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JURISPRUDENCE AUTOMOBILE • N°820 • juillet-août 2010 • jurisprudence-automobile.fr 10 D ossier L ’article 1 641 du code civil prévoit que le vendeur d’un bien a une obligation de garantir l’acheteur contre les défauts cachés de ce bien, qui à premier examen, ne se révèlent pas et qui le rendent impropre à l’usage auquel l’acheteur la destinait. La vente d’une automobile, neuve ou d’occasion, n’échappe pas à la règle… légale. Le principe posé, simple à comprendre a priori, il n’en demeure pas moins que le « vice caché » alimente très régulièrement le contentieux de la vente automobile. Probablement parce que le champ d’application de la garantie est large : elle est due par tous les vendeurs quelle que soit leur qualité, professionnels ou simples particuliers, ce qui lui confère d’ailleurs une intensité variable en fonction des acteurs à la vente. Sûrement aussi parce que les critères permettant la détermination du caractère caché du vice, bien que répondant à des conditions cumulatives (antériorité à la vente, impropriété à l’usage, vice non apparent), donnent matière à interprétation par une appréciation souveraine des juges du fond. Il n’est donc pas inutile de revenir aux fondamentaux, pour définir le vice caché à la lumière de la jurisprudence, expliquer son articulation avec les autres garanties légales (délivrance, conformité) voire conventionnelles (garanties commerciales), et préciser le régime de l’action en garantie. n Véronique Crouzy Le vice caché dans l’automobile Sommaire 11 Tour de vice 19 Une garantie d’intensité variable selon la qualité des parties 23 Le vice en action 28 Entretien avec Vincent Montré, expert en automobile VLADIMIR MUCIBABIC - FOTOLIA

dossier Le Vice Caché Dans L’automobile L - Lea.etai.fr · la victime et le fabricant mais qui suppose en revanche ... contrats de crédit-bail ou de location financière), pas

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jurisprudence automobile • n°820 • juillet-août 2010 • jurisprudence-automobile.fr10

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L’article 1 641 du code civil prévoit que le vendeur d’un bien a une obligation de garantir l’acheteur contre les défauts cachés de ce bien, qui à premier examen, ne se révèlent pas et qui le

rendent impropre à l’usage auquel l’acheteur la destinait. La vente d’une automobile, neuve ou d’occasion, n’échappe pas à la règle… légale.Le principe posé, simple à comprendre a priori, il n’en demeure pas moins que le « vice caché » alimente très régulièrement le contentieux de la vente automobile. Probablement parce que le champ d’application de la garantie est large : elle est due par tous les vendeurs quelle que soit leur qualité, professionnels ou simples particuliers, ce qui lui confère d’ailleurs une intensité variable en fonction des acteurs à la vente. Sûrement aussi parce que les critères permettant la détermination du caractère caché du vice, bien que répondant à des conditions cumulatives (antériorité à la vente, impropriété à l’usage, vice non apparent), donnent matière à interprétation par une appréciation souveraine des juges du fond.Il n’est donc pas inutile de revenir aux fondamentaux, pour définir le vice caché à la lumière de la jurisprudence, expliquer son articulation avec les autres garanties légales (délivrance, conformité) voire conventionnelles (garanties commerciales), et préciser le régime de l’action en garantie. n Véronique Crouzy

Le vice caché dans l’automobile

Sommaire11 tour de vice

19 une garantie d’intensité variable selon la qualité des parties

23 le vice en action

28 entretien avec Vincent montré, expert en automobile

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La spécifi cité fondamentale de l ’obligation légale de garantie des vices cachés prévue par l’article 1641 du

code civil, c’est qu’elle est due par tout vendeur d’une chose quelcon-que, neuve ou d’occasion (Com., 11 juin 1954, D. 1954, p. 697, GP 1954.II.285), sans que ce dernier n’ait souscrit ou simplement ima-giné souscrire un engagement par-ticulier en la matière. Cela distingue nettement cette garantie des garan-ties dites conventionnelles ou com-merciales (selon le terme adopté par le code de la consommation, art. L. 211-15), c’est-à-dire celles qui ont été expressément promises par le constructeur ou le vendeur et qui font l’objet de dispositions spécifi -ques du contrat de vente. Il s’agit alors de garanties de bon fonction-nement souscrites soit par le constructeur, lors de la vente d’un véhicule neuf, soit par le vendeur

niché au cœur du droit de la vente et dans celui de la mécanique automobile, le vice caché doit être distingué de notions voisines. il constitue en général, d’un point de vue chronologique, l’ultime fondement de la réclamation de l’acheteur insatisfait.

