3ème colloque interdisciplinaire sur la Défaillance d’Entreprise – 15 juin 2018 – Caen

DIFFICULTÉS ET ÉCHECS DES ENTREPRISES BRITANNIQUES INSTALLEES DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE

MOTS CLES : Brexit, Britanniques, entrepreneurs, échecs, expatriés.

Codes JEL : F22, L26, M13.

RESUME :

Le vote du Brexit en juin 2016 a rappelé l’existence des 300 000 britanniques installés en France. Les medias ont ainsi relayé de nombreux témoignages d’expatriés exerçant une activité économique, inquiets des conséquences de la sortie de l’UE sur leurs affaires : augmentations des taxes et impôt, accès à certaines professions, instauration de visas...

Malgré leur volonté de rester en France, l’insertion de ces entrepreneurs n’est pas flagrante selon les publications grand public (articles de presse, sites internet), qui évoquent des difficultés d’installation et même nombreux échecs (Lagarde & McElwee, 2016). D’après la presse, les causes seraient multiples : manque de préparation, manque de compétences, marché limité entre expatriés, problèmes familiaux, difficultés avec la langue et la règlementation (irrégularités, travail au noir), …

Les rares études académiques sur ces britanniques entrepreneurs en France (Lardies, 1999 ; Stone & Stubbs 2007) ne permettent pas de trancher parmi les idées véhiculées par l’expression populaire.

Cette question des difficultés connaissant une acuité particulière avec l’application du Brexit en 2019, nous proposons d’étudier les principaux déterminants des problèmes et des échecs des entreprises britanniques dans le Sud-Ouest de la France.

L’état de l’art a consisté à extraire de la littérature géographique et sociologique sur ces expatriés, les informations éparses sur leurs activités et situations économiques. Puis, il s’est agi de faire converger 3 champs de la littérature entrepreneuriale, puisque ces entreprises cumulent certaines difficultés des néo-ruraux (Saleilles, 2006), des migrants (Waldinger et al., 1990 ; Stone & Stubb, 2007), et des petites entreprises en général (Levratto, 2011), notamment les plus récentes (Khelil et al., 2012).

L’approche terrain en Nouvelle Aquitaine rurale, a consisté en une douzaine d’entretiens semi-directifs avec des témoins privilégiés (Quivy et Van Campenhoudt, 2006) (élus locaux, associations d’expatriés, agents immobilier, chambres consulaires) ; puis avec une dizaine d’entrepreneurs britanniques dans des situations économiques et sociales variées.

Valentina DI PIETRO Doctorante en Gestion Université de Limoges

CREOP EA4332

Vincent LAGARDE Maître de Conférences Université de Limoges

CREOP EA4332 vincent.lagarde@unilim.fr

3ème colloque interdisciplinaire sur la Défaillance d’Entreprise – 15 juin 2018 – Caen

En clé de lecture, nous utilisons le modèle de Gartner qui préconise d'étudier le phénomène entrepreneurial selon quatre dimensions : l'individu, le projet, le processus et son environnement (Gartner, 1985); parce qu’il est particulièrement adapté, à la fois à l’appréhension multidimensionnelle des difficultés (Khelil et al., 2012) et à l’approche des expatriés entrepreneurs (Stone & Stubb, 2007).

La plupart des difficultés annoncées par la presse et la littérature sont vérifiées, mais dans des proportions variables selon les profils et les types d’activités. Comme il y a confusion du projet de vie (vivre en France, devenir propriétaire) et du projet économique, la notion d’échec est très subjective et très relative (Jenkins & McKelvie, 2016). L’entreprise n’est qu’un moyen de réaliser le principal projet familial de rester en France. Les micro-entreprises très souples (entretien parcs et jardin, bricolage maçonnerie et électricité, …) sont davantage dans une logique de subsistance. Elles sont donc moins affectées par les problèmes de compétence, de marché limité entre expatriés et de sous-investissement, que les plus importantes (bar, restaurant…). Les plus entreprenants ont de véritables stratégies et sont dans de meilleures situations économiques et sociales. Ils sont également mieux intégrés localement. La question du sens de la relation entre l’intégration du dirigeant est l’échec de l’entreprise est interrogée. Selon ses modalités finales, le Brexit pourrait avoir des effets importants sur ces entreprises, les fragiliser, voire en condamner certaines.

DIFFICULTÉS ET ÉCHECS DES ENTREPRISES BRITANNIQUES INSTALLEES DANS LE SUD-

OUEST DE LA FRANCE

3e Colloque Interdisciplinaire sur la Défaillance d’Entreprise - CAEN, 15 juin 2018

Valentina DI PIETRODoctorante en Gestion

Université de Limoges

CREOP EA4332

Vincent LAGARDEMaître de Conférences

Université de Limoges

CREOP EA4332

vincent.lagarde@unilim.fr

SITUATION ET CONTEXTE DU BREXIT

Les Brits expatriés veulent rester en France, mais sont inquiets: accès au système de santé, augmentation des taxes et impôts, accès à certaines professions

Le Brexit a rappellé à la France la présence des expatrièsBritanniques

I- CONTEXTE DES EXPATRIÉS BRITANNIQUES EN FRANCE: “A Year in Provence”, avant le chaos 2021

Cependant, la revue de presse ante-Brexit (2010-2016) interroge sur l’intégration et la situation économique et sociale de ces entrepreneurs Britanniques…

Questions :

QUELLE EST LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DES

BRITANNIQUES ENTREPRENEURS INSTALLÉS EN FRANCE ?

