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A U S E R V I C E D E S C A N A D I E N S DIVISION DE LA RECHERCHE ET DE LA STATISTIQUE SÉRIE SUR LES RECHERCHE Congrès transfrontalier — la frontière Canada-États-Unis : une réalité changeante Séance sur internet et la pédopornographie

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A U S E R V I C E D E S C A N A D I E N S

DIVISION DE LARECHERCHE ET DE LA STATISTIQUESÉRIE SUR LESRECHERCHE

Congrès transfrontalier — lafrontière Canada-États-Unis :une réalité changeante

Séance sur internet et lapédopornographie

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A U S E R V I C E D E S C A N A D I E N S

CONGRÈS TRANSFRONTALIER — LA FRONTIÈRE CANADA-ÉTATS-UNIS : UNE RÉALITÉCHANGEANTE

SÉANCE SUR INTERNET ET LA PÉDOPORNOGRAPHIE

Hôtel Waterfront CentreVancouver, Colombie-Britannique22 octobre 2000

Steven KleinknechtMcMaster University

La Division de la recherche et de la statistiquedu ministère de la Justice du Canada

Novembre 2001

Les opinions exprimées dans le présent document sontcelles de l’auteur et elles n’engagent pas nécessairementle ministère de la Justice du Canada.

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Ce rapport est disponible en anglais. This document isavailable in English under the title Borders Conference —Rethinking the Line: The Canada-U.S. Border. ChildPornography on the Internet Session.

Également accessible dans le site Internet du ministèrede la Justice du Canada à l’adresse suivante :http://canada.justice.gc.ca/fr/ps/rs/index.html.

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Avant-propos

Il me fait plaisir de présenter la réunion d’experts Lafrontière Canada-États-Unis : une réalité changeante —La pornographie juvénile sur Internet. En octobre 2000,

l’Initiative de la recherche sur les politiques organisait àVancouver (Canada) une conférence intitulée La fron-tière Canada-États-Unis : une réalité changeante. Cetteconférence abordait quatre thèmes : 1) Sécurité à la fron-tière, 2) Franchir la frontière, 3) Les enjeux de part etd’autres et 4) La frontière virtuelle. Dans le cadre de notrecontribution à la conférence, John Fleischman et SuzanneWallace-Capretta, agents principaux en matière de poli-tique à la Division de la recherche et de la statistiquedu ministère de la Justice du Canada, ainsi que StevenKleinknecht, un étudiant, ont organisé une rencontred’experts sur la pornographie juvénile sur Internet sousle thème de la sécurité à la frontière. Le groupe rassem-blait des spécialistes internationaux provenant de diversdomaines dont la justice pénale et l’application de la loi,

et du monde universitaire afin qu’ils discutent des pro-blèmes découlant de la pornographie juvénile sur Internet.La discussion concernait surtout la quantité et la naturedes images de pornographie juvénile trouvées sur Internet,l’émergence du leurre sur Internet à titre de nouveau typed’exploitation sexuelle des enfants et les obstacles trans-frontaliers auxquels les organismes d’application de laloi étaient confrontés en luttant contre la pornographiejuvénile sur Internet. Les commentaires que nous avonsreçus sur la réunion, de même que l’intérêt marqué etgénéralisé concernant ce sujet ainsi que la rareté desrenseignements disponibles nous ont convaincu derendre cette documentation disponible. Le rapport quisuit représente un résumé de la transcription des travauxde la réunion d’experts.

Roberta J. Russell, Ph.D.Directrice, Division de la recherche et de la statistiqueMinistère de la Justice Canada

La Division de la recherche et de la statistique

Le personnel de la Division de la recherche et de la statistique rassemble des

chercheurs en sciences sociales provenant d’une vaste gamme de domaines :

criminologie, sociologie, anthropologie, éducation, statistique, sciences

politiques, psychologie et travail social.

Nous menons des recherches en sciences sociales afin de soutenir les

activités et programmes du ministère de la Justice du Canada. Nous

produisons également des données statistiques, dispensons des services

méthodologiques et des conseils en matière d’analyse et réalisons des

recherches sur l’opinion publique ainsi que des analyses exhaustives de

l’environnement.

Nous reconnaissons que, pour être utile, la recherche doit être accessible.

Dans la but de rendre nos recherches plus accessibles, nous avons mis

au point de nouveaux produits adaptés aux besoins d’un groupe varié

d’utilisateurs, tels des séries de recherches, des questions et réponses et

des fiches documentaires.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur nos activités de recherche,

visitez notre site Internet à l’adresse http://canada.justice.gc.ca/ps/rs.

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Table des matières

Avant-propos iii

Résumé 1

Ampleur et nature de la pédopornographie

dans Internet 1

Enjeux 1

Priorités suggérées 3

Résumé des recommandations 6

Participants 7

Animatrice 7

Commentateur 7

Spécialistes invités 7

Compte rendu de la séance 9

Jacquelyn Nelson (animatrice) —

ministère du Procureur général,

Colombie-Britannique 9

Sergent Emmett Milner (spécialiste invité) —

Service canadien de renseignements criminels 9

Jacquelyn Nelson 10

Sergent-détective Wayne Harrison (spécialiste invité) —

Police de Winnipeg, Escouade mondaine 10

Jacquelyn Nelson 13

Sergent-détective Frank Goldschmidt

(spécialiste invité) — Police provinciale

de l’Ontario, Projet « P » 13

Jacquelyn Nelson 15

Andrew Oosterbaan (spécialiste invité) —

chef adjoint chargé des litiges, Section chargée

des affaires d’exploitation des enfants et de matières

obscènes, ministère de la Justice des États-Unis 15

Jacquelyn Nelson 18

Max Taylor (commentateur) —

University College Cork, Irlande 18

Annexe I : Questions et discussion 23

Annexe II : Documents d’exposé deAndrew Oosterbaan 25

Annexe III : Documents d’exposé deMax Taylor 33

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Résumé

Dans le cadre du congrès intitulé « La frontièreCanada-États-Unis : Une réalité changeante »,la Division de la recherche et de la statistique du

Ministère de la Justice, en conjonction avec le Secrétariatde la recherche sur les politiques et la GRC, a organiséune table ronde d’experts internationaux relativementaux questions de recherche et d’application de la loi liéesà la pédopornographie et au leurre par Internet. Étaientinvités à titre de spécialistes le sergent Emmett Milner(Service canadien de renseignements criminels), le sergent-détective Wayne Harrison (Police de Winnipeg),le sergent-détective Frank Goldschmidt (Police provincialede l’Ontario, Projet « P »), Andrew Oosterbaan (ministèrede la Justice des États-Unis, Section chargée des affairesd’exploitation des enfants et de matières obscènes) et Max Taylor (University College Cork d’Irlande). JacquelynNelson, du ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique, était l’animatrice de la séance.

Les deux grands thèmes du congrès traités par les invitésétaient la Sécurité à la frontière et La frontière virtuelle.Les actes criminels commis par Internet dépassent souventles frontières nationales et posent donc des défis uniquesaux responsables des politiques, aux chercheurs et auxservices de police. L’un des aspects de la criminalité parInternet que l’on juge mériter le plus d’attention estl’exploitation sexuelle des enfants. Cette table ronde aété organisée autour de trois questions fondamentalesà cet égard : 1) l’ampleur et la nature de la pornographiejuvénile (également appelée pédopornographie) dansInternet; 2) les prédateurs sexuels qui utilisent Internetpour leurrer les enfants; 3) les défis que présente la luttetransfrontalière contre la pédopornographie.

Ampleur et nature de la pédopornographie dans Internet

La présentation de Max Taylor souligne l’ampleur du phé-nomène de la pédopornographie dans Internet. Toutefois,le professeur Taylor suggère qu’il est plus important d’iden-tifier les nombreux enfants victimes de sévices que d’esti-mer le volume de pédopornographie sur Internet. Dansle cadre du projet COPINE — Combating PaedophileInformation Networks in Europe —, l’équipe de recherchedu professeur Taylor a constitué une base de donnéesde plus de 60 000 images anciennes, nouvelles et récentesde pédopornographie. Environ 43 000 de ces images repré-sentent des filles et 18 000 des garçons. Chaque semaine,l’équipe recueille quelque 1 000 images de pornographiejuvénile à partir de 60 groupes de discussions différents.La majorité de ce matériel téléchargé est relativementancien et consiste en des photos balayées dans des maga-zines comme Lolita, produits il y a 30 ou 40 ans. La base

de données est parfois utilisée par la police pour aider àidentifier des enfants et des contrevenants, mais elle estprincipalement gérée pour des besoins de recherche.

Selon le professeur Taylor, les travaux de son équipe révè-lent qu’environ deux nouveaux enfants apparaissentchaque mois dans des groupes de discussion de pédopor-nographie. Il souligne également que les enfants qu’ilsdécouvrent dans ces images sont de plus en plus jeunes.Les recherches entreprises dans le cadre du projet COPINEindiquent que le groupe d’âge prédominant est celui des9 à 12 ans. Le professeur Taylor précise toutefois à cetégard qu’il est très difficile de déterminer l’âge des enfantspubères et que son équipe ne suit donc pas les images dansles catégories d’âge correspondantes. Il fait par ailleursremarquer qu’environ 10 p. 100 des images de filles figurantdans la base de données sont celles de bébés ou de tout-petits et que la très grande majorité des enfants représentéssur les images sont de race blanche. Il explique que mêmes’il est facile de trouver de la pornographie juvénile dansInternet, il y a peu de chance que l’internaute moyen tombedessus par hasard. Le fait qu’une telle quantité d’imagesde ce genre soit accessible gratuitement par Internet leurenlève presque toute valeur marchande.

En outre, Taylor signale que même si les photos sont deloin la forme de pédopornographie la plus fréquente dansInternet, les vidéoclips seront probablement de plus enplus courants à mesure que la technologie progressera etpermettra la transmission plus rapide de gros fichiersmultimédia.

Pour ce qui est de la recherche sur l’exploitation sexuelledes enfants, Taylor indique qu’il ne faut pas seulementconsidérer Internet comme un moyen de diffusion depédopornographie, mais aussi comme un endroit où lespédophiles peuvent communiquer entre eux et établir desliens et un soutien mutuel qui contribuent à maintenir leurintérêt pour les enfants.

Enjeux

Chaque présentation a mis en évidence plusieurs défisauxquels les autorités et les responsables des politiquessont confrontés lorsqu’ils tentent de mettre un frein à lapédopornographie et au leurre des enfants par Internet.Comme l’indique le sergent-détective (S/D) WayneHarrison (Police de Winnipeg), il est important de recon-naître que la majorité des enjeux auxquels les services depolice doivent faire face dans ce domaine sont les mêmespour la plupart des autres actes criminels commis aumoyen d’Internet (fraudes, blanchiment de fonds, jeuxillégaux, etc.). Voici un aperçu des principaux défis quedoivent relever les autorités.

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Nombre élevé d’enquêtes possibles. Les invités affirmentque la quantité énorme de pédopornographie dans Internetpourrait justifier un très grand nombre d’enquêtes. Lapolice doit donc donner la priorité à certaines affaires eten reporter d’autres. Par exemple, le « Projet P » (Unité dela pornographie juvénile de l’OPP) a en tout temps de 35 à40 dossiers en attente. Le S/D Frank Goldschmidt signalequ’il n’est pas rare que l’unité doive retarder une enquêtede six à neuf mois en raison de cette surcharge de travail.

Manque de ressources. Les enquêtes peuvent être liées àplusieurs délinquants et à plusieurs victimes dans diversesrégions du pays ou du monde. Le temps nécessaire pourrecueillir les éléments de preuve, identifier et interroger lesvictimes et les contrevenants, coordonner les efforts avecceux d’autres services de police et se déplacer dans les dif-férentes régions peut entraver la progression de l’enquête.Avant de lancer ce genre d’enquête, les policiers doiventdonc tenir compte des vastes ressources qui sont souventnécessaires.

Stockage éloigné des données. Certains fournisseurs deservices Internet (FSI) conservent l’information permettantd’identifier leurs clients et les journaux (enregistrement deleurs activités) à des endroits autres que leurs bureaux cen-traux. De plus, les internautes peuvent choisir un fournis-seur éloigné de leur lieu de résidence. L’information peutêtre stockée pratiquement n’importe où dans le monde,pourvu que le pays soit branché à Internet, ce qui est le casde presque toutes les nations. Tout cela complique l’obten-tion par les policiers de mandats de perquisition et la col-lecte auprès des fournisseurs Internet de l’information surleurs clients. Une autre entrave au processus d’enquête estle fait que certaines administrations ont des lois différentesou ne sont tout simplement pas disposées à aider les ser-vices de police étrangers.

Conservation des journaux par les FSI. Les lois n’obligentpas les fournisseurs à conserver les journaux de leurs clients.Ces journaux facilitent les enquêtes, car ils contiennentdes renseignements comme la date et l’heure auxquellesle client s’est branché au réseau, ses activités en ligne etles adresses IP, qui aident à l’identification de l’utilisateur.Étant donné le coût élevé du stockage des journaux, lesfournisseurs les suppriment généralement après un délairelativement court. America Online (AOL), par exemple,ne conserve le courrier non consulté que pendant 28 à30 jours. Lorsque les abonnés d’AOL sortent du réseaud’AOL pour naviguer sur le Web, clavarder ou afficher unarticle de discussion, l’information peut être conservéependant environ sept jours. La période de conservation àAOL est en fait plus élevée que celles d’autres FSI, qui

effacent chaque jour la plupart des journaux. C’est unproblème pour les policiers, qui peuvent difficilementobtenir en si peu de temps suffisamment d’informationpour amorcer le processus d’enquête (p. ex., mandatsde perquisition, information en provenance des policesétrangères). Les renseignements sur le suspect figurantdans les journaux peuvent donc disparaître avant que lapolice puisse obtenir l’autorisation judiciaire nécessairepour étudier cette source importante d’éléments de preuveéventuels.

Définitions juridiques. Les définitions juridiques actuellesn’ont pas été établies en fonction d’Internet et des réper-cussions que ce moyen de communication aurait surl’interprétation de la possession et de la diffusion de pédo-pornographie. Par exemple, elles ne s’appliquent pas bienà la nature transfrontalière d’Internet. Cela peut nuire auxenquêtes concernant la pornographie électronique stockéepar des Canadiens dans d’autres pays et celle conservéeau Canada par des personnes résidant à l’étranger. De parl’absence d’une définition internationale commune de lapédopornographie, il est plus difficile pour les policiersde coordonner des enquêtes transfrontalières et d’obtenirla coopération d’autres instances à cet égard. De plus, lespoliciers n’ont aucune autorisation juridique expresserelative à la possession de pédopornographie, ce qui peutentraver les enquêtes.