GARAnTieS Du VenDeuR

Tour de vice

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professionnel lui-même ou un orga-nisme tiers au contrat lors des tran-sactions portant sur les véhicules d’occasion. Si la garantie contrac-tuelle est limitée dans le temps (entre un et quatre ans selon les constructeurs s’agissant de la méca-nique des véhicules neufs, soit dans la limite d’un kilométrage maxi-mum, souvent 100 000 km, ou en-core l’une ou l’autre des deux limites qui est atteinte), son domaine est plus étendu que celui de la garantie légale puisqu’elle a vocation à ga-rantir l’acheteur « pièces et main-d’œuvre » pour presque tous les dysfonctionnements, y compris de faible importance.Il est par ailleurs de principe que l’application d’une garantie contrac-tuelle n’exclut jamais l’application de la garantie légale (C. consom., art. L. 211-15), laquelle se superpose à elle jusqu’à l’arrivée de son terme mais, c’est son avantage, lui survit puis-qu’elle n’est pas inscrite dans une autre durée que celle qui sera souve-rainement, dans chaque cas particu-lier, retenue dans une discussion amiable entre les parties ou fi xée par le juge si le litige se porte sur le ter-rain judiciaire (l’action en revanche doit être entreprise dans le délai de deux années qui suit la découverte du vice). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, pour que l’acheteur soit informé qu’un recours reste possible, y compris lorsque la garan-

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tie contractuelle est expirée, que le professionnel qui offre une garantie contractuelle est tenu, en application des dispositions de l’article R. 211-4 du code de la consommation, de rappeler l’existence de la garantie légale. L’application de celle-ci n’est pas davantage exclue par l’applica-tion de la garantie de conformité qui confère aux consommateurs de nou-velles prérogatives, codifiées aux articles L. 211-1 à L. 211-18 du code de la consommation. De fait et en pra-tique, c’est la garantie légale qui prend donc chronologiquement le relais lorsque la garantie contrac-tuelle du constructeur est expirée, ou se substitue à elle lorsque le ven-deur n’en a pas offert ou encore lorsque ces conditions ne sont pas réunies (carence dans le suivi du plan d’entretien, utilisation non conforme du véhicule, etc.).

n Pas de vente, pas de garantieUne réclamation de l’acheteur fondée sur les garanties légales (conformité et vices cachés) ne peut être exercée qu’à l’encontre du vendeur et, sous certaines conditions, à l’encontre des vendeurs antérieurs, jusqu’au fabri-cant, le constructeur. Les obligations de garantie correspondantes décou-lent en effet bien de la qualité de vendeur, pour la première de l’article L. 211-4 du code de la consom-

ne pas confondre garantie des vices cachés et RC du fait des produits défectueuxn il faut distinguer la garantie des vices cachés de la responsabilité du fait des produits défectueux organisée par les articles 1386-1 et suivants du code civil, régime applicable même en l’absence de lien contractuel entre la victime et le fabricant mais qui suppose en revanche un dommage « à un bien autre que le produit défectueux lui-même » (c. civ., art. 1386-2).

Laurent Merciéavocat au barreau de paris

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mation et de l’article 1604 du code civil, pour la seconde des articles 1603 et 1641 dudit code.Le crédit-bailleur n’en est donc pas débiteur (impliquant une subroga-tion conventionnelle dans ses droits de propriétaire au profit du locataire généralement stipulée dans les contrats de crédit-bail ou de location financière), pas davantage que les mandataires automobiles, ou même les représentants en France des constructeurs étrangers lorsqu’ils n’ont pas procédé à la première com-mercialisation en France du véhicule pour lequel l’application de la garan-tie légale est revendiquée (Com., 9 février 2010, n° 08-20.573, JA n° 819, juin 2010, p. 42 ; CA Ver-sailles, 1re ch. civ., 22 avril 2003, JA 2004, p. 229).La question du dépôt-vente est en revanche plus délicate. Le fait de n’intervenir dans la vente qu’en qua-lité d’intermédiaire, dans le cadre d’un dépôt-vente, comme cela se pratique très souvent chez les négo-ciants en véhicules d’occasion, ne suffit en effet pas toujours à exonérer le professionnel de toute obligation de garantie légale. Car, comme dans l’hypothèse où le vendeur est effec-tivement propriétaire du véhicule, les tribunaux considèrent parfois le pro-fessionnel du marché de l’occasion non pas seulement comme un simple intermédiaire mais comme un vérita-ble vendeur, débiteur ès qualités de la garantie légale (Civ. 1re, 8 octobre 1957, Bull. 1957.1. n° 360, p. 289 ; CA Anger, 1re ch. civ., 15 février 1960, GP. 1960-1.289 ; CA Grenoble, 1re ch. civ., 16 octobre 1995 , Jur is-Data n° 044880 ; CA Versailles, 3 mai 2002, n° 2000-4754, base réglemen-taire de L’Argus ; Civ. 1re, 16 mai 2006, JA 2006, p. 413 ; Civ. 1re, 5 décembre 2006, JA n° 781, janvier 2007, p. 41). Cette garantie étendue est fondée sur la théorie de l’apparence. En consé-quence, lorsque la qualité de simple

dépositaire ainsi que l’identité du véritable propriétaire (par exemple un établissement de crédit) sont ré-vélées à l’acheteur, même si le dépo-sitaire a émis une facture, c’est contre le propriétaire déposant que l’action en garantie doit être dirigée (CA Reims, 1re ch. civ., 9 juillet 2007,

n° 06/02158, base de réglementation de L’Argus). Un dépositaire n’a ainsi pas été considéré comme vendeur dans une espèce où le certificat de cession avait été signé par le déposant (Civ. 1re, 5 février 2009, JA 2009, p. 173). Sur ce point lire également l’article suivant, page 22.

