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Éditorial : Viabilité à long terme des activités spatiales la Lettre Au cours des dernières années, les problèmes d’encombrement de l’espace ont été mis en évidence par la collision accidentelle des satel- lites américain Iridium 33 et russe Cosmos 2251 le 9 mars 2009. Mais dès janvier 2007, la destruction volontaire par le Chine de l’un de ses satellites dans le cadre d’un tir de missile anti-satellite avait produit un nuage de plus de 3000 débris. Cette question est devenue tout à fait préoccu- pante. L’Académie de l’air et de l’espace avait fait preuve de clairvoyance en organisant un colloque sur les débris spatiaux dès 2002. Le Comité des Nations Unies pour les utilisa- tions pacifiques de l’espace extra-atmosphéri- que (CUPEEA, plus connu sous son sigle anglais COPUOS), que j’ai eu l’honneur de pré- sider de 2006-08, a élaboré un texte relatif à la limitation des débris spatiaux qui a été endossé par l’assemblée générale des Nations Unies à travers sa résolution 62/217 adoptée fin 2007. Toutefois ce texte n’a pas de valeur juridique- ment contraignante et la discussion sur les débris spatiaux au sein du CUPEEA a soulevé indirectement la question plus large de la sécu- rité des activités dans l’espace, aujourd’hui mise en cause par la densité croissante de débris sur certaines orbites basses, dites “hélio- synchrones”, très utilisées par les satellites météorologiques et d’observation à des fins civiles et militaires. La commission Défense de l’Académie a étudié la question et a élaboré un rapport, le dossier 31 de l’Académie “Pour une approche européenne de la sécurité dans l’es- pace”, paru en 2008. Face à ce défi, le CUPEEA a décidé en 2009 de mettre en place un groupe de travail consacré à la “Viabilité à long terme des activités spatiales”. Ce groupe a démarré ses travaux en 2010 et devrait élaborer des “règles de bonne conduite” destinées à minimiser les risques de collisions et d’interférences en orbite. En parallèle, la question du déploiement éven- tuel d’armes dans l’espace est du ressort de la Conférence du désarmement à Genève, qui n’a pas beaucoup progressé sur ce dossier depuis les années 1990. Toutefois, il faut signaler deux initiatives récentes importantes : • le projet russo-chinois de traité dit “PPWT” (Draft Treaty on the Prevention of Placement of Weapons in Outer Space, the Threat or Use of Force Against Outer Space Objects) officiel- lement présenté à la Conférence du désarme- ment en février 2008. Ce projet est estimé non acceptable par les Américains et par la plupart des États européens car il n’est pas vérifiable et ne traite pas l’usage de la force contre des objets dans l’espace depuis le sol ; le projet de l’Union européenne d’un “Code de conduite” relatif aux activités dans l’espace, lancé en 2007 par le Conseil de l’Union euro- péenne. Depuis cette date, il a donné lieu à de très nombreuses consultations internationa- les, notamment conduites par la France lors de sa présidence de l’UE au deuxième semestre 2008. La version la plus récente a été approuvée par le Conseil le 27 septembre et rendue publique le 11 octobre 2010. Ces consultations ont mis en évi- dence une très grande réticence de la Russie, inquiète de l’effet de cette initiative sur son pro- jet “PPWT”. La Chine semble plus ouverte mal- gré son soutien officiel au projet russe de PPWT. L’Inde semble avoir une attitude très réservée. On retiendra surtout une attitude prudente mais relativement positive des États-Unis. À l’assemblée générale des Nations Unies, la résolution traditionnelle sur la transparence et les mesures de confiance dans les activités spatiales, élaborée au sein de la 1 ère commis- sion, fait pour la première fois une référence explicite au projet de Code de Conduite de l’UE. Elle invite en outre le secrétaire général des Nations Unies à mettre en place un groupe d’experts gouvernementaux chargé de condui- re une étude sur le sujet et de présenter ce rap- port à l’assemblée générale fin 2011. Comme par le passé l’Académie apportera son expertise et sa capacité de réflexion aux autorités françaises et européennes sur ces questions très importantes pour l’avenir des activités dans l’espace. Gérard BRACHET Président de l’Académie La Lettre de L’Académie de l’air et de l’espace N°72 avril 2011 version française Dossier du mois Clean Sky p2 Point de vue Politique spatiale allemande p4 Agenda Les Entretiens de Toulouse p8 À la une photo DLR photo DLR

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Éditorial : Viabilité à long terme des activités spatiales

llaa LettreAu cours des dernières années, les problèmesd’encombrement de l’espace ont été mis enévidence par la collision accidentelle des satel-lites américain Iridium 33 et russe Cosmos2251 le 9 mars 2009. Mais dès janvier 2007, ladestruction volontaire par le Chine de l’un deses satellites dans le cadre d’un tir de missileanti-satellite avait produit un nuage de plus de3000 débris. Cette question est devenue tout à fait préoccu-pante. L’Académie de l’air et de l’espace avaitfait preuve de clairvoyance en organisant uncolloque sur les débris spatiaux dès 2002. Le Comité des Nations Unies pour les utilisa-tions pacifiques de l’espace extra-atmosphéri-que (CUPEEA, plus connu sous son sigleanglais COPUOS), que j’ai eu l’honneur de pré-sider de 2006-08, a élaboré un texte relatif à lalimitation des débris spatiaux qui a été endossépar l’assemblée générale des Nations Unies àtravers sa résolution 62/217 adoptée fin 2007. Toutefois ce texte n’a pas de valeur juridique-ment contraignante et la discussion sur lesdébris spatiaux au sein du CUPEEA a soulevéindirectement la question plus large de la sécu-rité des activités dans l’espace, aujourd’huimise en cause par la densité croissante dedébris sur certaines orbites basses, dites “hélio-synchrones”, très utilisées par les satellitesmétéorologiques et d’observation à des finsciviles et militaires. La commission Défense del’Académie a étudié la question et a élaboré unrapport, le dossier 31 de l’Académie “Pour une

approche européenne de la sécurité dans l’es-pace”, paru en 2008. Face à ce défi, le CUPEEA a décidé en 2009 demettre en place un groupe de travail consacré àla “Viabilité à long terme des activités spatiales”.Ce groupe a démarré ses travaux en 2010 etdevrait élaborer des “règles de bonne conduite”destinées à minimiser les risques de collisionset d’interférences en orbite.En parallèle, la question du déploiement éven-tuel d’armes dans l’espace est du ressort de laConférence du désarmement à Genève, qui n’apas beaucoup progressé sur ce dossier depuisles années 1990. Toutefois, il faut signaler deuxinitiatives récentes importantes :• le projet russo-chinois de traité dit “PPWT”

(Draft Treaty on the Prevention of Placementof Weapons in Outer Space, the Threat or Useof Force Against Outer Space Objects) officiel-lement présenté à la Conférence du désarme-ment en février 2008. Ce projet est estimé nonacceptable par les Américains et par la plupartdes États européens car il n’est pas vérifiableet ne traite pas l’usage de la force contre desobjets dans l’espace depuis le sol ;

• le projet de l’Union européenne d’un “Code deconduite” relatif aux activités dans l’espace,lancé en 2007 par le Conseil de l’Union euro-péenne. Depuis cette date, il a donné lieu à detrès nombreuses consultations internationa-les, notamment conduites par la France lorsde sa présidence de l’UE au deuxièmesemestre 2008. La version la plus récente a

été approuvéepar le Conseil le27 septembre etrendue publiquele 11 octobre2010.

