et même àl’intégration professionnelle qui sont les objectifs ultimes (outcome) duprogramme. L’évaluation du programme consiste à mettre le modèle d’effetsà l’épreuve de l’empirie.

Les programmes de case management se distinguent d’abord par ledomaine de leur mise en œuvre. L’étude de la littérature, de même que lesinvestigations de terrain mettent en évidence l’importance croissante du casemanagement dans les champs de la réhabilitation sur le lieu de travail, de laformation professionnelle, de la collaboration interinstitutionnelle et de lasanté. Ils diffèrent également par la qualité des objectifs qu’ils poursuivent.Un programme peut se limiter à une meilleure coordination des prestations,un autre afficher une ambition curative. Il peut rechercher à accélérer la miseen place du suivi ou plutôt à stabiliser une prise en charge de très long terme.Il peut répondre à une demande explicite de l’usager-ère ou, lorsqu’il est de«bas seuil » permettre l’émergence de celle-ci. Enfin, les programmes se diffé-rencient par la finalité qu’ils servent au sein du système de prise en charge.Certains contribuent à son amélioration en facilitant l’accès aux services oula continuité du suivi, alors que d’autres, ouvertement destinés à un contrôledes coûts, participent à sa dégradation par une sélection sévère des bénéfi-ciaires de prestations.

1.1.2. MODÈLE

Le modèle désigne la structure, l’organisation, c’est-à-dire l’architecturegénérale du dispositif de case management. Il est conçu en conformité avecle programme dont il permet l’opérationnalisation. Le case management doit-il être rattaché à un organisme payeur ou plutôt à un fournisseur de presta-tions ? Dans le domaine de la santé, doit-il être implanté à l’hôpital ou plutôten amont, dans le secteur des soins primaires, ou, au contraire, en aval, dansle champ des soins communautaires ? Le suivi des jeunes personnes menacéesde rompre leur apprentissage doit-il être fourni par l’école professionnelle,

24

Page 25: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

les services d’orientation ou encore de psychologie scolaire ? Faut-il le confierà un-e pédagogue, un-e psychologue ou plutôt à un-e assistant-e social-e quisont au bénéfice d’une formation complémentaire en case management ?Quelles sont les tâches des case managers ? Sont-ils et elles uniquementchargé-e-s de la gestion du réseau (fonction simple) ou sont-ils et elles égale-ment appelé-e-s à fournir les prestations qui relèvent de leur champ profes-sionnel propre (fonction duale). Qui les emploie ? Sont-ils et elles salarié-e-sde l’institution mandante (case management interne) ou au service d’un orga-nisme indépendant (case management externe) ? C’est face à de tels choix quele modèle doit trancher.

Les modèles de case management sont caractérisés, en règle générale, parun suivi personnalisé et un-e intervenant-e unique – le ou la case managerprécisément – qui accompagnera le ou la bénéficiaire tout au long du proces-sus de prise en charge, de son entrée à sa sortie du programme. Mais ilspeuvent différer par leur position dans la chaîne de prise en charge, par leursattaches professionnelles et disciplinaires privilégiées ou encore par les fonc-tions portées par les case managers. Un même programme peut être traduitpar des modèles différents qui pourront faire l’objet d’une évaluation compa-rative. Il n’est pas rare que les modèles qui présentent des caractéristiquescommunes soient réunis dans une même catégorie générique. Ainsi, onregroupe les modèles de case management en fonction de leur ancrage insti-tutionnel dans la chaîne de prise en charge (primary care model, hospital-

based model, community-based model) ou de leur mode de financement(payer-based, provider-based) par exemple. Il arrive également que les carac-téristiques du programme soient à la base de ces typologies. Dans ce cas, lechamp d’application, la nature des effets qu’ils visent (clinical type, rehabili-

tation type) ou encore la finalité qu’ils poursuivent (client-focused type,

system-focused type ; advocacy type, gatekeeper type) par exemple, peuventservir de critères de regroupement (Huber, 2000). En 1994, on recensait ainsiplus de 250 modèles de case management (de Cangas, 1994, p. 76).

1.1.3. PROCESSUS

Programme et modèle sont indispensables à l’intelligence du travail des casemanagers. Pourtant, ils ne relèvent pas de leur champ de compétences direct.C’est au niveau du suivi interindividuel que les case managers interviennent.

25

Page 26: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Le processus d’accompagnement prend la forme générale d’une boucle derétroaction ponctuée de quatre à six étapes selon les sources (Kleve et al.,2003, p. 111 ; Wendt, 2006, p. 37). Ce « circuit d’intervention» (Ewers &Schaefer, 2000, p. 73) structure et calibre la relation du-de la case manager àl’usager-ère et, plus généralement, entre partenaires du réseau d’intervention.Il démarre par l’intake pour aboutir à la sortie du programme ou à un reas-

sessment, et donc à un nouveau passage dans la boucle. La figure 3 présentela version composée de six étapes retenue habituellement en Suisse et illustrel’articulation du circuit d’intervention avec le programme et le modèle.

Figure 3 : Le circuit d’intervention en contexte

1. Intake (accueil)2. Assessment (analyse)3. Planification/linking4. Mise en œuvre/monitoring5. Évaluation6. Sortie ou reassessment

L’intake – on parle aussi de phase d’admission ou d’accueil – consiste àexaminer si le ou la candidat-e satisfait les critères d’entrée posés par leprogramme. L’intake peut prendre deux formes distinctes. Lorsque lespersonnes usagères potentielles du programme sont connues4, il se présentecomme un triage. Celui-ci repose sur un entretien qui, selon le modèle, estmené par un-e case manager ou par un-e responsable hiérarchique duprogramme. Avant d’être invité-e-s à l’entrevue d’intake, les candidat-e-s ontgénéralement déjà fait l’objet d’une sélection conduite sur dossier uniquement

26

4 Les programmes mis en œuvre par les assurances ou les entreprises dans le cadre d’uneréhabilitation professionnelle sur le lieu de travail sont de ce type.

Page 27: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

par un-e gestionnaire qui se limite à appliquer mécaniquement des critèresde choix prédéfinis.

Lorsque le public auquel s’adresse le programme est difficilement identi-fiable, l’intake prend la forme d’un recrutement actif. C’est notamment le casdans le domaine psychiatrique où le trouble n’est pas nécessairement accom-pagné du sentiment d’être malade. Par conséquent, les candidat-e-s ne jugentpas, a priori, être concerné-e-s par des programmes qui sont pourtant conçusà leur intention.

Pris entre triage et recrutement, l’intake est une entreprise délicate.Lorsque le case management est refusé à une personne parce qu’il ne laisseespérer que des économies modestes, alors que, par ailleurs, il est indiscuta-blement indiqué pour elle, c’est le sentiment général de justice qui est mis àmal5. Et lorsqu’il lui est imposé contre son gré, c’est la liberté individuelle quiest atteinte (Williamson, 2002). Dans le premier cas, la solution consiste àreconnaître un droit formel au case management à quiconque en satisfait lescritères explicites d’admission, de sorte que l’issue de l’intake ne dépende pasdu bon vouloir du seul pourvoyeur de prestation. Dans le second, il fautsavoir convaincre l’usager-ère de l’intérêt que présente la démarche.

L’assessment a pour but de clarifier la situation des bénéficiaires. Il permetde cerner leurs problèmes et leurs besoins, d’identifier leurs potentiels et demettre en évidence aussi bien les relations porteuses que les liens de dépen-dance qui forment leur réseau social. Dans cette phase, le-la case managergénère toute information utile au suivi et formule les hypothèses sur les causespossibles des difficultés auxquelles l’usager-ère est confronté-e (Kleve et al.,2003, pp. 121-123). C’est également dans le cadre de l’assessment que les casemanagers spécifient les apports respectifs des usager-ère-s, de leur entourage

27

5 Le bureau de consulting «Koordination Schweiz» propose un système de triage basésur une échelle comptant un nombre maximal de 94 points. Il est recommandé de diri-ger vers un-e case manager l’assuré-e dont le score est de 21 points au moins. Touteschoses égales par ailleurs, les chances de bénéficier de l’appui d’un-e case manager sontd’autant meilleures que celui ou celle-ci est jeune, son salaire élevé et qu’il-elle a étéscolarisé-e dans le pays (www.koordination.ch/de/koordination-schweiz/expertensysteme/cm-triage, accès du 25.08.09).

Page 28: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

et des professionnel-le-s au sein du réseau de soutien qu’ils-elles coordon -neront. Les résultats de l’assessment sont consignés par écrit et communiquésaux personnes concernées. Le plan d’intervention est établi sur leur base.

La phase de planification vise à convenir des objectifs individuels du suivi,à définir les mesures susceptibles d’y conduire et à établir le lien avec les four-nisseurs des prestations retenues. Le suivi ambitionne rarement de répondreà l’ensemble des problèmes et des besoins dégagés dans la phase antérieure.Les case managers et les usager-ère-s déterminent conjointement les besoinsqu’ils-elles aspirent à satisfaire en priorité et assignent les objectifs correspon-dants au suivi. Ceux-ci sont spécifiques, mesurables, acceptés, réalistes etdoivent être atteints dans des délais définis (SMART). Objectifs, mesures etfournisseurs sont inscrits dans le plan d’intervention. L’ensemble des acteursqui figurent sur le plan forme le réseau d’intervention.

Une fois le plan établi, la personne en charge du case management se meten contact avec les membres du réseau (linking) et organise une conférenced’intervention. À cette occasion, elle convient avec chaque partenaire desformes de leur collaboration et de leurs responsabilités respectives. En prin-cipe, le ou la case manager est lié-e à chaque fournisseur de prestations parun contrat écrit. L’usager-ère prend également part à la conférence.

La quatrième étape du circuit d’intervention renvoie à la mise en œuvrecontrôlée du plan d’intervention. Dans le cadre d’un modèle de case mana-gement simple, le ou la case manager ne fournit aucune prestation particu-lière. Sa mission consiste à s’assurer de la mise en place effective des mesuresplanifiées, ainsi qu’à rassembler de façon systématique et continue les infor-mations relatives à l’étendue et à l’orientation des changements qu’engendrechacune d’elles (monitoring = observation continue). Il-elle est l’uniquemembre du réseau à disposer d’une vue d’ensemble du processus en cours.

Le ou la case manager s’assure régulièrement que les prestations sont four-nies conformément aux accords et que les mesures répondent effectivementaux besoins de l’usager-ère. Il-elle s’enquiert des résultats des mesures peucourantes, s’intéresse à leur efficacité, juge de la qualité de la coopérationavec ses partenaires et compare les ressources engagées au résultat. Il-elleenregistre tant les desiderata que les plaintes de l’usager-ère et en informe lesmembres du réseau concernés.

28

Page 29: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

Alors que le monitoring accompagne la mise en œuvre du plan d’inter-vention, l’évaluation intervient après son exécution (ex-post). Il s’agit d’uneappréciation fondée empiriquement de la conception du plan d’intervention,de sa réalisation et de son efficacité. L’évaluation sera l’occasion de comparerles objectifs du plan avec les résultats réellement obtenus, de juger de laqualité de la coopération entre partenaires et encore de mettre en évidenceles moments critiques de la prise en charge. Deux types d’objectifs sont misà l’examen dans cette phase, à savoir, d’une part, les objectifs individuels fixéslors de l’assessment, et d’autre part, l’objectif d’intérêt général posé par leprogramme. L’usager-ère pourra évidemment sortir du programme, lorsqu’ilou elle en a atteint l’objectif. En revanche, si les objectifs individuels sontatteints sans toutefois que l’objectif d’intérêt général ne le soit aussi, unsecond passage dans le circuit d’intervention peut être envisagé.

1.2. COMPLÉMENTARITÉ OU UNIVERSALITÉ DU CASE MANAGEMENT?

Le case management est de caractère auxiliaire quand il est a priori destinéà une minorité d’usagers-ères. C’est notamment le cas, lorsque sa mise enœuvre est réservée aux situations qualifiées de complexes, pour lesquelles laforme habituelle d’accompagnement est suboptimale ou parfois même inadé-quate. La grande majorité des projets de case management rencontrés enSuisse relèvent de cette catégorie. La complémentarité du dispositif invite àle penser en corrélation avec la méthode de suivi standard, plutôt qu’à leconsidérer isolément. Le case management apparaît alors comme une presta-tion particulière dans l’éventail des services offerts par une organisation. Lesorganismes susceptibles de proposer un case management peuvent être denatures très différentes, allant de l’association locale d’utilité publique à l’en-treprise internationale à forte valeur ajoutée. Avec les Health Maintenance

Organizations (HMO)6, il est fourni par une institution de financement dessoins. La figure 4 illustre les interactions entre un case management d’appointet les autres prestations apportées par le même établissement.

29

6 Une présentation succincte en est donnée au point 6.1.

Page 30: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Figure 4 : Le case management d’appoint

Le case management est, au contraire, un dispositif de prise en charge àvocation universelle lorsqu’il est proposé à la majorité des usagers-ères, géné-ralement dans le but d’intégrer les prestations fournies par des organismesqui n’ont habituellement que de rares points de contact. Il représente alors laforme courante de prise en charge. Les réseaux québécois de services intégrés,ainsi que les quatre « réseaux de soins» vaudois qui s’en inspirent, offrentl’exemple d’une application du case management de ce type7. La figure 5 endégage les caractéristiques essentielles.

Toute personne nécessitant les services du réseau est invitée à contacter leservice central de réception (guichet unique). Si sa requête est ponctuelle etlimitée, elle sera dirigée directement vers le fournisseur – centre hospitalier,service social, médecin indépendant – de la prestation requise. En revanche,lorsque la demande exige un suivi continu qui associe différent-e-s interve-nant-e-s, elle est orientée vers le programme de case management correspon-dant. L’usager-ère est alors pris-e en charge par un-e case manager qui s’assurede l’opportunité de son admission au programme dans la phase d’intake. Lesprogrammes complémentaires sont regroupés au sein d’une même « filière»8.

30

7 Voir chapitre «Case management et soins de longue durée» dans cet ouvrage.8 Le terme est emprunté aux réseaux de soins vaudois (voir partie 7.4.2).

Page 31: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

Les mesures retenues dans la phase de planification sont pour la plupartfournies par les institutions et les services administratifs qui forment le réseau.À la fin du processus, l’usager-ère peut quitter le réseau s’il-elle n’a plus besoinde son soutien. Selon la situation, elle peut refaire un passage dans le mêmeprogramme sur la base d’un reassessment. Il est possible également qu’elleintègre un autre programme ou qu’elle soit admise à long terme dans uneinstitution d’hébergement par exemple.

Les institutions qui composent le réseau sont généralement regroupéesdans une association de droit privé qu’elles financent, dirigent et gèrent. Lespouvoirs publics y sont également représentés. Le réseau dispose d’instancesde gouvernance (de pilotage) aux différents niveaux qui le composent.Chaque programme de case management est doté d’un dispositif de gestionpropre auquel les case managers sont associé-e-s.

Lorsqu’il est réservé à une minorité, le case management soulève inévita-blement la question de l’égalité de traitement entre usagers-ères. Celle-ci est

31

Figure 5 : Le case management à vocation universelle

Page 32: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

garantie pour autant que la mise en œuvre d’un programme destiné à ungroupe particulier de bénéficiaires n’exclue pas le développement deprogrammes adressés à d’autres publics. Pour les mêmes raisons, on renon-cera à financer un programme de case management par une ponction sur lebudget alloué à la couverture de la prise en charge courante, puisque l’amé-lioration de l’accompagnement des uns serait alors accompagnée de ladégradation du suivi des autres9. En matière de financement, de deux chosesl’une : soit le suivi par un case management est au moins aussi efficace pourle public visé que la méthode standard et son financement ne pose pas deproblème particulier, soit le programme cristallise une volonté politique et lesurcoût qu’il peut engendrer est justifié. Notons qu’il est difficile d’apporterl’évidence empirique de la plus-value économique du case management, dèslors que celui-ci est considéré comme une simple prestation de coordination(Hartmann & Harder, 2005).

1.3. LA NOTION DE CAS

Les termes de case management et de case manager sont malheureux.Ils suggèrent, en effet, que le dispositif vise à gérer des cas ou encore à administrer des individus. Il en va de même de l’appellation « gestionnairecas» qui s’est imposée au Québec bien qu’elle revête un «caractère péjoratif »(Boudreault & St-Onge, 2007, p. 20). Pour remédier à cette difficulté,certain-e-s auteur-e-s s’accordent pour dire que le case management portesur une situation (Morger, 2006, p. 99 ; Schmidt & Kessler, 2006, p. 195),d’autres y voient plutôt la gestion d’un processus (Harder, 2005). Mais,dans tous les cas de figure, il apparaît clairement que l’instrument n’est pasorienté sur une personne, mais sur sa condition.

À la suite de Wendt, il nous semble plus judicieux encore de concevoir lecas comme la correspondance entre les critères d’admission à un programmeet la situation singulière d’une personne (Wendt, 2006, p. 21). Dans cetteperspective, une situation individuelle est considérée comme un cas dès lors

32

9 Selon ses évaluateurs, c’est pourtant ce qui s’est passé avec le projet Mamac. Voir à cepropos la partie 4.4. dans cet ouvrage.

Page 33: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

qu’elle habilite la personne qui la vit à entrer dans un programme. Est, parexemple, un cas, la situation singulière qui ouvre l’accès à un programmeréservé aux chômeurs et chômeuses sans formation de moins de 25 ans habi-tant dans le district d’Yverdon, ou encore la situation individuelle qui satisfaitles critères d’un programme destiné aux femmes de plus de 75 ans ayantperdu leur mari dans l’année courante.

Afin d’éviter tout quiproquo, le terme de case manager est parfoisremplacé par celui de care manager. Au Canada et aux États-Unis, le-la casemanager investi-e dans la réhabilitation sur le lieu de travail porte le titre dedisability management coordinator, de return to work coordinator ou encorede health coordinator par exemple. Dans la psychiatrie québécoise, le titrede gestionnaire de cas «a été abandonné au profit de celui de “gestionnairede ressources”» sur la demande des usagers-ères (Boudreault & St-Onge,2007, p. 20)10.

1.4. RÔLE ET FONCTIONS DES CASE MANAGERS

La personne en charge du case management est essentiellement chargéed’accompagner l’usager-ère dans le circuit d’intervention. Son rôle consisteainsi à dégager les objectifs qui sont portés de concert par l’usager-ère, sesproches et les membres du réseau d’intervention, à établir le plan d’inter -vention, ainsi qu’à coordonner et à évaluer les prestations. À cette occasion,il-elle se fait tour à tour sélectionneur-e, évaluateur-trice, conseiller-ère ouplanificateur-trice. Selon le modèle, le-la case manager peut, en outre, êtrechargé-e de réaliser les mesures qui relèvent de son domaine de compétenceprofessionnel propre. Mais il-elle est surtout occupé-e à conserver à toutmoment une vue d’ensemble du processus de prise en charge.

33

10 En Suisse alémanique, les assurances maladie contribuent à discréditer le case mana-gement en développant des pratiques qui rappellent celles des assurances américaines.Dans un article de mars 2009, le Tages Anzeiger de Zurich rapporte les propos d’unecase manager astreinte par son employeur à réaliser des économies sur les prestationsaccordées aux affilié-e-s dont elle assure le suivi. Son revenu était lié à la réalisationdes objectifs financiers qui lui étaient donnés (Minor, 2009).

Page 34: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

La littérature nord-américaine prête généralement trois fonctions au-à lacase manager. Celles de gatekeeper (portier), d’advocacy (défense) et de broker

(courtier). En qualité de gatekeeper, le ou la case manager est chargé-e de sélec-tionner les prestations susceptibles de répondre aux besoins de l’usager-ère etd’aiguiller sa prise en charge dans l’environnement institutionnel. Il-ellecontrôle ainsi l’accès de l’usager-ère aux prestations des systèmes sanitaire etsocial. La fonction de gatekeeper repose sur l’assomption, qui est toujours sansévidence empirique assurée, qu’une entrée ordonnée dans le système de priseen charge permet d’en accroître la rentabilité11. Dans la pratique, le ou la gate-

keeper doit remplir des objectifs financiers, qui sont particulièrement contrai-gnants lorsqu’il-elle porte la responsabilité budgétaire du cas qu’il-elle conduit.

Par la fonction d’advocacy, le ou la case manager est tenu-e de prendreparti pour la personne dont il ou elle assure le suivi. C’est également danscette fonction qu’il-elle soutiendra les efforts de l’usager-ère à prendre person-nellement ses affaires en main.

Un courtier (broker) est un tiers qui prend le rôle d’intermédiaire entre unacheteur et un vendeur. Dans cette fonction, le ou la case manager se présenteavant tout comme un-e acquéreur-e de prestations qui agit au nom de son-saclient-e ou de l’institution qui le-la mandate.

En Europe, où les case managers sont plus que de simples consultant-e-s,ces trois attributions sont complétées par la fonction de support. Celle-citémoigne à la fois de l’intensité de la relation de suivi et de la proximité qu’en-tretiennent case manager et usager-ère. Le support repose sur les techniquesde coaching. Son but est d’appuyer méthodiquement l’usager-ère dans l’ins-tauration des dynamiques qui lui appartiennent.

Notons que dans les secteurs sanitaire et médico-social, le case managementpeut être identifié comme «une modalité de l’intervention psychosociale»(Kanter, 1989, p. 361). L’intervention du ou de la case manager recèle alors

34

11 Pour l’OFSP, il demeure « incertain» que les dispositifs de prise en charge basés unique-ment sur un gatekeeping tels que les réseaux de médecins «en valent la peine». Ce n’estque l’introduction de la responsabilité budgétaire du fournisseur par un paiement pros-pectif qui assure une réduction des coûts (Bundesamt für Gesundheit BAG, 2005, p. 42).

Page 35: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

une portée préventive, curative ou de soutien dans les tâches de la vie quoti-dienne. Le ou la case manager remplit ainsi une fonction clinique. Dans cettefonction, il-elle « s’intéresse à tous les aspects de l’environnement physiqueet social de ses patients, en particulier à leurs conditions de logement, leurstraitements médicaux, leurs soins, leurs droits, leurs moyens de locomotion,leur famille et leurs réseaux sociaux» (Kanter, 1989 , p. 361). Il lui revientnotamment d’intervenir en cas de crise, de demander un examen médical ouencore de solliciter l’hospitalisation d’un-e patient-e. Il-elle est membre del’équipe de soins et son intervention fait partie du plan de soins. Les modèlesde case management dual ou «mixte», qui conjuguent la fonction de coor-dination à celle de « l’intervention psychosociale » (Tourigny et al., 2002,p. 116) comprennent une dimension clinique. Pour cette raison, ils exigent leconcours de professionnel-le-s dûment préparé-e-s, infirmier-ère, travailleur-euse sociale ou psychologue pour la plupart.

La figure 6 illustre l’articulation du rôle et des fonctions du-de la casemanager.

Figure 6 : Rôle et fonctions du-de la case manager

Gatekeeper (portier)Advocacy (défense de l’usager-ère)Broker (courtier)Support (coaching)

Le gatekeeping est au centre de la première et de la dernière phase ducircuit d’intervention. Dans le cadre de l’intake, il a pour but d’examiner sile-la candidat-e remplit les conditions requises pour intégrer le programme,et, partant, si la situation de celui-celle-ci représente effectivement un cas pourle programme considéré. L’orientation qui sera donnée à la prise en charge

35

Page 36: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

lors de la sortie du programme relève également du gatekeeping. Mais, entreces deux bornes, ne sont exercées que les fonctions d’advocacy, de brokering

et de support (auxquelles peut éventuellement s’ajouter la fonction clinique).En effet, une fois le-la candidat-e admis-e dans le programme, le suivi doitêtre mené à terme dans les délais fixés par le modèle. Or, il est raisonnablede penser que le refus d’une prestation pour des raisons financières oubudgétaires peut le prolonger, et peut-être même compromettre sa réussite.Par ailleurs, l’assignation du gatekeeping au début et à la fin du circuit d’intervention rend moins pénible la gestion des fonctions de gatekeeper etd’advocacy qui, au quotidien, sont conflictuelles.

1.5. LES ORIGINES DU CASE MANAGEMENT

Bien qu’elle interpelle prioritairement les professionnel-le-s du secteurparticulier dans lequel elle est mise en place, la fonction de case manager esta priori ouverte à tous et toutes les professionnel-le-s, quelle que soit leurformation de base. On parle pour cette raison de l’« indifférence profession-nelle» du case management (Kühn, 2001, p. 36 ; Wendt, 2006, p. 27). Pour-tant, l’histoire du case management se présente parfois comme la tentatived’appropriation de l’outil par un corps professionnel particulier.

Envisagés sous l’angle du travail social, les débuts du case managementremontent à 1863, date de la création dans l’État du Massachusetts du premierBoard of Charities. Sur l’initiative de celui-ci, qui sera suivi par les Charity

Organization Societies, apparaissent les premiers services sociaux et sanitairesintégrés destinés à couvrir les besoins des nouveaux immigrants. L’outil estinscrit au répertoire des méthodes du travail social sur tout le territoire del’Union depuis les années 1920. Afin d’assurer l’ascendant du nursing sur lecase management, on se réfère plutôt au travail de Lilian Wald au sein du Henry

Street Settlement House à New York, lorsqu’on n’en appelle pas directementà l’autorité de Florence Nightingale (Ewers & Schaeffer, 2000, pp. 41-42).

La mise en place vers 1940 aux États-Unis du premier modèle qualifiéexplicitement de case management, ou encore l’introduction officielle de l’ap-pellation «case manager» en 1974 dans ce même pays peuvent également êtreconsidérées comme des jalons historiques importants. Il nous paraît néanmoinsplus fructueux, à la suite de Moxley (1989), Wendt (2008) ou Klug (voir :

36

Page 37: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

Löcherbach et al., 2005) d’associer le développement du case management àla réorganisation de la prise en charge sociosanitaire du début des années1970. Profonde, celle-ci marquera la fin de l’ordre politique et social de l’après-guerre établi en 1944 par les accords de Bretton Woods.

Les changements participent de deux courants distincts. Le premier s’ins-pire de la critique néolibérale de l’État social, qui, par ses visées égalitaristes,serait coercitif et tuerait l’initiative individuelle. Le second ne remet pas l’Étatsocial en cause, mais cherche, au contraire, à le renforcer en exigeant uneréduction de son emprise sur le-la bénéficiaire – qui doit être associé-e plusactivement au suivi – et en appelant à composer avec l’initiative du secteurinformel et du monde associatif.

Les deux politiques se rencontrent sur un point : la mise en question de l’iner-tie de l’appareil administratif et une méfiance profonde envers l’arbitrairebureaucratique. Et pour chacune d’elles, la réponse passe par une désinstitu-tionnalisation de la prise en charge. Mais le terme recouvre pour l’une et l’autredes significations différentes. Dans l’optique néolibérale, l’arbitraire bureaucra-tique ne peut être prévenu que par le retrait de l’État du secteur sociosanitaireet par une pénétration correspondante du marché. Dans la seconde perspective,il est conjuré par la transparence des pratiques et des fonctionnements institu-tionnels. Mais, au-delà de cette apparente convergence, les deux mouvementss’opposent sur l’essentiel, puisque les néolibéraux jugent que l’égalité socialeest une menace pour la liberté individuelle, alors que les tenants de l’ouvertureinstitutionnelle y voient le ferment de la cohésion sociale. Selon la manière dontil est décliné, le case management peut être mis au service de l’un comme del’autre de ces projets. Voyons maintenant comment ceux-ci le conditionnent.

1.6. LE CASE MANAGEMENT ENTRE ÉTAT ACTIF ET TRANSPARENCE INSTITUTIONNELLE

Quelle qu’en soit la forme concrète, l’État social met en jeu deux idéesfortes. La première est celle d’égalité de traitement. Ce principe demande quel’accès aux prestations soit garanti à tous les membres de la communautéaux mêmes conditions. La seconde soutient que la prise en charge sociosani-taire engage la responsabilité de l’État. Les produits appelés à satisfaire cetteobligation ont par conséquent le caractère propre aux biens publics : l’État

37

Page 38: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

en assure la disponibilité, leur financement est collectif et ils ne font pasl’objet d’un commerce.

Dans la perspective néolibérale, un État social qui vise la justice socialepar une redistribution des revenus « fatalement conduit à glisser vers un socia-lisme aux méthodes coercitives et essentiellement arbitraires» (Hayek, 1993,p. 259). Attaché à réduire le champ d’intervention de l’État et à dynamiser letravail d’une administration qu’il juge hypertrophique, le néolibéralisme érigel’entreprise privée en modèle alternatif. Celle-ci est la base de cet État «actif »ou « incitateur» qu’il s’applique à promouvoir.

Au niveau macroéconomique, l’État actif se distingue de l’État social parun champ d’activité étroit et spécifique, l’abandon des activités productives,un financement prospectif au travers d’un budget global, ainsi que par lasoumission des producteurs à une concurrence parfois véritable, parfois admi-nistrée (benchmarking). Au plan microéconomique, il est caractérisé princi-palement par une séparation des niveaux stratégique et opérationnel, uneventilation des décisions sur les différents niveaux hiérarchiques au moyend’une contractualisation des procédures et par une gouvernance par les résul-tats (Varone & Bonvin, 2004 ; Giauque, 2004).

Avec l’État actif, les prestations des institutions sociosanitaires sont, à l’ex-clusion d’un noyau de services de base aux limites incertaines, des biensprivés. Dès lors, elles peuvent non seulement être écoulées sur un marchésupposé en assurer la production et une allocation efficaces, mais elles ontégalement un prix. Sous ces prémisses, l’aide n’est plus inconditionnelle. Ellen’est octroyée que sur la base d’une contre-prestation du-de la bénéficiairequi consiste en sa participation engagée et résolue au processus de suivi.

Certains des traits distinctifs de l’État actif peuvent être relayés par le casemanagement (Galuske, 2007 ; Funk, 2009 ; Kleve, 2009). Ainsi, le transfertau secteur privé de la production des prestations sociosanitaires susceptiblesd’être rentables est soutenu par la mise en place d’un marché privé de casemanagement. Le case management s’inspire également de l’État actif lorsque,avec les notions de programme d’une part, de modèle et de processus de l’au-tre, il croit pouvoir séparer clairement les niveaux stratégique et opérationnel.Il s’y réfère aussi, quand il table sur une contractualisation normative despartenariats, quand il opte pour ces instruments d’une gouvernance par les

38

Page 39: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

résultats que sont le monitoring et l’évaluation ex post ou encore quand ilenvisage la motivation de l’usager-ère comme une condition formelle de l’oc-troi de l’aide. Mais c’est peut-être lorsqu’il est mis au service de la sélectionet du soutien des bénéficiaires les plus aptes, au détriment des autres usager-ères auxquel-le-s n’est consentie qu’une prise en charge de base, autrementdit lorsque sa mise en œuvre est dictée essentiellement par une optimisationdu rapport coût-bénéfice de l’intervention sociosanitaire, que le case mana-gement satisfait au mieux les attentes de l’État actif (Neuffer, 2009, p. 56).

Pourtant, le case management n’est pas en soi un instrument de l’État actif.Il peut aussi contribuer à réduire l’arbitraire des fonctionnements institution-nels dont l’État social n’est pas exempt. Il fait alors écho aux mises en gardenourries par la recherche – sociologique, historique, en médecine ou enpsychiatrie notamment – qui accompagne l’essor de l’État social dans lapériode de croissance de l’après-guerre. À ce propos, la notion d’institutiontotale avancée par Erving Goffman dans Asiles, un ouvrage publié initiale-ment en 1961, est centrale. Les travaux de Michel Foucault sur l’histoire dela folie, la naissance de la clinique ou sur le monde carcéral sont d’autresjalons importants de cette critique des pratiques institutionnelles (Foucault,1961, 1963, 1975). Michel Crozier, qui met en évidence les apories du fonc-tionnement organisé, participe également de cette mouvance. En 1963, cesociologue des organisations présente une étude du «phénomène bureaucra-tique». Dans L’acteur et le système (Crozier & Friedberg, 1977), il soulignel’importance des comportements informels dans les fonctionnements institu-tionnels. Pour leur part, les travaux de l’École de Chicago liés à la théorie dulabelling (Becker, 1963), l’étude de Goffman sur la construction sociale dustigmate (Goffman, 1963) ou encore les analyses de Foucault sur la sexualitéou le micropouvoir (Foucault, 1976) conduisent plus directement à question-ner l’apport des sciences sociales aux pratiques institutionnelles.

Ces considérations auront un impact diffus, mais sensible, sur les poli-tiques de prise en charge sociosanitaire. La volonté affirmée par l’Organisa-tion mondiale de la santé lors de la conférence tenue à Alma-Ata en 1978 dedévelopper les « soins de santé primaires» en est un exemple (OMS, 1978 ;Hours, 1992). Mais, c’est sans doute sur la réforme de la psychiatrie menéesur le continent nord-américain comme en Europe et le développement d’unepsychiatrie dans le milieu de vie que leur influence sera à la fois la plus directeet la plus durable.

39

Page 40: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Le case management peut contribuer à la transparence institutionnelle àtrois conditions au moins. D’abord, il doit faire sens aux yeux des personnesusagères. Dès lors, la participation active au suivi de ces dernières est fonda-mentale. Mais leur motivation ne peut être postulée a priori. Elle doit êtresuscitée dans un travail d’empowerment régulier, qui, selon les situations,sera mis en place préalablement à l’admission au programme. Ensuite, le casemanagement doit savoir conjuguer le formel et l’informel. Au niveau struc-turel, le case management compose avec le formel et l’informel au sens où,débordant le cadre strictement institutionnalisé, il sollicite le réseau social desbénéficiaires. Toutefois, l’appel au secteur informel ne vise pas ici à mobiliserles ressources, toujours gratuites, disponibles dans l’environnement despersonnes usagères, mais à promouvoir un regard extérieur et donc indépen-dant sur l’intervention professionnelle. L’association du formel et de l’infor-mel est nécessaire au plan processuel également, dès lors que le casemanagement, comme toute action organisée, doit compter avec des compor-tements aussi imprévisibles qu’inattendus de la part de chacun des membresdu réseau d’intervention. Aussi rationnellement et méthodiquement qu’il soitconduit, le case management engage des acteurs et actrices auxquel-le-s ilreconnaît une marge de manœuvre propre. Enfin, un case management capa-ble de renforcer le désenfermement institutionnel dépasse le morcellementinstitutionnel et professionnel pour envisager le suivi dans sa continuité.

En somme, lorsqu’il soutient la transparence des fonctionnements institu-tionnels, le case management se présente comme l’instrument de l’intégration,plutôt que de la gestion des prestations. Plus qu’un outil d’appoint, destiné àcomplémenter le suivi standard, il se propose comme le moyen universel– destiné à l’ensemble des usagers et des usagères – de la cohérence et de lacontinuité d’un approvisionnement individuel de plus en plus différencié.

1.7. CONCLUSION

Le case management est appelé à jouer un rôle croissant dans l’organisa-tion de la prise en charge sociosanitaire. C’est un instrument puissant, qui,mis au service de l’ouverture et de l’intégration de la prise en charge, peutcontribuer à un meilleur contrôle de l’arbitraire institutionnel, à l’améliora-tion des pratiques professionnelles et au renforcement de l’autodéterminationde l’usager-ère face aux organismes qui l’accompagnent.

40

Page 41: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

Mais son maniement est délicat. S’il est soumis à une rationalité écono-mique visant à satisfaire les objectifs financiers ou commerciaux d’uneinstitution particulière pressée de faire sa place dans un univers concur-rentiel, il apparaîtra comme l’outil d’une sélection sociale destinée àaméliorer le taux de retour sur investissements des capitaux engagés parses promoteurs. Il justifierait alors une inégalité de traitement entreusagers-ères pourtant doté-e-s des mêmes droits. Si, au nom de la respon-sabilité individuelle, il est mis en œuvre contre la volonté véritable de l’usager-ère, il n’en renforcerait pas l’autonomie, mais légitimerait sa miseau pas. Lorsqu’un-e candidat-e peut se voir refuser l’entrée dans un pro -gramme, sans qu’il-elle ne dispose d’un droit de recours, le case manage-ment contribue plus à l’opacité des fonctionnements institutionnels qu’àleur transparence. Et lorsque, sous prétexte d’un approfondissement descollaborations interinstitutionnelles, il favorise la création d’un-e usager-èrede verre sans plus aucun secret pour les institutions qui le-la suivent, ilpeut même corrompre cette volonté de désenfermement institutionnel dontil est un vecteur potentiel.

Ces écueils au développement du case management sont réels. Pour yrépondre, il n’y-a, semble-t-il, qu’un seul moyen : veiller au désenfermementdu case management même en invitant ses opérateurs à produire une totaletransparence sur la manière dont il est mis en œuvre.

1.8. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

ANTONOVSKY, A. (1993). Gesundheitsforschung versus Krankheitsforschung. InA. Franke & M. Broda (Eds.), Psychosomatische Gesundheit. Versuch einerAbkehr com Pathogenes Konzept (pp. 3-14). Tübingen : dgvt-Verlag.

ANTONOVSKY, A. (1987). Unraveling the Mystery of Health. How People ManageStress and Stay Well. San Francisco : Jossey-Bass.

ASSOCIATION SUISSE DES OFFICES DU TRAVAIL (AOST), CONFÉRENCE SUISSE DES

INSTITUTIONS D’ACTION SOCIALE (CSIAS), CONFÉRENCE DES OFFICES AI (COAI).(2004). La Collaboration interinstitutionnelle dans le champ de tension entrechômage, invalidité et aide sociale. Lucerne, Zurich, Stans. (www.cii.ch/ Dokumente/FR/Archiv/Grundlagenpapier/CII_prise_de_position.pdf, accès du27.07.2009).

BECKER, H.S. (1985/1963). Outsiders. Études de sociologie de la déviance. Paris :Métailié.

41

Page 42: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

BOUDREAULT, J.& ST-ONGE, M. (2007). L’évaluation des premiers mois d’implan-tation d’un réseau de services intégrés aux personnes âgées en perte d’auto-nomie. Service social, 53(1), 1-23.

BRUNELLE, A. (1988). Les programmes de « case management » : une descriptionsommaire. Santé mentale au Québec, 13(2), 157-161.

BUNDESAMT FÜR GESUNDHEIT BAG (Ed.). (2005). Managed Care-Modelle.Bestandaufnahme 2004. Bern : Bundesamt für Gesundheit BAG.

CROZIER, M. (1963). Le phénomène bureaucratique. Essai sur les tendancesbureaucratiques des systèmes d’organisation modernes et sur leurs relationsen France avec le système social et culturel. Paris : Seuil.

CROZIER, M. & FRIEDBERG, E. (1977). L’acteur et le système. Paris : Seuil.

DE CANGAS, J.P.C. (1994). Le «Case management » affirmatif : une évaluationcomplète d’un programme du genre en milieu hospitalier. Santé mentale auQuébec, 19(1), 75-91.

EGGER, M., MERCKX, V. & WÜTHRICH, A. (2010). Évaluation du projet nationalCII-Mamac. Rapport final. Rapport de recherche N° 9/10. Berne : EDI, DFI,OFAS.

EWERS, M. (2000). Case Management im Schatten von Managed care : Sozial-und Gesundheitspolitischen Grundlagen. In M. Ewers & D. Schaeffer (Eds.),Case Management in Theorie und Praxis (pp. 29-52). Göttingen : Huber.

EWERS, M. & SCHAEFFER, D. (Eds.). (2000). Case Management in Theorie undPraxis. Göttingen : Huber.

FOUCAULT, M. (1976). La volonté de savoir. Paris : Gallimard.

FOUCAULT, M. (1975). Surveiller et punir. Naissance de la prison. Paris : Gallimard.

FOUCAULT, M. (1972/1963). Naissance de la clinique. Une archéologie du regardmédical. Paris : Presses universitaires de France.

FOUCAULT, M. (1972/1961). Histoire de la folie à l’âge classique. Paris : Galli-mard.

FUNK, T. (2009). Theorie oder Praxis ? Typen der Case Management-Kritik. CaseManagement, 1, 8-14.

GALUSKE, M. (2007). Case Management und aktivierender Sozialstaat. SozialeArbeit, 11-12, 409-417.

GIAUQUE, D. (2004). Gestion des ressources humaines et modernisation des admi-nistrations publiques. In F. Varone & J.-M.Bonvin (Éds.), La nouvelle gestionpublique. Les politiques sociales (pp. 47-62). Bruxelles : Service social dansle monde.

GOFFMAN, E. (2010/1963). Stigmate. Les usages sociaux des handicaps. Paris :Minuit.

42

Page 43: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

GOFFMAN, E. (2007/1961). Asiles. Études sur la condition sociale des maladesmentaux et autres reclus. Paris : Minuit.

HALLER, D. (2007). Sozialräumliche Prozesse und Wirkungen aus Sicht derKlient/innen. Eine theoretische und empirische Analyse. In D. Haller, W.Hinte& B. Kummer (Eds.), Jenseits von Tradition und Postmoderne. Sozialraumo-rientierung in der Schweiz, Österreich und Deutschland (pp. 126-139). Wein-heim und München : Juventa.

HARDER, H.G. & SCOTT, L.R. (2005). Comprehensive Disability Management.Edinburgh : Elsevier.

HARTMANN, R. & HARDER, H.G. (2005). Möglichkeiten der Erfolgsmessung.Managed care, 2, 14-16.

HARVEY, J., GURSANSKY, D.& KENNEDY, R. (2001). Case management in Australia :application of Moxley’s scenarios. Care Management Journal, 3(2), 50-54.

HAYEK, F.A. VON (1994/1960). La constitution de la liberté. Paris : Litec.

HERRIGER, N. (2002). Empowerment in der Sozialen Arbeit. Eine Einführung.(2. Aufl.). Kohlhammer : Stuttgart.

HUBER, D.L. (2000). The diversity of case management models. Lippincott’s CaseManagement, 5(6), 248-255.

HOURS, B. (1992). La santé publique entre soins de santé primaires et manage-ment. Cahiers des sciences humaines, 28, 123-140.

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE GESTION DE L’INCAPACITÉ AU TRAVAIL

(INRGIT). (1995). Tous gagnent. La gestion de l’incapacité au travail sur lelieu du travail. Un guide pour établir un programme conjoint au travail. Victo-ria, BC : INRGIT.

KANTER, J. (1989). Clinical Case Management : Definition, Principles,Components. Hospital and Community Psychiatry, 40(4), 361-368.

KLEVE, H. (2009). Theorie und Praxis ! Weitere Typen der Case Management-Kritik. Case Management, 2, 85-88.

KLEVE, H., HAYE, B., HAMPE-GROSSER, A. & MÜLLER, M. (2003). SystemischesCase-Management : Falleinschätzung und Hilfeplanung in der Sozialen Arbeitmit Einzelnen und Familien - methodische Anregungen. Aachen : Kersting.

KÜHN, H. (2001). Integration der medizinischen Versorgung in regionaler Pers-pektive. Berlin : Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung.

LEEUW, F.L. (2003). Reconstructing program theories : methods available andproblems to be solved. American Journal of evaluation, 24(1), 5-20.

LEMAY, L. (2007). L’intervention en soutien à l’« empowerment ». Du discours àla réalité. La question occultée du pouvoir entre acteurs au sein des pratiquesd’aide. Nouvelles pratiques sociales, 1, 165-180.

43

Page 44: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

LÖCHERBACH, P. (2005). Case Management : Fall- und Systemsteuerung in derSozialen Arbeit (3. Aufl.). München : Reinhardt.

MASTRONARDI, P.& SCHEDLER, K. (1998). New Public Management in Staat undRecht. Ein Diskurs. Bern : Haupt.

MENSH, E. & LESSARD, M. (2001). Case management and pharmaceuticalcompanies. Why should we cooperate ? The Case Manager, 12 (5), 49-51.

