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Dossier pour la Marche des Vivants Livret pédagogique du guide Yad Vashem | Institut commémoratif de la Shoah et de l’ Héroisme, Ecole Internationale pour l’ Etude de la Shoah

Dossier pour la Marche des Vivants · 2019-02-04 · Sa contribution fut importante dans le domaine de l’histoire de la communauté juive. Ses écrits consignaient les résultats

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Dossier pour la Marche des Vivants

Livret pédagogique du guide

Yad Vashem | Institut commémoratif de la Shoah et de l’ Héroisme,

Ecole Internationale pour l’ Etude de la Shoah

Yad Vashem

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Dossier pour la Marche des Vivants

Livret pédagogique du guide

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Rédaction | Osnat Dadon,Yaakov Yaniv, Section de la Formation des Guides,

Ecole Internationale pour l’Etude de la Shoah

Traduction | Esther Vento

Edition | Valérie Ben Or

Production | Ami Sternschuss

Conception Graphique | Eran Zirman

© 2005

Tous droits réservés à l’Ecole Internationale pour l’ étude de la shoah,Yad Vashem, tous droits de traduction, de reproduction et d’ adaptationréservés pour tous pays.Toute représentation integrale ou partielle faite par quelque procedé quece soit sans autorisation de l’ éditeur est illicite

Yad vashem | Institut commémoratif de la Shoah et de l’ Héroisme,

Ecole Internationale pour l’ Etude de la Shoah

avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah

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Table des matières

5 Varsovie

7 Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz

8 Meir Balban

9 Les Fosses Communes

10 Adam Czerniakow

12 Zamenhof

13 Le Bund

14 Y.L. Peretz, Ansky Dinezon

16 La synagogue de Nozick

17 L’église des convertis

19 La synagogue de la rue Tlomackie

21 L’Institut juif d’histoire – ZIH

22 L’orphelinat de Janusz Korczak

24 Histoire du ghetto de Varsovie-le mur, Zlota

26 Témoignages

29 La seconde déportation le 18 janvier 1943

30 Le soulèvement

32 Le 20 de la rue Chlodna et le pont en bois

34 Le parcours de l’héroïsme

45 L’organisation Zegota

48 Tikochin

53 Lublin

57 Cracovie

74 Les camps

77 Témoignages Convoi pour Treblinka

91 Témoignages Les ’actions’ contre les enfants

92 Auschwitz

95 Témoignages Auschwitz- Birkenau

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LE CIMETIERE JUIF DE VARSOVIE ( OKOPOWA)Le cimetière juif de Varsovie, situé rue Okopowa et existant depuis le débutdu XIX0 siècle, (les premières tombes datent de 1807), est l’un des plus grandscimetières d’Europe. Il est devenu, après la Seconde Guerre mondiale unmonument à la mémoire de la communauté juive de Pologne, détruite parles nazis.

Le cimetière est entretenu par la communauté juive de Varsovie. Dans cebut une fondation du cimetière Juif Gésia a été établi en 1992.

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Varsovie

Varsovie Pologne, Le cimetière sous la neige

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Au temps du ghetto

Pendant la période du ghetto, on y enterrait les juifs. Au début, les personnesqui mourraient au ghetto étaient inhumées dans des tombes individuelles,ce qui ne sera bientôt plus possible car, plus tard, quand les morts semultiplièrent à cause des conditions de vie au ghetto, c’est seulement dansdes fosses communes que l’on enterrait les corps chaque fois plus nombreux.

Mais c’était un chemin que les juifs enfermés au ghetto empruntaient pouren sortir ou pour y pénétrer. Comme il était situé à l’extérieur des murs dughetto, tout en faisant partie du ghetto, à proximité du cimetière local, etc’était secrètement bien sûr que par là était infiltré au ghetto de la nourritureet des armes clandestinement.

Roman Vishniac:

“Soudain, tous les lieux où des Juifs avaient vécu pendant des centaines d’années,

avaient disparu.

Et je pensais que dans les années à venir, longtemps après la Shoah, les Juifs

voudraient que leur soient racontés ces endroits qui avaient disparu, et la vie qui

fut qui ne serait plus”.

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“Ohel hemdat Shlomo”

Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz est né à Poznan en 1765 où il grandit etsuivit des études rabbiniques. Il y fut même rabbin de sa communauté. Maisle mouvement hassidique ne lui plaisait pas et quand il fut convié à se rendredans la ville de Poznan, en 1819, où on lui proposait de devenir rabbin duquartier Praga à Varsovie.

Deux ans plus tard il sera nommé rabbin de Varsovie. Pendant une vingtained’années, il sera confronté aux diverses tendances du judaïsme local. D’un côtéle mouvement de la haskala prend de l’ampleur, face aux hassides de Gour.

Dans son ouvrage Hemdat Shlomo, il débat des différents problèmes deson époque et son nom est rapidement connu dans la Diaspora. L’un dessujets qui le préoccupaient était le nouveau style de vie qu’avaient adoptécertains jeunes juifs de sa communauté. Il n’hésite pas à utiliser les autoritésde l’ordre locales.

Et à ce propos,il écrit la lettre suivante:“ces derniers temps, les jeunes juifs, en particuliers les servantes et les servants ont

tendance à négliger leurs devoirs religieux. Ils ne respectent ni le shabbat ni les

fêtes juives, ils ne vont ni à la synagogue, et passent leur temps à des divertissements,

à danser et passent leurs soirées dans les lieux où l’on boit et se promènent dans

les jardins. Et chacun sait que l’on ne peut se fier à une personne qui ne respecte

pas les règles religieuses pour être un bon citoyen de son pays. Dans cette logique,

le rabbin demandait aux autorités municipales d’envoyer des policiers pour aider les

shamash à mettre fin à ces comportements odieux.”

La municipalité accéda à sa requête.Il avait un style de vie modeste et devint un modèle pour sa communauté.C’était un chef spirituel à l’âme d’éducateur. On raconte qu’un jour, un mendiantqui était chez lui vola le manteau de la femme du rabbin, et, quand on l’attrapa,le rabbin demanda au shamash de se rendre chez l’homme et de lui fournir cedont il avait besoin sans attendre qu’il vienne demander de l’aide, car il auraitsûrement honte de venir après avoir été pris en flagrant délit de vol.

On raconte encore à son propos que lorsqu’il rentrait chez lui du mikve,il n’en revenait jamais avec deux chemises, car il donnait la chemise usagéeà un pauvre.

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Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz 1765-1839

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Sa biographieMeir Balban est né en 1877 à Lwow dans unefamille très respectable et cultivée. Il reçut uneéducation juive traditionnelle et enseignad’abord dans un lycée et ensuite dans desétablissements d’enseignement supérieur. Puisenfin dirigea le séminaire de rabbins ’Tarkemoni’à Varsovie.

En 1936, il obtint la chaire d’Histoire juive àl’Université de Varsovie

Il sera l’un des fondateurs de l’Institutd’Etudes Juives à l’université et il en est ensuiterecteur pendant plusieurs années.

Il était très rare qu’un juif polonais occupeun poste aussi prestigieux, ce qui donne une indication de l’estime danslaquelle le tenaient les Polonais. Sa contribution fut importante dans le domainede l’histoire de la communauté juive. Ses écrits consignaient les résultatsd’une étude approfondie et minutieuse. Deux de ses livres les plus importantsqui ont été publiés avant la Première Guerre Mondiale sont consacrés àl’histoire des Juifs de Lwow et des juifs de Cracovie. Il fut l’un des précurseursde la recherche de l’historie des Juifs de Pologne. Par ailleurs, ses oeuvreslittéraires dans le domaine de la pédagogie connurent un grand succès entreles deux guerres mondiales, c’est d’ailleurs à cette époque que la Pologneprend une place centrale dans la vie juive Europe. Il restera à Varsovie jusqu’àla fin de ses jours et continuera à travailler même dans les conditions extrêmesqui étaient celles du ghetto. Il fut un historien prolifique, publiant des centainesd’articles et de livres en Polonais, en Russe, en Allemand, en Yiddish et enHébreu et ses úuvres furent consacrées à l’histoire des juifs de Pologne depuisleur implantation initiale dans le pays et jusqu’au XIX∞ siècle. Son travailconsistera en grande partie à collecter des documents sur les juifs de Pologneet leur histoire, l’histoire des synagogues historiques importantes en Pologneet leurs caractéristiques. Un papier particulièrement remarquable qu’il écrività la demande de la communauté de Cracovie était consacré à l’histoire desjuifs de Cracovie et Kuzimitz. De cette façon il établit une nouvelle école pourl’étude de l’historiographie des juifs de Pologne.

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Meir Balban (1877-1942)

Meir Blaban Historien desJuifs de Pologne

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La surpopulation au ghetto, la famine et les conditions sanitaires déplorablescréèrent des conditions de vie extrêmement difficiles et par conséquent, lesjuifs mouraient nombreux. Les morts se multipliaient, pour dans la pirepériode atteindre les 5000 morts par mois. Dans ces conditions, il étaitévidemment impossible d’enterrer les morts individuellement. La solutionétait de les inhumer dans des fosses communes. La famille du défunt déposaitle cadavre dans la rue pour que les membres du judenrat s’en chargent etl’enterrent dans une fosse commune au cimetière. Rachel Orbach écrit dansson journalDans le cimetière il y avait 4 fosses communes.

Et dans tous les sens circulaient les chariots de la mort débordants de leur triste

fardeau. Et les morts étaient rapidement acheminés et tous les passages et toutes

les rues étaient comme des affluents qui venaient rejoindre un fleuve énorme qui

avalait tout sur son passage.

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Les Fosses Communes

Juifs du ghetto poussant un chariot plein de corps en direction du cimétiere

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Le chef du judenrat à Varsovie, natif de cette ville est né en 1880 dans unefamille juive assimilée de la classe moyenne. Il avait étudié à l’écolePolytechnique dont il avait obtenu un diplôme d’ingénieur en Chimie. Il étaitprofesseur dans un lycée professionnel juif de la ville. Il n’appartenait à aucunmouvement politique défini, mais il faisait partie de la commission de l’Agencejuive de Varsovie comme représentant des juifs anti sionistes. Il fut aussiconseiller municipal entre 1927 et 1934.