n Distinction entre obligation de délivrance et garantie des vices cachésÀ l’obligation de conformité résul-tant du code de la consommation, applicable dans le rapport profes-sionnel/consommateur, se superpose l’obligation de délivrance conforme de droit commun prévue à l’article 1603 du code civil, applicable à toutes les ventes, quelle que soit la qualité des parties. Mais si l’article 1603 du code civil précise que le vendeur « a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend », cette simplicité du texte masque largement la complexité et les évolutions sensibles de la juris-prudence sur les domaines respectifs

de l’obligation de délivrance et de la garantie des vices cachés. Schémati-quement, en cas de panne grave, le fait pour l’acheteur de se plaindre qu’un véhicule n’est pas conforme à ce que le vendeur lui avait promis – de façon implicite, que le véhicule était bien apte à l’usage auquel il est destiné ou de façon encore plus ex-plicite, qu’il était en bon état de fonctionnement – ne revient-il à peu près à la même chose que de lui faire grief que le véhicule est affecté de vices cachés ? La jurisprudence a un temps suivi cette logique (Ass. Plén., 7 février 1986, Bull. Ass. plén., p. 2) avec un objectif principal : l’indul-gence à l’égard de l’acheteur ayant tardé à agir. Car d’un point de vue pratique, l’application alternative du régime de l’obligation de délivrance offrait la possibilité pour les plai-deurs de contourner l’exigence du bref délai d’action imposée en ma-tière de garantie des vices cachés (délai aujourd’hui circonscrit à deux années suivant la découverte du vice, dans la rédaction actuelle de l’article 1648 du code civil issue de l’ordon-nance n° 2005-136 du 17 février 2005, JO du 18 février 2005). Un revire-ment fut cependant opéré par plu-sieurs arrêts de la 1re chambre civile du 5 mai 1993 (notamment, voir Bull. I, n° 158, confirmé quelques mois plus tard : Civ. 1re, 8 décembre 1993, JA 1994, p. 96).

n Critères de distinctionSi l’on veut tenter de suggérer une synthèse, celle qui figure dans le rapport annuel de la Cour de cassa-tion pour l’année 1994 est peut-être la plus pertinente : « Le vice présente un aspect pathologique susceptible d’évolution alors que la non-confor-mité est statique et provient du fait patent que la chose n’est pas celle désirée. Le vice est, en outre, la plu-part du temps accidentel, alors que

Le professionnel qui offre une garantie contractuelle est tenu, en application des dispositions de l’article R. 211-4 du code de la consommation, de rappeler l’existence de la garantie légale.

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la non-conformité existe dès l’ori-gine de la chose. Enfin, le vice est inhérent à la chose vendue tandis que la non-conformité exige d’être appréciée à la lumière du contrat » (Rapport annuel de la Cour de cas-sation 1994, p. 343). On se hasardera ainsi à résumer les critères en deux propositions :– toutes les promesses formelles du vendeur qui se révèlent insatisfaites, au titre d’une différence entre les caractéristiques du véhicule com-mandé avec celles du véhicule livré ou par la manifestation d’une contre-performance, alors que les engage-ments correspondants seront jugés comme étant entrés dans le champ contractuel, constitueront des inexé-cutions de l’obligation de délivrance de droit commun de l’article 1604 du code civil. Le défaut de délivrance s’appréciera ainsi de façon très concrète, à travers une distorsion patente entre les engagements du vendeur et les caractéristiques réelles du véhicule qui peut être appréciée de manière documentaire ;– tous les amoindrissements des possibilités d’utilisation ou les mau-vais fonctionnements graves se révé-lant prématurément et que l’on ne pourra confronter qu’à la représen-tation abstraite de l’utilité que l’ache-teur était en droit d’attendre du vé-hicule relèveront du régime des vices cachés de l’article 1641 du code civil. L’appréciation est en la matière est ainsi beaucoup plus abstraite, par référence à un modèle théorique d’utilisation. Le pouvoir souverain d’appréciation des tribunaux trou-vera là une place déterminante.Enfin, et parallèlement, dans la me-sure où l’obligation légale de confor-mité de l’article L. 211-4 du code de la consommation opère une synthèse de ces critères, le consommateur pourra également faire grief des déficiences du véhicule au vendeur professionnel sur ce fondement spé-