Jurisprudence. La cause R. c. Sharpe portée devant la Coursuprême, qui conteste des dispositions de la législationcanadienne concernant la pédopornographie, est consi-dérée par la police comme un sujet possible de préoccu-pation1, notamment en raison de l’élimination possibledu délit de possession. Le sergent Emmett Milner décritce délit comme un « pied dans la place » pour les policierslorsqu’ils enquêtent sur une personne soupçonnée dedélits plus sérieux de violence envers les enfants. Il indiquetoutefois que, si le délit de possession venait à disparaître,une nouvelle infraction de leurre pourrait aider à compen-ser la perte de cet instrument. Pour ce qui est de l’affaireSharpe, la police s’inquiète également de la redéfinitionpossible de la pédopornographie, qui modifierait la con-duite des enquêtes.

À la différence du Canada, les États-Unis ont un ordre judi-ciaire constitué de deux parties, dont les lois varient nonseulement selon l’administration (fédérale ou de l’un des50 États), mais aussi d’un État à l’autre. La jurisprudencepeut donc varier elle aussi d’un État ou d’un district à unautre, ce qui se traduit par diverses interprétations deslois fédérales, dont celle régissant la possession de pédopornographie.

1Quelques mois après la tenue de ce congrès, la Cour suprême a rendu sa décision dans l’affaire R. c. Sharpe (26 janvier 2001). Les experts continuentd’examiner les retombées du verdict, mais il semble que la décision n’aura pas d’incidence notable sur le délit de possession existant.

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De plus, les images de pédopornographie entièrementconçues par ordinateur ou par morphage constituent undéfi pour les tribunaux, car elles pourraient ne pas repré-senter de véritable enfant. Certains tribunaux américainsont décidé qu’une image ne pouvait être considérée illégaleque si elle représentait un enfant véritable. Dans certainescauses, il pourrait être difficile de prouver que la photoreprésente un mineur.

Chiffrement. Le processus de chiffrement permet aux uti-lisateurs de « brouiller » leurs fichiers en code interne illi-sible, que l’on ne pourra déchiffrer qu’au moyen des motsde passe correspondants. Andrew Oosterbaan (ministèrede la Justice des États-Unis) signale que le recours auchiffrement est de plus en plus courant. Il souligne quesi les forces de police obtiennent un fichier chiffré, ellesne consacreront des ressources au dossier que s’il estconsidéré comme une priorité nationale ou s’il touche lasécurité nationale, car la lecture du fichier codé pourraitprendre un temps considérable. Il recommande aux poli-ciers qui prévoient devoir s’occuper de fichiers codés deprendre les devants et de tenter d’obtenir les mots de passeà l’avance, notamment au cours de l’exécution du mandatde perquisition.

Messagerie électronique anonyme et à base Web. Avec lamessagerie électronique anonyme et celle à base Web, lapolice a du mal à retracer l’expéditeur d’un courriel. Desentreprises comme Hushmail et Freedom chiffrent totale-ment les messages de leurs clients et utilisent ensuiteun système de réexpédition effaçant toute information« de surface » qui permettrait de faire le lien entre le cour-riel et l’expéditeur. Avec la messagerie à base Web, commeHotmail, l’utilisateur peut créer un compte anonyme àpartir de faux renseignements (nom, adresse, etc.).

Connexions par câble. Les modems câblés établissent uneconnexion permanente à Internet, ce qui peut constituerun problème pour la police si elle doit déterminer qui esten ligne et à quel moment. De plus, aux États-Unis, dans lecas de comptes d’accès commuté (c.-à-d. utilisant les lignestéléphoniques), les policiers peuvent obtenir du fournis-seur Internet, au moyen d’une citation à comparaître, del’information sur le compte d’un client sans que ce dernieren soit informé. En revanche, le droit américain sur lesconnexions par câble oblige le fournisseur à informer leclient visé lorsque la police a recours à une citation pourobtenir de l’information sur un compte.

Priorités suggérées

Afin de relever les défis auxquels font face les services depolice et de faciliter la lutte contre l’exploitation sexuelledes enfants, les spécialistes invités font les suggestionssuivantes :

Coopération et coordination. Étant donné la nature trans-frontalière de la transmission d’information par Internet,les invités signalent qu’il est essentiel que les administra-tions et les organismes participant aux recherches sur lapédopornographie et le leurre des enfants par Internetcoopèrent et coordonnent leurs travaux. Les invités sem-blent d’accord sur le fait que l’Organisation internationalede police criminelle (Interpol), à l’échelon international,et le SCRC, sur le plan national, font du bon travail enmatière de coordination des services de police. Les invitéssuggèrent néanmoins que ces deux organismes seraientplus efficaces s’ils disposaient de davantage de ressourceset avaient un rôle plus important.

À l’échelon national, Wayne Harrison suggère de renforcerle rôle du SCRC en lui donnant comme mandat de base lecontrôle de toutes les enquêtes liées à Internet. Les nou-velles responsabilités du Service pourraient inclure : ladirection d’un groupe de travail national, qui chercheraitde façon proactive à identifier les victimes et les contre-venants, l’élaboration et la maintenance d’un logiciel dereconnaissance des visages et des noms de fichier, la coor-dination de toutes les enquêtes internationales — ouvertesau Canada ou à l’étranger —, la formation dans l’ensembledu pays au moyen du modèle « formation des formateurs »ainsi que l’établissement et la tenue à jour de registres desdélinquants.

Sur le plan international, Max Taylor signale qu’Interpolmet actuellement au point une base de données sur lapédopornographie que pourraient utiliser tous les servicesde police dans le monde. Il fait par ailleurs remarquer quela police devra contribuer en permanence à l’ajout denouvelles données si l’on veut que la base de donnéessoit efficace.

Les participants insistent également sur l’importance dela coopération entre les forces de l’ordre et les fournisseursInternet. Le SCRC est en pourparlers avec l’Associationcanadienne des fournisseurs Internet (ACFI) et d’autresgroupes de FSI. Le sergent Milner souligne qu’un grandnombre de fournisseurs ne sont pas au courant des attentesdes services de police à leur égard. Les liens avec ces four-nisseurs Internet permettent et permettront donc d’inten-sifier le partage de l’information entre l’industrie et lesresponsables de l’application de la loi.

Réglementation et autoréglementation des FSI. Les spé-cialistes invités signalent que la technologie existantepermet aux FSI de mieux contrôler la transmission et lestockage de pédopornographie dans leurs serveurs. Selonle professeur Taylor, la pédopornographie dans Internetpourrait être contrôlée si l’industrie des FSI se le proposait.Un des moyens pour parvenir à un contrôle plus strict estsuggéré par le S/D Harrison, qui préconise la mise en place

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par les provinces et les États de règlements relatifs aux FSI,dont l’obligation de demander une adresse municipalepour chaque adresse Internet assignée à leurs utilisateursafin d’aider la police dans l’exécution des mandats.

Andrew Oosterbaan fait remarquer que l’une des difficultéssoulevées par les fournisseurs Internet est le remplacementquasi-instantané du matériel illégal supprimé par les FSI.Selon lui, il est donc nécessaire que les fournisseurs soienten mesure de faire parvenir l’information à la police pourque cette dernière puisse poursuivre les suspects et mettreainsi un terme au transfert du matériel d’un site à l’autre.Il indique qu’une loi récemment adoptée aux États-Unisoblige les fournisseurs Internet à renseigner les servicesde police sur les personnes soupçonnées d’actes criminels.Le ministère de la Justice des États-Unis élabore actuelle-ment des règlements qui définiront la marche à suivre àcet égard. Oosterbaan affirme que la nouvelle réglementa-tion facilitera sans doute les rapports avec les fournisseursInternet importants (p. ex., AOL), mais qu’elle pourrait nepas être si efficace avec les petits fournisseurs.

L’aide la plus notable que les FSI pourraient apporter à lapolice et à la réglementation de la transmission de matérielillégal serait probablement la conservation prolongée et lacommunication de l’information figurant dans les journauxdes clients. Actuellement, les FSI effacent très rapidementces journaux. Les invités suggèrent en conséquence que ledélai minimal obligatoire de conservation des journaux soitfixé à trois mois, ce qui aiderait considérablement la policedans ses enquêtes.

La conservation des journaux peut être coûteuse pour lesfournisseurs de services Internet, mais le professeur Taylorsoutient qu’il appartient à ces fournisseurs de faire preuvede responsabilité sociale. Il défend ce point en soulignantqu’il est dans tout autre contexte inacceptable qu’uneorganisation commerciale facilite la perpétration d’uncrime. Il indique toutefois que certains FSI affirment pourleur défense être des « transporteurs publics » d’informa-tion, un argument utilisé par l’industrie des postes pourse protéger contre toute sanction relative à son rôle dansla distribution d’articles illégaux. Pour le professeurTaylor, l’autoréglementation des fournisseurs Internetserait préférable à l’imposition de règlements par lesgouvernements.

Formation et éducation. La criminalité par Internet estun domaine relativement nouveau pour les responsablesdes politiques et les autorités judiciaires. Les spécialistesinvités soulignent donc le besoin de former et d’éduquerles décideurs, les avocats du procureur public et les juges.Andrew Oosterbaan évoque la nécessité de tenir ces partiesinformées des progrès technologiques, car l’existenced’une faiblesse dans le processus (p. ex., un procureur qui

ne comprend pas la technologie) peut entraver le déroule-ment des poursuites. Les invités insistent sur le fait que laformation doit être un processus continu si l’on veut queles intervenants demeurent informés des progrès rapidesen technologie.

Le professeur Taylor indique par ailleurs que les agents deprobation et les travailleurs sociaux doivent être éduquésà propos d’Internet. Dans le cadre de ses recherches, il adécouvert que les membres des services d’aide sociale necomprennent pas bien Internet et sont par conséquent malpréparés pour surveiller efficacement les contrevenants. Ila découvert que ces travailleurs sont peu disposés à inter-venir de peur que le contrevenant en sache plus qu’eux surInternet.

Les spécialistes encouragent également l’informationdes parents et des enfants sur les dangers que peut pré-senter Internet. Le S/D Goldschmidt affirme être stupéfiéd’apprendre que des parents autorisent leurs enfants àrencontrer sans supervision dans des lieux publics despersonnes qu’ils ont connues par Internet.

Activités axées sur l’enfant. Les experts invités soulignentque les efforts d’application de la loi devraient se con-centrer sur l’identification des victimes et sur les affairesconcernant des personnes qui exploitent les enfants enproduisant des images de pornographie juvénile. Selon leS/D Harrison, c’est la seule manière d’éviter cette exploi-tation. Les invités remarquent toutefois que les enquêtesde cette nature peuvent être longues et nécessiter desressources importantes. L’un d’eux mentionne à titre d’exemple une enquête de 13 mois menée par le Projet« P », pour laquelle la police a interrogé près de 1 000 vic-times qui avaient été terrorisées par un pédophile ayantsévi pendant 30 ans.

Actualisation de la législation. Comme il a été mentionné,l’une des difficultés auxquelles se heurtent les autoritésest l’application de la législation existante à des activitéscriminelles exercées au moyen de nouvelles technologiescomme Internet. Les invités recommandent donc que lesresponsables des politiques veillent à l’actualisation de lalégislation en fonction de l’évolution actuelle et future dela technologie.

Les spécialistes invités indiquent que l’élaboration de loissur le leurre serait utile. Ce genre de dispositions est con-sidéré comme nécessaire étant donné les circonstancesuniques entourant la séduction d’enfants en ligne. Voicil’opinion du S/D Harrison à cet égard :

[La législation sur le leurre] est indispensable si l’on veutempêcher les prédateurs d’utiliser Internet pour entreren contact avec des enfants, les tromper et les maltraiter.

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Actuellement, au Canada, un enfant doit être maltraité pourqu’une infraction ait lieu. Le droit actuel ne contient aucunedisposition permettant à un enquêteur de se faire passerpour un mineur; les enquêteurs ne peuvent donc prendrel’initiative pour porter des accusations de leurre. Le délitd’incitation à des contacts sexuels existe, mais la victimedoit effectivement être un mineur et non une personne queles contrevenants pensent être mineure. Un autre facteurjuridique complique le travail des enquêteurs, le fait quel’âge de consentement à des rapports sexuels est de 14 ans,ce qui signifie qu’une personne de 40 ou 50 ans peut avoirdes relations sexuelles avec un enfant de 14 ans. Malheureu-sement, toute nouvelle loi définissant le délit de leurre devraêtre élaborée en fonction de cet âge nubile. Je crois que laquestion de l’âge de consentement fait actuellement l’objetde discussions et il est important que cette règle soit modi-fiée d’une façon ou d’une autre.

Andrew Oosterbaan ajouté que le droit américain traitedéjà du leurre, mais que les dispositions pourraient pro-bablement être renforcées.

Pour ce qui est des définitions juridiques, le S/D Harrisonsuggère que la définition du mot « distribuer » comprennenotamment la notion de « rendre accessible par un réseaud’ordinateur qui passe par le Canada ou qui en provient etqui est maintenant situé hors du Canada. » Il recommandeégalement que le terme « possession » soit redéfini pourinclure « les sites accessibles par mot de passe ou les sitescontrôlés par des Canadiens ou Canadiennes, même si lesite est situé hors du pays ». Il souligne également le besoind’incorporer au Code criminel du Canada des dispositionsconférant aux policiers le droit de posséder et d’envoyerdes images, ce qui leur permettrait d’envoyer des piècesà conviction et des notes par l’intermédiaire de serveurssécurisés. Ce procédé faciliterait le partage de l’informationau cours des enquêtes et aiderait donc à identifier les vic-times et les contrevenants.

Le S/D Harrison fait remarquer que la promulgation duprojet de loi C-40 (la Loi sur l’extradition) est un bon exem-ple de loi qui reconnaît la nécessité de suivre la technologieactuelle et d’en tirer parti pour lutter contre le crime. LaLoi permet aux témoins, au Canada et à l’étranger, de témoi-gner sous serment devant les tribunaux par vidéoconfé-rence. Les témoins peuvent le faire depuis leur proprelocalité, sans avoir à se déplacer jusqu’à l’endroit oùl’affaire est entendue. Des vidéoconférences ont récem-ment été utilisées à Winnipeg pour obtenir le témoignaged’un groupe de personnes âgées victimes d’une escroque-rie par télémarketing. Pendant l’enquête préliminaire,dix personnes âgées ont ainsi témoigné depuis quatre Étatsaméricains différents. Leur témoignage sous serment a étéaccepté par le juge, qui s’est déclaré très impressionné parl’usage de cette technologie pour recueillir des éléments de

preuve de cette sorte. Le S/D Harrison remarque que l’utili-sation des vidéoconférences est un moyen très économiquede mener des poursuites lorsque les témoins résident dansdes régions relevant d’autres administrations. Il prévoit quela prochaine étape consistera à utiliser cette technologiepour recueillir des déclarations d’autres services de policeou pour interroger d’autres agents de police dans le cadredes processus de délivrance de mandats.

