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DOMAINE PUBLIC Analyses, commentaires et informations sur l'actualité suisse Indépendant, différent, réformiste depuis 1963 En continu, avec liens et commentaires, sur domainepublic.ch D'où vient, où va la révolution numérique? Numéro spécial Tiré à part de 10 articles publiés dans DP de 1994 à 2017, avec une introduction de François-Xavier Viallon DP2173a - Edition du 14 aoüt 2017

DOMAINE PUBLIC · de Steward Brand, artistes, chercheurs, ingénieurs et «néo-communalistes» ont partagé cette vision du monde, reprise par les hackers et autres férus d’informatique

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DOMAINE PUBLICAnalyses, commentaires et informations sur l'actualité suisseIndépendant, différent, réformiste depuis 1963

En continu, avec liens et commentaires, sur domainepublic.ch

D'où vient, où va la révolutionnumérique?Numéro spécial

Tiré à part de 10 articles publiés dansDP de 1994 à 2017, avec uneintroduction de François-Xavier Viallon

DP2173a - Edition du 14 aoüt 2017

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SOMMAIRE

D’où vient, où va la révolution numérique?Introduction à une sélection de dix articles publiés dans DP de 1994 à 2017

Internet: voyage électronique planétaireNous sommes en 1994, l’auteur est de retour à Lausanne après cinq années commechercheur dans une université californienne

Le pouvoir transformateur de la numérisation et du web illustré par DPDe la typo à l’impression à la demande, le progrès technique a bouleversé l’édition

Internet: le blog, nouvelle frontière du débatAu début des années 2000, l'explosion des blogs

Liberté d’expression: l’Internet et le politiquement correct2001: avant les réseaux sociaux, déjà le contrôle du contenu des sites

Nouvelles technologies de la communication: les bytes traquent l’exclusionLe numérique et l'action sociale

Les risques du numériqueL'économie s'adapte, les régulations et systèmes de protection sociale peinent àsuivre

Nouvelles technologies: le vote cybernétiqueLes origines du vote par Internet en Suisse

Affronter la quatrième révolution industrielleLa numérisation généralisée et la connectivité pour tous: chances, mais aussiinégalités et périls en vue

De la cyberadministration à l’Etat 4.0Quand l'Etat se fait «smart», les contacts se virtualisent et les agents publicschangent de travail, voire de statut

Transports: la course dans le nuageLa connexion mondialisée et l'automatisation bousculent les certitudes en matièrede mobilité, pour le rail comme pour la route

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D’où vient, où va la révolution numérique?Introduction à une sélection de dix articles publiés dans DP de 1994 à 2017

François-Xavier Viallon - 14 août 2017 - URL: https://www.domainepublic.ch/?p=31898

Les changements etdéveloppements innombrablesprovoqués par latransformation numériquesurgissent de toutes parts. Ilsconcernent nos viesprofessionnelle, privée etpublique et ne semblent pasprêts de s’arrêter. Cetterévolution est mêmeaccompagnée de son proprelangage: on distingue lettrés etillettrés numériques, et l’ondésigne ces changements parle terme de «disruption»,anglicisme à mi-chemin entredestruction et innovation,rappelant la «destructioncréatrice» dans la productionefficiente de biens et deservices de l’économiste JosephSchumpeter.

Face à ces nombreusestransformations, DomainePublic a souhaité profiter de lapause estivale pour proposerune sélection d’articles publiésdans ses colonnes durant cesdeux dernières décennies. Cepremier état des lieux trèspartiel des changementsinduits par le numérique vise àprendre un peu de distanceface à la myriade denouveautés dont la presse sefait l’écho et à replacer cetteévolution dans un contexte plushistorique et conceptuel. Ils’agit donc de rappeler unesérie de faits marquants,parfois anciens – 15 ans àl’heure du numérique, c’est uneéternité! – mais qui présentent

toujours un intérêt aujourd’hui.

La technologie comme outilde transformation sociale

Dans son ouvrage Fromcounterculture to cyberculture(2006), Fred Turner faitremonter l’origine dutraitement informatique(computing) à la deuxièmeguerre mondiale, lorsque lesecteur militaro-industrieldéveloppait les premierssystèmes d’intelligenceartificielle destinés à l’aviation.Alors que les gouvernementsoccidentaux mobilisaientl’informatique pour luttercontre la menace soviétique etmoderniser l’armement, unecontre-culture composéed’artistes, de hippies et «néo-communalistes» émergeaitdans les années 1960. Cemouvement visait à libérer lesindividus du pouvoirhiérarchisé et bureaucratiquepour permettre une «poursuitecollective de l’intérêt individueléclairé» (p. 14). A l’inverse dela conception dominante, latechnologie était conçuecomme un moyen pourconstruire de nouvellescommunautés et lutter contrel’ordre établi. Sous l’influencede Steward Brand, artistes,chercheurs, ingénieurs et «néo-communalistes» ont partagécette vision du monde, reprisepar les hackers et autres férusd’informatique alternative dansles années 1980.

L’invention du web en 1989révéla toute la force dunumérique au grand public.C’est avec enthousiasme queles premiers explorateurs ontparcouru les immensités de latoile (DP 1159). Avec ladémocratisation de l’accès auréseau des réseaux, des blogscomme sources d’informationet relais médiatiques alternatifsémergent, accélérant ladiffusion d’informations, decommentaires et d’opinions(DP 1573).

Dès 2000, le Conseil fédérallance le projet de voteélectronique (DP 1519) pourfaciliter la participationdémocratique. Aboutissant en2018, le projet est, commeescompté, une actionpionnière. Mais pour l’heure ilne reste qu’un nouvelinstrument de vote fragmenté,les travaux concernant lasignature d’initiatives et deréférendums par voieélectronique étant suspendusfaute de ressources. A fortiori,l’imagination de nouveauxdroits démocratiques renduspossibles par la numérisationn’est pas au programme.

L’internet comme reflet desrapports de force existants

Les conflits et rapports depouvoir de la vie réelle ontrapidement restreint l’espacede liberté prisé par lesmouvements hippies, puis les

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hackers. Ainsi, la compétencede fermer un site webpropageant des idéesd’extrême-droite est restée auxmains de l’hébergeur du site enquestion (DP 1467) et non de lajustice. Sur le plan médiatique,la montée en puissance dunumérique a pris de courtnombre d’éditeurs et d’acteursde l’audiovisuel, remettant enquestion à la fois le support dediffusion et le modèle definancement (DP 2068).

Ces dernières années, ladéferlante des plateformescaliforniennes a substitué lecapital-risque puis lesrendements boursiers à laculture cybernétique: sousprétexte de faciliter la vie del’utilisateur, les plateformesmodèlent à leur gré les règlesd’utilisation de services parailleurs réglementéslégalement (DP 2071). Mais au-delà des opportunismesmalveillants, les changementsqu’entraînent l’automatisationet l’intelligence artificielle fontpeser des contraintes nouvellessur l’emploi et la formation (DP

2110). Et désormais ce sont lesquestions éthiques relatives àl’adoption des robots qui vontse poser.

Dans le secteur des transports,l’adaptation de laréglementation sembleprécéder, assurance et sécuritéobligent, l’automatisation de laconduite. Pour combien detemps encore le sort despersonnes occupées, rarementévoqué, constituera-t-il un freinà cette évolution (DP 2160)?

L’administration publiquen’échappe pas à latransformation numérique.D’un côté, les libérauxmobilisent l’argumenttechnologique pour luttercontre la bureaucratisation etréduire les effectifs – le mêmeargument utiliséprécédemment par la contre-culture nord-américaine pourse libérer de la domination ducomplexe militaro-industriel!De l’autre, la gauche chercheencore un message fortsuscitant l’intérêt de sonélectorat (DP 2167).