Ces consultationsont mis en évi-dence une trèsgrande réticencede la Russie,inquiète de l’effet de cette initiative sur son pro-jet “PPWT”. La Chine semble plus ouverte mal-gré son soutien officiel au projet russe de PPWT.L’Inde semble avoir une attitude très réservée.On retiendra surtout une attitude prudente maisrelativement positive des États-Unis. À l’assemblée générale des Nations Unies, larésolution traditionnelle sur la transparence etles mesures de confiance dans les activitésspatiales, élaborée au sein de la 1ère commis-sion, fait pour la première fois une référenceexplicite au projet de Code de Conduite del’UE. Elle invite en outre le secrétaire généraldes Nations Unies à mettre en place un grouped’experts gouvernementaux chargé de condui-re une étude sur le sujet et de présenter ce rap-port à l’assemblée générale fin 2011. Comme par le passé l’Académie apporterason expertise et sa capacité de réflexionaux autorités françaises et européennes surces questions très importantes pour l’avenir des activités dans l’espace.

Gérard BRACHETPrésident de l’Académie

La Lettre deL’Académie del’air et de l’espace

N°72avril 2011

version françaiseDossier du moisClean Sky p2

Point de vuePolitique spatialeallemande p4

AgendaLes Entretiens de Toulouse p8

À la une

photo DLRphoto DLR

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“Clean Sky”, cette désignation annonce clairement la couleur – bien quel’on puisse légitimement hésiter entre le vert et le bleu : on sait d’avancequ’il va s’agir du ciel et de l’environnement. Prévenons tout de même qu’ilne s’agit pas de lutter contre les (rares) fumées s’échappant encore de noscheminées d’usine, ni même contre les cendres volcaniques qui ont défrayéla chronique en 2010. Non, il s’agit de technologies aéronautiques,destinées à réduire l’empreinte environnementale des aéronefs du futur :CO2, bruit, NOx et effets du cycle de vie.

LE PROJET “CLEAN SKY”

le Dossier du mois

Née à la suite de l’Agenda stratégique derecherche d’ACARE, Clean Sky est une initiati-ve très singulière, “Initiative TechnologiqueConjointe” ; c’est un partenariat public-privé quiréunit la Commission européenne et la quasi-totalité, osons le dire, de l’industrie aéronauti-que civile d’Europe. Sur une période de dix ans(2008-17), elle porte sur la réalisation dedémonstrateurs intégrés, à haut “TRL”(Technology Readiness Level). Le montanttotal du programme est de 1,6 milliards d’euros,ce qui en fait l’un des deux ou trois plus grandsprogrammes de recherche jamais financés parl’Union européenne dans quelque domaine quece soit. La réduction des émissions de CO2 et du bruitpossède, outre ses mérites civiques, celui deconstituer un objectif global très fédérateur auplan technologique : efforts sur les formes aéro-dynamiques, la masse, le rendement propulsif,l’optimisation de trajectoire, etc.Le programme est organisé en six“Démonstrateurs Technologiques Intégrés”(ITD), désignation des plates-formes technolo-giques regroupant des thèmes cohérents derecherche et leurs acteurs. Chacun est dirigépar un tandem d’industriels. Trois d’entre euxconcernent directement les aéronefs : • Smart Fixed-Winged aircraft, pour les

avions commerciaux (Airbus et Saab)

• Green Regional Aircraft (Alenia et EADS-CASA)

• Green Rotorcraft (Eurocopter etAgustaWestland)

et trois autres des thèmes transversaux :• Sustainable and Green Engines (Rolls-

Royce et Safran)• Systems for Green Operations (gestion de

la mission et des trajectoires, gestion del’énergie) (Thales et Liebherr)

• Eco-Design (Dassault et Fraunhofer).Le tout est couronné par un “évaluateur tech-nologique”, ensemble de modèles destinés àidentifier les gains environnementaux à l’échel-le d’une mission individuelle, d’un aéroport etde la flotte mondiale. Cet évaluateur est dirigé,lui, par Thales et le DLR.Autour de ce cercle des leaders, dans les ITD,sont organisés les “Associés” : plus de 70autres industriels, centres de recherche, PME,universités, engagés comme les leaders pourtoute la durée du programme. Pour illustrer leurdiversité, citons par exemple Zodiac, MTU,l’Onera, Ruag, les universités de Milan et deCranfield ou l’INCAS roumain.Leaders, Associés et Commission européenneconstituent les membres de l’Entreprise com-mune Clean Sky (“Joint Undertaking”, ou JU),créature juridique particulière dont la raisond’être, en l’espèce, est de mener à bien

l’Initiative Technologique dumême nom. Ils sont repré-sentés par un “GoverningBoard” qui est en quelquesorte le comité directeur duprogramme et le conseild’administration de la JU.C’est là que réside l’essencedu partenariat public-privé :dans la prise en commundes décisions stratégiques.Bien entendu, qui dit parte-nariat dit aussi partage dufinancement. Celui-ci estassuré pour moitié par laCommission, au sein du

budget du 7e PCRD, et pour moitié par l’indus-trie. (Notons que ce terme “d’industrie” est unecommodité de langage : il faut y inclure les cen-tres de recherche et autres organisations àcaractère public, qui sont logés à la mêmeenseigne en termes de financement).Un troisième cercle existe, d’une importancetechnologique et politique essentielle, celui des“partenaires”. Ceux-ci sont sélectionnés à tra-vers des appels à propositions périodiques, àpeu près trimestriels. Ils répondent à des spéci-fications techniques précises, qui découlentdes besoins des démonstrateurs. Aujourd’hui,après sept appels à propositions et après lesévaluations afférentes qui s’effectuent selon lescanons de la Commission européenne, il appa-raît que les PME tirent remarquablement bienleur épingle du jeu, avec une représentation del’ordre de 40%, sur un total de près de 300 par-tenaires aujourd’hui identifiés (et c’est loind’être fini) : Clean Sky implique de proche enproche, non seulement la fine fleur de l’aéro-nautique, mais aussi un nombre important denouveaux venus.En matière de gouvernance, si l’autorité supé-rieure est exercée par le Governing Board, lemanagement du programme est confié audirecteur exécutif de cette entreprise communeet à son équipe, d’une vingtaine de personnesaujourd’hui. La JU passe les contrats aux mem-bres et aux partenaires et s’assure de la bonneexécution des activités ; le directeur est directe-ment responsable devant le Parlement euro-péen.Il serait fastidieux de citer ici la centaine detechnologies-clés et la trentaine de projets dedémonstrateurs qui font l’objet des six ITD.Contentons-nous d’en éclairer quelques-uns,en tentant d’en tirer des observations de portéeplus générale :• L’Open Rotor est le plus significatif, à tel

