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REPORTERS SPÉCIAL ENSEIGNEMENT SPÉCIAL ENSEIGNEMENT Supplément gratuit à La Dernière Heure - Les Sports du mardi 12 juin 2012

Dossier enseignement 1 le 12 juin 2012

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Dossier enseignement 1

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12 Juin 2012 I 2ENSEIGNEMENT

My English is very bad

Dans un pamphlet intitulé “Ilfaut en finir avec l’enseigne-ment des langues” (1), Eloy Ro-mero-Muñoz, doctorant en lin-guistique éducationnelle auxfacultés universitaires de Na-

mur, n’y va pas par quatre chemins pour dé-noncer la faillite des méthodes traditionnellesd’enseignement des langues.

Sous ce titre volontairement provocateur,l’auteur expose les raisons de cet échec et pro-pose des pistes de solutions. Rencontre.

Pourquoi l’enseignement des langues est-ilun échec ?Pour trois raisons. La première est scientifique. Lesrecherches démontrent que les méthodes tradition-nelles ne fonctionnent pas. On se base sur une con-naissance déclarative (acquérir des bases en étu-diant des règles, des listes de mots) alors que pourparler une langue, il faut apprendre les mots encontexte, faire des associations. La deuxième estaffective : les élèves sont réticents à apprendre desrègles et on n’en tient pas compte. La troisième estque ces règles que l’on enseigne sont simplifiées,au point que l’on se retrouve avec une tonne d’ex-ceptions, mal énoncées et non conformes à la réa-lité. Par exemple, le slogan d’une chaîne de fast-food, “I’m loving it”, est considéré comme gramma-ticalement erroné alors que, dans la langue par-lée, on l’utilise.

La grammaire, justement, vous n’êtes pas ten-dre envers une approche inflexible.Elle est prépondérante dans les manuels scolaireset elle est enseignée avec une mauvaise méthodo-logie. Elle doit rester un outil au service de la com-

munication alors que, de par son aspect abstraitet systématique, elle sert surtout à renforcer lesinégalités entre les élèves. Il y a une vraie réflexionà faire à ce sujet, convaincre les profs qu’elle esttrop normative, changer la perspective du “gram-maticalement correct” qui fait de certains élèvesdes complexés de la langue qui n’osent pas s’expri-mer.

Quelles sont les solutions que vous proposez?Tout d’abord, je tiens à souligner que les profes-seurs font des miracles avec ce qu’ils ont. Mais leurformation n’est pas à la hauteur. Je plaide pourque les enseignants deviennent des coachs quiaident les élèves à atteindre leurs objectifs. Il fau-drait pour cela ajuster les méthodes d’apprentis-sage au profil de l’élève, proscrire les évaluationschiffrées en cours d’année qui encouragent la cul-ture de la performance plutôt que l’apprentissage,favoriser l’autonomie dans le travail scolaire enutilisant des plateformes informatiques gratuitesdu type “Claroline” et réduire la taille des classes.

Est-ce compatible avec les programmes offi-ciels ?Oui mais il faut vaincre les réticences et les habitu-des bien ancrées. On pourrait démarrer avec desexpériences pilotes, leur donner du crédit et assu-rer un suivi scientifique. Les politiques doivent en-fin prendre leurs responsabilités face à ce constatd’échec.

Entretien Isabelle Lemaire

(1) “Il faut en finir avec l’enseignement des langues”, Eloy

Romero-Muñoz. Presses universitaires de Namur. 61 p. 5

euros et www.ensaignement.be

Problèmesen pagaille

Articles 20. Dany Etienne, professeurde langues dans le secondaire et lesupérieur, a consacré sa thèse à l’ap-prentissage des langues étrangèresen Communauté française.

Programmes flous, manqued’équipements, classes surpeuplées, pénurie deprofs…, le constat dressé par le chercheur est ter-rible. Le pouvoir politique était également pointédu doigt pour ses programmes d’apprentissagedes langues qui a imposé aux enseignants uneméthodologie plutôt qu’un contenu.

La ministre de l’Enseignement obligatoire, Ma-rie-Dominique Simonet (CDH), avait répondu auxcritiques formulées par Dany Etienne par quel-ques annonces : inscription de la Communautéfrançaise dans le programme d’échange linguisti-que Comenius et au Pisa des langues, adaptationdes programmes et des référentiels et recours àl’informatique pour pallier à la pénurie de profsde langues.

Cette pénurie qui perdure et conduit à l’enga-gement de plus en plus d’Articles 20, ces ensei-gnants n’ayant pas les titres requis (4 111 Articles20 engagés en 2008-2009), pour souvent “boucherdes trous” dans des horaires et avec à la clé une ré-munération inférieure à celle des agrégés.

Situation que dénonce Eloy Romero-Muñozdans son pamphlet : “Il faut arrêter de faire croireaux gens que pour être professeur de langues, il suffitde connaître les langues. […] Vous accepteriez quel’infirmière en charge du bloc opératoire se charge defaire votre anesthésie ? C’est pourtant ce que l’on faitdans l’enseignement lorsqu’on autorise des secrétai-res ou des hôtesses de l’air à enseigner. Dans uneécole bruxelloise réputée, j’ai rencontré un professeurde néerlandais, ambulancier de formation, qui, pourtoute qualification, avait étudié en Flandre quelquesannées. Je n’en veux pas à ces personnes qui sont,pour la plupart, de bonne volonté mais plutôt au sys-tème qui autorise ces pratiques”, écrit-ilI.L.