Un des moyens avancés pour renforcer l’efficacité de lalégislation est de faire des crimes par Internet des délitsde compétence fédérale. Pour y parvenir, le S/D Harrisonrecommande d’utiliser comme modèle la Loi réglementantcertaines drogues et autres substances. Il souligne que cetteloi a été définie comme une responsabilité fédérale enraison notamment de questions transfrontalières liéesau trafic de stupéfiants, et précise que le nombre de fran-chissements de frontières liés au trafic de drogues est trèsinférieur au nombre de passages virtuels qui se produisentchaque minute d’un pays à l’autre par Internet. Selon leS/D Harrison, la création d’une nouvelle loi distincte com-prendrait notamment les avantages suivants : la spécialisa-tion des avocats de la Couronne du gouvernement fédéraldans les poursuites pour des infractions commises parInternet; l’accès à des ressources supplémentaires pourlutter contre le crime par Internet; la formulation de défi-nitions juridiques modernes, particulières à Internet,pour des délits comme la diffusion et la possession depédopornographie.

Élaboration d’outils logiciels à l’appui des enquêtes.Les spécialistes invités suggèrent d’élaborer plus avantdes outils logiciels pour aider les services de police dansleurs enquêtes. Une amélioration considérable du pointde vue logiciel serait de disposer de programmes quiaideraient à identifier les enfants et à distinguer les imagesde pédopornographie récentes de photos anciennes. LeS/D Harrison indique que la police passe souvent beau-coup de temps à examiner de telles images, mais, faute delogiciel approprié, elle ne consacre que très peu d’effortspour identifier les enfants sur ces images ou pour déter-miner quand l’image a été créée. Il recommande que desaméliorations soient apportées au logiciel de reconnais-sance des visages et des noms de fichier afin de facilitercette tâche. Il explique que les policiers pourraient utiliserun logiciel de reconnaissance de noms de fichier pourétablir si les images sont nouvelles ou anciennes et, parla suite, se servir d’un logiciel de reconnaissance desvisages pour comparer ces images à un fichier maître d’enfants portés disparus (ou à une base de données demême nature).

La gestion d’une base de données de pédopornographie estun élément essentiel du processus d’identification assistépar ordinateur. Comme nous l’avons déjà indiqué, Interpol

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met actuellement au point une base de données de ce genre,mais beaucoup de temps et une contribution importantede divers services de police internationaux seront néces-saires pour qu’elle soit efficace. La base de données géréepar l’équipe de recherche du professeur Taylor aide àl’occasion la police, même si elle n’a pas été créée danscette optique. Elle ne s’appuie pas sur la reconnaissancelogicielle, mais sur l’usage de descripteurs alphanumé-riques. Le professeur Taylor indique qu’il a des doutes àl’égard des logiciels de reconnaissance des visages. En con-séquence, son équipe examine minutieusement les images,sans l’aide d’aucun appareil, afin de les classer par caté-gorie. M. Taylor mentionne la base de données EXCALIBURutilisée par la police suédoise, qui est selon lui efficace,mais pas fiable à 100 p. 100. Il préfère donc se fonder surl’inspection visuelle des images. Mais ce procédé n’a pasque des avantages : il est en effet très laborieux et astrei-gnant et peut s’avérer bouleversant pour les étudiantschargés de classer le matériel obscène.

Andrew Oosterbaan signale que les améliorations quiseront apportées aux logiciels doivent tenir compte descadres existants en matière d’application de la loi. En effet,il est important d’intégrer ou d’adapter toute nouvelletechnologie aux méthodes traditionnelles utilisées dansce domaine. Les améliorations logicielles doivent biens’incorporer au cadre existant, et il est tout aussi nécessaireque la police soit relativement souple et réceptive aux nou-velles technologies dont elle pourrait avoir besoin dans lecadre des enquêtes.

Lignes téléphoniques spéciales et lignes derenseignements. Les participants recommandent égale-ment l’usage de lignes téléphoniques spéciales et derenseignements pour recevoir l’information du public.Oosterbaan indique que ce genre de service fonctionnetrès bien aux États-Unis. Par exemple, la ligne du NationalCentre for Missing and Exploited Children, CyberTipline,a reçu en 27 mois plus de 22 000 messages relatifs à la pédo-pornographie et 3 000 envois concernant des affaires deleurre éventuel.

Résumé des recommandations

Afin de faire face au problème de la pédopornographiepar Internet et à certains défis auxquels est confrontéela police dans ce domaine, les spécialistes invités font lesrecommandations suivantes :

n La nature transfrontalière d’Internet exige une coopé-ration internationale et une coordination entre lesadministrations et les organismes participant auxenquêtes liées à la pédopornographie et au leurredes enfants par Internet.

n La collaboration entre l’industrie d’Internet et lesservices de police est également indispensable.

n Certains efforts de réglementation ou d’autoréglemen-tation des fournisseurs de services Internet pourraientfaciliter le contrôle des activités illégales dans Internet.

n Les juristes doivent recevoir de la formation pourdemeurer informés des progrès technologiques.

n Les lois doivent non seulement être actualisées enfonction des nouvelles technologies, mais aussi êtrerédigées en tenant compte de la nature évolutive dela technologie.

n Étant donné le grand nombre d’affaires de pédopor-nographie qui pourraient justifier la conduite d’uneenquête, il est nécessaire que la police axe son travailsur l’enfant en se concentrant sur l’identification desvictimes et en donnant la priorité aux cas de produc-tion de pornographie juvénile. L’utilisation d’outilslogiciels existants et le développement de cette tech-nologie (p. ex., bases de données de pédopornographie,logiciels de reconnaissance de fichiers ou de visages)faciliteraient le processus d’identification des victimeset des contrevenants.

n Il faut informer le public pour que les parents et lesenfants soient conscients des dangers que présenteInternet.

n La mise sur pied de lignes téléphoniques spéciales etde lignes de renseignements facilitera la réceptiond’informations concernant des cas de pédopornogra-phie et de leurre éventuel.

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A U S E R V I C E D E S C A N A D I E N S

Participants

Animatrice

Jacquelyn Nelson — Analyste principale en matièrede politiques, ministère du Procureur général,Colombie-Britannique

Mme Nelson est analyste principale en matière depolitiques au ministère du Procureur général dela Colombie-Britannique. Elle travaille pour ce

ministère depuis 12 ans et est chargée des portefeuillessuivants : affichage de matériel injurieux sur Internet, pros-titution, crime motivé par la haine, justice réparatrice etquestions de politiques fédérales-provinciales-territorialesen matière de justice. Elle a effectué des recherches dansle domaine de l’exploitation sexuelle des enfants et desadolescents et elle copréside actuellement un groupe detravail national sur la pédopornographie par Internet.

Commentateur

Max Taylor — University College Cork, en Irlande

Max Taylor est professeur de psychologie appliquée à laUniversity College Cork (UCC), en Irlande. Il dirige ledépartement depuis 1983, ainsi que le centre d’étudespour l’enfance de la UCC, qui se concentre sur la recherche,la formation et la politique permettant de répondre auxbesoins des enfants vulnérables. Le professeur Taylor dirigeégalement le projet Combating Paedophile InformationNetworks in Europe (COPINE). Ses travaux actuels dans lecadre de COPINE portent sur la gestion d’une base dedonnées de référence en pédopornographie, sur l’évalua-tion du danger que présentent des pédophiles par l’examende leurs collections de pornographie, ainsi que sur la natureet l’incidence du tourisme sexuel impliquant des enfants etde la traite des enfants en Europe. Le professeur Taylor estégalement membre du groupe de travail sur les usages illé-gaux et préjudiciables d’Internet et du groupe consultatifsur Internet du gouvernement irlandais.

Spécialistes invités

Sergent Emmett Milner — Service canadien de renseignementscriminels

Le sergent Milner est membre de la GRC depuis 26 ans eta appartenu avant cela à la Police provinciale de l’Ontario(OPP) et à la police royale de Hong Kong. Il est coordonna-teur national de l’Initiative sur l’exploitation sexuelle desenfants menée avec le Service canadien de renseignementscriminels (SCRC). Il a à ce titre dirigé l’élaboration d’unestratégie nationale de lutte contre l’exploitation des enfants,

y compris la mise en œuvre de principes directeurs par tousles organismes d’application de la loi au Canada, et a jouéun rôle prédominant dans la mise en place d’un réseauinternational visant à assurer que les enquêteurs du mondeentier sont équipés pour combattre l’exploitation parInternet.

Sergent-détective Wayne Harrison — Police de Winnipeg,escouade mondaine

Le sergent-détective Wayne Harrison a 22 ans d’expériencedans la police et fait actuellement partie de l’escouademondaine des services de police de Winnipeg. Il travaillesur des affaires de pédopornographie et d’obscénitédepuis 1996 et a participé à plus d’une centaine d’enquêtesdans ce domaine. Certaines ont été menées en coopérationavec des policiers de divers centres aux États-Unis, enAllemagne, en Australie et en Suède. Le S/D Harrison aégalement collaboré à la formation de personnel policiersur les questions liées à la pédopornographie par Internetet a fait des présentations à l’occasion de nombreux collo-ques. En 1998, il a reçu du ministère de la Justice du Manitobaun prix provincial de prévention du crime pour ses présen-tations sur la sécurité dans Internet. Il est membre d’uncomité du Manitoba qui fait pression pour changer leCode criminel afin de transformer en délit le leurre desenfants par Internet en vue de leur exploitation sexuelle.

Sergent-détective Frank Goldschmidt — Police provincialede l’Ontario (OPP), Projet « P »

Le sergent-détective Frank Goldschmidt est membre del’OPP depuis 20 ans et fait partie depuis 1991 de l’Unité dela pornographie juvénile, dont il est actuellement l’enquê-teur principal chargé des opérations. Le S/D Goldschmidtenquête sur les délits de pédopornographie commis enOntario, délits qui sont en majorité liés à l’informatiqueet au réseau Internet. Il a participé à de nombreuses opé-rations d’infiltration et est qualifié pour témoigner devantles tribunaux de l’Ontario en qualité de spécialiste desenquêtes et de l’identification de cas de pédopornographieet de matériel obscène. Par ailleurs, le sergent-détectiveGoldschmidt participe activement à la formation policièreet il a publié à l’intention des policiers des manuels et desguides sur les techniques d’enquête.

Andrew Oosterbaan — chef adjoint chargé des litiges, Sectionchargée des affaires d’exploitation des enfants et de matièresobscènes, ministère de la Justice des États-Unis

Andrew Oosterbaan est le chef adjoint chargé des litiges dela Section chargée des affaires d’exploitation des enfants etde matières obscènes, Division criminelle, ministère de laJustice des États-Unis. M. Oosterbaan s’occupe de tous leslitiges criminels pour sa section, y compris les enquêtes etles poursuites menées à l’échelle nationale relativement à

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des cas de pédopornographie, d’exploitation d’enfants, deviolence sexuelle à l’égard des enfants, de traite des femmeset des enfants à des fins sexuelles, d’obscénité et d’exécu-tion des pensions alimentaires, ainsi que les affaires inter-nationales de rapt d’enfants par le père ou la mère. Il

participe également à l’élaboration et à la coordinationd’enquêtes et d’initiatives touchant plusieurs districts.M. Oosterbaan gère de plus le programme de formationqu’offre la section aux poursuivants et aux policiers del’ensemble des États-Unis.

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A U S E R V I C E D E S C A N A D I E N S

Compte rendu de la séance

Jacquelyn Nelson (animatrice) — ministère du Procureurgénéral, Colombie-Britannique

Allocution préliminaire

Bonjour, je m’appelle Jacquelyn Nelson. On m’ademandé d’ouvrir cette séance et d’en être l’ani-matrice en raison de mon rôle de coprésidente du

Groupe de travail fédéral-provincial-territorial (FPT) surle matériel offensant sur l’Internet. Je fais également partiedu Secteur des politiques du ministère du Procureurgénéral de la Colombie-Britannique.

Le Groupe de travail FPT sur le matériel offensant surInternet prépare actuellement des recommandations pourlutter contre la pédopornographie et le leurre par Internet.Outre l’examen de réformes juridiques éventuelles, noustentons de déterminer de quelle façon collaborer avecd’autres secteurs pour assurer l’efficacité des lois. Nousétudions comment établir des partenariats efficaces, avecl’industrie par exemple, et comment nous assurer le con-cours de cette dernière concernant des questions commela conservation des journaux, la communication del’information sur les contrevenants et la sensibilisationde l’industrie même aux problèmes liés à Internet.Autrement dit, nous tentons d’établir des liens avecles fournisseurs Internet pour trouver des solutions communes.

Nous nous penchons également sur des questions liéesaux besoins de la police. Il s’agit notamment d’établir desrapports plus étroits entre la police et les spécialistes descrimes par Internet, d’offrir la meilleure formation possibleet de définir les autres éléments qui aideront la police àenquêter sur les crimes par Internet en général, et sur lapédopornographie et le leurre en particulier.

Finalement, notre Groupe de travail juge nécessaired’adopter une démarche intégrée à l’égard de ce fléau,notamment pour ce qui est de l’information du publicsur les dangers qu’Internet peut présenter et sur lesmoyens à la disposition des gens face à ces menaces.

Un grand nombre de ces questions seront abordées parnos invités, que je vais me faire un plaisir de vous présenter.Je vais d’abord vous nommer ces spécialistes.

À ma droite se trouve Max Taylor, puis Emmett Milner,Wayne Harrison, Frank Goldschmidt et enfin AndrewOosterbaan. Avant de passer au premier orateur, je tiensà vous présenter le professeur Max Taylor, qui sera notrecommentateur tout au long de notre séance.

M. Emmett Milner se charge de la première présentation.

Sergent Emmett Milner (spécialiste invité) — Servicecanadien de renseignements criminels

Merci beaucoup. Je suis actuellement détaché au Servicecanadien de renseignements criminels (SCRC). Le SCRC estencore peu connu. On peut le considérer comme un groupede travail national qui étudie le crime organisé et d’autresquestions particulières. Notre bureau central se composede policiers des quatre coins du pays : un agent des servicesde police de Vancouver détaché pour trois ans, des mem-bres de l’OPP, de la Sûreté du Québec, de la Police deMontréal, de Revenu Canada — Douanes, du Service depolice régional d’Ottawa-Carleton, de Calgary, etc. Notrethème d’aujourd’hui est la pornographie juvénile dansInternet. Mon champ d’activité est en fait plus vaste : ilconsiste à lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants.

Je retracerai brièvement l’histoire du SCRC : en 1996, lecommissaire de la GRC a établi notre orientation et, entreautres choses, un cadre de coordination des enquêtes rela-tives à l’usage d’Internet à des fins de pédopornographieet d’exploitation des enfants, entre autres choses. Le com-missaire a bénéficié de l’appui du chef Fantino, qui s’estattaché à rassembler les forces de l’ordre et à repenser lemode de coopération des organismes chargés de l’applica-tion de la loi de manière à renforcer la coordination dans cedomaine. En 1998, le Comité exécutif du SCRC a décidé quele Service aurait le mandat de coordonner les services depolice dans l’ensemble du Canada. C’est à cette époque quej’ai été affecté au SCRC. Nous avons élaboré une stratégiequi a été mise en œuvre dans toutes les polices du pays. LeComité exécutif du SCRC est composé du commissaire dela GRC (qui en est le président), du commissaire de l’OPPet de tous les principaux chefs de police du Canada. Ils ontadhéré au mandat du SCRC et ont convenu que le Servicejouerait un rôle de chef de file.