MINOR, L. (2009). Fallmanagerin : «Bonus erhält, wer Geld spart ». Tages Anzei-ger, 5 März, p. 12.

MÖNKS, J. (1998). La nouvelle gestion publique : boîte à outils ou changementparadigmatique ? In M. Hufty, La pensée comptable : État, néolibéralisme,nouvelle gestion publique (pp. 77-89). Paris : PUF.

MORGER, W. (2006). Case Management und Unfallversicherung. In G. Riemer-Kafka, (Ed.). Case Management und Arbeitsunfähigkeit (pp. 99-109). Zürich,Basel, Genf : Schulthess.

MOXLEY, D.P. (1989). Case Management by Design. New York : Nelson-Hall.

MULLAHY, C.M. & JENSEN, D.K. (2004). The Case Manager’s Handbook (3rd ed.).Sudbury, Mass. : Jones and Bartlett.

NEUFFER, M. (2007). Case Management. Weinheim, München : Juventa.

NEUFFER, M. (2005). Case Management Soziale Arbeit mit Einzelnen und Fami-lien (2. Aufl.). Weinheim : Juventa.

NETZWERK CASE MANAGEMENT SCHWEIZ. (2006). Case management : Définition etstandards. (www.netzwerk-cm.ch/index.php?id=211, accès du 27.09.2010).

NINACS, W.A. (2008). Empowerment et intervention. Développement de la capa-cité d’agir et de la solidarité. Québec : Presses de l’Université de Laval.

ORDRE PROFESSIONNEL DES TRAVAILLEURS SOCIAUX DU QUÉBEC. (2006). Le travail-leur social, la travailleuse sociale gestionnaire de cas. Montréal.

OSBORNE, D. & GAEBLER, T. (1992). Reinventing Government. How the Entrepre-neurial Spirit is Transforming the Public Sector. Reading MA : Addison-Wesley.

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ. (1978). Les soins de santé primaires.Rapport de la Conférence internationale sur les soins de santé primaires,Alma-Ata (URSS), 6-12 septembre 1978.

RÉSEAU ROMAND «CASE MANAGEMENT». (2008). Préambule aux statuts du Réseauromand de case management. Document non publié.

RIET, N.V., WOUTERS, H. & HOF, T. (2002). Case Management : ein Lehr- undArbeitsbuch über die Organisation und Koordination von Leistungen imSozial- und Gesundheitsbereich. Luzern : Interact, Verl. für Soziales undKulturelles.

44

Page 45: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LES BASES CONCEPTUELLES DU CASE MANAGEMENT

SCHEDLER, K. & PROELLER, I. (2009). New Public Management (4. Aufl.) UTBfür Wissenschaft, 2132. Bern : Haupt.

SCHMIDT, H. & KESSLER, S. (2006). «Ability Management » – Erfahrungen ausder Schweiz. In W.R. Wendt & P. Löcherbach (Eds.). Case Management inder Entwicklung : Stand und Perspektiven in der Praxis (pp. 191-208).Heidelberg : Economica Verlag.

SPINDEL, P. (2008). Case Management from an Empowerment Perspective. AGuide for Health and Human Service Personals. Mississauga : Nu-Spin Publi-cations.

STARK, W. (mars 2000). Comment sortir de l’impasse ? Focus, 2, 6-9.

STARK, W. (1996). Empowerment. Neue Handlungskompetenzen in der psycho-sozialen Praxis. Freiburg in Br. : Lambertus.

TOURIGNY, A., PARADIS, M., BONIN, L., BUSSIÈRES, A. & DURAND, P.J. (2002).Évaluation d’implantation d’une expérience novatrice : le réseau intégré deservices aux aînés des Bois-Francs. Santé mentale au Québec, 27(2), 109-135.

VARONE, F. & BONVIN, J.-M. (2004). Regards croisés sur la nouvelle gestionpublique. In F. Varone & J.-M. Bonvin (Éds.), La nouvelle gestion publique.Les politiques sociales (pp. 5-17). Bruxelles : Service social dans le monde.

WENDT, W.R. (2006). State of the Art : Das entwickelte Case Management. InW.R. Wendt & P. Löcherbach (Eds.). Case Management in der Entwicklung :Stand und Perspektiven in der Praxis (pp. 1-42). Heidelberg : EconomicaVerlag.

WENDT, W.R. (2005). Case Management. Stand und Positionen in der Bundes-republik. In P. Löcherbach, W. Klug, R. Remmel-Fassbender & W.R. Wendt(Eds.), Case Management : Fall- und Systemsteuerung in der Sozialen Arbeit(3. Aufl.) (pp. 14-39). München, Basel : Reinhardt.

WENDT, W.R. (1997). Case Management im Sozial- und Gesundheitswesen. EineEinführung. Freiburg in Br. : Lambertus.

WIERSCHER-KYBURZ, C. (2005). Das Menschenbild des Case Managements. Aufwelchen anthropologischen Prämissen gründet diese Verfahrensweise ?Luzern : HSA.

WILLIAMSON, T. (2002). Ethics of assertive outreach (assertive community treat-ment teams). Current Opinion in Psychiatry, 15, 543-547.

45

Page 46: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 47: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

APPLICATIONS

Page 48: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 49: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

2. LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

DES PERSONNES EN EMPLOI

À la fin des années 1990, la question du maintien en emploi se pose avecune nouvelle acuité pour deux raisons principales. D’une part, le nombre depersonnes bénéficiaires de rentes connaît une croissance considérable : passantde 164000 en 1990 à 299000 en 2006, il augmente de plus de 80% en l’es-pace de 15 ans (OFAS, 2006, p. 104). Ce développement ne va pas sans greverle budget de l’assurance invalidité (AI), de la Caisse nationale suisse d’assu-rance en cas d’accidents (SUVA), des Caisses de pension, mais également desassurances privées qui, outre le domaine de l’assurance accidents, sont égale-ment actives dans le champ des assurances de droit privé, telles que l’assu-rance complémentaire à l’assurance accidents, l’assurance perte de gain (APG)(accident et maladie) et l’assurance responsabilité civile. D’autre part, il appa-raît avec une évidence croissante que la réinsertion est d’autant plus impro-bable que l’absence au travail est longue. L’Institut national de recherche etde gestion d’incapacité au travail du Canada estime ainsi que la probabilitéd’un retour au travail pour les employés frappés d’une incapacité est de 50%lorsque l’absence est de six mois, elle descend à 20% lorsque celle-ci seprolonge à une année et elle est réduite à 10% après une absence de deuxans (INRGIT, 1995, p. 3).

2.1. LA RÉORIENTATION DES PRATIQUES ACTUARIELLES

Ce double constat amène les parties intéressées à interroger les pratiquesactuarielles conventionnelles. Celles-ci conçoivent la prestation de l’assu-rance comme une compensation proportionnelle au dommage subi par l’assuré-e qui ne peut être accordée que sur la base d’une justification médi-cale de l’incapacité au travail. Les assureurs relèvent pourtant que les instru-ments mis à leur disposition par l’économie assurantielle classique (l’élévationdes primes, le plafonnement des prestations ou encore l’introduction d’un

49

Page 50: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

système bonus/malus par exemple) ne permettent pas d’influencer notable-ment le nombre de demandes de rentes (Albrecht, 2006). Pour leur part, lesassuré-e-s et leur représentant-e-s soulignent la nécessité d’une véritablecollaboration entre assureurs et assurés, seule garante d’un soutien qui, pourêtre efficace, doit être rapide et non bureaucratique. Ils-elles demandent unchangement de la culture assurantielle dominante qui est basée sur l’examenpointilleux, voire chicaneur, du bien-fondé des requêtes, plutôt que sur laconstruction d’un rapport de confiance avec le patient, sans lequel leschances d’une réintégration réussie sont grandement compromises (Schmidt,2004b, p. 30).

Face aux limites des outils classiques de gestion de l’incapacité de travail,une nouvelle conception de l’activité assurantielle est mise en avant qui,plutôt que de suivre un principe de compensation, postule un droit à prendrepart à la vie sociale. Dans ce contexte, ce n’est pas la réduction des presta-tions de l’assurance, mais la réintégration professionnelle qui apparaîtcomme le levier essentiel de la régulation du volume des demandes de rente.Cette réorientation de la pratique assurantielle demande une réforme desprincipes qui guident le travail de l’assureur comme de ceux qui fondent lecomportement de l’assuré. C’est tout d’abord le rapport réhabilitation/travailqui est modifié. Alors que l’approche classique formule le primat de la réha-bilitation sur le travail, une réhabilitation totale étant un prérequis à lareprise du travail, le travail est maintenant posé comme une composantemême du plan de réhabilitation : réhabilitation et travail vont de pair, ils sontsolidaires. Ensuite, l’approche de l’incapacité au travail est renouvelée.Désormais, handicap et invalidité ne sont plus liés à une personne, mais sontrelatifs à la situation (suboptimale) dans laquelle celle-ci se trouve. Ainsi, cene sont pas des états définitifs auxquels il faut savoir se résigner, mais dessituations transitoires susceptibles d’être modifiées par l’action conjointe desparties concernées.

2.2. LES PRINCIPES DU (DIS)ABILITY MANAGEMENT

Le case management est l’instrument concret de ce changement de pers-pective. Il repose sur deux principes essentiels. Une approche d’orientationsalutogénétique d’abord, qui met l’accent sur les ressources de l’assuré-e etnon sur ses déficits et qui considère handicap et santé non pas comme une

50

Page 51: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

alternative exclusive, mais comme les bornes d’un continuum dont chaquepoint associe handicap et santé dans des proportions différentes. Contraire-ment à l’approche pathogénétique, où la santé constitue l’état de référence,et partant l’état normal, la perspective salutogénétique voit dans la normalitéun assemblage entre handicap et santé variable selon les situations. Un prin-cipe d’activation ensuite, puisque le modèle sollicite l’implication active etautonome de l’assuré-e qui est lié-e contractuellement au processus de réha-bilitation.

Le suivi par un case management de personnes en emploi renvoie à ce qui,dans la littérature, est développé sous l’appellation de disability management.Afin de souligner l’orientation salutogénétique de la démarche, certainsauteurs préfèrent parler d’ability management (Schmidt & Kessler, 2006).

On distingue deux types de programmes de disability management. Ceuxqui sont destinés à des publics touchés par une pathologie ou une sympto-matique particulière, clairement circonscrite, relèvent de la première catégorie. Les programmes destinés aux victimes d’un traumatisme cranio-cérébral (TCC, coup du lapin) mis en place par la SUVA (Mäder, 2006) oules projets consacrés à la réhabilitation professionnelle de personnes atteintesde troubles psychiques (Reker et al., 1996 ; Hoffmann et al., 2004) en sontune illustration. Les programmes du second type ont en commun d’êtreconduits sur le lieu de travail. Mais, la cause de l’incapacité est d’importancesecondaire.

En outre, la distinction entre case management interne et case manage-ment externe revêt une importance particulière dans le cadre du disability

management. Dans le premier modèle, case managers et bénéficiaires ont lemême employeur. En revanche, lorsque le case management est confié à uneentreprise tierce, on parle de case management externe. Un case managementinterne n’est réalisable que pour les entreprises de grande taille. La règle d’oren la matière recommande un ou une case manager pour 1000 employé-e-s(Schmidt & Kessler, 2006, p. 198). Le case management interne soulève desproblèmes de confidentialité importants (Bauser, 2005). Pour être susceptiblede gagner la confiance des usager-ère-s, il doit reposer sur le libre consente-ment, proposer des mesures individualisées et lier les case managers au« secret de réhabilitation» (Reha-Geheimnis) (Schmidt & Kessler, 2006,p. 202).

51

Page 52: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Les premières expériences de disability management sont conduites enAustralie. Le programme ComCare mis en place en 1988 en est un exemple.L’Institut national [canadien] de recherche et de gestion d’incapacité au travail(INRGIT) contribuera notablement à son développement ultérieur. Plus connusous l’appellation anglaise de National Institute of Disability Managementand Research (NIDMAR), celui-ci est fondé en 1994 sur l’initiative de Wolf-gang Zimmermann, lui-même en situation de handicap à la suite d’un acci-dent. Les programmes de gestion de l’incapacité de travail mis en place par laville de Winnipeg et par la société papetière américaine Weyerhaeuser comp-tent parmi les réalisations exemplaires. En Europe, où l’introduction du disa-

bility management est plus tardive, le programme développé dans les ateliersde l’entreprise Ford à Cologne fut particulièrement remarqué. Il a été distinguéen 2004 du National Corporate Health Award. Aujourd’hui, le disability

management fait l’objet d’une recherche internationale intensive. Lecinquième congrès international réuni sous l’égide de l’International Forumon Disability Management s’est tenu à Los Angeles en septembre 201012.

2.3. LE (DIS)ABILITY MANAGEMENT EN SUISSE

La réhabilitation professionnelle sur le lieu de travail connaît un essorremarquable en Suisse également. En 2001, la première société indépendantede case management est fondée conjointement sous le nom d’Activita Care

Management AG par un collectif d’avocat-e-s spécialisé-e-s dans la défensedes patient-e-s et un groupe d’assurances. En 2003, la SUVA fait œuvre depionnière par l’introduction de son «nouveau case management» (Fankhau-ser, 2004). Cette année-là, on recense huit projets de disability management

(Hollenstein, 2003) qui, tous, sont implantés en Suisse alémanique.

Hormis quelques grandes entreprises privées, comme Migros, Manor(Bühler et al., 2006, p. 8) ou Siemens (Geisen, 2008) notamment, ce sontavant tout les grandes régies nationales telles que les CFF ou la Poste (Geisen,2005), les administrations cantonales et celles des grandes villes suisses aléma-niques qui se montrent innovatrices dans le domaine. Elles introduisent un

52

12 Voir : www.ifdm2010.com/news--media.html (accès du 4.10.2010).

Page 53: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

53

case management à l’intention de leur personnel principalement dans le butd’une meilleure gestion de l’absence de longue durée. En Suisse romande, leService du personnel du canton de Fribourg est, à notre connaissance, lepremier à se doter de cet outil13.

Les projets font l’objet d’une évaluation systématique. Les résultats duprojet pilote qui est conduit dans trois services de l’administration communalezurichoise (EMS, transports publics, parcs et promenades) sont accessiblesdès 2006 (Schmidt & Kessler, 2006, pp. 198-201). L’essai est probant et ledispositif est généralisé la même année. Le Service du personnel de l’adminis-tration cantonale zurichoise suit la même démarche avec tout autant de succès.Tirant le bilan de l’action menée en 2009, il peut conclure que pour un inves-tissement de 1,4 million de francs, les économies se montent à 5,2 millions defrancs par rapport aux années précédant l’introduction du case management.À cela s’ajoute encore « l’utilité sur le plan humain de l’offre» (Regierungsratdes Kantons Zürich, 2011).

Pour l’année 2008, le potentiel d’économie par le case management sur lesrentes versées suite à une maladie ou un accident est estimé, pour l’ensembledu pays, à 120 millions de francs pour un volume total de près de 13 milliardsde francs. Les économies s’élèvent en moyenne à 650000 francs par cas pourun investissement correspondant de 20000 francs. Le taux de réussite estapproximativement de 30% (Boston Consulting Group, 2010, pp. 9, 14).

2.4. LE CADRE LÉGAL

Sans entrer dans le détail14, rappelons que chaque employé-e est obliga-toirement affilié-e à une assurance accidents, ce qui lui permet de bénéficierde prestations en cas d’accidents ou de maladies professionnelles. Lorsqu’un

13 Voir : www.fr.ch/spo/fr/pub/spo_en_bref/sante/accompagnement.htm (accès du5.10.2010).

14 Pour cela, voir par exemple «Les assurances sociales au quotidien», 2009, édité parl’OFAS en collaboration avec l’OFSP et le SECO, ou encore les textes de loi régissantles diverses assurances (notamment la loi sur l’assurance accidents, LAA) composantle système suisse d’assurances sociales.

Page 54: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

54

événement entraîne une incapacité de travail totale ou partielle, l’assuré-e adroit à une indemnité journalière dont le montant dépend du taux d’incapa-cité de travail15 (mais représente au minimum 80% du gain assuré). Le droità l’indemnité journalière prend fin au moment où l’assuré-e a recouvré sapleine capacité de travail, quand une rente est versée ou en cas de décès. L’as-sureur agissant au titre de la LAA versera les indemnités journalières jusqu’àstabilisation du cas pour une incapacité de gain d’au moins 25%. Enrevanche, dans le cadre de l’assurance perte de gain en cas de maladie, lacouverture est limitée à 730 jours.

Si un accident ou une maladie professionnelle entraîne une invalidité totaleou partielle (atteinte permanente ou de longue durée de la capacité de gain),l’assuré-e bénéficiera d’une rente d’invalidité, dont le montant est fonction dutaux d’invalidité, mais n’est pas supérieur à 80% du gain assuré (en cas d’in-validité totale). Le droit à la rente commence lorsque toutes les possibilitésd’amélioration ou de rétablissement ont été épuisées (que ce soit via lesmesures de réadaptation de l’AI ou via la continuation d’un traitement médi-cal). Il prend fin si l’assuré-e récupère sa pleine capacité de gain, si la rente estremplacée par une indemnité en capital ou qu’elle est rachetée, ou en cas dedécès. Si l’assuré-e a droit à une rente de l’AI ou de l’assurance vieillesse etsurvivants (AVS), l’assurance accidents lui versera une rente complémentaire16.

2.5. LES OBJECTIFS DE L’ACCOMPAGNEMENT

Avec le case management, les assurances perte de gain accident et l’AIespèrent échapper au versement d’une rente. Pour les autres assurances(notamment les assurances perte de gain en cas de maladie), l’objectif consisteà éviter le paiement des indemnités jusqu’à épuisement du droit, généralement730 jours. Outre cette ambition évidente de réduction des coûts, le case mana-

15 Actuellement, la limite supérieure est fixée à 126000 francs par an, soit 346 francs parjour.

16 Voir les conditions d’octroi dans la législation sur l’AI disponible par exemple sur lesite de l’OFAS (http://www.bsv.admin.ch/themen/iv/00025/index.html?lang=fr, accèsdu 6.07.2009).

Page 55: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

55

gement doit également permettre de replacer les bénéficiaires au centre del’intervention :

«Donc je dirais que c’est un panache d’objectifs : il n’y a pas seulement unevolonté de réduire les coûts, comme on pourrait l’imaginer vu de l’extérieur,mais c’est vraiment une volonté de s’intéresser à l’assuré en tant que tel pourfavoriser sa guérison et son processus de réintégration, avec pour conséquencedes avantages pour tout le monde, au niveau de la réduction des coûts. Si onparle de réduction des coûts, elle profite dans un premier temps à l’assureur,parce qu’il dépense moins, mais ensuite ça profite aussi, disons indirectement,à l’employeur qui paie des primes et à l’assuré qui paie des primes. Globale-ment, tout le monde en profite. » (Responsable, APG – accidents 2.)

Les case managers sont soucieux-euses de prendre en compte de manièreplus large et plus compréhensive les différents aspects de la vie des bénéfi-ciaires ainsi que leurs besoins, tout comme, dans une certaine mesure (plusou moins limitée selon les prestataires), leurs attentes ou leurs désirs :

«Une fracture de jambe qui survient dans un environnement défavorable,socialement par exemple, ne va pas avoir les mêmes conséquences que si lamême fracture survient dans un environnement plus favorable. Après, il y ad’autres éléments : c’est évidemment la personnalité de l’assuré et l’environne-ment professionnel qui jouent aussi un rôle, mais de manière un peu plusstable. Dans la gestion qu’on appelle la gestion classique des cas, on tenaitrelativement peu compte de ces différents aspects. On se concentrait davantagesur les aspects purement matériels ou médicaux, les choses très concrètes rela-tives au cas. Le CM veut avoir une ouverture plus grande par rapport à cesdifférents facteurs, il veut tenir compte d’un environnement plus vaste. »(Responsable, APG – accidents 2.)

2.6. LE PUBLIC CIBLE

Le public susceptible d’être suivi par des case managers est formé depersonnes qui, pour des raisons de santé (physique ou psychique), ne peuventplus exercer leur profession, ou du moins plus au même degré (incapacité detravail partielle ou totale). L’objectif est de les réinsérer, ou mieux, de les main-tenir dans leur emploi en adaptant leur poste de travail ou en les autorisantà changer de poste à l’intérieur de l’entreprise (mobilité interne) ou encoreen leur permettant de trouver un poste adapté à leur situation chez un autre

Page 56: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

56

employeur (mobilité externe). Par conséquent, le potentiel d’intégration estun critère important pour juger de l’opportunité de la mise en place d’un suivide case management :

«Le potentiel de réintégration, c’est ce qui va faire qu’on décide de faire ducase management ou autre chose. Parce que s’il n’y a pas de potentiel de réin-tégration… […] Donc ce processus au fond peut s’arrêter à tout moment, s’iln’y a pas de potentiel de réintégration. Parce que l’entreprise qui investit5000 francs dans un case management veut un retour sur investissement, c’estclair. Donc, c’est pour ça que je dis que notre processus peut très vite s’arrêters’il n’y a pas de potentiel de réintégration immédiate. Parce que là, au momentde la première évaluation, l’entreprise a déjà dépensé 1000 francs. » (Casemanager, société privée de CM/conseil social en entreprise 1.)

Mais, il n’est pas toujours simple d’évaluer ce potentiel, l’évolution de lasituation ne pouvant généralement pas être prédite avec certitude :

«C’est toujours difficile pour moi de répondre à la question de commentévaluer le potentiel de réadaptation, parce que je trouve que c’est beaucoup aufeeling. En fait, on a des discussions de cas. […] Est-ce qu’il y a une adaptationde poste à faire, est-ce qu’on peut discuter avec l’entreprise ? Voilà, c’est vrai-ment étape par étape en fait. À chaque étape, tout peut s’arrêter. Mais l’impor-tant c’est d’avoir les versions de tout le monde pour pouvoir nous, étape parétape justement, prendre une décision.» (Case manager, APG – maladie 1.)

«Donc, on note l’âge de la personne, le montant de ce qu’on paie, la profes-sion, le diagnostic, le pronostic du médecin, et avec toutes ces informations –donc ça c’est le résultat, si on veut, de la discussion – on arrive à une conclu-sion, à une évaluation. Et souvent, une simple discussion avec le spécialiste etle case manager ne suffit pas à déterminer si le cas a un potentiel. Après ça, sion pense qu’il pourrait y en avoir, le case manager garde le dossier et fait deséclaircissements supplémentaires pour trouver cette réponse-là, en contactantle médecin d’entreprise, l’assuré, etc. C’est ça, la procédure qui est finalementtoujours la même. Donc ça, c’est documenté. Ce n’est pas en l’air, on retrouve.Tous les dossiers où il y a discussion de cas, on les retrouve, on sait pourquoiils ont été choisis. » (Responsable, APG – maladie 1.)

La question du potentiel de réintégration est capitale pour l’ensemble descase managers interviewé-e-s travaillant dans le champ des assurances. Ils’agit de l’un des paramètres pris en compte lors de la phase d’intake. D’autreséléments sont également considérés à ce moment-là. Il s’agit notamment de

Page 57: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

57

vérifier si les conditions d’assurance sont bien remplies, si l’assuré-e estmotivé-e et, surtout, de s’assurer du caractère complexe de sa situation. Cedernier point n’est pas envisagé de la même façon par tous les case managers.En effet, certain-e-s font clairement la distinction entre cas simples (ne faisantdonc pas l’objet d’un suivi en case management) et cas complexes, ces derniersayant généralement une forte probabilité de devenir rentiers :

«En LAA [loi sur l’assurance accidents], un cas devient complexe à partirdu moment où on parle de rente, on parle de suite. » (Responsable, APG –maladie 1.)

D’autres, qu’ils soient assureurs ou autres fournisseurs de case manage-ment, n’abordent pas la complexité en ces termes, du moins pas explicitement.Nombreux sont ceux qui tiennent un cas pour complexe dès lors qu’il est gérépar plusieurs personnes, à l’externe, mais aussi à l’interne. Quoi qu’il en soit,les bénéficiaires du case management présentent généralement une probléma-tique multifactorielle : ils combinent souvent des atteintes à la santé (psychiquesou physiques) avec des problèmes financiers (endettement, etc.), professionnels,familiaux et/ou sociaux. En conséquence, de nombreux-ses intervenant-e-sgravitent autour de la personne concernée, qu’il s’agisse de médecins généra-listes, de thérapeutes, d’assistants sociaux, d’avocats, etc. Ainsi, le travail du-de la case manager consiste pour une bonne part à coordonner tous ces acteurset actrices, à être un-e « facilitateur-trice» de la prise en charge :

«On fait appel à notre médecin-conseil, mais on fait aussi nous-mêmes appelau médecin traitant, au psychiatre, à l’AI, à IPT17, aux RH [ressourceshumaines]. Donc ça, ça fait que l’assuré et nous, on est au centre, et après onessaie de se coordonner justement avec tous les acteurs qui sont susceptiblesd’intervenir et de résoudre avec nous la situation de la personne assurée. »(Case manager, APG – maladie 1.)

«Notre rôle, c’est un petit peu d’essayer d’avancer avec tous ces acteurs, cesinformations, etc. Mais toute notre intervention vise l’intégration professionnelleet sociale. Sinon, pour nous, ce n’est pas du CM. […] Et notre intervention entant que case manager, c’est vraiment d’être en soutien du client et de faciliter

17 Intégration pour tous, une fondation spécialisée dans la réinsertion professionnelletravaillant avec des outils proches du case management.

Page 58: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

justement la coordination. Quand on fait l’évaluation, on essaie de réunir desinformations qui nous permettent de faire une photographie de la situation, maisaussi de voir toutes les ressources, les recommandations faites par les uns et lesautres et de voir comment le client peut reprendre un certain contrôle dans cessituations.» (Case manager, société privée de CM/conseil social en entreprise 1.)

«C’est vrai qu’il y a un terme que j’aime bien pour appeler [décrire] les casemanagers, on dit que ce sont des facilitateurs. Et c’est un peu ce rôle de coor-dination, de gestion finalement de tous les intervenants, de l’AI, du chômage,et de mettre l’assuré sur la bonne voie. » (Responsable, APG – maladie 1.)

2.7. LE FINANCEMENT DES MESURES

Dans le domaine des assurances, les case managers disposent d’un montantqui peut s’élever à plusieurs centaines de milliers de francs – cela varie selon lesassureurs – pour financer les mesures qu’ils ou elles considèrent comme néces-saires. En effet, lorsque l’enjeu est l’octroi d’une rente à vie, les ressources sontpratiquement illimitées, le montant cumulé de celle-ci fixant en quelque sortela limite supérieure de ce qui peut être dépensé par les case managers pour réin-sérer (ou maintenir) les bénéficiaires sur le marché du travail. Il représente d’unecertaine façon le montant global à disposition pour l’action du ou de la casemanager. De ce point de vue, on peut affirmer que plus la rente est élevée, plusle case management est rentable et par conséquent, plus la liberté des casemanagers (en termes de dépenses) est grande et plus l’efficacité économique ducase management est susceptible d’être démontrée. Par contre, par exemplelorsque la personne en charge du case management travaille dans le cadre d’uneassurance perte de gain en cas de maladie, un investissement supérieur à ce quecoûterait le paiement d’indemnités journalières pendant 730 jours semblerait,d’un point de vue purement économique, quelque peu absurde :

«Ça peut durer 10 ans un cas LAA. Chez nous, c’est maximum 2 ans, c’est730 indemnités. Donc on est beaucoup plus pressé par le temps et on a beau-coup moins les moyens financiers de le faire aussi, parce que c’est 730 fois lemontant de l’indemnité journalière, donc ce n’est pas beaucoup. En cas LAA,si on tient compte de la rente qu’il y a derrière, on est vite à un million. Doncils ont aussi plus les moyens d’investir. […] Si la personne gagne 20 francs parjour, on va moins perdre de temps que si elle en gagne 300, ça c’est biend’accord, mais de toute façon, la moyenne c’est autour des 100 – 150 francs,c’est assez stable. » (Responsable, APG – maladie 1.)

58

Page 59: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

«Quand on intervient en tant qu’assureur perte de gain-maladie, on nous donnepeu de cas à suivre en tant que case manager. Parce qu’en tant qu’assureur pertede gain-maladie, on doit payer 2 ans de prestations. Deux ans, ça passe extra-ordinairement vite et très souvent le gain qu’on peut faire, à part pour descadres supérieurs qui ont de très gros revenus, c’est plus du boulot social quede gagner de l’argent. Parce que finalement, qu’on paie le salaire pendant 2 ansou pendant une année et demie, mais qu’on ait payé un provider externe pourtrouver un boulot adapté et tout.» (Case manager, APG – accidents 1.)

Si les moyens engagés par les case managers peuvent être importants, l’ac-cès aux programmes de case management fait l’objet d’un contrôle sévère quise fonde prioritairement sur des considérations d’ordre économique et légalplutôt que sur le potentiel de réhabilitation véritable des usager-ère-s. Nousavons déjà pu souligner qu’un individu a d’autant plus de chances d’être inté-gré dans un programme qu’il est jeune et que son salaire est élevé18.

Il semble également que les personnes couvertes par l’assurance responsa-bilité civile ont de meilleures chances de se voir proposer un case managementque celles qui sont au bénéfice de l’assurance accidents, lesquelles, à leur tour,ont plus de chances d’accéder à cette prestation que les personnes couvertespar les autres assurances. Par ailleurs, il est plus facile pour une personne aubénéfice d’un contrat de travail d’être admise dans un programme que pourun-e candidat-e sans emploi (Schläppi, 2010). Ces critères très sélectifs contri-buent sans doute à assurer la rentabilité du case management.

2.8. LA CONDUITE DU CAS

L’application du case management dans le secteur assurantiel n’est pashomogène :

«C’est vrai que les pratiques du case management sont tellement différentes,les profils des case managers sont différents, c’est difficile de faire quelquechose d’uniforme pour tout le monde.» (Responsable et case manager, APG –maladie 1.)

59

18 Voir partie 1.1.3.

Page 60: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Certains opérateurs font même de leur modèle particulier un secret defabrique qu’ils gardent jalousement, ce qui ne va pas sans entraver l’échangeet freiner l’identification et la diffusion des bonnes pratiques. Au-delà de cesdifférences, tous les répondant-e-s se réfèrent explicitement au circuit d’intervention et aux étapes qui le composent. Après la phase d’intake, ilsprocèdent ainsi à un assessment du cas, en termes de ressources, demanques, d’obstacles potentiels, etc., assessment qui se fait en rassemblantdes informations auprès de toutes les personnes impliquées :

«Ces démarches-là partent toujours d’une récolte d’informations auprès desdifférents intervenants, l’assuré prioritairement, le médecin, l’employeur, çapeut être la famille, etc., ensuite une analyse, effectivement, et un retour, unediscussion avec l’assuré. » (Responsable, APG – accidents 2.)

Ensuite, sur la base de l’analyse de la situation, case manager et bénéfi-ciaire du suivi vont définir conjointement les objectifs à atteindre. C’est parla réalisation d’objectifs intermédiaires (à court terme) que l’objectif ultime,fixé par le programme (reprise du travail par exemple), peut être atteint :

«Donc on va fixer une ligne d’objectifs plus ou moins lointains, qui est enprincipe toujours la même : la réintégration dans le poste de travail, la guéri-son, la réadaptation si nécessaire, etc. C’est ça l’idée. Ensuite, dans les étapes3 et 4, on va faire en sorte de fixer des objectifs intermédiaires pour tendre aubut. » (Responsable, APG – accidents 2.)

Une fois les objectifs d’action définis, il s’agira de circonscrire une stratégied’intervention, à savoir de déterminer les mesures et les différents moyensnécessaires pour réaliser le résultat escompté. Cette planification permettrade suivre l’évolution du cas et d’opérer parfois quelques ajustements sicertains objectifs n’ont pas été atteints ou pas dans les délais souhaités.

Dans les situations idéales, les bénéficiaires peuvent reprendre une activitéprofessionnelle qui leur permet de subvenir à leurs besoins de manière auto-nome. Dans d’autres cas, ils ou elles sont redirigé-e-s vers une autre assu-rance qui prend le relais (notamment l’AI, voire l’assurance chômage). Maisle suivi en case management peut aussi être interrompu en raison du manquede collaboration ou de motivation de la part du-de la bénéficiaire (ce quipeut mener à des sanctions dans certaines assurances, notamment dans lecadre de l’AI).

60

Page 61: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

«En principe, quand je décide d’arrêter, c’est soit parce qu’il y a vraimentun manque de collaboration qui est établi, avéré, où la personne ne nie pasqu’elle ne veut pas, soit parce qu’on sait pertinemment – le médecin-conseilnous dit “Vous irez à l’épuisement des prestations” – que ça ne sert àrien d’ennuyer cette personne tous les mois, soit parce qu’on se rendcompte qu’on n’y arrivera pas, le temps passe et on voit qu’on n’y arriverapas. Pour moi, le principal avant de retourner le dossier à un gestionnaire,c’est d’avoir fait tout ce que je pouvais faire pour elle. » (Case manager,APG – maladie 2.)

Enfin, il est des situations qui restent définitivement sans solution, sansqu’une raison précise puisse être identifiée. L’usager-ère devient alors rentier-èreou doit se débrouiller par ses propres moyens (avec possibilité de recours àl’aide sociale) :

«Dans certains cas, on se donne beaucoup, on essaie de faire le maximum etmalheureusement on aboutit à des situations où on ne réussit pas à réadapterla personne, ça arrive aussi, on a quand même certains échecs avec certainsdossiers. » (Case manager, APG – accidents 1.)

Bien que le case management soit, en principe, basé sur un contact immé-diat entre l’usager-ère et le-la case manager, il n’est pas rare que celui-ci oucelle-ci conduise une grande partie du suivi, voire sa totalité, au moyen d’en-tretiens téléphoniques. Pratiquement, il se peut donc que l’assuré-e ne soitjamais rencontré-e de visu, bien que cela soit déploré par la plupart des casemanagers concerné-e-s. Le manque de temps paraît interdire une autre formede suivi. En effet, il n’est pas rare que la dotation de l’équipe de case mana-gement ne permette pas un suivi direct systématique de tous les cas dont celle-ci a la charge.

«Alors bon, on téléphone systématiquement à l’assuré et à l’employeur. Ça,c’est la base de notre travail. Moi, je dirais un petit peu malheureusement, onfait beaucoup par téléphone. Par rapport à l’organisation, il y a des choses àaméliorer et c’est vrai qu’aller à Saignelégier et après à Tolochenaz et après àNendaz, c’est difficile de faire tout ça en une journée à 80%. […] Ce sont deschoses qui dans l’idéal seraient bien et je pense que les gens s’impliquent plusquand on les voit. Je pense que la relation est différente. Maintenant, je suisquand même très surprise de tout ce qui peut se passer par téléphone, ce qu’onpeut déduire, sans que ce soit de l’ordre du fantasme.» (Case manager, APG– maladie 1.)

61

Page 62: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Les case managers expriment d’ailleurs souvent le sentiment qu’un suivisans contact direct avec les bénéficiaires ne correspond pas véritablement àdu case management :

«Au départ, j’étais assez fier de dire que j’étais case manager et j’avoue que jene le dis presque plus, parce que quand je vois, dans les caisses-maladie, cequ’ils appellent des case managers19, je trouve honnêtement qu’ils galvaudenttotalement le terme. En tout cas par rapport à nos critères à nous. » (Casemanager, APG – accidents 1.)

Pour cette raison, il n’est pas rare qu’ils-elles mettent un point d’honneurà rencontrer systématiquement les personnes en tête-à-tête, au moins une fois(en général pour le premier entretien), sinon à plusieurs reprises.

2.9. LIEN DE CONFIANCE, CONFIDENTIALITÉ ET ÉTHIQUE

La qualité de la relation est déterminante pour l’issue du suivi. Dès lors,l’établissement d’un lien de confiance entre le-la case manager et l’usager-èreest au centre des préoccupations de la plupart des personnes interviewées :

« Parce que, pour moi, c’est un besoin primordial pour faire mon travail.S’ils n’ont pas confiance, ça ne sert à rien, il faudrait renoncer. […] Pour moi,l’importance de se rencontrer face à face, c’est aussi pour avoir un lien deconfiance. […] Et je suis très très claire. Je leur dis que pour moi c’est impor-tant qu’on puisse se faire confiance et qu’on puisse se dire les choses agréa-bles à entendre, comme les moins agréables. Et c’est possible. En tous cas,dans les expériences que j’ai eues – on est d’accord, pas à 100%, il y a parfoisdes portes dans le nez – mais ça se passe bien. » (Case manager, APG – mala-die 2.)

«Mais, c’est vrai que déjà au premier téléphone, ce rapport de confiance ilfaut le créer. C’est clair qu’il n’existe pas du tout. Souvent, les gens ne saventdéjà même pas qui vous êtes, ce que vous faites, etc. » (Responsable, APG –maladie 1.)

62

19 Il est fait référence ici au case management administratif pratiqué par certaines caisses-maladie. Dans ce cadre, le-la case manager travaille exclusivement sur dossier.

Page 63: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

Le respect de la confidentialité est une des clefs de voûte de ce lien deconfiance. Toutefois, certaines informations doivent pouvoir être échangéesentre les divers intervenant-e-s du réseau, pour permettre une collaborationfluide entre eux-elles et, partant, un suivi continu et efficace. Ici, la protectiondes données impose des limites claires. Leur transmission fait l’objet d’uneautorisation explicite, signée par le-la bénéficiaire, qui, selon l’opérateur, peutêtre formulée par l’usager-ère lui-elle-même :

« […] il faut une procuration de l’employé – qui peut être annulée à toutmoment – pour pouvoir échanger les informations avec les autres partenairesde la réinsertion. L’employé peut participer à la formulation de la procurationselon les situations … » (Case manager, société privée de CM/conseil social enentreprise 1.)

Ce point est primordial notamment dans les cas où l’employeur financeles services du ou de la case manager pour l’un-e de ses employé-e-s. En effet,celui-ci pourrait désirer des informations précises sur le plan d’intervention,les mesures réalisées et leurs résultats. En fait, les informations transmisessont succinctes. Soulignons ici que les personnes rencontrées n’ont jamaismentionné le cas d’un employeur ayant exigé de plus amples informations :les entreprises semblent jouer le jeu. Il n’en demeure pas moins que la questionde la confidentialité reste délicate :

«Mais c’est vrai que cette posture est toujours difficile, c’est clair. Ça pose desquestions éthiques à tout moment. Qu’est-ce qu’on va communiquer? Qu’est-cequ’on ne communique pas? Si on s’aperçoit qu’il y a une problématique familialetrès importante qui est un facteur sur lequel il n’y a pas de possibilité d’agir etque ça peut générer une absence de très très longue durée, est-ce qu’on va lecommuniquer à l’entreprise ou pas? Des questions comme ça, c’est très délicat.En principe, on ne va pas le communiquer. Mais, on doit quand même commu-niquer notre pronostic général : c’est qu’il n’y a pas de potentiel de réintégrationimmédiat.» (Case manager, société privée de CM/conseil social en entreprise 1.)

«Avec le médecin, l’information est pratiquement naturelle, puisqu’il nousdonne les informations. Mais, on ne va pas faire un message. L’information sefait spontanément par le fait que le cas se boucle, les différents intervenantssavent ce qui s’est passé, guère plus. On ne peut pas effectivement transmettredes documents, des informations de ce type. Mais par exemple l’employeur, àun moment donné, il saura que le cas est bouclé par une rente, et puis voilà.Ça s’arrête là. » (Responsable, APG – accidents 2.)

63

Page 64: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

2.10. LE CASE MANAGEMENT, UNE NOUVEAUTÉ?

Le case management est souvent présenté comme un mode d’interventionnovateur. Cependant, les case managers rencontré-e-s sont peu nombreux-sesà lui reconnaître une réelle plus-value. À leur sens, ce terme inédit désigneune pratique qui se distingue à peine du travail de l’assistant-e social-e :

«Pour moi, c’est un travail d’assistant social. Ce n’est pas quelque chose denouveau. On n’a pas inventé. […] Ce n’est pas une révolution ce CM. Lesassistants sociaux ont l’impression de faire ça depuis longtemps. C’est ça quiest un petit peu dérangeant. » (Case manager, société privée de CM/conseilsocial en entreprise 1.)

Même en s’intéressant activement au concept de case management,certain-e-s professionnel-le-s peinent à lui reconnaître des contours propres.Plusieurs se demandent si ce n’est pas juste une question de mode, ce quiserait corroboré par le maintien du terme anglais :

«On voulait [en participant à un cours sur le sujet] un petit peu comprendrequ’est-ce qu’ils entendaient par CM, parce que j’ai l’impression que c’est unmot un peu fourre-tout : tout le monde fait du CM, sans savoir qu’il en fait.Et nous en fait, on se rendait compte que le CM c’est tout simplement lagestion de cas – je n’aime déjà pas trop le mot – individuels et c’est de mettreeffectivement la personne au centre du dispositif, de voir un petit peu quelssont les réseaux ou les possibilités, de mettre en place des objectifs et d’essayerde trouver des solutions pour la personne. Afin que la personne soit aussi unpeu moteur du processus. Moi je pense que les bons travailleurs sociaux enont toujours fait, en tout cas en individuel, il ne me semble pas qu’il y ait euune révolution. Maintenant, c’est peut-être au niveau des termes que peut-êtreça en jette un peu plus, je ne sais pas. » (Case manager, société privée deCM/conseil social en entreprise 2.)

Pour d’autres professionnel-le-s encore, le case management témoigne dudésengagement des entreprises en matière de maintien en emploi et de réin-sertion professionnelle. Il vient remplacer un savoir-faire comparable que lesentreprises mettaient elles-mêmes en œuvre avant qu’elles ne changent depolitique et externalisent systématiquement le suivi de leurs employé-e-s ensituation de handicap pour en laisser la charge à la communauté :

«Comme le CM, c’est un mot dont on ne parlait pas il y a de nombreusesannées. Disons que le CM existait, mais simplement on l’a détruit dans les

64

Page 65: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

ressources humaines et on l’a appelé case management, baptisé comme ça entrouvant que c’était un grand mot magique. Mais, il existait il y a 10-15 ansen arrière dans les RH et on a détruit ce savoir-faire. Donc ce sur quoi vousfaites là votre enquête, il y a 15 ans en arrière, on le faisait déjà mais avec d’au-tres mots et d’autres outils. C’est ce qui a été détruit et qu’on doit reconstruiremaintenant. Donc il n’y a rien de nouveau dans ce CM. Simplement, avec larationalisation des RH, on a supprimé tout ce qui était soutien de ce type auxgens dans les sociétés, en pensant que ce n’était plus l’affaire de l’entreprise.Et maintenant, c’est une mode qui revient. Les gens sont très mal à l’aise quandje parle comme ça, parce que ça détruit un peu cette image nouvelle du CM.C’est comme les assistants sociaux, ils ont l’impression que c’est leur boulotde tous les jours. Bon, il y a des nouveaux outils qui sont bien. On va parlerd’évaluation, d’assessment, tout ça c’est vrai que ça ne se faisait pas sous cetteforme, mais le suivi des gens malades, il y avait quand même dans les grandesentreprises des organisations, des unités qui ne faisaient que ça. Et ce sont deschoses qui ont été abandonnées, vu la compression des coûts. Alors maintenanton reprend ça sous une forme différente, peut-être plus professionnelle, maisqui n’est pas révolutionnaire, loin de là. » (Responsable, société privée deCM/conseil social en entreprise 3.)