• Quels sont les facteurs de réussite ou d’échec de ces

entreprises ?

• Le Brexit compromet-il leur situation et leur avenir ?

- Combien sont-ils ?

Officiellement : 150.000 (British Ambassador in France)

“Far more Britons live in Europe than government statistics suggest” (O’Reilly, 2018)350.000 (Chambre Franco-Britannique de Commerce, 2016)500.000 (associations de défense des expatriés)

- Qui sont-ils?

Plupart sont résidents permanents

Essentiellement des retraités, mais vague Ryanair est plus populaire et plus jeune (de plus en plus

d’actifs)

PROFILS ET SITUATION DE CES EXPATRIÉS EN FRANCE ?Très peu de données, et contestées

- Localisation

Sud de la France rurale (Aquitaine, Languedoc-Roussillon) + Ouest (Bretagne et Normandie).

Connaissances académiques sur les Britanniques vivant dans le Sud-Ouest de la France

- Les motivations à la migration

• Changer de vie et de cadre de vie (Buller & Hoggart, 1994; Barou & Prado, 1995;

Lardies, 1999; Stone & Stubbs, 2007; Benson, 2011).

• Devenir propriétaire : (Buller & Hoggart, 1994; Depierre & Guitard, 2006; Ardillier-

Carras, 2008; Cognard, 2011).

• Différentes vagues : dernière = vague Ryanair (plus populaire, plus jeune)

Une littérature académique encore faible et parcellaire (Ferbrache, 2011)

- Les expatriés Britanniques entrepreneurs en France (EBEF)

Seulement 2 articles spécifiques : Lardies (1999), Stone & Stubbs (2007).

Mais les autres études (géographie, sociologie, politique) évoquent également

les activités économiques des Brits Expats.

-Plus jeunes que la moyenne des expatriés

- Motivation principale :Projet de vie (sud, campagne, propriétaire)

- Entrepreneuriat par nécessité

- Des activités de services : conseils, accompagnement, immobilier,

tourisme, bar & restauration, petit bâtiment (électricité, maçonnerie),

parcs et jardin…

- Un marché essentiellement entre britanniques

Géographes et sociologues évoquent surtout des

difficultés (Ardillier-Carras, 2008; Cognard, 2011),

des échecs et même précarité et pauvreté

(Schofield, 2014).

Dont ils listent les causes :

-Aucune expérience, faibles compétences

professionnelles

-Impréparation, mauvaise insertion,

méconnaissance de la langue et règles françaises

(Effet Ghetto; Lawson, 2005)

-Illégalité et fraudes

Economie et Entrepreneuriat (Lardies,

1999 ; Stone & Stubbs, 2007):

- Démarche entrepreneuriale

- Compétences professionnelles, avantage

compétitif

-Evoquent quelques difficultés, mais pas

d’échec

- Cluster dynamiques entre expatriés et

touristes Anglophones

Problème : ces 2 littératures divergent radicalement sur la situation de

ces entreprises

II- PROPOSITION : Construction d’une grille analyse multidimensionnelle des difficultés des EBEF (décliné Gartner, 1985)

Croiser littérature sur l’échec & littérature sur les EBEF

+ ajout de la littérature sur l’entrepreneuriat des Migrants (plus entreprenants que la moyenne,

cercles progressifs)(Waldinger et al., 1990) et des néo-ruraux (imbrication projet de vie et professionnel,

ruptures géographique et sociale, culturelle, professionnelle)(Saleilles, 2006)

Individu

Age, situation familiale, santé, nationalité (Irish)

Profil Entreprenant (voir et saisir opportunités)

Principales motivations et objectifs

Compétences : Formation et expérience (dans l'activité), + langue française

OrganisationActivités

BM, dont Clientèle Brits et/ou locale

Intégration locale (réseaux…)

ProcessusPréparation

Accompagnement

Stratégie

Environnement

Situation du territoire (économie, social, géographie)

Quantité et qualité des Brits

Accueil local envers Brits (politique et population)

Brexit

- ETUDE TERRAIN (en cours)

• 18 entretiens semi-directifs (1h30 à 2h + échanges de mails)

- 7 experts

- 11 entrepreneurs, dont 6 témoins privilégiés

• Recoupement déclaration entrepreneurs et perception environnement (autres Brits, élus locaux, experts).