point que Clean Sky en finance deux enparallèle : l’un chez Rolls-Royce, l’autre chezSnecma, tous deux à double hélice contraro-tative, entraînée par l’intermédiaire d’unréducteur. En terme de gain de CO2, l’Open

Éric DautriatDirecteur exécutif de Clean Sky,correspondant de l’Académie

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Rotor est très prometteur : environ 30% degain de consommation spécifique au niveaumoteur, un peu moins une fois avionné du faitdes pénalités de masse par exemple. Il fautcependant régler les problèmes de bruit maisles dernières informations sont encoura-geantes – de vibration et de certification. Cesdeux Open Rotors seront testés au banc en2015. L’un d’entre eux donnera lieu, un peuplus tard, à une démonstration en vol sur unAirbus A340-600. Il faut rappeler que ceconcept n’est pas tout nouveau, ayant déjàété testé aux États-Unis dans les années 80lors de la flambée, plus éphémère qu’au-jourd’hui, du prix du carburant. Mais il béné-ficie aujourd’hui des avancées réalisées enun quart de siècle. Première observation :Clean Sky ne porte pas sur l’aile volante, nil’aile rhomboïdale, ni l’avion solaire, ni la pro-pulsion à hydrogène, mais vise à plus courtterme, très concrètement, à savoir les toutesprochaines générations d’aéronefs.

• La laminarité est un autre grand projet,visant également une démonstration en volsur A340 en 2015, à travers la réalisation etl’installation d’un élément d’aile de 8 mètresde longueur. Il s’agit pour le moment de lami-narité naturelle, ce qui rend les aspects liés àla fabrication d’autant plus essentiels, ainsique la vérification de la robustesse de cettelaminarité, qu’il ne s’agit pas de perdre aupremier moustique. Tout comme l’OpenRotor, la laminarité est en jeu dans la défini-tion de l’A30X, successeur de l’A320 et main-tenant de l’A320 NEO. L’entrée en service decet A30X est aujourd’hui envisagée pour2025, à peu près, ce qui s’ajuste bien auxdélais actuels de démonstration dans CleanSky. Seconde observation : Clean Sky, parconstruction, est lié aux stratégies industriel-les, il prépare, sous l’angle des technologiesenvironnementales, les futures générationsd’avions et d’hélicoptères. C’est là une garan-tie essentielle que les dépenses publiques neseront pas, sauf aléas toujours possibles enmatière de recherche, effectuées en pureperte, débouchant sur des technologiessuperbes mais jamais appliquées. C’est l’objetmême de la gouvernance partagée.

• L’optimisation des trajectoires est un autremoyen efficace de réduire à la fois les émis-sions de CO2 et le bruit. Au-delà du program-me SESAR – autre “JU”, volet technique duprojet de Ciel Unique européen – qui optimi-sera le trafic aérien et permettra lui aussi desgains environnementaux en évitant les gas-pillages de carburant, Clean Sky s’intéresseaux technologies de cockpit qui permettrontune optimisation en temps réel d’une missionindividuelle. Troisième observation : SESARs’intéresse au trafic, Clean Sky au véhicule.

L’un n’allant pas sans l’au-tre, les deux programmessont partiellement liés.

• La recherche concernantles matériaux composi-tes (donc la masse) s’ef-fectue dans le cadre desavions régionaux. Citonspar exemple l’inclusionde nanotubes de carbo-ne, afin d’améliorer laconductivité et la résis-tance au cisaillement, ouencore les matériauxmulti-couches, multi-fonctions. Certes, CleanSky est loin d’être le seuldépositaire des activitésde recherche sur les composites ! Pour lesavions commerciaux, elle s’effectue dansd’autres contextes. Quatrième observation :Clean Sky n’est pas seul au monde, il a aucontraire de nombreuses adhérences, desconnections nécessaires avec le PCRD clas-sique ou avec les programmes nationaux ;mieux, Clean Sky ambitionne d’avoir un effetde levier sur ceux-ci. Notons qu’en France,par exemple, le CORAC (Conseil pour larecherche aéronautique) prend à cœur, enprincipe, cette nécessaire complémentarité.

• Les avions d’affaires, régionaux et hélicoptè-res coordonnent une partie de leurs activités“tout-électrique”, le “tout” ou “presque tout”,ici, étant plus facile à atteindre pour des rai-sons, notamment, de puisssance dissipée,que pour les avions commerciaux, qui nesont pas absents pour autant. Les architectu-res correspondantes seront toutes testéessur un “Copper Bird” qui fait partie de l’ITD“Eco-Design”. Cinquième observation :Clean Sky est un programme coordonné,avec de nombreuses interactions entre ITD,et non une simple juxtaposition d’intérêts ;ceci, ajouté au caractère global de l’évalua-teur technologique, favorise une approche“système” qui n’était pas de mise jusqu’à pré-sent dans les programmes européens.

Clean Sky étant une entreprise aéronautique,on ne dira pas qu’elle est “sur les rails”. On diraplutôt qu’elle a pris son vol de croisière, aprèsune mise en place ralentie du fait d’une certai-ne difficulté initiale de dialogue entre l’industrieet la Commission, en 2008-2009. Ces difficultésse sont aplanies, et aujourd’hui la flexibilitébudgétaire et l’efficacité opérationnelle requi-ses sont au rendez-vous. Plus tard, il sera duressort du “marché” de mettre ces technologiesen application opérationnelle. En outre, la miseen œuvre toujours envisagée en 2012 desdroits d’émissions carbone devrait commencerà jouer son rôle.