Le par coursdu com battantR

oman. Dur dur d’être directeurd’école, c’est en substance le mes-sage du roman écrit par RobertBriquet, “Objectif 30 juin”. Ce li-vre plein d’humour dépeint lespetits bonheurs et les gros pé-

pins auxquels est confronté un jeune chefd’établissement nouvellement nommé, pen-dant une année scolaire : “J’ai moi-même assumécette fonction pendant des années et j’ai adorécela. Mais avec ce roman, j’ai voulu souligner lesdifficultés que rencontrent les directeurs : diversitédes tâches à prendre en charge, solitude… Dans saformation, les futurs chefs d’établissement ne sontpas préparés aux 1 001 problèmes auxquels ils doi-vent faire face. Alors, on se débrouille, on apprendsur le tas”, explique l’auteur.

Outre ses fonctions officielles, un directeurdoit effectivement assumer tous les rôles : as-sistant social, chef de chantier, secrétaire, psy-chologue, gendarme, imprimeur ou DRH. “Ob-

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3 I 12 Juin 2012ENSEIGNEMENT

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à mettre en place ?

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publié chez Labo et il donne encore des confé-rences à ce sujet. Aujourd’hui, l’immersion estpratiquée dans 250 écoles wallonnes et bruxel-loises (soit moins de 10 % des établissements)mais reste difficile à mettre en place. “En Flandre,elle est interdite et chez nous, les barrages sont mul-tiples : la force d’inertie de l’administration, l’inspec-tion qui n’en comprend pas le bien-fondé, les syndi-cats hostiles car on engage du personnel étranger etbeaucoup d’enseignants (de français notamment)qui y sont réfractaires car ils craignent de se voirôter des heures de cours , indique Robert Briquet.Pourtant, elle donne de très bons résultats et le per-sonnel enseignant qui se lance sérieusement dansl’aventure devient très vite convaincu. Pour appren-

dre une langue étrangère, il faut commencer jeuneet avoir beaucoup d’heures de cours. Avec l’immer-sion, la langue sert de véhicule de communicationpuisque les autres cours sont dispensés en langueétrangère. La langue est donc plus vivante et appli-quée. Les enfants immergés atteignent rapidementun niveau lexical et grammatical élevé dans la lan-gue étudiée, sans que cela compromette leur niveauen français, au contraire. Attention toutefois à éviterquelques dérives : les classes d’immersion mal orga-nisées et utilisées par les établissements comme ar-gument publicitaire.”

Et sur bien des points, Robert Briquet rejointEloy Romero-Muñoz dans sa critique des métho-des traditionnelles d’enseignement des languesétrangères: “Notamment les manuels scolaires quisont effectivement assez figés, comme les livres de“Martine”. Ils n’évoluent pas assez vite avec leurépoque. Il faudrait vraiment mettre en place des mé-thodes d’apprentissage plus efficaces.”

I. L.

Le par coursdu com battant

jectif 30 juin” décrit avec bonheur toutes les fa-cettes de ce métier pour le moins exigeant.Mais s’agit-il vraiment d’un roman ? “Oui etnon. Dans les écoles, le personnel enseignant se dittoujours qu’il faudrait faire un livre de toutes leshistoires qui nous arrivent. C’est ce que j’ai fait. J’aicompilé des anecdotes réelles et je les ai mises enforme. Quasiment tout ce que je décris dans le li-vre est arrivé, à moi ou à d’autres. Evidemment, ils’agit d’une caricature et le trait est un peu forcé.”

Le roman a déjà visiblement fait moucheauprès des principaux concernés. “Des direc-teurs d’école l’ayant lu m’ont dit qu’ils se recon-naissaient dans le personnage principal”, souli-gne Robert Briquet. Un livre drôle et féroce quioffre un regard complet sur ce métier difficile.

I.L.

“Objectif 30 juin”, Robert Briquet. Bénévent. 232 pp.

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“O n essaie qu’ils sesente nt comme chez eux”

Ils sont une soixantaine d’élèves, âgés de12 à 20 ans, à être accueillis à l’internat li-bre du cœur de Liège. Cet établissementcatholique mixte présente un profil plu-tôt atypique, comparé aux internats tra-ditionnels. La petite structure regroupe

des adolescents poursuivant une scolarité dansdiverses écoles liégeoises. Parmi eux, on trouvebeaucoup de sportifs de haut niveau (footbal-leurs au club du Standard et joueurs de badmin-ton de la Ligue francophone), mais aussi desnéerlandophones ou des germanophones venusapprendre le français, et des élèves mis en inter-nat pour des raisons plus classiques (distancegéographique, parents qui souhaitent un enca-drement renforcé ou qui travaillent tard).

L’équipe se compose de sept éducateurs, touségalement professeurs (institutrice ou logo-pède), de deux hommes d’entretien, d’une cuisi-nière (qui joue un rôle particulier dans la vie dela maison, nous y reviendrons) et d’une aide cui-sinière.

C’est la directrice, Christine La Mattina, quinous fait faire le tour du propriétaire. “Chaqueélève dispose d’une chambre individuelle, avec sapropre clé, qu’il décore comme il veut. Il y a une sallecommune de loisirs. L’internat ouvre le dimanchedès 21h, et accueille les jeunes en semaine de 16h30à 8h du matin. Il n’y a pas d’éducateurs présents enjournée et, donc, pas de garde assurée. Les élèvesrentrent de l’école par leurs propres moyens, sauf lessportifs qui sont convoyés par leur fédération, enraison de leurs horaires décalés. A leur arrivée, lespensionnaires prennent un goûter, puis ils peuventse détendre avant l’étude obligatoire de 17 à 19h.Filles et garçons sont séparés dès 21h, et extinctiondes feux à 22h30.”