Ainsi, le case management est tantôt considéré comme un mode d’inter-vention tout à fait ordinaire, tantôt comme une pratique nouvelle, pour lemoins par certains de ses aspects. Quoi qu’il en soit, il ne suffit pas de renom-mer une pratique établie pour introduire le case management. La mise enplace du dispositif est le fruit d’une décision explicite, méticuleusement moti-vée, qui n’est pas dénuée de risques :

«Alors oui, effectivement. On a décidé de mettre en place le case managementcomme type de prise en charge parce qu’on a répondu à une demande. Maisje dirais qu’avant, on a fait des essais. Avant d’établir un concept qui tienne laroute et de trouver notre voie, on a eu des idées, on a essayé de les appliquer,on a essayé de voir comment on réagissait, on a essayé aussi de s’adapter parrapport aux besoins de nos clients. Donc oui, sur le fond, on a réagi à unedemande. Maintenant, on s’est posé la question pendant longtemps decomment répondre à cette demande.» (Responsable, APG – maladie 1.)

2.11. LA COLLABORATION AVEC L’ASSURANCE INVALIDITÉ

L’AI est un acteur central avec lequel les case managers occupé-e-s àla réinsertion professionnelle sur la place de travail sont régulièrement

65

Page 66: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

amené-e-s à traiter. Une bonne collaboration entre ces acteurs est essentiellepour assurer la cohérence de la prise en charge et la continuité du soutien :

«Si l’AI prend en charge, s’il y a déjà un suivi, on essaie d’accélérer les choseset si possible aussi de faire en sorte que nos IJ [indemnités journalières] soientversées jusqu’à telle date et qu’ensuite l’AI prenne peut-être le relais. Ça, cesont des choses que l’on peut négocier pour faire en sorte qu’il n’y ait pas detrou financier pour la personne et qu’elle puisse, après, bénéficier des mesuresde l’AI si tel est le cas, ou du chômage, ou des deux si l’AI ne s’est pas encorepositionnée.» (Case manager, APG – maladie 1.)

Le case management est intégré à la détection précoce (DP) et, plus encore,à l’intervention précoce (IP). Ces mesures représentent les principalesnouveautés de la cinquième révision de la Loi sur l’assurance invalidité quiest entrée en vigueur en janvier 2008 (OFAS, 2007 ; Bigovic-Balzardi, 2009).Avec la DP, toute personne en incapacité de travail depuis au moins 30 jourspeut faire l’objet d’une « communication». Hormis la personne concernée etses proches, l’employeur ainsi que les assureurs accidents et les assureurs d’in-demnités journalières en cas de maladie sont habilités à faire une telleannonce, qui, précise-t-on, n’est pas une demande AI. Pour sa part, l’IPpermet d’appliquer une série explicitement définie de mesures de réadaptationsans attendre qu’il ne soit statué définitivement sur l’invalidité du ou de labénéficiaire. Son objectif consiste à « favoriser la réadaptation et la réinsertionsocioprofessionnelle et éviter ainsi l’octroi d’une rente». La durée de l’inter-vention « s’étend sur les six mois suivant la demande [de prestation AI]», etles étapes du circuit d’intervention structurent une mise en œuvre basée sur«un entretien d’évaluation (assessment) avec la personne assurée, le caséchéant avec l’employeur ou d’autres partenaires (assurance chômage, aidesociale, assurance perte de gain, etc.). Cette évaluation aboutit à un plan deréadaptation.» (Centre d’information AVS/AI, OFAS, 2007, pp. 2-3.)

Contrairement aux autres opérateurs, l’AI est autorisée à mettre en placedes mesures susceptibles de soutenir ses assuré-e-s lorsqu’un changement d’em-ployeur est inévitable. Par conséquent, les assureurs privés et les autres four-nisseurs de case management la sollicitent lorsqu’une adaptation ou unchangement de poste au sein de l’entreprise sont exclus. L’IP donne accès àdes ressources supplémentaires et ouvre la porte à de nouvelles collaborations :

«Vu qu’on n’a pas de budget vraiment pour autre chose que des indemnitésjournalières, on essaie, si on a des idées, de faire appel aux moyens de l’AI,

66

Page 67: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

aux moyens de formation dans les mesures d’intervention précoce, pour payerun cours ou une analyse ergo, des choses comme ça. Et c’est comme ça qu’ony arrive. » (Case manager, APG – maladie 1.)

«Mais, où je vois la pertinence d’annoncer la situation à l’AI, c’est lorsqu’onestime que pour renforcer le potentiel d’intégration, un employé pourrait éven-tuellement être orienté vers une mesure d’entraînement au travail. Alors l’AIva évaluer de son point de vue, avec ses critères, cette situation. […] Ou, s’iln’y a pas du tout de potentiel de réintégration dans l’entreprise en question,d’annoncer la situation à l’AI et de s’interroger dans quelle mesure l’AI pourraitproposer des mesures d’orientation professionnelle, de réadaptation profession-nelle.» (Case manager, société privée de CM/conseil social en entreprise 1.)

Il n’en demeure pas moins que l’entrée en vigueur de la cinquième révisioncontraint à repenser en profondeur les termes de la division du travail entrel’AI et ses institutions partenaires.

«Moi, je dirais que notre priorité, c’est vrai que c’est un changement de posteà l’interne, ou une adaptation du poste. Si ça c’est possible, on n’annoncemême pas le cas à l’AI. À partir du moment où ce n’est pas possible, on faitdéposer une demande.» (Responsable, APG – maladie 1.)

«Le premier mois de détection précoce, il est fait par nous. Et on conseille juste-ment aux entreprises de ne pas faire cette communication, ce petit formulaire,cette annonce en fait qu’ils ont la possibilité de faire maintenant depuis cetteannée, mais de nous avertir nous. Et nous après on regarde du point de vuemédical, du point de vue entreprise, du point de vue capacité résiduelle, qu’est-ce que la personne peut faire, a envie de faire, est motivée […]. Tout ce travail,on le fait nous et après, si vraiment au bout du troisième mois, on voit qu’onn’arrive plus, enfin ce n’est plus dans nos cordes, on dit “On vous conseille defaire la demande de prestations AI”, donc le formulaire, la demande de presta-tions habituelle, qu’on envoie ensuite à l’AI avec une procuration. Et après, onfait un mail où on avertit les personnes de l’AI, nos personnes de référence,pour dire “Vous allez recevoir tel dossier, on est aussi dans la course, on a telleou telle info, je peux vous dire que l’employeur veut le garder”, enfin des chosescomme ça. Donc ça fait accélérer les choses de ce côté-là. Après la balle est dansleur camp […]» (Case manager, APG – maladie 1.)

Le dispositif d’intervention précoce oblige également à reconsidérer lepartage des compétences et des responsabilités entre l’AI et les autres acteursengagés dans le champ du disability management.

« […] nous pourrions très bien dire “Ben on ne fait plus de CM” et finalementannoncer à l’AI tous les cas à partir de 30 jours. Le problème c’est qu’en

67

Page 68: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

pratique, ce n’est pas possible, ils ne vont pas pouvoir traiter les cas aussi bienque des case managers à l’interne qui peuvent causer avec les gestionnaires,qui connaissent les entreprises, qui ont des relations suivies avec les RRH[responsables des ressources humaines]. Il n’y a rien qui peut remplacer ça.[…] Donc ce travail de DP [détection précoce], on estime pouvoir le faire. Parcequ’on connaît notre assuré, on a le dossier avant eux. Donc, nous allonsjusqu’au dépôt de la demande en fait. Et on estime que lorsqu’on dit à lapersonne de déposer une demande, c’est qu’on a assez d’éléments pour direque c’est justifié, qu’elle peut bénéficier de mesures d’IP. Donc l’AI est toutecontente aussi de ça. Donc ce n’est pas de la concurrence, ça les allège. »(Responsable, APG – maladie 1.)

«C’est là où il faut qu’on se coordonne avec l’AI parce que l’AI paie pas malde moyens auxiliaires. Donc on n’a pas non plus envie de payer pour les autres,si c’est à la charge des autres. » (Case manager, APG – accidents 1.)

Malgré ces difficultés, les organisations partenaires de l’AI saluent lesréformes apportées par la cinquième révision et se réjouissent du changementde culture qu’elle est en passe d’induire. Toutefois, nombre d’entre ellesdoutent que les moyens mis à disposition de l’assurance soient à la hauteurdes ambitions que celle-ci doit satisfaire :

«Avec l’AI, maintenant, il y a un suivi et ça va plus vite. Par contre, on estau septième mois [depuis l’entrée en vigueur de la cinquième révision] et ilssont déjà débordés. Chez eux, je ne sais pas comment ça va se passer. Enfin,tout le monde est débordé partout, mais c’est vrai que… Combien de tempsça va durer ? Je ne sais pas. C’est vrai que là encore la semaine passée, j’aiappelé l’AI Valais réadaptation et il m’a dit “De toute façon, les dossiers, ily en a une pile sur mon bureau, je les prends au fur et à mesure, sauf sijustement un case m’appelle ou un assuré m’appelle pour dire qu’il aimeraitbien voir activer quelque chose”. Et dans ce cas-là, alors il va chercher et ille fait passer. Parce qu’il y a tellement de travail. » (Case manager, APG –maladie 1.)

2.12. LES PRATIQUES D’ÉVALUATION DE L’INTERVENTION DES CASE MANAGERS

L’issue de la prise en charge en case management soulève la question desmodes d’évaluation du travail accompli. Il semble qu’il n’y ait pas encore de

68

Page 69: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

véritables outils ou d’indicateurs formellement validés de l’économicité et dela qualité du case management :

«C’est-à-dire qu’actuellement l’évaluation de nos interventions ici au bureau,c’est nous qui la faisons. Par exemple, je recontacte un client pour voircomment la situation évolue. Et là, j’ai un feed-back : soit la personne a purégler tout son problème ou en partie, ou pas du tout et la situation s’est aggra-vée. Donc on a comme ça quelques critères pour évaluer les situations. » (Casemanager, société privée de CM/conseil social en entreprise 1.)

Cependant, la plupart des case managers commencent à construire de telsoutils, parfois de leur initiative personnelle, parfois sur décision de leur direc-tion, mais ils et elles en sont encore souvent au stade de l’ébauche et de l’ex-périmentation. Dans les faits, l’intervention fait l’objet d’une évaluation plutôtsommaire et informelle. Des projets d’amélioration et de formalisation sontcependant envisagés :

«On doit encore améliorer les outils pour évaluer les effets de nos interven-tions. Et ce que l’on prévoit de faire, c’est d’envoyer un questionnaire à tousnos clients, donc des employés – on les appelle des clients –, pour leur deman-der [...] un point de vue. Ce sera un questionnaire de satisfaction. Et le mêmequestionnaire, enfin un questionnaire adapté qui sera distribué aux personnesde contact dans l’entreprise, principalement les RRH, pour évaluer nos inter-ventions… Ce sera aussi un questionnaire de satisfaction avec toute une sériede questions sur les effets observés ou les insatisfactions, etc. Donc ce sont desoutils que l’on doit améliorer progressivement.» (Case manager, société privéede CM/conseil social en entreprise 1.)

D’autres interlocuteurs ne projettent pas encore de développer des outilsaussi précis, mais ils expriment une réelle préoccupation pour l’évaluation,et par la suite, pour les possibilités d’amélioration de leur travail :

«Malheureusement on n’a pas d’outils particuliers, mais l’idée, c’est de faireen sorte que le case manager finisse son suivi par un entretien de clôture enquelque sorte avec l’assuré où ils font un petit bilan. Mais ça reste, pas subjec-tif, mais ce n’est pas très scientifique, il n’y a pas un outil détaillé qui permetde faire une analyse précise des choses. Ça reste un entretien où on récolte lefeed-back de l’assuré, un entretien qui doit en fait être suivi par une analyseinterne du case manager pour se dire “Est-ce que j’ai fait les choses correcte-ment. Est-ce qu’il y a des étapes que j’aurais manquées ? Est-ce que j’auraispeut-être pu prendre d’autres dispositions, d’autres décisions ?” L’idée ici, c’est

69

Page 70: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

de faire un auto-apprentissage en quelque sorte, c’est un petit peu ça. »(Responsable, APG – accidents 2.)

Cette situation s’explique peut-être par l’absence quasi générale d’objectifsmesurables, comme le remarque ce témoin :

«On n’a pas d’objectif d’économie financière, ni qualitatif. On part du principeque, de toute façon, on ne peut faire que mieux, que si on ne faisait rien. Doncaprès, le résultat finalement, ben… c’est notre conscience professionnelle. Onne sait pas non plus le changement amené par notre intervention, on ne lesaura jamais. Peut-être que tout seul, il aurait aussi pu…» (Responsable etcase manager, APG – maladie 1.)

Certains fournisseurs de case management tiennent des statistiques dansle but, à terme, de quantifier l’intervention et, si nécessaire, d’améliorer ledispositif. Ces données permettraient également de défendre le case manage-ment en prouvant son efficacité, chiffres à l’appui :

«Mais, sinon il y a des statistiques qui sont faites sur le nombre de dossiersqui sont vus. Ils tiennent des statistiques, aussi pour nous, pour avoir une idéedu nombre de gens dont on a besoin, du nombre de case managers dont on abesoin, etc. […] Donc ça on fait et après pour les dossiers avec potentiel il y aaussi une statistique, mais où les chiffres ne sont pas encore vraiment inter-prétés, c’est trop tôt. Mais, à terme, ce serait l’idée, de faire une statistique endisant par exemple “Les cas où il y a une intervention du case manager, l’in-capacité de travail a été moins longue d’en moyenne 3 mois par rapport à unautre cas”, ce genre de choses. » (Responsable, APG – maladie 1.)

Dans certains services, les case managers se rencontrent régulièrementpour discuter de leurs pratiques. Véritables cercles de qualité, ces échangespermettent de mobiliser les compétences de l’équipe et d’améliorer lespratiques d’intervention :

«On fait des séances d’intervision : on expose un cas, les gens posent des ques-tions, on répond et après ils se font leur idée, des propositions de suivi. Chacundonne son avis. Ça permet de garder une cohérence sur la pratique interne, dedévelopper des idées en commun. Ce n’est vraiment pas dans l’idée non plusd’un contrôle, de dire “Là t’as bien travaillé” ou “Non, là t’as pas bien travaillé”.C’est vraiment l’idée de débloquer des situations. Donc après les gens viennentavec les dossiers où ils ont éventuellement des questions à poser, où ils ont besoinde vérifications, etc. et ils exposent des situations et regardent ce que leurscollègues auraient fait.» (Case manager et responsable, APG – maladie 1.)

70

Page 71: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

Ce type d’échanges a également lieu entre case managers travaillant pourdifférents assureurs dans le cadre d’un groupe qui fut fondé à leur initiative :

«Parce qu’en fait, on a un groupement de case managers de Suisse romandeavec qui on se voit et on échange. C’est un groupement très ouvert où on sedonne un peu nos trucs. » (Case manager, APG – accidents 1.)

«Nous, on se voit tous les 3 mois avec un groupe de case managers de diffé-rentes assurances. C’est informel, mais pour échanger un peu sur la pratique,sur des dossiers… […] Ça permet d’avoir des contacts un peu parfois de pren-dre des conseils, de trouver des outils, etc. Donc il y a quand même une espècede solidarité entre les case managers romands. […] Oui, parce que c’est unnouveau travail. Et partager ses expériences, voir ce qui marche ou pas. »(Responsable et case manager, APG – maladie 1.)

2.13. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

ALBRECHT, M. (2006). Berufliche Reintegration - ist das ein Feld für Vorsorgeein-richtungen oder Lebensversicherer? Eine versicherungsökonomische Betrach-tung. In Vortrag anlässlich der Tagung : Reintegration fördern : Auch eineAufgabe der beruflichen Vorsorge. Grand Casino Luzern : Institut für Rechst-wissenschaft und Rechtspraxis, Universität St. Gallen.

BAUSER, R. (2005). Internes oder externes Case-Management? : Systemvertrauenals Schlüsselkriterium. Managed Care, 2005(1), 32-34.

BERCLAZ, M. (2010). Le rôle des employeurs dans la réinsertion professionnelle.Travail de mémoire. Cahiers de l’IDHEAP No 254. Chavannes-Lausanne :IDHEAP.

BOGOVIC-BALZARDI, A. (2009). Pas de solutions d’hier aux problèmes d’au-jourd’hui. Sécurité sociale CHSS, 1, 5-7.

BLOCH, S. & PRINS, R. (2000). Who Returns to Work & Why? A Six CountryStudy on Work Incapacity & Reintegration. New Brunswick/London : Trans-action Publishers.

BLUMBERGER, W. (2004). Kosten und Nutzen der beruflichen Rehabilitation. Beru-fliche Rehabilitation, Jg. 18 (H. 5), 205-223.

BOSTON CONSULTING GROUP (BCG). (2010). Case management und seine strate-gische Bedeutung für Versicherer. Zürich : BCG.

BONVIN, J.-M.& MOACHON, E. (2005). L’activation et son potentiel de subversionde l’État social. In P. Vieille, P.Pochet & I. Cassiers (Éds.). L’État social actif.Vers un changement de paradigme? (pp. 63-92). Bruxelles : Peter Lang.

71

Page 72: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

BÜHLER,M., GRUBER,R., MEURY, M.& ROMEI, S. (2006). Disability Management.Theoretische Grundlagen und Einsatzmöglichkeiten in KMU. In Fachartikelim Rahmen des Schweizerischen Nachdiplomstudiums PersonalmanagementSNP 28 : Fachhoschule Nordwestschweiz.

BURI, M. & SCHMID, B. (2009). Les nouvelles prestations de la 5e révision del’AI : premiers extraits statistiques. Sécurité sociale CHSS, 1, 8.

CENTRE D’INFORMATION AVS/AI & OFFICE FÉDÉRAL DES ASSURANCES SOCIALES

(OFAS). (2007). 5e révision AI. Berne : Centre d’information AVS/AI, OFAS.(www.cfch.ch/fileadmin/user_upload/dokumente/cystische_fibrose/Merkblaet-ter_f/5e_Revision_AI_f.pdf, accès du 6.07.2009).

DICHTER RESEARCH AG. (2010). Qualitative Analyse der Strukturen des CaseManagement bei 13 wichtigen Marktteilnehmern. Eine Studie ausgearbeitetfür die SUVA. Zürich, Luzern : Dichter Research AG, SUVA.

FANKHAUSER, D. (2004). Case Management eine Methode der Sozialarbeit imVergleich mit dem New Case Management einer Versicherung. Diplomarbeit.Bern : Berner Fachhochschule Hochschule für Sozialarbeit HSA Bern. Abtei-lung Diplomausbildung.

GEISEN,T., LICHTENAUER,A., ROULIN, C.& SCHIELKE, G. (2008). Disability Mana-gement in Unternehmen in der Schweiz. Bern : Bundesamt für Sozialversi-cherungen BSV.

HARDER, H.G. & SCOTT, L.R. (2005). Comprehensive Disability Management.Edinburgh : Elsevier.

HOLLENSTEIN, P. (2003). Invaliden Lohn zahlen und Geld sparen. NZZ am Sonn-tag. Zürich, 27.

HOLZWART, R. & BOHRKE-PETROVIC, S. (2006). Fallmanagement in der Beschäf-tigungsförderung. In W.R. Wendt & P. Löcherbach (Eds.), Case managementin der Entwicklung. Stand und Perspektiven in der Praxis (pp. 71-91). Heidel-berg : Economica Verlag.

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE GESTION DE L’INCAPACITÉ AU TRAVAIL

(INRGIT). (1995). Tous gagnent. La gestion de l’incapacité au travail sur lelieu du travail. Un guide pour établir un programme conjoint au travail. Victoria, BC : INRGIT.

LAUER, S. (2006). Case Management in der Rehabilitation von Unfallverletzten.In W.R. Wendt, P. Löcherbach (Eds.), Case management in der Entwicklung.Stand und Perspektiven in der Praxis (pp. 209-236). Heidelberg : EconomicaVerlag.

MEHRHOFF, F. & SCHÖNLE, P.W. (2005). Betriebliches Eingliederungsmanage-ment : Leistungsfähigkeit von Mitarbeitern sichern. Stuttgart : Gentner, Deut-sche Vereinigung für Rehabilitation.

72

Page 73: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA RÉHABILITATION PROFESSIONNELLE

MORGER, W. (2006). Case Management und Unfallversicherung. In G. Riemer-Kafka, (Ed.), Case Management und Arbeitsunfähigkeit. Tagungsband.Beiträge des 3. Zentrumstages Luzern zum Thema «Case Management undArbeitsunfähigkeit », 27. Oktober 2005 im Hotel Schweizerhof Luzern(pp. 99-109). Zürich, Basel, Genf : Schulthess.

MORGER, W. (2001). New case management. Neuausrichtung der Schadenerledi-gung der Suva. In A. Koller (Ed.), Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung2001 : Tagungsbeiträge (pp. 51-64). St-Gallen : Verlag Institut für Versiche-rungswirtschaft.

NATIONAL INSTITUTE OF DISABILITY MANAGEMENT AND RESEARCH (NIDMAR).(1997). Strategies for Success. Disability Management in the Workplace.

OFFICE FÉDÉRAL DES ASSURANCES SOCIALES (OFAS), OFFICE FÉDÉRAL DE LA SANTÉ

PUBLIQUE (OFSP) & SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’ÉCONOMIE (SECO) (Éds.).(2009). Les assurances sociales au quotidien. Berne : OFAS.(www.bsv.admin.ch/kmu/index.html?lang=fr, accès du 6.07.2009).

OFFICE FÉDÉRAL DES ASSURANCES SOCIALES (OFAS). (2007). Concept détaillé duprojet partiel «Détection et intervention précoces ». Berne : OFAS.

OFFICE FÉDÉRAL DES ASSURANCES SOCIALES (OFAS). (2006). Statistiques des assu-rances sociales suisses 2006. Berne : OFAS.

PARKER, J. (2006). Good Practice in Brain Injury Case Management. London :Jessica Kingsley Publishers.

POETZSCH, J. (2007). Le case management : voie royale de l’intégration dans lemonde du travail ? Une étude comparative internationale. Genève : Associationinternationale de la sécurité sociale (AISS), Forum mondial de la sécuritésociale.

REGIERUNGSRAT DES KANTONS ZÜRICH. (2011). Case Management ist wirtschaft-lich. Pressemitteilung vom 27. Januar. (www.zh.ch/internet/de/aktuell/news/medienmitteilungen/2011/023-2.html, accès du 2.03.2011).

RIEMER-KAFKA, G. (Ed.). (2006). Case Management und Arbeitsunfähigkeit.Tagungsband. Beiträge des 3. Zentrumstages Luzern zum Thema «CaseManagement und Arbeitsunfähigkeit », 27. Oktober 2005 im Hotel Schwei-zerhof Luzern. Zürich, Basel, Genf : Schulthess.

SCHLÄPPI, R. (septembre 2010). Wer kommt in den Genuss von Case Manage-ment ? Die Kriterien der Eignungsabklärung. Soziale Medizin, 3, 7-8.

SCHMIDT, H. (2004a). Reintegrieren statt vorzeitig invalid-pensionieren. Bulletindes médecins suisses, 85(16), 830-832.

SCHMIDT, H. (2004b). Vom Payer zum Player. Schweizer Versicherung, 8, 30-32.

SCHMIDT, H. (2001). Integrieren statt vorzeitig pensionieren : Grossbritannienweist den Weg. Managed Care, 7, 29-31.

73

Page 74: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

SCHMIDT, H. & KESSLER, S. (2006). «Ability Management ». Erfahrungen ausder Schweiz. In W.R. Wendt & P. Löcherbach (Eds.). Case management inder Entwicklung. Stand und Perspektiven in der Praxis (pp. 191-208). Heidel-berg : Economica Verlag.

SHREY, D. & LACERTE, M. (1997). Principles an Practices in Disability Manage-ment in Industrie. Boca Ration : St. Lucie Press.

ZIMMERMANN, W. (2005). Disability Management. Eine internationale Perspek-tive. In F. Mehrhoff & P.W. Schönle (Eds.). Betriebliches Eingliederungsma-nagement. Stuttgart : Gentner, Deutsche Vereinigung für Rehabilitation(29-38).

74

Page 75: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

3. CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

Avec la nouvelle Loi sur la formation professionnelle (LFPr) du 13 décem-bre 2002, le législateur aspire à « intégrer dans la formation professionnelleles jeunes éprouvant des difficultés scolaires, sociales ou linguistiques »(Art. 55f LFPr). Dans ce but, il envisage différentes mesures dont l’« encadre-ment professionnel individuel» (Art. 18 LFPr) imposant ainsi de facto le casemanagement comme un outil privilégié du suivi des « jeunes à risque» sansformation post-obligatoire.

Le case management, ici, n’est pas qu’une simple concrétisation de cesuivi professionnel individuel que prévoit la loi. Il se présente, sinon commela base théorique, tout au moins comme le modèle général d’organisationde tous les projets d’insertion professionnelle des jeunes, reposant sur le prin-cipe d’une intervention personnalisée portée par un-e référent-e unique. C’estle cas tant du projet «Transition » lancé sur l’initiative de la Conférencesuisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) que duprojet «Case management “formation professionnelle”» mené sous l’égidede l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie(OFFT). C’est aussi le cas des initiatives provenant des milieux de l’aidesociale visant à l’intégration des jeunes sans formation au bénéfice de l’aidesociale.

3.1. LA PROBLÉMATIQUE

En faisant appel au case management, la politique de formation profes-sionnelle déplace son attention des cas qu’un suivi standard mène à la réussitepour la porter sur les apprenant-e-s qui, dans les conditions de formationcourantes, sont menacé-e-s d’échec. Elle met au centre de ses préoccupationsun phénomène qui était jusque-là considéré comme marginal, en insistant surson importance à la fois statistique, sociale et politique.

75

Page 76: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

76

Dans ce sens, on note qu’en Suisse, chaque année, 2000 à 2500 jeunesn’ont pas de solution à la fin de leur formation obligatoire ou encore que 9%des jeunes ne réussissent pas le niveau secondaire II (Egger et al., 2007 ; Lüthiet al., 2007 ; Renold, 2007). Considérant que «plus des deux tiers des jeunesdépendants de l’assistance publique n’ont pas de formation post-obligatoire»(Schwaab, 2007), il serait économiquement et socialement malhabile de négli-ger la question, d’autant que les mesures actuelles se montrent onéreuses sanspour autant faciliter l’intégration professionnelle de celles et ceux qui en béné-ficient. En effet, «plus de 23000 jeunes [...] sont condamnés à patienter dansune solution transitoire, aux coûts énormes, plus de 400 millions de francs,mais qui ne permettent pas d’acquérir directement une qualification profes-sionnelle» (Schwaab, 2007).

Il s’avère que c’est « lors du passage du niveau secondaire I au niveausecondaire II (que) nous “perdons” de nombreux jeunes» (Renold, 2007).Ainsi, c’est notamment en facilitant le passage d’un niveau de formation àl’autre que le case management doit permettre l’accès à la formation profes-sionnelle d’un nombre plus élevé de jeunes.

3.2. LE PROJET «TRANSITION»

Le case management trouve sa première concrétisation dans le projet Tran-sition20. Les « lignes directrices» en sont présentées par la CDIP le 27 octobre2006 dans le cadre de son assemblée annuelle tenue à Brunnen/Schwyz (CDIP,2006b). Celle-ci est soutenue dans cette initiative par la Confédération et parles organisations du monde du travail21.

20 Voir www.edk.ch/dyn/11743.php ainsi que www.nahtstelle-transition.ch/fr/accueil(accès du 17.02.2009)

21 Les organismes suivants y sont associés : Secrétariat d’État à l’éducation et à larecherche (SER), Secrétariat d’État à l’économie (SECO), Office fédéral de la formationprofessionnelle et de la technologie (OFFT), Office fédéral des migrations (ODM),Union suisse des arts et métiers (USAM), Union patronale suisse, Organisation faîtièrenationale du monde du travail en santé, Union syndicale suisse (USS), Travail.Suisse,Société suisse des employés de commerce (SEC Suisse).

Page 77: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

Le projet Transition circonscrit à la fois les objectifs et le public cible ducase management. Il définit ainsi un programme qui vise à porter de 89 à95% entre 2006 et 2015 le pourcentage des moins de 25 ans titulaires d’undiplôme du degré secondaire II (CDIP, 2006b, p. 1). Ce programme sera reprisdans tous les modèles de case management ultérieurs, qu’ils soient menés pardes organismes fédéraux ou cantonaux, publics ou privés.

Toutefois, le projet ne limite pas le groupe des bénéficiaires aux jeunessans diplôme du degré secondaire II encore scolarisés. En interpellant la«minorité de jeunes (estimée à 20%) » pour laquelle «une formation corres-pondant à leurs capacités n’est pas envisageable sans mesures complémen-taires », le projet est également conçu pour les jeunes qui n’ont pas étéscolarisés en Suisse ou qui ont quitté l’école prématurément. En effet, parmiles mesures complémentaires que le projet propose, on compte « les ponts ouoffres transitoires, les offres scolaires et les offres de l’assurance chômage»ainsi que « l’encadrement individuel» (CDIP, 2006b, p. 3). Ce dernier appa-raît ainsi comme une mesure complémentaire, parmi d’autres, qui, par consé-quent, n’est envisagée que pour une partie seulement des jeunes nécessitantun appui. Par ailleurs, le projet précise que « toutes les mesures d’encadrementindividuel doivent être conçues, coordonnées et mises en réseau selon le prin-cipe du “case management”» (CDIP, 2006b, p. 3). Le projet opérationnaliseen quelque sorte la disposition de l’article 18 de la LFPr en retenant le casemanagement comme seule méthode d’encadrement individuel.

Avec le case management, les promoteurs du projet disposent d’un outiladéquat pour traiter d’un problème qui, s’inscrivant à l’interface de deuxniveaux de formation, est de nature particulière à la fois par sa «complexité»et parce qu’il « requiert la mise en réseau de tous les acteurs et projets encontact avec la transition» (CDIP, 2006c).

3.3. LE CASE MANAGEMENT «FORMATION PROFESSIONNELLE»

Le projet «case management “formation professionnelle”» est lancé parDoris Leuthard, alors cheffe du Département fédéral de l’économie, à l’occa-sion de la seconde Conférence nationale sur les places d’apprentissage, tenueà Genève le 13 novembre 2006. Placé sous la direction de l’Office fédéral dela formation professionnelle et de la technologie (OFFT), il reprend les objectifs

77

Page 78: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

essentiels du projet Transition qui lui accorde le statut de «projet partenaire»(CDIP, 2006c) parce qu’il traite lui aussi de questions en relation avec la gestionde l’interface entre les deux niveaux de formation secondaire. Ce projets’adresse aux jeunes dès leur entrée dans le secondaire I, et jusqu’à l’âge de24 ans, qui ne trouvent pas d’emploi après leur scolarité obligatoire, qui arrê-tent leur apprentissage, qui échouent à l’examen de fin d’apprentissage ou quine trouvent pas d’emploi une fois leur apprentissage terminé (OFFT, 2007).

Lors de la troisième Conférence nationale sur les places d’apprentissagequi se tient à Zurich l’année suivante, la Confédération propose un « casemanagement plus» en coordination avec les services sociaux et les officesrégionaux de placement (ORP). Ce projet, qui « constitue un approfondisse-ment du case management “formation professionnelle”» (Confédérationsuisse, 2007), est également ouvert aux jeunes qui ne sont plus intégrés dansle système scolaire.

«On a essentiellement trois publics : un public “jeunes à risque”, si j’ose ledire de cette manière, donc un jeune avec des difficultés scolaires, qui a eu desdifficultés d’insertion professionnelle essentiellement liées à des difficultésscolaires, mais qui peuvent être aussi des difficultés comportementales. Uneautre partie du public, c’est tout le public allophone, donc les jeunes qui arri-vent relativement tard en Suisse et qui n’ont pas les compétences langagièrespour pouvoir s’insérer dans un projet professionnel, qu’il soit de type profes-sionnel ou de type universitaire par ailleurs, ou de type académique. Et un troi-sième public que je vais appeler caricaturalement 18-25, c’est-à-dire des gensqui en principe sont sortis de l’âge habituel et traditionnel de la formation,n’ont rien du tout et tout d’un coup réalisent que si on pouvait leur donnerjuste un coup de pouce pour les remettre en selle, et bien voilà. Donc, en gros,ce sont ces 3 publics. » (Cadre, école de formation professionnelle.)

Si le projet marque la volonté politique de la Confédération d’introduireun case management dans le domaine de la formation professionnelle sur l’en-semble du territoire national, il appartient aux cantons de le mettre en œuvre.En effet, dans la perspective des autorités fédérales, celui-ci est l’instrumentd’une intervention subsidiaire qui, par un soutien financier, logistique etconceptuel, vise à inciter les cantons à s’engager activement sur cette question.

Ces derniers sont invités à soumettre leur projet entre le 23 février et le31 août 2007, l’OFFT s’engageant à verser un forfait à ceux qui remplissent

78

Page 79: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

les critères posés. L’Office exige notamment que le document élaboré parchaque canton comporte une description de la procédure d’identification etde diagnostic du groupe à risque, qu’il fasse l’inventaire de toutes les mesuressusceptibles d’être offertes dans le cadre du suivi individualisé et qu’il désignele service cantonal responsable de la mise en œuvre du projet (OFFT, 2007,p. 4). Chaque canton est donc invité à circonscrire concrètement le modèlede case management qu’il se propose d’appliquer22.

Dans un document de travail ultérieur, daté de septembre 2008, l’OFFTs’attache à fixer les phases du suivi, spécifiant ainsi le niveau processuel d’unconcept de case management maintenant entièrement défini. Ce document,qui n’a pas de caractère contraignant pour les cantons, doit, dans la mesuredu possible, favoriser une unification des pratiques.

L’OFFT distingue 7 phases d’intervention qu’il appelle : 1) identification(bilan) ; 2) contact ; 3) établissement du profil/analyse de la situation(Assessment) ; 4) planification ; 5) coordination et coopération ; 6) obser-vation et surveillance ; 7) évaluation (CSFP/OFFT, 2008, p. 1). Classique,cette structure est sans véritable surprise. Mais elle cache tout de même uncertain nombre de particularités.

On observe tout d’abord que le ou la case manager prend le cas en chargedans la phase d’assessment. Il-elle n’intervient pas dans les étapes précédentesd’identification et de contact, lesquelles sont conduites par des personnesinternes ou externes (ORP, services sociaux, tribunal des mineurs) à l’institu-tion scolaire. Le cas est adressé aux case managers au moyen d’un rapportde transmission standardisé. Avant la prise en charge effective du cas, le oula case manager examine toutefois si l’entrée du-de la jeune dans leprogramme est justifiée. Dans sa fonction de gatekeeper, il ou elle s’assureque le-la jeune est confronté-e à une situation complexe, qu’il ou elle estmotivé-e et prêt-e à empoigner les problèmes, que lui-elle-même et ses parentsapprouvent une démarche de case management, étant pleinement informés

79

22 L’ensemble des projets cantonaux peuvent être consultés en ligne souswww.dbk.ch/csfp/projets/casemanagement.php (accès du 17.02.2009).

Page 80: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

des questions juridiques que la méthode soulève (protection des données,échange d’information) (CSFP/OFFT, 2008, p. 2). Ce n’est qu’alors que leprocessus est engagé.

Notons ensuite que tout le réseau, c’est-à-dire le-la jeune, ses parents ou lesreprésentant-e-s de l’autorité parentale, de même que les professionnel-le-squi l’accompagnent (coach, formateur-trice, conseiller-ère en orientation,conseiller-ère AI, conseiller-ère ORP, etc.), est appelé, dans le cadre d’uneséance commune, à établir le plan de mesures qui vient clore la phase de plani-fication.

Remarquons pour terminer l’importance que le case management« formation professionnelle » accorde à la mesure et au contrôle qui sont aucœur de la phase d’observation et de surveillance. Celle-ci, qui distingue uncontrolling stratégique et un controlling opérationnel, est sans doute appeléeà absorber une partie non négligeable de l’énergie des case managers.

Le controlling stratégique porte sur le rôle et les fonctions des casemanagers. C’est dans ce cadre que l’on examinera si le ou la jeune et sesproches respectent les accords qui les lient avec le-la case manager et quel’on appréciera la qualité de la coopération entre les partenaires du réseau.

Le controlling opérationnel juge de la réalisation du plan de mesure. Ilcomprend notamment l’évaluation de l’économicité et l’efficacité des dispo-sitions retenues dans le plan d’intervention ou encore l’analyse des coûts etdu financement de ces mesures. Ces données sont relevées périodiquementet font l’objet d’un compte rendu régulier.

Le projet Transition sera prolongé jusqu’en 2010 (CDIP, 2008, p. 12).Le projet final est présenté en janvier 2011 (Galliker, 2011). Pour sa part,l’OFFT prévoit d’engager 20 millions de francs dans le projet case management « formation professionnelle » entre 2008 et 2011 dans le butpremier d’accélérer l’implantation des projets cantonaux, de créer un instru-ment d’identification des groupes à risques et d’introduire un contrôle d’efficacité (Wittwer-Bernhard & Galliker, 2008, p. 10). En septembre2009, 1363 jeunes sont suivis par un-e case manager dans l’ensemble dupays. Au début 2010, 15 cantons disposent d’une équipe de case managers(Schmidlin, 2009).

80

Page 81: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

3.4. LES INITIATIVES CANTONALES ET COMMUNALES

En ambitionnant de rehausser de 6% le nombre de jeunes de moins de25 ans titulaires d’une formation de niveau secondaire II, le projet Transitionne cherche pas simplement à améliorer la performance du système de forma-tion professionnelle. À travers un taux de formation plus élevé, il vise plusfondamentalement à faciliter l’insertion professionnelle du public visé. Dèslors, l’encadrement individuel pour les jeunes sans formation de niveau secon-daire prévu par la LFPr ne concerne pas uniquement les instances qui ontexplicitement la formation pour mission. Il intéresse plus généralement touteinstitution dont l’action vise à l’intégration professionnelle des jeunes, dèslors que celle-ci passe par l’achèvement d’une formation.

C’est le cas notamment de l’« Initiative des villes : Politique sociale», unorgane de l’Union des villes suisses qui, alarmé par la croissance importantedu nombre de récipiendaires de l’aide sociale âgés de 18 à 25 ans, met l’inté-gration professionnelle au centre de ses préoccupations dès 200523.

Avec cet investissement du soutien à la formation professionnelle par ledomaine social, le profil des jeunes susceptibles d’être concernés par les objec-tifs du projet Transition, loin de se limiter aux jeunes encore scolarisés, sevoit largement diversifié :

« Il y a des cas où les jeunes ont eu des peines pénales très importantes, quicumulent des problèmes de justice avec des difficultés financières, avec desdettes, et avec des problèmes psychologiques dus à leur passé sociofamiliallourd, mais qui n’ont par contre pas trop de difficultés cognitives. » (Cadre,institution de réinsertion professionnelle 1.)

L’intégration professionnelle des jeunes reste à l’agenda de l’Initiative desvilles en 2006 également. La conférence, qui se tient en fin d’année à Zurich,est l’occasion de présenter l’éventail des initiatives en cours dans les agglo-mérations les plus importantes du pays24. À Bâle, on annonce la création

81

23 Voir www.initiative-villes.ch/fr/main.php?inh=organisation&id=3 (accès du 17.02.2009).24 Ibid.

Page 82: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

82

d’un groupe stratégique pour combattre le chômage des jeunes, qui définit

« la transition du système scolaire à la formation post-obligatoire ou au

monde professionnel» (Maegli, 2006) comme un des trois axes principaux

de son action. Dans le même but, la ville de Berne prévoit l’«acquisition active

d’entreprises formatrices et de places d’apprentissage, notamment au niveau

de la formation professionnelle de base avec attestation fédérale (en 2 ans) ;

[le] soutien lors de la création de groupement d’entreprises formatrices ;

[le] soutien aux entreprises formatrices et à leurs apprenants pendant la

formation ; [le] soutien aux apprenants lors du passage à un emploi, après

l’obtention du titre de fin de formation» (Hohn, 2006).

En Suisse romande, on retiendra le programme de « formation profes-

sionnelle pour les jeunes adultes bénéficiaires du revenu d’insertion RI »

(FORJAD) lancé en juin 2006 par le Conseil d’État vaudois, alors que le

canton compte 1700 jeunes chômeurs entre 18 et 25 ans dont 60% sont

sans formation professionnelle achevée (Maillard, 2006).

Dans le cadre du programme FORJAD, le-la jeune élabore, puis réalise

avec l’aide de professionnel-le-s de l’action sociale et éducative, un projet

de formation professionnelle qui correspond au mieux à ses compétences et

à ses motivations. L’entrée dans le programme est généralement précédée

par une première phase d’intégration d’une durée approximative de 6 mois

au cours de laquelle il ou elle est suivi-e par les assistant-e-s sociaux-ales et

les conseillers-ères en insertion des centres sociaux régionaux (CSR). La

tâche de ces professionnel-le-s consiste à établir un premier bilan social et à

octroyer au jeune les mesures d’insertion sociale indiquées pour lui

(MISJAD) qui sont dispensées par treize institutions agréées. Il s’agit de

mesures de bas seuil visant le recouvrement de l’aptitude au placement, la

préservation de la situation économique ou encore le rétablissement du

lien social.

Avec le programme FORJAD, le suivi est assuré par des institutions

parapubliques spécialisées dans la formation et l’insertion sociale et/ou

professionnelle des jeunes. Elles peuvent, pour certaines d’entre elles,

travailler pour différents mandants.

«Pour notre centre, on trouve trois types de mandants : il y a le Département

de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud pour les jeunes adultes en

Page 83: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

difficulté qu’on appelle communément les JAD, et qui sont au bénéfice durevenu d’insertion. Là, le mandat du canton de Vaud est que ces jeunes puissentfaire une formation qualifiante qui leur donne accès à un emploi et qui fasseque le dossier d’aide sociale se ferme. L’autre mandant, le principal encore àl’heure actuelle, ce sont les offices AI de tous les cantons romands. Les jeunessont pris en charge par l’AI pour des raisons très diversifiées qui peuvent êtreun problème de maladie ou de handicap physique ou de retard scolaire oufinalement de ce qu’on appelle de manière générale les troubles de comporte-ment. L’objectif est le même, c’est une formation qualifiante qui leur donneaccès au marché de l’emploi, et le dossier AI se ferme. Et le troisième mandantest le service de protection de la jeunesse du canton de Vaud où l’objectif restele même, avec finalement aussi une volonté de la part du SPJ d’inscrire cesjeunes dans un projet. À la limite, même si ça ne donnait pas une formationqualifiante au bout, c’est quand même de les inscrire dans un projet. »(Responsable, institution d’insertion professionnelle 2.)

Les institutions chargées de ces missions de formation appliquent en géné-ral un case management adapté à leurs besoins. Dans certaines institutions,le case management vient compléter d’autres méthodes d’intervention. Ilest réservé au suivi de ce groupe précisément circonscrit que forment lesapprenant-e-s intégré-e-s au programme FORJAD.

«Nous avons quatre prestations de base :

1. les conseillers d’apprentis pour les jeunes avec des difficultés légères avecsurtout le risque de rupture d’apprentissage ;

2. les maîtres socioprofessionnels pour des jeunes avec des difficultés socio-pédagogiques. Ceux-ci leur offrent un encadrement individuel de moyenne àlongue durée sur les stratégies d’apprentissage et tout ce qui concerne lecoaching ;

3. un projet un peu annexe qui consiste à donner des appuis dans une branchespécifique, à prendre un petit groupe de quatre apprentis, et c’est un étudiant-répétiteur qui donne cet appui ;

4. un programme de suivi qui est un assemblage des deux premières presta-tions.

[...] Pour les conseillers d’apprentis et les maîtres socioprofessionnels,c’est ouvert à tous les apprentis “classiques” tandis que pour laquatrième prestation c’est pour les apprentis FORJAD qui sont desjeunes bénéficiaires du revenu d’insertion.» (Cadre, institution d’inser-tion professionnelle 1.)