Les premières réalisations intermédiaires vien-nent au jour, tests partiels en vol, sortie de fabri-cation de pièces novatrices, etc. Ces pièces dupuzzle s’assembleront essentiellement à partirde 2013, lorsque les plus grands démonstra-teurs commenceront à tourner. En attendant, ilreste à s’assurer des gains environnementaux.On terminera par là : avec l’ambition d’amenerceux-ci aux environs de 30% – un pourcentagequi varie selon les catégories d’aéronefs – pourla génération technologique de l’horizon 2020, ilne faudra pas lever le pied, ni changer de priori-té malgré les inévitables vicissitudes économi-ques à venir. La crédibilité de l’aéronautiqueauprès de la Commission et du Parlement euro-péen est à ce prix. Et si tout va bien, la poursui-te d’une activité de même nature, sans douteélargie à d’autres objectifs, dotée d’une visioncommune “système” voire “système de systè-mes”, coordonnée par une JU de secondegénération, fera partie du prochain programmecadre.

Diplômé de l’Ecole centrale Lyon, ÉricDautriat intègre la direction technique deSnecma en 1979 en tant qu’ingénieurbureau d’études puis responsable des avant-projets moteurs civils. En 1985 il rejoint leCNES où il devient, à la direction desLanceurs, successivement adjoint audirecteur de Programme desdéveloppements complémentaires Ariane 4,responsable avant-projets lanceurs, chef deprojet propulseurs à propergol solided’Ariane 5 et enfin directeur des lanceursen 1997. En 2003 il réintègre Snecma puisle groupe Safran en tant que directeurqualité. Nommé directeur exécutif de l’EntrepriseCommune Clean Sky à Bruxelles en 2009, ilest élu correspondant de l’Académie del’air et de l’espace dans la même année.

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Point de vue

Les activités spatiales allemandes relèvent de la com-pétence du ministère de l’Économie et de laTechnologie. L’Allemagne établit des programmes spa-tiaux à moyen terme de façon sporadique. Or, le 30novembre dernier le ministère, au lieu d’en publier unnouveau, a émis un papier stratégique. Ce papiern’étant pas accompagné d’un échéancier financier àmoyen terme, l’industrie allemande, tout en lui réser-vant un bon accueil, a exprimé le souhait de voir clari-fier les aspects financiers dès que possible. LE PLAN STRATÉGIQUESituation actuelleLe plan stratégique déclare d’emblée que l’espace estun instrument indispensable pour relever les défismajeurs de notre époque. Il identifie ensuite les nou-veaux défis, dont la concurrence grandissante de laChine, de l’Inde et de la Corée du Sud, et prévoit unmaintien de la position des États-Unis, de la Russie, dela France et du Japon. La nouvelle politique américaine, fondée sur une plusgrande coopération internationale, sauf dans le domainedu transport spatial, est considérée comme un défi positif. Le plan met en avant l’émergence de nouveaux mar-chés dans les domaines de l’observation de la Terre etdu transport spatial et de nouveaux modèles financiersmais prévient que, étant donné la dépendance croissan-te de la société par rapport aux applications spatiales,les systèmes spatiaux pourraient devenir une cible desÉtats voyous ou des organisations hostiles non gouver-nementales. L’Allemagne considère que l’ESA est le pilier principal duprogramme spatial et apprécie surtout que toute contribu-tion soit restituée presque intégralement sous la formed’investissement dans l’industrie allemande. Le plan stra-tégique se positionne donc clairement en faveur de l’ESAmais est plus réticent envers l’UE et son rôle grandissant.L’espace comme réponse-clé aux défis mondiauxTout projet spatial sera jugé selon ses capacités à contri-buer à atteindre les objectifs stratégiques de l’Allemagne,servir ses citoyens, résoudre les défis sociétaux et four-nir un retour sur investissement. Ces projets doivent :• participer à sécuriser la circulation de biens à l’échel-

le mondiale • servir la société de connaissance• sauvegarder la Terre en fournissant des données et

des moyens de vérification pour suivre les change-ments climatiques et autres

• améliorer les dispositifs de sécurité civile et de défen-se et la capacité de réaction.

POLITIQUE SPATIALEALLEMANDE

• La demande et les bénéfices : L’accent estmis sur les bénéfices et la demande, la capaci-té à contribuer à résoudre des problématiquessociétales et le développement de nouvellesentreprises viables. Le rapport fait appel à desattitudes responsables et à un très haut niveaude participation. La participation financière peutêtre déterminante pour un projet.

• Espace durable : Le gouvernement fédérals’engage dans l’espace durable pour permettreà des générations futures de continuer à exploi-ter l’espace.

• Coopération internationale : L’Allemagnecontinuera à promouvoir la coopération afind’améliorer l’efficacité globale des programmespilotés par l’ESA et Eumetsat ou à un niveau bi-ou multilatéral. L’existence de sites nationauxindustriels est également d’une importancestratégique.

• Champs d’activités : L’Allemagne définit uncertain nombre de champs d’activité stratégi-que : l’observation de la Terre et les capacitésradar, comprenant les segments sol, le stocka-ge de données, les capacités des systèmes desatellites GEO, la technologie laser, la naviga-tion par satellite et l’éducation. Considéréescomme des technologies transverses puisqu’el-les alimentent les applications spatiales et ter-restres, la robotique, la mécatronique et l’intelli-gence artificielle sont perçues comme des acti-vateurs commerciaux pour de futurs marchésinternationaux. L’Allemagne souhaite maintenir le libre accès àdes technologies-clés, soumis à des contrain-tes financières, et prône un mélange savantd’autonomie et de coopération et une disponibi-lité commerciale des technologies.

• Un cadre légal unique : Après la Loi de sécu-rité des données satellitaires, destinée à interdi-re la diffusion incontrôlée de données sensiblesprovenant des satellites d’observation de laTerre, il faut désormais un cadre légal cohérentpour les activités commerciales. Le gouverne-ment souligne son soutien aux activités duComité des Nations unies pour l’utilisation paci-fique de l’espace atmosphérique dans le butd’éviter la militarisation de l’espace.

• Science spatiale : L’Allemagne soutient ferme-ment la science spatiale comme moteur d’inno-vation technologique et industrielle et d’amélio-ration des structures scientifiques (par exemplela formation des futurs scientifiques et ingénieurs).

• Nouveaux marchés : Le gouvernement fédéralincite l’industrie à augmenter sa part du marché

spatial en s’appuyant sur des partenariatspublic-privé et des modèles financiers.

• L’espace pour la sécurité civile et militaire :Le gouvernement fédéral vérifiera éventuelle-ment l’adaptation de ses structures organisa-tionnelles à assumer des tâches souveraines.L’Allemagne utilisera pleinement le potentielsécuritaire des technologies duales d’observa-tion de la Terre et communication par satellitepour développer sa capacité nationale de sur-veillance spatiale.