Inclusion et exclusion desréseaux

Dans le cadre du Programmenational de recherche 51 surl’intégration et l’exclusion de2005, des chercheurs mettaienten avant le potentiel dunumérique pour créer del’intégration sociale et luttercontre l’exclusion, à conditionque l’utilisation de l’outil soitaccompagnée d’une formationadéquate (DP 1684). Cesrésultats soulignent lesdifférentes modalitésd’utilisation du numérique,pouvant théoriquement aussibien renforcer les liens sociauxque les affaiblir.

On le voit, tant le complexemilitaro-industriel que lacontre-culture ont étélargement débordés par unerévolution numériquedésormais embrassée par toutela société. Avec les problèmeset conflits que cela suppose,mais aussi les défis etopportunités qu’elle ouvre.

Internet: voyage électronique planétaireNous sommes en 1994, l’auteur est de retour à Lausanne après cinq années comme chercheur dans uneuniversité californienne

Gérard Escher - 17 février 1994 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/31921

A l’intérieur d’une entreprise,le «réseau» connecteordinateurs et imprimantes,permet messagerie et gestionde la comptabilité. Surabonnement, on a accès via le

réseau téléphonique à desservices tels que Videotex ou àdes banques de donnéesspécialisées tels que Datastar,SwissLex, Medline. Il existe unautre réseau, InterNet, galaxie

d’universités et d’instituts derecherche, dédié d’abord àl’échange de fichiers (700milliards de caractères parmois entre Etats-Unis etEurope!) Mais InterNet

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constitue aussi unegigantesque banque dedonnées, somme de ce quechaque point du réseau adécidé de rendre accessible,qui son catalogue debibliothèque, qui son discoursdu recteur. Voyage personnel(de deux heures) dans l’espaceplanétaire électronique.

Je joins UseNet, la messagerieglobale de l’InterNet. Lesmessages sont regroupés en3’547 différents NewsGroups.Je m ‘informe d’abord desdernières décisions de la Coursuprême des Etats-Unis — cegroup est géré par AssociatedPress: le juge Scalia interdit aFederal Beef de bloquer unreportage de la chaîne CBS surla viande contaminée. Je passeau group «militanceprogressiste» géré par undépartement d’anthropologieau Missouri; s’y trouve le textecomplet de la déclaration deguerre de l’armée zapatiste (enanglais néanmoins), unedemande de la même arméeaux organisations nongouvernementales de créer uneceinture de sécurité, laproposition du délégué dugouvernement pour desnégociations, une liste de gensmenacés de mort.

Plus près de chez nous,Greenpeace annonce que AEGva produire des congélateursverts qui n’utiliseront plus deCFC. Plus loin, uneorganisation gay demanded’inonder Sony de fax, la firmevoulant s’implanter dans uneville de l’Oregon qui vient devoter une loi anti-gay. Je passe.Dans le group «hypnose», Mikede chez Compaq demande si

l’hypnose pourrait améliorer lacapacité de mémorisation de safille de onze ans, ce dont doutel’anglais Lance. Mike a écritson message en majuscules, cequi déclenche une avalanchede flames, messagessarcastiques ou injurieux. Dansle group «San Francisco», onrapporte la décision d ‘untribunal de ne pas reconnaîtrela qualité de parent à l’ex-compagne d’une mèrelesbienne. Le group dédié auxtechniques de biologiemoléculaire est un des plusactifs, sans doute parce que cestechniques sont elles-mêmesplanétaires; je prends noted’une discussion d’unetrentaine de laboratoires surles qualités d’un kitd’extraction d’ADN. Avant dequitter la messagerie pla-nétaire, un coup d’œil auxderniers gags, dont cette perle:Jesus saves, but we do backups– Jesus sauve, mais nousfaisons des copies de sécurité.

Pour la deuxième heure duvoyage, nous empruntons leGopherSpace (gopher est unécureuil), en pointant notre nezdirectement dans les nœuds duréseau InterNet. De Lausanne,nous passons à l’Université deGenève, avare enrenseignements; j’apprendsque le logiciel PageMaker peutêtre acheté à travers lesservices de l’Université. Lessites InterNet suisses sont lesuniversités, avec le CERN etl’OMS. Je vise cette dernière,qui offre de nombreux services,dont un kiosque électronique.Je feuillette le dernier numérode Discover: Mozart, souffrantd’une hémorragie subduralechronique, serait mort d’une

saignée chirurgicale. LeCalifornia Mining Journalrappelle que malgré les recordsde la Bourse, le prix de l’orreste élevé, ce qui annonceraitun krach boursier pour bientôt.National Review (conservateur)propose un article sur ladémystification du multi-culturalisme, et le New Yorker(libéral) un article sur le retourde Soljénitsyne en Russie. Il n‘y a pas de journaux non-américains. Fin, et départ pourles serveurs d’Afrique;surprise, seule l’Afrique du Sudest représentée (il faut unréseau téléphonique perfor-mant pour InterNet); j’obtiensle programme d’études de laFaculté des sciences de l’Uni-versité de Pretoria. Entraversant l’Atlantique, je meconnecte sur la MaisonBlanche, mais hélas il n ‘y aque les documents Clintond’avant son élection.Néanmoins, un serveur auMinnesota archive les discoursClinton; j’obtiens celui du 12février sur la situation au suddu Soudan (elle est alarmante).Mon écureuil visite ensuite laLibrary of Congress; jeconstate que Domaine public n‘y est pas archivé (Il y anéanmoins un livre Domainepublic, par Jean Dufau). Puis levoyage se heurte à quelquesdifficultés; impossibilité de seconnecter au Département desaffaires étrangèreséquatoriennes, au serveur de laSociété américaine dephilosophie, à l’universitéchinoise de Hongkong.L’université acadiennem’informe qu’elle a unepolitique anti-tempête deneige.

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Je termine par une rechercheplanétaire du mot poulet, quidonne

deux recettes (basées sur1.des boîtes de conserves)l’adresse du comité2.gérant le séquençage dugénôme du poulet.

Je me console en pointant monécureuil sur american.edu(université catholique) qui mepropose une image pieuseélectronique de sainte Clairequi ornera désormais monécran. :-)

Les smilies

On peut exprimer ses émotionsdans les dialogues qui sedéroulent sur InterNet, grâce à

des centaines de smilies.:-) heureux; «j’en ris, jeplaisante…»:-( m alheureux ou déprimé; n’apas apprécié un message.:-l indifférent;- ) clin d’œil (flirt ousarcasme); «ne me tuez paspour ce que je viens d’écrire»:-> plus fort que :-)% -) «je viens de regarderl’écran pendant dix heures desuite»1-0 «j’en bâille d’ennui»:-x «je ne parlerai pas»< l-( «je suis Chinois etn’apprécie pas cesplaisanteries»

Internet

Né de la reprise par lesscientifiques d ‘un réseau misen place par les militaires,

InterNet est devenu un «réseaude réseaux», regroupant entre15 et 40 millions d’utilisateurs;il s’internationaliserapidement.

Sans directeurs à sa tête, sesstandards sont mis au point pardes groupes de volontaires.L’Etat paie les «autoroutesélectroniques» qui passent pardes satellites, et les institutions(universités, collèges, grandescompagnies) les connexionslocales.

Les services d’Internet doiventêtre dévoués à l’éducation et àla recherche uniquement; lesactivités purementcommerciales sont excluesmais on parle de privatiserInterNet.

Le pouvoir transformateur de la numérisation et du web illustrépar DPDe la typo à l’impression à la demande, le progrès technique a bouleversé l’édition

François Brutsch - 07 février 2015 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/27222

De la typographie à l’éditiond’un livre impriméindividuellement, à lacommande, DP illustre bien lesdéfis et les opportunitésqu’apportent les évolutionstechniques dont lanumérisation et le web ne sontque les plus récentes… enattendant les suivantes.