Au début du mois de septembre 1939, il fut nommé par le maire de Varsovie,à la tête de la communauté juive religieuse de Varsovie. Le 4 octobre, aprèsque la ville se fut rendue, il est nommé chef du judenrat par la Gestapo. Sousl’occupation et dans le ghetto, les domaines d’activités de la communautéjuive se sont élargis de beaucoup et le judenrat doit s’occuper del’approvisionnement en nourriture, du travail, de la santé, du logement, dunettoyage…

La structure du judenrat s’était de beaucoup élargie. De 530 personnes quiconstituaient le judenrat leur nombre parviendra à 6000. Pendant les premièresannées de son mandat il maintenait un contact quotidien avec la police allemandeet les délégués civils. Il espérait faire fléchir les Allemands en tentant d’éveilleren eux un sentiment humain, pour tenter d’obtenir des conditions meilleuresdans le ghetto. Ce fut peine perdue bien sûr. Les Allemands lui infligèrent desmauvais traitements verbaux et physiques. Sa personnalité, son caractère et sesqualités apparaissent différents selon les personnes qui ont parlé de lui, que cesoit dans le journal qu’ils tenaient ou des chroniqueurs. Dans les milieuxrésistants, il était dénigré comme assimilé et vivement critiqué, car on voyaiten lui une personne imbue de sa personne qui aimait à se donner de l’importanceet qui tenait à des cérémonies publiques qui paraissaient ridicules dans lecontexte du ghetto. Mais, vu par ceux qui travaillaient avec lui, il était digned’éloges et possédait de nombreuses qualités. Sur un point, cependant tousétaient d’accord, il était d’une droiture irréprochable et les bonnes intentionssous-tendaient toutes ses actions. Mais, le 23 juillet 1942, il se suicide, refusantde livrer des juifs aux Allemands. Son décès fut interprété comme la protestationd’un homme qui était parvenu à la limite entre ses fonctions officielles au ghettoet la collaboration avec les ennemis. D’ailleurs, dans le cadre de ses activités,il avait également adopté une politique économique libérale grâce à laquelle,il fermait les yeux sur des activités clandestines. Mais les plus démunis en

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Adam Czerniakow 1880-1942

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pâtissaient et dans une certaine mesure cela accentua des écarts sociaux entreles pauvres et la petite élite du ghetto.

De façon générale, Czerniakow était considéré comme un homme honnêtequi tentait d’agir de son mieux, compte tenu des circonstances, et qui se refusa,le moment venu, à transgresser les limites dernières qui consistaient à livrerdes coreligionnaires à la mort. Il n’y a aucune preuve qu’il ait profité de saposition à des fins malhonnêtes ou pour accepter tout avantage personnel.

A partir du 6 octobre il se faisait un devoir de consigner tous les jours lecompte-rendu de ses activités dans le cadre de son poste de président dujudenrat de Varsovie. Ce journal est parvenu à Yad Vashem au milieu desannées soixante, a été publié en 1968 et il nous fournit un des témoignagesles plus marquants de la période de la Shoah. Le journal éclaire la personnalitéde l’homme à la tête du judenrat de la communauté juive la plus granded’Europe. Voici ce que rapporte dans son journal Kaplan, trois jours après lesuicide de Czerniakow. “Par sa mort, il a honoré son nom plus que dans savie… après la mort du président (Czerniakow) nous avons su qu’il avaitrefusé de signer une autorisation de livrer des juifs. Sa vie n’a pas été belle,mais sa mort a été belle…pour certains, une heure suffit pour se racheter.Pour le président Czerniakow une seconde aura suffi.”

L’une des dirigeantes du soulèvement, Tsvia Lubetkin, écrit à propos dusuicide de Czerniakow:

” Il s’est racheté en devenant fou et cela ne saurait faire pardonner ses actions

passées. Pourquoi n’a-t-il pas prévenu les juifs, pourquoi ne les a-t-il pas mis en

garde contre ce qui les attendait?” Sur sa tombe on peut lire:

«L’important n’est pas où se trouvent tes os, un jour ils réouvrirons ta tombe et

jugerons tes actes à travers une nouvelle lumière»

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Ludwik Lejzer Zamenhof est né en 1859 à Bialystok où il vécut jusqu’à l’âgede 15 ans. Il a grandi dans une famille non religieuse où l’éducation étaitprimordiale, son grand –père et son père étaient des linguistes et on y discutaitlibrement d’idées diverses. La ville de Bialystok à cette époque avait unepopulation dont 70 pour cent étaient juifs, avec de nombreuses minorités carelle se trouvait à un carrefour.

Il alla à Moscou pour y étudier la médecine. Il travailla ensuite dans unhôpital local. Et mourut en 1917 des suites d’une maladie. Mais surtout, ilreste dans l’histoire de l’humanité comme celui qui a inventé une languenouvelle internationale, l’Espéranto par laquelle il espérait que tous les peuplespourraient communiquer. Sur les origines de la langue il dit:

“Mon éducation a fait de moi un homme avec certaines aspirations et certains

idéaux et j’ai appris que tous les hommes sont frères. Mais la réalité m’a montré

partout, non pas des personnes, mais des Russes, des Polonais, des Allemands,

des Juifs…

Dans mon enfance j’ai beaucoup souffert de cet état de choses…dans les rues

de ma pauvre ville natale, des hommes se jetaient avec des matraques sur des

hommes dont le seul péché était la langue qu’ils parlaient, une langue étrangère,

le yiddish”.

Si je n’étais pas juif du ghetto je n’aurais jamais eu l’idée de tenter de réunir les

hommes. Seul un juif du ghetto qui prie dans une langue, morte depuis longtemps,

qui étudie dans la langue de son oppresseur, qui a des frères dans le monde entier

qui souffrent la même douleur, mais avec lesquels il ne peut parler, peut sentir de

façon aussi cuisante le malheur dans ce manque de communication entre les

hommes.”

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Zamenhof (1859-1917)

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Le parti socialiste des ouvriers juifs a été fondé en 1897 à Vilnius. Au début,c’est en Russie et en Pologne en particulier qu’il s’est épanoui. Rejetant enbloc le sionisme, la langue hébraïque et la culture juive, le bund considéraitque le yiddish était la langue nationale du peuple juif dans ces pays d’Europede l’Est. Son combat visait à obtenir l’égalité des droits pour les juifs dans lecadre d’un Etat socialiste et démocratique où les juifs, comme les autresminorités, pourraient jouir d’une autonomie culturelle. Le slogan dumouvement était: “Pour notre liberté et votre liberté”

Entre les deux guerres mondiales, c’est dans une Pologne indépendanteque le Bund installe son siège, y développant une structure importantecomportant des organisations pour les jeunes et les enfants, une associationsportive et des associations de femmes. Le Bund était l’organisation politiquela plus importante entre les organisations de travailleurs juifs et devint uneforce centrale au sein de la communauté juive de Pologne. Dès que la guerreéclata, ses dirigeants pour la plupart quittèrent la Pologne. La direction duparti à Varsovie refusait toute coopération politique avec les partis etmouvements de jeunesse sionistes et, plus tard au ghetto de Varsovie, refusèrentdans un premier temps de se joindre à l’organisation juive de résistance. Cen’est qu’en octobre ou novembre 1942, après la ’grande action’ menée par lesnazis au ghetto de Varsovie, qu’ils révisent leur position et acceptent de secoopérer avec les autres organisations juives. Le Bund prend alors partactivement au soulèvement du ghetto de Varsovie. D’ailleurs, en 1943, l’undes chefs de l’insurrection était Marc Idelman, du Bund.

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Le Bund

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1. (1915-1859) Yitzhak Lev Peretz

L’un des grands écrivains en Yiddish et en Hébreu, Peretz, reçu une éducationtraditionnelle et thoranique dans sa ville natale, Zamosc. Il étudia la linguistiquehébraïque, le Russe et l’Allemand. Il avait lu dans sa jeunesse de nombreuxouvrages consacrés à la pensée juive et à la philosophie et avait hésité entreles Arts et la Philosophie. Il commença à écrire très jeune et l’influence de laHaskala se fait sentir. En 1886 il visita Varsovie où il rencontra des écrivainsjuifs et se remit à écrire. En 1888, il publia un premier ouvrage en Yiddish,dans un style sentimental et ironique, qui marqua l’histoire de la littératureyiddish. En 1890, il s’installe définitivement à Varsovie où il travaille pour lacommunauté juive locale.

Il écrivit de façon intensive en Yiddish marquant de la sorte un tournantde sa vie. Suite aux pogroms du début des années quatre-vingt, il se sentitplus proche du peuple juif, de son esprit et de sa langue, le yiddish.

Toute sa vie il s’est engagé pour la cause des défavorisés et leur style devie l’intéressait, ainsi que leur tradition et leur langue et il ne cessera d’úuvrerpour améliorer leur situation. Toutes ces activités trouvent écho dans sonúuvre littéraire en yiddish. Il contribua à porter cette langue alors populaireau rang de langue littéraire, en la reliant au monde hassidique. Ses contactsavec les couches défavorisées ont contribué à son engagement social quiprépara indéniablement la naissance du mouvement socialiste juif.

En 1894, Peretz continua à écrire, cette fois en Hébreu, composant au débutdes poèmes d’amour et traduisant ses écrits du yiddish. Il a largement participéau développement du théâtre yiddish et à la fin de sa vie, il s’est engagéd’avantage dans la vie culturelle juive en Pologne. Son salon à son domicilede Varsovie était ouvert aux jeunes écrivains qui écrivaient en Hébreu et enYiddish. Il prenait volontiers sous son aile les plus brillants.

Peretz était un grand artiste et surtout un innovateur de la littérature enyiddish et en hébreu. Il est à juste titre considéré comme l’un des grands nomsde la littérature yiddish moderne.

2. Shmuel Ansky 1863-1920

Shmuel Ansky, (né Shloyme-Zanvl ben Aaron Hacohen Rappoport) est luiaussi écrivain. Il a reçu une éducation traditionnelle religieuse au heder et à

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Y.L.Peretz, Ansky, Dinezon

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16 ans il rejette tout pour aller étudier le Russe et des disciplines générales.Il subira l’influence des livres engagés à la suite desquels il décide d’allervivre parmi les paysans au Sud de la Russie. Ses premières oeuvres serontsurtout en Russe mais à partir de 1904, il écrit surtout en Yiddish. Il étaitsocialiste engagé, révolutionnaire et ce thème était devenu le centre de nombrede ses écrits. Peretz le rapprochera du judaïsme et de la culture juive. Enoutre, il est l’auteur de la célèbre pièce, “Dibbouk”, comme d’ailleurs del’hymne du Bund, “le Serment”. Par ailleurs il a l’occasion de participer àplusieurs ’expéditions ethnographiques’ dans les communautés juives. Ilcollecte ainsi de nombreux trésors culturels populaires juifs qu’il classe.