Si le règlement semble strict, il se base aussisur la liberté que les parents sont prêts à accor-der à leurs enfants. “Ce sont eux qui décident si lesjeunes peuvent quitter l’établissement ou non, pourdes activités extrascolaires, par exemple. De notrecôté, nous tâchons de trouver un équilibre entre lesrègles à respecter et un climat familial que noussouhaitons instaurer pour que les élèves se sententcomme chez eux. J’essaie de créer un climat de con-fiance, de privilégier le dialogue avec les internes etleurs parents. Je ne suis pas que la personne quisanctionne, mais je dois préciser que nous sommesgâtés, car notre public (les sportifs) est sain, poli etdrillé. Souvent, les parents me remercient quand jepose des sanctions.”

L’équipe éducative rencontre finalement peude problèmes de discipline et d’adaptation à lavie en internat, comme l’expliquent Bertrand etCaroline, deux des sept éducateurs, eux-mêmesanciens internes. “Même si, chaque année, il y al’un ou l’autre renvoi définitif, l’ambiance est vrai-ment bonne. Il faut rester cool, mais ferme, et toutbaser sur le respect. Tout le monde connaît tout lemonde et l’entraide est grande entre les internes”,déclare Bertrand. “La petite taille de l’internat le

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5 I 12 Juin 2012ENSEIGNEMENT

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“O n essaie qu’ils sesente nt comme chez eux”

permet. On reçoit beaucoup de confidences et ongarde souvent le contact avec les anciens”, ajouteCaroline. Mais s’il y a bien une personne qui estl’âme et le cœur de cet internat liégeois, c’estChristine Cornélis, la cuisinière. Grâce à sa géné-rosité, sa chaleur humaine et ses talents de cor-don-bleu, elle a su gagner l’affection et l’estimede tous. “Certains internes m’appellent maman. Ilsviennent me faire un bisou quand ils rentrent del’école”, dit-elle des larmes d’émotion dans lesyeux. “Quand j’étais petite, au Congo, j’allais àl’école à 200 km de chez moi, alors, je sais ce quec’est l’éloignement affectif.” La cuisinière préparetous les jours de bons petits plats équilibrés,adaptés au régime des sportifs ou à ceux des mu-sulmans. Elle fait même des suggestions de me-

nus aux élèves. “Je reçois beaucoup de remercie-ments et de félicitations de leur part, des petits motsqu’on me laisse en cuisine. Les parents aussi m’enenvoient”, précise-t-elle, un grand sourire aux lè-vres. “Certains me disent : “Tu cuisines mieux quema mère!” C’en est presque gênant…”

Le jour de son anniversaire, les élèves lui ontorganisé une petite fête et lui ont offert un ca-deau. Ces moments précieux aident ChristineCornélis à surmonter le caractère difficile de sonmétier (elle travaille du lundi au jeudi de 12 à21h30).

“Les enfants sont très gentils. Ils sont ma force etils m’aident à tenir.”

A mille lieues des clichés du pensionnat strict

et déshumanisant que d’aucuns ont connu, l’in-ternat libre du cœur de Liège a su tirer parti desa petite taille pour recréer un petit cocon oùchaque pensionnaire trouve sa place et peuts’épanouir, tant dans sa scolarité que dans la vieen groupe.

“La séparation avec les parents n’est pas trop pe-sante pour les enfants, grâce à Christine”, affirme ladirectrice. “Nous avons des élèves qui passent touteleur scolarité chez nous, et nos éducateurs choisis-sent de revenir d’année en année. Certains sont làdepuis 20 ans.”

Preuve, s’il en est, que l’internat, ce n’est pastoujours ce que l’on croit.

Isabelle Lemaire

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12 Juin 2012 I 6ENSEIGNEMENT

Enseigner, une partiede plaisir ?

Alors que de nombreux jeunes en-seignants quittent le métieraprès quelques années d’exerciceseulement, pour d’autres, la mo-tivation reste intacte. GhislainCarlier est professeur à la faculté

des Sciences de la motricité de l’UCL. Il a publiéune étude intitulée “Plaisir d’enseigner : laquête du Graal” qui se penche sur la compo-sante “plaisir” dans l’acte d’enseigner chez lesprofesseurs d’éducation physique et sportive(EPS). “Mais j’espère que cette étude peut être ex-trapolée aux professeurs qui enseignent d’autresdisciplines”, dit-il. “La notion de plaisir me sembleincontournable et au cœur de la pratique du mé-tier. On ne reste pas dans l’enseignement si l’onn’éprouve pas de plaisir. La persévérance, c’est unefaçade. Je ne blâme pas ceux qui sont restés sur ceterrain mais j’essaie de mettre en place des élé-ments d’action et de réflexion pour permettre auxélèves et aux professeurs d’admettre que le plaisirest également une clé de la réussite des élèves. Il

faut oser le dire.”Ghislain Carlier détaille une typologie des

enseignants d’EPS liée au plaisir. “Dans unmonde en perpétuelle transformation, ils recon-naissent que les adolescents ne sont pas les seulsqui ont changé. Ils repèrent les aspects positifs destransformations de valeurs individuelles et collec-tives chez leurs élèves. Ils s’y intéressent, voire s’yinitient”, écrit-il.

Cette typologie montre également que cesenseignants privilégient le contact humainavec leurs classes. “Ils communiquent vers leursélèves, verbalement ou non, à l’aide de routinesavérées, élégantes et efficaces, génératrice d’ac-tion. Ils responsabilisent leurs élèves en leur con-fiant des rôles judicieux et ils ne traitent pas leurclasse comme un troupeau. Au contraire, ils carac-térisent avec finesse les groupes d’élèves. Ils se sen-tent gratifiés par les retours positifs des élèves etils l’expriment.”