83

Page 84: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

D’autres institutions sont spécialisées dans le suivi des cas complexesd’insertion professionnelle. Elles n’offrent alors que la prestation de casemanagement. Dans ce cas, il arrive que la structure de l’institution soit prati-quement calquée sur celle du schème d’intervention.

Dans un premier temps, l’institution va s’assurer que le-la jeune que luienvoie le CSR est bien qualifié-e pour le programme FORJAD. Elle conduitainsi son propre intake :

« [...] il y a une phase d’admission où on va mesurer effectivement leur motivation à venir faire une formation. Parce que pour nous, de notre pointde vue, ils ont le choix de venir ou non. Un jeune qui ne s’inscrit pas dans lavolonté de la certification, on va en faire part au mandant et dire “Pour nous,il n’est pas prêt, il n’est pas motivé”. Après, le mandant peut peut-être l’obliger, mais ils ont quelque part le choix. On évalue leur motivation réelleet leur potentiel, parce que certains jeunes pourraient nous être adressés quin’ont pas le potentiel. Il y a une phase d’admission, avec un stage de3 semaines ou de 2 jours selon les profils qui nous sont envoyés, et à l’issuede cette période d’admission, soit on dit “Oui, il peut venir faire une forma-tion [chez nous]”, soit “Non, nous ne sommes pas le centre qui répondra àses besoins”. Et pour les jeunes qui sont à l’AI, on peut aussi recommanderun autre centre [...], où la formation n’est pas en entreprise. Cela peut s’adres-ser à des jeunes plus en difficulté. Mais effectivement, il y a cette phase d’éva-luation. Donc quand nos collègues reçoivent ces jeunes, la motivation enprincipe est là. Ils ont l’envie ; ils n’ont peut-être pas encore été capables demobiliser tous les moyens, mais ils ont fait le choix d’être là. » (Responsable,institution d’insertion professionnelle 2.)

Puis, le-la jeune suit un circuit balisé par quatre modules. La phase d’assessment est accomplie dans le module d’orientation qui permet de définirà la fois ses besoins et les objectifs du suivi.

«On a un premier module qui est le module orientation : c’est-à-dire que sices jeunes arrivent sans projet validé, on va faire tout un travail d’orientationpour être sûr de cibler le bon métier, qui leur convienne, et le bon niveau dequalification. Donc on se plaît à dire qu’on vise trois projets réalistes et réali-sables. Et pour ça, on a développé un outil d’approche professionnelle de typeassessment qui permet, à travers une dizaine de champs différents, d’arriver àtrois projets réalistes et réalisables. » (Responsable, institution d’insertionprofessionnelle 2.)

84

Page 85: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

Une fois l’assessment terminé, la phase de planification est conduite dansle cadre du «module placement» qui consiste essentiellement à rechercherune place d’apprentissage.

«Une fois que le jeune est orienté, donc soit par nous-mêmes, soit par un orga-nisme externe, on va le placer. Le placer, c’est rechercher une entreprise parte-naire pour le former dans le cadre de l’apprentissage. Mais, j’ai bien dit“rechercher une entreprise partenaire”, je n’ai pas dit “rechercher un contratd’apprentissage”. Parce que la première particularité du concept, c’est que cen’est pas l’entreprise qui signe le contrat d’apprentissage, mais nous, le centrede formation, de manière à décharger l’entreprise de toutes les contraintes, lapremière étant la contrainte morale. Parce [...] que certaines entreprises hési-tent à prendre des apprenants parce que c’est un engagement moral que dedevoir les amener à la réussite et qu’elles se sentent trop liées. » (Responsable,institution d’insertion professionnelle 2.)

Le placement est un moment crucial du suivi. C’est un processus sur lequelles jeunes ont peu de prise. Son succès dépend essentiellement de l’engagementà la fois de la ou du case manager et des entreprises.

«Moi, je suis dans le module placement, donc je savais que le marché étaitdifficile pour les fleuristes. Nous avons commencé à fond la caisse au mois demars. On a fait, depuis Morges, tous les villages jusqu’à Lausanne et Neuchâ-tel. [Finalement, nous avons trouvé] un truc, c’était la dernière chance, encommençant au mois de mars. On a pu signer en juin. [...] Donc ça, c’estimportant, l’ouverture du marché est très importante. Et parfois, elle n’est pasprise suffisamment en considération.» (Coordinateur d’insertion profession-nelle, institution d’insertion professionnelle 2.)

La phase de mise en œuvre correspond au module « formation profession-nelle qualifiante» qui couvre la période de formation proprement dite. Cettedernière peut être précédée d’un stage de préparation aux rythmes de la vieactive, afin de travailler les compétences sociales et les compétences profes-sionnelles transversales. En règle générale, le stage est suivi dans le cadred’ateliers de production durant les modules antérieurs :

« [...] ils vont dans des ateliers où le support importe peu – à une époque, onfaisait du recyclage informatique, maintenant on fait du cartonnage, etc. – et[...] ils vont dans ces ateliers pour apprendre à travailler. Donc, ce sont toutesles compétences transversales au travail : ça commence déjà par la ponctualité,

85

Page 86: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

le respect des consignes, l’intégration dans une équipe, le respect de la sécurité,de l’environnement et j’en passe, la précision. On a une trentaine d’items qu’ontravaille avec eux quel que soit le métier auquel ils se destinent.» (Responsable,institution d’insertion professionnelle 2.)

Lorsque le contrat est conclu bien avant le début officiel de la formation,le-la jeune est invité-e à prendre le travail, généralement déjà au sein mêmede l’entreprise formatrice, dans le cadre d’un module de « formation profes-sionnelle de base».

« [...] entre le moment où on a placé le jeune dans l’entreprise et qu’on a signécette convention, et le début de l’apprentissage, il peut se passer du temps,parce que quelquefois on place le jeune au mois de janvier et le début de l’ap-prentissage est en août. Donc on a créé un module qui s’appelle formationprofessionnelle de base où le jeune est déjà dans l’entreprise, il acquiert lesbases du métier et il a du soutien scolaire de notre part pour renforcer lesacquis en vue de l’école professionnelle, mais il est déjà dans une démarchetripartite, avec une entreprise [notre institution] et lui-même. Et au moisd’août, il entre en contrat d’apprentissage, donc pour la phase qualifiante. »(Responsable, institution d’insertion professionnelle 2.)

Au cours de la formation, le-la jeune est suivi-e très régulièrement par sonou sa case manager qui porte le titre de «coordinateur-trice d’insertion profes-sionnelle» (CIP).

«Dans notre cahier de fonction, on a le suivi hebdomadaire du jeune.Normalement, on devrait le rencontrer une fois par semaine, sur sa place detravail ou quand il vient aux cours [ici, dans la maison], pour ceux qui viennent. Ça, on se rend compte que dans la pratique, ce n’est pas toujoursfacile, parce que ça dépend des métiers. C’est vrai qu’il y a des jeunes quiont des horaires… ou qui travaillent à l’extérieur, donc [...] ça dépend [...],mais moi en tout cas, je les vois à peu près une fois tous les 15 jours et entredeux, soit je leur téléphone ou soit ils m’appellent, ça dépend de ce qu’onconvient. » (Coordinateur d’insertion professionnelle, institution d’insertionprofessionnelle 2.)

L’institution propose un large éventail de mesures de soutien que le ou lacase manager peut mettre à disposition de l’apprenant-e.

«Tous nos enseignants vont travailler sur la base des cours à l’école profes-sionnelle et des besoins de l’apprenant. S’il a des 5 à l’école professionnelle, il

86

Page 87: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

ne viendra peut-être pas ici pour du soutien scolaire. Mais s’il est juste limiteà 4 ou au-dessous, il aura un soutien vraiment très, très ciblé avec des ensei-gnants de branches générales, mais aussi de branches techniques. Et notreresponsable d’enseignement est en contact régulier avec les doyens des écoles,sur tous les cantons romands, sur tous les métiers.

» On va donner aussi tout ce qui est relatif au bien-être dans la personne elle-même de l’apprenant, c’est-à-dire qu’un apprenant, parfois, a besoin d’unsoutien psychologique pour retrouver la confiance en lui, retrouver l’estimede lui-même qu’il a peut-être perdue, surtout ceux qui nous sont confiés quisont quand même des jeunes qui ont eu un parcours assez difficile. Donc il ya des psychologues ici. La fréquentation de psychologues n’est pas obligatoire,mais elle peut être recommandée et elle est surtout offerte à un apprenant quile souhaiterait.

» On a des répondantes de santé. Elles sont infirmières de formation. Leur rôlen’est pas de soigner, mais de faire de la prévention santé, à nouveau parcequ’un apprenant qui ne prendrait pas soin de son hygiène de vie peut se trouveren échec lors de l’apprentissage, peut-être parce qu’il se nourrit mal, peut-êtreparce qu’il ne dort pas suffisamment, peut-être parce qu’il sort trop ou parcequ’il ne sort pas assez. Donc tout ça, ça fait partie de la prévention santé queva donner l’infirmière, soit en groupe, en cours, soit en suivi individuel. Et çava jusqu’à la prise en charge, en tout cas pour les premières démarches, del’aspect santé en termes de soin, parce qu’il y a aussi des apprenants quipeuvent être malades et qui ne se soignent pas. Et là, l’infirmière ne va pas lessoigner, mais va les aider à prendre conscience de la nécessité d’être attentif àsa santé et peut-être prendre même le premier rendez-vous chez le médecinavec eux. Donc tout l’aspect santé nous paraît important aussi dans le soutiende l’apprenant.

» Et le soutien social : il y a une assistance sociale pour tout ce qui va être parexemple surendettement – c’est un problème assez présent dans la jeunesseactuelle, soit surendettement avec un Natel, avec des factures impayées, descrédits qui ont été pris avec de la démesure –, mais ça peut être aussi, au-delàde la gestion du budget, les relations avec les parents, la recherche d’un appar-tement, les soucis d’assurances, etc. Donc on apporte aussi tout ce soutien,l’entreprise en est tout à fait déchargée. Et on a des professionnels pour ça. »(Responsable, institution de réinsertion professionnelle 2.)

En parfait accord avec le case management, la phase de mise en œuvreest accompagnée d’un monitoring serré, exigé soit par le concept interne del’institution responsable du suivi, soit par le règlement de formation de

87

Page 88: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

l’OFFT. Il prend en général la forme d’évaluations tantôt formatives tantôtsommatives.

« [...] il y a ce qu’on appelle un plan de formation. C’est-à-dire que ce sonttous les objectifs qui doivent être acquis durant la formation professionnelledu jeune. [...] C’est un document OFFT. [...] Il y a des objectifs qui doiventêtre atteints ou acquis au premier semestre, [au] deuxième semestre oupremière année, enfin on a toutes ces informations-là. Et avec le jeune et l’en-treprise partenaire, on va définir quels objectifs le jeune va travailler pour lemois qui vient par exemple. Et à la fin de ce mois, on va se rencontrer avec lejeune et le patron et on va évaluer où le jeune en est par rapport à ces objectifs.Alors pour ça, nous, on a un cahier de suivi aussi, un cahier de suivi person-nalisé en entreprise où chaque objectif va être discuté et va être évalué. Et ça,ce sont le jeune et l’employeur qui vont le faire, puisque nous, on n’est pas desspécialistes métier.» (Coordinateur d’insertion professionnelle, institution d’in-sertion professionnelle 2.)

Le processus se termine sur une phase d’évaluation qui comporte undouble volet. Le premier se rapporte au devenir du-de la jeune une fois leprogramme de formation achevé. La recherche d’un emploi ne relève plus ducahier des charges de l’institution responsable du suivi de formation. Mais,celle-ci fait son possible pour faciliter la transition.

«Normalement notre mission s’arrête là, à l’obtention de la certification, maison ne lâche pas. On anticipe même, il faudrait plutôt la mettre ici, l’aide àl’emploi. Dès que les procédures de qualification sont passées, en général, c’estau mois de juin… En standard, on a des mesures jusqu’à la fin juillet, donc ona un mois et demi durant lequel on peut remettre à jour les dossiers de candi-dature, donner des adresses si on connaît des adresses dans le réseau des CIP,etc. [...] Les garanties sont de cet ordre-là. » (Cadre, institution d’insertionprofessionnelle 2.)

Il peut arriver que le-la jeune décide d’entreprendre une formation deniveau supérieur. S’il peut atteindre cet objectif sans aide complémentaire, ladécision lui revient entièrement.

«Quand un jeune apprenti termine… Là, j’ai eu un cas cette année d’un jeunequi a fini sa formation de peintre en bâtiment. Il a fait 2 ans, il a passé sonexamen et il a décidé, avec son patron, de partir tout seul en CFC, de ne plussolliciter notre aide. Donc c’était en accord avec le jeune et le mandant. On aexpliqué les points positifs et les choses qui peuvent aussi arriver. C’est son

88

Page 89: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

propre choix, il est majeur. » (Coordinateur d’insertion professionnelle, insti-tution d’insertion professionnelle 2.)

En revanche, et c’est le second volet de l’évaluation, le jeune aura besoinde l’accord du mandant si son projet n’est pas réalisable sans l’appui d’un-ecase manager. L’évaluation finale portera sur l’ensemble du modèle de réin-sertion proposé par l’institution.

«Oui, on a toutes les données. [...] C’est important pour nous aussi, parcequ’évidemment, c’est l’évaluation du concept. Est-ce que finalement, au boutde trois ans, on dit : “Oui, ça marche”. A priori, ça marche. Mais, c’est sûrque dans les premiers temps, il fallait voir ce qu’il fallait réajuster pour répon-dre. Mais là, visiblement, ça répond parfaitement aux entreprises. On a faitdeux enquêtes jusqu’à maintenant. Elles sont extrêmement satisfaisantes. C’estimpressionnant à quel point ils sont satisfaits de ce soutien qui leur estapporté. » (Responsable, institution d’insertion professionnelle 2.)

L’approche de l’intégration professionnelle par le case management offreen effet un modèle hautement flexible et peu contraignant pour les entre-prises.

« [...] dans un cadre comme celui-ci, les entreprises se sentent prêtes à accueillirun jeune pour le former. Et le fait [que nous signions] le contrat d’apprentis-sage, nous, et pas elles, [...] nous a permis de travailler avec un réseau d’entre-prises. Donc quelquefois, pour un même apprenant, on peut avoir 3 ou4 entreprises soit au même moment, soit qui se succèdent. Parce qu’il peut yavoir une entreprise qui dit “Je prends cet apprenant pour 6 mois, mais aprèsje ne pourrai plus”. Nous, on dit “Pas de problème, on travaille avec vouspour ces 6 mois et on trouve une autre entreprise pour la suite”. L’autre intérêt,c’est qu’une entreprise qui prend un apprenant et où ça se passe mal, ça peutse produire évidemment, c’est déjà arrivé, ça se passe mal, le courant passemal entre eux, c’est conflictuel, cette entreprise nous dit “Je souhaite arrêter”.La convention va s’arrêter avec cette entreprise, mais le contrat d’apprentissagene s’arrête pas. » (Responsable, institution d’insertion professionnelle 2.)

Le programme FORJAD, qui touche 800 jeunes adultes dès la rentréescolaire 2010/2011, est établi définitivement en avril 2009. Avec cette mesure,le revenu d’insertion (RI) qui était octroyé aux jeunes sur la base de la Loicantonale sur l’action sociale, est remplacé par une bourse d’études (État deVaud, 2008, 2009a, 2009b).

89

Page 90: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Afin de faciliter et de systématiser la collaboration de toutes les institutionsengagées dans la formation professionnelle des jeunes à risque, un « casemanagement formation professionnelle plus» est envisagé. Le projet consiste«à analyser les points de contact des activités de l’administration dans lesdomaines de la formation professionnelle, du marché du travail, de la migra-tion et des assurances sociales » (Egger et al., 2008, p. 4), puis, dans undeuxième temps, dans l’association étroite de l’OFFT au développement dela collaboration interinstitutionnelle (CII). Nous aurons l’occasion de revenirsur ce point dans le chapitre suivant.

3.5. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

CONFÉDÉRATION SUISSE. (2007). Journée de la formation professionnelle 2007 –«Case management + ». Conférence de presse, 23 novembre. Berne.(www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msg-id=15858, accès du17. 02. 2009).

CONFÉRENCE SUISSE DES DIRECTEURS CANTONAUX DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

(CDIP). (2008). Optimisation de la transition scolarité obligatoire – degrésecondaire II (Projet Transition) : rapport intermédiaire. 6 juin. CDIP : Berne.(www.nahtstelle-transition.ch/files/tra8917.pdf, accès du 21.01.2009).

CONFÉRENCE SUISSE DES DIRECTEURS CANTONAUX DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE (CDIP).(2006a). Davantage de diplômés du secondaire II. Conférence de presse,13 novembre. Berne. (www.edk.ch/dyn/13184.php, accès du 21.01.2009).

CONFÉRENCE SUISSE DES DIRECTEURS CANTONAUX DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

(CDIP). (2006b). Lignes directrices pour l’optimisation de la transition scola-rité obligatoire – degré secondaire II. 27 octobre. CDIP: Berne. (www.edk.ch/dyn/11743.php, accès du 21.01.2009).

CONFÉRENCE SUISSE DES DIRECTEURS CANTONAUX DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

(CDIP). (2006c). Optimisation de la transition scolarité obligatoire – degrésecondaire II : Projet Transition. 6 mars. CDIP : Berne. (www.edk.ch/dyn/11743.php, accès du 21.01.2009).

CONFÉRENCE SUISSE DES OFFICES DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE (CDIP),OFFICE FÉDÉRAL DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE LA TECHNOLOGIE

(OFFT). (2008). Case management Formation professionnelle – CM FP.Document de travail. 15 septembre.

DUPRAZ, V. (2010). La question de l’insertion professionnelle des jeunes. Étudede deux projets dans le canton de Neuchâtel. Mémoire de licence. Neuchâtel :Université de Neuchâtel, Faculté des sciences humaines et sociales.

90

Page 91: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET FORMATION PROFESSIONNELLE

EGGER, DREHER & PARTNER AG. (2007). Vertiefungsstudie Bildungsangeboteim Übergang von der obligatorischen Schule in die Berufsbildung. Berichterstellt im Auftrag des Bundesamtes für Berufsbildung und Technologie.Bern.

EGGER, DREHER & PARTNER AG. (2008). Grundlagenpapier «Case ManagementBerufsbildung plus ». Bericht erstellt im Auftrag des Bundesamtes für Berufs-bildung und Technologie. Bern.

ÉTAT DE VAUD. (2008). Pérennisation du programme d’insertion professionnelledes jeunes adultes FORJAD et harmonisation des normes du revenu d’inser-tion (RI) et des bourses d’étude. Conférence de presse du 16 juillet.(www.publidoc.vd.ch/guestDownload/direct?path=/Company%20Home/VD/CHANC/SIEL/antilope/objet/CE/Communiqu%C3%A9%20de%20presse/2008/07/276589_Presentation_FORJAD_16-07-2008_20080716_639673.pdf, accès du 17.02.2009).

ÉTAT DE VAUD. (2009a). 154 - Exposé des motifs et projet de lois modifiant : laloi du 24 novembre 2003 sur l’organisation et le financement de la politiquesociale (LOF), la loi du 11 septembre 1973 sur l’aide aux études et à laformation professionnelles (LAEF), la loi du 4 mai 2004 sur la protectiondes mineurs (LProMin), la loi du 17 septembre 1985 sur l’enseignementsecondaire supérieur (LESS). Lausanne, janvier. (www.vd.ch/fr/ themes/ territoire/communes/plate-forme-canton-communes/perennisation-forjad/,accès du 18.08.2010).

ÉTAT DE VAUD. (2009b). RC 154 - Rapport de la commission chargée d’examiner les objets suivants : la loi du 24 novembre 2003 sur l’organisationet le financement de la politique sociale (LOF), la loi du 11 septembre 1973sur l’aide aux études et à la formation professionnelles (LAEF), la loi du4 mai 2004 sur la protection des mineurs (LProMin), la loi du 17 septembre1985 sur l’enseignement secondaire supérieur (LESS). Lausanne, avril.(www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/gc/fichiers.../154_RC.PDF,accès du 18.08.2010).

GALLIKER, R. (2011). Projet Transition : rapport final. Berne : CDIP. (www.naht-stelle-transition.ch/fr/taxonomy/term/43, accès du 2.03.2011).

HOHN, M. (2006). Modèle bernois de l’intégration professionnelle : conditionscadres cantonales et marges de manœuvre communales. Conférencede l’Initiative des villes : Politique sociale du 14 novembre, Zurich.(www.initiative-villes.ch/fr/pdf/AI_Hohn_f.pdf, accès du 17.02.2009).

LÜTHI, G., MARTI, B. & IMBODEN, S. (2007). Case management «Formationprofessionnelle » du concept à la mise en œuvre. Projet «Transition», Journéecase management du 27 septembre. (www.nahtstelle-transition.ch/files/tra7133.pdf, accès du 21.01.2009).

91

Page 92: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

MAEGLI, R. (2006). Insertion professionnelle et intégration sociale. Les projetsbâlois. Conférence de l’Initiative des villes : Politique sociale du 14 novembre,Zurich. (www.initiative-villes.ch/fr/pdf/AI_WS_Maegli_f.pdf, accès du17.02.2009).

MAILLARD, P.-Y. (2006). Accroissement du nombre de jeunes à l’aide sociale : lapolitique sociale vaudoise face à ses responsabilités. Conférence de l’Initiativedes villes : Politique sociale du 14 novembre, Zurich. (www.initiative-villes.ch/fr/pdf/AI_Maillard_f.pdf, accès du 17.02.2009).

OFFICE FÉDÉRAL DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE LA TECHNOLOGIE (OFFT).(2007). Le case management « formation professionnelle ». Principes et miseen œuvre dans les cantons. Berne : OFFT. (www.bbt.admin.ch/ themen/berufs-bildung/00104/00358/index.html?lang=fr, accès du 17.02. 2009).

OFFICE FÉDÉRAL DE LA STATISTIQUE (OFS). (2009). Les jeunes adultes à l’aidesociale. Les principaux résultats. Neuchâtel : OFS.

PEDRO, F., BURNS,T., ANANLADOU, K.& DE NAVACELLE, H. (2009). Systemic inno-vations VET. Évaluation par l’OCDE du système de formation professionnelle.Suisse. Paris : OCDE.

RENOLD, U. (2007). Case management «Formation professionnelle ». Assembléegénérale CSIAS du 31 mai. (www.skos.ch/store/pdf_f/schwerpunkte/referate/mv_07/OFFT_CSIAS_31_05_07.pdf, accès du 21.01.2009).

SCHMIDLIN, S. (2009). Case management. Du concept à la mise en œuvre. JournéesCSIAS de Soleure, 3/4 septembre. (www.skos.ch/fr/?page=veranstaltungen/referate/#, accès du 18.08.2010).

SCHWAAB, J.-CH. (2007). Des devoirs pour Madame Leuthard : la formation pourtous et toutes ! Comité suisse contre le chômage des jeunes. Conférence dePresse, 27 octobre Hotel Kreuz, Berne.

WITTWER-BERNHARD, P. & GALLIKER, R. (2008). Case management «Formationprofessionnelle» (CM FP). Conférence de mai de la formation professionnelle.(www.bbt.admin.ch/themen/berufsbildung/00104/00363/index.html?lang=fr&download___JjKbNoKSn6A—, accès du 21.01.2009).

92

Page 93: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

4. LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

Si le case management est susceptible d’élever le taux de réhabilitation et

de réintégration professionnelles d’une frange de la clientèle des assureurs

accidents, des assureurs perte de gain en cas de maladie, et, par l’intervention

précoce, des offices AI, s’il se présente pour l’OFFT comme un outil central

de la formation professionnelle des jeunes en difficulté, il est également perçu

comme un instrument d’intégration au système de la sécurité sociale, dont

ces organismes sont des acteurs centraux.

Le processus de défragmentation du système de sécurité sociale fut initié

en 2001 à l’initiative de la Conférence des chefs des départements cantonaux

de l’économie publique (CDEP) et de la Conférence des directrices et

directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) sous le nom de collabora-

tion interinstitutionnelle (CII) (Dummermuth, 2005, p. 12).

Ces instances réagissaient à deux éléments contextuels. D’une part, un

rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques

(OCDE) qui, dans une étude comparative des systèmes d’aide sociale cana-

dien et suisse (OECD, 1999), « critique le maillage insuffisant entre l’aide

sociale et l’ORP et le peu de valeur généralement attribué à l’intégration

professionnelle au sein de l’aide sociale suisse» (CDEP et al., 2003, p. 1).

D’autre part, à l’« effet tourniquet», à savoir le passage répété d’une partie

des assuré-e-s d’un régime à l’autre induit par le cloisonnement d’un système

de sécurité sociale dont les composantes travaillent isolément (Rehberg et al.,

2007).

La CII est définie comme «une stratégie commune de différentes organi-

sations partenaires issues des domaines de l’assurance chômage, de l’assu-

rance invalidité, de l’aide sociale, de l’orientation professionnelle publique

93

Page 94: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

94

ainsi que d’autres institutions»25. Toutefois, elle n’engage concrètement quel’AI, l’assurance chômage (AC) et l’aide sociale (AS), l’orientation profession-nelle étant plus particulièrement investie dans le programme formationprofessionnelle présenté dans le chapitre précédent. Sur les onze régimes d’as-surance et d’aide sociale qui composent le système de protection sociale helvé-tique, la collaboration interinstitutionnelle englobe ainsi les « trois grandsréseaux de soutien social qui s’occupent de l’exclusion du monde du travail »(Dummermuth, 2005, p. 10).

Dans un second temps, la CII est complétée par la CII-plus, qui vise àstabiliser et à renforcer la collaboration « entre les offices AI et les assurancesdont les activités précèdent celles de l’AI»26, c’est-à-dire les régimes d’assu-rance de droit tant public que privé qui, après épuisement des droits, trans-mettent les cas concernés à l’AI. Il s’agit des assureurs d’indemnitésjournalières en cas de maladie (AIJM) et des assureurs accidents (AA) dont ila été question dans le deuxième chapitre, de même que des institutions deprévoyance professionnelles (Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), Loisur le contrat d’assurance (LCA)) en raison de la libération du paiement desprimes et de la force obligatoire des décisions de l’AI.

La Convention relative à la collaboration interinstitutionnelle (CII-plus)est conclue en 2005. L’Association Suisse d’Assurances (ASA), et santésuisseen sont signataires pour les assurances tandis que le parti de l’AI est repré-senté par la Conférence des offices AI (COAI) et l’Office fédéral des assu-rances sociales (OFAS) (COAI et al., 2008). En janvier 2008, l’Associationsuisse des institutions de prévoyance (ASIP) et la Caisse nationale suissed’assurance en cas d’accidents (SUVA) y adhèrent également (DFE, DFI,2010b, p. 1).

CII et CII-plus trouvent leurs bases légales dans l’article 68bis de la Loifédérale sur l’assurance invalidité, introduit en 2003 à l’occasion de laquatrième révision et étendu aux assurances de la prévoyance professionnelle

25 Voir www.cii.ch/fr/default.aspx, accès du 27.07.2009.26 Voir www.iiz-plus.ch/fr/, accès du 27.07.2009.

Page 95: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

95

en 2008 avec la cinquième révision, ainsi que dans l’article 85f de la Loi fédé-rale sur l’assurance chômage effectif depuis le 1er juillet 2003 (Champion,2008, p. 8).

Le case management est mis en œuvre dans la CII au travers du projet«Mamac», lancé avec le soutien du Secrétariat d’État à l’économie (SECO)et de l’OFAS en décembre 200527 sur la base d’un document présenté uneannée auparavant par l’Association suisse des offices du travail (AOST), laConférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) et de la Conférencedes offices AI (COAI) (AOST et al., 2004). Celui-ci peut être compris commel’opérationnalisation de la collaboration interinstitutionnelle simple dans ledomaine de la réinsertion professionnelle. Voyons maintenant quels en sontles contours.

4.1. LE PROGRAMME «CII-MAMAC»

Le document soumis par ces trois associations sous le titre « La collabo-ration interinstitutionnelle dans le champ de tension entre chômage, inva-lidité et aide sociale » présente à la fois le programme et les grands traits dumodèle de case management CII-Mamac. Mamac est l’acronyme, utilisé enfrançais comme en allemand, de l’expression «Medizinisch-ArbeitsMark-tliche Assessments im Rahmen des Case Managements » qui peut êtretraduit en français par «Assessments médico-professionnels dans le cadredu case management ».

Aux yeux de l’AOST, de la CSIAS comme de la COAI, le morcellementde la sécurité sociale est à l’origine de ce que ces organismes appellent de« fausses incitations » (AOST et al., 2004, p. 4), l’assuré-e qui, de son pointde vue, se comporte rationnellement, étant amené-e à générer des dépensesinjustifiées dans la perspective du système de sécurité sociale considéréglobalement.

27 Il est entré dans sa phase de mise en œuvre en septembre 2006 (Champion, 2008, p. 13).

Page 96: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Ces organismes illustrent le problème auquel le case management doitrépondre de la manière suivante : « [...] le dépôt d’une demande auprès del’assurance invalidité donne à l’assuré au chômage la possibilité de prolongerla durée de perception des indemnités de chômage. Si un assuré réagit avecdes difficultés psychiques (en soi compréhensibles) au fait qu’il se trouve sansemploi sans pouvoir en trouver un nouveau avant une période prolongée, ila la possibilité de formuler une demande auprès de l’assurance invalidité, etce indépendamment de la gravité des problèmes. L’accent est alors mis surl’atteinte à la santé et devra le rester afin que des prestations soient versées. »(AOST et al., 2004, pp. 4-5.)

L’« effet tourniquet» se déploie lorsque la cause de la précarité ne peutpas être attribuée de manière univoque : est-ce le chômage qui entraîne lamaladie ou la maladie qui appelle le chômage? L’usager-ère peut alors préten-dre aux prestations de différents régimes assurantiels, sans cependant qu’ellessoient apportées de manière cohérente et coordonnée.

Les trois acteurs institutionnels jugent que « la fragmentation et le manquede coordination entre les différents instruments de la politique sociale entraî-nent des duplications d’efforts et de l’inefficience et, de ce fait, des résultatsindésirables et onéreux. On prend ainsi des mesures à partir de la logique etdans l’optique d’une seule institution de la sécurité sociale, mais sans tenircompte de ses répercussions sur l’ensemble de la société. Un bilan global descoûts sociaux fait défaut et, par conséquent, nous ne disposons pas d’outilsde pilotage globaux qui seraient à même de surmonter les frontières entreinstitutions. » (AOST et al., 2004, p. 4.)

Mamac répond ainsi à la volonté politique de «promouvoir la cohérencedes systèmes de sécurité » et contribue indirectement à « réduire la chargefinancière globale pour la sécurité sociale» (AOST et al., 2004, p. 2). Il visedonc à l’intégration des prestations sociosanitaires. C’est en premier lieu l’ins-trument d’une «politique transversale» (Tabin, 2009) dans le domaine de lasécurité sociale.

Les promoteurs de Mamac identifient un second problème auquel celui-ci est également appelé à répondre. «À l’heure actuelle, tous les troissystèmes de sécurité sociale sont confrontés à de nouvelles formes de risquessociaux. Alors qu’à l’origine les prestations de l’assurance chômage, de

96

Page 97: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

l’aide sociale et de l’assurance invalidité dans le domaine de la réadaptationétaient aménagées comme prestations de soutien axées sur les cas indivi-duels avec une limitation en principe temporaire de l’activité lucrative oude l’aptitude à l’exercer, ces trois institutions constituent aujourd’hui, deplus en plus, des systèmes de soutien dans le contexte de mutations d’ordrestructurel, social ou économique. Il convient de citer notamment les déve-loppements observés en matière de désolidarisation, les “Working Poors”,etc. Il se présente dès lors, dans les trois sous-systèmes de sécurité sociale,une augmentation inquiétante du nombre de personnes prétendant auxprestations. Dans le même temps, de plus en plus de personnes demeurentde plus en plus longtemps tributaires des systèmes de soutien. L’un desgrands défis auxquels les trois systèmes font face est donc la tâche consistantà réagir, à l’avenir, de façon rapide et ciblée aux mutations afférentes de lasociété et à parer aux processus de désintégration qui y sont liés. À cet effet,ils doivent s’engager dans une stratégie de “back to work” suivie conjoin-tement. » (AOST et al., 2004, pp. 9-10.)

Dans cette perspective, Mamac est une forme de disability management

destiné aux individus ne disposant pas d’une place de travail.

Au plan programmatique, le case management Mamac poursuit ainsi deuxobjectifs. Il vise d’une part à intégrer et à coordonner l’action de régimes assu-rantiels, qui, en raison de la division verticale du système de sécurité socialetravaillent habituellement isolément et, d’autre part, à favoriser l’intégrationprofessionnelle d’une partie de la clientèle de l’AI, de l’AC et de l’aide sociale.

Les initiants considèrent implicitement que les deux objectifs se soutien-nent mutuellement, l’intégration de la prise en charge étant une condition dusuccès des efforts de réinsertion professionnelle. La définition du case mana-gement que proposent l’AOST, la CSIAS et la COAI rend clairement comptede cette double visée. «Le case management, expliquent-ils, en tant qu’outilde pilotage et de travail, est le moyen adéquat qui permet d’atteindre lesobjectifs de l’intégration. Par case management, il y a lieu d’entendre, sur leplan individuel, des conseils systématiques, axés sur les objectifs et provenantd’une seule source. Au-delà du cas d’espèce, cet instrument peut aussi êtreexploité en vue du pilotage et de l’harmonisation de services fournis par desprestataires distincts. Dans le contexte de la CII, le case management se prêteavant tout au domaine des activités d’intégration.» (AOST et al., 2004, p. 9.)

97

Page 98: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

98

4.2. LE MODÈLE «CII-MAMAC»

Dans l’esprit des initiateurs de Mamac, « il est nécessaire de ne pas secontenter à l’avenir d’offrir ces mesures de manière coordonnée, mais de lesharmoniser mutuellement déjà pendant la phase de leur conception. Par lebiais de mécanismes de financement flexibles, il y a lieu de garantir – indé-pendamment de la responsabilité institutionnelle – qu’il sera chaque foispossible de tirer parti de l’offre d’intégration la plus adéquate dans l’intérêtdes personnes concernées. Il faudrait également rendre possible une respon-sabilité institutionnelle commune pour des programmes à réaliser entre l’as-surance chômage, l’assurance invalidité et l’aide sociale. Comme objectiflointain, des institutions ancrées au niveau cantonal pourraient assumer laresponsabilité de la mise en œuvre des offres d’intégration professionnelle etsociale pour toutes les personnes qui en dépendent. » (AOST et al., 2004,p. 12.)

Mamac, qui est conçu pour satisfaire à ces exigences, est un projet piloteauquel quinze cantons, dont les six cantons romands, sont associés28. Sichacun d’eux a développé un modèle propre, tous se réfèrent au modèle debase reproduit ci-contre développé par la direction nationale du projet.

La procédure Mamac est engagée lorsqu’un cas est signalé par un-e colla-borateur-trice de l’une des institutions partie prenante de Mamac auprès del’organe de gestion Mamac.

«Théoriquement, toute personne qui traite un dossier dans le cadre duchômage, des services sociaux et de l’AI peut dire “Cette situation, je la consi-dère comme complexe” et aller présenter le cas en question à son coordinateur.Parce qu’il y a des présentations et des explications qui ont été données danschaque institution.» (Coordinateur Mamac, AI.)

Chaque institution est représentée dans l’organe de gestion par un-e «délégué-e » qui, dans certains cantons, est appelé-e « coordinateur-triceMamac».

28 Il s’agit des cantons d’Argovie, Berne, Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Fribourg, Genève,Grisons, Jura, Lucerne, Saint-Gall, Vaud, Valais, Zoug, Zurich. Le canton de Neuchâtels’est associé au projet en septembre 2007 (Champion, 2008, p. 13).

Page 99: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

L’organe de gestion est chargé de l’intake. Dans ce cadre, il lui revientd’examiner si le cas proposé appartient effectivement au groupe cible visé parle programme Mamac. Selon les instructions, le-la candidat-e au suivi Mamacdoit remplir les critères suivants :

«– Présenter une “problématique complexe”, qui, dans une première approxi-mation, est définie comme la conjugaison de difficultés d’insertion sur lemarché du travail avec des problèmes sociaux et/ou de santé lourds ou flous ;

– Montrer des chances de réinsertion réalistes sur le marché du travailprimaire ;

– Être bénéficiaire de l’une ou l’autre des trois institutions (AI, AC, AS) ;

– Être inscrit depuis au maximum 4 mois auprès de cette institution. »(Burkhard, Champion, 2006, pp. 11-12.)

99

Source : Burkhard, Champion, 2006, p. 6.

Figure 7 : Le modèle du case management CII-Mamac

Page 100: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

La notion de complexité, qui est définie comme le cumul de problèmes,est donc décisive pour l’admission d’une personne dans le programmeMamac. Une liste non exhaustive en propose un premier inventaire :

«– chômage et/ou incapacité de travail,

– problèmes médicaux (physiques et/ou psychiques),

– difficultés financières, nécessité économique (év. imminentes),

– problèmes familiaux, problèmes relationnels,

– problèmes de dépendance,

– problèmes sur le lieu de travail,

– difficultés de réinsertion (comportement, déficit social, difficultés à établirdes contacts, difficultés d’adaptation, langue),

– manque de motivation (la personne ne reconnaît pas le problème), etc. »(Burkhard, Champion, 2006, p. 12.)

Toutefois, la complexité est un critère dont l’opérationnalisation est diffi-cile, et malgré cet effort de transparence, son application reste problématique :

«Et maintenant, nous (les membres de l’organe de gestion) avons commencéà nous rencontrer, à déterminer, c’est la première difficulté, ce qu’est un vraicas Mamac, un cas complexe. Et ça, c’est… complexe. Ce que je veux dire,c’est que c’est déjà le premier problème. Parce que chacun peut avoir uneappréciation différente. Dans l’organe de gestion dont je fais partie, on essaied’analyser un peu tout ça. » (Coordinateur Mamac, AI.)

Lorsque le cas est accepté, l’organe de gestion organise un assessment

auquel prennent part au moins un représentant de chacune des trois institu-tions et parfois d’autres expert-e-s, tel-le-s qu’un-e médecin ou le-la tuteur-trice du-de la bénéficiaire par exemple. Généralement, ce-cette dernière yparticipe également. Il arrive que le ou la collaboratrice qui a annoncé le casà l’organe de gestion soit également présent-e.

«L’idée de l’assessment [...] c’est l’idée d’un tour de table, avec la présence dela personne, si nécessaire la présence du médecin, la présence bien entendu desreprésentants des autres institutions qui se sont occupées ou qui s’occupent dela personne, voire à la rigueur on pourrait même imaginer un tiers. Et là, onmet les choses à plat pour essayer de trouver une solution. Mais parfois l’as-

sessment, ça peut être déjà simplement d’apporter un certain nombre d’infor-mations ou un complément d’information pour pouvoir ensuite échafauder unplan.» (Coordinateur Mamac, AI.)

100

Page 101: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

L’assessment présuppose l’échange d’informations entre institutionsconcernées, démarche qui nécessite l’accord formel de l’usager-ère. Ildébouche sur un plan de réinsertion. Celui-ci décrit les ressources existantes,fixe l’objectif final et les objectifs intermédiaires du suivi ; il définit aussi lesindicateurs qui permettront le monitoring du cas. Il décrit les mesures quiseront mises en œuvre, règle la question de leur financement et définit lesresponsabilités des partenaires impliqués. C’est également au cours de l’éla-boration du plan de réinsertion que le ou la case manager – qui est rattaché-eà l’une des trois institutions partenaires – est désigné-e.

Le plan de réinsertion est établi et signé conjointement par les représen-tants des institutions et par le ou la bénéficiaire. Il est contraignant à la foispour les institutions qui s’engagent les unes envers les autres à financer lesmesures dont le plan leur assigne la charge et pour le-la bénéficiaire, qui doitfaire preuve de son adhésion au projet.

Dans les cas où le-la bénéficiaire est absent-e lors de l’assessment, uneproposition de plan de réinsertion est signée par les représentant-e-s des insti-tutions. Les objectifs du plan sont ensuite discutés entre les bénéficiaires etles case managers, qui établissent et signent sur cette base un contrat d’ob-jectifs.

Les case managers ont pour tâche d’appliquer de manière impérative leplan de réinsertion. Ils-elles sont également en charge du monitoring du cas,c’est-à-dire du contrôle de la mise en œuvre et des effets des mesures prévuespar le plan. La situation des bénéficiaires pouvant changer rapidement, ils-elles ont aussi pour fonction de veiller à ce que les mesures mises en placedemeurent adéquates. Le cas échéant, les case managers peuvent procédereux-mêmes ou elles-mêmes à de petites adaptations du plan (par exemplelorsqu’il s’agit de la modification d’une échéance). En revanche, si les chan-gements nécessaires sont plus conséquents, ils et elles doivent en informerl’organe de gestion qui procédera alors à une nouvelle évaluation (reassess-

ment).

«Tant que ça va dans le sens du contrat d’objectifs, l’organe d’assessment n’estpas réuni. S’il y a un élément qui intervient qui fait qu’il faut voir une autrestratégie, l’organe d’assessment est reconvoqué pour un reassessment.»(Responsable Mamac 1, AI.)

101

Page 102: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

102

Lorsque le processus de réinsertion Mamac arrive à son terme, les casemanagers procèdent à une évaluation finale de la gestion du cas. Celle-ci portesur trois aspects principaux :

«– le plan de réinsertion et le contrat d’objectifs sous l’angle des objectifsatteints et des résultats obtenus ;

– les méthodes de travail utilisées lors de la mise en œuvre du plan de réinser-tion et le fonctionnement de la coopération des personnes et institutions impli-quées dans le processus ;

– la satisfaction du client et des institutions impliquées. » (Burkhard, Cham-pion, 2006, p. 23.)

4.2.1. LE RÔLE DES CASE MANAGERS

Le modèle Mamac distingue les rôles de coordinateur-trice et de casemanager. Il se peut, par manque d’effectifs notamment, qu’ils soient portéspar une même personne. En général, ce n’est cependant pas le cas :

«Mon rôle, c’est celui de coordinateur dans l’office (AI) donc en fin de compte,je regarde si tout marche correctement au niveau Mamac dans ce cadre. Maisà un moment donné j’étais sensé traiter les dossiers également, mais j’ai ditque c’était pas possible, qu’il fallait pour ça des gens de terrain, donc j’y aiéchappé, j’ai eu chaud.» (Coordinateur Mamac, AI.)

Le-la coordinateur-trice est membre de l’organe de gestion, il ou elle estdonc chargé-e du tri des cas adressés à Mamac et entérine le plan de réinser-tion dans les cas où il-elle n’a pas pris part personnellement à l’assessment.Il-elle est ainsi habilité-e à engager la responsabilité de l’institution qu’il-ellereprésente dans les séances Mamac.

Dans le modèle Mamac, c’est au-à la coordinateur-trice d’assurer la fonc-tion de gatekeeper qu’il ou elle exerce par ailleurs non seulement lors de l’in-

take, mais également lors de l’assessment, pouvant notamment refuser lefinancement de mesures que les autres participant-e-s jugent utiles et souhai-tables en regard des objectifs fixés.

Si les coordinateurs-trices occupent une fonction de pivot dans le modèleMamac, les prérogatives que celui-ci accorde aux case managers sont limitées.