En 1963, le cœur de lafabrication d’un journal, c’estl’imprimerie: c’est là qu’une

liasse d’articlesdactylographiés ou écrits à lamain est composée (certes à lamachine et plus comme autemps de Gütenberg), ligne àligne, bloc à bloc, page aprèspage relue et corrigée surplace, pour donner un modèleen plomb qui sert àl’impression sur le papier.L’offset, qui substitue deséléments photochimiques auplomb, change le métierd’imprimeur mais pas vraiment

le rapport entre client etfabricant.

Celui-ci commence de setransformer avec l’électroniqueet le développement destélécommunications: certainsarticles n’ont plus besoin d’êtreretapés, ils sont repris d’unedisquette ou envoyés parmodem via la lignetéléphonique… Et la mise enpage peut s’effectuer surordinateur. En 1985, DP est

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parmi les précurseurs qui, surMacintosh, internalise alors cetravail, ce qui permet uneréduction du délai de bouclagerédactionnel. On remet d’abordl’original des pages puis,lorsque l’imprimerie se seraéquipée, un simple fichier.

Parallèlement les archives, quiauparavant n’existaient quesous forme d’une collectionreliée à aller consulter enbibliothèque, sont mises enligne – c’est une entreprisesuisse issue de l’EPFL,4digitalbooks, qui est le leaderde ce secteur et vend sonsavoir-faire et ses machinesdans le monde entier.

DP peut aussi proposer unabonnement PDF à prix réduiten alternative au papier,puisqu’il économise les frais deport. Jusqu’au renversement dedébut 2007, face aux réalitéscomptables et aux contraintesmatérielles de la productiondont la numérisation permet delibérer l’équipe de bénévolesdispersés qui écrit les articles:ces derniers sont désormaisdisponibles en ligne, le journalqui les rassemble devient unproduit dérivé, purementvirtuel (un sommaire portantun numéro) ou sous forme defichier PDF (à lire à l’écran ouà imprimer: il bénéficie d’unemise en page magazine),complété ultérieurement pardeux éditions eBook pour lesliseuses (Kindle ou autres) etapplications pour ordinateurs,

tablettes et smartphones.

L’édition et lacommercialisation de livres ontbien sûr également connu desbouleversements. Lestélécommunications, parexemple, ont eu pour effet laconcurrence d’imprimeriesétrangères meilleur marché…Aux librairies traditionnellessont venues s’ajouter deslibrairies en ligne, Amazon entête. Même les librairesd’occasion peuvent maintenantvendre au monde entier. Lelivre imprimé (éventuellementlu sur cassettes pourmalvoyants) s’est diversifiépour tous en audiolivres et eneBooks – au point de ne parfoisplus exister sur papier. Mêmele financement évolue: outrel’éditeur dont c’est le métier oula publication à compted’auteur, les sites definancement collaboratif dutype Kickstarter ou Ululepermettent désormais de«prévendre» un ouvrage demanière à le réaliser aumoindre risque financier.

Mais l’édition et l’imprimeriechangent totalement enembrassant résolument latransformation des processusque permet l’informatisation,donnant à l’auteur un pouvoirqu’il n’avait jamais eu. Ce sontdes contraintes mécaniques etde rentabilité, par exemple, quiexigeaient de centraliserl’impression et renchérissaientconsidérablement les petitstirages. Désormais, des sites

web permettent de concevoirde bout en bout un vrai livresur son ordinateur (uneapproche professionnelle, parles soins d’un graphiste, faitcependant toute la différence),puis de le mettre en vente enligne. Et c’est seulement à lacommande – et même plusprécisément au paiement – quel’ouvrage est envoyé à uneimprimerie pour fabrication etenvoi.

Le précurseur, Lulu.com, pilotedepuis la Caroline du Nord unréseau multilingue, multisiteglobalisé (il y a même uneversion suisse), mais Amazons’y est mis aussi et desalternatives européennesexistent. En Suisse, toutefois,les deux entreprises quiprétendent proposer del’impression à la demanden’ont simplement pas donnésuite aux démarches de DP…

Ce procédé convenait d’autantmieux au Panorama des impôtsen Suisse édité par DP que toutrisque financier sur uninvestissement aléatoire étaitinacceptable: or le tirage allaitnécessairement être faible touten étant impossible à prévoir,puisque par ailleurs l’ouvrageest accessible gratuitement surle site (édition PDF)!L’impression à la demande apar ailleurs permis d’offrir,sans coût supplémentaire pourDP, le choix entre édition noiret blanc ou, en y mettant leprix, édition couleur…

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Internet: le blog, nouvelle frontière du débatAu début des années 2000, l'explosion des blogs

François Brutsch - 26 septembre 2003 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/611

«Au commencement était leVerbe». C’était aussi vrai sur leWeb, développement del’Internet (alors limité àl’échange de messages) qui apermis de naviguer de page enpage par l’intermédiaire del’hypertexte, ces liens surlesquels on clique. Mais bienvite c’est devenu un festival decouleurs, d’images et de sons.

La dernière rage sur l’Internetmarque un retour aux sources:du texte avec des liens. C’estorganisé comme un journalintime, par entréeschronologiques, sauf que celan’a rien d’intime (ou alors trèsexhibitionniste) puisque c’estdestiné aux internautes. On lesappelle des blogs, contractionde web log; en français onpourrait proposer blog-notes.

Ce qui a permis leur essor,c’est la mise à dispositiond’outils simples à utiliser,gratuits, comme l’hébergementde ces sites d’un genreparticulier: le plus répandu estBlogger, de Blogspot (qui vient

d’être racheté par Google). Encinq minutes, vous vousinscrivez, faites votre choixparmi différents modèles pourla mise en page, et c’est parti:vous écrivez votre journaldepuis n’importe quelordinateur connecté àl’Internet. Il y en a désormaisdes millions, et pas toujours oùl’on croit: l’un des pluscélèbres est le blog de SalamPax, commencé à Bagdadencore sous la dictature deSaddam Hussein, sourceirremplaçable d’informationsvécues avant, pendant et aprèsla guerre; aujourd’hui les blogsdes étudiants iraniens enrévolte pour la démocratievalent aussi la lecture.

Certes, on conçoit peut-êtredifficilement un blogdémocrate-chrétien suisse: paressence, c’est un instrumentd’agitateur, de minoritaire. Ontrouvera donc plutôt des blogsaltermondialistes, libertaires(anarcho-capitalistes) ou de lagauche favorable àl’intervention en Irak que despoints de vue politiquement

corrects.

Il y a bien sûr de tout sur lesblogs, également du médiocreet de l’inintéressant. Mais la«blogosphère» représente unphénomène passionnant parson immédiateté et soninteractivité, particulièrementdans son application àl’actualité et aux médias. Al’heure où l’informationfonctionne en boucle – radios,télés et journaux répétant lamême chose – ce qui fait ladifférence, c’est la mise enrelation, l’analyse critique: ellepeut se trouver désormais surun blog dans l’heure qui suit,rapidement relayée pard’autres blogs. C’est l’une desexplications données à lapercée de Howard Dean dansla course à l’investituredémocrate pour l’électionprésidentielle aux Etats-Unis.Du témoignage brut aucommentaire charpenté, le blogapporte un éclairage nouveauqui s’impose désormais auxjournalistes comme auxpolitiques.

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Liberté d’expression: l’Internet et le politiquement correct2001: avant les réseaux sociaux, déjà le contrôle du contenu des sites

François Brutsch - 23 mars 2001 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/594

Est-il judicieux qu’unhébergeur ferme un site quivéhicule des idées d’extrême-droite? C’est la question qui sepose, en marge del’organisation de la Gay Pride,à Sion.