pour que le vendeur soit tenu à ga-rantie, que le vice affectant le véhi-cule ait existé au moins en germe à la date du contrat (Cass. req., 22 mai 1900, DP 1900.1.454 ; Civ. 1re, 17 juillet 2001, JA 2001 p. 454 ; ou encore pour une fatigue moléculaire telle que la fente de la culasse était inévitable : CA Nîmes, 17 septembre 2002, n° 01/2048, JusrisData n° 2002-199700). Il est en effet parfaitement logique et équitable d’exclure de la garantie du vendeur les défauts en-tièrement nouveaux, même s’ils sont graves, pour autant qu’ils survien-nent postérieurement au contrat du fait notamment de l’usure ou d’un défaut d’entretien de l’acheteur (pour des désordres provenant de l’usure consécutive à l’utilisation du véhi-cule, Civ. 1re, 25 janvier 1984, JA 1984, p. 312 ; CA Paris, 15 juin 1982, JA 1984, p. 348 ; pour un exemple d’usure normale de pneus rechapés : Com., 1er avril 1981, JA 1981, p. 229 ; pour le défaut d’entretien, Com., 3 mai 1994, JA 1994, p. 474). C’est d’ailleurs là que réside le principal fondement de l’article 1648 du code civil qui prescrit à l’acheteur d’intro-duire son recours dans un délai maximum de deux années après avoir découvert le vice rédhibitoire car plus il tarde à agir, plus cela com-promet la possibilité de dater la naissance du vice par rapport au jour de la transaction.

n Preuve par l’expertise techniqueSur le plan de l’administration de la preuve, il reviendra le plus souvent à un expert en automobile, amiable ou judiciaire, de déterminer si le vice existait au jour de la vente puisqu’il s’agit d’une question de nature essen-tiellement technique. À l’exception des ruptures soudaines et brutales qui peuvent toujours survenir, le processus de dégradation des

cial, dans les deux années suivant la livraison (C. consom., art. L. 211-12).

n Définition légale du vice cachéL’article 1641 du code civil dispose : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impro-pre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »Le caractère occulte que doit pré-senter le vice pour justifier la garan-tie du vendeur n’a pas obligatoire-ment à résulter d’une dissimulation volontaire de sa part. Il s’agirait alors d’abord d’une manœuvre dolosive (C. civ., art. 1116) de nature à tromper le consentement de l ’acheteur, manœuvre sanctionnée par la nullité du contrat.Pour qu’un vice soit reconnu de na-ture à légitimer une action en réso-lution de la vente d’un véhicule automobile (action rédhibitoire) ou une action en réduction du prix (action estimatoire), l’acheteur doit démontrer la réunion de plusieurs conditions :– en premier lieu, qu’il s’agit d’un vice antérieur à la vente ;– ensuite, qu’il s’agit d’un vice suffi-samment grave qui rend le véhicule impropre à l’usage auquel il est des-tiné ou qui, comme le précise la loi, diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis s’il l’avait connu ;– d’autre part, qu’il s’agit d’un vice occulte, c’est-à-dire non apparent.

n Antériorité du vice à la venteBien que cette condition ne résulte pas d’une disposition expresse du Code civil, les tribunaux imposent,

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différents organes constitutifs d’un véhicule s’inscrit le plus souvent dans une certaine durée. Le technicien sera le plus souvent en mesure, non pas de dater très précisément l’appa-rition du désordre mais plutôt de replacer ses effets dans une chrono-logie suffisante pour en tirer des conséquences de droit. Tel était le cas par exemple de la rupture d’une pièce du soubassement à propos de laquelle l’expert avait pu établir qu’elle s’était amorcée avant la vente « car les lèvres de la cassure sont rouillées » (CA Colmar, 9 décembre 1977, D. 1979, p. 505), ce qui, bien que ne conférant évidemment pas une date précise à l’apparition du vice, permettait néan-moins une approximation suffisante pour déterminer si la condition d’an-tériorité par rapport à la vente était satisfaite. Lorsqu’il s’agit encore d’ins-crire dans le temps un processus de destruction d’un moteur de véhicule, le recours à des analyses d’huile ef-fectuées par des laboratoires spécia-lisés peut être très utile : en connais-sant par exemple la composition des couches d’alliage composant les cous-sinets de bielle, la découverte dans l’huile de particules provenant de la destruction de telle ou telle couche permet de déterminer l’avancement du processus de dégradation, lequel sera ensuite confirmé lors du démon-tage de la mécanique. Mais, quel que soit le degré de ses compétences, l’expert n’est pas toujours en mesure d’apporter aux magistrats saisis du litige une réponse catégorique sur le point de savoir si le défaut critiqué trouvait ou non son origine antérieu-rement au contrat de vente. Ces derniers ont donc parfois recours aux présomptions.

n Preuve par présomptionsPour pallier les incertitudes qui pour-raient demeurer, même après une expertise, les tribunaux sont donc

Les tribunaux sont parfois conduits à faire jouer une présomption qui tient compte de l’importance de l’utilisation du véhicule et du laps de temps qui s’est écoulé entre le jour de la vente et le jour où le vice caché s’est révélé à l’acheteur.