Page 103: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

103

Il s’agit essentiellement d’une fonction d’exécution qui n’exploite que faible-ment les potentiels que le rôle recèle. Mamac repose ainsi sur une conceptionbureaucratique du case management, qui cherche à rendre la prise en chargeplus rapide et plus flexible sans, cependant, ébranler les hiérarchies en placedans les organismes impliqués.

4.2.2. DROITS ET DEVOIRS DANS MAMAC

Mamac est en principe un dispositif attrayant pour ses bénéficiaires,puisqu’il leur ouvre simultanément les ressources des trois organisations quile composent, alors que le suivi normal ne garantit l’accès aux prestationsque de l’une d’entre elles. Mais la participation à Mamac n’est pas un droit.Seul l’organe de gestion est habilité à admettre un-e candidat-e dans leprogramme et sa décision est irrévocable, Mamac ne connaissant aucuneinstance de recours. En revanche, lorsque le-la candidat-e désigné-e « refusede participer à une mesure jugée raisonnable et utile pour elle ou lui, elle oului peut faire l’objet de sanctions» (Burkhard, Champion, 2006, p. 23).

L’aspect contraignant du modèle est souligné dans le passage suivant, quin’apparaît pas dans la version originale du dossier Mamac29 : «Mamac n’estpas facultatif pour les personnes concernées. Cela signifie que lorsqu’uneinstitution décide que les critères de tri sont remplis, la personne concernéedoit prendre part au processus Mamac en vertu de l’obligation de coopéreret de réduire le dommage. Cette obligation vaut aussi dans le cas de l’octroide mesures déterminées. Si cette obligation de coopérer et de réduire ledommage n’est pas respectée, il incombe à l’institution qui annonce un casMamac à l’organe de gestion ou qui a octroyé la mesure d’émettre des sanc-tions. » (Mamac, 2008, p. 3.)

Face à Mamac, l’usager-ère a des devoirs, en même temps qu’il-elle estsans droits. Cette asymétrie constitutive de Mamac engendre une disjonctionentre les principes normatifs du projet et les pratiques que ceux-ci devraientengendrer :

29 Pour la comparaison, voir : Burkhard, Champion, 2006, pp. 12-13.

Page 104: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

«Mamac, c’est vraiment un travail d’équipe, dont la personne [le-la bénéfi-ciaire] est le principal instigateur, la personne la plus importante. Et tant qu’iln’y a pas la volonté de la personne, ce n’est pas possible. Alors on peut essayerde la convaincre, c’est clair, mais… je crois qu’une des conditions à remplir,c’est que la personne ait envie. » (Coordinateur Mamac, AI.)

Les équipes cantonales associées à Mamac se voient ainsi amenées à inter-préter des directives, qui, si elles étaient appliquées au pied de la lettre,rendraient le dispositif impraticable.

«Si vous voulez être chaudronnier, on est peut-être un peu mal parti. C’est jolicomme métier, comme moutonnier, mais ce n’est peut-être pas ça qui va luipermettre… après faut voir les débouchés. [...] Mais en tout temps, on tientcompte de l’avis de la personne, de ses envies. Si une personne est motivée,parce que le métier lui plaît, c’est aussi plus facile. Mais on est aussi là pourcanaliser un peu. C’est pour ça qu’on a des professionnels, des spécialistes enréinsertion chez nous, parce qu’ils connaissent le terrain, ils connaissent lesexigences dans certains métiers, ils peuvent expliquer aux personnes si c’estpossible, pas possible, etc. » (Coordinateur Mamac, AI.)

Dans certains cas, la disposition est simplement ignorée :

«On s’est mis d’accord entre les institutions qu’on ne sanctionnait pas dans lecadre de Mamac, si une personne ne veut pas collaborer, si elle met de lamauvaise volonté, etc. » (Responsable 1 Mamac, AC.)

Ceci ne signifie pourtant pas qu’elle soit sans effets. Elle conduit, en amontde Mamac, à une sélection implicite qui explique notamment le faible tauxde sanctions que connaît le projet :

«Pour une part, c’est vrai qu’il y a un effet de sélection des plus motivés, cequi fait qu’il y a moins de réticences. C’est humain de la part des collaborateursde parfois laisser un peu tomber les cas qui n’ont rien envie de faire et d’adres-ser les personnes motivées à Mamac.» (Responsable 2 Mamac, AI.)

La disposition en question amène aussi à renoncer à tout travail de moti-vation, ce qui contribue à réduire le nombre de cas traités par Mamac :

«On n’a pas le temps de convaincre la personne, si elle n’est pas motivée d’elle-même.» (Coordinateur Mamac, AI.)

104

Page 105: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

Dans certains cas, la disposition conduit à des sanctions effectives. Engénéral, le ou la bénéficiaire réintègre le régime qui était le sien avant sonadmission dans Mamac, perdant ainsi les avantages que ce dernier présente.Comme si cette sanction n’était pas suffisante, il n’est pas exclu qu’il ou ellesoit également sanctionné-e dans le cadre du suivi normal :

«Mais la seule sanction qu’on peut prendre, c’est qu’on arrête le suivi Mamac.Par contre, quand ils retournent dans leur régime antérieur, ils retrouvent ledéroulement normal [...] donc c’est possible qu’ils subissent des sanctions. »(Responsable 1 Mamac, AC.)

4.3. COLLABORATION ET COORDINATION

Les différents régimes de la sécurité sociale réunis sous Mamac répondentà des rationalités et des cultures différentes, dont la gestion demande unepréparation active :

« J’ai suivi un cours dont l’objectif était d’apprendre aux personnes commentcollaborer, etc., on doit apprendre, on a des vocabulaires différents. L’aptitudeau placement, ça n’a rien à voir avec la capacité de travail, la capacité de gain,ce sont deux choses différentes. À l’AI, quand on réinsère quelqu’un, on viseune réinsertion de qualité, au sens où on vise que la personne retrouve si possi-ble les mêmes perspectives de gain qu’elle avait auparavant. Le chômage, sonobjectif, c’est que la personne travaille, point. Ils peuvent admettre une perteéconomique jusqu’à 30%. Donc à un moment donné, quand vous êtes autourd’une table, ils ne comprennent pas très bien quand on commence à dire “Oui,mais là, ce type d’activité ne va pas jouer, parce que cette personne va avoirune perte économique trop importante, ça ne correspond pas du tout…” [...]Déjà là, il faut qu’on accorde nos violons, et ainsi de suite. [...] Pour bien colla-borer, il faut se respecter, pour se respecter, il faut connaître le travail de l’autre.Et se connaître. » (Coordinateur Mamac, AI.)

L’intégration des trois régimes est difficile pour des raisons économiquesaussi, chacun d’eux ayant une comptabilité et des objectifs financiers propres.

«Par rapport à Mamac, la question du financement reste problématique. Ceque l’AI ou l’AC [qui ont un financement fédéral] ne paient pas, c’est l’AS [quiest financée par le canton] qui paie. Et comme il n’y a pas de système de péré-quation financière entre les régimes, toutes les théories qu’on peut faire sur laCII restent des théories. » (Coordinateur Mamac, AS.)

105

Page 106: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Les concepteurs-trices de Mamac ont anticipé cette difficulté, qui, à leursens, révèle certaines limites de la nouvelle gestion publique. Celle-ci, en effet,vise à l’optimisation de chaque institution qui est considérée comme une unitécomptable autonome, alors que l’approche CII en général, et Mamac en parti-culier, s’intéresse à l’efficacité globale du réseau de prise en charge formé parles institutions partenaires : «Une collaboration des institutions présupposeune vue globale, avec un objectif commun. Pour cela, les institutions impli-quées doivent changer leurs perspectives. Alors que dans le cadre de lanouvelle gestion publique, l’heure était à la définition et à l’optimisation descompétences et des processus clés de l’institution, et qu’elle mettait en placedes mesures incitant les collaborateurs à un maximum d’efficacité dans l’ac-complissement de ces tâches clés, l’effort doit désormais porter sur une opti-misation des interventions du réseau au service des clients. Peu importe auxintéressés que les différents acteurs au sein des différentes institutions remplis-sent parfaitement leur rôle ou non, la seule chose qui leur importe est desavoir si le réseau fonctionne de manière optimale dans son ensemble. »(CDEP et al., 2003, pp. 33, 34.)

En attendant son règlement définitif par le parlement, la question dufinancement des prestations décidées dans le cadre de la CII ou d’un assess-

ment Mamac est l’objet de trois solutions différentes. Dans le cadre du «clea-

ring», une des institutions prend la mesure à sa charge pour ensuite calculeret facturer aux institutions partenaires la part du montant qui leur revient.

Ce mode de financement est suivi dans le canton de St-Gall par exemple.Le canton d’Argovie a opté pour la méthode du « cofinancement» quiconsiste à définir à l’avance une clef de répartition des coûts entre partenaires,la part de chacun étant fixée en fonction de la charge respective qu’ils auraientà supporter, si le cas était resté en suivi normal. La constitution d’un « fondsde roulement» nourri par les trois institutions représente la troisième option.Elle a été retenue par la ville de Berne (CDEP et al., 2003, pp. 68-71). À suivrel’un de nos répondants, c’est également le cas du canton du Valais. La question du financement des mesures reste néanmoins encore largementouverte :

« Il y a le fonds cantonal qui est prévu dans le système, mais qui n’a pas étémis en place dans notre canton, en Valais oui. Donc chaque fois, les prestationsdoivent être payées et pour être payées il faut une base juridique, donc il faut

106

Page 107: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

en tout cas qu’une demande soit déposée et certaines conditions remplies.Même si on est sous l’angle Mamac.» (Coordinateur Mamac, AI.)

Ici aussi, Mamac serait dans l’impossibilité de mettre à disposition desusagers-ères « toutes les mesures d’intégration appropriées à leur cas, sansavoir à faire un discernement entre les différents prestataires» (CDEP et al.,2003, p. 68) si les équipes engagées dans le travail pratique s’en tenaient àune application stricte des directives fédérales :

«Dans Mamac, il y a trois systèmes qui ont des sources de financement diffé-rentes qui doivent travailler ensemble. [...] Donc quand on est dans Mamac,on ne réfléchit plus à qui paie. [...] Mais le financement reste une questionprimordiale… à ne pas prendre en compte si on veut que Mamac fonctionne.»(Case manager Mamac, AC.)

«Dans Mamac, on a décidé qu’on laissait de côté ce type d’enjeux. [...] Lesmesures décidées sont contraignantes [pour les institutions impliquées]. Après,le paiement, c’est une autre histoire. L’important, c’est que la mesure soit réali-sée. Après, on s’arrange. Cela veut dire qu’après, on regarde qui va prendreen charge et il n’y a jamais eu de problème du type “l’AI a payé plus souventdes mesures” ou “le chômage a payé plus souvent des mesures”. On n’a jamaisde discussions de ce type-là. [...] C’est clair que si vous partez sur des intérêtsinstitutionnels et de concurrence, Mamac, c’est mort. On est parti du principequ’on s’en fichait de ça. [...] Le principal bénéficiaire de Mamac est précisé-ment le bénéficiaire. C’est vraiment ce qu’on a essayé de faire. Si vous partezdes intérêts institutionnels, il faut arrêter ; c’est une perte de temps.» (Respon-sable 1 Mamac, AI.)

4.4. L’ÉVALUATION DU PROJET MAMAC

L’implantation définitive du projet Mamac dépend des résultats d’uneévaluation externe. Celle-ci est conduite entre le printemps 2009 et le prin-temps 2010. Trois points particulièrement saillants sont mis en évidence.

Il s’avère tout d’abord que l’impact du programme est modeste, puisqu’autotal 1323 personnes ont été signalées entre décembre 2005 et mars 2010,un nombre notablement plus restreint que celui qui était envisagé initiale-ment. 55% des cas sont annoncés par l’assurance chômage, l’aide sociale enadresse près de 30% et l’AI environ 10%. Pour cette dernière, Mamac aurait

107

Page 108: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

108

perdu de son attrait depuis la mise en place des programmes de détection etd’intervention précoces liés à la cinquième révision30. Les auteur-e-s expli-quent ce résultat notamment par le caractère par trop sélectif des critèresd’admission établis par la direction du projet national, par le manque deressources libérées par certains cantons qui ne sont pratiquement pas enmesure d’offrir un suivi Mamac à toutes les personnes qui en satisfont lescritères, ainsi que par la liberté laissée aux collaborateurs-trices des orga-nismes associés à Mamac d’annoncer ou non les cas qui remplissent les condi-tions d’admission. En outre, Mamac ne s’avère pas particulièrement opérant.La comparaison avec les groupes témoins montre que la durée moyenne d’in-demnisation chômage est plus élevée et le taux de réinsertions réussies moin-dre pour les cas Mamac (Egger et al., 2010, pp. 12, 21, 61).

Ce premier résultat incite à penser que la notion de complexité est impro-pre à générer des critères d’admission au programme véritablement effectif.Il serait préférable de voir dans Mamac une réponse à la fragmentation insti-tutionnelle et à l’« effet carrousel » qui l’accompagne pour réserver l’accès auprogramme aux personnes menacées de déambuler aveuglément d’une insti-tution à l’autre, même si de prime abord leur situation ne semble pas parti-culièrement complexe. Le résultat montre aussi que Mamac n’est pas unemesure d’économies, mais un investissement visant à garantir une prise encharge continue et cohérente pour les assuré-e-s qui présentent des affectionsaux origines incertaines, susceptibles d’ouvrir le droit de plusieurs régimesd’assurance simultanément.

L’évaluation révèle ensuite la disparité des modèles mis en place au niveaucantonal, malgré l’existence d’un projet national dont l’un des objectifs estd’harmoniser les pratiques. Les auteur-e-s distinguent deux types de structureorganisationnelle. Généralement, Mamac se présente comme une plate-formede collaboration entre les différentes assurances s’occupant du même cas. Cemodèle relève plutôt de la coordination interinstitutionnelle que du casemanagement, puisque le suivi y est assuré par plusieurs institutions simulta-nément. Dans le second modèle, qui est établi à Bâle-Ville et à Soleure,Mamac désigne l’organisme chargé de la gestion des cas qui étaient aupara-

30 Pour plus de détail, voir point 2.1.1.

Page 109: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

vant traités par plusieurs institutions. D’autre part, la prise en charge Mamacne connaît pas l’intensité des suivis de case management classiques. L’équiped’évaluation estime que 40% des suivis Mamac engendrent un surcroît detravail de 20 à 40 heures et que celui-ci ne dépasse pas 20 heures dans 45%des cas (Egger et al., 2010, pp. 19, 30).

Bien que la gestion d’un dossier Mamac ne soit pas particulièrementlourde, la charge de travail supplémentaire n’est pourtant pas négligeablepour des collaborateurs-trices déjà surchargé-e-s. Les auteur-e-s relèvent pourexemple qu’«avec 150 à 200 demandeurs d’emploi pris en charge par année,un conseiller en personnel d’un ORP peut consacrer environ une journée detravail par demandeur d’emploi. Ce volume de travail est trois fois plusimportant pour la gestion d’un dossier Mamac. Or, à quelques exceptionsprès, aucune réduction du nombre de demandeurs d’emploi à prendre encharge ne vient compenser, au sein des ORP, le surcroît de travail ainsi induitpour le collaborateur. Chaque dossier Mamac se traduit donc par une dimi-nution des ressources disponibles pour les demandeurs d’emploi “normaux”»(Egger et al., 2010, p. 31).

Le modèle valaisan est présenté comme exemple de bonne pratique. Ici, lesuivi est assuré par le « répondant Mamac» et non pas, à l’image des autrescantons, par le ou la collaborateur-trice qui a initialement signalé le cas àMamac. Ce-cette dernier-ière n’a ainsi pas à craindre que son initiative soitsanctionnée par une surcharge de travail. Les auteurs attribuent néanmoins ledispositif valaisan au modèle de premier type, car le ou la répondant-e Mamacne dispose pas d’une autorité particulière sur les collaborateurs-trices des deuxautres régimes associés au plan d’intervention (Egger et al., 2010, pp. 31-34).

Enfin, le rapport identifie un « effet catalysateur» de Mamac sur la colla-boration entre l’AC, l’AI et l’aide sociale qui dépasse le cadre strict du projet :« [...] des réseaux utiles ont pu se constituer à tous les niveaux entre lesservices sociaux, les ORP et les offices AI. Il en a résulté une meilleurecompréhension mutuelle, un élargissement des compétences professionnellesdes participants et ainsi, indirectement, de leurs institutions, ainsi qu’un pointde départ appréciable pour un développement structuré de la CII dans sonensemble» (Egger et al., 2010, p. 65). En somme, Mamac apparaît tendan-ciellement comme un bon vecteur de l’intégration institutionnelle, maiscomme un support médiocre de la réinsertion professionnelle.

109

Page 110: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

110

4.5. PERSPECTIVES

À la suite de cette évaluation, largement décevante, le projet Mamac n’apas été étendu aux autres cantons. Il est laissé pleine liberté aux cantons quis’y sont investis de donner à l’expérience la suite qu’ils jugent nécessaire, lesstructures en place étant, pour l’heure, maintenues. Au plan national, les déci-deurs n’ont pas renoncé au développement de la collaboration interinstitu-tionnelle pour autant. En novembre 2010, le conseiller fédéral JohannSchneider-Amman, chef du Département de l’économie et son homologueDidier Burkhalter, responsable du Département de l’intérieur, annoncent lacréation d’un « comité national de développement et de coordination CII».En font partie l’AOST, la COAI, la CSFP, la CSIAS, la CDAS, l’Initiative desvilles : Politique sociale et la Suva. Les conditions-cadres de son activité etl’orientation générale de sa politique sont définies par un « comité nationalde pilotage CII ». Un «bureau national CII » financé conjointement par leSECO, l’OFAS et l’OFFT qui en assument alternativement la présidence, lesoutient dans sa mission. Dotée de cette «organisation interinstitutionnelle»(DFE, DFI, 2010b, p. 2), la CII dispose désormais d’une structure qui rappelleles réseaux de services intégrés développés dans le domaine sanitaire31. Il s’agitsans doute d’une étape importante vers l’intégration des prestations des orga-nismes liés à la CII. Mais, en renonçant à Mamac, les politiciens renoncentprovisoirement au case management, se privant ainsi de l’instrument essentielde cette collaboration.

Il s’avère qu’un case management véritablement à même de supporter leprojet de collaboration institutionnelle ne peut être réservé aux seul-e-susager-ères capables d’une réinsertion professionnelle. Il doit être ouvert àtous les assuré-e-s qui nécessitent des prestations dont le financement n’estpas garanti par un régime unique en vertu des dispositions légales en vigueur.

La seconde difficulté est d’ordre culturel. Pour fonctionner, le case mana-gement « collaboration interinstitutionnelle» doit concéder une place impor-tante à l’initiative personnelle de ses coordinateurs-trices et de ses casemanagers. Pour cette raison, ceux et celles-ci ne peuvent être soumis-es aux

31 Voir les points 7.3.1. et 7.4.2. dans cet ouvrage.

Page 111: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT ET LA COLLABORATION INTERINSTITUTIONNELLE

règles de fonctionnement habituelles ainsi qu’aux hiérarchies en place dansles institutions qui participent au projet. Le case management contribueraitainsi à rendre l’administration plus légère, et partant, moins bureaucratique.Mais, Mamac montre que, dans le cadre de la CII, une bureaucratisation ducase management ne peut être exclue. Celui-ci perdrait alors l’essentiel de sonintérêt.

4.6. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

ASSOCIATION DES OFFICES SUISSES DU TRAVAIL (AOST), CONFÉRENCE SUISSE DES

INSTITUTIONS D’ACTION SOCIALE (CSIAS) & CONFÉRENCE DES OFFICES AI(COAI). (2004). La Collaboration interinstitutionnelle dans le champ detension entre chômage, invalidité et aide sociale. Lucerne, Zurich, Stans.(www.cii.ch/Dokumente/FR/Archiv/Grundlagenpapier/CII_prise_de_position.pdf,accès du 27.07.2009).

BUCHER, A. (2006). Case Management Theorie und Praxis am Beispiel desProjekts NetzWerk Interinstitutionelle Zusammenarbeit (IIZ). Olten : Fach-hochschule Nordwestschweiz Hochschule für Soziale Arbeit.

BURKHARD, H.-P. & CHAMPION, C. (2006). Dossier du projet CII-Mamac. Berne :OFAS, SECO, CDAS, CDEP. (www.iiz.ch/dokumente/FR/iiz_mamac/DossierduprojetCIIMamacavril07.pdf, accès du 27.07.2009).

CHAMPION, C. (2008). La collaboration interinstitutionnelle : prémices d’uneréforme de la sécurité sociale suisse. Chavannes-près-Renens : Institut deshautes études en administration publique (IDHEAP). (www.idheap.ch/idheap.nsf/view/2429231423ACB4EDC12575280041CEE8/$File/5_Work-ing_paper_IDHEAP_Champion_081123.pdf, accès du 27.07.2009).

CONFÉRENCE DES CHEFS DES DÉPARTEMENTS CANTONAUX DE L’ÉCONOMIE PUBLIQUE

(CDEP), CONFÉRENCE DES DIRECTEURS CANTONAUX DES AFFAIRES SOCIALES

(CDAS), ASSOCIATION DES OFFICES SUISSES DU TRAVAIL (AOST), CONFÉRENCESUISSE DES OFFICES AI (COAI), CONFÉRENCE SUISSE DES INSTITUTIONS D’ACTIONSOCIALE (CSIAS), ASSOCIATION ROMANDE ET TESSINOISE DES INSTITUTIONS D’AC-TION SOCIALE (ARTIAS), et al. (Éds.). (2003). Manuel pour la collaborationinterinstitutionnelle (CII). Berne. (www.cii.ch/dokumente/FR/manuel/manuel_francais.pdf, accès du 27.07.2009).

CONFÉRENCE DES OFFICES AI (COAI), ASSOCIATION SUISSE D’ASSURANCES (ASA),ASSOCIATION SUISSE DES INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE (ASIP), SANTÉSUISSE,CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (SUVA) & OFFICEFÉDÉRAL DES ASSURANCES SOCIALES (OFAS). (2008). Convention relative à laCollaboration Interinstitutionnelle (CII-plus). Lucerne, Zurich, Soleure, Berne.

111

Page 112: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

(www.iiz-plus.ch/fr/download/Vereinbarung-franz-IIZ-plusab010108_F.def.jk.pdf, accès du 28.07.2009).

DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE L’ÉCONOMIE (DFE) & DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE L’IN-TÉRIEUR (DFI). (2010a). Mise en place d’une organisation CII nationale pourla poursuite du développement de la collaboration interinstitutionnelle. Berne,11 novembre.

DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE L’ÉCONOMIE (DFE) & DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE L’IN-TÉRIEUR (DFI). (2010b). Mise en place d’une organisation CII nationale pourla poursuite du développement de la collaboration interinstitutionnelle.Annexe à la décision. Berne, 11 novembre.

DUMMERMUTH, A. (2005). De la CII à la CII-plus. Collaboration interinstitution-nelle : Arrière-plan, Formes, Perspectives. Stans, Conférence des offices AI(COAI). (www.cii.ch/dokumente/fr/IIZ_IIZ-plus_DEFINITIF_FRANZOESI-SCH091205_SRW.pdf, accès du 28.07.2009).

EGGER, M., MERCKX, V. & WÜTHRICH, A. (2010). Évaluation du projet nationalCII-Mamac. Rapport final. Rapport de recherche N° 9/10. Berne : EDI, DFI,OFAS.

GALSTER, D., ROSENSTEIN, E. & BONVIN, J.-M. (2009). Assessing IntegratedEmployment Policies Against the Capability Approach. A Swiss Case Study.International Journal of Sociology and Social Policy, 29(11/12), 637-648.

LAROQUE, M.-F. (2007). Sécurité sociale intégrée, sécurité sociale dynamique?In Association internationale de la sécurité sociale (AISS) (Éd.), Développe-ments et tendances : une sécurité sociale dynamique. Genève : Forum mondialde la sécurité sociale.

MAMAC (2008). Critères de tri/Aspects médicaux. Dossier du projet CII-Mamac/Registre 3. Berne : CII. (www.cii.ch/dokumente/FR/iiz_mamac/03_Critères_de_tri_Aspects_médicaux_fr_080409.pdf, accès du 28.07.2009).

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES (OCDE).(1999). Combattre l’exclusion. Vol. 3. L’aide sociale au Canada et en Suisse.Paris : OCDE.

OFFICE FÉDÉRAL DES ASSURANCES SOCIALES (OFAS) (Éd.). (2007). CII-Mamac –ce que je dois savoir. Berne : OFAS.

REHBERG, W., RUDER, R. & MOSER, B. (2007). Lässt sich der «Drehtüreffekt »auf eine Datengrundlage stellen? Sécurité sociale CHSS, 1, 33-37

SCHMIDT, W. (2007). IIZ als Nahtstelle zwischen verschiedenen Rechtssystemen.Luzern.

TABIN, J.-P. (2009). Les politiques transversales : de nouvelles technologies depouvoir ? Les Politiques sociales, Collège international pour l’étude du chan-gement dans les politiques sociales, 1&2, 31-42.

112

Page 113: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

5. LE CASE MANAGEMENT DANS LE DOMAINE DE LA PSYCHIATRIE :

L’EXEMPLE VAUDOIS

Le case management est un outil essentiel de la psychiatrie communau-taire. Il poursuit l’objectif de favoriser l’intégration sociale et le maintiendans la communauté des personnes souffrant de troubles psychiatriqueslourds, par la mise sur pied de services ambulatoires. Son but immédiatconsiste à prévenir les situations de crise avec hospitalisation. Le case management en psychiatrie a souvent une dimension thérapeutique ou« clinique ». Sur ce point, il se distingue des modèles discutés dans les chapitres précédents.

5.1. LA DÉSINSTITUTIONNALISATION DE LA PRISE EN CHARGE

Les enfermements longs sont une pratique courante dans le domainepsychiatrique et l’hôpital apparaît comme un véritable lieu de vie pour lespersonnes internées. Favorisé par la découverte des neuroleptiques et soutenupar les accusations portées contre l’institution psychiatrique, qualifiée d’institution totale, un premier mouvement de désinstitutionnalisation appa-raît dans les années 1960 (Bonsack et al., 2008, p. 1). Progressivement, lenombre de prises en charge résidentielles diminue et les services ambulatoiresse multiplient. En Suisse, le nombre de lits est réduit de moitié depuis 1970(Kuhl, 2008, p. 19).

L’ouverture de l’institution psychiatrique conduit à une désorganisationdes services qui sont en butte au manque de coordination et, partant, aumorcellement. Elle est accompagnée d’une complexification des réseauxde prise en charge, qui doivent apporter dans le cadre communautaireles mêmes prestations que celles qui étaient autrefois proposées à l’hôpital.En outre, il n’est pas rare que les patient-e-s peinent à s’orienter dans lesmultiples services. Le développement de nouveaux modèles de support et

113

Page 114: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

de protection pouvant être mis en œuvre « extra-muros » paraît alors nécessaire.

Le concept de case management est repris par certains organismes en santémentale dans l’espoir de répondre aux situations pluridimensionnelles. Dansun premier temps, l’attention est portée sur la coordination des services etsur la continuité des soins. D’autres modèles sont par la suite développés. Le«clinical » case management (Kanter, 1989) insiste sur le lien thérapeutiqueentre les case managers, formé-e-s en psychothérapie, et les patient-e-s. Le« strenght based» case management (Rapp & Goscha, 2006) vise à la réha-bilitation sociale des patient-e-s à travers une thérapie orientée vers les solu-tions, tandis que le «Program of Assertive Community Treatment» (PACT),appelé également «Assertive Community Treatment» (ACT), est un modèlede case management intensif32.

5.2. LE PROGRAMME «OF ASSERTIVE COMMUNITY TREATMENT»(PACT)

Ce modèle eut une influence importante dans le développement de lapsychiatrie communautaire. Il a été élaboré au début des années 1970, àMadison dans le Wisconsin, par Arnold Marx, Léonard Stein et Mary AnnTest pour pallier les incessants allers-retours à l’hôpital de leurs patient-e-s.

PACT repose sur trois principes essentiels. Les traitements et les mesuresde soutien dans la communauté doivent d’abord être complets et globaux defaçon à couvrir potentiellement toutes les sphères de la vie. Ils doivent ensuiteêtre souples et hautement individualisés afin de correspondre à des besoinsqui varient fortement d’un-e usager-ère à l’autre et changent avec le temps.Enfin, cette large gamme de traitements et de mesures de soutien doit êtreorganisée et fournie de manière à atteindre les usagers-ères quand ils-elles enont besoin (Test, 1998). Notons également que l’aide est apportée à longterme et qu’un membre de l’équipe est disponible en permanence en cas decrise.

114

32 L’expression est généralement rendue en français par « suivi intensif dans le milieu».

Page 115: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT DANS LE DOMAINE DE LA PSYCHIATRIE

Dans le modèle PACT, l’équipe apporte la plupart des prestations et laresponsabilité du suivi est partagée par ses membres. En ceci, PACT sedistingue du broker case management model où le-la case manager, qui porteindividuellement la responsabilité du suivi n’est chargé-e que de la coordina-tion des prestations. Dans le cadre de PACT, les membres de l’équipe semettent activement à la recherche des patient-e-s auxquel-le-s le programmeest destiné (Assertive Outreach) et « les interventions ont lieu hors du bureaude consultation» (Bonsack et al., 2008). Dans ce sens, l’équipe est mobile.

5.3. LA PROBLÉMATIQUE

En Suisse, les premiers projets de case management ont été mis sur pied àla fin des années 1990 dans quelques cantons, comme ceux de Zurich(Andreae & Schröder, 2004) ou, pour la Suisse romande, de Vaud et deGenève.

Les programmes mis en place s’adressent plus particulièrement auxgrand-e-s utilisateurs-trices de soins psychiatriques hospitaliers, dans le butde leur offrir une alternative à l’hospitalisation, aux personnes ayant despsychoses débutantes dans l’intention de diminuer le délai entre l’apparitiondes troubles et l’intervention, et aux personnes, souvent marginalisées, ensituation de déni.

Pour ces populations, l’accès aux soins est difficile en raison des caracté-ristiques particulières de leur affection d’une part, des carences du dispositifde prise en charge de l’autre. La méfiance, le sentiment de persécution, lemanque de motivation sont des traits fréquents du tableau clinique des indi-vidus souffrant de troubles psychotiques. L’image négative, stigmatisante,souvent associée à la maladie mentale et au monde de la psychiatrie, contribueégalement à entraver une demande spontanée de soins.

Au-delà des situations particulières, les caractéristiques du système deprise en charge pèsent également sur l’accès aux soins. Des délais d’attentetrop importants, et plus généralement, un suivi discontinu et incohérentengendrent des effets pervers dont les coûts humains et financiers sont impor-tants. Il est en effet raisonnable de penser qu’une prise en charge lacunaireconduise à une dégradation progressive de la situation et demande, à terme,

115

Page 116: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

116

une intervention d’urgence, peut-être contre le gré de la personne concernée.L’expérience, qui est traumatisante pour cette dernière, compromet son inves-tissement dans les soins, ce qui aggrave son pronostic, rendant le suivi plusdifficile, plus long et plus coûteux. Un case management qui s’attache àrompre l’isolement de l’usager-ère et à assurer la continuité du suivi permetde juguler cette dynamique.

5.4. LE PROGRAMME «SUIVI INTENSIF DANS LE MILIEU» (SIM)

Le programme SIM fut lancé en 1998 au titre de projet pilote sur l’initia-tive d’un responsable médical (Conus et al., 2001). Pérennisé depuis 2002, ilest rattaché à l’Unité de psychiatrie mobile du Service de psychiatrie commu-nautaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Les case mana-gers du SIM s’occupent de patient-e-s «difficilement accessibles», c’est-à-direde personnes qui n’ont jamais eu accès au système des soins ou qui n’ont plusbénéficié de suivi après s’être détournés du système de soins standard.

« Ils ne venaient jamais et après ils décompensaient et, après 6 mois, ils reve-naient. Alors on s’est dit, au lieu de leur donner un rendez-vous auquel ils neviennent pas, on ferait mieux d’avoir quelqu’un qui s’occupe de ces quelquescas difficiles…» (Médecin-cadre 1.)

Les case managers vont à leur rencontre et travaillent donc principalementen dehors de la consultation. La personne chargée du case management peutintervenir plusieurs fois par jour auprès de la même personne. Chaque casemanager suit un nombre réduit de personnes – dix patient-e-s de front enmoyenne – ce qui permet une action flexible, rapide, soutenue, intensive.

Les case managers sont à l’interface entre le réseau social des usager-ère-set le système des soins psychiatriques. Les case managers travaillent en parte-nariat avec les patient-e-s et soutiennent leur réseau primaire. Il n’est d’ailleurspas rare que la demande d’intervention adressée à l’équipe SIM émane desproches des usager-ère-s, particulièrement lors d’un déni de l’existence de lamaladie. Les case managers sont également en charge de développer et degérer le réseau des autres intervenant-e-s engagé-e-s dans le suivi. Les casemanagers portent la responsabilité du cas, mais ils-elles travaillent en étroiterelation avec les membres d’une équipe pluridisciplinaire.

Page 117: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT DANS LE DOMAINE DE LA PSYCHIATRIE

La relation entre le-la case manager et l’usager-ère est construite progres-sivement, généralement en traitant des incidences de la maladie sur la viequotidienne, plutôt qu’à partir du diagnostic clinique. L’objectif est une réin-tégration de la personne dans un suivi standard.

SIM s’inscrit dans la tradition des programmes de suivis intensifs, ouvertepar le programme PACT. Mais, il repose sur un modèle différent, qui tientcompte des spécificités du système de prise en charge helvétique :

«Et ça nous paraissait pas vraiment adapté à notre système de soins qui estquand même plus développé et cohérent qu’aux États-Unis. » (Médecin-cadre 2.)

Ainsi, dans le cadre de SIM, les case managers ne sont pas disponibles enpermanence. Le service de nuit et de fin de semaine est assuré par un servicespécialisé. En outre, la durée de l’intervention est limitée, d’une part parce quel’on admet que la perspective d’une réintégration dans le système de soins stan-dard est motivante pour les bénéficiaires, qui se montrent prêt-e-s à prendreune part plus active aux soins, et, d’autre part, parce que l’on peut s’appuyersur un système standard performant (prise en charge ambulatoire, centresmédico-sociaux (CMS)). L’approche activatrice qui sous-tend le programmeSIM vise à réduire la fréquence des surcharges du service et oblige à des rela-tions de suivi aussi symétriques que possibles, l’offre d’une aide à durée indé-terminée tendant à maintenir les usagers et usagères dans la dépendance.

Dans sa version initiale, le programme SIM est destiné aux adultes de 18 anset plus. Deux variantes, l’une destinée aux jeunes et l’autre aux personnesâgées, ont également été mises en place, de sorte que les « trois âges »(Bonsack et al., 2008) bénéficient aujourd’hui de l’offre de psychiatrie mobilevaudoise. L’«Antenne d’intervention milieu pour adolescents» (AIMA) estdestinée aux mineur-e-s. Les initiateurs du programme soulignent l’impor-tance d’une intervention précoce auprès de cette population en rappelant que« trois quarts des pathologies psychiatriques que l’on observe à l’âge adulteont débuté avant l’âge de 18 ans» (Bonsack et al., 2008, p. 3). Pour lespersonnes âgées vivant à domicile une «Équipe mobile de psychiatrie de l’âgeavancé» (EMPAA) a été mise sur pied. La première structure est intégrée auService universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SUPEA), laseconde au Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé (SUPAA).

117

Page 118: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

5.5. LE PROGRAMME «TRAITEMENT ET INTERVENTION PRÉCOCEDANS LA PHASE INITIALE DES TROUBLES PSYCHOTIQUES» (TIPP)

Le programme TIPP s’adresse spécifiquement aux personnes atteintes depsychoses débutantes33. Il est conduit dans la section Eugène Minkowski duDépartement universitaire de psychiatrie adulte (DUPA) du CHUV, qui prenden charge les personnes souffrant d’un trouble du spectre de la schizophré-nie.

Ce programme a été mis en place en 2004 à Lausanne sur l’initiative d’unresponsable médical. Il s’inspire d’un programme australien développé parun centre de traitement des psychoses émergentes, le Early Psychosis Preven-

tion and Intervention Center (EPPIC)34.

Dans le traitement des psychoses, la pertinence clinique de la précocité del’intervention est empiriquement attestée :

«C’est au début que l’on a des chances d’enrayer les difficultés, ce sont despatients, effectivement, qui ont des pathologies complexes, des patients difficiles qui se désinsèrent des soins. » (Médecin-cadre 1.)

TIPP vise une prise en charge dès l’apparition des premiers symptômes.Le programme est d’une durée maximale de trois ans. Il est destiné à toutepersonne âgée de 18 à 35 ans qui : a) montre des troubles psychotiquesavérés ; b) n’a pas encore bénéficié de traitement de plus de six mois ; c) résidedans le secteur Centre, l’une des quatre zones – avec les secteurs Nord, Est etOuest – de la prise en charge psychiatrique vaudoise.

Les case managers assurent la cohérence du suivi et veillent à éviter unerupture de contact avec les patient-e-s. La personne chargée du case manage-

118

33 Les psychoses peuvent être dissociatives (schizophrénie, par exemple) ou non (autismeet paranoïa, par exemple). Une psychose est considérée comme chronique lorsqu’ellese manifeste depuis 2 ans au moins. Toutefois, les expert-e-s ne sont pas unanimes surce point.

34 EPPIC présente ses équipes de soins continus sous : www.eppic.org.au/contentPage.asp?pageCode=CONTCARETEAM (accès du 25.06.2009).

Page 119: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT DANS LE DOMAINE DE LA PSYCHIATRIE

ment intervient principalement dans le cadre d’entretiens individuels conduitsdans les locaux du service, mais se déplace également au domicile despatient-es ou les accompagne dans les tâches les plus diverses. Elle rencontreles bénéficiaires en moyenne une à deux fois par semaine. Le caractère mobilede l’intervention offre une accessibilité suffisante aux soins, contrairement àla consultation ambulatoire – le mode standard de prise en charge – quis’avère être un obstacle souvent insurmontable, notamment pour lespatient-e-s qui cherchent spontanément un soutien.

Les équipes TIPP et SIM travaillent en collaboration étroite. Le programmeSIM relaie le programme TIPP dans les situations qui, marquées notammentpar le risque d’un abandon de la thérapie ou d’une hospitalisation, demandentune intensification du suivi. Selon l’initiateur du programme, environ un tiersdes patient-e-s suivi-e-s dans le cadre de TIPP sont tôt ou tard pris-es encharge par l’équipe du SIM pour une période plus ou moins longue.

La situation des usagers-ères fait l’objet d’une évaluation six mois avantla sortie du programme. Si l’usager ou l’usagère est rétabli-e ou n’a besoinque de médicaments, il ou elle sera dirigé-e vers un médecin généraliste ; siil ou elle nécessite un suivi spécialisé léger, on l’orientera vers un-e psychiatreinstallé-e ; si on estime qu’un suivi plus important est indiqué, il lui seraproposé de réintégrer le suivi standard. Dans ce cas, l’usager-ère seraappelé-e à se rendre aux consultations ambulatoires régulières données enmilieu hospitalier par une équipe pluridisciplinaire d’infirmiers-ères, d’assistant-e-s sociaux-ales et de médecins.

Une étude menée à Lausanne en 2000 a établi qu’après une première hospi-talisation, la moitié des patient-e-s ne se rendaient pas à la première consulta-tion ambulatoire ou se désengageaient peu après le premier entretien. 15 à20% d’entre eux-elles seulement bénéficiaient d’un suivi régulier, alors quedans le cadre du programme TIPP, ce taux est de 90%. En matière d’engage-ment dans les soins, l’efficacité du programme est patente (CHUV, 2008, p. 9).

Dans le canton de Genève, l’équipe mobile de suivi intensif dans le milieutravaille sur un modèle semblable au SIM et le programme « Jeunes adultesavec troubles psychiques débutants» (JADE) est l’équivalent du programmeTIPP. Les cantons du Jura, du Valais et Fribourg travaillent actuellement audéveloppement d’équipes mobiles.

119

Page 120: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

120

5.6. LE PROGRAMME «CASE MANAGEMENT DE TRANSITION»

La section d’admission et de crise, unité d’accueil «généraliste» du DUPA,est pourvue d’un « case management de transition» depuis fin 2008. Leprogramme vise à améliorer le passage entre l’hôpital et le réseau ambulatoireà la sortie d’un séjour en milieu psychiatrique ainsi qu’à favoriser la continuitédes soins. Il s’agit d’un accompagnement à domicile (Bonsack et al., 2009).

Le programme commence au début de l’hospitalisation – dont la duréemoyenne est de trois semaines – et se termine environ un mois après lasortie.

«C’est une forme de case management où il y a une responsabilité, mais tran-sitoire, pour faciliter le passage d’information [...]. [L’intervention du ou dela case manager est conçue] à la fois comme une action directe avec le clientet sur le réseau, [dans le but] de mise en lien avec les différents intervenants,de coordination, d’activer un peu les autres personnes du réseau qui sontimpliquées [...]. Et puis à l’avenir [l’objectif] serait de proposer ça à toutesles personnes qui sortent de l’hôpital, un suivi institutionnel, un suivi de tran-sition, plus ou moins intensif et investi par les personnes selon leurs besoins. »(Médecin-cadre 2.)

En outre, un « case management de liaison» (CML) avec les structuresd’hébergement a été mis en place au titre de projet pilote en début d’automne2010. Le programme s’adresse aux personnes hospitalisées en fin de séjour.

5.7. LE PROFIL DES CASE MANAGERS

Les case managers investi-e-s dans les programmes SIM et TIPP ont uneformation initiale d’infirmier-ère, d’assistant-e-s sociaux-ales ou, parfois, depsychologues. Ils et elles assurent le suivi sur le long terme, ce qui n’est paspossible pour les médecins qui changent de poste régulièrement.

« [...] il y a des patients que l’on suit au long cours, un suivi pendant plusieursannées, ambulatoire donc, et puis chaque six mois ou chaque année le médecinassistant change, donc ces patients devaient chaque fois être présentés à unnouveau médecin, [...] qui des fois, [les] voyait trois, maximum quatre fois. »(Médecin-cadre 1.)

Page 121: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT DANS LE DOMAINE DE LA PSYCHIATRIE

Le médecin travaille en interaction avec les case managers, il ou elle estchargé-e de la prescription des médicaments. Le médecin peut participer àcertains entretiens, mais en général les case managers, qui sont plus disponi-bles et plus mobiles pour rencontrer les patient-e-s, se chargent seul-e-s decette tâche.

Les case managers sont formé-e-s dans l’institution. Ils et elles ont uneexpérience préalable en psychiatrie et, pour les infirmiers-ères, souvent uneformation en santé communautaire. On leur demande d’être ouvert-e-s,autonomes et engagé-e-s, de montrer de l’empathie et une aptitude au travailen équipe, ainsi que de disposer de compétences sociales importantes. Unsens aiguisé des responsabilités, une habileté à organiser et à coordonnersont également requis. Une certaine solidité est de plus nécessaire pour gérerles situations difficiles hors de l’institution.

Les case managers sont seul-e-s responsables du cas, mais ils ou ellespeuvent compter sur une équipe pluridisciplinaire, avec laquelle les échangessont réguliers et fréquents, que ce soit lors de colloques, de supervisions oud’intervisions.

«Que ce soit avec un regard social ou un regard infirmier, ça donne la couleurà la manière de voir le cas, mais l’essentiel, c’est d’avoir la responsabilité ducas. » (Médecin-cadre 2.)

5.8. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

ASKEY, R. (2004). Case management : a critical review. Mental Health Practice,7(8), 12-16.

ANDREAE, A. & SCHRÖDER, S. (2004). Patientenorientierung in der IntegriertenPsychiatrie Winterthur. Managed Care, 7, 18-20.