Rien n’obligeait le journalvalaisan Le Nouvelliste àpublier une annoncehomophobe. Mais fallait-ilvraiment que le site deRomanDit soit fermé par sonhébergeur? En fait c’estl’arroseur arrosé: la polémiquene porte plus guère sur la GayPride prévue pour le 7 juilletprochain à Sion mais surl’annonce outrancière publiéepar Le Nouvelliste à l’initiativede l’association RomanDit(organisation d’extrême droitechrétienne). Elle ainvolontairement provoqué uneprise de conscience assezgénérale, en Valais et ailleurs,sur les dangers del’intolérance. Les animatriceset animateurs des mouvementsde défense des gays et deslesbiennes, ou plusgénéralement des droits de lapersonne, ne pouvaient rêvermieux; et c’est à juste titrequ’ils ont préféré une ripostepolitique et médiatique à unealéatoire démarche juridiquecontre RomanDit ou contrel’éditeur du journal.

Dans ce cadre, la fermeture(forcément provisoire, le tempsde trouver un nouvelhébergeur) du site Internet

romandit.ch a été applaudie unpeu comme, dans un théâtre deGuignol, le retour du bâton.Mais les conditions danslesquelles elle est intervenuedevraient inquiéter celles etceux qui sont attachés à laliberté d’expression (et quisavent qu’il n’y a pas que l’Etatqui est susceptible de lamenacer).

Simple capriced’hébergeur?

C’est l’opérateur chez qui lesite était hébergé qui aunilatéralement retiré la prise,en quelque sorte. Il avait étéinterpellé vigoureusement parun gay d’Avignon, raconte lesite gayromandie.ch qui, poursa part, souligne bien le dangerd’empêcher RomanDit des’exprimer ouvertement. On semet à la place de l’hébergeur:sa profession de foivertueusement indignée faisantle lien avec des sitesxénophobes oupornographiques lui évite aussiune campagne de mailings etune détérioration de son imagede marque.

On a envie de dire: bravo lesmilitants d’avoir su frapper aubon endroit. Comme utilisateurde l’Internet, on est plusperplexe: ainsi votre site peutêtre fermé d’une minute àl’autre, par simple caprice del’hébergeur? Transposez celaau bail pour d’hypothétiques

locaux de RomanDit, voire àson approvisionnement enélectricité… Imaginez surtoutque ce qui arrive à cetteassociation peut arriver demainà un site outrancièrementanticlérical, par exemple, voireà un site gay. La libertéd’expression est celle deconsommer, mais aussi deproduire des points de vue pardéfinition odieux pour lamajorité, qu’elle soitsilencieuse ou politiquementcorrecte.

On dira: cela concerne lecontrat entre RomanDit et sonhébergeur, et il y en a biend’autres sur le marché. Enréalité, même s’il y a violationdu contrat, la procédure àmener pour la sanctionner(lourde) et la réparationpotentielle (insignifiante) nesont guère appropriées. Et laplupart des hébergeurs secouvrent, dans leurs conditionsgénérales, par des clausesdiscrétionnaires rédigées entermes vagues.

Accepter que naissent lesconflits

Un bistrot n’a pas le droit derefuser de servir des clientspour des raisonsdiscriminatoires. Pourl’Internet comme d’ailleurspour la télévision par câble (onse souvient de cet opérateuralémanique qui avait retiré laBBC de son offre en

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représailles contre l’émission«La Suisse et l’or des nazis»,dont nous avions parlé dansDomaine Public n° 1308), onpeut se demander si, dans lavision européenne du servicepublic, il ne devient pasnécessaire de mieux garantirl’exercice effectif des libertés

dans l’utilisation des moyensmodernes de communication.

L’alternative, c’est d’accepterjoyeusement le conflit quenotre société anesthésiée tendà évacuer. Vivent les pressionset autres boycotts, et que les

minorités sachent se donner lesmoyens vigoureux d’exister;dans le temps c’était la Maisondu peuple, aujourd’hui ce seraitun serveur propre pour leslibertaires de gauche ou, biensûr, l’extrême droitechrétienne. Une société àl’américaine, en somme…

Nouvelles technologies de la communication: les bytes traquentl’exclusionLe numérique et l'action sociale

Daniel Marco - 31 mars 2006 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/9033

Loin d’isoler les individus, lesordinateurs, le Web, les e-mailsles poussent au contraire versde nouvelles formes desocialisation. Une étudeexamine les effets desnouvelles technologies sur lalutte contre la marginalité.

On reproche souvent auxnouvelles technologies del’information et de lacommunication (NTIC) defavoriser l’isolement desindividus: chacun serait seuldevant son écran ou derrièreson ordinateur. Les critiquesvont même jusqu’à prédire unesociété aux espaces extérieursvides, constituée d’individusretranchés qui necommuniquent entre eux quepar l’intermédiaire demachines. Ils rejoignent ceuxqui se lamentent surl’inexorable avancée d’unindividualisme prétendumentantisocial et antisolidaire.

L’individualisme social estpourtant loin d’être avéré etreste un projet porté par dessensibilités très différentes etopposées. De plus, les grandesmanifestations périodiques etrevendicatives telles que lesgay-prides, ou tout simplementfestives comme la Lakeparadeà Genève, la Street-parade àZurich, carnavalesques ouencore sportives, rassemblentdes foules nombreuses. Quantaux rues des grandes villes,elles ne désemplissent pasd’automobiles et de piétons 24heures sur 24. Rappelonségalement que les nouveauxmoyens de communicationpermettent de convoquerrapidement desrassemblements au nez et à labarbe des forces de l’ordre.

Les NTIC ont investi le travailet la production. Dans unegrande majorité de métiers etde professions, leurconnaissance et leur maîtrise

sont devenues nécessaires pourobtenir un emploi. Larequalification professionnelleen la matière est quasiobligatoire après une périodeplus ou moins longue dechômage. La demande et l’offrede cours de formation auxNTIC de la part de personnesen recherche d’emploi sont trèsimportantes.

Si l’on en croit une étuderéalisée dans le cadre duProgramme national derecherche (PNR) 51,Intégration et exclusion, lacompétence et le savoir enmatière de NTIC peuvent êtreégalement utiles pourcombattre la marginalisationsociale en général. Dans le casclassique d’une exclusionsociale et numérique,l’intégration est renduepossible grâce à un emploiconjugué à une formationNTIC. Ou les personnesutilisent la formation NTIC

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pour rester intégrées. Leschercheurs ont identifiéd’autres cas de figure. Celui dejeunes adultes socialementexclus qui, grâce à leurintégration numérique dedépart – Internet, jeux, etc. – seréintègrent socialement grâceà une formation ciblée auxNTIC. Ou encore celui depersonnes retraitées sansexpérience numérique quiaméliorent leur intégrationsociale grâce à des cours NTICadéquats. Il en va de même depersonnes très précariséessocialement etéconomiquement, souvent sansillusion quant à l’utilité

professionnelle d’une formationNTIC, mais qui reconnaissentlà une possibilité de revenirdans la société.

Les auteurs de l’étudeaffirment même que les NTICpeuvent constituer une sorte decheval de Troie permettantd’accéder au monde des exclus.Les NTIC pourraient aussiremplir un rôle préventif. Onpeut rêver d’un grand syndicattel qu’UNIA, dont tous lesmembres disposeraient d’unordinateur, seraient formés auNTIC et communiqueraient enréseau.

Christian Marazzi, La Place des chaussettes. Le tournantlinguistique de l’économie etses conséquences politiques,traduit de l’italien par FrançoisRosso et Anne Querrien,Editions de l’Eclat, Paris, 1997.

Ordinateur et précarité auquotidien: les logiquesd’intégration provisoire de laformation continue. Equipe derecherche: Luc Vodoz,politologue; Pierre Rossel,anthropologue; Barbara PfisterGiauque, sociologue; OlivierGlassey, politologue et MarkReinhart, géographe. C.E.A.T.,Lausanne, 2005.

Les risques du numériqueL'économie s'adapte, les régulations et systèmes de protection sociale peinent à suivre

Pierre Imhof - 26 février 2015 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/27325

Dans les pays industrialisés,chacun ou presque possède untéléphone dont la puissance decalcul dépasse celle del’ordinateur de la fusée Apollo.