- Nouvelle Aquitaine, première région Brits expats (Dordogne, Charente, ex-

Limousin), variété situations (touristiques/ dépeuplés),

-Activités : services administratifs ou aux entreprises, agent immobilier, parcs et

jardins, maçonnerie, électricité, bar-restaurant, agriculture, institut beauté, …

-TPE et PE : essentiellement des auto-entrepreneurs, rares sociétés (4: Bar,

exploitation agricole, Immobilier, Services)

-Situations économiques variées : -2 florissantes, -plupart modeste-

autosuffisance familiale, plusieurs fragiles, 4 en difficultés,.

RÉSULTATS (partiels)Défaillance: incapacité à atteindre certains objectifs d’ordre économique, financier ou social (Levratto, 2011)

• Validation littérature sur l’échec

-Les causes des difficultés sont combinées et cumulées

-Projets préparés et accompagnés sont en meilleure situation (plus satisfaisants, confiance avenir…)

-Problèmes personnels (santé dirigeant, décès conjoint, divorce) mettent l’entreprise en difficulté, voire précarité. Mais pas nécessairement remise en cause de la vie en France.

-Profil dirigeant est déterminant : plus entreprenant sont meilleure situation, adaptent stratégie et BM, acquièrent compétences nécessaires.

• Littérature entrepreneuriat migrants et néo-ruraux

-Migrants : validation cercles concentriques ethniques et communautaire. Mais pas meilleur esprit entrepreneurial que les autochtones, ni de solidarité entre eux.

-Néo-ruraux: entièrement validée, et même amplifiée par le problème de langue française

Spécificités des EBEF• Important travail au noir et gris (sous-déclarations, irrégularités)

• Echec est relatif : déconnecté de réussite entreprise, car priorité = vivre en France.

-Statut auto-entrepreneur n’oblige pas à dépôt de bilan : s’accommodent de situation économiques précaire. L’échec serait de devoir retourner en GB.

-Effet de seuil pour entreprises plus grandes (restaurant, bar, exploitation agricole) : difficultés menacent dépôt de bilan…

• Cluster pas vérifié, ni véritablement de Ghetto:

• Mais une faible intégration générale du fait de la langue et la vie en communauté d’expatriés.

• Dépendance à la communauté devient un problème lorsque :

- Crise économique (dont baisse Livre),

- Besoin de croissance ou d’argent,

- Business Model pas adapté au territoire (faible densité de Brits ou pouvoir achat faible)

L’IRRUPTION DU BREXIT : contexte bouleversé- Processus du Brexit, et droits des EBEF

• Si accord UE/GB, Période de transition mars 2019 à Decembre 2020 : Les expats

installés et néo devraient conserver leur droits (?)

• Après 1er janvier 2021 (ou dès mars 2019 si pas d’accord UE/GB), les expatriés

deviennent des Third Country Nationals (ressortissants des pays tiers), aux Droits

incertains, selon ce qui sera négocié entre GB et UE.

• Questions concernant l’exercice d’une activité économique (Benton et al., 2018):

1-Le droit de fournir des services à des personnes établies dans un autre Etats

membre ?

2- L’accès au marché du travail dans le pays d’accueil, et les autres pays de l’UE ?

3-L’accès à certaines profession, la reconnaissance des qualifications

professionnelles ?

- Les incertitudes du Brexit pénalisent l’économiedes EBEF. Menacent leur presence en France (/?)

1- Les acteurs économiques anticipent les effets du Brexit (perte de

confiance, precaution…) :

- Perte de commandes et de revenus : Dépréciation de Livre GBP et

incertitudes � Clients britanniques réduisent ou repoussent leurs projets. � Les

EBEF fournisseurs de services perdent du CA.

Problème risque de s’amplifier après 2021 si le flux d’arrivants se tarit.

- Perte de contrats de freelance

- Problème pour obtenir des prets bancaires

Le Brexit bouleverse le fragile équilibre de vie des EBEF, et le remet en cause (marchéintra-Brits, langue, économie grise, faibles revenus…).

Mais le retour en GB n’est pas envisagé : ne veulent pas et souvent ne peuvent plus (plus les moyens d’y vivre; la vie de leurs enfants est en France…)

Selon ce qui sera négocié : risquent de basculer de « fragiles » à « en difficulté ».

2- Les EBEF s’organisent avec difficulté pour conforter leursituation

Demandent des Cartes de séjour

Critères : Sur 5 dernières années, preuve de la residence continue et preuve des revenus et

ressources équivalentes a minima au RSA.

Problèmes : ne remplissent pas les conditions : pas les revenus exigés (leur revenu de subsistance

est inférieur aux minima), ou ne peuvent pas le prouver (sous declaration, travail au noir…)

Limites de l’étude, et questions

• Etude exploratoire encore en cours…

• Complexité pour intégrer tous les éléments pouvant expliquer les difficultés et échecs,

• Nécessité d’agrandir l’échantillon de la phase qualitative, puis envisager une phase quantitative par questionnaire,

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