Nous collaborons dans chaque province avec un coordon-nateur en matière d’exploitation sexuelle, qui travaille pourla province au niveau régional. Le travail se fait de l’échelonmunicipal à celui de la province, puis au niveau du bureaucentral, où je travaille. Mon bureau est en fait situé à laDirection générale de la GRC, pour des raisons d’écono-mies et autres.

Je tiens à aborder plusieurs thèmes : notre volume detravail, nos priorités et certains des défis auxquels noussommes confrontés.

Du point de vue d’Internet, le Canada est le deuxième paysle plus branché au monde. En 1997, 31 p. 100 des ménagesavaient un compte Internet; en 1998, ce taux atteignait37 p. 100 et, en 1999, 42 p. 100. Ce chiffre devrait continuerd’augmenter avec le temps. Par exemple, en 1994, aucuneécole ni aucune bibliothèque n’était branchée; en 1999,

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elles le sont toutes. Cette anecdote illustre bien l’évolutionactuelle.

Le réseau Internet renferme un volume énorme de pédo-pornographie. Nous devons donc faire en sorte d’établir despriorités pour nous attaquer au problème. Il est impossibled’enquêter sur chaque cas de cyberpornographie juvénile,car cela épuiserait nos ressources. Nous avons établi unpartenariat avec Interpol, que nous rencontrons deux foispar an. Une de ces réunions a justement lieu cette semaineen Belgique; nous avons accueilli la réunion à Ottawa il ya deux ans. Les enquêtes sur ce genre de cas peuvent êtreparticulièrement coûteuses, durer très longtemps et néces-siter des déplacements. Il faut donc décider quelle est lameilleure façon de s’y prendre avant de mener l’enquête.Mais l’autre point essentiel est d’identifier les victimes depédopornographie. En fait, l’ampleur du volume est enpasse de devenir un problème mondial, car le domaine ducrime par Internet ne connaît pas de frontières. C’est unsecteur tout à fait nouveau pour plusieurs d’entre nous.

La priorité du SCRC, telle qu’elle a été convenue par leComité exécutif, est l’exploitation sexuelle des enfants, etla pédopornographie par Internet s’inscrit dans le cadre decette priorité. De plus, cette dernière comprend égalementla prostitution enfantine et le tourisme sexuel. Le SCRCpublie à la demande du gouvernement un rapport annuel,dont on peut obtenir un exemplaire auprès du Service ou àpartir de notre site Web (www.cisc.gc.ca). J’ai ici une notesur la priorité à donner aux violences à l’égard des enfants.On trouve au premier plan la pédopornographie, problèmeauquel nous sommes tous confrontés. Il s’agit d’une ques-tion très délicate sur laquelle nous devons nous pencher.Comment allons-nous nous y prendre? Pouvons-nousadopter une démarche préventive en menant des opéra-tions d’infiltration dans Internet? Il faut que chaque inter-venant et chaque ministère répondent à ces questions.

Passons maintenant aux enjeux. Il nous faut examinerl’aspect législatif. La décision concernant l’affaire Sharpesera probablement rendue après les élections. Cette déci-sion va influer sur le délit de possession, énoncé dansl’article 163 du Code criminel. Cette disposition est essen-tiellement ce que j’appellerai « un pied dans la place »car, lorsque nous constatons qu’une personne possède dumatériel de pédopornographie, il nous donne des moyenssupplémentaires et permet souvent de découvrir un cas deviolence envers les enfants. Si nous perdons le bénéfice decette disposition, la ministre de la Justice a évoqué la possi-bilité d’introduire la notion de leurre, qui pourrait faciliternotre travail.

La formation joue un rôle important dans l’actualisationdes connaissances de nos enquêteurs. Elle doit se faire defaçon permanente. On sait par exemple que le personnel

des entreprises de haute technologie doit constammentactualiser ses connaissances, car la technologie évoluesans cesse. La formation est donc un élément primordial.

Du point de vue structurel, la surveillance des cyberacti-vités des clients par les fournisseurs de services Internetest essentielle. Nous entretenons de bons rapports avecces fournisseurs. Notre problème majeur est le repérageet l’obtention des éléments de preuve nécessaires. Lesjournaux pourraient être au cœur de nos enquêtes, mais iln’existe pour l’instant aucune politique à cet égard. Les FSIne font l’objet d’aucune réglementation au Canada ni,semble-t-il, dans la plupart des autres pays, car c’est unobjectif très difficile à atteindre. Nous collaborons avecl’ACFI (Association canadienne des fournisseurs Internet)et avons établi des liens avec ses membres. C’est un desgroupes avec lesquels nous nous efforçons de garder con-tact pour faciliter le travail des enquêteurs.

En bref, les enquêtes sur la pédopornographie sont trans-mises depuis Interpol à notre bureau et sont ensuite diri-gées vers les bureaux régionaux. En 1999, nous avons reçu164 demandes : 103 internationales et 61 nationales. Cetteannée, nous en sommes pour l’instant à 180 demandes,dont 120 internationales et 60 nationales.

Jacquelyn Nelson

Merci Emmett. Emmett a notamment mentionné la possi-bilité d’ajouter le délit de leurre à la législation canadienne,ce qui pourrait constituer un « pied dans la place », selonla décision dans l’affaire Sharpe. Vous savez peut-êtrequ’au début du mois de septembre, la ministre de la Justicefédérale s’est engagée à ajouter la notion de « leurre » à lalégislation. Étant donné la proximité des élections fédé-rales, je ne sais pas quel poids accorder à cette déclaration,mais le fait est que l’engagement a été pris.

Notre prochain orateur est le sergent-détective WayneHarrison.

Sergent-détective Wayne Harrison (spécialiste invité) —Police de Winnipeg, Escouade mondaine

Merci. Permettez-moi de commencer en remerciant le gou-vernement fédéral ainsi que le bureau et les collègues deJohn Fleischman de m’avoir invité. C’est un privilège pourmoi, un policier de voie publique devenu « cyberpolicier »,de pouvoir participer à un congrès comme celui-ci et dem’adresser aux chercheurs et aux dirigeants qui prennentles décisions influant sur notre travail. Nous espérons quenotre message, nos préoccupations et nos souhaits soientpris en compte et qu’ils ne représentent pas simplementdes renseignements que nous vous transmettons.

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Même si cette présentation porte sur la pédopornographie,la notion de « crime par Internet » que j’utiliserai se rap-porte également à d’autres actes criminels, comme le traficde stupéfiants, les crimes motivés par la haine, les jeuxillégaux, les cartes de crédit frauduleuses, le harcèlementavec menaces et la contrefaçon. Ces délits sont actuelle-ment en plein essor dans Internet.

Je vais présenter certains progrès récents, dont nous profi-tons et qui indiquent que nous sommes sur la bonne voie.Je ferai également, à titre d’enquêteur, des suggestions envue de faciliter notre travail et de faire du Canada un paysplus sûr pour les enfants.

Progrès accomplis

Commençons donc par les progrès réalisés. Le fait que nousdiscutions de ce thème à ce niveau, à un congrès de cettenature, est déjà un pas en avant. Comme l’a expliquéEmmett, le SCRC a pris l’initiative. Il a entrepris d’établirles contacts nécessaires et de se mettre en rapport avecplusieurs organismes externes au nom de tous les enquê-teurs au Canada. Nous sommes reconnaissants au SCRCet aux organismes avec lesquels il travaille de cet effort, carla collaboration est un élément très important des enquêtesliées à Internet — je ne serai sans doute pas le seul à lesouligner aujourd’hui. La coopération et le partage del’information sont indispensables à la réussite de cesenquêtes.

Un autre progrès a été la promulgation du projet de loi C-40au Canada. Cette modification récente de la législationcanadienne permet aux témoins du Canada et de l’étrangerde témoigner sous serment par vidéoconférence devant lestribunaux. Ils peuvent le faire depuis leur propre localité.Cela facilitera à l’évidence les procédures judiciaires,puisque les témoins n’auront plus à se déplacer jusqu’àl’endroit où l’affaire sera entendue. Le mois dernier, lavidéoconférence a été utilisée, à notre connaissance pourla première fois, à Winnipeg pour le témoignage d’ungroupe de personnes âgées victimes d’escroquerie par télé-marketing. Pendant l’enquête préliminaire, dix personnesâgées ont ainsi témoigné depuis quatre États américainsdifférents. Leur témoignage sous serment a été accepté parle juge, qui s’est déclaré très impressionné par l’usage decette technologie pour recueillir des éléments de preuvede cette nature. L’utilisation des vidéoconférences est unmoyen très économique de mener des poursuites lorsqueles témoins résident à l’étranger. Il est clair que cette tech-nologie servira également à recueillir des déclarationsd’autres services de police ou à interroger d’autres agentsde police dans le cadre du processus de délivrance de man-dats. Voilà donc l’étape suivante, qui mettra un outil trèsutile à la disposition des enquêteurs : les déclarations sousserment des policiers par vidéoconférence. Il est assezironique de penser qu’un jour, la technologie utilisée par

un délinquant pour diffuser de la pédopornographie parInternet pourra également servir à le faire condamner. Lestransmissions par Internet seront acceptées par les tribu-naux pour les témoignages sous serment et la technologiedevrait être suffisamment avancée d’ici cinq ans. Voilà unprogrès dont il faudra tirer profit et auquel il convient de sepréparer. Si certains parmi vous veulent en savoir plus surcette enquête à Winnipeg, je peux vous fournir le nom etles coordonnées de l’agente de police qui a coordonné lesefforts. N’hésitez pas à l’appeler, elle a insisté pour que jevous en parle, car elle aurait aimé partager avec vous lesdifficultés éprouvées pour amener toutes ces personnes àtémoigner devant les tribunaux.

Autre progrès accompli : le Canada a finalement entreprisd’élaborer des dispositions concernant le leurre. Cela estindispensable si l’on veut empêcher les prédateurs d’uti-liser Internet pour entrer en contact avec des enfants, lestromper et les maltraiter. Actuellement, au Canada, unenfant doit être maltraité pour qu’une infraction ait lieu.Le droit actuel ne contient aucune disposition permettantà un enquêteur de se faire passer pour un mineur; lesenquêteurs ne peuvent donc prendre l’initiative pourporter des accusations de leurre. Le délit d’incitation à descontacts sexuels existe, mais la victime doit effectivementêtre un mineur et non une personne que les contrevenantspensent être mineure. Un autre facteur juridique com-plique le travail des enquêteurs, le fait que l’âge de consen-tement à des rapports sexuels est de 14 ans, ce qui signifiequ’une personne de 40 ou 50 ans peut avoir des relationssexuelles avec un enfant de 14 ans. Malheureusement,toute nouvelle loi définissant le délit de leurre devra êtreélaborée en fonction de cet âge nubile. Je crois que la ques-tion de l’âge de consentement fait actuellement l’objet dediscussions et il est important que cette règle soit modifiéed’une façon ou d’une autre.

Améliorations possibles

Voici maintenant des suggestions sur des points à amé-liorer. La première suggestion serait de faire des crimes parInternet des délits de compétence fédérale, en se fondantsur le modèle de la Loi réglementant certaines drogues etautres substances. J’expliquerai pour nos collègues améri-cains présents que cette loi se rapporte aux narcotiques età toutes les autres drogues, ainsi qu’à leur réglementationau Canada. Elle ne fait pas partie du Code criminel, maisconstitue une loi séparée avec ses propres définitions. LaLoi relève de la compétence fédérale en raison notammentdes questions transfrontalières liées au trafic de stupé-fiants. Or, le nombre de franchissements de frontières liésau trafic de drogues est très inférieur au nombre de pas-sages virtuels qui se produisent chaque minute d’un pays àl’autre par Internet. La création d’une nouvelle loi distinctecomprendrait entre autres avantages la spécialisation desavocats de la Couronne du gouvernement fédéral et l’accès

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à des ressources supplémentaires pour lutter contre cefléau. Des définitions juridiques modernes, particulièresà Internet, seraient également formulées pour des délitscomme la diffusion et la possession de pédopornographie.

Notre travail est présentement régi par des définitionsdésuètes établies dans le cadre du droit jurisprudentielà une époque où l’on ne pouvait prévoir l’avènementd’Internet. La définition du mot « distribuer » devraitnotamment comprendre la notion de « rendre accessiblepar un réseau d’ordinateur qui passe par le Canada ou quien provient et qui est maintenant situé hors du Canada ».En deuxième lieu, le terme « possession » devrait être redé-fini pour inclure « les sites accessibles par mot de passeou les sites contrôlés par des Canadiens ou Canadiennes,même si le site est situé hors du pays ». Je m’inspireraisde cas précis pour cerner les facteurs qui nous empêchentde faire notre travail convenablement. Il serait égalementnécessaire d’incorporer à la législation des dispositionsconcernant la possession et l’envoi d’images qui permet-traient aux policiers de transmettre des pièces à convictionet des notes par l’intermédiaire de serveurs sécurisés.Pour le moment, les policiers n’ont aucune autorisationjuridique expresse relativement à la possession de pédo-pornographie. Selon la Loi réglementant certaines drogueset autres substances, contrairement aux dispositions duCode criminel du Canada, les policiers ont le droit de pos-séder des stupéfiants et peuvent même, dans certainescirconstances, échanger de la drogue contre de l’argentpour les besoins d’une enquête criminelle. En revanche,les lois en vigueur ne contiennent aucune disposition, àl’exception d’une mention vague (« à moins que ce ne soitdans l’intérêt du public »), nous autorisant à posséder ouà garder du matériel de pornographie juvénile, même enqualité de représentants de la loi. Cela peut rendre les poli-ciers nerveux lorsqu’ils témoignent devant les tribunaux.

Le deuxième enjeu est la réglementation des fournisseursde services Internet (FSI). Il faudrait élaborer à l’échelondes provinces et des États des règlements relatifs aux FSI,qui obligeraient notamment les fournisseurs à demanderune adresse municipale pour chaque adresse Internetassignée, et ce, afin d’aider la police dans l’exécutiondes mandats. J’ai récemment participé à une enquêteoù deux personnes ont été inculpées de fabrication dematériel obscène. Elles conservaient ces images dans unserveur que nous pensions être situé aux États-Unis. Pourlocaliser l’emplacement géographique du serveur et pou-voir exécuter le mandat de perquisition, nous devionscompter sur l’intégrité des employés du fournisseurInternet et espérer qu’ils acceptent de nous fournir l’infor-mation et de garder les données intactes. Les divergencesentre les lois du Canada et celles des États-Unis rendent cegenre d’enquête encore plus difficile. Nous avons constatéà cette occasion que nous ne disposions d’aucun recours

judiciaire pour mettre fin à l’affichage de matériel à partirdu serveur. En fait, ces activités se poursuivent aux États-Unis au moyen d’un serveur américain. Nous avons égale-ment besoin d’une règle imposant le stockage des journauxdes comptes à réseau commuté pendant un minimum detrois mois. D’après ce que j’ai pu constater à l’occasion dediverses enquêtes, c’est le délai dont nous avons besoindans le cadre actuel pour obtenir le matériel et être enmesure d’obtenir et d’exécuter un mandat. Actuellement,les FSI ne font l’objet d’aucune réglementation; certainsne conservent leurs journaux que pendant trois jours, cequi rend toute enquête inutile.