3. Yaakov Dinezon 1856-1919

Yaakov Dinezon est un écrivain juif qui a reçu une éducation juive traditionnelle,mais déjà dans sa jeunesse, il se rapproche de la Haskala et commence àpublier des articles et des romans, mais ils seront interdits par la censuretsariste. Ses romans sont souvent un reflet, à touches sensibles, de la vie desjuifs de son époque. Il est d’ailleurs considéré comme le père du romansentimental yiddish. Il publie en outre des nouvelles et traduit en yiddish desúuvres scientifiques populaires. Il vit à Varsovie à partir du milieu des années80 où il s’engage dans la vie publique et littéraire et il devient le collaborateuret ami proche de l’écrivain Y.L.Peretz.

Ces écrivains étaient amis et ont débuté tous les trois comme écrivainsappartenant à la haskala. Ils portaient un regard critique sur la sociététraditionnelle dans les petites villes d’Europe de l’Est. Mais quand ils comprirentque ce serait bientôt la fin de ce style de vie, ils révisèrent d’approche et sefirent un devoir de noter et de décrire en détail la vie de ces communautésen Pologne.

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La synagogue de Nozick

Zalman Nozick, issu d’une famille très pieuse, avait fait don des fonds pourla construction de la synagogue et comme il n’avait pas d’enfants il fit donde tous ses biens pour que soit érigée une synagogue. Sa seule demande étaitque la synagogue porte son nom et que soit dit le kaddish pour lui le jouranniversaire de son décès, (dans un coin, on peut encore voir le calendrieravec les dates de décès, le sien et celui de sa femme.)

La construction de la synagogue dura quatre ans et en 1902, la veille deLag ba’omer, le premier service y fut célébré. Les habitants des environs quiétaient en général des tailleurs, étaient le public qui s’y rendait. Elle pouvaitcontenir 600 personnes. La synagogue donnait sur une cour et non pas surla rue, pour la dérober aux yeux malveillants. C’est d’ailleurs la seule synagoguequi a subsisté à Varsovie et qui est toujours ouverte et utilisée de nos jours.Pendant la guerre elle est transformée en siège du département du travail dujudenrat, puis les nazis la transforment en entrepôts et en écuries, causantainsi de graves dégâts. Elle était connue pour sa chorale et son école de hazan(chantres), dirigée par le fameux chantre A. Davidovitch. Elle était un centrepour la musique juive religieuse et les chants de synagogue.

La réfection de la synagogue.Les travaux de réfection furent effectués par le gouvernement polonais avecdes fonds de la Joint dans les années 80. Une cérémonie au cours de laquelletous les objets de culte ont été remplacés, fut organisée pour remettre lasynagogue à la communauté juive.

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L’église des convertis

Les Allemands, suivant leur définition selon laquelle un juif converti auchristianisme reste juif jusqu’à trois générations plus tard, ordonnèrent queles juifs convertis soient enfermés au ghetto. A un moment donné, parmi les380,000 habitants du ghetto, il y avait 1 700 convertis. Pour eux, trois églisesde convertis fonctionnaient, l’une sur la place Grzybobska, et les autres à larue Leszno et entre les rues Dzielna et la Nablosky. Ces convertis se trouvaientdans une position particulièrement délicate au ghetto et ils vivaient dans unetension compréhensible, car ils considéraient injuste de devoir partager lesort des juifs. Certains d’entre eux occupèrent tout de même des postesimportants au judenrat comme Yosef Shérinsky, commandant de la policejuive. Marie Berg écrit dans son journal:

“Les enfants des convertis juifs de naissance vivent une tragédie double. Leur

monde s’est écroulé sous leurs yeux. Dans leur entourage les cas de folie sont

nombreux, alors que parmi les jeunes juifs il n’y aucun cas similaire”.

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Varsovie , Pologne, Rue Lazno , Eglise des convertis

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Et encore sur la tragédie des convertis, Martin Grey écrit dans “Au nom detous les miens”.

”Je suis allé parler à mon père, je savais où le trouver car tous les jours il recevait

les juifs que les Allemands nous envoyaient de tous les coins d’Europe…Mon père

était là au centre d’accueil de la rue Prosta au numéro 14. Il recevait cette fois des

déportés de Danzig.

Quand je suis entré, il y en avait un avec une belle canne qui criait qu’il était

catholique, qu’il haïssait les juifs et il voulait savoir s’il y avait là une église. J’ai

eu envie de lui envoyer mon poing au visage mais mon père a répondu avec calme

qu’à la rue Grzybobska il trouverait l’église des convertis”.

On ne peut pas échapper au judaïsmeIls vivaient au ghetto, ignorant leur religionCes gens qui étaient en dissension avec leur judéité,Ces gens qui croyaient qu’ils faisaient partie de la communauté chrétienneJusqu’au décret qui disait qu’un homme né de mère juif,Subit le destin des juifs, il est destiné à être exterminéIls n’avaient aucun moyen d’y échapperIls ont été envoyés à la mort avec leurs frères juifsQu’ont-ils ressenti alors en allant à leur mort,Qu’ils étaient chrétiens? Ou à la fin ont –ils accepté qu’ils étaient juifs?C’est un secret qu’ils ont emporté avec eux dans la tombe

Fany Engelrad: Moshav Bet Hanan

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Cette synagogue somptueuse a été inaugurée en 1878 pour la communautéde Varsovie. Elle est à la fin du XIX∞ siècle, l’une des plus belles synagoguesde Varsovie et peut contenir plus de 1000 personnes. La congrégation qui s’yréunissait été formée d’intellectuels, de riches et de personnes qui détenaientdes positions importantes.

Dans la synagogue, ou «synagoga» comme les juifs modernes l’appelaientla prière suivait un rite moderne, qui ne pouvait cependant pas être considérécomme ‘réformé’. Les plus grands chantres de l’époque y officiaient, et lesdirigeants de la chorale étaient des musiciens connus. Puis suite à l’invasionallemande, la synagogue ferma ses portes à cause de l’interdiction de prierqu’imposèrent les Allemands. Les juifs se réunirent alors dans des maisonspour y prier avec le minyan requis, malgré l’interdiction.

La synagogue disparaît en même temps que toute la communauté juivede Varsovie en mai 1943. Après le soulèvement et la mise à feu du ghetto, le

La synagogue de la rue Tlomackie

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Varsovie, Pologne, Synagogue de la rue de Tlomackie, avant la guerre

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général Stroop, qui avait démantelé le ghetto, donna l’ordre de brûler lasynagogue pour marquer la fin du soulèvement du ghetto. La destruction dela synagogue était son cadeau à Hitler et signifiait l’éradication totale dughetto de Varsovie. Dans son dernier rapport de guerre à Berlin il écrit: «aujourd’hui 180 juifs ont été exterminés aussi bien des hommes forts que desfaibles, la plus grande partie des endroits où vivaient des juifs n’existe plus.La grande campagne vient de s’achever à 20 heures 30 avec la destruction dela synagogue de Varsovie. Il n’y a plus de juifs à Varsovie.

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L’Institut juif d’histoire – ZIH

En polonais Zydowski Instytut Historyczny.

Il a été construit par la communauté juive entre 1928 et 1936 avec l’objectifd’en faire une bibliothèque hébraïque.

La collection comptaint 30,000 ouvrages.En 1947 juste après la guerre, il devient le siège de la commission juive

centrale créée juste après la guerre dans le but de recueillir des témoignagescontre les nazis. A la fin de 1948 il devient un institut chargé de relater l’histoiredes juifs de Pologne pendant la Shoah, en collectant livres, úuvres d’art ettémoignages de rescapés. Ces témoignages ont servi entre autres dans lesprocès qui se sont déroulés en Pologne contre les Nazis. S’y trouve aussi unepartie des archives de «Oneg Shabbat» avec les boîtes dans lesquelles cesdocuments avaient été scellés pour les cacher.

Les archives «Oneg Shabbat»Les archives clandestines, «Oneg shabbat», sont une compilation de documentsqui a commencé dans les premiers mois de la guerre. Au début, il sert àregrouper les témoignages et la description de ce que subirent les juifs quiavaient été amenés à Varsovie.

Avec l’élimination du ghetto de Varsovie, un chapitre nouveau s’ouvrit.Nombreux furent ceux qui participèrent activement à la collecte d’informationet de récits sur ce qui c’était passé au ghetto. Ils encourageaient les gens dughetto à écrire et analyser une grande variété de sujets touchant à leur vie aughetto, car ils voulaient décrire la vie sous le troisième Reich.

Vers la fin du ghetto, les documents et tout ce qui se trouvait dans lesarchives fut caché dans 10 caisses en fer et dans deux pots à lait. Après laguerre on retrouva les deux tiers des archives. Quant au reste il ne fut jamaisretrouvé. Cette partie concernait l’insurrection. Le directeur et fondateur deces archives, le Dr Emmanuel Ringelblum disait qu’il fallait considérer cetteoeuvre comme un acte d’opposition.

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L’orphelinat de Janusz Korczak 1878/9-1942

Janusz Korczak était le nom de plume de Henryk GOLDSZMIT médecin,écrivain et pédagogue réputé, né à Varsovie dans une famille juive assimilée.Il a étudié la médecine à l’université de Varsovie et était proche des cerclesd’éducateurs et écrivains libéraux en Pologne. Médecin de grande réputation,il écrivait également. En 1901, son premier ouvrage sera publié. Par saprofession, il était proche des enfants, travaillant dans un hôpital pour enfantsjuifs. Il était connu dans toute la Pologne sous le nom du «vieux docteur dela radio» car il avait un programme à la radio polonaise, où il parlait auxenfants et sur les enfants. En 1912, il sera nommé directeur du nouvel et vasteorphelinat juif qui venait de s’ouvrir. Ses méthodes y étaient appliquées,suivant sa théorie selon laquelle, il fallait comprendre le monde de l’enfantet respecter les enfants. L’âme de l’enfant, disait-il, est riche d’idées dignesd’être prises au sérieux. Il faut s’attacher à comprendre l’enfant dans soncontexte de vie, prendre en considération ses aspirations naturelles. Dans untrès célèbre de ses ouvrages, Le roi Mathias premier il écrit:

“Il faut dire la vérité, tout le monde aimait Mathias. Les adultes avaient pitié de ce

petit enfant qui avait perdu sa mère et son père. Les enfants étaient contents

d’avoir un camarade de plus. Tous lui obéissaient, des ministres aux soldats…quand

il pleuvait, les petits orphelins restaient jouer dans leur chambre, le désordre des

chambres, ils étaient ensuite responsables de le ranger.