Si nos smartphones et tablettessont capables de gérer unvoyage sur la Lune, ils peuventaussi – et c’est certainementplus immédiatement utile –nous localiser et utiliser cettepossibilité aujourd’hui pourcommander une pizza, trouverun médecin de garde ou des«amis» potentiels, demain pourcommander un trajet partagédans une voiture sanschauffeur.

Sans surprise, l’économie

s’adapte rapidement à cespossibilités et offre desprestations prisées par lesconsommateurs. Pendant cetemps, la législation peine àévoluer et hésite entreprotection supplémentaire desacteurs traditionnels etlibéralisation. La faute à desélus déconnectés, comme ledémontre une enquête deLaure Belot, journaliste auMonde, et à des systèmesétatiques davantage adaptés àla stabilité qu’au changement.

Comme on l’a vu dans deprécédents articles (DP 2068 et2069), une partie de lalégislation destinée à protégerles consommateurs perd de son

utilité quand ceux-ciconnaissent le prix de laprestation à l’avance etpeuvent la noter à peineutilisée. Un cadre législatifbasé sur des biens et desacteurs clairement identifiés etlocalisés, et sur un accèsprivilégié à l’information de lapart du vendeur, face à unacheteur acceptant de lui faireconfiance, ne correspond plus àun système globalisé basé surle big data.

Des professions ont déjàpresque disparu en raison del’accès universel àl’information. On peut penseraux agences de voyages quitiraient leurs profits d’un accès

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privilégié aux acteurs dutourisme. Elles pouvaientvendre leur expérience etcompter sur une relation deconfiance avec une clientèlefidèle. L’accès universel et entemps réel à ces mêmesinformations a évidemmentdévalorisé les prestations deces intermédiaires.

Sans parler des domaines où leproduit lui-même estnumérique et où le coûtmarginal de production estproche de zéro: musique, filmset séries, qui n’ont plus besoind’être possédés mais auxquelsil suffit de pouvoir accéder aumoment souhaité par le client.

Cette liberté procurée par uneinformation et des produits entout temps et en tout lieudisponibles a pourtant un prix.Car l’économie numériquebouscule nos habitudes, maisinduit aussi de nouveauxrisques et fait de nouvellesvictimes.

Pour reprendre l’agence devoyages, elle assumaitgénéralement le risque et leservice après-vente liés à cequ’elle vendait – en tout caspour les plus honnêtes etréputées. Et elle était unintermédiaire connu etattaquable en justice. Cesrisques sont maintenant àcharge de l’acheteur direct, quin’en a pas toujours conscience.Heureusement, les nombreuxsites d’évaluation, typeTripadvisor, offrent la

possibilité de jauger laprestation à l’avance… tout ensachant que ces acteurs ne secontentent pas de partager lesavis des précédentsutilisateurs, mais se financenten proposant également deslocations, ce qui réduitévidemment la confiance à leurégard.

Un autre domaineproblématique est l’économiegrise qui se développe grâceaux nouvelles technologies del’information. Elle existe bienentendu déjà dans l’économietraditionnelle, mais elle est parla force des choses limitéegéographiquement et dans sonoffre. En supprimant ou endélocalisant et «virtualisant»les intermédiaires, on perd despossibilités de contrôlerl’activité et de prélever taxes etimpôts nécessaires pourassurer une certaine régulationet financer les prestations del’Etat.

Une partie de ces contrôlesdeviennent certes inutiles, maisd’autres restent pertinents.Comment s’assurer que lechauffeur Uber est bien enrègle avec ses assurances etque le loueur d’une chambrevia Airbnb paie les taxes deséjour? Sans parler de ladéclaration des revenus au fisc,plus difficile encore à vérifier.

Toute cette économie est uneaubaine pour celles et ceux quisouhaitent des revenus

accessoires, et les clients quibénéficient de prestationssouvent de qualité et à basprix. Mais elle présente lerisque d’un retour au salaire àla tâche, basé sur uneéconomie des charges sociales.Or le chômeur-chauffeur ou laménagère-hôtelière vont setourner vers l’Etat et sesprestations sociales au premierpépin limitant leurs capacitésde gain. Sans avoir contribuéauparavant, par leurscotisations et leurs impôts, àfinancer le système.

L’économie est en transition etil est normal – voire heureux –que le système législatif n’aitpas totalement intégré ceschangements. Mais ils vont ens’accélérant et de nouvellesrègles sont à inventer encollaboration entre l’Etat, lesusagers, les fournisseurs et les«centralisateurs» deprestations que sont lesservices numériquesplanétaires. Une économiemondialisée appelleévidemment à une régulation àla même échelle.

Et tout comme la Migros vanteles produits «de la région»,devrait se développer uneéconomie numériquealternative et locale qui éviteque le cinquième du prix d’unelocation de chambre ou d’unecourse de taxi à Lausannefinisse dans les caisses(virtuelles) d’une sociétécalifornienne, aussi inventivesoit-elle.

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Nouvelles technologies: le vote cybernétiqueLes origines du vote par Internet en Suisse

Jacques Guyaz - 07 juin 2002 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/5219

Après le vote parcorrespondance, voici celuiélectronique. Sera-t-il legage du renouveau de ladémocratie directe ou ungadget sans avenir?

Un rapport sur le voteélectronique sera discuté auConseil des États lors de lasession d’été des chambresfédérales. Il fait le point de lasituation en énumérantavantages et inconvénientsdans l’usage d’Internet.

Parmi les aspects positifs, ilmentionne une participationfacilitée des citoyens et lapossibilité donnée à la Suissede jouer un rôle de pionnier enmatière de lutte contre les abusdans ce domaine. Rien de bienenthousiasmant à vrai dire. Lerapport mentionne égalementparmi les avantages «qu’on ensache plus, avec leurconsentement, sur les motifsanimant les votants», une sortede sondage «sortie-des-urnes»,en somme.

Comme inconvénients, lesproblèmes techniques

d’identification, afin d’éviter lesfraudes, sont bien sûrmentionnés. A cela s’ajoute lafracture numérique entre lesconnectés et les autres. Lerapport conclut, de façonévidente, que le voteélectronique est une affairecomplexe – on s’en doutait – etqu’il faudrait procéder parétapes, ce qui n’est pas unesurprise. Le document évoqueaussi la possibilité de fairesigner référendums etinitiatives via Internet enremarquant qu’il ne faut pasfaciliter à outrance la vie descitoyens si l’on ne veut pasprovoquer un engorgement dela machine législative.

Cette remarque a une portéeplus générale. L’acte du votesous-entendait une informationdu citoyen à travers unecampagne et des débats, suivispar un déplacement jusqu’à unlocal de vote qui donnait aucitoyen l’occasion d’une ultimerévision. La généralisation duvote par correspondancepermet déjà à l’électeur des’exprimer de manière

anticipée, facilement et sansefforts. La symbolique forte del’acte de voter s’étiole et lescampagnes des partis, trèsétalées dans le temps, sediluent dans l’indifférence.

Le vote électronique, même sion le limite strictement dans letemps, pourquoi pas dans unintervalle de vingt-quatreheures, introduit unedimension presque onaniste.Dans sa chambre mi-closeplongée dans la pénombre,l’internaute, hypnotisé par sonécran verdâtre, vote au moyend’une opération semblable àcelle de l’affichage d’un jeuvidéo. Le taux de participationy gagne sans doute, mais touteffort disparaît. La démocratieraisonnée s’était transforméeen opération émotionnelle avecle développement de latélévision, puis en actionpragmatique privée desymboles avec le vote parcorrespondance; la voilà quideviendra un acte compulsifavec Internet. La facilitéd’utilisation du réseau risquede dévaluer l’acte fondateur detoute démocratie.

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Affronter la quatrième révolution industrielleLa numérisation généralisée et la connectivité pour tous: chances, mais aussi inégalités et périls en vue

Yvette Jaggi - 25 janvier 2016 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/28841

Ces dernières années, un peuplus de la moitié des sociétésfigurant en 2000 parmi les 500plus grandes entreprises dumonde recensées par la revueFortune ont disparu de ceclassement.