En troisième lieu, nous pourrions profiter d’améliorationsdans le domaine logiciel, en particulier la reconnaissancedes visages et des noms de fichiers. Ce développement esten cours en Europe, mais il faudrait intensifier ces efforts.Les logiciels de reconnaissance des visages compareront lestraits des images digitales de pédopornographie avec ceuxde victimes ou de personnes connues figurant dans unfichier maître. De même, les logiciels de reconnaissancedes noms de fichiers compareront les noms d’imagesvirtuelles avec ceux d’une liste maître d’images connuesde pédopornographie. Même si ces fichiers peuvent facile-ment être renommés par la personne qui les reçoit, je diraisque dans 80 p. 100 des cas, leur nom n’est pas modifié. Nousrevoyons donc constamment les mêmes titres. Actuelle-ment, les enquêteurs passent des centaines d’heures àidentifier des milliers d’images de pornographie juvénilemais, faute de logiciels adéquats, aucun effort n’est déployépour identifier les victimes figurant sur ces images ou pourdéterminer la date de création des fichiers. De la pédopor-nographie est produite chaque jour et, lorsque les enquê-teurs mettent la main sur ces images, elles ont déjà étéaffichées et échangées à de nombreuses reprises. Nouspourrions utiliser les logiciels de reconnaissance des nomsde fichiers pour détecter les nouvelles images et les pro-grammes de reconnaissance des visages pour comparerces images au contenu d’un fichier maître d’enfants portésdisparus ou à une base de données du même genre. L’arres-tation des personnes qui conservent ou qui échangent dumatériel de pédopornographie n’est pas suffisante. Notrepriorité absolue doit être d’appréhender et d’inculper lesgens qui créent ces images et maltraitent les enfants. C’estla seule façon d’empêcher l’exploitation des enfants.

Une autre suggestion serait la mise en place d’un groupede travail national. À l’instar du modèle de Weisbadenen Allemagne, nous pourrions créer une équipe policièreproactive composée de représentants des diverses régionsdu pays. En Allemagne, les « cyberenquêteurs » cherchentdans Internet des serveurs de fichiers où ils tenteront detélécharger des fichiers de pédopornographie. Lorsqu’ilsréussissent, ils envoient un exemplaire du rapport auxenquêteurs du pays où sont stockés ces fichiers. Un groupe

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de travail national pourrait entreprendre ce genre de tâchesde prévention au Canada. La création de bureaux virtuelsdotés de serveurs sécurisés dans chaque région permettraità ces enquêteurs de demeurer constamment en contactdirect. Il s’agit simplement de nous servir de la technologieutilisée par les criminels pour les besoins de l’applicationde la loi. Les détectives seraient responsables des enquêtesrégionales, ainsi que de la formation des services munici-paux qui les aideront à mener leurs enquêtes locales. J’aiparticipé à des enquêtes aux États-Unis avec le FBI, lesdouanes, les inspecteurs de l’administration postale etplusieurs services de police municipaux américains. Il nefait pas de doute que les intervenants déploient beaucoupd’efforts, mais ceux-ci seraient certainement plus efficacess’ils étaient mieux coordonnés.

Finalement, je tiens à suggérer la mise sur pied d’un orga-nisme national qui serait chargé de contrôler toutes lesenquêtes dans Internet, peut-être par l’entremise du SCRC.Les responsabilités conférées à cet organisme pourraientinclure la direction d’un groupe de travail national, l’élabo-ration et la maintenance d’un logiciel de reconnaissancedes visages et des noms de fichiers, la coordination detoutes les enquêtes internationales — ouvertes au Canadaou à l’étranger —, la formation dans l’ensemble du pays aumoyen du modèle « formation des formateurs », l’établis-sement et la tenue à jour de registres des délinquants etle recensement des listes de victimes et d’enquêteurs. LeSCRC assume déjà partiellement ce rôle, mais il serait trèsimportant de lui donner comme mandat de base d’être leniveau supérieur pour les enquêteurs. À l’évidence, onpourrait même étendre ensuite ce principe à l’échelleplanétaire. Dans l’absolu, une seule agence coordonneraittous les efforts internationaux. Bien que cela soit physique-ment impossible et très improbable, c’est en fin de comptece dont nous aurions besoin.

En conclusion, je soulignerai que le contrôle d’Internet estun défi de taille. Une rencontre comme celle-ci pourraitservir de catalyseur. Des ressources humaines et finan-cières seront nécessaires, ainsi que la volonté des organis-mes concernés de mettre de côté leurs programmes et decollaborer afin de créer un réseau Internet plus sûr et plusrespectueux de la loi. Si rien n’est fait, les prédateurs con-tinueront de pouvoir exploiter facilement les enfants. Àmesure que le problème prendra de l’ampleur, les solutionsdeviendront de plus en plus coûteuses. J’estime donc quela seule réponse raisonnable à ce problème est d’investirdès maintenant.

Jacquelyn Nelson

Merci Wayne. Vous avez soulevé des points très intéres-sants. J’espère que nous aurons des questions sur vos

suggestions, en particulier celle de faire du crime parInternet un délit relevant de la compétence fédérale.

Notre prochain orateur est Frank Goldschmidt.

Sergent-détective Frank Goldschmidt (spécialiste invité) —Police provinciale de l’Ontario, Projet « P »

Je tiens tout d’abord à remercier le groupe de m’avoir invitéà Vancouver. Nous avons tout à gagner à présenter lespoints forts et les faiblesses de nos efforts à un auditoirecomme celui-ci. Ma présentation dure normalementde deux à trois heures, mais j’ai réussi à la raccourcir à15 minutes.

Je suis membre de l’OPP depuis près de 21 ans et faispartie de l’Unité de la pornographie depuis presquedix ans. Cette unité a été créée en 1975. Avant 1993, sonmandat consistait uniquement à enquêter sur la diffusion,la production, l’importation et la vente de matériel obscène.À l’époque, la pédopornographie relevait de l’article duCode criminel traitant de l’obscénité. En 1993, suite àl’adoption d’une nouvelle loi sur la pédopornographie,notre mandat a changé. Nous n’enquêtons maintenantque sur la diffusion, la fabrication et l’importation depornographie juvénile en Ontario. Pour vous donnerune idée des changements survenus dans ce domaine,avant 1993 et l’essor d’Internet, nous enquêtions trèsrarement sur plus d’une ou deux affaires de pédoporno-graphie par an. Depuis, ce chiffre n’a cessé de se multiplier.Je vous donnerai quelques statistiques dans un moment.

Notre unité est passée de deux agents seulement en 1991 à14 aujourd’hui. Nous sommes débordés par la quantité depornographie juvénile accessible au public, par Internetprincipalement. L’OPP a pris l’initiative de s’attaquer à ceproblème et a à cet effet doublé l’effectif de l’Unité au coursdes quatre dernières années. Nous aidons d’autres organi-sations de l’Ontario et du reste du Canada dans des affairesde pédopornographie, principalement parce que nous nousconsacrons uniquement à ce problème et que nous demeu-rons informés en permanence sur la définition et les aspectsde la pédopornographie ainsi que sur les méthodes d’enquêteles plus efficaces face à ce genre de crime. Nous sommesconsidérés comme les chefs de file au Canada en ce quiconcerne les enquêtes dans ce domaine et recevons àce titre des demandes d’aide des quatre coins du pays.Certains membres de notre équipe sont qualifiés pourtémoigner devant les tribunaux de l’Ontario en qualitéde spécialistes de l’identification de pédopornographieet d’experts judiciaires en informatique.

Les activités de notre unité en matière d’application de laloi sont relativement proactives. Nous tentons d’effectuer

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du travail de police préventif, mais sommes quelque peulimités à cet égard par la quantité de dossiers que nousrecevons de services de police de la province et d’autrespays. Pour vous donner une idée de l’ampleur de la tâche,l’un des mes collègues et moi-même étions l’autre soirbranchés par Internet à des canaux IRC et y avons recenséen l’espace de trois ou quatre heures 44 résidants de l’Ontarioqui participaient à la diffusion, à la production, à l’impor-tation ou à la vente de pédopornographie. Les gens sedemandent souvent comment nous pouvons localiserles internautes si rapidement. À vrai dire, il s’agit de l’unde nos petits secrets que je ne pourrai pas vous révéleraujourd’hui.

Notre unité a pour priorité d’enquêter sur des cas de pédo-pornographie. Il existe dans Internet une quantité impres-sionnante de matériel de cette nature et les contrevenantssemblent de nos jours un peu plus courageux du fait qu’ilspeuvent le diffuser par Internet plutôt qu’en personne.Ils éprouvent apparemment un sentiment de sécurité etd’anonymat, car il n’y a plus d’échanges face à face commec’était le cas, par exemple lorsqu’ils se rencontraient dansdes établissements louches. Ils se sentent maintenantbeaucoup plus libres de parler de leurs préférences et dela quantité de matériel dont ils disposent. L’informatiqueet Internet permettent aux internautes de stocker de grosvolumes de données dans leurs systèmes et d’échangerune grande quantité de matériel en très peu de temps.

Voici quelques chiffres qui vous donneront une idée denotre charge de travail. En 1997, nous avons achevé83 enquêtes et déposé 105 accusations à l’encontre de20 personnes. À ce jour, en 2000, nous avons effectué117 enquêtes et déposé 101 accusations contre 20 per-sonnes. On nous fait souvent remarquer que 20 sembleun chiffre peu élevé. Il s’explique par le fait que notrepriorité ne consiste pas seulement en l’inculpation descontrevenants, mais aussi en l’identification des victimes.Nous avons ainsi réussi, dans plusieurs cas, à identifier lesvictimes de pédophiles. Dans une affaire dont nous noussommes chargés dans le sud de l’Ontario, nous avons inter-rogé près de 1 000 victimes qui avaient été terrorisées parun pédophile ayant sévi pendant 30 ans. Cette enquêten’est évidemment pas de celles que l’on peut terminer enun mois ou deux; elle a en fait duré 13 mois.

Pour les pédophiles, le réseau Internet constitue le moyenidéal de distribution de leurs collections et ce genre d’acti-vités a fini par devenir un crime transfrontalier. Internet estutilisé par les pédophiles des États-Unis et du Canada pourleurrer les enfants du pays voisin. Je suis toujours horrifiéde constater que, dans ces cas de leurre, certains parentsont autorisé leurs enfants de 12 ou 13 ans à rencontrer dansdes lieux publics des personnes qu’ils ont connues parInternet. Nos agents se font fréquemment passer pour

des parents disposés à offrir leurs enfants comme objetd’exploitation sexuelle, ou pour les enfants de tels parents.Dans certains cas, nous avons même rencontré des parentsde cet acabit dans des chambres d’hôtel munies de microset les avons laissé « vendre leur salade », à la suite de quoinous avons pu les arrêter.

Nous nous servons actuellement de mandats pour obtenirl’information relative au service Internet. Comme l’aindiqué Wayne, un grand nombre de fournisseurs Internetne conservent leurs journaux que pendant quelques jours.Un FSI de Toronto va même jusqu’à effacer intégralementcette information tous les jours à minuit. Très souvent,lorsque nous obtenons des renseignements, par exemplepar l’intermédiaire du SCRC qui nous retransmet de l’infor-mation reçue de l’étranger, le temps nous manque. Lefacteur temps est très important pour la collecte d’infor-mation, car une grande partie des journaux est effacéerapidement. Pour cette raison, lorsque l’on nous transmetune enquête, que ce soit du Canada ou de l’étranger, notrepremière tâche est de déterminer à quand remonte l’infor-mation. Nous devons ensuite communiquer immédiate-ment avec le fournisseur Internet pour nous assurer qu’ilconservera ses journaux. L’un des problèmes à cet égardest que certains fournisseurs canadiens, comme Rogers,stockent leur information aux États-Unis. Quand nous nousrendons aux bureaux centraux de cette entreprise à Torontopour exécuter un mandat, l’information ne s’y trouve pas.Rogers est en train de mettre en place un protocole parlequel elle pourra entrer en contact avec ses bureaux auxÉtats-Unis, extraire l’information demandée et la transférerà une adresse canadienne où nous pourrons la récupérerau moyen d’un mandat de perquisition. Pour le moment,ce procédé ne pose pas de problème devant les tribunaux,mais certains avocats pourraient y trouver un argument enfaveur de leurs clients.

Je suis d’accord avec Wayne sur le fait que la réglementa-tion devrait traiter la question des FSI à l’échelle des Étatsou des provinces et que la durée de stockage obligatoire desjournaux devrait être bien plus longue. Nous avons en touttemps de 35 à 40 dossiers en attente. Lorsque l’informationnous parvient, une de nos premières tâches est d’étudier siun enfant est maltraité à ce moment. Si tel n’est pas le cas,le dossier va malheureusement au bas de la pile. Il arriveque nous devions attendre de six à neuf mois pour com-mencer une enquête. Par contre, si un enfant fait l’objet demauvais traitements, l’affaire devient une priorité absolue.

Du point de vue du volume de matériel existant dansInternet, nous éprouvons des problèmes dans deux autresdomaines : les groupes de discussion et les sites Web. Nousconsacrons la plupart de nos efforts aux canaux IRC. Pourvous donner un exemple des problèmes que nous con-naissons pour extraire l’information, je citerai le cas d’un

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homme de 21 ans, qui vivait sans aucun doute du produitde ses activités criminelles. Il gagnait plus de 40 000 dollarsaméricains par mois en gérant un site Web qui proposaitnon seulement du matériel obscène ou pour adultes, maisaussi, à l’écart, un lien menant à une grande quantité depédopornographie. Sans trop rentrer dans les détails, nousavons rempli les mandats, achevé l’enquête, exécuté lesmandats et découvert que le suspect exploitait effective-ment le site Web depuis ses locaux, mais que l’informationétait en fait stockée au New Jersey. Nous avons coordonnénos efforts avec les douanes américaines, mais sommespeut-être tombés sur un agent des douanes peu zélé; tou-jours est-il que nous n’avons pas pu extraire l’informationnécessaire pour poursuivre cette personne au Canada.Nous avons donc dû retirer l’accusation. Les autoritésaméricaines nous ont de plus indiqué que même si le sitecontenait une grande quantité de matériel illégal, il com-prenait également du matériel autorisé; elles ne pouvaientdonc pas fermer le site. Jusqu’à maintenant, notre façon deprocéder (sans toutefois qu’il existe de directives précises àcet égard) consiste à exécuter les mandats de perquisitionen mettant un terme à toutes les cyberactivités du suspect.