• Partage des rôles en Europe : Les États euro-péens ont mené une collaboration très réussiedepuis 35 ans dans le cadre de l’ESA. L’ESA aainsi gagné une position solide, une large expé-rience et les instruments nécessaires pourgérer des tâches complexes. Ses règles finan-cières aboutissent à une redistribution équili-brée des charges et des bénéfices générés parles projets européens. Une agence spatialeeuropéenne forte et indépendante est indispen-sable pour l’espace européen. Le rôle del’Union européenne est de compléter l’ESA,l’Eumetsat et ses États membres et de gérerl’aspect applications des activités spatiales.L’Allemagne incite l’Union européenne à déve-lopper les outils nécessaires au marché institu-tionnel spatial.

• Rôle dans l’exploration spatiale : La Stationspatiale internationale constitue aussi bien unpôle d’activités scientifiques spatiales qu’unsymbole de la coopération internationale. Lesopérations de l’ISS seront évaluées afin deprendre des décisions concernant des systè-mes futurs, ou de nouvelles directions. À cestade, les systèmes d’exploration robotiqueauront priorité. La Lune, en tant qu’archive denotre système solaire et plate-forme de recher-che, continue à présenter un intérêt fort.

• Accès à l’espace : L’accès à des technologies-clés et à des lanceurs puissants reste indispen-sable pour l’espace civil et militaire mais doitêtre rentable et concurrentiel à l’échelle mon-diale. L’Allemagne soutiendra donc toute mesu-re pour rendre Ariane plus compétitive maisprévient que si la nouvelle politique américaineengendre des surcapacités, la politique euro-péenne à l’égard des lanceurs devra être revue.Le gouvernement fédéral favorise le maintiende la capacité occidentale à lancer deshumains dans l’espace, tant que les systèmesrobotiques ne peuvent remplacer les humains,en coordination entre l’Europe, les États-Unis etle Japon.

Recommandations stratégiques

Ralph Jaeger Vice-président de l’Académie

Ancien directeur général adjoint d’Arianespace

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3 Questions à ...

La politique spatiale européenne a-t-ellebesoin d’être redynamisée ; est-elle à latraîne? N’avez-vous pas l’impression quedes décisions importantes sont trop sou-vent reportées ? De même, les décideurspolitiques auraient-ils tendance à sous-estimer les nouveaux concurrents ?Il y a 25 ans, les décideurs politiques étaientplus proches de la gestion technique qu’au-jourd’hui, c’était donc plus rapide et peut-êtreplus facile de prendre des décisions. De plus,les décisions concernant les lanceurs sont pluscomplexes aujourd’hui qu’auparavant ; il nes’agit pas seulement de développer une capa-cité, mais d’en créer une qui puisse êtreconcurrentielle sur le marché international.Dans le domaine des lanceurs, nous travail-lons encore dans un cadre de décisions prisesil y a 20, voire 30 ans. Il est urgent de prendrede nouvelles décisions pour assurer les pro-chaines 4 ou 5 décennies. Il est normal quecela prenne un peu de temps, mais je suisconfiant que nous allons y arriver. Le rapportde l’Académie publié récemment sous la formedu Dossier 34 sur “Une stratégie à long termepour les lanceurs spatiaux européens”, tombeà point et devra aider à créer un consensus.Les principaux décideurs européens sontconscients de l’importance d’une capacitéeuropéenne dans le domaine des lanceurs etne sous-estiment pas les profondes mutationsqui se passent dans le monde actuellement. Lerapport de l’Académie propose une politiqueredynamisée pour les lanceurs européens.Une toute nouvelle famille de lanceurs spa-tiaux est envisagée à l’horizon 2025. Ariane,Soyouz et Vega devraient donc être rempla-cés par une nouvelle génération de lan-ceurs. Croyez-vous que les États membresde l’ESA se mettront d’accord pour financerun programme d’une telle ampleur ?Les systèmes de lanceurs Ariane, Vega etSoyouz sont complètement distincts, sansaucune synergie au niveau de leur production.Le développement d’une nouvelle générationde lanceurs à partir de modules génériques uti-lisables en différentes configurations conduira

à des coûts de productionsensiblement plus bas. Desdéveloppements au niveaudes matériaux et des pro-grammes seront introduitsprogressivement afin d’évi-ter des piques budgétaireset pour minimiser les ris-ques.De plus, pour entretenir uneindustrie aussi complexeque celle les lanceurs il estimportant de respecter unéquilibre entre les activitésde développement et deproduction. Le programmeproposé dans le rapportindique comment y arriver.L’objectif est de consoliderl’équilibre économique dusecteur des lanceurs euro-péens, c’est-à-dire que leprix doit couvrir les coûtstout en restant compétitifsur le marché internationalpour le lancement de touttype de satellite. La nouvel-le génération de lanceurs,agrémentée d’améliorationsau niveau organisationnel etde gestion, respectera cet objectif.Il est très clair que les États membres de l’ESAsouhaitent un changement par rapport à lamanière actuelle de procéder. Le rapport del’Académie est une réponse aux souhaitsexprimés par certains États membres et, endépit de la situation financière très difficile quenous traversons actuellement, je crois que lespremiers pas vers une nouvelle génération delanceurs, basée sur le concept de familles,seront pris avec la décision sur Ariane5 ME.Dans le plus long terme, des lanceursspatiaux réutilisables verront-ils le jour ? Ilest étonnant que rien ne soit prévu pourl’instant.Dès 1903, le scientifique russe Tsiolkovskyavait établi l’équation de fusée qui porte son

nom. En appliquant cette règle, il s’avère quela structure et les réservoirs nécessaires pourcontenir le carburant sont si lourds qu’il estimpossible de mettre sur orbite une chargeutile importante à l’aide d’une seule fusée. Ilest donc nécessaire d’utiliser plusieurs étagesde fusées.Des études internationales poussées ont exa-miné les systèmes réutilisables sous tous lesangles et ont conclu qu’ils sont abominable-ment chers. Un système réutilisable à deuxétages est techniquement faisable mais extrê-mement onéreux. Le seul système réutilisableà ce jour est la navette spatiale, bientôt mise àla retraite pour des raisons de coût, et qui nesera pas remplacée.Je n’envisage pas de systèmes réutilisables àcourte ou même à longue échéance.