Les professeurs qui partagent du plaisir avecleurs élèves s’impliquent dans la vie de leur

école, en devenant formateurs, en participant àdes activités extra-scolaires, des projets inter-disciplinaires et en cultivant les liens avecleurs collègues. Le maître mot définissant lesenseignants mus par le plaisir est-il l’huma-nisme ? “Oui mais ce n’est pas un humanisme gra-tuit car il s’accompagne des missions de transmis-sion des savoirs et de socialisation”, précise Ghis-lain Carlier.

Mais alors, les professeurs qui prennent duplaisir à enseigner sont-ils forcément de bonsprofs ? “Cela devrait faire partie de la définitionmais il faudrait interroger les élèves à ce sujet. Sion injectait la notion de plaisir dans les tests Pisa(visant à mesurer les performances des systè-mes éducatifs de différents pays, NdlR), on ob-tiendrait peut-être des résultats bien différents. Entout cas, le plaisir est lié à la connivence et aux in-teractions avec les élèves, à une approche non dic-tatoriale de la transmission des savoirs; ce qui, apriori, sont des éléments englobés dans le conceptde bon prof”, déclare l’auteur.

Ghislain Carlier plaide encore pour que leplaisir soit au cœur de la formation des futursenseignants. “On ne met pas suffisammentcette notion en avant alors qu’on est censé pré-parer les étudiants à exercer un métier quasi-ment impossible. J’invite donc les formateurs àrepérer les pépites de plaisir et à les faire fructi-fier”, conclut-il.

Isabelle Lemaire

L’étude de Ghislain Carlier s’insère dans un ouvrageintitulé “Le plaisir”, publié en 2011 aux éditions EP&S.

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Ces professeurs quiont gardé le feu sacréI

ls ont choisi ce métier et ne voudraient enchanger pour rien au monde. Modestes,ils ont tous tenu à conserver un certainanonymat, “pour ne pas me mettre en avantpar rapport aux collègues”, affirment-ils.

Philippe, 34 ans, est prof de maths de-puis 10 ans dans une école secondaire de la ban-lieue liégeoise. “Une matière ingrate car abstraite,souvent détestée par les élèves”, dit-il. “Au début dema carrière, j’étais ultra motivé et je le suis toujours.Les maths, c’est mon truc et je voulais transmettrecette passion. L’approche des mathématiques, tellequ’on la conçoit habituellement, peut être rébarba-tive car très théorique. J’ai décidé d’aller a contrariode cela et de rendre cette matière vivante, via desexemples concrets applicables dans la vie de tous lesjours, des petits jeux, des travaux de groupe. Je veilleégalement à ne laisser personne au bord du chemin.Il n’y a rien de pire pour un élève en difficulté de sesentir abandonné par son prof. J’ai vécu cela moi-même étant adolescent avec un prof de néerlandaisqui concentrait toute son attention sur les élèvesdoués. C’est vraiment tout ce qu’il ne faut pas faire.”

Les élèves de Philippe, âgés de 12 à 15 ans, sem-blent apprécier ce professeur enthousiaste. “Je mesens à l’aise dans les contacts humains et j’aime ceque je fais. Je pense que mes élèves le ressentent.L’ambiance en classe est souvent très détendue. Unrespect mutuel s’instaure et je constate d’année enannée que le taux d’échec dansmon cours est très fai-ble. Je crois que pour être bon dans ce métier, il fautque cette orientation professionnelle ne soit pas unchoix par défaut. Je connais un prof de sciences quivoulait se consacrer à la recherche, un travail pointuet plutôt solitaire. Son rêve n’est pas devenu réalité etil a “échoué dans l’enseignement”comme il dit. Il ne

prend aucun plaisir à enseigner, est incapable de vul-gariser les matières qu’il dispense et décompte lesannées avant sa mise à la retraite. C’est malheureuxd’en arriver là et il ne faut pas s’étonner si ses élèvesle détestent.”

Sylvie est institutrice primaire depuis 21 ans.Elle apprend à lire, écrire et compter à des petitsbouts de 6 ans. “Un défi passionnant et quelle res-ponsabilité”, clame-t-elle. “Je leur inculque les sa-voirs de base alors, il ne faut pas se louper; c’estd’une importance capitale et aussi très valorisant.”Le sourire vissé aux lèvres, Madame Sylvie entamechaque journée de cours avec la même énergie.“C’est un métier qui peut être épuisant mais les en-fants m’apportent tellement que cela efface les mau-vais côtés. Etre institutrice primaire, c’est un métiervarié, aussi bien du fait des nombreuses matièresque l’on enseigne, que par ses à-côtés créatifs (les pe-tits spectacles que l’on monte pour la fête del’école, les bricolages pour les parents…) et la di-mension humaine. J’ai beaucoup de chance carj’exerce le plus beau métier du monde.”

Jean-Claude prendra sa pension en juin, aprèsune carrière de 40 ans dans l’enseignement supé-rieur. Il a enseigné la littérature ou la sémiologiedans plusieurs établissements et a vu défiler desgénérations d’étudiants. “Les choses ont beaucoupchangé depuis le début de ma carrière, le rapport àl’autorité notamment. Les jeunes d’aujourd’hui nesont plus du tout impressionnés par le statut de l’en-seignant et ils n’hésitent pas à vous le faire savoir. Laclé, c’est d’être capable de s’adapter, de se remettre enquestion. En fin d’année, je soumets à mes étudiantsun petit questionnaire de satisfaction. En fonction dece qu’ils m’apprennent, je n’hésite pas à modifieraussi bien le contenu de mes cours que ma manièrede les dispenser. Rester humble et à l’écoute de sonpublic, c’est primordial. Outre le fait que j’ai gardé in-tacte cette passion de transmettre des savoirs et mamotivation à exercer ce métier, c’est sans doute celaqui m’a permis de garder le feu sacré après toutes cesannées. Je sais que je n’ai pas réussi à intéresser tousmes étudiants mais c’est la règle du jeu.”I. L.