BONSACK, C., GIBELLINI, S., FERRARI, P., DOROGI, Y., MORGAN, C., MORANDI, S. &KOCH, N. (2009). Le case management de transition : une intervention à courtterme dans la communauté après une hospitalisation psychiatrique. SchweizerArchiv für Neurologie und Psychiatrie 160(6), 246-252.

BONSACK, C., HOLZER, L., STANCU, I., BAIER,V., SAMITCA,M., CHARBON, Y. & KOCH,N. (2008). Équipes de psychiatrie mobiles pour les trois âges de la vie : l’ex-périence lausannoise. Revue Médicale Suisse, 4(171), 1960-1969.

121

Page 122: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

BONSACK, C., HAEFLIGER,T., CORDIER, S. & CONUS, P. (2004). Accès aux soins etmaintien dans la communauté des personnes difficiles à engager dans un trai-tement psychiatrique. Revue Médicale de la Suisse Romande, 124(4), 225-229.

BURNS, T., CATTY, J., DASH, M., ROBERTS, C., LOCKWOOD, A. & MARSHALL,M. (2007). Use of intensive case management to reduce time in hospital inpeople with severe mental illness : systematic review and meta-regression.British medical journal BMJ, 335(7615), 336-342.

BURNS, T., FIORITTI, A., HOLLOWAY, F., MALM, U. & RÖSSLER, W. (2001). Casemanagement and assertive community treatment in Europe. Psychiatricservices, 52(5), 631-636.

CAREAU, Y. & GARCIA, A. (2005). Le processus d’implantation d’un nouveaumodèle de réhabilitation intensive en milieu hospitalier : le développementd’une pratique novatrice dans le contexte de l’intégration des milieux, desservices, et des modèles de soins. Santé mentale au Québec, 30(1), 11-29.

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE VAUDOIS (CHUV). (2008). Mise en œuvre duplan stratégique 2004-2007. Rapport final et évaluation au 31 décembre2007. Lausanne: CHUV. http://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/dsas/cd/fichiers_pdf/Eval_plan_strat_CHUV.PDF

CONUS, P., BONSACK, C., GOMMERET, E. & PHILIPPOZ, R. (2001). Le Soutienpsychiatrique intensif dans le milieu à Lausanne : un projet pilote. Revue Médi-cale de la Suisse Romande, 121(6), 475-481.

EARLY PSYCHOSIS PREVENTION AND INTERVENTION CENTER (EPPIC). (2001). CaseManagement in Early Psychosis : a Handbook. Melbourne : EPPIC.

FLEURY, M.-J., MERCIER, C., LESAGE, A., OUADAHI, Y., GRENIER, G., AUBÉ, D.,PERREAULT, M. & POIRIER, L.-R. (2004). Réseaux intégrés de services etréponse aux besoins des personnes avec des troubles graves de santé mentale(rapport de recherche). Ottawa : Fondation canadienne de la recherche surles services de santé (FCRSS).

FLOERSCH, J. (2002). Meds, Money and Manners : the Case Management ofSevere Mental Illness. New York : Columbia University Press.

FORCHUK,C., OUWERKERK,A., YAMASHITA, M.& MARTIN, M. (2002). Mental healthcase management in Canada : job description analyses. Issues in MentalHealth Nursing, 23(5), 477-496.

FU KEUNGWONG, D. (2006). Clinical Case Management for People with MentalIllness. A Biopsychosocial Vulnerability Stress Model. New York : HaworthPress.

GÉLINAS, D. (1996). Travail social, suivi intensif dans le milieu et case manage-ment en psychiatrie. Montréal : Université de Montréal, Département deservice social.

122

Page 123: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT DANS LE DOMAINE DE LA PSYCHIATRIE

GOZLAN, G., ACEF, S. & PETITQUEUX-GLASER, C. (2009). Vers des soins intégrésen santé mentale : l’expérience du réseau Prépsy. Santé mentale au Québec,34(1), 221-238.

HERRICK, C.A. & BARTLETT, R. (2004). Psychiatric nursing case management :past, present, and future. Issues in Mental Health Nursing, 25(6), 589-602.

JAKOBSON, N. (2007). Politiques et pratiques en santé mentale. Comment intégrerle concept du rétablissement. Santé mentale au Québec, 32(1), 245-264.

KANTER, J. (1989). Clinical Case Management : Definition, Principles, Compo-nents. Hospital and Community Psychiatry, 40(4), 361-368.

KUHL, H.C. & JUNGE, C. (2008). Stationäre Psychiatrie in der Schweiz 2000-2006 (Arbeitsdokument 31). Universitäre Psychiatrische Kliniken Basel.Neuchâtel : Schweizerisches Gesundheitsobservatorium.

MAIER, M., HERDT, J. & KUHL, C. (2006). Case Management für die Psychiatriein der Schweiz : Bedarf, Nutzen und Herausforderung. Managed Care, 5, 25-27.

NADEAU, B. (1989). Le « case management » au carrefour de l’interventionclinique et communautaire. Santé mentale au Québec, 14(2), 51-59.

PERRON, N. (2005). Réseaux intégrés de services en santé mentale et enjeux despratiques. Nouvelles pratiques sociales, 18(1), 162-175.

PHILIPPOZ, R.& STACHEL, R. (2004). Le suivi délégué aux infirmiers dans le cadrede la consultation ambulatoire de la section «E. Minkowski ». Lausanne :Département universitaire de psychiatrie adulte (DUPA).

RAPP, C.A. & GOSCHA, R.J. (2006). The Strengths Model : Case ManagementWith People With Psychiatric Disabilities (2nd ed.). Oxford : Oxford Univer-sity Press.

RAPP, C.A. & GOSCHA, R.J. (2004). The principles of effective case managementof mental health services. Psychiatric Rehabilitation Journal, 27(4), 319-333.

ROSEN, A. & TEESSON, M. (2001). Does case management work? The evidenceand the abuse of evidence-based medicine. Australian and New Zealand Jour-nal of Psychiatry, 35, 731-746.

SÄLZER, A.M. (2008). Psychiatrisches Case Management. Eine Form der psychia-trischen Versorgung für chronisch psychisch kranke Menschen durch perso-nenzentrierte und koordinierte Betreuung. VDM Verlag.

SCHAEDLE, R., MCGREW, J.H., BOND, G.R. & EPSTEIN, I. (2002). A comparisonof experts perspectives on assertive community treatment and intensive casemanagement. Psychiatric services, 53(2), 207-210.

SELLS,D., DAVIDSON,L., JEWELL,C., FALZER, P.& ROWE, M. (2006). The treatmentrelationship in peer-based and regular case management for clients withsevere mental illness. Psychiatric services, 57(8), 1179-1184.

123

Page 124: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

STEIN, L.I. & TEST, M.A. (1980). Alternative to Mental Hospital Treatment.Archive of General Psychiatry, 37(4), 392-397.

STEIN, L.I., TEST, M.A. & MARX, A.J. (1975). Alternative to the hospital : acontrolled study. American Journal of Psychiatry, 132(5), 517-522.

TEST, M.A. (1998). Modèle de traitement dans la communauté pour adultesayant des maladies mentales graves et persistantes. Santé mentale au Québec,23(2), 119-147.

ZIGURAS, S.J., STUART, G.W. & JACKSON, A.C. (2002). Assessing the evidence oncase management. The British Journal of Psychiatry : The Journal of MentalScience, 181, 17-21.

124

Page 125: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

6. LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENTDANS LE DOMAINE DES SOINS AIGUS

Dans le domaine de la prise en charge des soins aigus, le case managementrelève de la réforme suscitée par le managed care américain, à laquelle la Loifédérale sur l’assurance maladie (LAMal), entrée en vigueur en janvier 1996,a donné les bases légales. En 1998, une caisse-maladie met en place unpremier programme de case management. En 2003, 11 parmi les 17 caissescomptant au moins 90000 assuré-e-s proposent un case management. Ellescouvrent 67,7% des assuré-e-s de base (Werthemann, 2006, pp. 132, 136).En revanche, les initiatives prises en la matière par les fournisseurs de pres-tations restent encore rares. Cependant, il est vraisemblable que l’introductiongénéralisée des Diagnosis related groups (DRG) prévue pour janvier 2012favorise leur développement.

6.1. CASE MANAGEMENT ET MANAGED CARE

Le managed care est un modèle de prise en charge sociosanitaire développéinitialement aux États-Unis en référence au modèle économique classique demarché. Il se distingue du modèle de prise en charge traditionnel sur deuxpoints essentiels. Premièrement, la concurrence remplace la planification, quiserait trop dirigiste et peu efficace, parce qu’elle stimule la demande plutôtqu’elle ne la contient. Deuxièmement, un financement prospectif des presta-tions relaye un financement qualifié de rétrospectif, parce qu’il intervient unefois la prestation dispensée.

Avec le managed care, le fournisseur de prestations porte la responsabilitéde la gestion d’une enveloppe budgétaire établie avant la fourniture des pres-tations, sans liens directs avec les besoins effectifs de la population desservieet ses coûts de production réels. Le financement prospectif l’incite à limiterla quantité des prestations qu’il fournit, car leur production entame l’enve-loppe dont il dispose.

125

Page 126: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

La concurrence à l’œuvre dans le managed care n’est pas la concurrenceautorégulée que connaît, en théorie du moins, le marché. Il s’agit d’une concur-rence administrée qui repose sur une simulation de la concurrence véritable parle benchmarking. Ce procédé consiste à définir, pour chaque prestation, unevaleur de référence sur la base d’une comparaison des coûts de production desétablissements en compétition. Les prestations sont remboursées à la hauteurde cette valeur appelée benchmark. En somme, dans le cadre du managed care,c’est la concurrence qui fait l’objet de la planification. Mais, contrairement àla planification habituelle qui est dictée par des objectifs de santé publique, lemanaged care est guidé par les objectifs financiers des organismes payeurs.

La Health Maintenance Organization (HMO)35 est le pilier de la prise encharge dans le managed care. Pleinement développées, les HMO sont descaisses-maladie ou des consortiums de caisses, à but lucratif ou non, qui offrentà leurs affilié-e-s toute la palette de soins. Ainsi, la distinction traditionnelleentre payeurs et fournisseurs de soins est suspendue. La staff-HMO et l’IPA36-

HMO en sont les deux formes de base. Dans la première, le personnel soignantest salarié par la caisse. Dans la seconde, la caisse et les fournisseurs de presta-tions, qui sont indépendants, sont liés contractuellement. Dans les deux cas, lefinancement est prospectif (Amelung & Schumacher, 1999, pp. 19-21).

Le case management est un instrument d’appoint mis en œuvre dans lessituations qui demandent une intervention personnalisée et résistent parconséquent à la standardisation. Il vient compléter le disease management

qui, appliqué dans tous les cas d’affection simple, forme le courant normald’intervention dans le cadre du managed care. Pour sa part, la notion de« chemin clinique» ou d’« itinéraire clinique» (clinical pathway) (Anaes,2004) désigne, dans ce contexte, le processus de prise en charge tel qu’il estconduit au sein d’une institution particulière. Instrument de normalisation,il fixe le déroulement de la prise en charge, établit la liste des prestations diag-nostiques et thérapeutiques qui sont apportées par l’établissement et précisela durée de séjour attendue, et ceci pour chaque type de traitement. Le chemin

126

35 En Suisse romande, l’expression est rendue par « caisse de santé» ou «organisation desanté», au Québec par «organisation de services intégrés» (OSI).

36 Independent Practitioners Association.

Page 127: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

127

clinique constitue un épisode du disease management ou du case manage-ment, qui envisagent, eux, le suivi dans sa totalité.

6.2. LE CASE MANAGEMENT DANS L’ASSURANCE MALADIE

Les assurances maladie connaissent deux modèles de case management :un case management individuel, que les assureurs désignent parfois sous leterme de care management pour souligner la dimension clinique du processusqu’ils accompagnent, et le Fallmanagement ou case management «adminis-tratif » (Werthemann, 2006, p. 111). Ce dernier montre la particularité d’êtreconduit exclusivement sur dossier. Dans cette forme atypique de case mana-gement, les case managers n’accompagnent pas une situation individuelle,mais veillent à la bonne application du chemin clinique. Par conséquent, leurinterlocuteur n’est pas l’assuré-e, mais, au travers de ses représentant-e-s,l’établissement avec lequel leur employeur est lié contractuellement.

Quel qu’en soit le modèle, l’indication pour un case management est large-ment déterminée par la structure des coûts de l’assurance. La figure 8 enprésente les traits principaux.

Figure 8 : La structure des coûts d’une caisse-maladie, 2000

Source : Werthemann, 2006, p. 133.

Page 128: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Il apparaît que 10% des patient-e-s génèrent approximativement deuxtiers des dépenses. Il va sans dire que le case management est réservé priori-tairement à cette frange d’assuré-e-s, à condition toutefois que les coûts liésà leur traitement s’avèrent compressibles :

« [...] on gère essentiellement dans notre secteur tous les cas d’hospitalisationde longue durée. Que ce soit des personnes qui sont à l’hôpital [...] pour uneaffection aiguë qui dure très longtemps, ou des gens qui transitent d’un hôpitalà l’autre. » (Service de case management, organisme payeur.)

Les dossiers intéressants pour un case management sont identifiés sur labase de plusieurs indicateurs. Les plus courants sont le diagnostic (les mala-dies coronaires, l’insuffisance cardiaque, les maladies cérébrovasculaires, dontl’attaque cérébrale, les affections du squelette et des muscles, le rhumatismeet le mal de dos principalement), une réhospitalisation sur la base du mêmediagnostic, un long séjour hospitalier dans un hôpital de soins aigus, lacomplexité du cas (polymorbidité), ainsi qu’un séjour de plus de deux àquatre semaines dans une clinique de réhabilitation (Werthemann, 2006,p. 147). Il peut être convenu contractuellement que l’établissement de soinsannonce à l’assurance l’hospitalisation d’un-e de ses affilié-e-s, lorsque sonprofil correspond à certains critères définis.

Idéalement, les indicateurs doivent permettre d’identifier les cas suscepti-bles d’engendrer des coûts importants sur la base d’un tri mécanique (parordinateur) des dossiers d’assurance des affilié-e-s hospitalisé-e-s. Toutefois,le repérage de ces dossiers recèle des difficultés d’ordre technique qui ne sontpas négligeables. Dans les faits, l’acuité de la recherche dépend encore large-ment du « flair » et de l’expérience des case managers (Werthemann, 2006,p. 146) qui examinent les dossiers. L’amélioration de la fiabilité des indica-teurs de tri reste ainsi un enjeu d’importance pour les caisses-maladie.

L’objectif central du case management administratif consiste à optimiserle chemin clinique du patient :

«Et ce qu’on cherche aussi à voir, c’est si le parcours du patient est conformeà la pathologie qu’il a. » (Service de case management, organisme payeur.)

Un case management individuel est plus puissant. Avec lui, les assurancesne se bornent plus à écarter les traitements qu’elles jugent inadéquats, elles

128

Page 129: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

cherchent à initier les traitements qu’elles estiment souhaitables. Pleinementdéployé, le case management individuel leur permet d’élargir notablementleur influence sur le déroulement du traitement, qui, aux termes de la LAMal,est limitée essentiellement à l’octroi ou non de la garantie de paiement et aurefus de financement des prestations qui ne répondraient pas aux critères d’ef-ficacité, d’adéquation et d’économicité.

6.2.1. CASE MANAGEMENT ET CONTRÔLE DES COÛTS

En 2003, seule une assurance sur dix considère que le coût de traitementest un critère pertinent pour identifier les dossiers susceptibles d’être confiésà un-e case manager (Werthemann, 2006, p. 147). Face à l’extérieur, l’assu-reur préfère mettre en avant les gains d’adéquation apportés par le case mana-gement, plutôt que les économies financières qu’il permet de réaliser.

«Si on a orienté une personne médicalement correctement, mais qui, au boutdu compte, a un séjour qui globalement va coûter moins cher, ça entre aussien ligne de compte. » (Service de case management, organisme payeur.)

Il souligne également que l’activité de contrôle des prestations que conduitla personne en charge du case management, s’inscrit formellement dans lemandat qui lui est confié par la LAMal :

«L’objectif général [du case management], c’est de répondre à la loi qui imposeaux assureurs de contrôler l’adéquation, l’efficacité et l’économicité d’un trai-tement. » (Service de case management, organisme payeur.)

Les assurances voient dans l’article 32 de la LAMal, auquel il est ici faitréférence, la base légale de leur volonté de développer un case managementqui soit sous leur contrôle direct. L’efficacité renvoie à l’inclination d’unemesure à produire l’effet thérapeutique escompté. Selon la LAMal, un actethérapeutique est efficace lorsqu’il est cliniquement démontré que son effet estsupérieur à la non-intervention, un médicament s’il est meilleur que le placeboet un test diagnostic quand sa validité est confirmée. Aucune mesure n’estincorporée au catalogue des prestations de la LAMal sans que son efficaciténe soit établie. L’admission d’une nouvelle mesure relève de la compétence del’Office fédéral de la santé publique qui s’en réfère aux recommandations descommissions compétentes, la Commission fédérale des prestations générales

129

Page 130: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

et des principes et la Commission fédérale des médicaments principalement.Si ce n’est pas le rôle des caisses-maladie de juger de l’efficacité d’une mesure,celles-ci sont ainsi assurées que toutes les prestations qu’elles sont appelées àrembourser au titre de l’assurance de base sont efficaces.

Une prestation est «appropriée» quand elle permet une amélioration dela santé et même sa restauration lorsque c’est possible, ou prévient de sadégradation lorsque c’est nécessaire. La règle d’adéquation se rapporte auxbuts concrets du traitement. Elle invite à choisir, parmi les traitements dontl’efficacité est attestée, celui qui est le plus indiqué pour l’assuré-e dans sasituation précise. C’est en son nom, par exemple, que l’on mesurera pourchaque naissance considérée individuellement, les avantages réciproquesd’une césarienne ou d’un accouchement naturel.

Une prestation inefficace, une prestation sans effets, ne peut être adéquate,et une prestation inadéquate engendre indubitablement des dépenses injustifiées.Ainsi, la question de l’économicité d’une mesure est vaine, si son efficacité etson adéquation ne sont pas établies. L’économicité est un critère relatif, il s’établitdans la comparaison. Il ne s’applique que lorsque plusieurs mesures de mêmeadéquation sont disponibles. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un même traite-ment est proposé en milieux hospitalier et ambulatoire à des prix différents. Leprincipe d’économicité demande que la prestation soit remboursée au prix leplus bas. En revanche, si une affection ne connaît qu’un seul traitement, la ques-tion de son économicité ne se pose pas. Le principe est également inapplicableentre mesures d’efficacité ou d’adéquation différentes (Eugster, 2001, p. 39).

L’assureur interprète cette disposition légale, pourtant assez sophistiquée,comme l’invitation triviale à faire des économies. Un-e répondant-e exprimece changement de perspective de la manière suivante :

« le souci [...] de rationaliser autant que possible les soins qui sont fournis,donc de ne pas en faire trop compte tenu de l’objectif des soins qu’on s’estfixé. » (Service financier, organisme fournisseur.)

En général, les case managers se contentent de refuser certaines des pres-tations que le fournisseur propose d’apporter. Mais la démarche peut êtreplus élaborée. Il arrive notamment que les objectifs suivis et les mesures misesen place dans le cadre du case management soient définis sur la base d’uncalcul de gain hypothétique. Les case managers préparent en général plusieurs

130

Page 131: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

scénarios dont les coûts sont comparés avec ceux du scénario 0 qui corres-pond aux coûts présumés du traitement s’il était mené sans son intervention.Le scénario retenu sera celui qui supporte le mieux les objectifs financiersauxquels lui-elle et son service sont astreints. Les économies réalisées effecti-vement font l’objet d’un reporting minutieux que ce soit dans la phase demonitoring ou lors de l’évaluation finale.

Intégré au circuit d’intervention, le calcul des gains est intrinsèque au casemanagement dans l’assurance maladie. En outre, le salaire de la personne encharge du case management peut être lié à ses résultats financiers individuelsou à ceux du service auquel il ou elle est rattaché-e. Cela n’exclut évidemmentpas que la démarche apporte, dans certains cas, des gains d’adéquation. Ceux-ci apparaissent toutefois comme le résultat aléatoire, et par ailleurs métho-dologiquement difficilement attestable, d’une intervention qui est fondée surune interprétation souvent réductrice des dispositions légales.

6.2.2. LE RAPPORT AUX FOURNISSEURS DE PRESTATIONS

La mise en place du case management administratif suppose la signaturepréalable d’un accord de collaboration entre assureur et établissement desoins. Mais leurs rapports sont généralement tendus, sinon conflictuels,notamment en raison de la position structurellement ambiguë du-de la casemanager d’assurance :

«La problématique numéro 1, c’est … toujours une sorte de méfiance. Assu-reurs versus service de la santé, donc on a une situation un peu particulièreparce que l’ensemble de mon équipe, ce sont des gens qui viennent du domainemédical, donc ils comprennent parfaitement le langage de leurs interlocuteurs,mais ils représentent quand même l’assureur, donc un financeur, et un finan-ceur qui va chercher à optimiser le financement qu’il doit donner. Donc ça,c’est une position double qui n’est pas facile à tenir. » (Service de case mana-gement, organisme payeur.)

Avec le case management, l’assureur réclame pour lui la compétence defaire l’évaluation des besoins de l’usager-ère :

«Un case manager [au service d’une assurance] avait établi avec un assuré[…] une sorte de contrat de case management dans lequel il était question decombien d’heures de soins à domicile, d’heures de physiothérapie, etc. il avait

131

Page 132: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

droit, compte tenu d’une évaluation qui avait été faite non pas par une orga-nisation de soins à domicile, mais par ce case manager. » (Service financier,organisme fournisseur.)

Il empiète également très directement sur la liberté thérapeutique des clini-cien-ne-s en charge du traitement :

«Parfois on arrive avec une remise en question d’un traitement ou d’unemanière d’orienter, ce n’est pas très bien vu.» (Service de case management,organisme payeur.)

Pourtant, les dispositions légales réservent au corps médical la charged’évaluer les besoins de l’usager-ère et de définir les mesures thérapeutiques.Il est habilité à déléguer certaines d’entre elles à d’autres instances, qui agis-sent sur prescription médicale ou sur mandat médical. Ainsi, à l’exemple dessoins de long terme, l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins(OPAS) précise que l’évaluation des besoins peut être conduite par les infir-mières, les organismes de soins à domicile, ainsi que les établissementsmédico-sociaux (Art. 7, al. 1, OPAS). Toutefois, la loi stipule aussi que le plande soins établi pour le compte d’un fournisseur de prestations par un médecinou l’instance agissant sur son mandat a valeur de proposition à l’adresse del’assureur. Celui-ci peut le soumettre à l’expertise d’un autre représentant ducorps médical, le médecin-conseil, qui travaille pour lui.

« [...] dans la LAMal, la personne [...] qui est reconnue, c’est le médecin-conseil[...]. Toutes les personnes qui travaillent pour elle sont ses auxiliaires. C’est lecas des case managers qui n’exercent pas une fonction reconnue au sens de laloi. Donc, il existe une convention entre la Fédération suisse des médecins etles assureurs qui établit que les médecins-conseils sont habilités à s’entourerd’auxiliaires, qu’ils mandatent sous leur responsabilité. C’est comme ça qu’ontravaille. » (Service de case management, organisme payeur.)

L’expertise du médecin-conseil est basée sur le dossier médical du-de lapatient-e, qui lui est transmis, tout ou partie, directement par le médecin trai-tant. Le médecin-conseil est lié au secret médical. Les informations dont ildispose ne sont pas transmises aux autres services de l’assurance qui agissentsur la base d’une autre source d’information : le dossier d’assurance. Les casemanagers n’ont, en principe, accès qu’aux informations contenues dans ledossier d’assurance. Le-la case manager ne connaît ainsi pas le diagnostic

132

Page 133: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

médical, qu’il-elle reconstruit sur la base des factures des différents fournis-seurs de prestations.

La séparation franche entre dossier médical et dossier d’assurance reflètela division claire entre pouvoir médical et pouvoir de l’instance de finance-ment. Si elle devait tomber, l’évaluateur des besoins et le financeur desmesures appelées à les satisfaire seraient confondus, le juge serait partie. Pour-tant, cette situation est insatisfaisante pour l’assureur, car elle complique inuti-lement à ses yeux le contrôle des coûts.

« Idéalement, il faudrait que cette profession [le case management] ait unereconnaissance légale, qu’un-e case manager soit une identité reconnue par laLAMal au même titre qu’un-e médecin-conseil. » (Service de case management,organisme payeur.)

Avec le case management des caisses-maladie, ce n’est ni plus ni moinsque le contrôle du processus de soins qui se joue entre payeurs et fournisseursde prestations.

6.3. LE CASE MANAGEMENT CHEZ LE FOURNISSEUR DE PRESTATIONS

Dans le milieu hospitalier, le case management a fait l’objet de quelquesapplications isolées. L’une des premières à avoir été documentée visait àmettre en place les bases d’un accompagnement continu et coordonné avant,pendant et après le séjour hospitalier des patientes de la Clinique de gynéco-logie de l’Hôpital universitaire de Zurich. Conduit entre 2001 et 2003, ce projetpilote n’a pas été pérennisé, non seulement parce qu’il n’a pas paru répondre àun besoin vraiment établi, mais également parce que l’intégration à un réseaud’intervention réduisait aux yeux de certains-e-s professionnel-le-s l’attraitde leur fonction (Werthemann, 2006, pp. 191-206).

En Suisse romande, une personne interrogée rapporte une autre expérienceconcrète, sans cependant que les procédés mis en place ne soient explicitementassociés au case management :

« En ce qui nous concerne, on a développé un type de case managementqu’on attribue aux infirmières où, en fait, elles ont toute une série de lignes

133

Page 134: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

directrices pour dénouer un certain nombre de problèmes de premier recours[...] qui sont fondées sur une expérience au fil du temps basée sur la science etbasée sur la spécificité de notre population. Et donc à ce titre, nos infirmièresappliquent un certain nombre de modèles qui pourraient se rapprocher du casemanagement, sans que ça soit véritablement formalisé comme tel. » (Servicede soins spécialisés, organisme producteur.)

Il n’en reste pas moins, que le case management est un instrument encorepeu connu du monde hospitalier :

«Aujourd’hui, en Suisse, on n’a pas de véritable modèle de case management,tel qu’on l’entend dans les pays anglo-saxons.» (Service infirmier, organismeproducteur.)

Il arrive même que les entretiens menés dans le cadre de cette enquêteoffrent l’occasion d’une première confrontation avec la thématique. À laquestion «Comment avez-vous entendu parler du case management ? », lechercheur se voit alors répondre :

« Par vous. Bon, j’en avais entendu parler depuis quelques mois sans y faireattention. Mais quand j’ai reçu votre mail, je suis allé consulter mon équipepour voir si quelqu’un connaissait, alors on m’a donné quelques explicationsconfuses et comme je n’ai pas très bien compris, je me suis dit que le mieuxc’est que je vous interroge. Mais, finalement c’est vous qui m’interrogez[rires]. Je n’ai toujours pas très bien compris ce que c’est. » (Service de soinsspécialisés, organisme producteur)

6.4. DES RÔLES APPARENTÉS À CELUI DE CASE MANAGER

Bien que l’appel au case management ne soit encore qu’occasionnel, laproblématique de l’intégration des prestations est centrale dans l’univershospitalier :

«Aujourd’hui, dans la médecine moderne, vous avez de multiples intervenants.Notamment dans un hôpital universitaire, où vous travaillez avec beaucoupde consultants, c’est extrêmement difficile d’avoir une vision globale.» (Serviceinfirmier, organisme producteur.)

134

Page 135: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

D’autre part, l’effervescence de la vie hospitalière en perturbe régulière-ment le fonctionnement :

« Imaginons, au moment où je vous parle, qu’aux Urgences ils prévoient unesortie avec un retour à domicile, une coordination entre un médecin, une infir-mière, une infirmière de liaison et puis qu’au même moment, il y a un accidentde voiture et puis qu’il y a trois blessés qui arrivent, c’est fini ! Ou qu’un chirur-gien prévoit de coordonner une sortie, mais à ce moment on annonce qu’il ya un organe qui est disponible pour faire une greffe, alors tout s’arrête et puisil y a trente personnes qui sont mobilisées là-dessus. » (Service infirmier, orga-nisme producteur.)

Pour répondre à ces difficultés, les institutions hospitalières ont mis enplace des fonctions apparentées à celles des case managers au sens où toutesvisent – à leur manière – à une intégration des prestations. Il s’agit de cellesd’infirmières de référence, d’infirmières ou de médecins de coordination etd’infirmières de liaison.

L’infirmière de référence est responsable de l’établissement du plan desoins et de la conduite du processus de soins. Elle fait office de repère uniquepour les patient-e-s, dont elle supervise la situation lors de leur séjour dansl’unité de soins :

« [...] si vous vous trouvez dans un service social en ville ou dans un autreservice où vous travaillez cinq jours sur sept, où vous avez des congés habi-tuels, il n’y a pas de problèmes, vous pouvez avoir un fil conducteur, desréunions semaine après semaine. Mais la réalité d’un hôpital fait que vous avezune infirmière qui travaille deux jours, ensuite qui va être absente deux jours,et après elle va travailler de nuit, puis après elle a des jours de congé, il y a uneautre collègue qui vient et puis après selon les situations qui sont plus ou moinscomplexes dans une unité de soins, vous devez revoir vos priorités, parce quevous avez un patient qui est en fin de vie. » (Service infirmier, organismeproducteur.)

Le modèle des soins de référence est basé sur la notion de soins completsqui fut développée dans les années 1960 en réaction au réductionnisme, ceravalement de l’être humain aux parties (organes) qui le composent. Il se poseen alternative aux soins fonctionnels qui assignent à une infirmière la tâchede faire les prises de sang, à une autre de faire les toilettes corporelles, à unetroisième de distribuer les médicaments, etc.

135

Page 136: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Le rôle de l’infirmière de référence marque ainsi la conviction de la néces-sité d’une approche globale, holiste des patient-e-s. Mais son application estdifficile :

«Mais, encore une fois, aujourd’hui avec l’organisation hospitalière, les loissur le travail, etc., un autre mythe ou un autre concept qui est difficile àtenir, c’est celui de l’infirmière de référence. » (Service infirmier, organismeproducteur.)

Le travail de l’infirmière/médecin de coordination vise essentiellement àintégrer l’apport particulier de chacun-e des intervenant-e-s et de garantir lacohérence de l’ensemble du processus de prise en charge. Mais, il tient plusd’un disease management que d’un case management, car le suivi, même s’iln’est pas simple et linéaire, est centré sur un diagnostic unique :

« Par exemple, on a une infirmière qui, à un certain moment, va s’assurerque les personnes [...] reçoivent toutes les informations et se trouvent dansune logique de soins adéquate. Par exemple, pour le cancer du sein, les gensvont avoir affaire à des oncologues, à de la chirurgie, à la gynécologie, à laradiothérapie, etc. Donc, là, il y a toute une série d’éléments qui doivent secoordonner, où il faut veiller à ne pas perdre du temps, à une bonne utilisa-tion des ressources, et puis surtout à ce que la patiente reçoive les bonnesinformations pour comprendre ce qui se passe à travers les multiples inter-venants. Donc on a des gens qui facilitent un processus. » (Service infirmier,organisme producteur.)

La fonction d’infirmière de liaison présente la particularité de se déployersur plusieurs institutions. Pratiquement, elle relève toutefois plus d’undischarge management que du case management, car son objectif essentielconsiste à organiser la sortie et à préparer les patient-e-s à la situation qu’ilsou elles rencontreront au terme de leur séjour hospitalier.

«Avant, les assistants sociaux ou les infirmières de l’hôpital s’adressaient auxsoins à domicile, pour organiser. Puis, après les infirmières [...] venaient àdomicile et examinaient, avec la collègue hospitalière, l’état de la situation dupatient. Mais, ça prend du temps tout ça. Tandis que si vous avez directementune infirmière de liaison qui est sur place [à l’hôpital] et qui peut aller trèsrapidement voir une personne et qui peut déjà l’identifier dès la rentrée, vousavez aussi une meilleure qualité de continuité. » (Service infirmier, organismeproducteur.)

136

Page 137: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

137

À Genève, l’infirmière de liaison est employée par les services de soins àdomicile. Dans la région lausannoise, elle est engagée par le Réseau de lacommunauté sanitaire de la région lausannoise (ARCOS)37, une associationchargée de la coordination et de l’intégration des prestations des établisse-ments – services de soins à domicile, établissements médico-sociaux, centresmédico-sociaux, médecins indépendants et hôpitaux de soins aigus – qui luisont affiliés. Mais, dans un cas comme dans l’autre, elle est installée dans leslocaux de l’hôpital. L’infirmière de liaison est ainsi au plan organisationnelcomme au plan financier à la frontière entre l’univers stationnaire et le mondeambulatoire :

« [...] si on veut que les choses fonctionnent de manière adéquate, il faut quetout le monde se mette un peu au même rythme. Mais [chez nous], ça se passeassez bien avec l’Aide à domicile, car il y a des infirmières de liaison et ellessont dans l’hôpital, dans les locaux de l’hôpital, elles ont accès aux dossiersdes patients de l’hôpital. Donc dès qu’une personne arrive à l’hôpital, et sicette personne est déjà cliente des Soins à domicile, elle est immédiatementidentifiée. Et si, ici, un médecin ou une infirmière se rend compte qu’un patient,dès sa sortie, aura besoin de soins à domicile, ils vont appeler tout de suitel’infirmière de liaison de l’Association des soins à domicile, qui est payée parles soins à domicile, donc qui n’est pas une employée de l’hôpital. » (Serviceinfirmier, organisme producteur.)

Malgré le défi qu’ils représentent pour les institutions hospitalières, ni lemorcellement des suivis, ni le déficit de coordination des prestations n’ontété l’occasion d’un développement notable du case management. Commedans le domaine de l’assurance maladie, son introduction est motivée par desconsidérations d’ordre économique plutôt que par la volonté d’améliorer laqualité d’une prise en charge tendanciellement discontinue. Les progrès lesplus remarquables ont été enregistrés suite à l’introduction des Diagnosis rela-

ted groups (DRG), un système de financement prospectif basé sur une tarifi-cation semi-forfaitaire propre à inciter les établissements hospitaliers à réduiresensiblement le temps de séjour de leurs patient-e-s.

37 Depuis 2005. Auparavant, elle était également employée par les services de soins àdomicile.

Page 138: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Le système de financement prospectif par DRG est introduit initialementen 1982 aux États-Unis. Faisant figure de pionniers, le New England MedicalCenter Hospital de Boston (Massachusetts) et le Carondelet St. Mary’sHospital à Tucson (Arizona) répondent à cette réforme par le développementdu nursing case management.

Dès 1985, l’hôpital de la côte Est met en place la fonction de Primary nurse

case manager. Ce personnel est chargé d’apporter les soins directs et de coor-donner l’ensemble de l’équipe interdisciplinaire d’intervention dans les cascomplexes et coûteux. Les nurses case manager sont rattaché-e-s directementà la direction des soins. Un niveau de qualification particulièrement élevé,tous et toutes sont au bénéfice d’un master au moins, facilite notablement leurreconnaissance de la part des autres groupes professionnels, le corps médicalen particulier. Les premières expériences ont conduit au développement descritical pathways, un instrument comparable aux chemins cliniques qui viseà détailler le processus de soins en soulignant les phases inefficientes (critiques)qui le ponctuent, indépendamment du fait qu’elles soient susceptibles ou nond’une optimisation. Les critical pathways annoncent les buts de l’interventionet définissent la séquence des actions propres à les atteindre avec le plus d’ef-ficacité. Ils sont développés en premier lieu pour les diagnostics dont le trai-tement est coûteux et sont propres à l’institution qui les met en place.

Le succès de la démarche a conduit à la fondation du Center for nursingcase management qui a pris le nom de Center for case management en 1991.Celui-ci fournit conseils et soutien aux établissements projetant d’implanterun nursing case management ou le développement de critical pathways.

La même année, le Carondelet St. Mary’s Hospital met en œuvre sonnursing case management program. Contrairement au modèle bostonien, lesuivi déborde le séjour hospitalier pour inclure aussi la phase poststationnairedu traitement. Ainsi, le ou la nurse case manager n’est pas responsable del’organisation des soins aigus uniquement. Il-elle accompagne le patient etmène le réseau d’intervention dans le domaine ambulatoire également. Pourcette raison ce modèle fut dénommé Community based case management.Son succès conduira en 1989 à la création de la première nursing HMO. Cesorganisations de managed care sont spécialisées dans l’accompagnement desmauvais risques de Medicare, l’assurance maladie des personnes de 65 ans etplus gérée par le gouvernement fédéral (Werthemann, 2006, pp. 73-74).

138

Page 139: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

L’approche hospitalo-centrée, dont le Community based case management

est, en dépit de son intitulé, un exemple, est caractéristique du système sani-taire américain. Elle consiste à établir le case management au sein de l’insti-tution hospitalière, qui est de la sorte au cœur d’un réseau global de prise encharge qu’elle développe, anime et contrôle (Satinsky, 1995 ; cité par Werthe-mann, 2006, p. 75).

En Allemagne, la fondation Bethel, un organisme spécialisé dans le traite-ment de l’épilepsie établi près de Bielefeld, développe avec le soutien d’unconsultant américain un case management présenté sous le nom de nurse

clinician model. Introduit en 1990, celui-ci a pour objectif d’améliorer lagestion de l’interface entre la prise en charge stationnaire et ambulatoire. Un-enurse clinician est chargé-e de l’accompagnement des patient-e-s dans la phaseambulatoire. Dès son admission à l’hôpital, la conduite du cas est reprise parun-e primary nurse qui coordonne l’intervention de l’équipe interprofession-nelle hospitalière. L’échange entre les deux personnes de référence est soutenupar une documentation électronique commune (Werthemann, 2006, p. 107).La tarification par DRG, qui est appliquée dans l’ensemble des hôpitaux demédecine somatique allemand depuis 2004, contribue, comme aux États-Unis, à l’essor du case management (Ribbert-Elias, 2006).

En Suisse, l’introduction généralisée des DRG est prévue pourjanvier 2012. Certains acteurs n’excluent pas que cette innovation pousseaussi à un développement plus marqué du case management :

«Peut-être que maintenant avec l’émergence des AP-DRG [All patients diag-nosis related groups], donc le remboursement par épisode de soins, vraisem-blablement on va avoir des gens qui vont avoir ces fonctions de case manager.Mais on en est aux prémices. » (Service infirmier, organisme producteur.)

L’adoption d’une tarification par DRG demande une organisation écono-miquement plus rationnelle de l’ensemble des prestations qui sont subsuméesdans chacun des forfaits. Elle accroît ainsi le besoin de coordination de laprise en charge au sein de l’hôpital et incite à une optimisation de l’interfaceentre l’hôpital, les EMS et les fournisseurs de prestations ambulatoires.Toutefois, lorsqu’il est conçu en référence à un DRG et qu’il s’adresse à ungroupe de patient-e-s circonscrit essentiellement sur la base du diagnosticmédical principal, le suivi présente plutôt la forme d’un disease que d’un

139

Page 140: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

case management. Il peut alors être assuré par une infirmière de coordinationou une infirmière de liaison.

6.5. PERSPECTIVES

Par la mise en œuvre du case management, les caisses-maladie aspirent àrépondre au mandat de contrôle de l’économicité que leur confie la LAMal.L’instrument peut, dans certains cas, contribuer à une amélioration de laqualité de la prise en charge, notamment par l’élimination des actes répétésinutilement. Mais ce résultat apparaît comme un effet collatéral et aléatoired’une intervention conçue prioritairement dans le but de remplacer des pres-tations chères par des prestations moins chères.

En portant leur attention principalement sur les coûts, les caisses nepeuvent généralement pas exclure que les mesures de substitution qu’ellesimposent soient non seulement moins chères, mais également moinsadéquates. Dans ce cas, le case management conduit à une baisse de qualitédes prestations, bien que la loi exige non seulement que les soins soient « leplus avantageux possible», mais aussi que leur qualité soit de «haut niveau»(Art. 43, §d, al. 6, LAMal).

Quel qu’en soit le modèle, le case management des caisses-maladieprocède d’une intensification du contrôle des prestations. Celui-ci est accom-pagné d’une augmentation des frais administratifs supportés par le fournis-seur de prestations, qui doit justifier plus amplement ses décisions. Au regardde cette bureaucratisation des suivis, certains économistes estiment que lecase management des caisses pourrait induire une augmentation, plutôtqu’une baisse des coûts (Werthemann, 2006, pp. 209-210).

Un case management interne, ancré dans l’hôpital et mandaté par le four-nisseur de prestations, paraît mieux à même d’améliorer la qualité des traite-ments, car celui-ci maîtrise le processus de soins et peut naturellement enmodifier l’agencement. Toutefois, dans ce cadre également, l’essor du casemanagement n’est pas étranger au développement du managed care. En effet,parce qu’il garantit la continuité des soins, le case management apparaîtcomme la solution aux problèmes qui souvent ont leur origine dans le mana-

ged care même, qui, par l’exacerbation de la division du travail intra- et inter-

140

Page 141: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LA MISE EN ŒUVRE DU CASE MANAGEMENT

professionnel ainsi que par une différenciation accrue des marchés, incite àune augmentation du morcellement de la prise en charge.

La fonction de broker est exemplaire à cet égard. Avec elle, le-la casemanager se fait le-la gestionnaire d’une concurrence qui s’impose aux États-Unis comme un déterminant essentiel de la complexité du système de priseen charge sanitaire : «Avec la demande croissante [pour des produits d’assu-rance sophistiqués], les case managers doivent apprendre à naviguer dans cemarché afin d’aider les patients à le gérer» (Gupta, 2005, p. 66).

Un case management orienté véritablement sur la résolution desproblèmes des usagers et usagères ne peut être régi par des incitations denature essentiellement financière. Pour cela, il doit sortir de l’« ombre dumanaged care» (Ewers, 2000).

6.6. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

AGENCE NATIONALE D’ACCRÉDITATION ET D’ÉVALUATION EN SANTÉ (ANAES).(2004). Chemin clinique. Une méthode d’amélioration de la qualité. Saint-Denis La Plaine : Anaes.

AMELUNG, V.E. & SCHUMACHER, A. (1999). Managed care. Neue Wege im Gesun-dheitsmanagement. Wiesbaden : Gabler.

BRISTOW, D.P. & HERRICK, C.A. (2002). Emergency department case manage-ment : the dyad team of nurse case manager and social worker improvedischarge planning and patient and staff satisfaction while decreasing inap-propriate admissions and costs : a literature review. Lippincott’s Case Mana-gement, 7(3), 121-128.

BUNDESAMT FÜR GESUNDHEIT (BAG). (2004). Managed Care-Modelle. Bern :BAG.

COHEN, E.L. & CESTA, T.G. (2004). Nursing Case Management. From Essentialsto Advanced Practice (4th Ed.). Mosby.

EUGSTER, G. (2001). Das Wirtschaftlichkeitsgebot nach Art. 56 Abs. 1 KVG. InR. Schaffheuser & U.Kieser (Eds.), Wirtschaftlichkeitskontrolle in der Kran-kenversicherung (Vol. 2, pp. 9-70). St Gallen : Schriftenreihe des Instituts fürRechtswissenschaft und Rechtspraxis IRP-HSG.

EWERS, M. (2000). Case Management im Schatten von Managed care : Sozial-und Gesundheitspolitischen Grundlagen. In M. Ewers & D. Schaeffer (Eds).Case Management in Theorie und Praxis (pp. 29-52). Göttingen: Huber Verlag.