«Il fut le grand promoteur précurseur des droits de l’enfant et il créa ‘un tribunal’

dans l’orphelinat où les enfants jugeaient. Chacun pouvait être juge, à condition

qu’aucune plainte n’ait été déposée contre lui pendant la semaine en cours. Les

enfants faisaient des procès à d’autres enfants ou à eux-mêmes, où ils avouaient

des méfaits. Il leur était possible de juger des adultes également. Car selon sa

théorie tous sont égaux face à la loi. Korczak lui-même passa en jugement cinq

fois. Un code de lois avait été compilé qui comprenait 1000 articles. Les articles

1 à 99 étaient des articles d’innocence. L’article 100 dit: le tribunal déclare que

l’accusé ne s’est pas comporté selon les normes.

L’article 200. Que l’accusé s’est mal conduit

L’article 400 que l’accusé s’est conduit très mal.

L’article 500. que l’accusé s’est conduit très mal et la décision du tribunal sera

publiée dans le journal (le journal de l’institution). Et ainsi de suite jusqu’à l’article

1000 où le condamné est renvoyé de l’institution. Pendant la seconde moitié des

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années vingt, il avait institué un journal pour les enfants. Non pas écrit par les

adultes, mais écrit par des enfants. Il se rendit plusieurs fois en Palestine, en 1934

et 1936. Avec le début de la guerre il s’occupa d’enfants orphelins juifs. Puis après

la création du ghetto il fit tout ce qui était en son pouvoir pour assurer aux enfants

des conditions de vie supportables, les règles de vie dans son institution restaient

les mêmes. Il refusa la proposition d’amis non juifs qui lui proposaient de passer

du côté polonais. En août 1942 il est envoyé avec les orphelins vers la Umshelplatz

pour être déporté à Treblinka. ‘C’était non pas une marche vers la mort, mais une

sorte de manifestation silencieuse contre l’assassinat’ dira Emmanuel Ringelblum…

Tous les enfants avançaient par rangs de quatre, avec Korczak à leur tête, tenant

les enfants par la main à ses côtés …”.

Après la guerre, des associations nombreuses se sont créées dans le mondeentier à sa mémoire, pour continuer son oeuvre.

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Histoire du ghetto de Varsovie-le mur, Zlota

Le ghetto de Varsovie, créé au centre du quartier juif en novembre 1940, étaitsitué au nord de la ville. Le mur entourant le ghetto a fait l’objet de mois detravaux de construction et a été financé par le judenrat.

Le ghetto était composé de 2.7 pour cent de la surface de la ville et c’estdans l’enceinte de ses murs que furent concentrés les 30 pour cent de lapopulation de la ville. Le surpeuplement était insupportable, les famillesvivaient à 6 ou 7 personnes par chambre. Les maisons du ghetto étaient enoutre souvent anciennes et en mauvais état, sans aucun espace de verdure.Le mur d’enceinte faisait 18 mètres de long et 3 mètres de haut avec un barbeléau dessus. Les Nazis appelaient le ghetto le “quartier juif”. Le judenrat dughetto comptait dans ses rangs 6000 personnes et il y avait également unepolice juive dont l’effectif atteignit à un point 2000 hommes. La nourritureétait rationnée par les Allemands qui comptaient 184 calories par personnespar jour. Donc, très vite la nourriture vint à manquer et la famine s’installa,faisant de nombreuses victimes. Le ghetto était fermé et coupé du reste du

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Varsovie, Pologne, Vue d’ une rue du Ghetto

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monde. C’est seulement grâce au trafic clandestin de nourriture que les juifspouvaient continuer à survivre. Les habitants enfermés dans le ghetto vendaienttous les biens qui leur restaient, ils réalisaient tous les petits travaux possibleset certains donc travaillaient pour des usines et d’autres pour le judenrat.Pour la plus grande partie des juifs du ghetto, une fois fermées les portes, ilsne ressortirent jamais, depuis novembre 1940 et jusqu’à juillet 1942, dans lesconditions que l’on sait. Mais malgré ses murs, le ghetto de Varsovie ne futjamais totalement hermétique. Quelques centaines de juifs en sortaient chaquejour en files surveillées pour se rendre au travail forcé. Beaucoup d’autresfaisaient passer clandestinement de la nourriture et d’autres marchandises.Ce trafic de nourriture constitua un moyen de communication importantentre les deux côtés des remparts du ghetto. Ces activités, inutile de le préciserétaient extrêmement dangereuses et passibles de mort.

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Témoignages

Le 29 mai 1942

Le brassard! Comment peut-on porter cela ? J’ai senti qu’il me brûlait le bras.C’est comme si j’avais mis un collier autour de mon cou. J’étais saisi parl’angoisse. Des dizaines de milliers de passants portaient ce morceau de tissublanc souvent souillé au bras. A quoi cela sert-il ? pour bien différencier lesraces. Personne n’est exempté de l’”étoile sioniste” (l’étoile de David). Tousdoivent porter l’étoile de David en public, pour que tout le monde puisse lavoir. [2]

Yitzhak Zuckerman:

Qui aurait pu croire dans ces premiers temps que des brassards bleu et blancavec l’étoile de David – que à partir de ce signe honteux – une ligne droite seraittracée qui mènerait directement à Treblinka?... Nous avons été humiliés quandon a décrété que nous devions retirer notre couvre chef en présence descommandants allemands…. Nous nous sommes battus quand les Allemandsnous ont attrapés pour nous faire faire des travaux forcés…. Nous nous sommeshabitués à ne pas manger, à mourir du typhus, à mourir de faim. Il y avait unecertaine force qui nous empêchait de voir la réalité telle qu’elle était.

Le 11 mars 1941

En réalité nous n’avons pas un ghetto mais plutôt un asile d’aliénés. Noussommes emprisonnés entre des murs et coupés du monde entier à l’extérieur.Pratiquement personne ne sort du ghetto mais on ne pas dire que personnen’y pénètre. Au contraire. Les gens n’arrêtent pas de venir. Quand les exilésdu district de Varsovie ont arrêté de venir, de nouveaux sont arrivés, ceux-là de Norvège, de Hollande et de Tchécoslovaquie. J’ai vu de mes propresyeux, une foule immense de quelques centaines de personnes menées par lesgendarmes Nazis de la gare de Danzig à la prison, au 109 de la rue Leszno.

Le 5 février, 1941

Par une vitrine dans une boutique, je peux voir le reflet des gens. C’est unspectacle désormais habituel: un vieil homme entre pour acheter une livre de

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pain et ressort. Dans la rue, il arrache avec avidité un morceau de mie et lamet dans la bouche. Alors une expression de satisfaction se peint sur sonvisage, et je sais que, dans un instant toute la miche de pain aura disparu.Son visage maintenant exprime la déception. Il fouille dans ses poches et ensort ses dernières pièces de cuivre. Il n’y en a pas assez pour acheter quoi quece soit. Il ne lui reste plus qu’à s’étendre dans la neige et attendre la mort. Oualors peut-être se rendre dans un centre de la communauté? Inutile, descentaines de personnes comme lui s’y trouvent déjà. La femme qui derrièrele comptoir les reçoit et écoute leur histoire est sympathique; elle souritpoliment et leur dit de revenir dans une semaine. Chacun doit attendre sontour mais peu d’entre eux survivront jusqu’à la semaine prochaine. La faimaura raison d’eux et un matin, ce sera un autre cadavre de vieil homme quisera retrouvé couché dans la neige, le visage bleui, les poings serrés.

La grande déportation: du 22 juillet 42 au 12 septembre 42. Le lendemaindu suicide du chef du judenrat Adam Czerniakow, son second, MarcLichtenbaum, prit sa place. Les Allemands utilisent la police juive pourorganiser la déportation des juifs qui étaient menés à la place Umschlagplatzd’où ils montaient dans des trains qui les emmenaient à Treblinka pour laplupart. A partir de la mi-août, les personnes qui avaient réussi à s’enfuir deTreblinka cachés dans des wagons transportant les vêtements, revenaient,rapportant déjà alors des rumeurs inquiétantes sur ce qui se passait en réalité.

Il restait au ghetto 60,000 personnes. Le ghetto fut divisé en trois parties,la zone centrale, où se trouvaient les usines allemandes et les bureaux dujudenrat. Le deuxième ghetto était plus petit et il y avait là deux usines Tabenset Schultz, le troisième ghetto était une petite enclave. Les trois usines étaientséparées et de fait le ghetto se transforma en camp de travail. Avec le débutdes déportations, le 28 juillet 1942, les délégués des mouvements de jeunessese réunirent regroupant les délégués du Shomer hatsair, du Dror,d’ Akiva. Ilsdécidèrent de fonder une organisation combattante juive, (Z.O.B). Parmi lesfondateurs, on citera Tzukerman, Kaplan, Lubetkin, Tenenbaum etc. L’unedes premières activités de cette organisation fut d’envoyer des émissaireschargés de deux missions, faire publier des informations sur Treblinka, etrapporter des armes. Mais la résistance n’était pas soutenue par les habitantsdu ghetto. Au début 1943 le ZZW, organisation militaire juive se joignit auxrésistants à son tour.

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Le 27 juillet 1942

Tout témoin des déportations de Varsovie aurait eu le coeur brisé. Le ghettoétait devenu un enfer. Les hommes étaient devenus des bêtes sauvages. Tousse savaient sur le point d’être déportés, ils étaient pourchassés dans les rues,comme des animaux que l’on chasse dans la forêt….

Les enfants en particulier remplissaient le ciel de leurs pleurs. Les vieillardset les jeunes acceptaient leur sort en silence et soumission et se tenaient là,avec leurs paquets sous les bras. Mais il n’y avait pas de limite à la tristesseet aux larmes des jeunes femmes ; et parfois l’une d’entre elles tentait des’échapper de ses tortionnaires et alors, une lutte terrible s’ensuivait. Dansces moments là, l’horreur atteignait son paroxysme. Ils se battaient, d’un côtéune femme les cheveux ébouriffés, le chemisier déchiré qui de toutes sesforces se battait essayant d’échapper des mains de ses geôliers. Elle criait derage et ressemblait à une lionne prête à tuer. En face d’elle, deux policiers, sesfrères de malheur qui la tiraient vers la mort. Evidemment les policiersgagnaient mais pendant la bataille, les pleurs de la captive augmentaient etemplissaient la rue et toute la rue pleurait avec elle….

La vie au ghetto a été bouleversée, la panique envahit les rues et le peurse lit sur tous les visages….d’où viendra notre salut? Nous sommes perdus!Nous sommes perdus!

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La seconde déportation le 18 janvier 1943

Les juifs qui avaient reçu une convocation pour partir se cachaient et refusaientde sortir. La déportation dura 4 jours dans une lutte permanente avec lesAllemands. 6000 personnes seront déportées. Ce genre d’événement marquaitprofondément la vie du ghetto. A partir de ce moment 1. La police et lejudenrat perdront tout contrôle, la population suivra désormais les ordresdes organisations de résistance .2. Les rumeurs de soulèvement encouragèrentles organisations polonaises à augmenter leur soutien. Les mois suivantsfurent utilisés à s’organiser, à chercher des armes et à préparer des plans.