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12 Juin 2012 I 8ENSEIGNEMENT

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12 Juin 2012 I 10ENSEIGNEMENT

Enseign ants inspectés?Of course

Les stéréotypes associent volontiers“l’anglitude” à l’amour des lois et lasévérité. L’enseignement fait-il excep-tion à ces valeurs fondamentales quechérissent les habitants d’outre-Man-che ? Le moins que l’on puisse dire est

que ce secteur est hiérarchisé et réglé comme dupapier à musique. Sur l’île britannique, pointd’inspecteur extérieur pour évaluer les profes-seurs, mais un système interne solidaire et pro-ductif.

Résultat : une adaptation publique de la sphèreprivée où chaque acteur a la parole, des direc-teurs aux différents professeurs, en passant parles élèves. “Nous ne sommes jugés que par nospairs”, annonce d’emblée Ros Smith. Professeurde mathématiques dans un collège du Somersetpendant près de quinze ans, elle explique le fonc-tionnement de l’établissement. “Tous les profes-seurs se regroupent par aptitudes, qu’elles soient lit-téraires, sportives ou autres. Chaque filière est régiepar un professeur nommé titulaire du département.Entre chaque ‘sous-groupe’ d’enseignants, nous nousaidons pour améliorer nos compétences.”

Cette entraide peut d’ailleurs s’avérer formelleou informelle. “Il n’est pas rare qu’un collègue as-siste au cours pour s’inspirer ou pour donner desidées. Mais en parallèle à ces assistances amicales etoccasionnelles, nous sommes observés au moins unefois par an par notre titulaire et notre directeur”,poursuit-elle. De cette évaluation annuelle, en dé-coule un entretien qui se veut surtout construc-tif. “Nous établissons les points faibles et forts de l’en-

Un pas plus loinSoucieux d’optimiser sans cesse son ensei-gnement, le Royaume-Uni envisage d’accélé-rer les procédures de licenciement des profincompétents dès la rentrée 2012. Une an-nonce du secrétaire à l’Education, MichaelGove, qui a eu le pouvoir de créer la polémi-que. “Une sage-femme qui ne fait pas bien sontravail ne reste pas en position, pourquoi n’enserait-il pas de même pour un professeur ?”,lance le politicien. Et d’ajouter, “je suis per-suadé qu’avec un bon soutien, nombre d’ensei-gnants peuvent s’améliorer, mais si ce n’est pasle cas, il doit être possible de les remplacer enmoins d’un an”. Même s’il souligne que leslois du travail resteront respectées, l’an-nonce inquiète les syndicats des professeursbritanniques. “Cette mesure est draconienneet attaque le professionnalisme des ensei-gnants”, souligne Christine Blower, secré-taire générale de la National Union of Tea-chers. Pour leurs collègues titulaires, cechangement est à voir dans l’intérêt ducorps professoral. “Un système clair et un ma-nagement performant sont les clés pour cons-truire une réputation professionnelle”, affirmele secrétaire générale de la National Associa-tion of Head Teachers.F. L.

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Enseign ants inspectés?Of courseseignement et tentons d’établir un programme desoutien si problème”, explique cette enseignante.

Une exception pour le cycle secondaire ? Non,tous les niveaux d’éducation fonctionnent decette manière. Et sur quels critères les profes-seurs sont-ils évalués ? Tout dépend de la chartede performance établie par le directeur lui-même. Dans une réelle position prédominante, lechef d’établissement est même apte à octroyerdes primes aux enseignants compétents. Si d’or-dinaire, des plafonds salariaux existent, il estnéanmoins le seul à pouvoir décider de la promo-tion des professeurs sous son autorité. Cette sou-veraineté n’est cependant pas totale, puisque ledirecteur, en tant que représentant de son éta-blissement, est à son tour jugé par une inspec-tion supérieure. Ce groupement extérieur, appelél’Ofsted, remplit, lui, une mission globale. Sonrôle : contrôler l’école dans son ensemble, la qua-lité de son enseignement, la gestion, le comporte-ment, la sécurité et le bien-être des élèves.

“L’inspection de l’établissement peut prendre quel-ques jours ou plusieurs semaines selon les manque-

ments”, souligne une collègue de Ros Smith, en-seignante dans le cycle primaire. Chaque do-maine peut alors passer sous la loupe desinspecteurs, et cela, à répétition si nécessaire. “Ils’agit d’un moment stressant. Tout peut être contrôlé,et ce, sans avertissement préalable”, continue-t-elle.Pour les établissements plus faibles, des mesuresspéciales peuvent être prises afin de remonter lapente. Dans ces rares cas, certains membres del’établissement peuvent être remis en cause et,éventuellement, remplacés. Une situation excep-tionnelle, tant les entretiens d’embauche sont sé-lectifs. En effet, se prétendre professeur n’est pasune sinécure au Royaume-Uni, puisque le candi-dat-enseignant doit avant tout faire ses preuves.“Après une sélection drastique par CV, les personnesretenues sont invitées à donner une leçon dans uneclasse et sont ensuite interrogées sur leurs compéten-ces”, détaille Ros. Aucun enseignant de tout ni-veau ne coupe à cette sélection à l’entrée, et cetteévaluation continue au cours de la carrière.Fanny Leroyà Bristol