141

Page 142: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

EWERS, M. (2006). Case management in der Pflege – Versuch einer Bestandsauf-nahme. In W.R. Wendt & P. Löcherbach (Eds). Case management in derEntwicklung. Stand und Perspektiven in der Praxis (pp. 55-70). Heidelberg :Economica Verlag.

GOBET, P. (2002). La construction sociale de l’activité soignante. Lausanne :Réalités sociales.

GUPTA, A. (2005). Consumer-directed health care and case management. TheCase Manager, 16(4), 64-66.

KÜHN, H. (2001). Integration der medizinischen Versorgung in regionaler Pers-pektive. Berlin : Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung.

MICHAUD, J.-P., DELADOEY, C. & DÜRRENBERGER, Y. (2006). Gestion de cas. Réfé-rent de situation, un rôle aux contours flous. Soins infirmiers, 5, 44-47.

MORIN, A. & MORIN, S. (1997). Le Managed Care aux États-Unis : état actuel etorientations futures. Journal d’économie médicale, 15(5), 319-334.

RIBBERT-ELIAS, J. (2006). Case Management im Krankenhaus : Vorausetzungen– Anforderungen – Implementierung. In W.R. Wendt & P. Löcherbach (Eds.).Case Management in der Entwicklung : Stand und Perspektiven in der Praxis(pp. 135-154). Heidelberg : Economica Verlag.

ROBERTS, D.Y. (2002). Reconceptualizing case management in theory and prac-tice : a frontline perspective. Health Services Management Research, 15, 147-164.

SATINSKY, M.A. (1995). An Executive Guide to Case Management Strategies.Chicago : American Hospital Association Publishing.

TAHAN, H.A. (2003). A Substantive Theory in Acute Care Case ManagementDelivery : Provision of integrated care using a collaborative core team (Docto-ral dissertation). New York : Columbia University

TERRA, S.M. (2007). An evidence-based approach to case management modelselection for an acute care facility. Is there really a preferred model ? Profes-sional Case Management, 12(3), 147-157.

WEBER, A. (2005). Case und Disease Management im Ärztenetz. Managed Care,2005(3), 8-11.

WERTHEMANN, C. (2006). Case Management im Gesundheitswesen : konzeptio-nelle Grundlagen, ausländische Beispiele und erste Erfahrungen in derSchweiz. Dissertation. Universität Basel. Berlin : Verlag im Internet GmbH.

WHITE, P. & HALL, M.E. (2006). Mapping the literature of case managementnursing. Journal of the Medical Library Association JMLA, 94(2 suppl.), 99-106.

142

Page 143: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

7. CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

Dans le cadre de la prise en charge des soins de longue durée, le case

management ne se présente pas nécessairement comme un outil d’appoint,

mis en œuvre pour un public choisi en marge du système de prise en charge

standard. Il peut s’inscrire au cœur du dispositif, dont il accroît l’unité et la

cohérence. Dès lors, pour le décrire adéquatement, il faut le rapporter à la

structure de prise en charge globale, avec laquelle il se confond largement.

7.1. LES SOINS DE LONGUE DURÉE

La notion de soins de longue durée désigne l’ensemble des prestations

visant à soutenir les personnes vulnérables ou fragiles en raison de leur grand

âge, d’une affection dégénérative ou d’une maladie chronique.

Même lorsqu’elle lui est imputable, la fragilité n’est pas une maladie au

sens médical du terme : elle ne fait l’objet ni d’un diagnostic, ni d’un trai-

tement. Par conséquent, les prestations à même d’y répondre ne sont pas

de nature médicale (elles ne visent pas la guérison), pas plus qu’elles ne sont

palliatives (elles ne soulagent pas les symptômes liés à une affection). Il

s’agit de prestations médico-sociales destinées essentiellement à habiliter

les bénéficiaires à une meilleure maîtrise des tâches liées à la vie quoti-

dienne. Les prestations médico-sociales sont le produit combiné du travail

social, du travail ménager et des soins personnels (personal care). Elles sont

fournies à domicile par les proches (aidant-e-s naturel-le-s), les services d’aide

et de soins à domicile (SASD) et des professionnel-le-s indépendant-e-s,

ou dans le cadre institutionnel par les établissements médico-sociaux

(EMS).

Les soins de longue durée ne sont pas, par définition, réservés aux

personnes âgées, les maladies chroniques et dégénératives touchant des

143

Page 144: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

personnes de tout âge38. Il n’en reste pas moins que la demande en prestationsde ce type provient, pour la plus grande part, de personnes de 80 ans et plus.Par conséquent, la question de la conception et du développement de la priseen charge médico-sociale constitue un volet essentiel des politiques de la vieil-lesse.

7.2. LA NOTION D’INTÉGRATION

L’intégration est l’opération consistant à assembler des éléments épars afinde composer un tout cohérent ou fonctionnel.

L’intégration est d’abord caractérisée par son ancrage. Le processus d’in-tégration est interinstitutionnel lorsqu’il a le système global de prise en chargepour horizon. Il est intra-institutionnel lorsqu’il est ancré dans une institution,un établissement ou une entreprise et se déploie à partir de celle-ci. Enfin, ilest individuel quand il est orienté sur la situation des usagers-ères.

L’intégration est déterminée ensuite par ses principes de gouvernance,c’est-à-dire par les prémisses qui la fondent et les motifs qui l’inspirent.Lorsqu’elle répond à des incitations politiques, elle est conduite dans le soucide satisfaire les besoins de la population par un approvisionnement adéquat.Lorsqu’elle est placée sous le primat de l’économique, elle est modelée pardes contraintes financières ou budgétaires et quand elle s’attache à répondreaux attentes/problèmes définis conjointement par l’usager-ère et le collectifd’intervention dans le cadre de la relation de suivi, elle est basée sur lespréceptes de l’action professionnelle.

Elle est également définie par son orientation. On parle d’une intégrationhorizontale lorsque le tout est formé d’institutions spécialisées indépendantesqui collaborent pour couvrir ensemble l’entièreté de la demande. L’intégrationverticale fait référence, au contraire, à un complexe structuré hiérarchique-ment qui offre à lui seul la gamme quasi complète de services et coordonneceux qu’il ne propose pas. Au niveau individuel, l’intégration synchroniquegarantit la simultanéité de mesures qui doivent être fournies parallèlement

144

38 L’Hôpital universitaire de Bâle a mis sur pied un case management pour les enfantsprématurés nés avant la 37e semaine de gestation dont deux tiers souffrent ultérieure-ment d’affections chroniques (Müller, 2009).

Page 145: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

145

dans une même phase de suivi, tandis que l’intégration diachronique portesur l’enchaînement temporel de mesures ou de groupes de mesures qui doiventêtre apportés selon une séquence précise.

L’intégration est de surcroît spécifiée par les processus qu’elle met enœuvre et par sa qualité, sa nature. La coordination permet l’intégration fonc-tionnelle d’institutions ou de services spécialisés dans la production de pres-tations particulières en raison d’une division du travail de plus en plus fine.La fusion vise l’intégration administrative, juridique et financière d’établis-sements initialement indépendants. Enfin, au niveau individuel, l’accompa-gnement des patient-e-s dans le complexe de prise en charge permetl’intégration procédurale de l’ensemble des actes accomplis dans le cadre dusuivi39.

À partir de ces distinctions, trois modèles génériques d’intégration sontconcevables40. Le tableau suivant en offre une présentation synoptique.

Tableau 1 : Les modèles génériques de l’intégration

Modèles Ancrage Principe Orientation Processus NatureRéseau de services intégrés(RSI)

interorgani-sationnel

politique :approvision-nement adéquat

horizontale coordina-tion

fonction-nelle

Health maintenanceorganization(HMO)41

intraorgani-sationnel

économique :objectifs financiers

verticale fusion adminis-trative,juridique,financière

Gestion detrajectoires(GT)

individuel professionnel :attentes/problèmes définis dans le cadre suivi

synchro-nique et diachro-nique

accompa-gnementperson-nalisé

procé -durale

39 Pour ce dimensionnement de la notion d’intégration nous nous sommes inspirés deFleury et Ouadahi qui distinguent essentiellement les niveaux fonctionnel/administratif,clinique et professionnel (Fleury, 2002 ; Fleury & Ouahadi, 2002).

40 Demers et al. distinguent « trois grandes formes de gouverne [...] pour réaliser [l’]inté-gration institutionnelle» : le marché, la hiérarchie (l’État) et une « forme hybride», « leréseau ou contrat relationnel» (Demers et al., 2002, pp. 550-551).

41 Voir partie 6.1.

Page 146: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Le réseau de services intégrés (RSI) favorise une intégration fonctionnelle,conduite au niveau interorganisationnel, d’entreprises indépendantes asso-ciées pour former un tissu collaboratif de prise en charge à même de répondreà une mission définie politiquement et assise légalement. Avec la Health Main-

tenance Organization (HMO), l’intégration du système de prise en charge estconduite généralement par une institution de financement (assurance mala-die), qui, élargissant progressivement son activité à la production des soins,se présente comme une entreprise commerciale polyvalente en mesure decouvrir directement, ou indirectement par le biais des sociétés qu’elle contrôle,toute la chaîne de prise en charge.

Les deux approches ont en commun de concevoir l’intégration dans unmouvement descendant, la coordination des grandes structures étant censéeconduire nécessairement à un optimum des trajectoires. Le modèle de lagestion de trajectoires (GT) approche l’intégration dans le mouvementinverse, mettant l’accent sur l’intégration de la relation et des mesures desuivi, pour remonter à celle des structures – organisations et réseaux – géné-rales. Pratiquement, les flux descendants et ascendants d’intégration sontcombinés. Et le case management est le moyen de cette articulation. C’est ceque nous voulons maintenant illustrer à l’exemple de la prise en charge despersonnes âgées en perte d’autonomie au Québec.

7.3. EXPÉRIENCES INTERNATIONALES

7.3.1. LA SOLUTION QUÉBÉCOISE: LE RÉSEAU DE SERVICES INTÉGRÉS (RSI)

Le réseau de services intégrés est «un ensemble de services sociosanitairesde qualité, organisés et coordonnés sur un territoire donné, dispensés en colla-boration et en complémentarité grâce à un continuum complet d’interventionspar des ressources publiques, communautaires et privées en vue de mieuxrépondre à l’ensemble des besoins sociosanitaires de la clientèle, de manièrepersonnalisée et adaptée aux besoins de cette clientèle » (Sous-région deChâteauguay, 2000, cité par : Ordre professionnel des travailleurs sociaux duQuébec, 2006, p. 6). L’Integrated delivery network en est l’équivalent améri-cain.

Au Québec, les réseaux intégrés sont initialement développés pour assurerla prise en charge de personnes âgées en perte d’autonomie. Ils répondent à

146

Page 147: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

147

« l’échec relatif des efforts des décennies 1970-1980 pour améliorer la colla-boration entre les différents partenaires» (Fleury, 2002, p. 8), à l’institution-nalisation croissante de la prise en charge, au manque d’efficience et àl’augmentation des coûts.

Le modèle de référence est développé sur le territoire des Bois-Francs, unerégion de 90000 personnes dont 13% d’aîné-e-s, située à une centaine dekilomètres à l’ouest de la ville de Québec. Le projet pilote est initié en 1993par la Table de concertation des services sociaux et des services de santé dela région, qui convient, sur la base d’un rapport d’expert-e-s, «de la nécessitéde développer un continuum de services dans une optique de mission-réseauplutôt que de mission-établissement» (Tourigny et al., 2002, p. 111). Élaborédans les années suivantes, le modèle d’intégration est adopté en 1995 et misen application au début 1997.

Au vu des résultats probants enregistrés dans la phase pilote, il est progres-sivement repris dans d’autres régions, notamment sous une forme élaguée parl’équipe de recherche associée au Programme de recherche sur l’intégrationdes services pour le maintien de l’autonomie (PRISMA), un centre derecherche sur le vieillissement associant les Universités de Laval et de Sher-brooke (Boudreault & St-Onge, 2007 ; Hébert et al., 2004 ; Hébert et al.,2007)42. Une équipe française travaille actuellement à l’adaptation du modèlePRISMA à la réalité française (Somme et al., 2008 ; Somme, 2009). AuQuébec, les modalités d’application du réseau de services intégrés dans ledomaine de la prise en charge psychiatrique sont à l’étude (Perron, 2005 ;Demers & Tourigny, 2009).

Les services du Réseau de services intégrés des Bois-Francs sont destinés«aux aînés de 65 ans et plus présentant un profil gériatrique qui désirentrecevoir de l’aide et dont l’équilibre avec leur entourage est rompu ou risqued’être rompu, étant donné la présence simultanée de plusieurs problèmesmédicaux et psychosociaux significatifs. Plus spécifiquement, ce sont ceux enperte d’autonomie tant au plan fonctionnel (diminution des activités de la viequotidienne (AVQ) et de la vie domestique (AVD)) qu’au plan cognitif

42 Le site de PRISMA peut être consulté à l’adresse suivante : www.prismaquebec.ca (accèsdu 10.09.2010).

Page 148: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

148

(démence), vivant une situation conflictuelle à domicile (abus, négligence,isolement), recourant fréquemment aux services de santé (hospitalisation,consultations médicales et changements de médications fréquents). » (Touri-gny et al., 2002, pp. 113-114.)

Avec le guichet ou entrée unique, qui centralise toutes les demandes, le« plan de services individualisés » (PSI) et le case management, il associe« trois des “meilleures pratiques” de coordination» (Tourigny et al., 2002,p. 112). Au niveau administratif, la concertation et la coordination des parte-naires sont assurées par la Table de concertation et par un comité de coor-dination des services. La première réunit les acteurs stratégiques pourdécider des orientations du réseau et des ressources qui lui sont allouées. Illui revient également de mandater le second. Composé de responsables desservices publics, de représentant-e-s du mouvement associatif et despersonnes âgées, celui-ci est chargé de l’optimisation du continuum deservices et du suivi du mécanisme de coordination (Tourigny et al., 2002,p. 112)43. Le dossier clinique informatisé (DCI) est introduit en 1998 dansle but de soutenir le travail interdisciplinaire et de favoriser l’échange entreétablissements.

Au plan institutionnel, le Réseau de services intégrés des Bois-Francs viseà différer l’hébergement en institution ainsi qu’à réduire le nombre des solli-citations adressées au système de soins aigus. Au plan individuel, il veutcontribuer à l’amélioration de la qualité de vie par une prévention des situa-tions de détresse et le maintien de l’autonomie.

L’implantation des réseaux de services intégrés pour personnes âgées enperte d’autonomie (RSIPÂPA) (Boudreault, St-Onge, 2007, p. 2) est généra-lisée avec l’adoption, en décembre 2003, de la Loi sur les agences de déve-loppement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux parle gouvernement québécois. Celle-ci conduit à la création, en juin 2004, de95 centres de santé et de services sociaux (CSSS) distribués sur l’ensemble dela province. Un CSSS réunit habituellement un centre hospitalier, un centrede réadaptation, plusieurs centres d’hébergement de soins de longue durée

43 Sur cette question voir aussi : www.prismaquebec.ca/cgi-cs/cs.waframe.content?topic=5796&lang=1#Anchor-coordination-23240 (accès du 10.09.2010).

Page 149: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

149

(CHLSD) – l’équivalent des établissements médico-sociaux romands ou desPflegeheim suisses alémaniques – et plusieurs centres locaux de servicescommunautaires (CLSC) qui se présentent comme des centres médico-sociaux(CMS).

Chaque CLSC conduit différents programmes, tels que les services auxenfants et à leur famille, les services aux adultes, les services de santé mentaleou encore l’action communautaire. L’un d’eux est destiné aux personnes enperte d’autonomie liée au vieillissement44. Il est porté par les intervenant-e-sdu service de soutien à domicile qui sont essentiellement des case managersqui travaillent sur le modèle développé aux Bois-Francs45.

Les case managers traitent les demandes qui leur sont transmises par lescollaborateurs-trices du guichet unique, sans qu’il n’y ait de spécialisationsparticulières puisque chacun-e d’eux-elles « est responsable de l’ensemble desaînés d’un secteur géographique donné quelles que soient l’origine, la natureet l’intensité de leur perte d’autonomie» (Tourigny et al., 2002, p. 116). L’as-

sessment est conduit au moyen de l’outil d’évaluation multiclientèle (OEMC)et la planification s’appuie sur le plan de services individualisés, deux instru-ments que partagent tous les CSSS de la province. Les case managers sontégalement chargé-e-s d’examiner les demandes d’hébergement dans les centresde soins de longue durée.

Dans ce case management clinique, la fonction des case managers est«mixte», car elle combine la gestion et la coordination avec l’interventionpsychosociale. Ainsi, les case managers « interviennent en situation de crise,s’intègrent aux équipes multidisciplinaires des divers services et travaillentdans la communauté» (Tourigny et al., 2002, p. 116).

44 Un exemple est le CLSC est celui de St-Léonard et St-Michel à Montréal (http://csss-stleonardstmichel.qc.ca (accès du 13.09.2010)).

45 Le dispositif prévoit également la présence d’« intervenants-pivot» (Ordre profession-nel, 2006, p. 11). Contrairement au-à la case manager qui suit le-la patient-e tout aulong de son parcours dans le RSI, l’appui de l’intervenant-pivot est limité à un épisodede soins, un séjour hospitalier par exemple. Ainsi, le rapport entre le-la case manageret l’intervenant-pivot rappelle celui qu’entretiennent la «nurse clinician» et la «primarynurse» dans le modèle de case management mis en place par la fondation Bethel enAllemagne.

Page 150: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

150

7.3.2. LE MODÈLE PRIVILÉGIÉ AUX ÉTATS-UNIS : LA SOCIAL HEALTH MAINTENANCE ORGANIZATION (S/HMO)

Le second modèle d’intégration présenté dans le tableau 1 trouve uneapplication exemplaire aux États-Unis dans les Social Health Maintenance

Organizations (S/HMO) qui sont « les seules institutions aux USA à offrir unrégime d’indemnité abordable basé sur Medicare pour des soins de longuedurée à toute personne âgée ayant décidé de s’affilier» (Leutz et al., 2005,p. 2)46.

Le concept des S/HMO est développé dans les années 1970 à l’Universitéde Brandeis près de Boston. Il est expérimenté dès 1985 dans le cadre d’unprojet soutenu financièrement par Medicare. Initialement, quatre « sites dedémonstration» (Newcomer et al., 1990, p. 427) y sont associés47. Ce modèlefait l’objet d’un suivi scientifique attentif depuis son lancement (Leutz et al.,1985 ; Newcomer et al., 1990 ; Kodner et al., 2000 ; Leutz et al., 2005). Il neconnaît cependant pas le développement escompté. En 2002, l’ensemble dessites engagés dans le projet ne couvre que 113000 membres (Leutz et al.,2005, p. 2). Au Québec, les S/HMO ont leur pendant dans les organisationsde soins intégrés de santé (OSIS). On renoncera à cette expérience, toutcomme on abandonnera le projet de Soins intégrés pour personnes âgées(SIPA)48 qui s’en inspire également (Demers et al., 2002 ; Vaillancourt et al.,1989).

46 La littérature rapporte pourtant un modèle alternatif, le «On Lok Senior HealthServices ». Développé en Californie au début des années 1970, il est à l’origine dumodèle PACE (Program of All-inclusive Care for the Elderly) qui est également soutenupar Medicaid et Medicare (Newcomer et al., 1990, p. 428 ; Kodner, 2000, pp. 10-16).

47 Ce sont : Medicare Plus (Kaiser Permanente Northwest Center for Health Research) àPortland, Oregon ; Elderplan (Metropolitan Jewish Geriatric Center) à Brooklyn, NewYork ; SCAN Health Plan (Senior Health Action Network) à Long Beach, Californieet Seniors Plus (Group Health Incorporated and Ebezeer Society) à Minneapolis,Minnesota qui se retire du projet en 1994 (Kodner et al., 2000, p. 6).

48 Ce projet de démonstration, qui a été conduit entre 1999 et 2001 par une équipe derecherche des Universités McGill et de Montréal, vise à appliquer le modèle des S/HMOaméricaines au contexte québécois. Les Organisations de soins intégrés conçues dansle cadre de SIPA associent un «mode de pré-paiement par capitation assorti de laresponsabilité financière de l’ensemble des services dispensés » et «une gestionpublique» (Bergman et al., 1997, p. 312). Voir aussi : www.solidage.ca/f/SIPA_f.htm(accès du 26.09.2010).

Page 151: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

À l’instar des HMO, auxquelles elles s’apparentent directement, lesS/HMO sont des institutions de managed care. À ce titre, elles sont aussisoumises à un régime de paiement prospectif. Le «principal défi lié à laconception des S/HMO a été de greffer un système de soins de longue duréesur un système de prestations médicales» (Kodner et al., 2000, p. 7).

Le catalogue des prestations de la S/HMO comprend la liste standard desprestations offertes par Medicare, qui couvre les frais de traitement dans ledomaine des soins aigus, et les prestations de soins de longue durée. Celles-ci incluent les soins infirmiers de soutien aux maladies telles que le cancer etses complications, les soins intermédiaires, les transports médicalisés, les pres-tations apportées à domicile comme les soins infirmiers de jour et les soinspalliatifs, ainsi que les services fournis par les infirmières auxiliaires et lesaides familiales.

À cette liste, s’ajoute le case management qui assure la coordination etl’intégration des autres services (Newcomer et al., 1990, p. 428). Ainsi, lecase management n’est pas une composante structurelle des S/HMO, maisplutôt une des prestations qu’elles offrent dans le cadre de la prise en chargedes soins de longue durée.

Avec les HMO, dont les S/HMO sont une application particulière, l’inté-gration a lieu aux niveaux financier et administratif. Ceci ne débouche pour-tant pas sur une intégration des prestations. Les études d’évaluation tendentà montrer que les S/HMO n’ont pas permis un véritable rapprochement desservices médicaux et sociaux et l’évidence de leur effet modérateur sur lescoûts n’est pas assurée. Dans certains cas, elles sont même associées à uneaugmentation du taux d’hospitalisation, un résultat troublant dont l’inter-prétation reste controversée (Kodner, 2000, p. 9). Malgré ces limites, certainspensent qu’elles illustrent pour beaucoup de personnes âgées les avantagesd’un modèle qui place financement et fourniture des prestations sous unmême toit (Leutz et al., 2005, p. 13).

7.3.3. ALLEMAGNE: LES PFLEGESTÜTZPUNKTE(CENTRES D’INFORMATION ET D’ORIENTATION)

L’Allemagne a connu bon nombre de projets d’applications du case mana-gement au suivi des personnes fragilisées. Les premiers ont été initiés dans lesannées 1990 (Mennemann, 2006 ; Neubart, 2006 ; Klaes et al., 2005 ; Engel

151

Page 152: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

et al., 1999). Mais, c’est avec la Loi sur le développement des soins (Pflege-

Weiterentwicklungsgesetz), entrée en vigueur au 1er juillet 2008, que leprocédé s’affirme comme la clef de voûte de la réponse institutionnelle à ladépendance sur l’ensemble du territoire national.

La Weiterentwicklungsgesetz vient compléter la Loi sur l’assurance dessoins (Pflegeversicherungsgesetz) qui livre la base légale de l’assurance soins,une assurance contre les risques liés à la fragilité introduite en 1995. Ellereconnaît pour tout-e bénéficiaire un droit justiciable au Conseil médico-social individuel ainsi qu’à l’aide concrète (Hilfeleistung) d’un-e conseiller-ère médico-social-e (PflegeberaterIn) (Michell-Auli et al., 2008, p. 6).

Le ou la conseiller-ère médico-social-e est chargé-e de l’évaluation desbesoins, de la mise sur pied d’un plan de mesures, de sa mise en œuvre et dela surveillance de cette dernière. Son cahier des charges « correspond [ainsi]à la fonction du case management» (Michell-Auli, 2009, p. 11). Le ou laconseiller-ère médico-social-e peut faire appel à toutes les prestations sociales,quelle que soit la loi, fédérale ou propre au Land, qui les garantit. Il ou ellepeut également proposer des mesures qui ne sont pas remboursées par lesystème de sécurité sociale. Il est rappelé que pour une action efficiente, le oula conseiller-ère doit satisfaire le «postulat de la neutralité» (Michell-Auli,2009, p. 11) quand bien même les caisses-maladie, les caisses-dépendance etles communes qui les emploient sont aussi les payeurs des prestations qu’ilou elle ordonne.

La loi fédérale demande en outre le développement de Pflegestützpunkte

destinés à abriter cette activité dans tous les Länder du pays. Seize Pfleges-

tützpunkte – un par Land – ont été mis sur pied par le Kuratorium DeutscheAltershilfe sur mandat du Ministère fédéral de la santé dans le cadre d’unprojet pilote conduit entre novembre 2007 et juin 2010. Ils se présententcomme les points de cristallisation d’un réseau qui est appelé à se densifierfortement dans les années à venir.

Cette structure de proximité, implantée près du lieu de résidence despersonnes auxquelles elle s’adresse, fait office de guichet unique pour toutesles questions liées au problème de la perte d’autonomie (Pflegebedürftigkeit).Aux termes de la loi, c’est au sein des Pflegestützpunkte que toutes les pres-tations nécessaires à un accompagnement ancré dans l’environnement socialde l’usager-ère sont coordonnées. C’est à eux aussi que le case managementest rattaché.

152

Page 153: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

153

On assiste ainsi, en Allemagne, au développement d’un réseau de servicesintégrés pour les personnes fragilisées qui s’appuie, à l’exemple du Québec,sur deux dispositifs essentiels : le guichet unique et le case management.

7.3.4. LES «CLIC» FRANÇAIS

Par l’adoption, en 2001 de la Loi « relative à la prise en charge de la perted’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autono-mie», l’Assemblée nationale française opte pour une démarche semblable àcelle qui est suivie en Allemagne.

L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est une aide financièreuniverselle de soutien aux personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie.Entrée en vigueur en janvier 2002, elle remplace la prestation spécifiquedépendance (PSD) qu’elle améliore en étendant la couverture aux cas demoyenne dépendance. Le montant accordé par l’APA varie selon le taux dedépendance et le revenu de l’ayant droit. En avril 2010, la somme maximaleversée aux personnes les plus dépendantes était de 1235 euros par mois49.

La définition et la mise en œuvre de la politique de prise en charge médico-sociale des personnes âgées sont du ressort des départements, plus exactementde leur Conseil général, qui en est l’organe législatif. Ceux-ci sont égalementchargés de la gestion de l’APA qu’ils financent conjointement avec l’Étatcentral. Chaque département est découpé en secteurs ou «bassins gérontolo-giques» qui marquent les limites d’autant de réseaux indépendants de priseen charge.

Autre élément du dispositif français de maintien de l’autonomie, lescentres locaux d’information et de coordination (CLIC) sont institués parcirculaire en 2000 (Bussière, 2002). Chaque secteur gérontologique disposed’un CLIC. Initialement, tous les CLIC ne sont pas chargés de la même

49 Voir Direction générale de la cohésion sociale, «Tarifs nationaux APA à compter du1er avril 2010» : www.travail-solidarite.gouv.fr (accès du 26.09.2010).

Page 154: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

154

mission. Celle-ci dépend du «niveau de label» qui leur est attribué. Les CLICde niveau 1 ont pour tâche d’« informer, orienter, faciliter les démarches, fédé-rer les acteurs locaux». Les CLIC de niveau 2 sont appelés en outre à«évaluer les besoins, élaborer un plan d’accompagnement, ou un plan d’in-tervention». Enfin, les CLIC de niveau 3 sont chargés d’«accompagner, assu-rer le suivi du plan d’aide en lien avec les intervenants extérieurs,coordonner » en sus des missions attribuées sous les deux autres labels50.Entre temps, les CLIC de niveau 1 et 2 ont été portés au niveau 3.

Structure de proximité, le CLIC est la forme française du guichet unique.Mais, seul le CLIC labellisé de niveau 3 est véritablement comparable auxPflegestützpunkte allemands. Avant la mise à niveau, le personnel des CLICde niveau inférieur n’était pas appelé à conduire les cas. Un coordinateur51

ou, selon les sources, un coordinateur animateur de réseau52 est chargé decette tâche. Toutefois, il n’est pas fait explicitement référence à la gestion decas et à ses outils.

7.3.5. ROYAUME-UNI : LE RECOURS AUX COMMUNITY MATRONS

En avril 2003, le modèle américain de case management appelé Evercare(Department of Health, 2005, p. 14) est introduit à titre d’essai dans 9 des151 Primary Care Trusts (PCT) que compte le pays. Les PCT sont le pilierdu système de santé publique anglais, le National Health Service (NHS), dontils absorbent 80% du budget53. Ce sont des centres de premier recours queles patient-e-s consultent prioritairement en cas de problème de santé avant,si nécessaire, d’être dirigé-e-s sur un service spécialisé. Offrant une largepalette de soins de base (soins médicaux, psychiatriques, prestations médico-

50 Voir Ministère de la Santé et des Solidarités, «Bienvenue sur le portail CLIC» :http://clic-info.personnes-agees.gouv.fr/clic/construirePageLogin.do (accès du 26.09.2010).

51 Ibidem.52 Voir CLIC de Lunel (Hérault), «Un CLIC dans l’Hôpital » : www.clicmaillage.com

(accès du 26.09.2010).53 NHS : www.nhs.uk/NHSEngland/thenhs/about/Pages/authoritiesandtrusts.aspx (accès

du 16.09.2010).

Page 155: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

155

sociales, conseil sociosanitaire, prévention), leur fonction est comparable àcelle des centres locaux de services communautaires (CLSC) québécois ou descentres médico-sociaux (CMS) implantés dans certains cantons romands.

Evercare est un programme de case management destiné aux personnesâgées développé dès 1987 dans le Minnesota par deux infirmières et commer-cialisé sous ce nom aux États-Unis par le UnitedHealth Group, une HMO àbut lucratif 54 active en Europe sous le label UnitedHealth Europe. En 1995,les Centers for Medicare and Medicaid Services (CMS) lui accordent le statutde projet de démonstration et, en 2004, celui de projet de démonstrationpermanent. En 2005, 71000 personnes sont assurées sur ce mode aux USA(UnitedHealth Europe, 2005, p. 2).

En 2005, UnitedHealth Europe publie le rapport final de l’évaluation duprojet pilote initié en 2003 (UnitedHealth Europe, 2005). En référence à celui-ci, le NHS présente son modèle de prise en charge des personnes fragiliséesdans un document intitulé «Supporting people with long term conditions»(Department of Health, 2005) la même année.

Le modèle distingue trois catégories de patient-e-s parmi les personnesfragilisées. La majorité (70 à 80%) est à même de se prendre elle-même encharge moyennant un appui professionnel ponctuel – généralement le conseil.Le deuxième groupe est composé des patient-e-s à haut risque. Ces personnesencore largement autonomes tomberaient toutefois rapidement dans la dépen-dance si elles n’étaient pas au bénéfice d’un soutien régulier qui, selon lessituations, peut être apporté par une infirmière généraliste, une infirmièrespécialisée ou encore un personnel soignant auxiliaire (allied health profes-sional). La dernière catégorie est réservée aux «patient-e-s hautementcomplexes» souffrant de co-morbidités (Department of Health, 2005 , p. 9).Ces patient-e-s représentent 3% de la population des 65 ans et plus, mais35% des hospitalisations non planifiées leur sont imputables (UnitedHealthEurope, 2005, p. 2). C’est à eux et elles que s’adresse le programme Ever-care.

54 Une description du modèle est disponible à l’adresse suivante : www.innovativecare-models.com/care_models/17 (accès du 16.09.2010).

Page 156: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

156

La population à haut risque est identifiée de deux manières. La premièrerepose sur une analyse des statistiques relatives aux admissions hospitalièrestenues par les PCT. L’autre requiert la collaboration du médecin généraliste,qui est invité à annoncer ses patient-e-s satisfaisant une série de critèresdonnés. Sont admises dans le programme, les personnes qui : a) ont 18 ansou plus55 ; b) ont été hospitalisées en urgence au moins deux fois dans lesderniers 12 mois ; c) ont au moins deux maladies chroniques ou d’autresproblèmes de santé ; d) prennent au moins quatre médicaments différents(polypharmacie) ; e) ont consulté au moins quatre fois leur médecin généra-liste au sujet d’une maladie chronique dans les six derniers mois (Russel et

al., 2009, p. 6).

Le rôle de case manager est confié à une community matron, une fonctionfortement médicalisée, inexistante auparavant. Le terme de matron désignegénéralement une infirmière-cheffe. Dans le contexte qui nous occupe, il s’agitd’une infirmière très qualifiée et de grande expérience portant le titre deAdvanced practice nurse (APN) en Angleterre ou de Nurse practitioner (NP)aux USA (UnitedHealth Europe, 2005, p. 1).

La community matron intervient principalement sur le domicile despatient-e-s, qu’elle peut suivre sur des périodes longues, pouvant s’étendresur plusieurs années. Sa fonction est mixte, à la fois clinique et de coordina-tion. Membre à part entière de l’équipe de soins, elle est chargée de l’examenpériodique de la médication, de même que de la prescription de certains médi-caments. Elle peut demander au médecin d’ordonner un examen médical ousolliciter un soutien complémentaire du service de soins intermédiaires ou desoins palliatifs par exemple. Elle mène une action préventive ou de promotionde la santé et apprend aux patient-e-s et à leur entourage à reconnaître leschangements discrets qui pourraient conduire à une exacerbation rapide deleur situation. Elle travaille en collaboration avec les services sociaux et coor-donne les prestations des membres du réseau d’intervention (Department ofHealth, 2005, pp. 13-17). Il n’est pas exclu que la community matron portela responsabilité budgétaire des cas dont elle a la charge (Department ofHealth, 2005, p. 27).

55 Les critères d’admission n’étaient pas identiques dans tous les sites associés au projetpilote. Selon le rapport d’évaluation de UnitedHealth Europe seules les personnes de65 ans et plus peuvent intégrer le programme.

Page 157: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

Le modèle Evercare est un exemple classique de case management d’ap-point destiné à une frange restreinte de la population considérée. L’objectifdu NHS est initialement de former 3000 community matrons chargées deréduire de 10 à 20% le nombre d’hospitalisations non programmées depersonnes fragilisées (Murphy, 2004, p. 1251). Mais le modèle ne semble pasremplir les espoirs qui avaient été placés en lui, l’intervention de la community

matron n’ayant «pas d’effet significatif sur le taux des admissions d’urgence»(Gravelle et al., 2007, p. 31).

Avec l’introduction de la fonction de community matron, le NHS penseaméliorer la prise en charge des personnes fragiles en ajoutant à son cataloguede prestations un produit du managed care américain. Cette réforme super-ficielle qui n’affecte pas la structure de prise en charge existante, est insuffi-sante : «Sans un remaniement plus radical du système, il est improbable quecette politique conduise à une réduction des hospitalisations. » (Gravelle et

al., 2007, p. 31.)

7.4. LA SITUATION EN SUISSE

Pour les personnes investies directement dans les soins de longue duréeque nous avons rencontrées, le case management est d’abord le nom que portel’activité de coordination qu’elles mènent quotidiennement :

«Nous, les huit médecins qui sommes ici, faisons tous du case managementdans le sens où nous passons beaucoup de temps à coordonner les soins depatients âgés, complexes par définition.» (Médecin, gériatrie aiguë.)

Ainsi, le rôle des case managers n’a pas de contours propres. Il est rapportéà ceux, ici les référents de situation, qui sont reconnus et établis :

« [...] L’important, dans une situation complexe avec multi-intervenants, c’estque le client bénéficie d’un référent de situation. Cette personne est au centrede l’action et qui est au courant de ce que les autres font [...] » (Responsable 1,travail social spécialisé.)

En outre, le dispositif est volontiers réduit à sa dimension processuelle, pourêtre assimilé au travail de réseau, outil classique de l’intervention sociale :

« Le réseau, pour nous, il faut vraiment le voir en termes d’échanges d’in-formations spécifiques et de mise en commun de toutes ces informations

157

Page 158: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

158

spécifiques, afin que tous les membres du réseau puissent bénéficier, auterme de ces rencontres, d’une vision globale. » (Responsable 2, travailsocial spécialisé.)

7.4.1. UNE PRESTATION QUI CHERCHE SON MARCHÉ

Dans une étude publiée en 2006, le Netzwerk case management Schweiz(NCMS) évoque deux institutions qui offrent un case management dans ledomaine des soins de longue durée, sans toutefois préciser si le public cibleest composé exclusivement de personnes âgées56 (NCMS, 2006, p. 80). Établiavec le soutien de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), le rapporttraite prioritairement des modalités de financement d’un case managementconçu comme une «prestation supplémentaire » (extra Leistung) (NCMS,2006, p. 18) susceptible d’intéresser un éventail à la fois large et hétérogènede protagonistes, qu’ils soient institutionnels ou individuels, publics ou privés,fournisseurs ou payeurs de soins.

Par le terme de case management, ses auteur-e-s réfèrent à un «procédé»(Verfahren), une «méthode» (Methodik) en six étapes. Bien que « l’efficiencedu procédé [...] ne soit scientifiquement pas démontrable de manière satisfai-sante» (NCMS, 2006, p. 5), il est vraisemblable qu’il contribue à réduire letemps de séjour dans les établissements de soins aigus et parfois à éviter l’hos-pitalisation, de même qu’à différer le placement en EMS.

Ce procédé permettrait aussi de mobiliser l’entièreté du potentiel de réha-bilitation de la personne âgée, de développer son réseau d’aidant-e-s infor-mel-le-s et, partant, de lui garantir une indépendance aussi large que possibledans la vie quotidienne (NCMS, 2006, p. 19). Dans son effort de dégager lesconditions-cadres de la commercialisation d’un case management destiné auxpersonnes âgées, le groupe de travail propose un financement mixte, portépar l’ensemble des parties intéressées. Mais, il ne se prononce pas sur le

56 Il s’agit de la Haus für Pflege de Berne et, sans plus de précision, des organisations desoins à domicile (Spitex).

Page 159: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

modèle de ce financement, qui pourrait indifféremment être assuré par uneorganisation faîtière, une HMO ou un réseau (NCMS, 2006, pp. 33, 34, 55).

Les auteur-e-s remarquent que la mise en place du case management estd’autant plus difficile que le système de prise en charge est compartimenté etfracturé. Parallèlement à l’établissement du case management, ils et elles souli-gnent en conséquence la nécessité du «développement ciblé des structures etdes organisations» (NCMS, 2006, p. 41) vers une plus grande intégration. Àleurs yeux, c’est précisément au système de financement du case managementque revient cette fonction intégratrice : «Les incitations économiques appeléesà soutenir le développement du case management doivent garantir une priseen charge intégrée [...] » affirment-ils et elles (NCMS, 2006, p. 86).

Pourtant, l’intégration du système de la prise en charge n’est pas un préa-lable indispensable à une mise en place réussie du case management. Lesexemples québécois et allemands montrent au contraire que celui-ci est unlevier puissant de l’intégration du système de prise en charge. En considérantle case management comme une prestation, en le ramenant à une simpleméthode d’intervention, le groupe de travail renonce à la puissance intégra-trice de ce dispositif pour miser sur un jeu d’incitations financières aux effetsincertains.

Par ce rapport, le case management trouvera place dans la politique duConseil fédéral à l’égard des personnes âgées. C’est là, sans doute, son impactle plus important. En effet, de l’avis du Conseil fédéral, le case managementpourrait contribuer à réduire le taux de recours à l’institutionnalisation parune amélioration de la coopération entre les secteurs ambulatoire et station-naire, de même que par une optimisation de la coordination des prestationsmédicales et sociales (Conseil fédéral, 2007, p. 14).

7.4.2. LES RÉSEAUX VAUDOIS ET GENEVOIS DE SERVICES INTÉGRÉS

Au début des années 2000, le canton de Vaud instaure un dispositif deprise en charge intégré qui rappelle les réseaux de services québécois. Le terri-toire cantonal est desservi par cinq réseaux indépendants auxquels sont asso-ciés les hôpitaux de soins aigus, les établissements de soins médico-sociaux,

159

Page 160: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

les services d’aide et de soins à domicile, les centres médico-sociaux et lescommunes des régions ainsi circonscrites. Le Service cantonal de l’actionsociale est membre de chacun des cinq réseaux. Au plan juridique, ceux-cisont des associations dirigées par les représentants des institutions qui lecomposent. Les médecins généralistes sont également appelés à rejoindre leréseau, mais à ce jour seul un petit nombre d’entre eux a répondu à l’invita-tion.

Chaque réseau est doté d’un bureau régional d’informations, d’orientationet de liaison (BRIO) qui fait office de guichet unique bien que ses services nesoient pas encore ouverts au grand public. Ceux-ci sont financés par le Servicecantonal de la santé publique (40%) ainsi que par les hôpitaux (42%), lesEMS (12%) et les SASD (6%) du réseau con cerné. Le travail du réseau estassuré essentiellement par des infirmiers-ères de liaison, une fonction nouvellecrée simultanément aux BRIO, dont nous avons esquissé le profil dans lasection précédente.

Les infirmiers-ères de liaison sont engagé-e-s et rémunéré-e-s directementpar le réseau. Pourtant, la plupart d’entre eux et elles travaillent sur le sitedes établissements de soins aigus qui lui sont rattachés. La tâche de l’infir-mier-ère de liaison consiste à préparer le suivi posthospitalier des patient-e-sdont le retour à domicile est difficile. Lorsque le retour est définitivementexclu, il-elle organisera l’entrée en EMS. Quand la rentrée est concevable,mais qu’elle serait prématurée, l’infirmier-ère arrange un court séjour dansun EMS ou dans une structure intermédiaire. Pour les patient-e-s qui nepeuvent rester à domicile sans soutien extérieur, l’infirmier-ère organise l’in-tervention du service des soins à domicile. Les infirmiers-ères de liaison quine travaillent pas en milieu hospitalier sont chargé-e-s de la centralisation desdemandes de stage de longs et de courts séjours. Ils et elles sont susceptiblesd’être consulté-e-s par toutes les institutions qui composent le réseau. À cetitre, ce sont les interlocuteurs-trices direct-e-s de leurs collègues rattaché-e-saux centres hospitaliers.

Parallèlement aux BRIO, les réseaux entretiennent des « filières de soins».Pendants des programmes conduits par les CLSC québécois, celles-ci sontconstruites «autour de pathologies et affections qui concernent un nombreimportant de personnes (et représentent par conséquent un problème de santépublique et une consommation de soins importante)» et qui « supposent une

160

Page 161: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

161

prise en charge de plusieurs acteurs successifs, où la dimension interdiscipli-naire et interinstitutionnelle est prépondérante»57. Actuellement, les filières« soins palliatifs», «personnes âgées et dépendantes», «gériatrie communau-taire», «psychiatrie de l’âge avancé» et «psychiatrie communautaire» sontproposées.

C’est au niveau des filières que le case management est appelé à être misen œuvre. À cet égard, la filière psychiatrie communautaire bénéficie sansdoute du développement le plus avancé, puisque c’est dans ce cadre que lesprogrammes SIM et TIPP ainsi que le case management de transition ont étémis en place58. En revanche, un case management destiné aux personnes âgéesen perte d’autonomie reste encore à construire. Contrairement à l’infirmièrede liaison qui n’a qu’une fonction de courtage, le-la case manager remplitégalement une fonction clinique.

La base légale de l’activité des réseaux est donnée par la Loi sur lesréseaux de soins adoptée par les autorités cantonales vaudoises en 2007.L’année suivante, le canton de Genève se dote d’un cadre légal similaire avecla Loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile (LSDom), dont l’ob-jectif consiste à «préserver l’autonomie des personnes dont l’état de santéet/ou de dépendance exige de l’aide et/ou des soins ainsi que de répondre demanière coordonnée aux besoins de ces personnes dans leurs trajectoires devie » (Art. 1, LSDom). La loi et son règlement d’application sont entrés envigueur début 2010.