Actuellement, nous recevons de l’information du bureau del’attaché des douanes américaines à Ottawa et du SCRC etleur faisons parvenir les renseignements liés aux enquêtesmenées sur des cas de pédopornographie au Canada. Cesystème semble bien fonctionner jusqu’à présent, maisdes problèmes pourraient surgir étant donné le volumed’information envoyé et reçu.

Une autre question soulevée par Wayne, me semble-t-il,est la transmission de matériel illégal. En ce moment, nousn’envoyons jamais de pédopornographie par Internet pourtenter de gagner la confiance d’une personne sur laquellenous enquêtons. S’il s’agit d’un serveur de fichiers ou d’unsite FTP et si la personne n’est pas installée à son ordina-teur, il nous arrive d’envoyer une image d’automobile ouun fichier corrompu dans le seul but d’obtenir les donnéesde référence qui nous permettront de télécharger l’infor-mation depuis l’ordinateur du suspect. Bien sûr, certainspédophiles ou intervenants deviennent plus prudentslorsqu’ils correspondent avec nous et nous demandentimmédiatement de l’information. C’est la même choseque pour le trafic de drogues traditionnel : lorsque l’onachetait des stupéfiants à un suspect, il fallait suivre leprincipe « montre-moi d’abord ta marchandise avantque je te montre la mienne ». Si l’on a affaire à un serveurde fichiers, une des façons de s’en tirer est d’envoyer (c.-à-d. de télécharger vers l’amont) des fichierscorrompus.

Étant donné que nous nous occupons uniquementd’affaires de pédopornographie en Ontario, nous avonsprésenté devant les tribunaux de l’Ontario plusieurs

causes types qui ont clairement défini ce en quoi consistela pédopornographie, mais on attend maintenant une déci-sion de la Cour suprême du Canada à ce sujet. Je sais quedes divergences existent à l’échelle du Canada relativementà cette définition. Nous devrions en fait tenter d’établir unedéfinition internationale de la pédopornographie et demettre ensuite en place un système, comme celui auquelWayne faisait référence, reposant sur un registre centralqui indiquerait ce qui est de la pédopornographie et ce quin’en est pas.

Jacquelyn Nelson

Je pense comme vous que l’idée d’une définition inter-nationale de la pédopornographie est très importante…

Notre prochain invité est Andrew Oosterbaan.

Andrew Oosterbaan (spécialiste invité) — chef adjointchargé des litiges, Section chargée des affaires d’exploitationdes enfants et de matières obscènes, ministère de la Justicedes États-Unis

C’est un grand honneur d’être parmi vous. Le but de cecongrès est digne d’éloge. Quant à savoir s’il est possibled’atteindre cet objectif, c’est une autre question. Étantdonné délits qui nous intéressent, il est évident que lesenjeux sont de taille. Je suis le seul américain parmi lesinvités et vais vous donner ce que j’appellerai une présen-tation sur les nouveaux enjeux. Cela me semble convenirparfaitement à ce congrès, car l’un des principaux défisauxquels nous devons faire face dans le domaine de l’exploi-tation des enfants est le fait que le crime par Internet neconnaît pas de frontières. C’est évident. Par contre, ce quil’est moins, c’est que l’enjeu principal n’est pas la naturetransfrontalière de ces crimes, mais le fait qu’ils relèventde la compétence de plusieurs administrations. En effet, undes enjeux majeurs et une des principales entraves à notretravail tiennent au très grand nombre d’administrationsqui, partout dans le monde, s’occupent de ce problèmetransfrontalier.

Je vous donne rapidement quelques détails sur la naturede mon travail afin de replacer cette présentation dans soncontexte. Je suis avocat du procureur public et m’occupedes litiges et du soutien en matière de litiges relativementaux poursuites dans des affaires de pédopornographie dansl’ensemble des États-Unis. Nous formons également desagents de police, des détectives et des procureurs.

Examen des lois proposées

Le Congrès des États-Unis s’appuie sur le travail d’un grandnombre de gens et obtient de l’information de sources

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diverses, mais notre section a une responsabilité particu-lière vis-à-vis de la rédaction et de la proposition des loisqui seront promulguées aux États-Unis et, à l’évidence, del’élaboration de politiques pour l’administration actuelle.

De quel genre de défi parlons-nous ici? D’un problèmecolossal. Le graphique ci-dessous illustre l’augmentationdu nombre de causes de pédopornographie depuis 1998,et je peux vous dire que depuis lors, cette croissance s’estencore accentuée.

Le site Web CyberTipline

Le site CyberTipline est géré par le National Centre for Missingand Exploited Children. De juillet 1998 au 1er octobre 2000,CyberTipline a reçu plus de 27 000 « tuyaux », dont plus de22 000 liées à la pédopornographie. Le détournement demineurs en ligne en vue d’actes sexuels (autrement dit, leleurre) ont fait l’objet de plus de 3 000 révélations. Nousdisposons de lois pour lutter contre ces crimes. Même sides améliorations de la législation sont encore possibles,ces lois nous permettent déjà de nous attaquer au pro-blème aux États-Unis et d’entamer de nombreuses pour-suites, la plupart pour des cas de détournement de mineuren ligne. On constate ici aussi l’ampleur du problème :si CyberTipline nous permet de recevoir beaucoup derenseignements, c’est que le problème est de taille.

Comment expliquer l’essor phénoménal du crime par Internet?

Il s’agit là d’une question importante liée à l’analyse desdéfis auxquels nous sommes confrontés à cet égard. Les

crimes par Internet, en particulier ceux relatifs à l’exploita-tion des enfants, présentent des aspects uniques. L’anony-mat offert par Internet est bien sûr pour beaucoup danscet essor. Les contrevenants assis devant leur ordinateurpensent que cet anonymat les protège de tout. Ils ont deplus la satisfaction d’être en direct. Nous autres policiersrions souvent en imaginant la tête qu’ils feraient s’ilssavaient que la personne à l’autre bout de la ligne est unagent du FBI, âgé de 30 ou 40 ans et dont le surnom en ligneest Suzi13. Mais ces types s’en fichent. Ils sont trop occupésà fantasmer sur ce qu’ils désireraient être. À l’évidence, cesactivités deviennent criminelles lorsqu’elles dépassentl’imagination, ce qui justifie notre rôle.

Questions essentielles

La police peut-elle faire face à cet essor? C’est un problèmecolossal. Les efforts nécessaires sont énormes et très coû-teux. La police a du mal à suivre le rythme des criminelsquel que soit le domaine, mais le problème est encoreplus prononcé dans ce secteur lucratif qui tire parti dela technologie.

La législation évoluera-t-elle suffisamment rapidement?Ce problème est très aigu aux États-Unis. Je crois qu’il estdirectement lié à la question précédente. Aux États-Unis,le processus législatif est très lent. Il est en grande partierégi et influencé par la volonté de la société. Et, dans unpays où les gens attachent tellement d’importance à leurliberté individuelle, cela peut poser problème.

Les poursuivants peuvent-ils faire face à cet essor? Iciencore, la réponse est étroitement liée à la premièrequestion et à la suffisance des ressources. Mais un autreproblème se pose également : la familiarisation des pour-suivants avec les progrès de la technologie. Les poursui-vants prendront-ils le temps de s’informer sur la technologieafin de pouvoir s’occuper des dossiers de pédopornogra-phie par Internet?

La société nous permettra-t-elle d’agir? Comme je viens del’indiquer, cette question est très importante aux États-Unis, car notre sentiment de liberté passe là-bas avanttoute chose. Un des aspects de cette liberté est la protectionde la vie privée. Il est parfois très difficile de faire adopterune loi lorsque les gens considèrent qu’elle nuit à la protec-tion de la vie privée. Le passé nous en donne de très nom-breux exemples. Ce phénomène entrave considérablementnos efforts pour améliorer l’application de la loi.

Enjeux actuels

Stockage éloigné des données. Dans les affaires de pédo-pornographie, le matériel est souvent conservé dans unendroit éloigné auquel les suspects ont accès et dont ilspeuvent donner accès à d’autres. Il est très difficile de

Croissance du nombre de causes fédérales liées à la pédopornographie

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décerner des mandats de perquisition lorsque vous nesavez pas où le suspect garde le matériel et, si vous le savez,il peut s’avérer difficile d’établir la cause probable pourobtenir le mandat qui permettra d’effectuer des recherchesà cet endroit.

Conservation des journaux par les FSI. America Online(AOL) conserve le courrier non consulté pendant 28 à30 jours. Il s’agit de la durée actuelle, qui peut changer trèsrapidement en fonction du volume. En revanche, le cour-rier reçu, effacé et lu sera conservé pendant quelques joursseulement. Lorsque les abonnés d’AOL conversent au moyendes lignes de clavardage d’AOL, l’entreprise peut garderl’information sur les adresses IP pendant 90 jours environ.Les adresses Internet des serveurs mandataires — utiliséslorsque les membres d’AOL sortent du réseau AOL pour lanavigation, les séances de clavardage, etc. — seront con-servées pendant environ sept jours. Cela est un problèmemajeur pour les services de police. Je suis convaincu quemes collègues seront d’accord avec moi sur ce point, il esttrès difficile pour les policiers d’obtenir suffisammentd’information pour entamer le processus en sept jours.

Chiffrement. Je crois pouvoir affirmer que la loi ne nousautorise généralement pas à lire un fichier chiffré, dumoins pas aux États-Unis. Par « généralement », j’entendsune affaire qui n’est pas considérée comme une prioriténationale ou touchant la sécurité nationale. Cela signifieque les policiers américains doivent déployer des effortsénormes dans les cas où les fichiers sont chiffrés, ce quide plus en plus courant. Il faut savoir que le chiffrementde l’information pourrait entraver presque tous les aspectsde l’enquête et que cette dernière devra être menée enconséquence. Autrement dit, il faudra peut-être tenterd’obtenir au préalable les mots de passe, en particulier sivous exécutez un mandat de perquisition et avez l’occasionde parler au suspect.

Messagerie électronique anonyme et à base Web. Ce genrede messageries complique de plus en plus les enquêtes.En effet, des entreprises comme Hushmail et Freedomchiffrent tout d’abord les courriels, puis passent par l’inter-médiaire de systèmes de réexpédition qui rendent parti-culièrement ardu le repérage des correspondants, car ilsnettoient complètement les données après leur transmis-sion. Lorsque l’on met finalement la main sur un de cesmessages, il est très difficile d’en déterminer la provenance.Hotmail n’est pas un réexpéditeur de messages anonymes,mais n’importe qui peut créer en quelques minutes uncompte Hotmail totalement anonyme, à partir de fauxrenseignements, et commencer à l’utiliser. Il est alors trèsdifficile pour la police d’identifier le titulaire du compte.

Connexions par câble. C’est la connectivité qui cause iciproblème, peut-être plus aux États-Unis qu’ailleurs. Les

modems câblés établissent une connexion permanente àInternet, ce qui peut constituer un problème pour la policesi elle doit déterminer qui est en ligne et à quel moment. Deplus, dans le cas de comptes ordinaires (par lignes télépho-niques), les policiers peuvent obtenir du fournisseur Internet,au moyen d’une citation à comparaître, de l’informationsur le compte d’un client sans que ce dernier en soitinformé. En revanche, le droit américain sur les connexionspar câble oblige le fournisseur à aviser le client lorsque lapolice a recours à une citation pour obtenir de l’informa-tion sur son compte. Cela nuit évidemment à notre capacitéd’enquêter.

Jurisprudence. Les États-Unis disposent d’un système judi-ciaire en deux volets : le droit des 50 États, qui varie biensûr d’un État à l’autre, et les lois fédérales, applicables àl’ensemble du pays. Pour qu’un crime relève de la compé-tence fédérale, il doit être lié d’une façon ou d’une autre àun échange commercial entre plusieurs états. Pour ce quiest de l’informatique et du réseau Internet, cet échangeinter-États coule de source, mais dans une affaire qui con-cerne seulement la possession de matériel, où est l’échangecommercial entre États? Les tribunaux ont rendu des déci-sions divergentes à cet égard. Selon le district, il peut êtreplus ou moins difficile d’établir l’existence de cet échange.

Preuve de l’identité des victimes. Cela pourrait devenirun obstacle. Malgré les efforts soutenus du Congrès pourrendre illégales les images de pédopornographie qui nereprésentent pas un enfant véritable (comme celles con-çues par morphage), au moins une des instances améri-caines, le neuvième circuit — dont fait partie la Californie—, a établi qu’une image ne pouvait être considérée illégaleque si elle représentait un enfant véritable. Il faut donc,dans la plupart des cas, prouver que la photo représentebel et bien quelqu’un de précis. Je ne me rapporte iciqu’aux cas de pornographie juvénile.

Preuve de l’âge des victimes. Il faut prouver que laphotographie représente un mineur.

Questions relatives à la détermination de la peine. Nousdisposons de lois pertinentes en matière de déterminationde la peine, mais elles reposent souvent sur des améliora-tions qui doivent être prouvées, et cela peut s’avérer trèsdifficile. Les tribunaux se sont prononcés de diversesmanières relativement à la pertinence ou à la preuve d’uneamélioration. Les divergences entre les lois fédérales etcelles des États posent à cet égard un problème épineux.Les États ont leurs propres lois et leurs propres tribunaux,et procèdent chacun de manière très différente. C’estpourquoi, lorsque nous parlons de problèmes de frontières,il ne s’agit pas seulement des écarts entre le système fédéralet les États, mais aussi des différences entre chacun de ces50 États. Nous tentons de coopérer et de coordonner les

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efforts d’application de la loi, car il s’agit d’une questionfondamentale. Le problème ne se pose pas seulement àl’échelle internationale, mais aussi entre les différentesrégions des États-Unis.

Moyens à employer pour relever les défis

Actualisation permanente des connaissances liées à latechnologie. Il s’agit d’un problème évident, pas seule-ment au sein de la police, mais aussi, comme je l’ai déjàmentionné, chez les procureurs et les juges. Peu importel’ampleur des efforts déployés pendant une enquête, si lejuge n’a pas été bien informé de la technologie utilisée dansl’affaire, il ne faut pas s’attendre à ce que les cours d’appelse rallient à notre avis sur le délit commis. Il est donctrès important que les autorités judiciaires suivent lesdéveloppements technologiques.

Élaboration d’outils logiciels. Je parle ici d’élaborationd’outils logiciels qui aident les services de police. Pource qui est de l’intégration de la technologie aux méthodestraditionnelles utilisées pour l’application de la loi, le cadred’application est malheureusement déjà bien établi. Il estimportant d’intégrer ou d’adapter la technologie dont nousdisposons à ces méthodes.

Actualisation de la législation.