parfois conduits à faire jouer une présomption qui tient compte de l’importance de l’utilisation du véhi-cule et du laps de temps qui s’est écoulé entre le jour de la vente et le jour où le vice caché s’est révélé à l’acheteur. Plus l’utilisation du véhi-cule aura été importante depuis son acquisition - ce qui est une donnée facile à obtenir par la comparaison du kilométrage entre le jour de la vente et le jour de la découverte du vice – et la durée longue, moins il pourra être considéré que le vice existait au moment de l’achat. Il a ainsi été jugé, par exemple, que le vice était bien antérieur à la vente puisque s’étant manifesté sur un véhicule qui ne présentait que 615 km au compteur (Civ. 1re, 19 octobre 2004, pourvoi n° 01-17.731) mais en revanche, pour des désordres surve-nus plus de six mois après la vente et après 7 300 km, qu’il n’était pas dé-montré qu’ils existaient au jour de la vente (TI Nîmes, 11 décembre 1984, JA 1985, p. 451), ou encore, a fortiori, lorsqu’un acquéreur avait pu parcou-rir près de 70 000 km sans incident depuis la vente (CA Paris, 25 novem-bre 1961, GP 1962, 2, p. 123). De même, il a été décidé qu’au moment de la vente, un véhicule ne présentait pas de vice le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné puisque l ’acquéreur avait pu parcourir 3 900 km avant qu’une anomalie ne se manifeste au niveau de la boîte de vitesses (CA Versailles, 28 septem-bre 1990, D. 1991 somm., p. 168). En sens contraire, il a pu être jugé que

les vices étaient bien antérieurs à la vente « dès lors que le véhicule n’a parcouru que 4 781 kilomètres après la vente » (CA Montpellier, 28 juin 2004, n° 03/02856, JurisData n° 2004-249932). Si la preuve est insuffisante et qu’un doute important subsiste, la condition d’antériorité ne sera pas jugée comme établie (Com., 27 novembre 1984, JA 86, p. 480 ; C A Douai, 1 2 janv ier 2004 , n° 02/05157, JurisData n° 2004-236380). Tel était encore le cas de la présence de poussières dans le maî-tre cylindre de frein d’un tracteur agricole ayant entraîné un accident, poussières dont l’origine et la nature étaient finalement restées indétermi-nées (Civ. 1re, 16 mai 1984, D. 1985, p. 485).

n Gravité du vice et impropriété d’usageLa seconde condition posée pour qu’une déficience d’une automobile autorise son acheteur à agir en ga-rantie est le caractère de gravité que doit présenter le défaut. Comme le précise le texte de l’article 1641 du code civil, le vice doit rendre la chose impropre à l’usage auquel on la des-tine ou diminuer tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l ’avait connu. Or l’usage premier et essentiel d’une automo-bile, par définition, c’est de pouvoir circuler et il serait donc tentant, pour la matière, de transposer la notion d’impropriété de la chose à sa desti-

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nation en notion d’inaptitude ou d’impropriété à la circulation. Mais cela ne tiendrait pas compte d’une réalité incontestable, à savoir qu’un défaut technique mineur (une dé-faillance d’un élément du système d’allumage par exemple) est de na-ture à immobiliser le véhicule – à le rendre impropre à son usage –alors que chacun pressent qu’il ne pourra justifier de considérer qu’il est suffi-samment grave pour déclencher l’application de la garantie légale, au moins s’agissant d’un véhicule d’oc-

fication d’usage à l ’ initiative de l’acheteur, postérieurement à la vente (Civ. 1re, 24 novembre 1993, JA 1994, p. 200). Envisagé sous cet angle, le vice caché peut tout aussi bien en-gendrer seulement un amoindrisse-ment ou des restrictions dans l’utili-sation du véhicule plutôt qu’une panne immobilisante, constitutive d’une impossibilité totale d’usage. Pour juger de cet éventuel amoin-drissement, il faut donc cette fois se référer à un modèle de pleine utilisa-tion du véhicule incriminé.

casion. La notion d’aptitude à la cir-culation ne permet donc pas de ré-pondre à tous les cas de figure puisqu’elle est susceptible de plu-sieurs interprétations, qui vont de la plus large à la plus étroite.Les tribunaux sont donc contraints, pour juger de la gravité d’un vice, à rechercher à quel modèle d’utilisa-tion vendeur et acheteur faisaient référence lorsqu’ils ont conclu la vente, étant précisé qu’il s’agit de l ’usage entré dans le champ du contrat, à l’exclusion de toute modi-

si l’obligation de délivrance et la garantie des vices cachés sont applicables à toutes les ventes, la garantie de conformité ne vaut que pour les ventes faites par les professionnels aux consommateurs.

Textes de référence Définition Champ d’application

Garantie des vices cachés art. 1641 à 1649 c. civ.

obligation de délivrance art. 1604 c. civ.

Garantie de conformité art. l. 211-1 à l. 211-18 c. consom.

le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

applicable à toutes les ventes, quelle que soit la qualité des parties.

la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l’acheteur.

applicable à toutes les ventes, quelle que soit la qualité des parties.

le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité exis-tants lors de la délivrance. pour être conforme au contrat, le bien doit : 1° Être propre à l’usage ha-bituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant : • correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échan-tillon ou de modèle ; • présenter les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage . 2° ou présenter les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.

applicable aux ven-tes réalisées entre le vendeur agissant dans le cadre de son acti-vité professionnelle et l’acheteur consom-mateur.