Le territoire du canton de Genève compte 22 secteurs sociosanitaires dont9 sont situés en ville de Genève. Avant l’adoption de la loi, chaque secteurétait doté d’un centre d’action sociale et de santé (CASS). Les difficultésrencontrées à intégrer les services sociaux et sanitaires, notamment parcequ’ils s’adressent à un public hétérogène, ont amené le législateur à scindercette structure. Le versant social de la prise en charge est désormais assurépar les centres d’action sociale (CAS), le versant sanitaire par les centres de

57 Voir : www.arcosvd.ch/arcos_home/arcos_filiere_soins.htm (accès du 24.09.2010).58 Voir chapitre 5.

Page 162: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

162

maintien à domicile (CMD) et leurs antennes. Le dispositif d’aide à domicilecompte 4 CMD «qui regroupent sur 4 grandes zones géographiques les22 secteurs sociosanitaires. Chaque secteur est desservi par une ou plusieursantennes»59.

Il est prévu de pourvoir chaque région d’un «Programme d’accès auxsoins» (PASS). Celui-ci combine l’évaluation des besoins en soins et leur venti-lation par degrés de dépendance avec la gestion des places vacantes dans lesEMS et dans les structures intermédiaires telles que les appartements protégésou les foyers de jour. Toutefois, la mise en place du projet se heurte à desdifficultés suffisamment importantes pour avoir amené son responsable à lesuspendre quelques mois après sa mise en route. Entre autres choses, lesystème d’évaluation des besoins retenus par ce «projet de triage des placesd’EMS»60 est contesté : «Ce système d’orientation dans le réseau utilisera unoutil d’évaluation canadien61 [...]. Or, le dispositif est extrêmement critiquédans les médias là-bas. Les gens se sentent traités comme des numéros.Personnellement, je trouve inquiétant qu’un tableau Excel détermine où irontles gens. Il existe parfois d’autres critères que l’état de santé qui expliquequ’on choisit d’entrer en EMS.»62

Le système est piloté par une commission de coordination dont la tâcheest d’assister le département en charge du dossier. Le modèle de gouvernanceappliqué à Genève est ainsi notablement plus hiérarchique que celui qui a étéretenu par le canton de Vaud, lequel, en conférant aux réseaux la forme légalede l’association, reconnaît à leurs membres une compétence décisionnellepropre.

59 Voir « Service de la planification et du réseau de soins (SPRS)» : http://ge.ch/dares/planification-reseau-soins/secteurs_socio_sanitaires-567.html (accès du 10.01.2012).

60 Bretton, M. (2010). Unger gèle son projet de triage des places d’EMS. Le magistratprévient qu’il reviendra à la charge. Tribune de Genève. 7 avril.

61 Il s’agit du «Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle» (SMAF).62 Budry, E. (2010). Soins à domicile ou EMS? L’État décidera. Dès 2011, l’orientation

des personnes dans le réseau sera basée sur une évaluation du besoin en soins. Tribunede Genève. 26 janvier.

Page 163: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

163

La place du case management dans ce dispositif n’est pas explicitementdéfinie. Un groupe de médecins indépendants propose de l’ancrer dans lesstructures intermédiaires qui, par une réforme profonde dont il esquisse lescontours dans le projet «Cité génération espace santé», pourraient s’affirmercomme les pivots des réseaux à venir (Schaller & Chichignoud, 2008 ; Schal-ler & Huard, 2011).

7.5. PERSPECTIVES

Dans le domaine des soins de longue durée, la forme du case managementest fortement conditionnée par le modèle d’intégration dans lequel il prendplace. En assurant la cohésion entre l’offre institutionnelle d’une part et lesattentes des patient-e-s et des membres du réseau d’intervention de l’autre,il s’impose comme un élément de structure central des réseaux de servicesintégrés, dont il assure la cohérence. En revanche, sa signification est nota-blement plus réduite lorsque l’intégration est confiée à des Health mainte-

nance organizations (organisations de soins intégrés). Dans ce cadre, oùl’intégration est prioritairement financière et administrative, il se présentecomme une simple prestation de coordination dont les bénéfices sont souventhypothétiques.

En Suisse, les réseaux de services intégrés vaudois et genevois offrent unterrain propice au développement d’un case management du premier type,même si pour l’heure, le dispositif n’est pas encore pleinement mis en œuvre.Dans les régions – tendanciellement suisses alémaniques – qui tablent sur lesinstruments du managed care et les mécanismes de marché pour intégrer leursservices, c’est plutôt le «produit case management» qui pourrait prendreracine.

7.6. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BERGMAN, H., BÉLAND, F., LEBEL, P., CONTANDRIOPOULOS, A.-P., LEIBOVICH, E.,BRUNELLE, Y., KAUFMAN,T., TOUSIGNANT,P., RODRIGUEZ, R.& SCOTT, G. (1997).L’hôpital et le système de services intégrés pour personnes âgées en perted’autonomie (SIPA). Ruptures, revue transdisciplinaire en santé, 4(2), 311-321.

Page 164: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

BOUDREAULT, J.& ST-ONGE, M. (2007). L’évaluation des premiers mois d’implan-tation d’un réseau de services intégrés aux personnes âgées en perte d’auto-nomie. Service social, 53(1), 1-23.

BOISVERT, D., BONIN, L., COUTURE, G., DALLAIRE, C. & TOURIGNY, A. (2006).Recherche évaluative d’un modèle de réseau de services intégrés avec uneapproche de gestion de cas (Case Management) auprès des aînés présentantune déficience intellectuelle. Ottawa : Fondation canadienne de la recherchesur les services de santé.

BUSSIÈRE, C. (mars 2002). Les centres locaux d’information et de coordination(clic). Genèse et objectifs. Gérontologie et Société, 100, 75-81.

CONSEIL FÉDÉRAL (2007). Stratégie en matière de politique de la vieillesse. Berne.

DEPARTMENT OF HEALTH (2005). Supporting People with Long Term Conditions.Liberating the talents of nurses who care for people with long term conditions.London. www.dh.gov.uk/en/Publicationsandstatistics/Publications/Publica-tionsPolicyAndGuidance/DH_4118101 (accès du 16.09.2010).

DEMERS, L.& TOURIGNY, A. (2009). Peut-on importer le modèle d’intégration desservices aux aînés en perte d’autonomie à la santé mentale ? Santé mentaleau Québec, 34(1), 239-244.

DEMERS, L., PELCHAT, Y. & CÔTÉ, G. (2002). Intégration institutionnelle et inté-gration des services : l’expérience de la région des Laurentides. Recherchessociographiques, 43(3), 549-576.

ENGEL, H., ENGELS, D. & PAGE, G. (1999). Case Management dans les différentssystèmes d’aide nationaux pour les personnes âgées. Rapport intégré de l’ISGSozialforschung und Gesellschaftspolitik GmbH dans le cadre du projet inter-national de coopération «Coordination des prestations d’assistance complexespour les personnes âgées : Case Management dans les différents systèmesd’aide nationaux pour les personnes âgées ». Cologne : Ministère allemandpour la famille, les personnes âgées, les femmes et les jeunes.

ENNUYER, B. (2002). Les clic : un nouvel enfermement des personnes vieillis-santes ? Gérontologie et société, 100, 83-94.

ÉTAT DE VAUD, SERVICE DE LA SANTÉ PUBLIQUE (1988). Nouvelles orientations depolitique sanitaire. Comment créer un réseau de soins. Lausanne.

FERRY, J.L. & ABRAMSON, J.S. (2005). Toward understanding the clinical aspectsof geriatric case management. Social Work in Health Care, 42(1), 35-56.

FETZ, B. & SENN, M. (2000). Case management in der Sozialarbeit. Fallstudieüber die familiale Betreuung eines älteren Menschen. Rorschach : HFSOstschweiz, Hochschule für Soziale Arbeit.

FLEURY, M.-J. (2002). Émergence des réseaux intégrés de services commemodèle d’organisation et de transformation du système sociosanitaire. Santémentale au Québec, 27(2), 7-15.

164

Page 165: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

FLEURY, M.-J. & OUADAHI, Y. (2002). Stratégies d’intégration des services enréseau, régulation et moteurs d’implantation de changement. Santé mentaleau Québec, 27(2), 16-36.

GRAVELLE, H., DUSHEIKO, M., SHEAFF, R., SARGENT, P., BOADEN, R., PICKARD, S.,PARKER, S. & ROLAND, M. (2007). Impact of case management (Evercare)on frail elderly patients : controlled before and after analysis of quantitativeoutcome data. British Medical Journal, 334(7583), 31-34.

GOODWYN, S.E. (1997). The Work of Long-Term Care Case Managers, the TwoFaces of Case Management. University of Victoria.

HÉBERT,R., TOURIGNY, A.& RAÎCHE, M. (Éds.) (2007). L’intégration des services :les fruits de la recherche pour nourrir l’action. Vol. 2. Edisem.

HÉBERT,R., TOURIGNY, A.& GAGNON, M. (Éds.) (2004). Intégrer les services pourle maintien de l’autonomie des personnes. Edisem.

HOFSTETTER ROGGER, M. (2004). Was tut sich in der Schweiz in Sachen Case-Management im Altersbereich? Managed Care, 2004(7), 31-32.

KLAES, L., RAVEN, U., REICHE, R., SCHÜLER, G., POTTHOFF, P., VON TÖRNE, I. &SCHNEEKLOTH, U. (2005). Altenhilfestrukturen der Zukunft. Abschlussberichtder wissenschaftlichen Begleitforschung zum Bundesmodellprogramm.Berlin : Deutsches Bundesministerium für Familie Senioren Frauen undJugend.

KODNER, D., L. & KYRIACOU, C.K. (November 2000). Fully integrated care forfrail elderly : two american models. International Journal of Integrated care,1, 1-19.

LAROQUE, G. (2005). Vieillesse et dépendance. Vie sociale et traitements, 85, 40-41.

LEUTZ,W., NONNENKAMP, L., DICKINSON, L. & BRODY, K. (2005). Utilization andcosts of home-based and community-based care within a social HMO: trendsover an 18-year period. International Journal of Integrated care, 5(19), 1-14.

LEUTZ,W., GREENBERG, J.N., ABRAHAMS,R., PROTTAS, J., DIAMOND, L.M. & GRUEN-BERG, L. (1985). Changing Health Care for an Aging Society : Planing for theSocial Health Maintenance Organization. Lexington, MA: Lexington Books.

LOMBRAIL, P., BOURGUEIL, Y., DEVELAY, A., MINO, J.-C. & NAIDITCH, M. (2000).Repères pour l’évaluation des réseaux de soins. Santé publique, 12(2), 161-176.

LÜTHI, U. (2006). Case Management in der Geriatrie. Gezieltes «Managen» auchim Alter. Soins infirmiers, 9, 18-20.

MEIRE, P. (2000). La vulnérabilité des personnes âgées. Louvain Med., 119, 221-226.

165

Page 166: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

MENNEMANN, H. (2006). Case Management in der Altenarbeit - Einblicke inBewährtes und Ausblicke auf Neues. In W.R. Wendt & P. Löcherbach (Eds.),Case management in der Entwicklung. Stand und Perspektiven in der Praxis(pp. 249-263). Heidelberg : Economica Verl.

MICHELL-AULI, P., GROSSJOHANN, K., KUTSCHKE, A., TEBEST, R. & RAABE,H. (2008). Werkstatt Pflegestützpunkte (Zischenbericht vom 27. Juni). Köln :Kuratorium Deutsche Altershilfe, Bundesministerium für Gesundheit.

MICHELL-AULI, P., STRUNK-RICHTER, G. & TEBEST, R. (2009). Werkstatt Pfleges-tützpunkte (Zweite Zischenbericht vom 27. Oktober). Köln : Kuratorium Deut-sche Altershilfe, Bundesministerium für Gesundheit.

MÜLLER, G. (2009). Damit die Versorgungskette keine Risse hat. Krankenpflege,7, 26-28.

MURPHY, E. (2004). Case management and community matrons for long termconditions. A tough job that will need highly trained professionals. BritishMedical Journal, 329(7477), 1251-1252.

NEUBART, R. (2006). Das Gesundheitsmanagement der Geriatrie in der vernetztenVersorgung Brandenburgs. In W.R. Wendt & P. Löcherbach, (Eds.), Casemanagement in der Entwicklung. Stand und Perspektiven in der Praxis(pp. 93-112). Heidelberg : Economica Verl.

NETZWERK CASE MANAGEMENT SCHWEIZ. (2006). Case Management in der Geria-trie. Umsetzungs- und Finanzierungsmodelle. Luzern : Netzwerk Case Mana-gement Schweiz.

NEWCOMER, R., HARRINGTON, C. & FRIEDLOB, A. (1990). Social health mainte-nance organizations : Assessing their initial experience. Health servicesresearch, 25(3), 425-454.

NIES, H. & BERMAN, P.C. (dir.) (2004). Integrating Services for Older People : aResource Book for Managers. Dublin : European Health Management Asso-ciation.

ORDRE PROFESSIONNEL DES TRAVAILLEURS SOCIAUX DU QUÉBEC. (2006). Le travail-leur social, la travailleuse sociale gestionnaire de cas. Montréal.

OUWENS,M., WOLLERSHEIM,H., HERMENS, R., HULSCHER, M.& GROL, R. (2005).Integrated care programmes for chronically ill patients : a review of syste-matic reviews. International Journal for Quality in Health Care, 17(2), 141-146.

PERRON, N. (2005). Réseaux intégrés de services en santé mentale et enjeux despratiques. Nouvelles pratiques sociales, 18(1), 162-175.

RAHM HALLBERG, I. & KRISTENSSON, J. (2004). Preventive home care of frailolder people : a review of recent case management studies. International Jour-nal of Older People Nursing, 13(6 b), 112-120.

166

Page 167: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CASE MANAGEMENT ET SOINS DE LONGUE DURÉE

RUSSEL,M., BEECH, R., ROE, B.& RUSSELL, W. (2009). Service developments formanaging people with long-term conditions using case managementapproaches, an example from the UK. The International Journal of IntegratedCare, 9.

SCHALLER, P.& CHICHIGNOUD, C. (2008). Cité générations espace santé. Une struc-ture au cœur d’un réseau de soins coordonné et territorialisé pour lespersonnes âgées en perte d’autonomie. Gérontologie et société, 124, 129-146.

SCHALLER, P. & HUARD, P. (2011). L’intégration des soins. Cité Générations, unnouveau modèle d’organisation des soins ambulatoires. Care Management,4(3), 5-8.

SOMME, D., TROUVÉ, H., ETHERIDGE, F., GAGNON, D., COUTURIER, Y., BALARD, F. &SAINT-JEAN, O. (2009). The PRISMA France study : implementation rate andfactors influencing this rate. International Journal of Integrated Care, 9(Annual Conference Supplement, December).

SOMME, D., TROUVÉ, H., PÉRISSET, C., LENEVEUT, L., LEMONNIER, S., TAPREST, V.,LAVALLART, B., FLOUZART, J.-P., KIEFFER, A. & SAINT JEAN, O. (2008).PRISMA-France et la recherche-action. Implanter c’est aussi innover. Géron-tologie et société, 124, 95-107.

STUDER, J. (2009). Hilfe, die allen etwas bringt. Soins infirmiers, 2, 18-20.

TOURIGNY, A., PARADIS, M., BONIN, L., BUSSIÈRES, A. & DURAND, P.J. (2002).Évaluation d’implantation d’une expérience novatrice : le réseau intégré deservices aux aînés des Bois-Francs. Santé mentale au Québec, 27(2), 109-135.

UNITEDHEALTH EUROPE (2005). Assessment of the Evercare Programme inEngland 2003-2004. Executive Summary. www.dh.gov.uk/en/Publication-sandstatistics/Publications/PublicationsPolicyAndGuidance/DH_4114121

VAILLANCOURT, Y. & BOURQUE, D. (1989). La privatisation des services d’héberge-ment auprès des personnes âgées. Nouvelles pratiques sociales, 2(1), 53-71.

WISSERT, M. (2009). Case management mit alten pflegebedürftigen Menschen.Lehren aus einem Modellenversuch. In P. Löcherbach, W. Klug, R. Remmel-Fassbender & W.R. Wendt (Eds.), Case Management : Fall- und Systemsteue-rung in der Sozialen Arbeit (4. Aufl., 208-224). München, Basel : Reinhardt.

WISSERT, M. (2004). Case-Management in der Altenhilfe. Managed Care, 7, 29-31.

WISSERT, M. (2001). Unterstützungsmanagement als Rehabilitations- und Inte-grationskonzept bei der ambulanten Versorgung älterer, behinderter Menschen.Aachen : Fischer.

167

Page 168: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 169: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

8. CONCLUSION

L’analyse présentée dans cet ouvrage repose sur un modèle en trois dimen-sions qui invite à ne pas réduire le case management à une simple prestationde coordination, pour souligner le rôle central qui peut lui être accordé dansla réorganisation des services à la personne.

À ce propos, deux options se dessinent. Dans les réseaux intégrés de soins,dont il est une pièce maîtresse, le case management, s’impose principalementcomme l’outil de la continuité de la prise en charge. Par conséquent, il estdestiné à la majorité des usagers-ères. C’est l’approche retenue dans laréforme de la prise en charge sociosanitaire québécoise effective depuis 2004.Par certains aspects, la réforme psychiatrique s’inscrit également dans cetteperspective.

En revanche, dans les réorganisations inspirées du managed care, le casemanagement est promu d’abord comme l’instrument de gestion de lacomplexité. Réservé au suivi des cas non standardisables, il ne concerne pardéfinition qu’une minorité des usagers-ères. Il se développe ainsi en complé-ment du système de prise en charge usuel. En Suisse, la majorité desprogrammes de case management relèvent du deuxième type. C’est le cas,notamment, de tous les programmes d’insertion ou de réinsertion profession-nelle, et ceci indépendamment de leur domaine d’application.

Le modèle d’analyse identifie une dimension programmatique et unedimension structurelle au case management, en sus de sa dimension proces-suelle. Rappelons que le programme renvoie à la volonté de mobiliser desressources collectives à l’attention d’un ensemble particulier de personnesdans un but spécifié d’intérêt général par le groupe qui contrôle ces biens.Dans cette perspective, le case management exprime un choix de société dont laportée varie selon l’acteur – l’État, un collectif d’assuré-e-s ou les résident-e-sd’un quartier par exemple – qui l’articule. Il s’agit de la dimension politiquedu case management.

169

Page 170: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

La structure du case management, son ossature générale, est définie dansle modèle. Celui-ci est établi conformément au plan d’organisation duprogramme dans le souci d’en soutenir au mieux la vision et les objectifs.Enfin, c’est au plan processuel que le case management organise les épisodesdu suivi et les échanges interindividuels entre partenaires du réseau d’inter-vention. À l’instar du travail social et du travail infirmier classiques, le casemanagement repose sur un schème d’intervention circulaire inspiré de la théo-rie systémique. Celui-ci compte habituellement – cela peut varier selon lessources – six étapes distinctes qui, dans l’ordre de leur déroulement sont appe-lées intake, assessment, planification, mise en œuvre/monitoring, évaluationet sortie/reassessment.

L’ensemble des projets de case management que nous avons identifiésprésente cette structure générale, qui prend toutefois des expressions assezdifférentes selon les cas.

Dans les projets de portée nationale, tel que, en Suisse, le case management« formation professionnelle», un programme unique forgé au niveau nationalpar les instances compétentes a donné lieu au développement de nombreuxmodèles particuliers aux niveaux cantonal et communal, qui tous, supportentle même objectif. Ici, les trois dimensions du case management sont à la based’une division du travail qui peut rendre l’unité du projet difficilement percep-tible pour les acteurs impliqués. Toujours dans ce domaine, il arrive que leschème de suivi en six étapes ne serve pas seulement à organiser les relationsentre case manager, usager-ère et autres membres du réseau. Dans certainscas, il peut également être au principe de l’organisation des institutions quipourvoient les suivis.

En revanche, dans les projets de portée locale, comme ceux que nousavons rencontrés dans le domaine de la psychiatrie, les trois dimensions ducase management sont maîtrisées par les mêmes acteurs. On remarquera que,appréhendé de cette manière, le case management apparaît comme la clef delecture des transformations de larges secteurs de services aux personnes.Notons enfin que le circuit d’intervention fait également l’objet d’une divisiondu travail, principalement dans la phase de l’intake. En effet, les bénéficiairesdu case management sont désigné-e-s au cours d’un processus qui est souventmené par les responsables hiérarchiques du programme. Dans le domaineassurantiel, l’intake consiste principalement pour le-la case manager à

170

Page 171: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CONCLUSION

s’assurer qu’un case management est effectivement indiqué pour les cas quilui sont transmis par le service de gestion.

APPLICATIONS

En Suisse, l’assurance accidents et les assurances perte de gain ont forte-ment contribué à l’essor récent du case management qu’elles mettent systé-matiquement en pratique dès la fin des années 1990. Elles le destinent auxaffilié-es dont la capacité de travail a été totalement ou partiellement réduitepar une maladie ou un accident grave, mais qui présentent les ressourcesnécessaires à une réinsertion professionnelle. En revanche, elles ne proposentpas de suivi case management aux membres dont il est certain qu’ils-ellesretrouveront leur pleine capacité de travail, ni à ceux-celles dont la possibilitéd’une réhabilitation professionnelle doit être écartée. Autrement dit, celui-ciest ouvert aux personnes pour lesquelles une rente n’est ni exclue ni inévita-ble.

Depuis la fin 2005, le case management est également un outil essentielde la collaboration interinstitutionnelle dans laquelle l’assurance invalidité,l’assurance chômage et l’aide sociale joignent leurs efforts dans le cadre d’unprogramme commun. Il est un instrument propre à l’AI depuis l’entrée envigueur de la cinquième révision en janvier 2008 et la mise en œuvre duprogramme d’intervention précoce. Sous l’impulsion de la Confédération etde la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique,les cantons le mettent en œuvre dans le cadre de la formation professionnelle,où il s’impose comme l’outil de l’encadrement des jeunes à risque sans forma-tion postobligatoire. Les grandes villes suisses et certains cantons, commecelui de Vaud, ont introduit le case management dans l’aide sociale également,avec le but de favoriser l’accès à la formation professionnelle des jeuneschômeuses et chômeurs de moins de 25 ans sans certification professionnelle.

Les premières applications du case management ont été conduites dans ledomaine de la psychiatrie dans les années 1970 en Amérique du Nord et enEurope. Pivot de la psychiatrie communautaire qui se caractérise par uneprise en charge ancrée dans le milieu social naturel de l’usager-ère, il est appeléà soutenir le mouvement d’ouverture de l’institution psychiatrique, alorsdénoncée comme institution totale.

171

Page 172: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

En Suisse, les premiers programmes sont mis en place à la fin des années1990 dans certains cantons, comme ceux de Zurich, de Genève et de Vaud.Ce dernier dispose actuellement de trois programmes développés progressi-vement dans le cadre du réseau de la communauté sanitaire de la régionlausannoise (ARCOS). Le premier programme mis en œuvre propose un casemanagement intensif destiné au traitement, dans le milieu, d’affections aiguës,le second a pour objectif de reconnaître précocement les troubles psychotiquespour les traiter dans leur phase naissante et le dernier vise à préparer la sortiedes patient-e-s hospitalisé-e-s, afin d’assurer la continuité des soins et, ainsi,de diminuer les risques de rechute et, partant, de réhospitalisation.

Dans le domaine des soins aigus, ce sont, pour l’heure, les assurancesmaladie qui se sont saisies le plus systématiquement de cet instrument. Il s’agitd’un case management de type gatekeeper ou system-focused, dont l’objectifpremier consiste à réduire les coûts générés par le groupe des patient-e-s auxsoins particulièrement onéreux. Deux modèles sont mis en œuvre. Alors quele case – certains assureurs favorisent l’expression de care – management indi-vidualisé s’appuie sur le modèle classique, le case management «administra-tif » est conduit exclusivement sur dossier, sans que les case managersn’entretiennent un contact direct avec les patient-e-s. Dans ce modèle, ce n’estpas le-la patient-e, mais l’établissement qui fait l’objet du suivi. Du côté desfournisseurs de soins, le case management est encore largement inconnu.Toutefois, l’introduction des G-DRG pourrait favoriser sa mise en œuvre.

Le potentiel du case management dans le domaine des soins aigus estlimité. Le disease management est mieux adapté au suivi des cas de morbiditésimple nécessitant un traitement de court terme qui sont la règle dans cesecteur. En outre, on peut douter de son effet modérateur sur les coûtsglobaux de la santé, car il engendre des charges administratives supplémen-taires importantes pour l’assureur, et plus encore pour le fournisseur de pres-tations. Les expériences internationales montrent cependant que le casemanagement peut être le vecteur d’un mouvement d’intégration des presta-tions qui, initié à partir d’une HMO, déborde le secteur des soins aigus.

Les applications du case management dans le domaine des soins de longuedurée sont encore rares en Suisse. Les expériences internationales révèlenttoutefois qu’il est une composante essentielle des réseaux de services intégrés.Dans ce cadre, il participe de la prise en charge standard. Il montre ainsi la

172

Page 173: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CONCLUSION

particularité d’être de vocation universelle, contrairement à tous les autresprogrammes qui nous ont été donnés d’observer. Il n’est pas exclu que lesréseaux de services intégrés vaudois et genevois fassent appel à des case mana-gers dans un futur assez proche.

OBJECTIFS

Quand bien même cet inventaire est sans doute incomplet, le case mana-gement se présente comme un dispositif flexible, qui peut être mis en œuvredans des contextes variés. Pourtant, cette image doit être corrigée si l’onconsidère les objectifs qu’il poursuit. Ceux-ci sont, en effet, essentiellementde deux ordres. Les programmes les mieux dotés, ceux qui montrent l’enver-gure la plus importante et, par conséquent, les plus visibles, visent sans excep-tion l’intégration ou la réintégration professionnelle. C’est le cas dans lesdomaines de la réhabilitation professionnelle et de la formation profession-nelle. C’est vrai également de la collaboration interinstitutionnelle, même sicelle-ci a pu initialement être présentée comme l’outil d’une politique trans-versale entre les régimes de l’assurance sociale impliqués. En revanche, dansle domaine de la santé, il vise principalement le retour ou le maintien à domi-cile. Cependant, les expériences internationales montrent que d’autres finali-tés, en relation plus directe avec les valeurs de l’État de droit, telles la garantied’accès aux prestations, l’amélioration du niveau ou de la qualité de vie ouencore le renforcement de l’indépendance et de l’autonomie de l’usager-ère,peuvent lui être assignées.

BÉNÉFICES DU CASE MANAGEMENT

Le case management ouvre de nouvelles perspectives dans l’accompagne-ment des situations pour lesquelles la législation en vigueur ne permet pasd’attribuer clairement la charge.

Dans le cas du traumatisme craniocérébral (TCC), qui est médicalementdifficile à objectiver, il a contribué au changement des pratiques de l’assureur,qui, plutôt que douter de la bonne foi de l’assuré-e dans une attitude de «deny

and defend », travaille avec lui-elle à la mise en place rapide du traitement.Dans la prise en charge des situations dont la cause ne peut être établie de

173

Page 174: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

manière univoque, comme celles qui lient maladie et perte d’emploi par exem-ple, il est à la base du modèle de collaboration entre un nombre croissant derégimes d’assurance qui se proposent ainsi de contrecarrer le phénomène ditdu « carrousel ».

Le case management contribue également à enrichir les pratiques profes-sionnelles mises en œuvre extra-muros, dans la communauté. Les expériencesmenées dans les domaines psychiatrique et médico-social au travers desmodèles qui intègrent le travail du-de la case manager au plan de traitementtémoignent de la portée non seulement administrative et logistique, mais aussiclinique, du dispositif. Le case management est alors la composante d’un trai-tement envisagé dans l’ensemble des dimensions bio-psycho-sociales, et lesuivi du-de la case manager une forme du «prendre soin». Mais il est surtoutla clef de l’intégration des prestations aux personnes nécessitant des soins delongue durée. À ce titre, il est un élément essentiel des systèmes de prise encharge des personnes âgées en perte d’autonomie qui se mettent progressive-ment en place dans tous les pays industrialisés.

BONNES PRATIQUES

Les programmes et les modèles de case management qui satisfont lesexigences professionnelles réunissent tendanciellement les caractéristiquessuivantes : ils réalisent l’un ou l’autre des valeurs et principes qui sont à labase de l’État de droit ; ils contribuent à l’amélioration du système de priseen charge standard dans lequel ils viennent s’insérer ou qu’ils remplacent ;ils reconnaissent aux case managers les compétences et la liberté d’actionpropres à un personnel hautement qualifié ; ils sont guidés par une augmen-tation de l’efficacité matérielle de l’intervention (faire les choix qui permet-tent d’atteindre au mieux les objectifs adoptés par les protagonistes du suivi)qui apparaît comme un préalable à son efficacité financière (supporter aumieux les objectifs financiers de l’opérateur). Les principes et les mécanismeseffectifs qu’ils mettent en jeu sont transparents pour le grand public, notam-ment parce qu’ils font l’objet d’évaluations indépendantes, et ils sont expli-citement conçus de façon à favoriser le désenfermement institutionnel, quece soit en accordant des droits explicites à l’usager-ère ou en instituant desmécanismes de gouvernance dans lesquels l’ensemble des protagonistes estreprésenté.

174

Page 175: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CONCLUSION

Certaines applications du case management que nous avons rencontréessont développées dans cet esprit. Nous pensons aux programmesétablis dans la psychiatrie vaudoise et plus généralement aux réseaux deservices intégrés dont ils font partie, ainsi qu’au case management qui semet progressivement en place dans le domaine de la formation profession-nelle.

Les assurances engagées dans les programmes de réhabilitation sur le lieude travail proposent un case management de bonne qualité, conduit par unpersonnel généralement formé spécifiquement pour cette tâche. Ce casemanagement basé sur un modèle de courtage simple est doté de moyensfinanciers élevés, ce qui s’explique par sa structure de financement. Dès lors,l’admission dans ce programme est sans doute un avantage décisif pour quiun case management est indiqué. Apprécié à l’aune des critères proposés ci-dessus, force est cependant de constater que sa mise en œuvre n’a pas latransparence requise : ainsi, les objectifs personnels auxquels les case mana-gers sont astreint-e-s tout comme les critères d’admission au programme nesont pas publics. On sait toutefois que ces derniers sont sélectifs : afin d’as-surer la rentabilité économique du programme, celui-ci est ouvert prioritai-rement aux personnes jeunes de haut revenu, qui, parce que la rente àlaquelle elles peuvent prétendre est élevée, présentent un potentiel d’écono-mies plus important que la moyenne. Il y a lieu de penser que certain-e-sassuré-e-s, dont le nombre est par ailleurs difficile à estimer, se voient refuserun case management, alors que la prestation leur serait incontestablementbénéfique.

Parmi les projets qui nous ont été donnés d’étudier, aucun n’est pluscontraignant pour l’usager-ère et aucun n’attribue des compétences aussiétroites au-à la case manager que Mamac. En imposant des devoirs à l’usager-ère, sans lui reconnaître de droits, le programme laisse une grandeplace à l’arbitraire et institue une pratique d’enfermement. En outre, enpoursuivant simultanément deux objectifs généraux qui montrent peu d’af-finité, il lui manque la clarté conceptuelle nécessaire. Les déficits du modèleMamac demandent un remaniement profond de la conception du casemanagement mis en œuvre dans le cadre de la collaboration interinstitu-tionnelle. Ce n’est qu’à cette condition qu’il en sera un outil accepté parl’ensemble des partis engagés dans le processus : responsables politiques etadministratifs, usagers-ères et professionnel-le-s.

175

Page 176: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

176

Dans le domaine de l’assurance maladie, le case management se veut l’ou-til de l’amélioration de l’adéquation des prestations. C’est un objectif quimérite d’être soutenu. Toutefois, parmi les trois conditions au remboursementposées par la LAMal63, l’adéquation est sans doute celle qui est susceptibledes interprétations les plus divergentes, car elle est toujours définie en rapportà une situation concrète, particulière, contingente, qui, en raison de sa naturemême, échappe à la généralisation. Dès lors, il est vraisemblable que l’adé-quation soit ce que l’assureur veut bien considérer comme tel, d’autant quele public n’est pas informé des critères auxquels il appelle dans cette casuis-tique. Dans l’examen pratique des cas et des situations, les choses sontheureusement plus simples, puisque le case management des assureurs LAMalse présente essentiellement comme un contrôle des coûts. Toutefois, laméfiance que le public nord-américain entretient à l’adresse du case manage-ment montre qu’un modèle de case management visant prioritairement àréduire la charge financière de son opérateur, qui, de surcroît, se trouve êtrele payeur de prestations, est particulièrement exposé aux irrégularités, portantainsi le discrédit sur le case management en général.

Les principes de bonne pratique aident à cerner les contours d’un casemanagement pensé en adéquation avec les exigences professionnelles. Si ledispositif est conçu et appliqué en conformité à ceux-ci, il sera vraiment acces-sible aux personnes pour lesquelles il présente un avantage incontesté et parti-cipera du désenfermement institutionnel. Dans le cas contraire, il viendragrossir le rang des technologies sociales qui privent le travail relationnel deson humanité.

63 À l’adéquation s’ajoutent l’efficacité et l’économicité.

Page 177: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

ANNEXES

LISTE DES SIGLES

AC Assurance chômage

AI Assurance invalidité

AOST Association des offices suisses du travail

APA Allocation personnalisée d’autonomie (France)

APG Assurance perte de gain

ARCOS Association Réseau de la communauté sanitaire de la régionlausannoise

AS Aide sociale

AVS Assurance vieillesse et survivants

BRIO Bureau régional d’information, d’orientation et de liaison

CDAS Conférence des directrices et directeurs cantonaux desaffaires sociales

CDEP Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique

CDIP Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instructionpublique

CHLSD Centres d’hébergement et de soins de longue durée (Québec)

CHUV Centre hospitalier universitaire vaudois

CII Collaboration interinstitutionnelle

CLIC Centre local d’information et de coordination (France)

CLSC Centre local de services communautaires (Québec)

CMS Centre médico-social

COAI Conférence des offices AI

CSIAS Conférence suisse des institutions d’action sociale

CSSS Centre de santé et de services sociaux (Québec)

DRG Diagnosis related group

DUPA Département universitaire de psychiatrie adulte du CHUV

EMS Établissement médico-social

177

Page 178: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

FORJAD Formation professionnelle pour les jeunes adultes bénéficiairesdu revenu d’insertion

HMO Health Maintenance Organization

JAD Jeune adulte en difficulté

LAA Loi fédérale sur l’assurance accidents

LAMal Loi fédérale sur l’assurance maladie

LCA Loi fédérale sur le contrat d’assurance

LFPr Loi fédérale sur la formation professionnelle

LPP Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité

MAMAC Medizinisch-ArbeitsMarktliche Assessments im Rahmen des Case Managements

MISJAD Mesure d’insertion sociale pour les jeunes adultes en difficulté

NCMS Netzwerk Case Management Schweiz

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

OEMC Outil d’évaluation multiclientèle

OFAS Office fédéral des assurances sociales

OFFT Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie

OFSP Office fédéral de la santé publique

OPAS Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins

ORP Offices régionaux de placement

OSIS Organisations de soins intégrés de santé (Québec)

PASS Programme d’accès aux soins (Genève)

PCT Primary Care Trust (Royaume-Uni)

PRISMA Programme de recherche sur l’intégration des services pour le maintien de l’autonomie (Québec)

PSI Plan de services individualisé (Québec)

RSI Réseau de services intégrés

RSIPÂPA Réseaux de services intégrés aux personnes âgées en perted’autonomie (Québec)

S/HMO Social Health Maintenance Organizations (USA)

SASD Services d’aide et de soins à domicile

SECO Secrétariat d’État à l’économie

SIPA Soins intégrés pour personnes âgées (Québec)

SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents

178

Page 179: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

GUIDE D’ENTRETIEN

Bonjour !Tout d’abord, merci infiniment d’avoir accepté de répondre à mes ques-

tions. Comme je vous l’indiquais, je collabore à une recherche dont l’objectifest de faire le point sur l’état de développement du case management en Suisseromande. Le case management étant une méthode destinée au traitement descas com plexes, je suis particulièrement intéressé-e par la manière dont voustraitez ces types de cas, et c’est essentiellement à ceux-ci que se rapportentmes questions.

L’interview comprend trois volets. Le premier se situe à un niveau relati-vement général. Il s’agit pour moi de découvrir à qui s’adresse votre service(votre entreprise), qu’est-ce que vous considérez comme un cas complexe etsi vous avez par rapport à ce type de cas des objectifs particuliers. Ledeuxième volet est consacré à vos méthodes de suivis de ces cas et le troisièmeporte plus particulièrement sur le profil et le rôle de la personne qui est encharge de ces cas.

• Durée prévue de l’entretien (1 heure environ)• Demander la permission d’enregistrer• Garantie de l’anonymat

1) NIVEAU PROGRAMMEÀ qui s’adressent vos services (public cible) ?Quels sont vos missions, vos objectifs généraux?Pouvez-vous décrire le marché dans lequel vous êtes actif/active et la posi-

tion particulière que vous y occupez ?Quelles sont les bases légales de votre activité ?La distinction entre cas simples et cas complexes fait-elle sens dans votre

domaine d’activité ? Qu’est-ce qui les distingue ?Votre organisation offre-t-elle des prestations destinées spécialement aux

cas complexes ? Dites-en moi plus.

179

Page 180: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

2) NIVEAU DE LA CONDUITE DU CAS

2.1) INTAKEComment apprenez-vous que vos services sont sollicités par un-e de vos

client-e-s ? Question alternative : Comment recrutez-vous vos client-e-s ?Sur quelle base sélectionnez-vous ceux et celles qui justifient une action

de votre part ?

2.2) ASSESSMENTPouvez-vous décrire un cas que vous avez été appelé-e à suivre et que vous

considérez typiquement comme complexe ?Quels sont les outils à votre disposition pour évaluer les besoins de cette

personne?

2.3) PLANIFICATION/RÉALISATIONQuels sont les groupes professionnels/institutions avec lesquels vous colla-

borez habituellement ? Pouvez-vous dessiner ce réseau de collaboration enmentionnant les partenaires les plus importants par la fréquence de votrecollaboration avec eux (écogramme, numérotation par ordre d’importance,un même numéro peut être utilisé plusieurs fois).

Sur quelle base formelle repose cette collaboration (contrats, etc.) ?Quelles sont les prestations que vous apportez vous-même? Quelles sont

celles que vous confiez à d’autres fournisseurs ?La collaboration fonctionne-t-elle bien ? Avec qui est-elle plus difficile ? À

votre avis, à quoi cela tient-il ?

2.4) CONTROLLINGVous assurez-vous que les mesures que vous avez prises sont efficaces ?

Comment vous y prenez-vous ?Effectuez-vous un contrôle de qualité ? Comment est-il conçu?Sur la base de quels critères (indicateurs) mesurez-vous votre perfor-

mance ?À qui rendez-vous compte de votre travail ? (À qui vos données sont-elles

destinées ?)

2.5) ÉVALUATION/REASSESSMENTComment procédez-vous pour déterminer si vos objectifs sont atteints ?Est-ce que l’avis de l’usager-ère est pris en compte ?

180

Page 181: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

GUIDE D’ENTRETIEN

Que faites-vous en général lorsqu’ils sont atteints ? Et lorsqu’ils ne le sontpas ?

3) NIVEAU DU RÔLEÊtes-vous en général en mesure d’établir un rapport de confiance avec

votre client ? À votre avis, sur quoi celui-ci repose-t-il ? (Garanties institution-nelles telles que volontariat, secret de fonction, etc.)

Comment conciliez-vous la réalisation des objectifs du programme et lasatisfaction des besoins de la personne suivie ?

Quelles sont les parts de créativité et de routine dans votre fonction ?Quelles sont, à votre avis, les conditions pour pouvoir être créatif dans votremétier ?

Quel est le profil type d’une collaboratrice ou d’un collaborateur chargé-e des cas complexes ?

Et pour terminer, j’aimerais, si vous le permettez, vous poser quelquesquestions personnelles : a) quelle est votre formation ? b) quelle est votretrajectoire professionnelle ? (Comment vous êtes-vous retrouvé-e dans cetteposition?), c) quel âge avez-vous ?

181

Page 182: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 183: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

CATALOGUE

ÉDITIONS EESP

Jean-Michel Bonvin, Pierre Gobet, Stéphane Rossini, Jean-Pierre Tabin

MANUEL DE POLITIQUE SOCIALE152 pages, 2011, ISBN: 978-2-88284-058-5

Dans quel contexte social, politique et économique la politique sociale suisse est-

elle apparue ? Pourquoi a-t-elle été développée ? Qui en bénéficie ? Tels sont

quelques-uns des thèmes traités dans ce Manuel de politique sociale.

Rédigé par quatre spécialistes reconnus de la politique sociale, cet ouvrage dresse

un tableau accessible et complet des questions liées à l'État social suisse contem-

porain. Un outil indispensable pour le comprendre.

Cet ouvrage est une co-édition entre Réalités Sociales et les Éditions EESP.

Marc-Antoine Berthod, António Magalhães De Almeida

VIVRE UN DEUIL AU TRAVAIL. LA MORT DANS LES RELATIONSPROFESSIONNELLES296 pages, 2011, ISBN: 978-2-88284-057-8

Après un deuil, la reprise du travail est souvent très rapide. Pas facile d'exprimer

sa peine quand les émotions doivent être contenues en raison d'exigences profes-

sionnelles.

Basé sur une recherche anthropologique menée auprès de responsables de

ressources humaines et de personnes en deuil, cet ouvrage explique comment la

mort et le deuil se marquent en creux dans les relations de travail. Il montre que

les attentes réciproques se croisent, se conjuguent, divergent ou se superposent,

entre subtil soutien et cruel oubli.

183

Page 184: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

Éditions EESP, chemin des Abeilles 14

CH-1010 Lausanne

Tél. 021 651 62 00 – Fax 021 651 62 88

Tous ces ouvrages sont disponibles chez votre libraire

Imprimé à Chavannes-de-Bogis

en février 2012

Page 185: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse
Page 186: ÉDITIONS EESP ÉDITIONS EESP –LES OuTILS · appartenant, comme les Universités, les EPF et les Hautes écoles pédagogiques, au niveau tertiaire A du système de formation suisse

ÉDITIONS EESP – LES OuTILSÉDITIONS EESP

LE CASE MANAGEMENT EN CONTEXTE

Bases conceptuelles et applications d’un dispositifde prise en charge intégratif

LE C

ASE

MA

NA

GEM

ENT

EN C

ON

TEX

TE

PIERRE GOBETDÉBORAH GALSTER

MARION REPETTIFABIENNE SCHERER

ESTELLE CONSTANTIN

0202

Plus qu’une méthode d’accompagnement, le casemanagement est un véritable dispositif de prise en charge.

Il concerne aussi bien le travail social que sanitaire, l’interventionsocioéducative que la réinsertion professionnelle. Intégratif, ilfavorise un suivi continu et cohérent par une meilleure gestiondes frontières institutionnelles et professionnelles. Participatif, ilsoutient les bénéficiaires dans la réalisation de ce qu’ils ou ellesont des raisons de valoriser.

Après avoir exposé les notions clés du case management, ce livreprésente des exemples d’application. L’analyse permet dedégager les conditions nécessaires à l’exercice d’un casemanagement en adéquation avec les exigences professionnelles.

ÉDITIONS EESP – LES OuTILS 02

PIER

RE

GO

BET

, DÉB

OR

AH

GA

LSTE

RM

AR

ION

REP

ETTI

, FA

BIE

NN

E SC

HER

ER,

ESTE

LLE

CON

STA

NTI

N