La population civile locale préparait des ’bunkers’, des cachettes souterraines.Nombreux considéraient cela comme une voie de sauvetage et une lueurd’espoir. Mais les combattants n’avaient pas d’illusion et savaient que cecombat ne les sauverait pas. Ce qui explique qu’ils ne préparèrent pas desroutes de fuite pour échapper.

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Varsovie, Pologne, un groupe de Juifs arrêté en sortant du bunker pendant la révoltedu Ghetto de Varsovie

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Le soulèvement

L’’action allemande’ commence le 19 avril 1943. Les résistants s’y étaientdepuis longtemps préparés. Les Allemands concentrèrent des forcesimportantes mais ils ne s’attendaient pas à une résistance ni à oppositionarmée dans les rues.

Ils furent surpris et appelèrent à la rescousse le général Jurgen Stroop quiavait une riche expérience de combats urbains qui avait déjà fait ses preuvesdans des actions contre les partisans. Les Allemands entrèrent au ghetto à troisheures du matin mais ils rencontrèrent une opposition qui les força à se retirer.Pendant les trois premiers jours, ce fut des combats de rue en rue, les Allemandsbrûlant les maisons au fur et à mesure de leur progression. Toute la populationse trouvait dans les bunkers. Pour la première fois des juifs se battaient contredes nazis. Une chaleur intense régnait dans les bunkers, et l’air y était irrespirablemais les juifs n’en sortirent pas. Dans la bataille contre les bunkers, qui sedéroula la seconde semaine du soulèvement, les Allemands entreprirent dedébusquer les juifs dans tous les bunkers, les uns après les autres, tout en brûlantles maisons sur leur passage. Ils jetaient des grenades lacrymogènes pour obligerles résistants à se rendre. Le 8 mai le bunker du commandement de la résistancetomba, il était situé à la rue Mila au numéro 18.

Le 16 mai, Stroop déclara la ’grande action’ et pour fêter sa victoire, il fitexploser la grande synagogue Tlomackie qui était à l’extérieur du ghetto.

Le petit contrebandier – Henryka Lazawert1

Par-dessus le mur, par des trous et sous le nez des gardes,A travers les barbelés, dans les ruines, et par les barrières,Courageux, affamé et déterminéJe me glisse, et je file comme une flèche, comme un chat.

Le midi, la nuit, à l’aube,Dans les tempêtes de neige, dans le froid, dans la chaleur.J’ai risqué ma vie cent fois,Et me suis mis en danger.

Sous mon bras un vilain sac,Des guenilles sur les épaules,Sur mes petits pieds agiles,Toujours la peur au coeur.

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Mais il faut tout supporter.Il faut tout subir,Pour que demain matinMes amis puissent manger.

Par-dessus le mur, par des trous et des briques,Le midi, la nuit, à l’aube,Courageux, affamé et ingénieuxJe me déplace silencieux comme une ombre

Et si la main du destinM’attrape à ce jeu,Cela arrive souvent dans la vie,Toi, maman, ne m’attends pas.

Je ne reviendrai plus vers toi,On n’entendra plus ma voix de loinLa poussière de la rue recouvriraLe destin perdu d’un enfant

Mais j’ai une seule questionSur mes lèvres fermées:Qui, ma mère, quiT’apportera du pain demain?

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Le 20 de la rue Chlodna et le pont en bois

La rue Chlodna était la rue qui séparait le grand ghetto au nord, du petitghetto au sud du ghetto de Varsovie. La rue était habitée par des Polonais etdes Juifs dont la plus grande partie n’étaient pas pratiquants et appartenaientà la couche moyenne.

Au numéro 33 de cette même rue, il y avait un lycée où les enfants de cesfamilles juives laïques ou assimilées étudiaient. La bibliothèque municipalepublique au numéro 34 fonctionna jusqu’en avril 1941. Adam Czerniakow,le chef du judenrat de Varsovie, habitait au numéro 20 et Sherinsky le chefde la police juive également. L’emplacement de cette rue aurait du l’incluredans le ghetto, comme le tramway y passait et que c’était une rue centrale,elle fut donc exclue de l’enceinte du ghetto. Pour que les juifs puissent passerd’une partie du ghetto à l’autre, deux portes furent percées. Puis par la suite,un pont pour les passants sera construit.

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Varsovie, Pologne , Le pont reliant le grand et le petit Ghetto

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Le passage d’une partie à l’autre du ghetto est racontée par Shpilman dans son

livre ”le pianiste”: ” En passant par la rue Zelasna, on pouvait voir de loin du monde

au coin de la rue Chlodna, ceux qui étaient pressés piétinaient le sol d’impatience,

et attendaient que les policiers veuillent bien se décider à stopper le flux des

voitures pour leur permettre de passer.

Lorsque ce moment était enfin arrivé, les gardes se mettaient sur le côté et une

foule dense et impatiente se jetait vers l’autre trottoir, des deux côtés, les personnes

se heurtant les une les autres, tombant parfois par terre. Et ceux qui étaient au

sol, étaient piétinés car il fallait quitter le plus vite possible cet endroit trop près

des Allemands, donc dangereux, pour rentrer dans les deux ghettos. La chaîne

des gardes se refermait et l’attente recommençait.”

Mary Berg raconte dans son journal le 8 mai 1842, les Allemands filment:”nous étions étrangers désormais dans la rue Chlodna, une rue qui était particulière

et compliquée. La circulation y était des plus étrange avec un grand nombre de

personnes groupées au coin de la rue Zelnaza. Non loin du pont en bois qui reliait

les deux trottoirs, il semblait que la rue était entourée de deux murs et devenait

un couloir où s’écoulait une foule d’aryens et où passaient des tramways…au

milieu de la rue entre les deux rues, se trouve l’église, puis le” capitole ” du ghetto:

la maison au numéro 20 de la rue Chlodna, qui était le siège du président

Czerniakow, du colonel Cherinsky, le commandant de la police juive et les hauts

fonctionnaires des institutions juives diverses. La boutique du photographe Baum

avec depuis quelques jours un portrait géant du président. Les personnes nanties,

qui avaient donc les moyens de corrompre les hauts fonctionnaires du département

de l’habitat reçurent les meilleures maisons de notre rue. Sur cette rue en effet il

y avait de belles maisons modernes.

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Le parcours de l’héroïsme

La place Umschlaplatz, la place des déportations.

La place Umschlaplatz est située à la frontière du ghetto, du côté polonais.Avant la guerre, elle servait comme voie de passage des marchandises et deproduits vers la ville. Le chemin de fer y arrivait et autour il y avait des entrepôts.Dès les premières déportations, ce lieu sera choisi par les Allemands pour yregrouper les juifs pour les convois vers les camps. Elle était désormais entouréed’une barrière élevée. On pouvait y voir des forces de police polonaises, juiveset des SS. C’étaient des personnes torturées par la faim et d’autres maux infligéspar les nazis qui partaient de là vers leur ultime destination.

Le monument

Une place fermée sans issue, qui ressemble à une pierre tombale, de marbrede différentes couleurs, qui ressemblait peut-être à un châle de prière. Sur lesmurs sont inscrits 400 prénoms juifs comme Abraham, Abner, Yanucz, Yora,Clara Elisa, Henry et Youdah.

Le monument comporte une fente par laquelle on aperçoit un arbre qui aété planté de l’autre côté en symbole d’espoirHelena Birnbaum y est arrivée avec sa famille et elle raconte:

“Finalement ils nous ont tous arrêtés aussi. C’était vers le soir, après une campagne

qui avait duré toute la journée.

Nous avions quitté le grenier, comme tous les soirs, pour respirer un peu d’air frais

dans les rues, pour parler à d’autres personnes et nous informer de ce qui s’était

passé sur la place ce jour-là….

D’un geste, ils nous ont ordonné de nous placer au milieu de la rue. Nous étions

les quatre premiers d’une colonne qui grandissait de minute en minute….

Ils nous ont menés à la place Umschlagplatz…. Puis nous avons vu les nazis

installer une mitrailleuse au centre de la place, visant la foule énorme, de laquelle

s’élevait un murmure de terreur…. Nous nous sommes enlacés tous, ma mère,

mon père, Hilek et moi ; nous nous sommes regardés comme des gens qui se

regardent povr la dernière fois… pour emporter avec nous l’image des êtres aimés

avant de passer dans l’obscurité totale…”.

Ma mère était sereine, comme toujours. Elle m’a même souri.

“Ne crains rien,” a-t-elle murmuré dans mon oreille, “ tout le monde

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meurt à un moment donné et on ne meurt qu’une fois…. Et nous allonsmourir ensemble, alors n’aie pas peur, ce ne sera pas si terrible….”“Non, je n’avais pas peur. Et je ne pouvais pas le croire….

Soudain, le sifflet d’un train se fit entendre.

Les wagons de marchandises se rapprochaient de nous….

Des wagons à bestiaux pour nous, le type de wagon que les Nazis utilisaient pour

déporter des juifs de la place Umschlagplatz. Ils se sont précipités comme un

troupeau d’animaux sauvages à l’intérieur de l’école, comme des bêtes enragées

frappant les gens avec des fouets, des canons de fusil, faisant feu dans toutes

les directions dans la foule qui devenait folle de terreur. C’était la façon habituelle

des Nazis de pousser les gens dans ces wagons. Dans la panique et la confusion

quelqu’un a crié, pleuré avec des sanglots, appelant Dieu à l’aide, d’autres priaient

avec ferveur, et d’autres criaient fort en cherchant leurs enfants égarés. Tous se

poussaient jusqu’à remplir les salles de classe, les couloirs, et les escaliers ; tous

voulaient s’enfuir de ce bâtiment aussi vite que possible pour éviter les balles et

les fouets des SS. Le chemin jusqu’aux wagons était jonché de cadavres. Il nous

fallait piétiner des corps de mourants ou de morts pour avancer. Finalement nous

avons atteint les wagons en essayant de rester ensemble dans cette foule immense.

Le wagon était surchargé. Nous ne pouvions que nous tenir debout. Les SS avaient

de la peine à fermer les portes….

Finalement nous nous trouvions dans la situation que nous avions essayé de fuir

pendant plusieurs mois, que nos amis et proches avait déjà vécu et que des

centaines de milliers de juifs inconnus avait vécu aussi. Notre tour était arrivé….