LeS obLiGATionS LéGALeS Du VenDeuR

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dossier z Le vice caché dans l’automobile

Comme l’indique le professeur Lar-roumet : « Dans la mesure où un usage particulier de la chose n’a pas fait l’objet de l’accord des parties et où une qualité particulière n’a pas été par elles expressément envisagée, il s’agit des qualités requises pour un usage courant de la chose, conformé-ment à l’utilité qui doit en être objec-tivement attendue, c’est-à-dire celle qui est requise pour toutes les choses du type auquel appartient la chose vendue » (Ch. Larroumet, note sous CA Nîmes, 18 décembre 1980, D. 83, p. 29). Ainsi, en ce qui concerne par exemple les exigences de confort, l ’appréciation sera différente s’il s’agit d’un modèle de luxe ou d’un modèle plus courant. Il a ainsi été jugé, s’agissant de turbulences d’air dans l’habitacle lors de l’ouverture de la vitre arrière d’un véhicule de gamme moyenne, que ce défaut ne constituait pas un vice pouvant jus-tifier une garantie car il ne portait pas suffisamment atteinte au niveau de confort qui pouvait être attendu du véhicule litigieux (CA Nîmes, 18 dé-cembre 1980, D. 1983, p. 29). En revanche, le défaut mécanique pro-voquant un dandinement dans les virages a été jugé comme un incon-vénient intolérable, l’acquéreur du véhicule litigieux l’exploitant dans le cadre d’une entreprise de pompes funèbres (Civ. 1re, 6 avril 1994, JA 1994, p. 578). Compte tenu de ces précisions, quels sont les principaux critères ou les éléments d’apprécia-tion retenus pour fixer le degré de gravité du vice ouvrant la voie d’une action en garantie ?

n Véhicules neufs et véhicules d’occasion

Pour l’automobile comme pour tout autre bien, l’appréciation de la gra-vité d’un vice peut être plus ou moins sévère. Pour se situer sur l’échelle des appréciations possibles dans un litige donné, l’analyse de Monsieur Gérald Levy (RTDCiv. 1970.1) paraît excellente : elle passe par la déter-mination du niveau de service que l’acheteur est en droit d’attendre du véhicule qu’il a acquis. Le niveau de service exigible étant lui-même fonction de la nature de l’objet, la première distinction à opérer concerne les véhicules neufs et les véhicules d’occasion. S’agissant d’un véhicule neuf ou très récent, le ser-vice qu’il doit rendre à son acquéreur doit être maximal et l’appréciation de la gravité du vice doit être la moins sévère possible. Lorsque l’ob-jet de la transaction est, au contraire, constitué par un véhicule d’occasion, le service qui peut en être attendu par l’acheteur est atténué. Le niveau de service qu’il sera en droit de re-vendiquer sera inversement propor-tionnel à l’âge et à la durée d’utilisa-tion du véhicule d ’occasion au moment de son achat. Plus le véhi-cule sera récent et son kilométrage faible, plus on se rapprochera de l’appréciation indulgente de la gra-vité du vice qui préside en matière de véhicules neufs. En revanche, plus le véhicule sera ancien et son kilo-métrage important, plus les déficien-ces qui l’affectent devront être gra-ves pour légitimer un recours de

l’acheteur (CA Versailles, 28 sep-tembre 1990, D. 1991 somm., p. 168 ; Civ. 1re, 20 février 1996, JA 1996, p. 368). Ainsi, par exemple, l ’usure d’une pièce interne au moteur sera consi-dérée comme un vice suffisamment grave pour légitimer la résolution de la vente d’un véhicule d’occasion ayant peu roulé (détériorations du vilebrequin sur un véhicule n’ayant parcouru que 28 426 km : Com., 14 décembre 1970, Bull. IV, n° 345) alors qu’un recours fondé sur la même cause, dans l’hypothèse d’un véhicule à fort kilométrage, sera voué à l’échec (pour l’usure d’un arbre à came sur un véhicule ayant parcouru 120 000 km : TGI Besan-çon, 4 juin 1985, JA 1986, p. 175). Car, comme le rappelle souvent la jurisprudence, le principe de la pré-visibilité de certains défauts, même assez graves, est l’une des caracté-ristiques essentielles des véhicules d’occasion (Trib. com. Fécamp, 11 mai 1938, GP 1938.2.535 ; CA Paris, 6 no-vembre 1963, GP 1964.1.314 ; CA Versailles, 28 septembre 1990, D. 1991 somm., p. 168 ; CA Paris, 25 mai 1990, D. 1991 somm., p. 169). Un auteur a parfaitement illustré le principe en indiquant que « la voi-ture d’occasion est avant tout un assemblage de pièces complexes, une machine déjà capricieuse comme toute mécanique, mais son usure, au surplus, expose tout de même à quelques mécomptes » (A. Sudaka, Où en est la théorie des vices cachés dans la vente des véhicules d’occa-sion ? GP 1966, I, doct., p. 61). Cette idée d’une garantie amoindrie mais néanmoins encore possible pour les véhicules d’occasion est encore ex-primée par référence à une « usure anormale » (Cass.req., 15 novembre 1927, GP 1928, 1, p. 80) ou par réfé-rence aux « conséquences imprévues de la vétusté » (TI d’Alès, 7 juillet 1983, JA 1984, p. 26).