Fredrik EngströmAncien directeur des lanceurs, Agence spatiale européenneMembre de l’Académie

Fredrik Engströmsur les Lanceurs spatiaux européens

Dossier 34 :Une stratégie à long terme pour leslanceurs spatiaux européens120 p, 2010, 15 €L’Académie de l’air et de l’espace atoujours marqué son intérêt pour lapolitique spatiale en s’exprimant àplusieurs reprises pour soutenir uneapproche européenne ambitieuse. Toute politique spatiale suppose unegarantie suffisante d’accès àl’espace. Depuis les années 1970,l’Europe a su en faire un axeprioritaire de sa politique spatiale,se traduisant par les succès dulanceur Ariane. Mais les succès quirésultent de décisions clairvoyantesprises dans le passé ne garantissenten rien que les positions acquises seront maintenues dansl’avenir sauf à examiner sans complaisance les ressorts de lacompétitivité future des lanceurs spatiaux européens et de lacompétition internationale sur ce marché. Tel fut l’objectif du groupe de travail de la commissionEspace mis en place en 2009 dont le rapport et lesrecommandations sont présentés dans ce dossier. L’Académiede l’air et de l’espace espère contribuer ainsi à une réflexioneuropéenne approfondie dans un domaine clé de la politiquespatiale européenne.

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Vie de l’AcadémieSéanceLa séance du 3 février à la Cité de l’espace,Toulouse, a réuni une cinquantaine d’acadé-miciens et des partenaires dont MmeCatherine Guien, adjointe au maire deToulouse, qui a présenté le programme de la3e édition du festival La Novela, qui célébreranotamment le 25e anniversaire de Spotauquel l’Académie s’associera. Cette séance a également été l’occasiond’adopter un communiqué concernant leRèglement du Parlement et du Conseileuropéen sur les enquêtes et la préventiondes accidents et des incidents dans l’aviationcivile, sur lequel l’Académie avait transmis unavis avant son adoption par les autoritéscommunautaires. Nos confrères Jean Broquet, WolfgangKoschel et Marc Noyelle ont prononcé lors decette séance leurs discours de réception,réflétant 40 années d’expériences profession-nelles, et Giovanni Bignami a présenté uneconférence pleine d’humour sur “Nous som-mes tous des Martiens” qui a captivé uneaudience nombreuse.Séance au Royaume-UniUne rencontre entre le président Brachet,Alain Garcia et le président de la Royal

Aeronautical Society s’est tenue le 18 févrieren préparation de la séance d’avril qui se tien-dra cette année en Grande Bretagne. Journées d’études organiséesà Rabat À l’invitation de la DGAC marocaine, nosconfrères Paul-Louis Arslanian et MohamedMoufid, en compagnie d’autres intervenantsnotamment Mr Guilldou représentant du BEA,ont participé à l’animation de deux journéesd’études organisées à Rabat les 13 et 14 jan-vier 2011 sur les enquêtes d’accidents dans ledomaine de l’aviation civile. Il est ressorti desdébats la nécessité d’établir des relations departenariat entre tous les intervenants de cesenquêtes, et notamment avec les autoritésjudiciaires. L’apport de nos représentants aété fortement apprécié par les participants àces journées.Commissions et sectionsLe mois de février a vu une très forte activitédes groupes de travail de la commissionProspective, en préparation du bilan d’étapeprévu pour le Salon du Bourget.De son côté la commission Défense prépareactivement une réflexion sur l’industrie euro-péenne des avions de combat.La section 3 est fortement mobilisée, en liai-

son avec l’OACI, sur la préparation du pro-chain colloque de l’Académie sur “La forma-tion des pilotes face à l’imprévu”.DistinctionsNous avons appris avec un très grand plaisirla récente promotion au grade d’Officier dansl’ordre de la Légion d’honneur de notreconsoeur Anne-Marie Mainguy, que noustenons à féliciter chaleureusement.DécèsJean Boulet, grand pilote d’essais et membrefondateur de notre Académie, nous a quittésle 15 février. Un hommage sera publié dans laprochaine Lettre.

Jean-ClaudeChaussonnet

Secrétairegénéral

Tu étais mon ami, et tu fus un grand serviteurd’Airbus Industrie. Tu appartiens sans contes-te à la tribu des pionniers, de ceux que l’on aappelé les Cow-Boys.Frais émoulu de l’ENSICA, embauché parl’Aérospatiale, puis envoyé à l’EPNER, il y après de quarante ans. Ton rire tonitruant et teséclats de voix ont retenti dès le début dans leshangars et l’abreuvoir, dés les premières heu-res de l’A300 à l’A340. On t’a connu à la Grepio où nous fêtions nosexploits, toi un verre de bière plutôt que dechampagne à la main, ton large sourire et talarge carrure effaçaient une retenue naturelle.Modeste pilote privé, tu fus d’abord ingénieurnavigant d’essais sur les tout premiers numé-ros de nos wide-bodies, puis promu mécanonavigant, tu as connu le B1, le 600 et le FFCC,avant de devenir le spécialiste incontournablede notre petite merveille l’A320 et de ses suc-cesseurs. Tes dires faisaient foi dans nos disputes surles logiques des systèmes, ton goût du détailvrai, ta rigueur dès tes premières annéesm’impressionnaient au point d’hésiter souventà te contredire, ce que je faisais pourtant.

Cela t’orienta naturellement vers la livraisonde nos avions. Les clients prenaient à justetitre pour argent comptant ce que tu affirmaiset l’on ne put jamais te contraindre à dissimu-ler une carence de l’avion, ce qui était, devaitêtre dit ; je me pris parfois de tête avec toi etchaque fois je le regrettais. Tu donnas ainsi unstyle respectable à la Livraison, style queconservèrent tes successeurs, et qui servitnotre réputation dans le vaste monde des opé-rateurs.Et puis je te demandais d’assurer le redouta-ble poste d’officier de la Sécurité des vols avectout le suivi des incidents et accidents en ser-vice, tout en sachant qu’Airbus ne profiteraitd’aucun favoritisme. Cela se sut vite chez tou-tes les autorités de certification, tribunaux detous nos inévitables pépins. Cela se sut enEurope mais aussi aux Indes, en Chine, enThaïlande et URSS, ce que disait Yves étaitincontournable. Tu ne fléchis jamais, devant aucun patron,devant aucun tribunal, tu étais pourtant le plusdoux des hommes, le plus gentil, disciplinédans le service mais parce que le plus compé-tent, inflexible devant la vérité des faits.

Tu savais cepen-dant t’en tenir àce que tu savaisen réservant cequi appartenait àl ’ interprétation,j’en fis l’expérien-ce lors des pro-cès de Ste-Odile où partageant un accord pro-fond sur le fond tu vins témoigner malgré unjugement de détail différent du mien. Je tegarde une profonde reconnaissance pour cesjours de détresse partagée.Yves nous vécûmes ensemble plus de vingt-cinq ans de bons et mauvais coups, tu m’aga-çais, je t’énervais, mais nous fûmes d’indéfec-tibles amis au service de nos ailes.Tu as su occuper ta retraite de bien desfaçons, parfois au détriment de ta passion phi-latélique et de ton chemin de fer. J’eus le plai-sir de te voir me rejoindre parmi les navigantsde l’Académie de l’air et de l’espace, au seinde la section III.Repose en paix, Yves, tu l’as bien mérité !

