DIVERSIFICATION DES PRATIQUES SPORTIVES : L’EXEMPLE DES PRATIQUES PÉDESTRES OUTDOOR

CAHIER DES EXPERTS #34

17.01.2019

Courir ou marcher, activités de base,sont et resteront les sports les plus «simples » en termes d’activitésmotrices. Nulle barrière, ni physique,ni sociale, ne semble s’opposer à cesactivités de locomotion. Lemarcheur/coureur se voit mêmeproposer un panel de choix toujoursplus riches. Massification etdiversification, pour reprendre lesidées de Christian Pociello (1995),sont les principaux constats del’offre de courses et de randonnéespossibles : marche nordique, trail,marathons, longe-côte, courses surroute, ultratrail, randonnéesthématiques, courses de montagneou de côtes, cross, urban trailnocturne etc. Gratuites ou payantes,ces façons de participer sont autantindividuelles que collectives(reflétant un « individualisme demasse »1) et porteuses de valeurssociales et culturelles. Ladiversification passe donc égalementpar un processus de distinctionsociale analysé par Pierre Bourdieu2.Pourtant, cette simplicité d’usage durunning et de la marche cache unelarge complexité3. La guerrecommerciale des producteurs etdistributeurs d’articles de sportmontre par exemple la richesse (àtout point de vue) de ce marché : lesproduits comme les chaussures,vêtements, GPS, équipementsconnectés ou outils adaptés (bâtonde marche, éclairage de coursenocturne etc.) regorgentd’innovations, de couleurs, detechnologies, offrant auxmarcheurs/coureurs, un choix à lahauteur de leurs finances.Cette multiplicité de l’offre impacteégalement les organisateurs etquestionne régulièrement lesaspects législatifs et réglementaires,notamment dans la mise en place desentiers pérennes, l’organisation demanifestations ou la préservation du

patrimoine tout en valorisant lessites. C’est une grande partie dutravail du pôle national ressourcesdes sports de nature de Vallon Pontd’Arc, de proposer des solutions etdes outils d’aide(http://www.sportsdenature.gouv.fr/). En s’appuyant sur leursressources et leurs compétences, lescollectivités territoriales peuventbénéficier d’une aide professionnellepour les projets d’aménagementsruraux ou urbains (les GR traversentles villes par exemple) ou découvrirla technicité pour l’organisation decourses nature ou de manifestationsde randonnée pédestre.En effet, les collectivités sontdirectement sollicitées et impactéespar la massification du running, lefinancement des courses hors stade,ou l’accompagnement aux clubsconcernés. Cette simplicité durunning et de la marche comportede nombreuses caractéristiquesterritoriales à prendre en compte. Jeremercie donc nos trois experts decette semaine qui contribuent à lamise en lumière de nouvelles façonsde courir et de marcher et leursconséquences sur les territoires. Etces éclairages permettent aussi desouligner que marcher et courir n’estpas aussi simple pour tous, ce qui mepermet de saluer les organisateursfavorisant les courses « handi », lesconstructeurs permettant defavoriser les balades sur des sentierspour tous (fauteuil tout terrain parexemple) ou les collectivitésfavorisant l’équité des usagers, àtravers toutes les activités sportives.

1 Pour reprendre les thèmes d’AlainEhrenberg : Le culte de la performance.Calmann-Levy, 1991.2 Pierre Bourdieu : La distinction sociale.Les éditions de minuit, 1979.3 Bruno Lapeyronie. Thèse de doctorat2007.

COURIR, MARCHER, DÉCOUVRIR

En effet, les collectivités sontdirectement sollicitées etimpactées par la massification durunning, le financement descourses hors stade, oul’accompagnement aux clubsconcernés.

BRUNO LAPEYRONIEDirecteur SportColl

Maître de conférences associéUniversité de Montpellier

EDITO

Cahier des experts #34 – 17.01.2018

L’AVIS DES EXPERTS

Merci de vous présenter etprésenter vos recherches enquelques mots

Nous sommes tous les deuxenseignants chercheurs à l'UFRSTAPS de l'Université de Montpellier(laboratoire SantESiH E.A.4614). Éricest maitre de conférences et il pilotenotamment un travail de recherchecentré sur l'accessibilité des loisirsde pleine nature des personnes ensituation de handicap. Thomas,quant à lui, est ATER et il prolonge sathèse en s’intéressant aux différentsespaces de pratique et auxéquipements sportifs.

Vos recherches appliquées vous ontamené à découvrir de nouvellesformes de randonnée pédestre.Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous nous sommes intéressés à la« Randonnée Cit'Art », située entreCournonterral et Vic-la-Gardioledans l’Hérault. Ce circuit derandonnée à la particularité d’êtredessiné de manière à pouvoiradmirer 7 citernes peinte par des« street-artistes » (Eackone, Honk,Maye, Momies, Vania, Zest et Reda).C’est l’association montpelliéraineLine Up qui a été choisie par leDépartement pour superviser ladécoration de ces réservoirs quiservent aux pompiers en casd’incendie. Cette dernière organisedorénavant des visites guidéespayantes où des informationsvariées sont données. Le public estcertes sensibilisé au street-art maisle guide donne aussi des indicationssur les spécificités de ce territoirenaturel (histoire, faune, flore...).Pour en savoir plus, nous avonsnous-mêmes réalisé cetterandonnée de manière exploratoiresous forme d'observationparticipante.