3 QUESTIONS ÀStéphane CornetPorte-parole de la ministre Marie-Domini-que Simonet (CDH), en charge de l’Ensei-gnement obligatoire.Des primes au mérite pourraient-elles ap-paraître comme des solutions à la baisse demotivation des enseignants ? “Ce systèmen’est pas prévu et nous n’y sommes pas favora-bles. Ce système lancerait un mauvais signalen créant des disparités.”Des directeurs d’école plus puissants nesont donc pas à envisager ? “Non, l’accompa-gnement prévu actuellement cadre parfaite-ment avec la Déclaration de politique commu-nautaire qui insiste sur l’autonomie d’actiondont bénéficient les établissements scolaires,laquelle devrait leur permettre de rencontrerles objectifs assignés au système éducatif enmatière d’acquisition de compétences, et ce,en tenant compte de leurs réalités particuliè-res”.En cas de manquement, les professeurs sesentent-ils assez soutenus ? “L’action del’inspection est complémentaire à celle réali-sée par les conseillers pédagogiques. Elle con-tribue à soutenir les établissements dans leurautoévaluation et à faciliter l’accompagne-ment des équipes éducatives dans leur travailde clarification et d’amélioration de leurs pra-tiques éducatives.”F.L.

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12 Juin 2012 I 12ENSEIGNEMENT

Jeu nes profs : ledésam our du métier

Le constat est interpellant : selon uneétude flamande datant de 2003-2004 (il n’existe pas de chiffres plusrécents mais une étude est en coursen Fédération Wallonie-Bruxelles),le taux d’abandon des jeunes ensei-

gnants après cinq années de métier est de 44 %dans l’enseignement fondamental ordinaire,64 % dans le fondamental spécialisé, 62 % dansle secondaire ordinaire et de 31 % dans le secon-daire spécialisé. Et les enseignants débutantsprésentent deux fois plus de troubles névroti-ques que les débutants en insertion dansd’autres professions.

Comment en est-on arrivé à cette situation ?C’est ce qu’Anne Floor, chargée d’études etd’analyses à l’Ufapec (Union des fédérationsdes associations de parents de l’enseignementcatholique) a voulu comprendre. En 2011, elle apublié un dossier intitulé “Jeune enseignant :pourquoi tu pars ?” (1) dans lequel elle se pen-che sur ce phénomène inquiétant, d’autantplus dans ce contexte de pénurie de profes-seurs que connaît la Belgique.

Anne Floor entame son étude avec une con-textualisation. “L’image de l’enseignant a perdude sa superbe, son statut social ne fait plus rêveret l’école n’est plus l’unique source de savoirs”,écrit-elle. La faute à Internet, la télévision maisaussi au jugement parfois négatif de la famillesur l’institution scolaire.

Un problème de génération et d’époque quine devrait pas s’arranger du jour au lende-main. “La solution se trouve sans doute dans lepositionnement des adultes face au savoir et à lamanière dont il est dispensé. Il faut aider les jeu-nes à développer un esprit critique et former les fu-turs enseignants à une prise de recul face à ces sa-voirs disponibles ailleurs qu’à l’école”, déclare-t-elle.

Mais les causes du désamour du métier sontaussi à chercher au sein même du fonctionne-ment de l’école. “Le métier est solitaire et le profdébutant se retrouve, en début de carrière, avec lesmêmes responsabilités qu’un enseignant expéri-menté. La charge de travail administrative estécrasante. Il n’y a pas de période d’essai, de régimede faveur ni d’espace de parole où les jeunes profspeuvent exprimer leurs problèmes. Et rien, dansleur formation, ne les prépare à ces difficultés.”

Anne Floor décrit une profession où l’on ren-contre peu d’esprit de corps, où l’entraide sefait rare. “Il y a un tel va-et-vient dans les écoles(intérims, mutations…) que des liens entre collè-gues deviennent compliqués à nouer.”

Malgré tout, les enseignants interrogés nepointent pas la solitude comme cause pre-mière de difficulté à exercer ce métier. “Ils souli-gnent plutôt la gestion de leur classe et de la disci-pline ainsi que l’évaluation et la planification desapprentissages”, dit-elle.R

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13 I 12 Juin 2012ENSEIGNEMENT

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Jeu nes profs : ledésam our du métier

Le manque de cours axés sur la psychologiede l’enfant, les troubles de l’apprentissage et devariété dans les lieux de stage qui permet-traient une meilleure connaissance, non seule-ment des différents types d’enseignement etd’établissements, mais aussi des milieux cultu-rels et sociologiques dont sont issus les élèvessont également des éléments qui posent pro-blème.

“Les classes les plus difficiles sont données auxenseignants débutants puisque ce sont les profsexpérimentés qui choisissent en premier leur affec-tation”, explique Anne Floor, qui relève au pas-sage un “système de nominations insécurisantpour les jeunes professeurs et rigide, qui participeà rendre leur vie bien compliquée”.

Alors, que faire pour rendre le goût du mé-tier à ceux et celles qui ont choisi la voie del’enseignement ?

Plusieurs pistes existent et sont évoquées par

l’auteur et par les enseignants eux-mêmes. “Ilfaudrait allonger et enrichir la formation, notam-ment en ce qui concerne l’accompagnement desélèves dys-apprenants. Je suggère d’inclure en finde cursus une année tampon, faite de stage et deformation, pour faciliter l’insertion des jeunesprofs. Les stages d’observation doivent être plusapprofondis et plus variés. Je plaide égalementpour l’instauration d’un tutorat formalisé entreprof confirmé et débutant, afin d’aider ce dernier àtrouver sa place au sein de l’établissement sco-laire. Il faut aussi stabiliser les emplois. Et enfin, ilfaut permettre aux directions d’encadrer les jeunesenseignants. Ils veulent le faire mais ils n’en ontpas le temps.”