Principale raison de cetteélimination: la conservationd’un modèle d’affaires nonadapté à l’économienumérique. C’est l’avis,transmis au récent Forum deDavos par un connaisseur,Pierre Nanterme, patrond’Accenture, la plus grande desmultinationales du conseil auxentreprises.

Cette quatrième révolutionindustrielle tue ou affaiblitdonc de grandes sociétés,écartées du marché pourn’avoir pas su prendre le viragedu numérique. Elles ontnégligé – ou refusé – de semettre à l’interconnexioncontinue et généralisée, àl’Internet des objets, auxméthodes agiles de laproduction décentralisée, dufinancement partagé, desrobots à tout faire.

Et pourtant, la troisièmerévolution, déclenchée vers1970, décrite par Jeremy Rifkinune quarantaine d’années plustard, contestée à gauche et envérité déjà dépassée, avaitdonné de sérieux signes avant-coureurs de la quatrième.

De fait, elle annonçait déjà la

configuration emblématique dela révolution contemporaine: lefameux «Big Data», cetensemble de technologiespermettant de fournir au bonutilisateur et au bon momentles bonnes informationsextraites de masses de donnéesde plus en plus complexes etinterconnectées, accumulées àune cadence exponentielledepuis des dizaines d’années.

A l’instar des entreprises, lespays s’avèrent inégaux devantles effets de la quatrièmerévolution industrielle.

La Suisse semble bien équipéepour y faire face, selon uneétude comparative portant surla situation dans 45 paysrécemment présentée par UBS.Les résultats ressemblent fort àceux des classementsinternationaux de lacompétitivité, avec la Suisse etSingapour en tête, suivis sanssurprise par les paysscandinaves, les USA et leRoyaume-Uni. Inversement,plusieurs économiesdéveloppées se mêlent auxmarchés émergents dans lamoitié inférieure de la liste oùse retrouvent notammentl’Espagne et le Portugal. Parmiles plus impréparés, on repèrel’Indonésie, la Turquie, l’Indeet le Brésil.

Ces données figurent, parmibeaucoup d’autres, dans levolumineux rapport sur l’avenirde l’emploi publié par le Forum

économique mondial àl’occasion de sa grand-messeannuelle qui vient d’avoir lieu àDavos. Les industries suisse,allemande, irlandaise, suédoiseet finlandaise respirent déjà le«vent rafraîchissant» de l’ère4.0.

Menaces sur l’emploi

Les mutations technologiquesde la quatrième révolutionindustrielle annoncent deprofonds changements sur lemarché du travail. Larévolution numérique passepour une machine à tuerl’emploi. Les auteursaméricains prédisent que lamoitié des postes actuellementoccupés aux Etats-Unispourraient avoir disparu d’icivingt ans. Même en Suisse, lanumérisation menacerait descentaines de milliers d’emploisselon le magazine Bilan.

Ces tristes perspectives neconcernent plus les activités deroutine, déjà balayées parl’automatisationcaractéristique de la troisièmerévolution industrielle. Mais lesrobots et autres outilsintelligents, ainsi que les objetsconnectés, effectueronttoujours plus nombreux destravaux relativement qualifiés,actuellement accomplis par descomptables, des employés debureau, de guichet, decommerce ou de laboratoire.

Des métiers vont disparaître,

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d’autres vont se multiplier et sediversifier. Aux travailleursinquiets pour leur avenir, laBBC offre en ligne la possibilitéd’évaluer les chances de surviede leur activité présente.

Au total, le nombre depersonnes occupées risque fortde diminuer dans la productioncomme dans les services –même si les prévisions restentdifficiles à chiffrer.

Dans cette situation, le genreet le niveau de formationprennent une importancedécisive. On observe que lespays les mieux armés pouraffronter la quatrièmerévolution sont aussi ceux quiremplissent le mieux lescritères relatifs au niveau desavoir-faire et à l’aptitude auxchangements. A noter que cettesouplesse, évaluée en termesde potentiel d’innovation, estparticulièrement élevée enSuisse, en Finlande, en Israël,aux Etats-Unis, au Japon et en

Allemagne.

Mesurées à cette aune, lesdépenses publiques et privéespour la formation, tantprofessionnelle que tertiaire,ainsi que pour la recherche,toutes sciences et techniquesconfondues, constituent sansexception bel et bien desinvestissements. Avec leschances et les risques qu’un telfinancement comporte.

Couper dans les budgetspublics pour l’éducation debase et ultérieure représentenon seulement un manque deconfiance en l’avenir et dansles personnes qui le vivront,mais aussi une simple etgrande bêtise, entre défiance àl’égard des «élites» et rigueurmal placée. A cet égard, lesdébats en cours, dans le cantonde Zurich et ailleurs, y comprisau niveau fédéral, méritentd’être suivis avec la plusgrande attention.

La Banque mondiale le rappelle

dans son Rapport sur l’état dumonde 2016: les dividendes dunumérique ne se répartissentpas davantage de manièreégale que ceux de la prospéritééconomique en général. Lesplus gros obstacles à l’inclusionn’étant pas technologiques, ilfaut prévoir des «stratégiesbien plus ambitieuses quecelles qui ont prévalu enmatière de Tic», cestechnologies de l’information etde la communication qui aurontmarqué la troisième révolutionindustrielle.

En effet, en complément auxinvestissements consentis pourl’assurer, la «connectivité pourtous» exige unaccompagnement analogique, àla fois réglementaire etinstitutionnel, éducation entête.

A défaut d’une réponse à lahauteur du défi numérique, lesrisques l’emporteront sur leschances.

De la cyberadministration à l’Etat 4.0Quand l'Etat se fait «smart», les contacts se virtualisent et les agents publics changent de travail, voire destatut

Yvette Jaggi - 31 mai 2017 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/31589

A l’ère du tout numérique,l’industrie accède au stade del’usine 4.0. Après les troisétapes de la machine à vapeur,de la division du travail et de laproduction de masse, puis del’automatisation et del’informatisation généralisées,

voici donc la fabriqueaugmentée qui combinedifférentes technologies:analyse de données en tempsréel, simulation numérique,impression 3D, drones, etc. Enbref, l’usine connectée, flexibleet, pour tout dire, intelligente,

smart en américain.

Cette nouvelle élégance,mélange d’astuce et d’habileté,se présente désormais partoutcomme une indispensableévidence. Le smartphone aconquis l’univers et remodelé

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la vie en société en moins dedix ans, les smart citiesdisposent désormais de leurréseau mondial, la mobilité sefait de plus en plus intelligente.Et voici qu’arrive, toutnaturellement, le smart state,dit e-government en anglaisfédéral.

Le smart state plus oumoins avancé

Cette nouvelle forme d’Etat sedistingue par une capacitéd’adaptation et une agilitécontrastant avec labureaucratie traditionnelle,instaurant des relations plussimples et directes – maisvirtuelles – avec les habitants,les usagers, les contribuables,les citoyens et autres chersadministrés. Moins de guichetset de paperasse, davantaged’opérations en ligne et decommunications interactives.La gouvernance ne peutmanquer d’évoluer sous l’effetde tant d’immédiateté, dans letemps comme dans l’espace.

En sa double qualité de citéhyperconnectée et de micro-Etat, la ville de Singapourpasse pour l’une descollectivités les plus avancéesen matière d’intelligence 4.0.Mais sa singularité la situe enquelque sorte hors classement.Un tel ranking, s’il existait,placerait à coup sûr l’Estoniedans le peloton de tête. Cepays, où naquit Skype en 2003,a pris et su conserver unebonne mesure d’avance enmatière d’informatique et denumérisation sécurisée. Il enfait même un argument depromotion administrative(déclaration fiscale en cinq

minutes), économique (créationd’entreprise en 18 minutes) ettouristique et se positionnecomme un «e-government sanspapier» particulièrementefficace. L’Estonie collectionnemême les amateurs derésidence numérique acquiseen un temps record.