Nos résultats sont instructifs. Cetterandonnée originale rencontre uncertain succès et le public touché n’apas toujours l’habitude de pratiquerla randonnée. Dans cet exemple,l’artistique pousse à marcher.

Que conseilleriez-vous auxcollectivités territoriales etassociations pour favoriser etdiversifier les pratiques sportivesclassiques mais également valoriserle territoire et la culture locale ?

Il semble que la « randonnéeCit'Art » soit à la croisée dutourisme, du sport, et du culturel.Plus précisément, ce circuit permetune mise en tourisme d’un territoirenaturel autour de l'expression du« street-art » qui est normalementplutôt associé à l’urbain. On assistelà à une manière originale devaloriser un territoire en pariant surle mélange des genres. Cependant,allier sport et culture n'est pas uneidée totalement nouvelle ! Il n'estpas sans rappeler le travail d’OlivierBessy (2000) sur le « marathon dumédoc ». Un des intérêts de cesinitiatives qui cassent les catégorieset qui jouent l’hybridation, résidedans le fait qu’elles peuventpotentiellement toucher denouveaux publics. Dans le cas decette randonnée, nous avons nous-mêmes observé une certainediversité en terme de CSP(catégories socio-professionnelles),de genre, et de tranche d’âge.

INTERVIEW D’ERIC PERERA ET DE THOMAS RIFFAUD

Plus précisément, ce circuitpermet une mise en tourisme d’unterritoire naturel autour del'expression du « street art » quiest normalement plutôt associé àl’urbain.

ERIC PERERAEnseignant chercheur

(sociologue)Université de Montpellier

Cahier des experts #34 – 17.01.2018

THOMAS RIFFAUDATER (Sociologue) UFR STAPS

Université de Montpellier

L’AVIS DES EXPERTS

Merci de vous présenter en quelquesmots

Diplômée d’un MSc « InternationalSport and Event Management » je suisaujourd’hui assistante production chezTV Sport Events. Nous organisons leMarathon de Metz, le Raid des Alizésainsi que l’Open Sud de France àMontpellier. Nous réalisons dessolutions événementielles afin derépondre aux exigences descollectivités et des marques. Je suispassionnée de trail et de course à piedcomme le prouve la rédaction de monmémoire de fin d’études à ce sujet «Marché du trail en France : quels sontles impacts de l’essor de cettepratique ? ».

Votre pratique sportive et votrerecherche universitaire vous ontamené à découvrir le développementdu trail en France, à travers unemassification et diversification desmodes de courses. Pouvez-vous nousdonner quelques exemples etexplications ?

Passionnée de trail, il m’a sembléévident de réaliser ma recherche surce thème. Depuis 2010, le trail aprofité de la croissance du marché dela course à pied. Beaucoup decoureurs commencent à se lasser dubitume et souhaitent retrouver desvaleurs saines, en accord avec lanature. Le marché du trail progressede 10% par an car ce phénomène sepopularise. Ce sport attire car lespratiquants aiment dépasser leurlimite dans un environnement naturel.

Le développement des sportsd’endurance a provoqué un réelengouement. La première édition del’UTMB® ne dénombrait que 66participants. Cinq ans après, 6000participants de 60 pays différentss’alignaient sur l’épreuve. Aussi,l’apparition des formats de coursesaccessibles permet à chacun des’aligner sur l’épreuve de son choix.Par exemple, au début des années

2000, 150 compétitions de trailétaient organisées en France,aujourd’hui c’est plus de 1500, deconfigurations sensiblementdifférentes.

Que conseilleriez-vous auxcollectivités territoriales etassociations pour favoriser etdiversifier les pratiques de running ?

Pour certains coureurs, il est parfoisdifficile de se motiver à courir seul. Lescollectivités territoriales, enpartenariat avec des magasins desport, pourraient mettre en place dessorties running adaptées à tousniveaux. L’utilisation des réseauxsociaux est primordiale. Unambassadeur sportif, en relation avecune enseigne, pourra faire lapromotion des sorties organisées dansla ville via son réseau social. Lacréation d’un hashtag est aussi lemoyen de fédérer les coureurs d’unemême collectivité. Différentesactivations seront possibles par lasuite comme des concours ou lacréation d’un groupe Facebook.

Les collectivités territorialespourraient aussi mettre en place desactions de « plogging ». Il s’agit decourir en ramassant ses déchets. Laville pourrait fournir du matérieladapté comme des gants et des sacsrecyclables afin de ramasser lesdétritus. La ville permettrait ainsi depromouvoir et communiquer surl’écoresponsabilité de chacun. Cetexemple montre la possibilitéd’adapter la trail aux caractéristiquesdu territoire.

Enfin, des structures adaptéesfavorisent la pratique du running oud’autres sports comme le vélo. Desvoies cyclables en bon état, des rueséclairées, une piste d’athlétismeaccessible, des infrastructuressportives pour faire du sport enoutdoor praticables etc., donnentenvie aux citoyens de faire du sport.

INTERVIEW DE MAÏLYS MEYSSELLE

Aussi, l’apparition des formats decourses accessibles permet àchacun de s’aligner sur l’épreuvede son choix.

MAÏLYS MEYSSELLETV Sport Events

Cahier des experts #34 – 17.01.2018