Isabelle Lemaire

(1) Consultable sur www.ufapec.be onglet “Nos analy-ses & études”

Un cherche à fuir,l’autre veut y arriverPierre (prénom d’emprunt) a une vingtained’années. Ce licencié en histoire souhaitaitdevenir prof dans le secondaire mais il a vitedéchanté. “A cause du statut temporaire desprofs débutants, j’ai été affecté dans une écoledifférente par année scolaire. J’ai dû enseigner lefrançais, la géographie, la religion et tout demême l’histoire.” Pierre a connu des établisse-ments variés, dont une école réputée diffi-cile. “J’ai été amené à porter plainte contre unélève qui avait créé un faux compte Facebook àmon nom où il avait publié des photos person-nelles ainsi que des commentaires à caractèresexuel”, explique-t-il, tout en précisant qu’ils’agit-là d’un cas isolé. “J’ai perdu ma motiva-tion. Je cherche activement à quitter le métier.”A contrario, Julien Pierrard, ingénieur de for-mation, a fait le choix de devenir prof. “J’aiquitté un boulot d’ingénieur pour passer l’agré-gation et devenir prof de sciences en septembredernier”, déclare-t-il. “J’aime les échanges avecles jeunes, leur transmettre un savoir, les moti-ver à apprendre une matière qu’ils n’aiment pastoujours. C’est un vrai challenge.”“Je suis optimiste. L’attente de la nomination, lacharge de travail, les problèmes de comporte-ments de certains élèves, les préjugés sur lesprofs, il faut juste apprendre à gérer”, déclare-t-il.I.L.

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12 Juin 2012 I 14ENSEIGNEMENT

L’orthograph e,trop compliqu ée ?

Une rencontre-débat “grammaireet enseignement”, s’est tenue aumois de mai dernier à Bruxellesà l’initiative du Conseil de la lan-gue française et de la politiquelinguistique (CLFPL), de l’Admi-

nistration générale de l’enseignement et de larecherche scientifique, et de l’Administrationgénérale de la culture et de son Service de la lan-gue française.

L’occasion pour “La Libre” d’élargir le propos àl’enseignement de la langue française dans nosécoles, avec Georges Legros, professeur émériteaux Facultés universitaires Notre-Dame de laPaix à Namur (FUNDP).

Ancien membre reconduit du Conseil de lalangue française et président de la commission“Enseignement”, il s’est notamment occupé deréformes orthographiques.

Il se dit régulièrement qu’il y a un nivellementpar le bas dans l’apprentissage de la languefrançaise. Qu’en pensez-vous ?Ce que nous essayons de prôner au Conseil de lalangue française et de partager dans des journéescomme celle de mercredi, c’est un changement depoint de vue. Il nous semble qu’il faut essayer de dé-placer le curseur sur deux points fondamentaux.

Quels sont-ils ?Le premier concerne le niveau. En 1995, le ministèrede l’Education, en France, a mené une grande en-quête comparative entre les performances à l’écritdes élèves français de 12 à 14 ans de 1995 et ceux de1925. Il avait mesuré que les élèves de 1995 faisaient2,5 fois plus de fautes d’orthographe que les élèvesde 1925 – on a donc là une baisse de niveau chiffrée–, mais, en même temps, ils avaient beaucoupmieux réussi l’épreuve de rédaction. Il faut donc

changer l’idée qu’il y a un et un seul niveau, et qu’ilest constamment en baisse. Vis-à-vis du grand pu-blic, il faut déplacer cette représentation fantasma-tique du niveau : il y a des performances qui bais-sent, il y a même des choses qui disparaissent de lalangue (comme la déclinaison latine), tandis qued’autres choses se mettent en place, et ce n’est pasnécessairement une baisse de niveau. Second point,au Conseil de la langue, nous avons pris commephilosophie l’idée que la langue doit être au servicedes usagers et non l’inverse, c’est-à-dire qu’il ne fautpas toujours faire porter le poids des ratés ou deséchecs sur l’usager. S’il y a des fautes d’orthographe,on dira que c’est parce que les gens ne connaissentpas l’orthographe. Nous, nous disons que c’est aussila faute de l’orthographe, parce qu’elle est inutile-ment compliquée. Après tout, rien ne nous l’impose.On pourrait peut-être la changer ou en changer unepartie.

L’orthographe française est, en effet, l’une desplus difficiles au monde…Oui, si pas, peut-être, la plus difficile de toutes. Enespagnol, par exemple, où l’orthographe est infini-ment plus simple, très régulièrement, l’Académie es-pagnole de Madrid, en concertation avec toutes lesAcadémies du monde hispanophone, met à jourl’orthographe et publie cette mise à jour. Par contre,en français, où l’orthographe est archi-compliquée,dès que l’on parle d’une toute petite mise à jourd’une toute petite rectification, comme en 1990, celasoulève passions et querelles. Et personne n’en veut.Il y a donc une tradition paralysante qui nous blo-que dans une orthographe horriblement compli-quée.

Il y a eu des rectifications de l’orthographefrançaise en 1990. Faudrait-il aller plus loinavec une “vraie” réforme ?