A leur rythme, les paysindustrialisés se dotentd’institutions et de méthodesadaptées à l’imminentetransition numérique. Dans laFrance de mai 2015, sousl’impulsion d’EmmanuelMacron, alors ministre del’économie, de l’industrie et dunumérique, un projet lancémoins de deux ans plus tôtprend forme sous le nomd’«industrie du futur», doté deprès de cinq milliards d’eurosen termes d’avantages fiscauxet de prêts à la modernisationde l’outil de production.

La cyberadministrationversions suisses

Les premiers effortsd’allègements des méthodes decontact de l’Etat grâce à lanumérisation remontent à unequinzaine d’années. En mars2005, le professeur KunoSchedler constate que, mis àpart le cas de Winterthur, lescollectivités peinent àdévelopper le «gouvernementélectronique». La faute aumanque d’harmonisation desprocédures aux différentsniveaux de la Confédération,des cantons et des communes.

Les choses ont passablementévolué depuis lors; le mêmeprofesseur, devenu dansl’intervalle l’un des

responsables du SmartGovernment Lab del’Université de Saint-Gall, parleavec confiance desdéveloppements de«l’administration du futur»,aussi nécessairesqu’inéluctables.

Et de donner les composantesde ce régime: traitementsimple, direct et personnaliséde chacun des administrésdûment portraitisés dans le bigdata; réalisation d’études decomportement à partir de cesmêmes données, permettant deprévoir l’effet de mesurespolitiques envisagées au lieu dese contenter des évaluations aposteriori courammentpratiquées; automatisation deprocédures itératives (fixationde dates et conditions parexemple), de campagnes demesures, de procédures desurveillance.

Ses protagonistes le saventbien: l’instauration de l’Etat 4.0fait craindre l’effet Léviathanet ressurgir la contre-utopieorwellienne de 1984. D’où lanécessité de renforcer laprotection des personnes surlesquelles des données sontcollectées et le plus souventcombinées, ce qui les rend àtout coup sensibles. Leurexploitation à des finscommerciales reste la pluscourante, ressentie commedésagréable par nombre deconsommateurs, mais de loinpas la plus intrusive etdangereuse pour lapersonnalité.

Pour l’heure, lacyberadministration suisse faitson chemin. L’organisme

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chargé de la développer en està son deuxième planstratégique établi pour lesannées 2017 à 2019 et dotéd’un budget de 20,5 millions defrancs pour la coordination dediverses prestations, voteélectronique compris – missiondifficile en pays fédéraliste. Lastratégie définie en communengage les partenaires obligés:la Confédération, la Conférencedes gouvernements cantonaux,l’Union des villes suisses etl’Association des communessuisses. Une très consistantenewsletter évidemmentélectronique, dont 42 livraisonsont paru depuis 2009,renseigne désormais six foispar an sur les progrès de lacyberadministration dans notrepays.

Questions d’effectifs

La cyberadministrationsimplifie et automatise toutessortes de documents,procédures et contacts. Dernierexemple en date: l’allègementadministratif pour les marchéspublics, qui simplifiera letravail des autoritésadjudicatrices comme dessoumissionnaires. Cetteévolution ne va pas sans influersur la structure du personneldes collectivités. Les guichetsse ferment, les programmesinformatiques se complexifient,les prestations et servicesofferts aux interlocuteurs del’Etat se font de plus en plusfacilement accessibles etsimples à comprendre. Les

appareils et objets connectésassurent la liaison, dans unlangage visuel et selon unprocessus logique désormaisfamiliers aux utilisateurs.Sans établir expressément lelien avec les progrès de lacyberadministration, les éluslibéraux-radicaux auxChambres fédérales reprennentl’antienne des effectifs tropnombreux, produisant unevéritable «diarrhée normative»particulièrement douloureusepour les petites et moyennesentreprises dont les patrons neparviennent pas même à liretous les textes législatifs etréglementaires que leurdestinent les parlementaires etles administrations.

Leur initiative populaire «Stopà la bureaucratie» ayantéchoué en 2012, les PLR,emmenés par la présidentePetra Gössi, viennent d’imposerau Conseil national, contrel’avis du Conseil fédéral, unpostulat datant de 2015,formulant une double requête.Il demande d’étudier, d’unepart, un système de frein àl’engagement de personnelanalogue au frein àl’endettement et, d’autre part,l’opportunité de mettre enplace une majorité qualifiéepour les deux mécanismes defreinage. Au vote, le 4 mai, lepostulat a recueilli 106 voixdonnées en bloc par lesdéputés PLR, UDC et PDBcontre 83 opposants, siégeantdans les rangs du PS, des

Verts, du PDC ainsi que desVerts libéraux.

Personne ne semble avoirremarqué la feinte que permetnotamment lacyberadministration enmarche. Ainsi, l’Office fédéralde l’informatique et de latélécommunication (Ofit),contraint d’alléger ses effectifs,les a réduits de 57 personnesemployées à plein temps (EPT).Sauf que «la plupart dessuppressions de poste (32 EPT)seront réalisées par uneexternalisation ciblée desprestations. Le but étant queles collaborateurs concernéspuissent être engagés parl’adjudicataire de l’appeld’offres organisé par l’OFITconformément aux règles del’OMC.» Une mise au concourspour le moins biaisée par cetagenda mal caché.

On sait qu’il n’est pas plusfacile de régler les problèmesd’effectifs que dedébureaucratiser lasimplification du droit (DP2142). Certes, en règlegénérale, lacyberadministration change lanature du travail à faire et donccelle des qualifications requisespour l’accomplir. Mais elle nediminue pas forcément lenombre de personnesoccupées, surtout si lacollectivité qui les emploiemodifie leur statut, parexemple d’employé-fonctionnaire à salarié deprestataire externe.

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Transports: la course dans le nuageLa connexion mondialisée et l'automatisation bousculent les certitudes en matière de mobilité, pour le railcomme pour la route

Michel Béguelin - 02 avril 2017 - URL: https://www.domainepublic.ch/articles/31315

Dans le domaine destransports, les grands projetsd’investissement, et les mieuxplanifiés, subissentrégulièrement deschangements en cours deréalisation. Il s’agit d’aménagerla transition entre les effets àlong terme des décisionspolitiques et les nouvellesconditions de leur mise enœuvre effective. L’opérationexige imagination et capacitéd’adaptation, afin de concilierla «technique fiction» devenueréalité avec le cadre financierpréétabli, tout en respectantles équilibres voulus par unfédéralisme sourcilleux.

Aujourd’hui, ce sont lesfulgurants progrès de lanumérisation qui mettent àl’épreuve le proverbialpragmatisme helvétique.

Le récent Salon de l’auto deGenève a mis en évidence lesrévolutions en cours en matièrede transports individuels. Lesvéhicules plus ou moinsélectriques, plus ou moins sansconducteur, roulent déjà et, àcoup sûr, ils seront d’usagecourant dans cinq à dix ans.Idem en ce qui concerne lescamions, même si en Suissel’évolution dans ce secteurparaît plus lente qu’en Suède,par exemple.

Ironie du sort technologique,tant pour les automobiles quepour les camions:

l’automatisation de la conduitedes véhicules passeobligatoirement par leurcapacité de former des convoisafin d’utiliser au mieux lesinfrastructures existantes, enparticulier les autoroutes. Enquelque sorte, il s’agira decréer des «trains» de véhiculesautonomes.

Le rail se prête bien à lanumérisation

Dans les entreprisesferroviaires, on réfléchitbeaucoup et ça bouge de plusen plus, pas seulement dans lesesprits. Mais en ordre dispersépour le moment. Quelquesexemples d’une fiction devenueréalité, en commençant par unepremière mondiale.