S’agissant d’un véhicule neuf ou très récent, le service qu’il doit rendre à son acquéreur doit être maximal et l’appréciation de la gravité du vice doit être la moins sévère possible.

Le vice caché ainsi qualifié par les tribunaux constituera l’expression judiciaire de la fiabilité due au propriétaire du véhicule au-delà des engagements contractuels souscrits à l’origine par son constructeur.

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dossier

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n L’exclusion du vice relevant de la vétusté

Comme l’écrit un auteur, « le vice dont se plaint l’acheteur – essentiel-lement distinct du seul caractère usagé de la chose – doit être apprécié de façon relative, en ce sens qu’il doit dépasser ce qui était normalement prévisible dans un véhicule d’occa-sion, en un mot il doit être un défaut qu’une chose même usagée ne devrait pas présenter » (H. Roland, Observa-tions sur la vente des véhicules d’oc-casion, D. 1959, chron., p. 161). Si le vice n’est que la manifestation d’une usure normale du véhicule, le recours en garantie sera voué à l’échec (boîte de vitesse et divers organes mécani-ques hors d’usage sur un véhicule présentant un kilométrage et un âge importants, 232 693 km et plus de 10 ans, acheté à faible coût, 1 750 euros : CA Lyon, 4 octobre 2007, 06/06219, base de réglementation de L’Argus ; ou pour un véhicule de 10 ans et 140 000 km, vendu pour un prix modique : Civ. 1re, 20 février 1996, JA 96, p. 368). Il s’agit une nouvelle fois d’une question comportant un enjeu technique sur laquelle l’avis des ex-perts sera très utile.Mais in fine, c’est au juge et au juge seul qu’il appartiendra de dire, dans chaque cas particulier, si la défectuo-sité litigieuse doit entrer dans le champ de la garantie légale. Le vice caché ainsi qualifié par les tribunaux constituera l’expression judiciaire de la fiabilité due au propriétaire du vé-hicule au-delà des engagements contractuels souscrits à l’origine par son constructeur ou, plus exactement, de la fiabilité de celui de ses organes vitaux qui s’est révélé défaillant (pour une panne moteur d’un véhicule à 145 000 km, « alors qu’il est constant que les véhicules à moteur diesel modernes parcourent des kilométra-ges bien plus élevés sans encombre » : CA Montpellier, 10 janvier 2003,

cela n’engendre nécessairement et dans l’immédiat une impossibilité pratique d’utiliser le véhicule, lequel continue techniquement à pouvoir circuler. Faut-il pour autant refuser à l’acheteur de se prévaloir d’un tel défaut pour agir en garantie ? Pour pallier les difficultés qui résistent aux analyses les plus déterminées, le seuil souvent retenu par les tribunaux pour marquer le niveau de gravité exigé est le risque qu’il engendre pour la sécurité d’utilisation du véhi-cule. Dès que le défaut sera de nature à rendre le véhicule dangereux, il sera presque systématiquement jugé comme satisfaisant à la condition de gravité posée pour l’action en garan-tie (Com., 18 décembre 1973, Bull. IV, n° 372 ; TI Martigues, 26 mars 1986, JA 1986, p. 327 ; TI Béziers, 3 juillet 1992, JA 1992, p. 523 ; TI Montpellier, 20 novembre 1992, JA 1993, p. 424 ; TGI Marseille, 17 mars 1994, JA 1994, p. 371 ; TI Saint-Etienne, 26 avril 1994, JA 1994, p. 423 ; CA Douai, 9 février 2004, n° 01/01539, Juris-Data n° 2004-241121). De ce point de vue, la destination d’une automobile n’est donc pas tant son aptitude à circuler que son aptitude à circuler dans des conditions de sécurité ac-ceptables pour ses occupants et les autres usagers de la route (CA Rouen, 20 mars 2001, n° 99/03889, Juris-Data n° 2001-159871).

n Caractère occulte du viceLa troisième et dernière condition du recours réside dans le fait que

n° 00/04910, JurisData n° 2003-216031). Dans cette analyse, les ma-gistrats prendront le plus souvent en considération le prix convenu, pour le comparer à la cote de l’occasion ou encore les propres promesses du vendeur, notamment s’il avait rédigé une petite annonce dans un journal spécialisé : ils seront nécessairement plus rigoureux envers le vendeur lorsque celui-ci aura sollicité un prix supérieur à la cote moyenne (Civ. 1re, 11 février 1975, n° 73-14476, Bull. I, n° 60) ou aura par exemple indiqué que le véhicule était en parfait état. Notons enfin que pour fixer le niveau de gravité de nature à légitimer l’ac-tion en garantie de l’acheteur, les tri-bunaux retiennent parfois également le fait que le coût de la réparation, si elle est possible, dépasse la valeur vénale du véhicule (TI Sète, 24 janvier 1984, JA 1984, p. 175 ; TI Montpellier, 20 novembre 1992, JA 1993, p. 424) ou que ce coût est simplement impor-tant au regard de la valeur de rempla-cement du véhicule.