Coopération et assistance mutuelle à l’échelle inter-nationale. C’est là une question essentielle qui justifie àelle seule la tenue de ce congrès. La coopération est fonda-mentale face à des contrevenants qui peuvent être situésn’importe où dans le monde, qui peuvent transmettrede l’information par n’importe quel endroit et ce, dans lecadre de législations différentes d’un pays à l’autre. Il nesera pas possible avant longtemps de mettre en place uneforce de police internationale suffisamment efficace pouréradiquer ce problème. Interpol accomplit un très bontravail, et ma section a collaboré étroitement avec Interpolet les polices du G-8. Toutefois, je suis sûr que vous avezentendu maintes histoires de policiers qui ont en vain tentéd’obtenir l’aide d’Interpol. Il reste donc beaucoup de cheminà accomplir. Le ministère de la Justice des États-Unis tentenotamment à cet égard d’exécuter des programmes de for-mation à l’étranger. À mon avis, il s’agit de l’un des effortsles plus profitables.

Lignes téléphoniques spéciales et lignes derenseignements. Ces lignes fonctionnent très bien auxÉtats-Unis et je crois qu’elles peuvent être tout aussiefficaces dans d’autres pays.

Formation. Je l’ai déjà mentionné, elle est très importante.

Sensibilisation. Il pourrait aussi être utile de sensibiliser lesinternautes au problème de la pédopornographie.

Je cite les lois américaines sur les transparents, à titred’information et parce que je pense qu’elles sont pro-bablement différentes des lois en vigueur au Canada(voir l’annexe II). Certaines dispositions récentesexigent des fournisseurs Internet qu’ils informent lapolice de crimes éventuels; nous élaborons actuellementdes règlements qui donneront des précisions à ce sujet.

Jacquelyn Nelson

Merci Andrew. Vous avez soulevé des points intéressants,comme vos questions relatives à la capacité des policiers,des procureurs et de la législation à faire face à l’essor dece genre de crimes. Ces enjeux existent dans tous les payset j’avoue être stupéfaite du nombre de cadres législatifsdifférents en fonction desquels vous devez travailler auxÉtats-Unis. J’aimerais à présent inviter le professeur Taylorà parler de ses recherches.

Max Taylor (commentateur) — University College Cork,Irlande

C’est toujours un privilège de prendre la parole après unesérie de présentations, quand tout a déjà été dit et que l’onne sait plus quoi ajouter. C’est tout particulièrement lecas aujourd’hui, après des orateurs qui travaillent dansce domaine et connaissent à fond les questions soulevées.Chaque participant a soulevé un grand nombre de ques-tions importantes et très pertinentes.

Je commencerai par me présenter et par décrire le travailque nous réalisons dans le cadre du projet COPINE, car ils’agit d’un travail assez inhabituel, dans un cadre unique.

Quelle est nature du projet COPINE? Nous travaillons àl’évaluation du danger que présentent des pédophiles etnous nous penchons sur l’intérêt sexuel des adultes enversles enfants, tel qu’il se manifeste dans Internet, ainsi quesur les effets de ce phénomène. Nous nous intéressonségalement à la traite des enfants et au tourisme sexuelimpliquant des enfants. Notre travail est très spécial, caril se concentre sur les photos. En effet, nous croyons queles images de pédopornographie sont à la base des autresdélits. La loi irlandaise nous permet de posséder de lapédopornographie, et nous conservons une base de don-nées très importante d’images de cette nature. Nous col-laborons très étroitement avec les services de police. Lesorganismes européens chargés de l’application de la loi —et, à l’occasion, le National Centre et d’autres instancesaméricaines — nous consultent régulièrement pour obtenirdes conseils sur l’identification de nouvelles images depédopornographie et de nouveaux enfants. Ce n’est toute-fois pas l’objectif premier de notre groupe : la base de don-nées a été créée comme outil de recherche; elle est gérée

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dans cette optique, et non pour sa valeur pratique. Nousnous réjouissons de pouvoir contribuer à des enquêtes et,comme nous l’avons fait à plusieurs reprises, de les motiveren identifiant du matériel.

La base de données revêt deux formes. Le premier moduleconsiste en des archives de matériel ancien, indexéeset consultables, mais peu utilisées. Le terme « matérielancien » désigne du matériel de plus de 15 ans, « nouveaumatériel » des fichiers datant de 10 ans maximum, et« matériel récent » des images de 10 à 15 ans. Pourquoide telles périodes? Parce que les photos peuvent tarderà émerger. Il semble toutefois que le délai entre la produc-tion et la diffusion par Internet soit plus court qu’aupara-vant. Il arrive fréquemment que les photos circulentd’une personne à une autre et ne fassent leur apparitionque plus tard, lorsqu’elles sont diffusées publiquement.Le deuxième module de la base de données se composed’archives consultables de matériel nouveau et récent. Il ya trois ou quatre ans, la police suédoise a mis sur pied desarchives consultables reposant sur un logiciel de recon-naissance. Notre base de données est quant à elle fondéesur des descripteurs alphanumériques. Nous utilisons lesdescripteurs du FBI, et ce, pour différentes raisons. Toutd’abord, nous n’avions pas les fonds nécessaires pourinvestir dans le logiciel et je suis très sceptique à l’égarddes avantages des logiciels de reconnaissance des visages— je l’étais d’ailleurs bien plus à l’époque. Nous avons enfait demandé à un informaticien d’examiner les logicielsde reconnaissance sur le marché. Les résultats ont été trèslimités. La base de données Excalibur utilisée par la policesuédoise est certes très efficace, mais elle n’est pas fiable à100 p. 100, loin s’en faut. Nous accomplissons notre travailpar inspection visuelle. C’est une tâche pénible, laborieuseet très déplaisante (il faut tout examiner), mais qui donnede très bons résultats.

La base de données contient uniquement du matérielaffiché et téléchargé à partir de groupes de discussion.Nous contrôlons périodiquement le matériel affiché dans60 groupes de discussion et téléchargeons automatique-ment ce matériel. Nous recevons également du matérielde services de police.

Pour classer la pédopornographie, nous avons mis sur piedun système fondé sur le degré de victimisation. Nous nousconcentrons sur les niveaux de 6 à 10, qui s’appliquentprincipalement à des images d’agressions sexuelles. Le pireaspect de la pédopornographie consiste en des photosillustrant la perpétration d’un crime. Celles-ci représententdes agressions sexuelles très graves, il faut s’en souvenir. Ilne s’agit ni d’images artistiques, ni de fantasmes, mais d’unenfant en chair et en os qui est agressé et photographié.

Notre base de données comprend peu d’enfants de 12 anset plus, car nous utilisons des mensurations anthropomé-triques pour déterminer et décrire les caractéristiquesfaciales et corporelles. Une fois que le sujet a atteint lapuberté, il devient très difficile de déterminer précisémentson âge. La base de données est donc très restreinte pourcette tranche d’âge, et nous disposons de très peu d’infor-mation dans ce domaine.

Nous nous concentrons sur les nouvelles photographies etavons des connaissances très vastes à ce sujet. Le contenude notre base de données est très large et constitue proba-blement un échantillon représentatif du matériel diffusé.Comment puis-je en être si sûr? Je ne peux rien affirmeravec certitude, mais je sais qu’elle contient un très grandnombre de photos, sans doute presque tout le matérielaffiché dans les groupes de discussion que nous surveillonsdepuis trois ans. Nous avons également des enregistre-ments de surnoms et d’adresses IP ayant servi à l’affichagede ce genre de matériel.

Voici un exemple d’enregistrement dans la base de données(voir l’annexe III). Il décrit la qualité et les caractéristiquesdes photos, avec une rubrique réservée aux détails commel’arrière-plan. Bien sûr, cette photo n’est pas de naturepornographique, mais j’estime qu’il s’agit d’un enfant àrisque, car la photo provient d’un groupe de discussionde pédophiles. Nous avons conservé cette photo, nonpas parce qu’elle est illégale, mais parce que nous avonsl’impression qu’une photo illégale de ce même enfantpourrait être affichée plus tard. Nos soupçons dans cegenre de cas se sont confirmés à plusieurs reprises. Il suffiten fait de se demander : « Pourquoi 20 ou 30 photos de cetenfant sont-elles affichées dans un groupe de discussionde pédophiles? »

La base de données contient environ 60 000 photos et plusde 400 vidéoclips qui durent de quelques secondes à envi-ron 20 minutes. Ces vidéoclips ne sont pas facilementgérables en raison de leur volume. Ils ne constituent pourl’instant qu’une part minime des échanges. Toutefois,leur fréquence augmentera à mesure que la technologiede compression s’améliorera. Actuellement, le matérielse compose donc en très grande partie de photos. Surles 60 000 photos que nous possédons, près de 43 000représentent des filles et 18 000 des garçons. Parmi lesphotos très obscènes, environ 7 p. 100 des photographiesde filles et 26 p. 100 des photos de garçons sont nouvelles.Ces chiffres confirment nos constatations, à savoir que lesgarçons sont surreprésentés par rapport aux filles dans lenouveau matériel.

Ce transparent sur les plages d’âges donne une idée de larépartition des photos nouvelles ou récentes par âge. On

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voit ici que 7 p. 100 des photos de filles entrent dans lacatégorie des 13 à 15 ans et que 0 p. 100 appartiennent augroupe des 15 à 17 ans. Cela est bien sûr absurde. Il y a desmilliers de photos de jeunes de ces groupes d’âges, maisnous ne les surveillons pas étant donné que nous ne pou-vons pas être surs de l’âge exact. Nous n’allons pas plusloin que les enfants d’environ 12 ans. Nous pouvons êtreun peu plus précis avec les garçons, dont la puberté se pro-duit un peu plus tard. Le groupe d’âge prédominant seraitde 9 à 12 ans. La chose la plus inquiétante dans ces statis-tiques est que 10 p. 100 des images sont celles de bébés oude tout-petits.

Plages d’âges des images nouvelles ou récentes

Les enfants photographiés sont en grande majorité de raceblanche. Je suis toujours surpris du nombre très réduit,presque nul, d’enfants noirs. Nous savons toutefois quel’exploitation sexuelle des enfants noirs est aussi fréquenteque celle des enfants blancs, mais que les enfants noirs nesont pas pris en photo, ou du moins n’apparaissent pasdans Internet.

La répartition par âge des enfants qui apparaissent dans lesvidéoclips est très proche de celles des photos. Ici aussi, legroupe d’âge prédominant est celui des 9 à 12 ans.

Nous retrouvons en moyenne dans les images téléchargéesenviron deux nouveaux enfants par mois, ce qui veut direqu’environ deux enfants apparaissent chaque mois dans lesgroupes de discussion. La fréquence de leur apparition estnéanmoins très irrégulière. Certains mois, on ne détecterien de neuf, alors qu’à d’autres moments, on remarque untrès grand nombre de nouveaux enfants. On nous demandesouvent quelle est la quantité de pédopornographie encirculation. Pour moi, cette question n’a pas de sens. Eneffet, une grande partie du matériel en circulation pro-vient de vidéos. On peut extraire de 1 000 à 5 000 capturesd’images vidéo à partir d’une vidéo de 30 minutes. Il n’estdonc pas logique de parler de la quantité de matériel, ilconvient plutôt de se concentrer sur le nombre d’enfantstouchés. Nous avons l’impression que les enfants apparais-sant sur ces images sont de plus en plus jeunes, en parti-

culier les filles. Les images sont presque exclusivement dequalité artisanale. Elles sont prises dans des foyers, dansdes chambres, voire des chambres d’enfants. Il est très alar-mant de constater le nombre croissant d’enfants d’Europede l’Est qui sont apparus ces dernières années.

Nous estimons que notre base de données contient de300 à 350 enfants (220 garçons et 130 filles) dans la caté-gorie des images nouvelles ou récentes. Les images pro-duites dans les dix dernières années montrent donc que300 à 350 enfants ont fait l’objet d’actes d’agression sex-uelle très graves. Il n’est pas toujours facile de distinguer lesenfants sur ces photos. La même personne peut apparaîtresur de nombreuses images. On n’est pourtant jamais sûrqu’il s’agit de la même personne en raison des distorsionsd’une photo à l’autre. Nous connaissons l’identité d’envi-ron 12 des filles de notre base de données, ces affairesayant été résolues. Pour les garçons, ce chiffre est de deux àdouze, ce manque de précision étant dû à la saisie récenteen Italie d’images de garçons russes.

Outre ces cas, nous possédons de 1 600 à 1 800 photosd’enfants nus. Elles ne sont pas considérées comme desimages sexuelles, car les photos ne montrent pas de rela-tions sexuelles avec des adultes, mais il demeure que cesenfants ont posé nus. Dans de nombreuses juridictions,ce genre de photos est interdit, mais ce n’est pas le caspartout. Il est raisonnable de penser que la plupart de cesenfants ont également fait l’objet de violences sexuelles,mais que l’on ne possède pas les photos ou qu’aucunephoto n’a été prise. À mon avis, les chiffres que je vousai présentés sous-estiment grossièrement le nombre d’enfants touchés, mais c’est tout ce dont nous disposonsà cette heure.

Il convient de souligner que, selon nous, Internet demeureactuellement avant tout un mode de distribution, et non deproduction. La vidéo est le principal moyen de production.Le nombre de captures d’images vidéo que l’on trouve dansInternet est révélateur à cet égard. Je mentionnerai à titred’exemple la série « kindergarten » ou « kg » (maternelle).Elle se compose de 3 000 à 4 000 photos représentant unetrentaine de petites filles âgées de 18 mois à 6 ans. Cettesérie est depuis plusieurs années accessible par Internet,mais de nouvelles images y ont récemment été ajoutées.Un grand nombre de photos très, très obscènes d’unede ces petites filles est apparu il y a un mois. C’est là unexemple évident de production de pédopornographie ensérie, où de nombreuses petites filles sont victimes d’agres-sions sexuelles très graves.

La pédopornographie se trouve très facilement dansInternet, mais il est peu probable que vous tombiez des-sus par hasard. Nous surveillons les groupes de discussion

Pourcentage de filles Pourcentage de garçons

Âge des représentées sur représentés sur

enfants les photos les photos

0 à 2 ans 10 % 1 %

3 à 5 ans 21 % 3 %

6 à 8 ans 21 % 19 %

9 à 12 ans 41 % 56 %

13 à 15 ans 7 % 14 %

15 à 18 ans 0 % 7 %

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A U S E R V I C E D E S C A N A D I E N S

et nous avions l’habitude de contrôler les canaux IRC. Leprotocole IRC est ouvert au public, mais il comprend descanaux privés protégés par mots de passe, ainsi que descanaux secrets ou invisibles également protégés par cemoyen. Il existe encore dans IRC des canaux de serveurs,un des plus connus étant W0nderland.