Le Gornergrat Bahn, le plushaut train à ciel ouvertd’Europe qui grimpe à plus de3’000 mètres en alternant lessimple et double voies pourassurer un trafic par momentstrès dense, innove en semettant sur le «nuage» pour lagestion des infrastructures etdu trafic. Toutes lesinstallations et opérations desécurité (aiguilles, signaux,entretien préventif)fonctionnent sur commande àdistance depuis la régionzurichoise, au siège suisse del’installateur Siemens qui restepropriétaire des équipementset logiciels. La multinationale

allemande vise le niveaumondial du secteur «mobiliténumérique», aux côtés deGoogle, Apple, etc. A noter ques’il est possible d’assurer latélégestion depuis Zurich, onpeut le faire aussi depuis Berlinou depuis tout autre site dansle monde, par exemple depuisHangzhou, où Alibaba tientcaverne pour ce type deservices aux entreprises detransports.

Le Südostbahn (SOB) –St.Gallen–Rapperswil–ArthGoldau – joue aussi aulaboratoire d’essais. Lacompagnie teste, entre autres,de nouveaux typesd’installations de voies et denouvelles méthodes. Audacesuprême et trait de génie:l’écartement de la voienormale, fixé à 1’435millimètres depuis 1829 estporté à 1’437 millimètres, unedifférence de deux millimètresqui peut apporter des millionsd’économies réalisables sur unréseau ferroviaire relativementsinueux comme celui de laSuisse, où les rails et les rouess’usent relativement vite.Toutes les entreprises – voienormale et voie étroite –suivent ces efforts et enbénéficient plus ou moins, enfonction d’accords ponctuels.Quant à la société Bern-Lötschberg-Simplon, elle fonceet le prouve: elle ose défier lesCFF en trafic grandes lignes,

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ce qui pourrait remettre encause la cohérence du systèmesuisse.

Mais les CFF ne sont pas enreste. Ils ont créé un fonds dedouze millions pour étudier enparticulier les possibilitésoffertes par une numérisationsystématique en termesd’accroissement de la capacitédes tronçons surchargés et dediminution des coûts. Les CFFescomptent une économie de450 millions à terme. Et leurambitieuse «stratégie 2020»vise rien moins que la mobilitéintégrée, bien sûr avec despartenaires tels que Google etIBM.

Effervescence modérée auniveau politique

Le département fédéral destransports a mandaté l’OFTpour superviser les études, encollaboration avec trois autres

offices (routes, développementterritorial et communication).Depuis le début de l’année, unspécialiste de la numérisationdes offres et du développementde véhicules automatisés dansle trafic routier et lestransports publics est à lamanœuvre.

Il s’agit de «vérifier lesdifférentes possibilitésd’action». Une phrasesignificative: «Comme la miseen place d’une réglementationpar l’Etat dure au moins quatreans, il pourrait être judicieuxd’étendre les marges demanœuvre des projetspilotes…» En résumé, à Berneon se hâte sans excès. Un bonsigne toutefois: l’idéed’expérimenterl’automatisation intégrale surla nouvelle ligne Neuchâtel-LaChaux-de-Fonds est soutenuepar l’OFT. Mais si ce dernierannonce bien qu’il a «lancé une

étude en vue de vérificationsapprofondies», il précise parailleurs qu’il «n’a reçu aucunedemande concernant un essaipilote». Alors, qui va oser laréalisation du projet?

Au rythme prévu, il est évidentque la technologie numérique,par définition sans frontières,se développe beaucoup plusvite – et plus largement – quenos procédures politiqueshabituelles. L’écart, saisissant,prend une ampleur de moins enmoins rattrapable. Une choseest certaine: il s’avèretotalement impossible defreiner cette évolution. Restedès lors à inventer une manièreplus agile, mais toujourshelvétique, de la maîtriser. Quirelèvera le défi, et passeulement dans les transports?Et qui accompagnera de sesréflexions la mutation del’ensemble de l’économie et dela société?

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Internet: voyage électronique planétaire

Le pouvoir transformateur de la numérisation et du web illustré par DPhttp://4digitalbooks.com/http://www.abebooks.com/https://www.kickstarter.com/http://www.ulule.com/http://fr.ulule.com/les-marges/http://www.lulu.com/http://www.createspace.com/http://www.bod.com/http://www.thebookedition.com/http://www.copyquick.ch/http://www.edubook.ch/http://www.domainepublic.ch/articles/26730

Internet: le blog, nouvelle frontière du débat

Liberté d’expression: l’Internet et le politiquement correct

Nouvelles technologies de la communication: les bytes traquent l’exclusion

Les risques du numériquehttp://s544509053.onlinehome.fr/http://www.domainepublic.ch/articles/27222http://www.domainepublic.ch/articles/27256http://www.tripadvisor.fr/https://www.uber.com/https://fr.airbnb.ch/

Nouvelles technologies: le vote cybernétique

Affronter la quatrième révolution industriellehttp://www.weforum.org/agenda/2016/01/digital-disruption-has-only-just-begunhttp://www.liberation.fr/terre/2014/10/21/la-troisieme-revolution-de-rifkin-n-aura-pas-lieu_1126521http://www.bakom.admin.ch/themen/infosociety/index.html?lang=fr&download=NHzLpZeg7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1ae2IZn4Z2qZpnO2Yuq2Z6gpJCDfYJ9fWym162epYbg2c_JjKbNoKSn6A--

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De la cyberadministration à l’Etat 4.0http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/lusine-4-0-cest-quoi-37271/http://smartcitiescouncil.com/https://www.egovernment.ch/frhttp://www.jstor.org/stable/10.7864/j.ctt1hfr2dchttps://e-estonia.com/https://e-estonia.com/the-story/the-story-about-estonia/https://e-estonia.com/case_studie/leadership-21st-century-style/https://www.letemps.ch/economie/2017/05/30/suis-devenu-eestonienhttps://www.economie.gouv.fr/lancement-seconde-phase-nouvelle-france-industriellehttps://www.nzz.ch/articleCONG7-1.111543https://www.unisg.ch/de/wissen/newsroom/aktuell/rssnews/forschung-lehre/2016/oktober/smartgovernmentlab-imp-hsg-herbsttagung-17oktober2016https://www.nzz.ch/meinung/smart-government-verwaltung-von-morgen-ld.139040https://www.egovernment.ch/fr/organisation/e-government-schweiz-kurz-erklart/https://www.egovernment.ch/fr/umsetzung/e-government-schweiz-2008-2015/https://www.egovernment.ch/fr/aktuelles/newsletter/https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/seco/nsb-news.msg-id-66871.htmlhttps://www.admin.ch/ch/f/pore/vi/vis394.htmlhttps://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20153704https://www.parlament.ch/poly/Abstimmung/50/out/vote_50_15132.pdfhttps://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-66008.htmlhttps://www.domainepublic.ch/articles/30323https://www2.deloitte.com/ch/fr/pages/innovation/articles/competencies-in-the-digital-age.html

Transports: la course dans le nuagehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Num%C3%A9risationhttp://blog.cff.ch/geneva-international-motor-show-un-salon-de-plus-en-plus-branche/2017/03/23/http://www.maschinenmarkt.ch/gornergrat-bahn-auf-digitaler-pionierfahrt-a-588466/http://www.lenouvelliste.ch/articles/valais/innovation-numerique-pour-le-chemin-de-fer-du-gornergrat-623810https://french.alibaba.com/http://www.tagblatt.ch/ostschweiz/Testlabor-fuer-die-Bahnbranche;art120094,4901744http://www.bernerzeitung.ch/wirtschaft/unternehmen-und-konjunktur/sbb-testen-ferngesteuerte-zuege/story/26433133http://www.cff.ch/groupe/medias/communiques.newsdetail.2017-2-1302_1.htmlhttps://www.bav.admin.ch/bav/fr/home/actualites/oft-actualites/edition-actuelle/article-1.html

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