Oui, parce que l’orthographe française est très diffi-cile, sans véritable raison ou bénéfice, et que les élè-ves jeunes en souffrent. Jusqu’au plein milieu duXVIIIe siècle et encore plus tard dans beaucoup d’en-droits, on apprenait à lire en latin, parce qu’en la-tin, l’orthographe est facile. Et quand on savait lire,on apprenait petit à petit des textes français, ce quiétait beaucoup plus compliqué. D’ailleurs, au XVIIIe

et jusqu’au milieu du XIXe siècle, on a régulièrementréformé l’orthographe française. C’est après quecela s’est figé. Donc, il faut essayer de simplifier l’or-thographe parce qu’elle cause de grosses difficultésde lecture et, surtout, d’écriture. Donc, elle coûtetrès cher à l’apprentissage et installe chez les élèvesun sentiment d’insécurité linguistique – cette fa-meuse hantise de la faute d’orthographe est si typi-que des francophones. Il faudrait donc avoir le cou-rage, comme pour d’autres langues, de rationaliseret simplifier l’orthographe.

Un écrivain belge reconnu s’émouvait récem-ment qu’il recevait parfois des courriers deprofesseurs de français truffés de fautes d’or-thographe. Que pensez-vous de la formationque reçoivent nos enseignants en grammaireet en orthographe ?Il y a tout d’abord un paramètre d’ordre sociologi-que. Sans avoir aucun jugement méprisant, il sem-ble que la carrière d’enseignant n’attire plus majori-tairement les premiers de classe. Ensuite, au niveaude la formation des enseignants, c’est-à-dire de l’en-seignement supérieur, il y a des aspects que l’onconsidère comme acquis – l’orthographe ne s’ensei-gne pas à l’unif –; or, ils ne sont pas acquis. Les for-mateurs font ce qu’ils peuvent avec le matérielqu’ils ont et le temps dont ils disposent, et, en effet,on ne peut pas du tout dire que tous les enseignantsde français sont des virtuoses de l’orthographe ni,en général, de la norme.

Précisément, que devient la norme orthogra-phique ?Toute notre société, depuis quelques décennies, a af-faibli l’idée même de norme dans tous les domai-nes, y compris dans la langue. On trouve qu’il fautparler, se faire comprendre, éventuellement être unvirtuose de la communication, mais la norme ortho-graphique… Ce n’est plus la même société qu’il y a50 ou 60 ans. Et donc, les enseignants baignentaussi dans ce climat-là : quand bien même ils es-saieraient d’être normatifs, ils se retrouveraient de-vant un public qui résisterait plus qu’il y a 50 ans.L’enseignement lui-même a changé : en 2005, il aété mesuré qu’il y avait une baisse des performan-ces orthographiques depuis quelques dizaines d’an-nées. On est bien obligé de convenir que cela tientpour partie au fait qu’on n’enseigne plus l’orthogra-phe comme on le faisait jadis.

Les programmes de grammaire et d’orthogra-phe sont-ils moins exigeants qu’auparavant ?Non. Ils sont devenus beaucoup plus exigeants,mais pas sur les mêmes choses. Nos classes sont deplus en plus multiculturelles : il y a des change-ments imposés par les publics. Par ailleurs, l’ortho-

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15 I 12 Juin 2012ENSEIGNEMENT

L’orthograph e,trop compliqu ée ?

graphe a été enseignée pendant longtemps commele sommet de la formation en primaire par la mé-morisation de listes de mots, des exercices de dictée,etc. Puis, on s’est rendu compte que cela n’appre-nait pas beaucoup à écrire, c’est-à-dire à composerdes textes, ni à parler. Et on s’est montré beaucoupplus exigeant : on a voulu que les élèves sachent lireet comprendre les textes qu’ils lisaient; écrire, c’est-à-dire composer; et connaître des contenus. Pourdes raisons idéologiques, on a donc voulu changerde forme d’enseignement et on a trop renoncé àl’exercice. Mais quoi qu’il en soit, si l’on veut conser-ver un enseignement davantage de communica-tion, d’expression ainsi que des enseignementsdans des disciplines différentes, les journées sont li-mitées. On ne pourra pas revenir à l’ancien état,parce qu’on n’a plus la même école, la même so-ciété, ni les mêmes objectifs pour l’école.

Dans notre société de la communication, lamontée en puissance du langage SMS et des ré-seaux sociaux appauvrit-elle la langue fran-çaise ?Il est vraisemblable que cela n’améliore pas l’ortho-graphe normée, mais le tout premier effet, c’est quecela multiplie d’une façon exponentielle le recours àl’écrit. Aujourd’hui, tous les gens lisent et écriventcomme cela n’a jamais été le cas. Quant aux SMS, ilsintroduisent un autre type de discours qui s’ajouteaux précédents (notes de cours, résumés, télégram-mes, sténo,…). C’est donc plutôt un enrichissementdes pratiques langagières. Il faut le prendre commeune chance d’accroître la diversité des moyens decommunication et d’apprendre aux élèves qu’il fautadapter sa communication aux situations et auxmoyens plutôt que de croire que ce mode de com-munication va déteindre unilatéralement et appau-vrir la langue.Entretien Stéphanie Bocart

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NouvelleorthographeLe 3 mai 1990, les rectifications orthographi-ques proposées par le Conseil supérieur de lalangue française sont approuvées à l’unanimitépar l’Académie française et publiées dans le“Journal officiel de la République française” le6 décembre 1990. Elles ont été diversement ac-cueillies.Exemples: Evènement. Devant une syllabe con-tenant un “e” muet, on écrit “è” et non “é” : avè-nement, cèdera, lèvera, etc. Traitre, bruler. Iln’y a pas d’accent circonflexe sur les lettres “i”et “u” : boite, aout, chaine,… Les solos, lesmaximums. Les noms que le français a emprun-tés à d’autres langues font leur pluriel commeles autres mots français : les matchs, des cow-boys, etc.Corole. La finale -olle est remplacée par la finale-ole sauf colle, folle, molle.

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Page 16: Dossier enseignement 1 le 12 juin 2012

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