Le train démarra avec des grincements stridents qui n’en finissaient plus, au milieu

des pleurs et des coups de feu. Nous étions en train de quitter Varsovie ! Notre

voyage infernal avait commencé” [43]

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Yitzhak Katzenelson

Il est né en 1886 à MinskAuteur d’ouvrages et de poèmes en yiddish, il aaussi écrit des pièces qui ont été jouées sur lesplanches des théâtres de Pologne, des Etats-Uniset en Israël.Pendant la guerre il se rend à Varsovie où ilapporte son soutien aux résistants. En septembre1944, il est déporté à Auschwitz.

Janusz Korczak

Henrik Goldschmidt est né en 1878 dans une famille assimiléeIl était médecin. Il se porta volontaire pour travailler dans les camps devacances pour les enfants. En 1911 il sera nommé directeur de l’orphelinat deVarsovie, il se consacre alors à l’éducation des enfants et développa un systèmepédagogique dont le point principal est le respect que méritent les enfants.

L’enfant est une personnalité à part entière méritant toute notre attention.Sa méthode est devenue célèbre dans le monde entier, il a rédigé des ouvrages,fondé un journal pour les enfants, et écrit par des enfants et il diffuse à laradio des programmes pour enfants. Il visite la Palestine. En 1940, l’orphelinatsous sa direction est transféré au ghetto où il continuera à fonctionner avecles mêmes méthodes. En août 1942 on donna l’ordre de déporter les enfants.Korczak leur cache la vérité et les accompagna vers leur mort.

Le rabbin Nisbaum Yitzhak

Né en 1868, il était proche du mouvement Hovévé Tsion et devint le secrétairedu parti Hamizrahi à Bialystok

En 1910, il alla à Varsovie, et dans ses sermons, il attaquait les courantshassidiques et anti-sionistes.

Il mourra au ghetto dans des conditions inconnues. Dans le ghetto il parlaitde la ”sainteté de la vie” ce qui signifiait à ses yeux qu’il fallait rester en viepar tous les moyens et ne pas suivre les traditions juives qui prônaient qu’onpouvait se sacrifier au nom de Dieu.

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l’ écrivain Yitzhak Katzenelson

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Frumke Plotnicka

Elle est née en1914 à côté de Minsk .Avant la guerre, elle faisait partie du mouvement Dror. Pendant la guerre ellefut passeuse et elle fut envoyée à Vilnius et à Bialystok, entre autres.

Les passeuses pénétraient dans les différents ghettos, pour y apporter desmessages, des objets et des armes aux membres des mouvements de jeunesse,reliant ainsi les ghettos. Elles devaient pour cela avant tout avoir l’air aryen,parler le polonais à la perfection pour se fondre dans la population locale,être capable d’improviser dans des situations inattendues et surtout beaucoupde courage, bien sûr

“Ces filles étaient des véritables héroïnes, elles s’appelaient Chajka [Grosman],

Frumke [Plotnicka] et leur histoire est digne d’être connue. Elles étaient courageuses,

se déplaçant à travers toute la Pologne de ville en ville, de village en village. Elles

étaient polonaises ou ukrainiennes. L’une d’elle portait une croix en permanence,

et ne la cachait que quand elle était dans un ghetto. Elles évoluaient dans des

situations extrêmement dangereuses, se reposant entièrement sur leur apparence

d’aryennes de pure race et leurs foulards sur leur tête. Elles n’hésitaient pas à se

charger des missions les plus ardues, les remplissant sans jamais se plaindre,

sans la moindre hésitation. S’il fallait envoyer quelqu’un à Vilnius,

Bialystok, Lemberg, Kowel, Lublin, Czestochowa, ou Radom pour

transporter des publications illégales, des objets interdits, de l’argent,

elles le faisaient avec le plus grand naturel. S’il y avait des

camarades à sauver de Vilnius, Lublin, ou d’autres villes, elles

faisaient le travail. Rien ne pouvait les dissuader, rien ne pouvait

les arrêter…”.

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Frumka Plotnicka, membre du Dror et de l’organisationjuive de combat au Ghetto de Varsovie

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Mordechaj Anielewicz

Il est né en 1919 à Varsovie dans une famille pauvre où il reçoit une éducationjuive et sioniste. Brillant élève méritant il reçut plusieurs bourses pourpoursuivre ses études. Il devient membre du Shomer Hatsair. Dès le débutde la guerre il partit à l’Est et arriva à Vilnius. Plus tard, à Varsovie, il devintle chef de l’organisatrion militaire juive et participe au soulèvement de janvier.Tous ses jeunes camarades seront tués sauf lui.

Il tombe dans le bunker central le 8 mais 1943 (un bunker assez grand pour100combattants) Stoop trouve le bunker dans lequel les SS envoient des gaz.

Zigelbaum Shmuel Mordehaï Artur

Né en 1895 dans la région de Lublin dans une famille nombreuse pauvre, ilarrête ses études à 11 ans car il faut qu’il aide à la subsistance de la famille.

Plus tard, il est membre du Bund, à partir de 1926. Il devient membre duconseil municipal de Varsovie pour le Bund. Au début de l’invasion allemandeil était membre du judenrat. Il était anti sioniste refusant donc d’analyser lesproblèmes juifs du point de vue sioniste. Il souhaitait se battre pour unePologne où tous les citoyens auraient des droits égaux et où règnerait lajustice, ce qui pourrait éliminer l’antisémitisme. Il tenta d’organiser uneopposition d’ouvriers au début de la guerre. Recherché par la police, il s’enfuiradu pays, et s’établira en Belgique, puis après la chute de ce pays, il parvientà se réfugier à New York, pour plus tard se rendre à Londres. Il y sera déléguéau conseil national du gouvernement polonais en exil. Il sera l’un des premiersà fournir des rapports sur l’extermination des juifs en Pologne. Le 12 mai1943, il se suicide en entendant les nouvelles du soulèvement et le décès desa femme Mania et de son fils Touvia âgé de 16 ans, geste de désespoir d’un

homme qui voulait crier sadouleur au monde à un mondecomplètement indifférent augénocide des juifs. Avant de sesuicider, il envoie une lettre augouvernement polonais.

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Varsovie, Pologne, Samuel Mordeh’aiArtur Zygelboim

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Ringelblum

Il est né en 1900 et quitta jeune son village natal. Il est formé aux disciplinesreligieuses. Il se rendra à Varsovie pour y enseigner l’histoire. A partir de1933, il travailler avec l’organisation du ”Joint”. En novembre 1938 il arriveà Zolenshein aider les déportés juifs d’Allemagne qui étaient d’originepolonaise. Avec la déclaration de guerre on lui propose de s’enfuir mais ilrevient à Varsovie et prend la tête de l’organisation ”ezra atsmit”. Il entreprendraau ghetto de rédiger son journal pour y consigner l’histoire de son époque.En mai 1940 il crée les archives qu’il appelle en code, ”oneg shabbat”. Aprèsavoir rencontré un jeune rabbin qui s’appelait Shimon Huberband, qui étaitarrivé à Varsovie comme exilé. Il engage des dizaines de personnes deprofessions diverses pour décrire en détails la vie au ghetto et pour se chargerde collecter tous les renseignements et les documents possibles pour lesconserver dans les archives. Ringelblum, était l’âme de ces archives. Pour luice travail était un geste de protestation. Plus tard, lorsque quand il entenddes témoignages sur la destruction de Chelm, il prend une part active à larésistance armée contre les Allemands. Le groupe Oneg Shabbat devient unebranche civile de l’organisation militaire dirigée par Mordehaj Anielewicz.Avant le soulèvement, sa famille trouve à se cacher dans une famille du côtéaryen, Ringelblum revient au ghetto, se fait prendre, est transféré à Trebnikyet avec l’aide de l’organisation ”Zegota”, il parvient à fuir et revient à Varsovieen juillet 1943. En mars 1944, il est découvert sur dénonciation. Il sera arrêtéavec son fils à Fabiak, et au bout de quelques jours ils seront exécutés dansles ruines Varsovie et on ne sait pas où ils ont enterrés.

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L’organisation militaire juive.

L’organisation militaire juive a été créée lors d’une réunion du commandementdu Beitar en été 1940. En hiver 1941, Favel Frenkel fonda l’organisation militaireet en prend la tête. La plus grande partie des membres de cette organisationavaient reçu une formation militaire. Les autres furent formés par leurs camaradesdu Beitar. Entre juillet 1942 et avril 1943, deux compagnies de cent combattantsont été mises sur pied. Pendant les préparatifs du soulèvement, les résistantscreusent des tunnels souterrains en faisant communiquer les maisons entreelles et fabriquent des ”bunkers” en renforçant les caves. Le tunnel principalavait été creusé dans la rue Moranovska entre le numéro 6 et 7, sous le bâtimentdu siège de l’organisation: le 6 se trouvait du côté polonais de la ville qui passaitsous une artère très animée. L’organisation possédait beaucoup d’armes(Ringelblum le raconte) et de très bonnes relations avec la résistance polonaise.Peu avant le soulèvement, on décida de diviser le ghetto en sections. A unmoment des combats, on vit même le drapeau juif (bleu et blanc) flotter audessus du bâtiment du commandement et un peu plus tard le drapeau polonaissera hissé également à côté. Pendant les batailles, la majorité des membres del’organisation tombèrent.

Mila 18

En juillet 1942, c’est le début d’une grande campagne au ghetto. Lesmouvements de jeunesse reçoivent des informations sur ce qui se produisaità l’”Est” et essayent de prévenir la population que Treblinka signifie la mort.Anielevitch revient au ghetto et fonde l’organisation militaire. YitzhakTzukerman est son second. Et malgré cela, beaucoup au ghetto s’opposentà la création d’un mouvement de résistance.

Le 18 janvier 1943, la petite campagne: les nazis avaient prévu de déporter8,000 juifs, et appellent au regroupement des juifs mais parmi eux se cachentdes résistants qui ouvrent le feu sur les Allemands. Il y eut de nombreuxmorts, mais les Allemands surpris, ne parviennent à emmener ce jour-là que5,000 juifs, puis se retirent. Cette victoire incite les habitants du ghetto quiétaient opposés à la lutte armée à changer d’avis et à soutenir les résistants.L’organisation militaire prend alors la direction des opérations au ghetto,regroupant en outre maintenant, le groupe Oneg Shabbbat, et tous unirentleurs efforts pour les préparatifs. Ainsi, à partir de ce moment, jusqu’en juillet,les juifs au ghetto, avaient deux adresses, l’adresse de leur logement au ghetto

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et une autre adresse dans le ghetto qui s’était construit sous terre et quis’organisait clandestinement bien sûr (dans les bunkers, les cachettes, lescaves secrètes, les tunnels et les passages secrets). Les ordres sont donnés àla population de ne pas se rendre à l’appel des nazis, pour le prochainregroupement pour un convoi.