Les babillards électroniques (BBS) jouent un rôle trèsimportant, en particulier ceux établis dans le Web, commele babillard FGB. Ils indiquent en effet l’emplacementde sites Web de pédopornographie et, surtout, serventde moyens de communication entre les pédophiles. Leproblème avec Internet et la pédopornographie n’est passimplement l’affichage et le caractère obscène des images,mais plutôt le fait qu’Internet éveille, soutient et stimulel’intérêt sexuel d’adultes envers les enfants. Du point devue de la stimulation de cet intérêt, la communicationentre adultes est aussi importante, dans notre société, quel’affichage d’images. Les pages Web sont également unesource de matériel. Je continue de penser que le problèmede la pédopornographie consiste essentiellement en uneconspiration internationale de grande envergure. Toutefois,à la différence de la plupart des conspirations, elle n’estpas principalement centrée sur l’argent. Elle peut certesêtre rentable pour certains, mais l’argent n’y joue qu’unrôle secondaire. Pourquoi payer lorsque vous pouveztélécharger tellement de matériel gratuit à partir desgroupes de discussion? Nous téléchargeons de 5 000 à7 000 images par semaine, dont environ 1 000 sont depornographie juvénile. Il s’agit en grande partie de matérielancien, d’images balayées dans de vieux magazines commeLolita et d’autres matériels produits il y a 30 ou 40 ans,lorsque la production et la possession de pédopornogra-phie était légale dans plusieurs pays européens. Toutefois,ce sont les nouvelles images qui sont importantes, car ellestouchent la protection des enfants.

Une ou deux autres remarques… Je tenais à faire cetteprésentation, car elle nous aide à prendre conscience del’ampleur du problème. On dit souvent qu’il y a beaucoupde matériel de pornographie juvénile en circulation… Cetteprésentation vous aura donné un aperçu de l’échantillon ennotre possession. Notre répertoire n’est pas exhaustif, maisil est raisonnablement représentatif de nos travaux.

Quelles sont les priorités? Quels commentaires peut-onfaire sur les présentations d’aujourd’hui? Je crois que lepremier point à souligner est que les enquêtes doivent êtreaxées sur l’enfant. Les policiers ont clairement indiqué quec’est ce qui les guide et qu’ils considèrent les nouvellesimages comme une priorité. Mais il faut savoir à ce proposque si l’on décide d’enquêter sur ce genre d’affaires, il fautleur consacrer des ressources considérables, car elles nesont pas faciles.

Nous avons participé à une enquête concernant une sériede photos, qui a duré près d’un an. Le père de la petite fille,qui avait lui-même pris les photos, vient d’être reconnucoupable et condamné à 12 ans de prison. Les imagesétaient apparues dans Internet environ un an auparavant.Elles ont d’abord été échangées sur des canaux IRC puis,peu après, ont circulé dans les groupes de discussion. Lachance était donc du côté des enquêteurs, qui ont rapide-ment mis la main sur ce matériel. Il leur ensuite fallu un anpour trouver l’auteur du crime, qui résidait dans le sud del’Angleterre. L’examen des photos avait permis de localiserl’endroit et révélait qu’il s’agissait de photos récentes. Enrevanche, l’identification du contrevenant a nécessité uneenquête de grande envergure. Fait intéressant, l’informa-tion qui a mené à son arrestation est venue des douanesaméricaines qui surveillaient IRC. Cette affaire est doncun exemple intéressant d’enquête transfrontalière. L’enfanta été agressée en Angleterre, son père a échangé les imagesen Amérique, l’adresse IP y a été déterminée, puis trans-mise au Royaume-Uni, où le coupable a été appréhendé.Mais c’est le hasard qui a permis son arrestation. D’abord,il a été découvert parce que quelqu’un surveillait ce quise passait. En deuxième lieu, il a été pris parce que le four-nisseur Internet auquel on a demandé de fournir l’adresseIP l’avait par chance conservée pendant huit mois. Le four-nisseur n’avait plus l’information pour le mois suivant oule mois précédent, mais il l’avait pour cette date précise. Ils’agissait d’une simple coïncidence. Cet exemple soulignel’importance du rôle des fournisseurs Internet et de la con-servation de l’information. Terry Jones, policier du grandManchester, mérite des éloges pour avoir mené cetteenquête dans des circonstances très difficiles. En fait,cela soulève un autre enjeu : de qui relèvent ces enquêtes?On savait d’après les photos que la petite fille se trouvait enAngleterre, mais sans avoir aucune idée de l’emplacementprécis. Quel service de police devait dans ce cas se chargerde l’enquête? La police du grand Manchester a finalementaccepté l’affaire en dépit de l’irritation du chef de police,qui voulait savoir pourquoi ils devaient consacrer del’argent à une affaire sans savoir si elle était liée au grandManchester. Le hasard a bien fait les choses, car l’hommea finalement été découvert. Si tel n’avait pas été le cas, lesenquêteurs auraient dû justifier plusieurs années de travailtrès difficile sans aucun résultat pour Manchester, ou mêmepour qui que ce soit d’autre. Ces enquêtes nécessitent desressources colossales, il faut en être conscient.

Tous les intervenants d’aujourd’hui ont souligné l’impor-tance d’axer le travail sur les enfants. La conservation desjournaux des FSI est également essentielle. Je dirai sanshésiter que les fournisseurs devraient conserver les jour-naux pendant plus de trois mois, mais l’important est deparvenir à une solution pratique pour les parties concer-nées, en tenant compte du facteur de rentabilité.

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La coordination et la coopération entre les services depolice sont de toute première importance. Interpol fournitune tribune dans ce sens, du moins jusqu’à un certainpoint. Cette organisation met actuellement en place unebase de données centrée sur la pornographie juvénile.Notre équipe et la police suédoise leur ont fourni tout lenouveau matériel à leur disposition. La base de donnéesd’Interpol sera pratique, mais le défi sera de la gérer. Sanscela, elle n’aura aucune valeur. Quelqu’un devra être affectéà cette tâche en permanence. Nous avons une équipe detrois personnes responsables du fonctionnement de notrebase de données. Elles remplissent également d’autrestâches, mais passent une grande partie de leur temps à trierles images. C’est un travail très laborieux et astreignantpour les étudiants qui en sont chargés. Ici encore, la ques-tion des ressources se pose.

Les points soulevés ont des répercussions importantesen matière de formation, pas seulement celle des policiers,mais aussi celle des autres parties concernées (agents deprobation, travailleurs sociaux, procureurs, etc.) De nom-breux intervenants doivent suivre de la formation et êtreinformés des problèmes existants. Nous participonsactuellement à un processus consistant à interroger ungrand nombre de contrevenants. Un des problèmes quirevient constamment est le manque de préparation desservices d’aide sociale et de probation face à ce genre decontrevenants et à leurs problèmes. Les employés chargésde ces services ont besoin de soutien, car ils ne compren-nent ni le fonctionnement d’Internet ni la nature des pro-blèmes. Ils ne savent même pas quelles questions poserpendant l’entrevue. Ces travailleurs sont peu disposés àagir, car ils craignent que le contrevenant en sache plusqu’eux sur Internet. Ils ont peur de perdre la face et de fairedes commentaires déplacés. Il est également important deformer les parents; ils doivent en effet être conscients desrisques auxquels leurs enfants sont exposés et comprendreles dangers éventuels inhérents à Internet. Si votre mari

passe de trois à six heures par nuit à jouer sur Internet, quefait-il vraiment? Les enfants doivent être avertis des dan-gers auxquels ils s’exposent dans Internet. Un des aspectsest donc le contrôle par les parents, même si la questionprincipale est l’autoréglementation des fournisseurs deservices Internet.

La pédopornographie par Internet existe parce que l’on yconsent. Elle pourrait être contrôlée si l’industrie des FSI levoulait, car la technologie le permet déjà. Si on décidait d’ymettre un terme, on pourrait le faire. Tout dépend donc desFSI, qui rendent ce genre d’activités possibles et préfèrentfermer les yeux. Ce problème doit être réglé non seulementau Canada et aux États-Unis, mais partout dans le monde.

Bien d’autres questions se posent, et je pourrais continuerpendant des heures, mais ma présentation arrive à sonterme. Certains enjeux sont liés à l’âge, d’autres à desquestions diverses et complexes. Il existe toutes sortesde travaux sur la relation entre l’intérêt sexuel des adultesenvers les enfants et Internet, notamment sur le rôled’Internet dans la stimulation de cet intérêt. Autre questionconnexe : l’aggravation de la dangerosité et la détermina-tion du danger que présentent des contrevenants. Il fautsavoir que seuls certains agresseurs sexuels d’enfantscollectionnent de la pornographie juvénile et que tousles collectionneurs de ce genre de matériel n’agressentpas des enfants. Il est difficile de reconnaître et de com-prendre ces limites et d’évaluer le danger que présententdes pédophiles. La mise en évidence d’une personne décou-verte en possession de pédopornographie peut entraverl’enquête à un stade ultérieur. Faire la distinction entrecette personne et quelqu’un pour qui les limites sont rela-tivement bien établies et qui n’irait pas ou probablementpas si loin, c’est un problème majeur de gestion des délin-quants. Mais nous n’avons pas le temps d’en discutermaintenant.

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Annexe I : Questions et discussionJacquelyn Nelson, analyste principale en matière de politiques

Merci à tous. C’est beaucoup d’information à assimiler,mais cela en vaut la peine. Nous allons maintenant passer àla période de questions, de commentaires et d’observations.

Myron Claridge, avocate de la Couronne, ministèredu Procureur général de la Colombie-Britannique

Les fournisseurs Internet affirment ne pas avoir les moyensde conserver les journaux des clients au delà d’une périodetrès courte. Qu’en pensez-vous?

Max Taylor

Selon l’industrie, les fournisseurs ne gagnent pas d’argenten ce moment. Je ne pense pas que cela soit vrai, mais quoiqu’il en soit, nous attendons des organisations qu’ellesexercent une certaine responsabilité sociale. Dans toutautre contexte, il serait inacceptable qu’une entreprisefacilite la perpétration d’un crime. C’est pourtant ce quise passe ici. Je pense donc qu’il appartient à l’industrie desFSI de prendre des dispositions appropriées pour régler ceproblème. Je suis conscient de l’existence d’autres enjeux,comme la promotion de l’essor du cybercommerce àl’échelon international et les exigences relatives aux liber-tés, qui sont très importantes. Mais il faut gérer certainsproblèmes, comme ceux dont nous avons discuté. Il peuty avoir des divergences dans ces domaines, mais je con-tinue de penser que l’industrie des FSI a une responsabi-lité sociale.

Jacquelyn Nelson, analyste principale en matière de politiques

Professeur Taylor, vous avez fait référence à l’autoréglemen-tation; pourquoi penchez-vous pour l’autoréglementationdes fournisseurs Internet?

Max Taylor

En principe, il semble préférable de laisser les organisa-tions se réglementer elles-mêmes. C’est un signe de matu-rité. Après tout, c’est ainsi que procèdent la plupart desprofessions. Les avocats ont recours à cette pratique, ainsique les médecins — même si ces derniers ne le font pastoujours très bien. C’est de plus un procédé rentable, quidonne à l’industrie des fournisseurs Internet l’occasiond’influencer le processus de réglementation à leur avan-tage. Dans ce contexte, j’estime que l’autoréglementationest la voie à suivre. Par ailleurs, lorsque l’on parle de laréglementation des FSI, il faut l’envisager à une échelledépassant de loin les frontières nationales. Il faut toutd’abord régler les questions nationales, mais les problèmesse posent également à l’échelle internationale, et je ne saispas trop comment on peut y faire face, si ce n’est par l’inter-

médiaire d’un organisme des Nations Unies ou du mêmegenre. Il faudrait que ce genre d’efforts repose sur un con-sensus, car nous ne pourrons imposer notre point de vueaux fournisseurs des autres pays.

Sergent Emmett Milner

Nous avons rencontré un groupe de fournisseurs Internetil y a trois semaines et l’un des points mis en évidence aucours de la discussion est que la plupart de ces fournisseursne savent pas ce que l’on attend d’eux du point de vue del’application de la loi. Je crois que nous avons fait avan-cer les choses dans ce domaine. Nous travaillons avecl’Association canadienne des fournisseurs Internet (ACFI),qui a un code de déontologie pour ses membres, et tentonsd’informer les fournisseurs des attentes des services depolice. C’est un pas en avant. En mai 1999, le Conseil dela radiodiffusion et des télécommunications canadiennes(CRTC) a décidé de ne pas réglementer les fournisseursInternet, ce qui nous met dans une situation délicate. Il estmalheureusement possible que quelqu’un doive souffriravant que des décisions appropriées soient prises.

S/D Wayne Harrison

J’ai du mal à croire qu’un fournisseur de servicesInternet qui sait que certains des groupes de discussionauxquels il donne accès sont intitulés, par exemple,alt.sex.paedophilia.girls, n’a aucune responsabilité à cetégard. À mon avis, si ce fournisseur permet l’accès à cegroupe de discussion, il contribue à la diffusion de pédo-pornographie. Je ne comprends pas comment il pourraitnier sa part de responsabilité.

Max Taylor

N’oublions pas que nous ne poursuivons par les servicespostaux qui distribuent du courrier obscène, du fait de leurstatut de « transporteurs publics ». Certains fournisseursInternet ont invoqué le même argument pour leur défense.

Andrew Oosterbaan, chef adjoint chargé des litiges

Des entreprises comme AOL et Microsoft sont très activesen matière de surveillance et d’autoréglementation; ellesrecherchent l’avis des forces de police sur ce qu’ellesdevraient faire de l’information qu’elles obtiennent.Malheureusement, de très nombreux fournisseurs nesuivent pas ce modèle et n’ont pas l’intention de s’auto-réglementer, peu importe ce que nous faisons ou ce questipulerait l’organe d’autoréglementation. Le problème estdonc multidimensionnel. J’ai participé à des réunions avecdes spécialistes de la sécurité d’AOL et de Microsoft, quinous ont dit : « On sait qu’ils seront de retour très peude temps après qu’on les aura enlevés du réseau. On lesenlève, ils ressurgissent autre part, et ainsi de suite ». Noustentons donc de mettre en place un processus par lequel

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ces fournisseurs nous communiqueraient l’informationdont nous avons besoin pour poursuivre ces délinquantset mettre fin à ce jeu du chat et de la souris. Au cours desmêmes réunions, les participants nous ont indiqué quenous pouvons toujours leur procurer l’information, maisqu’ils n’ont pas les ressources pour faire face au problème.Il y a des centaines de cas qui apparaissent tous les jours,bien trop pour que les services de police puissent y donnersuite. Des lois ont été promulguées et des règlements sontactuellement mis en œuvre, nous verrons quels en serontles effets.

Myron Claridge, avocate de la Couronne

Quelles sont les sanctions imposées dans le cas d’infrac-tions à la loi?

Andrew Oosterbaan, chef adjoint chargé des litiges

La loi a été rédigée il y a très longtemps et nous n’avons pasencore mis en œuvre les règlements. À mon avis, les rela-tions seront très faciles avec les gros fournisseurs Internet,mais plus difficiles avec les petits fournisseurs.

Jacquelyn Nelson, analyste principal en matière de politiques

Il est l’heure de conclure. Je remercie de nouveau chacund’entre vous de votre présentation.

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Annexe II :Documents d’exposé de

Andrew Oosterbaan

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Annexe III :Documents d’exposé

de Max Taylor

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