Hommage à Yves Benoist

Bernard Ziegler

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Le destin de l’univers I, II, Trousnoirs et énergie solaire, Jean-Pierre Luminet, Collection Folio essais,21€Tome I : À la recherche du destin del’Univers, J-P. Luminet retrace lesgrandes étapes de l’évolution cosmi-que et esquisse des scénarios possi-bles. Tome II : Un voyage au cœur del’invisible qui dévoile les propriétésextravagantes des plus mystérieuses

créatures du bestiaire de l’astrophysique : les trous noirs. Airbus, passion et savoir-faireYves Marc, Éditions Privat, 34.50€Tout au long du siècle dernier, degénération en génération, leshommes de l’air se sont transmisleur savoir-faire, mais aussi leurpassion sans faille pour cette pro-fession d’avionneur qui réclamescience, patience et ténacité. Celivre rend hommage ... à cette permanence de talentsmultiples sans lesquels Airbus ne serait jamais devenu“Number one” dans le monde de l’aviation.Témoin privilégié de l’histoirede l’aviation du XXe siècle,Jacques Noetinger, Nouvelles ÉditionsLatines, 30€Dans cet ouvrage, Jacques Noetingerdécrit les rencontres qui ont marqué savie, en hommage à tous ces hommeset toutes ces femmes d’exception.

André Cavin est né à Dijon le 13 décembre1924.A sa sortie de l’ENSAM, il entre au Centre d’es-sais en vol en 1946. Un an plus tard, il est choi-si pour suivre le 2ème stage de l’École du per-sonnel navigant d’essais et de réception nou-vellement créée, et obtient le brevet d’Ingénieurnavigant d’essais n°1.Décrire sa carrière au CEV, c’est retracer l’histoi-re de l’aéronautique française de l’après-guerre. De 1946 à 1974, il fut responsable des essaisen vol officiels d’un nombre impressionnantd’avions, allant du MD 450 Ouragan au MirageIVA mais aussi les Breguet Alize et Taon,l’Espadon de la SNCASO, le Voltigeur de laSNCASE, les avions d’entraînement Morane etFouga, des avions expérimentaux dont le célè-bre Leduc et, dans le domaine civil, leLatécoère 631, le S030P Bretagne, le MystèreXX, le Mercure et finalement Concorde.À cette époque flamboyante des essais en vol, iln’était pas aisé pour un jeune ingénieur de s’im-poser : André Cavin s’imposa car il fut respecté.

Tous ceux qui ont travaillé avec André Cavins’accordent sur son exceptionnelle compéten-ce faite de connaissances techniques nourriespar l’expérience et constamment passées aucrible d’un bon sens et d’un esprit de synthèseremarquable, sans oublier une bienveillancenaturelle et un humour de bon aloi.Je voudrais évoquer le rôle d’André Cavin dansla préparation de la certification de Concorde.Dès 1965, le CEV créa une équipe de marqueConcorde où André jouera un rôle central dansl’élaboration des règlements TSS standarddestiné à sa certification, que ce soit :- pour les essais préparatoires sur Mirage IV A- dans les essais au simulateur d’études de la

NASA à Moffet Field- lors des évaluations officielles sur le Concorde

001.Mais sa discrétion naturelle lui faisant fuir lestempêtes médiatiques et les luttes d’influence, ildécida de fédérer une équipe de jeunes en leurapportant son expérience et sa rigueur, préférantrester dans le rôle discret d’animateur.

Ainsi une authenti-que pépinière denavigants d’essais,qui assurèrent hono-rablement la relèvede nos anciens dansles plus grands pro-grammes aéronauti-ques de ces 40 der-nières années, leconsidérèrent comme leur mentor.Il poursuivit ensuite pendant plus de vingt ansune carrière d’expert au profit de la sécuritéaérienne, traitant plus de 800 dossiers d’inci-dents ou d’accidents aériens.L’Académie, reconnaissant officiellement le rôled’André Cavin dans des programmes aéronau-tiques majeurs, l’a distingué en le nommantmembre d’honneur.André Cavin s’est éteint le 1er janvier de cetteannée. Ses cendres reposent dans l’axe de lapiste d’Istres.

Pierre Baud

Hommage à André Cavin

Liste complète et modalités de commande sur notre site :www.academie-air-espace.org

Les Dossiers (bilingues français/anglais)34 Une stratégie à long terme pour les

lanceurs spatiaux européens, 120p,2010, 15€

33 Les Aéroports face à leurs défis,2010, 80 p, 15€

32 La Prise de risque ; conclusions etrecommandations, 2009, 84 p, 15€

31 Pour une approche européenne dela sécurité dans l’espace, 2008, 64p,15€

30 Le Rôle de l’Europe dans l’explora-tion spatiale, 2008, 84p, 15€

29 Le Transport aérien face au défiénergétique, 2007, 60p, 15€

28 Sécurité des compagniesaériennes, 2007, 60p, 15€

27 L’Europe de l’Espace : enjeux etperspectives, fr ou ang, 2006, 200p,20€

26 Compagnies de transport aérien àbas prix, 2005, 68p, 15€

25 La Révolution des drones, 2004, 88p,15€

24 L’Impact du trafic aérien sur l’at-mosphère, 2004, 88p, 10€

23 La Menace balistique ; quelle politi-que pour la France et pourl’Europe ?, 2004, 40p, 10€

22 L’Europe et les débris spatiaux,2003, 40p, 10€

Liste des publications

Ouvrages • Annales 2001-2007

Tome 1 - Travaux, 284 p, 20€Tome 2 - Communications, 350 p, 20€

• Lexique franglais-français, 2009, 72p,10€• Galileo, un enjeu stratégique, scientifi-

que et technique, coordonné par F. Barlier,préface de J-J. Dordain, ÉditionsL’Harmattan, 2008, 256 pages, 26€

• Les Français du ciel, dictionnaire historiqueélaboré sous la direction de L. Robineau,cherche midi éditeur, 2005, 784p, 35€

• Ciels des Hommes, anthologie proposéepar L. Robineau, cherche midi éditeur,1999, 222p, 15€

• Lettre-préface de R. Esnault-Pelterie àl’Histoire comique ou Voyage dans la Lune,de C. de Bergerac, introduction E.Petit,1997, 52p, 12€

• Au temps de Clément Ader, 1994, 172p,21€

Actes de colloques• Trafic aérien et météorologie, 2011, en

ligne, 15€• Les Aéroports face à leurs défis, 2010,

cédérom, 20€• Prise de risque ; une nécessité humaine

qu’il faut gérer, 2008, cédérom, 20€• Le Transport aérien face au défi énergéti-

que, 2007, cédérom, 20€• Automatisation du système transport

aérien, 2006, cédérom, 19€

Nos membres publient

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Sur votre agendaPour plus d’informations sur nos manifestations : www.academie-air-espace.org

Colloque : Pilotes de transportaérien face à l’imprévu29-30 novembre 2011, à la DGACCe colloque s’inscrit pleinement dans lespréoccupations de la conférence régionale duprogramme NGAP (Next Generation of AviationProfessionals) de l’OACI qui se tiendra dans lesmêmes locaux les 1er et 2 décembre 2011. Il s’adresse à l’ensemble des acteurs du transportaérien, qu’ils soient opérationnels, concepteurs,formateurs ou régulateurs.