n La « dangerosité » du véhiculeEntre le vice ne préjudiciant que l ’agrément, en principe exclu du champ de la garantie légale, et celui qui porte gravement atteinte à l’uti-lisation du véhicule, la limite est es-sentiellement variable et donc parfois difficile à déterminer. À titre d’exem-ple caricatural, personne ne viendra contester qu’un défaut du système de freinage constitue un défaut méca-nique grave sans pour autant que

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dossier z Le vice caché dans l’automobile

le défaut critiqué ne doit pas être considéré comme ayant été apparent lors de la vente. L’article 1642 du code civil dispose en effet que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Quels sont-ils ?

n Vices révélés par l’examen ou l’essaiConstituent ainsi des vices apparents tous ceux qui ont été révélés par l’es-sai routier du véhicule (TGI Bordeaux, 7 avril 1987, JA 1987, p. 77) ou l’exa-men de l’extérieur, sans autre investi-gation particulière ou démontage. Mais le vice apparent n’est pas uni-quement celui qui est ostensible et que révèle un examen superficiel, c’est aussi celui qu’un homme de diligence moyenne aurait découvert, en procé-dant à des vérifications élémentaires (TI Bordeaux, 31 mars 1988, JA 1988, p. 208). L’acheteur est donc tenu à un examen aussi méticuleux que ses connaissances le lui permettent. En outre, on comprend aisément qu’en matière de véhicules d’occasion, l’acheteur soit juridiquement tenu à une vigilance plus étendue que s’il achetait un véhicule neuf. S’il ne pro-cède pas aux vérifications élémentai-res, au moins celles qui sont à la portée de tout automobiliste (CA Angers, 15 février 1960, GP 1960, 1, p. 289), il sera présumé avoir accepté par avance l’éventualité de vices cachés et toute action en garantie lui sera alors refu-sée (Civ. 1re, 7 janvier 1982, Bull. Civ. I, n° 8). Précisons encore que la multi-plicité des vices apparents peut même parfois priver l’acheteur d’un recours

qui serait fondé sur un vice supplé-mentaire qui, à la différence des précédents, serait caché, car il existe en effet une forte présomption qu’un véhicule comportant de nombreux défauts apparents en comporte éga-lement d’autres qui le sont moins, même pour un acheteur profane normalement avisé (Civ. 1re, 10 mars 1993, JCP éd. G 1993, IV, p. 143).

n Vices révélés par le rapport de contrôle techniqueOn rappellera qu’en application conjuguée des dispositions de l’arti-cle 5 bis du décret n° 78-993 du 4 oc-tobre 1978 et de l’article R. 323-22 du code de la route, tout vendeur d’une voiture particulière ou d’une camion-nette de plus de 4 ans est tenu de remettre à l’acheteur, préalablement à la vente, un procès-verbal de visite technique établi dans un centre agréé et datant de moins de six mois. Pré-cisément institué à l’origine comme garantie pour l’acheteur en visant à l’informer sur l’état général du véhi-cule qu’il se propose d’acquérir, la jurisprudence a été hésitante sur le point de savoir si un défaut noté sur le rapport de contrôle technique fait

de ce défaut un défaut apparent dont l’acquéreur ne sera plus fondé à se plaindre (voir étude Xavier Henry, « Contrôle technique et garantie des vices cachés : un exemple du rôle des banques de données », Contrats-Concurrence-Consommation, déc. 1992, p. 1 à 4). Certaines décisions du fond jugent que non, notamment lorsque les magistrats estiment qu’à la lecture des indications du rapport de contrôle, l’acheteur a pu se mé-prendre sur la nature ou la gravité du vice ainsi que sur ses conséquences potentielles sur le fonctionnement du véhicule. D’autres décisions considè-rent au contraire que les défauts qui sont révélés par l’examen du contrôle technique du véhicule constituent des vices apparents (TI Bordeaux, 24 avril 1990, JA 1990, p. 430 ; TI-Saint Etienne, 23 mars 1993, JA 1993, p. 578), solution en faveur de laquelle la Cour de cassation s’est récemment prononcée en considérant « que le rapport établi à la suite d’un tel contrôle peut révéler, par des énon-ciations claires et compréhensibles pour tout acquéreur, l’existence de vices rendus de la sorte apparents » (Civ. 1re, 19 novembre 2009, n° 08-14.460, JA 2009 n° 813, décembre 2009, p. 46). n

Dès que le défaut sera de nature à rendre le véhicule dangereux, il sera presque systématiquement jugé comme satisfaisant à la condition de gravité posée pour l’action en garantie.