Le 19 avril 1943, c’était la date de l’ ”action” allemande suivante, c’était lepremier soir de la pâque (les nazis aimaient à choisir des dates de fêtesreligieuses juives pour leurs opérations contre la population) les Allemandspénétrèrent dans le ghetto avec des renforts et prêts à ”nettoyer le ghetto” dejuifs. Ils avaient décidé qu’il était temps de conclure l’évacuation du ghettoet accomplir le programme d’Himmler. Ils pourraient ainsi offrir à Hitler encadeau d’anniversaire la nouvelle du génocide des juifs du ghetto, le 20 avril.A ce moment là tout le ghetto était dans la résistance. Des combats très dursse déroulèrent dans toute l’enceinte du ghetto et les Allemands subissant delourdes pertes, se retirent. Le commandant SS Jurgen Stroop donne l’ordrede détruire de façon systématique le ghetto et d’en éliminer tous les juifs quis’y cachent en introduisant dans les bunkers des gaz asphyxiants, et enincendiant tout.

Le 8 mai, c’est la chute du bunker au 18 de la rue Mila, et un groupe derésistants réussit à s’enfuir par les égouts. Tous leurs camarades étaient tombésdans la bataille.

Le 16 mai, c’est la destruction de la synagogue Tlomackie qui est le symbolede la destruction finale du ghetto de Varsovie.

L’importance du soulèvement du ghetto de Varsovie.

C’était la première fois que la population se soulevait dans l’Europe occupéepar les nazis. Cette insurrection était menée quasiment sans organisationstratégique militaire, sans effectifs militaires et qui se savait vouée à l’échecface à la puissante machine d’extermination nazie: (pendant quelques semainesquelques centaines de combattants armés tiraient sporadiquement et envoyaientdes grenades). Comme l’avait dit Matskevitch cent ans auparavant, il fallaitrecruter les forces en fonction des objectifs et non définir les objectifs enfonction des forces disponibles.

C’était des jeunes dirigeants, des garçons, des filles, sionistes qui voulaientse battre pour leur cause. Et ce sera ce groupe de jeunes gens, qui prendraavec courage et détermination la responsabilité des 70,000 juifs qui avaient

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survécu à la première ”action”. Ils avaient été les premiers à comprendrequ’aucun juif ne sortirait vivant du ghetto car ils avaient entendu les rumeursqui venaient de l’Est sur l’extermination des juifs. A ce point, quand lesrésistants polonais eux-mêmes ne sont pas encore organisés pour unsoulèvement général ou du côté polonais de Varsovie, ces combattants juifscomprennent que l’histoire leur demande de jouer un rôle pour lequel ilsn’avaient nullement été préparés. C’est ce que nous ne saurions oublier quandnous faisons une analyse de caractère d’Anielewitcz et de ses jeunes camarades,chefs de l’insurrection.

La date du soulèvement du ghetto de Varsovie.

En juillet 1942, les Allemands lancent la ’grande action’. Les juifs qui étaientencore au ghetto étaient en très mauvais état physique. La grande ”action” avaitlaissé cette population brisée, impuissante et surtout choquée. Dans ce chaos,ceux qui restent commencent à réaliser que les mois suivants, ils ne pourrontéchapper à leur tour et c’est le moment où les juifs réalisent qu’il s’agit dugénocide des juifs de Pologne. En janvier 1943, les Allemands reprennent leuropération visant à déporter les juifs. Mais avec une opération spontanée nonorganisée, non planifiée, la résistance crée une petite insurrection. On entendquelques coups de feu, et les Allemands, surpris, interrompent les déportations.Et à partir de là la résistance reçoit le plus important soutien qu’elle pouvaitespérer. Car la population du ghetto a compris qu’elle n’a plus le choix, qu’elleva aller à la mort inévitablement, la seule question est de savoir comment, cequi comme nous l’avons dit, la rallie au mouvement de résistance. Les rumeursdu succès obtenu par les résistants du ghetto parviennent aux autres ghettos,ceux de Bialystok, Vilnius, Bendin et Sosnovitch et prend des allures de symbole.La population au ghetto était consciente de vivre un moment historique et les60,000 personnes, de toutes les tendances se joignent aux opérations depréparation, sachant qu’ils n’ont plus rien à perdre.

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Qui participe au soulèvement

Les insurgés

L’organisation militaire, qui a été fondée le 28 juillet 1942 regroupe diversgroupes comme le Haloutz, Dror, le Shomer hatsair, Gordonia, Poalé Tsion, et lesSionistes généraux. Le “Bund” aussi se joignit eux, bien que tardivement et entenant à préciser que la collaboration était limitée à Varsovie. Mais lemouvement Beitar qui avait fondé une autre organisation combattante refusacette coalition à cause de la présence des bondistes qui s’étaient alliés avecles résistants polonais dont beaucoup étaient antisémites. Il y avait en outredes jeunes qui n’appartenaient à aucun mouvement et qui participaientindividuellement. Une trentaine de jeunes étudiants religieux de yéchiva semêlèrent également aux préparatifs. Ils étaient armés et se cachèrent dans lebunker de la rue Mila au 17. Ils participèrent aux combats. A la tête del’organisation militaire, se trouvait Mordehaj Anielewicz, chef du shomerhatsair. Son second était Yitzhak Antke Tzukerman.

La dernière lettre de Mordechai Anielewicz, le commandant de la révoltedu ghetto de Varsovie, le 23 avril 1943

”Il est impossible de raconter ce que nous avons vécu. Une chose est claire, ce

qui s’est passé dépasse les rêves les plus fous. Les Allemands ont été par deux

fois forcés de se retirer du ghetto. Une de nos compagnies a tenu 40 minutes et

une autre pendant plus de six heures. Une mine que nous avons posée a explosé.

Plusieurs de nos compagnies ont attaqué les Allemands qui se dispersaient. Nos

pertes en hommes sont minimes. C’est encore un succès pour nos hommes. Y

[Yechiel] est tombé. Il est tombé en héro à la mitrailleuse. Je sens que de grandes

choses sont en train de se produire et ce que nous avons osé faire est grand, et

d’une énorme importance….

A partir d’aujourd’hui, nous allons adopter des tactiques de partisans. Trois

compagnies vont partir cette nuit avec deux missions, l’une de rapporter des

armes, et l’autre de faire des reconnaissances. Souvenez-vous, les armes de

courte portée ne nous sont pas utiles. Nous utilisons ces armes rarement. Ce dont

nous avons urgemment besoin ce sont des grenades, des fusils, des mitrailleuses

et des explosifs.

Il est impossible de décrire les conditions dans lesquelles les juifs vivent au ghetto.

Seuls quelques juifs pourront tenir. Les autres vont mourir tôt ou tard. Leur sort

a été tranché. Dans presque toutes les cachettes, dans lesquelles des milliers de

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personnes sont cachées, il est impossible d’allumer une lampe car il n’y a pas

d’air. A l’aide de notre transmetteur, nous avons pu entendre le rapport sur nos

combats à la station radio “Shavit”, nous étions ravis. Le fait qu’on parle de nous

en dehors du ghetto est encourageant pour notre combat. La paix soit avec vous,

mon ami ! Peut-être nous rencontrerons-nous encore! Le rêve de ma vie est

devenu réalité. L’auto-défense dans le ghetto aura été une réalité. Une résistance

juive armée et une vengeance sont un fait maintenant. J’ai été témoin de ce

spectacle magnifique et héroïque de jeunes hommes juifs qui se battent”.

Le monument Rappaport

Il a été érigé en 1948, cinq ans après le soulèvement. Sur l’endroit même oùse trouvait l’agence du nord du judenrat, la police juive, et où se trouvaitégalement la prison... Le marbre qui a servi à sa construction avait été apportépour construire un monument de la victoire par les nazis ce monument setrouve aujourd’hui à Yad Vachem fait de bronze sur pierres rouges en fondqui rappellent le mur du ghetto de Varsovie

(Sur le monument on voit une femme levant le bras et qui brûle, la poitrinedécouverte (A Yad Vashem, la poitrine est couverte). Cette sculpture estdisposée à Yad Vachem avec ses deux parties juxtaposées .

Le monument Bereschit

Le monument est installé à l’endroit où se trouvait l’une des entrées du ghettopar où les forces allemandes ont pénétré avec leurs tanks pour materl’insurrection. Le monument a été érigé le 19 juin 1946, trois ans aprèsl’insurrection. Il porte l’inscription: “à la mémoire des héros qui sont tombésdans leur guerre gigantesque pour le respect et la liberté du peuple juif, pourla libération de la Pologne et la rédemption du peuple juif polonais”.Les symboles sur le monument et leur signification:

Il y a à côté du monument un couvercle d’égout qui symbolise la voieempruntée par les résistants qui passaient par les égouts.Sur le couvercle, se trouve une branche, des couronnes de lauriers quisymbolisent la victoire. La lettre B, la première lettre du monument Bereschit(au commencement) qui symbolise l’espoir d’un renouveau.

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L’organisation Zegota

C’est une organisation composée par les intellectuels polonais démocrates,qui regroupe tous les partis qui collaborent contre l’occupation nazie, maiselle n’avait pas pour objectif initial d’aider à sauver des juifs. A la tête de cetteorganisation se trouvait Sofia Kwak une catholique pratiquante, auteur connueet membre du front catholique polonais, à la réputation établie d’antisémiteavant la guerre. Mais pendant la guerre elle prend parti contre les occupantset décide de se consacrer à sauver des juifs. La Gestapo la recherche enpermanence. Elle se fait appeler Véronica dans la résistance. Elle déclaraitqu’elle le faisait pour des raisons humanitaires et c’était sa façon de combattreles nazis. En été 1942, quand les ’actions ’ de l’armée allemande commencentau ghetto, elle publia une harangue aux Polonais, tirée à 5,000 exemplairesoù leur demandait d’aider les juifs, et de laisser leurs disputes contre les juifspour plus tard, quand la guerre serait finie. La résistance s’appelait “ConradZegota” et ce nom servait de nom de code pour les opérations d’aide auxjuifs. Avant tout, ses membres ont réalisé un état des lieux sur place, pourdéterminer les problèmes les plus urgents de façon à planifier leurs opérationsau mieux. Ensuite, des sections ont été mises sur pied, chacune se consacrantà un domaine particulier: il y avait celle qui se chargeait de faire passer desvêtements et de charbon au ghetto, la section qui se chargeait des faux papiers,celle qui devait trouver des cachettes en dehors des limites du ghetto, etd’autres qui étaient responsables d’autres opérations comme chercher etrapporter de l’argent, de l’aide médicale, trouver des voies de fuite, acheterdes armes et les faire passer au ghetto, et surtout prendre en charge des enfantset les cacher de l’autre côté. Cette organisation travaillait au début seulementà Varsovie, puis ensuite aussi Cracovie, Lwow, Lublin et Zamosk.