La Lettre de l’Académie de l’Air et de l’Espace estune publication bimestrielle - ISSN 1288-5223Les conclusions et opinions exprimées dans ce document sontcelles des auteurs, conformément à la liberté d’expressioncultivée par notre académie. Elles n’engagent ni l’Académie nises organismes partenaires.RÉDACTION/ADMINISTRATION :Académie de l’Air et de l’EspaceB.P. 75825 - 31505 Toulouse Cedex 5Tél. : 33 (0)5 34 25 03 80 - Fax : 33 (0)5 61 26 37 56Courriel : [email protected] Internet : www.academie-air-espace.orgDIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Gérard BrachetCOMITÉ DE RÉDACTION : Jean-Claude Chaussonnet, Yves Marc,Pierre Sparaco, Martine Ségur, Lindsey JonesPAO : Lindsey JonesIMPRESSION : ENAC Service Édition - 7 avenue Édouard Belin31055 TOULOUSE Cedex 4Anciens numéros :n°71 : Nouveaux avionneurs, janvier 2011n°70 : Mission spatiale GOCE, novembre 2010n°69 : Moteurs du futur, septembre 2010n°68 : La Lune est morte, vive Mars !, juin 2010n°67 : L’Éducation des jeunes générations, avril 2010La liste complète des anciens numéros et de l’ensemble despublications de l’Académie est disponible sur notre site :www.academie-air-espace.org

12/04 La propulsion des avions face à sesenjeux et à ses challenges, JacquesRenvier, en anglais à 12h30 à l’Académieroyale de Belgique, à Bruxelles

20/04 *Motorisation des avions de transportcivils : l'intégration vue par l'avionneur,Sébastien Rémy, en français, à 18h à ISAESupAero Toulouse

26/04 *À la Recherche de l’OiseauBlanc, Bernard Decré, enfrançais à 18h à laMédiathèque JoséCabanis, Toulouse

31/05 Observer le Soleil pourcomprendre notre climat,Prof. Roger Maurice Bonnet, en français à18h à la Médiathèque José Cabanis,Toulouse

28/06 Un siècle d’aéronautique navale, RobertFeuilloy, en français à 18h à laMédiathèque José Cabanis, Toulouse

* en partenariat avec la 3AF, branche toulousaine

ConférencesLes Entretiens de Toulouse 3-4 mai 2011, ISAE site SupAéro, Toulouse

Événements de nos partenaires

Formation par le débat, les Entretiens de Toulousepoursuivent un triple objectif pédagogique, scientifiqueet de construction de réseau. Construisez votre par-cours de formation “à la carte” parmi 40 Entretiens thé-matiques répartis sur 4 demi-journées.Conception de structures- Conception Airliner- Évolutions des matériaux, procédés et architec-

tures - Eco-conception- Isolation acoustiqueMatériaux- La contre-attaque des aluminiums- REACH : implications industrielles - Évolutions et challenges des fixations- La FatigueDomaine militaire- Spécificités des structures des avions militaires- UCAV- Le futur de l’IHS des aéronefs de combat- Missiles : ruptures technologiquesEspace et ses utilisations- L’Intégrité des services des systèmes de navi-

gation GNSS - Télécoms spatiales-Accès large bande - METOP- Traitement des images satellitairesAvionique- E-opérations - Utilisation des processeurs multicœur - Exigences en Performance de Navigation- In flight Entertainment

Modélisation et Simulation- La conservation des maquettes numériques 3D

pour la certification- Support Service MRO - Simulation hybride- Simulation pour la décision au-delà du rationnelEnergie à bord- Le développement d’un système de gestion

d’énergie bord - Gestion du stockage de l’énergie électrique à

bord - L’Atterrisseur du futur - La haute tension électrique en aéronautiqueOutils de la compétitivité de la R&D- Innovation, compétitivité et normalisation - L’importance des soutiens publics pour la R&D- Démonstrateurs technologiques CORAC - Intelligence économique et compétitivitéAviation civile- Utilisation des enregistreurs - Nouvelles technologies pour l’Airspace

Management- Les compagnies aériennes face aux réglemen-

tations environnementales- Vers l’intranet du transport aérien

www.entretienstoulouse.com

Fête de la science à Casablanca 23 au 29 mai 2011Le comité scientifique de Mundiapolis vous inviteà un événement sans précédent, purement scien-tifique dont le but est de mettre en place et faireparticiper de plus en plus d’acteurs des milieux dela recherche, d’innovation et de culture.Salon du Bourget20 au 26 juin 2011, Aéroport du Bourget, FranceComme d’habitude, l’Académie sera présente ausalon sur le stand du GIFAS. Des membres pré-senteront les activités de l’Académie.

www.salon-du-bourget.fr3e colloque sur les Aspects scientifiqueset fondamentaux du programme Galileo31 août - 2 sept. 2011, Copenhague, DanemarkColloque organisé par l’ESA avec DTU Space,Danish National Space Institute, TechnicalUniversity of Denmark et avec le soutien del’Académie. www.congrex.nl

7° Rencontres Aéronautiques et Spatialesde Gimont, 28 sept. – 2 oct. 2011, Gimont, FranceCe festival proposera des ateliers pour les plus jeu-nes, un forum de l’emploi, des conférences, desprojections de films, un spectacle pyrotechnique,des expositions, un meeting aérien.

www.gimont-aero.comFestival La Novela7 au 23 octobre 2011 à ToulouseFestival des savoirs partagés qui propose à chacund’aborder les sciences autrement, à travers l’émer-veillement, l’esthétique, le plaisir de la découverteet de la rencontre. www.novela.toulouse.frFestival aérospatial de l’image et du livrede Blagnac, 17 au 20 novembre, Blagnac, FranceGrand rendez-vous annuel à l’initiative de la mairiede Blagnac et de l’association «Des étoiles et desailes» autour de l’aéronautique et de l’espace avecprojections, conférences, dédicaces d’auteurs.

www.desetoilesetdesailes.com