Cette organisation polonaise, reçut la distinction de Yad Vachem, en tantque groupe de résistance et ses membres reçurent la distinction des Justesparmi les nations individuellement. L’une des plus connues était Irena Sandler,qui était le chef de la section chargée de sauver les enfants au sein del’organisation. Elle allait au ghetto pour persuader les juifs que leurs enfantsn’avaient aucune chance de survivre au ghetto et qu’il fallait les laisser partirde l’autre côté, où elle leur trouvait où se cacher dans des familles polonaisesou dans des couvents. Quand elle avait réussi à les persuader, et quand unenfant lui était remis, elle notait scrupuleusement tous les renseignements

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concernant l’enfant sur un petit papier qu’elle mettait dans un pot qu’elleenterrait ensuite dans un jardin, pour que les enfants puissent connaître aprèsla guerre leur véritable identité.

Juste parmi les Nations – Haim Hefer

J’entends l’expression “Juste parmi les Nations” et j’essaye,J’essaye de penser aux personnes qui m’ont donné un endroit où me cacheret un abriJ’essaye d’imaginer et j’écoute et je me demande: si j’avais été à leur place,qu’est-ce que j’aurais fait ?

Est-ce que j’aurais, au milieu de l’océan de haine, dans un monde qui partaiten flammesEst-ce que j’aurais pu donner un abri à un fils d’un autre peuple que le mien?

Est-ce que j’aurais pu m’endormir, est-ce que les membres de ma familleauraient pu dormir la nuit en pensant aux bourreaux.

Etre prêt à marcher au milieu des salves de tirs et au milieu de couteauxaiguisés,Au milieu des murmures et rumeurs et des informateurs qui attendaient,Et tout ceci non pas pour une seule nuit ou même un seul mois mais pendantdes annéesEt tout ceci sans demander aucune compensation des victimes, juste unepoignée de mainEt tout ceci parce que c’est ainsi qu’un être humain doit se comporter ainsienvers un autre être humain.Et je me demande, toujours, ici et maintenant,Est-ce que j’aurais pu le faire, moi?

Au milieu de cette terrible guerre – ce sont eux qui ont vécu la bataille de lasurvie au jour le jour.Ils sont les justes de Sodom, grâce auxquels le monde n’a pas été détruit.Eux, dans l’histoire de mon peuple – les morts, égorgés, exécutés et les mortsétaient les piliers de la justice et de la miséricorde sur lesquels reposent lemonde.–Et devant eux, pour leur courage qui est encore une énigme pour nous,Nous le peuple juif baissons la tête dans un geste de gratitude éternelle.

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La vieille ville de Varsovie

Aux XIVe et XVe siecles, Varsovie joua le rôle de capitale du Duché de Mazovie,qui en 1526 fut incorporé au royaume de Pologne. Grâce à son emplacementfavorable, Varsovie connut un épanouissement rapide et au cours du XVIesiecle devint la plus grande ville de Pologne. L’essor de la ville fut interrompupar l’invasion suédoise vers la moitié du XVIIe siècle.

Mais c’est ensuite une ville surpeuplée et pauvre. En 1906, commence laconservation historique de la ville et la plus gros travaux de rénovation sedérouleront entre les deux guerres. En 1944, pendant l’insurrection polonaise,la Vieille ville connut les combats les plus violents. La destruction était massive,à cause des combats bien sûr mais aussi à cause des bombardements par lesAllemands, après la répression de l’insurrection où 90 pour cent de la villefut détruite. La reconstruction débuta après la guerre et s’acheva en 1953. Lesmurailles et l’entrée de la ville, furent complètement remises à neuf. En 1981,la commission de l’UNESCO pour la conservation du patrimoine inscritVarsovie dans la liste de sites protégés historiques protégés.

La place du marché

C’était le centre économique, social et politique de la vieille ville de Varsovie.Les habitants étaient des riches et des personnalités influentes. Sur la placeet par les ruelles, il y a de nombreuses constructions que décore l’insigne desprofessions auxquelles appartenaient les propriétaires.

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Tikochin

La petite ville de Tikochin, Tikotin comme l’appelaient les juifs, se trouvedans le district de Bialystock au nord-est de la Pologne, à 6 km de Varsovie,à la frontière naturelle avec la Lituanie. La population juive s’y était installéeavec dix familles, le XVI0 siècle. Elles reçurent l’autorisation de construire desmaisons, des magasins, une synagogue, un cimetière et former unecommunauté juive autonome. Au XVII0 la ville se développe et prend del’importance dans la région. Au XIX0 siècle, 70 pour cent de la populationsont des juifs. A cette période la communauté possède ses propres institutionspubliques et des oevres de bienfaisance. Dans les années vingt du XX0, il yavait dans la ville un mouvement sioniste et nombreux sont les jeunes quiallèrent s’installer en Palestine. En 1807, une ligne ferroviaire est construitevers Bialystok (les dirigeants locaux s’étaient opposés à ce que les voies ferréetraversent la ville). Une route reliant Varsovie à Vilnius sera construite, Vilniusest proche de Tikochin. Le fleuve perdit alors de son importance au profit dela voie ferrée. Bialystok qui était à la croisée des routes se développe alors etTikochin déclina.

La synagogue: elle a été construite en 1642. Elle était de style baroque.L’entrée est en contrebas pour que en descendant les marches on se souviennedu verset “je T’ai appelé des profondeurs”. Mais il fallait aussi qu’elle soitplus basse que le niveau de l’église. Au centre de la synagogue, il y a la bimaentourée de quatre piliers dans le style des synagogues de Pologne à cetteépoque. Les murs sont décorés de prières, de chants liturgiques et debénédictions. Une des raisons était que de cette façon une personne qui n’avaitpas de livre de prière pouvait suivre le service. Entre les XVI et XVII0 siècles,l’autonomie juive fut à son apogée et la synagogue remplissait divers rôlespour la communauté: on y organise des réunions, des élections pour le comitéde la communauté, des collectes de fonds, mariages… Le tribunal rabbiniquey siégeait aussi. La synagogue sera aussi l’endroit où se retrouvent les membresdu Bund et les sionistes. Les samedis et les jours de fête, la synagogue seremplissait de 1,000 personnes qui venaient prier et les autres jours de lasemaine, ils se réunissaient dans la salle d’études pour les prières. À Tikochin,il y avait une usine importante qui fabriquait les châles de prière. Ces produitsétaient réputés dans tout le monde juif grâce à ces broderies exceptionnelles.Pendant la Shoah, les nazis transformèrent la fabrique en écuries ce qui assuraque la synagogue ne soit pas détruite.

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La place du marché

Deux fois par semaine, se tenait le marché. La place était vibrante d’activité,les vendeurs s’interpellaient quand ils ne vantaient pas leur marchandise, lemarieur se promenait parmi la foule pour faire ses affaires de marieur…Voiciune description du marieur par Haïm Shapira, habitant de la ville:

“Le rav Hona est très consciencieux dans son travail. Il avait des centaines de

noms de clients. Il connaissait des gens des villages voisins, tout le long de la

route qui menait à Bialystok. Souvent, il lui arrivait de se rendre jusqu’à Varsovie

pour régler un bon mariage; il avait pour principe de ne jamais mettre en rapport

deux familles de la même rue, ou du même village, parce qu’elles se connaissaient

trop bien. Pour les gens de son village il préférait choisir des familles d’autres

villes, il avait l’habitude de dire:” pourquoi les juifs ont-ils fabriqué le veau d’or?

Ils croyaient que Moïse était mort et qu’il leur fallait un chef nouveau, alors pourquoi

n’ont –ils pas choisi Aaron? Pourquoi justement un veau? Et à cela ils répondaient:

mieux vaut un veau étranger, qu’une personne que l’on connaît.”

Les forêts voisines fournissaient de grandes quantités de bois et étaient unesource de revenus et de commerce, particulièrement pour les juifs qui étaientsurtout commerçants de bois. Le village comptait 10 moulins de grande taille.Cinq entrepôts à blé et à grains et un certain nombre de boutiques d’artisansqui se trouvaient pour la plupart au centre du village. Hormis les jours demarché régulier il y avait 6 jours de grand marché par an en plus. Tous lespaysans de la région y venaient pour s’approvisionner. Pendant les deuxguerres, les juifs vivaient de commerce et d’artisanat. Ils possédaient desusines textiles fins, une brasserie de bière et une tannerie.

Notre ville brûle – Mordechai Gebirtig

Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,Notre pauvre petit village brûle.Des vents furieux soufflent plus hautLes langues de feu,Les vents diaboliques soufflent !Toute la ville est en feu!

Et, nous restons là les bras croisés à regarder,En hochant la tête.Vous restez là à regarder les bras croisésEt le feu embrase tout

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Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,Notre pauvre petit village brûleDes langues de feu lèchent tout,Le feu s’étend par la villePar les toits, et les fenêtres.Tout autour de nous, tout brûle.

Et vous restez là à regarder, les bras croisés,Et vous hochez la tête.Vous restez là à regarder les bras croisésEt le feu embrase tout !

Notre ville brûle, mes frères, elle brûleA tout moment le feu vaRéduire en cendre notre ville,Des cendres grises et noires,La vie après la bataille là où s’élèvent les murs morts,Cassés et en ruine, dans une terre désolée.

Et vous restez là à regarder, les bras croisés,En hochant la tête.Vous restez là à regarder les bras croisésAlors que le feu embrase tout !

Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,Tout dépend de vous maintenant.Notre seul aide est ce que vous faites.Vous pouvez encore éteindre ce feuAvec votre sang, si vous le voulez.

Ne regardez pas les bras croisés,En hochant la tête.Ne regardez pas les bras croisésPendant que le feu embrase tout !

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Écrite en 1938 après le pogrom de Pshitic, la chanson comportait un avertissement de l’holocausteimminent et fut reprise à Cracovie et dans d’autres ghettos. L’auteur, un menuisier né àCracovie, Mordechai Gebirtig, était un poète et compositeur connu pour ses nombreuseschansons en Yiddish. Elles sont devenues très populaires dans les communautés juives d’Europede l’Est et sont entrées dans le répertoire des chansons folkloriques. Mordechai Gebirtig a ététué par les Allemands en 1942.

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En septembre 1939, quand la guerre éclate, Tikochin était un territoire quiselon l’accord Ribbentrop - Molotov revenait à l’Union soviétique. LesAllemands l’ont occupée puis, au bout de quelques jours, ils se retirent. LesPolonais ont reconquis la ville et persécuté les juifs en les dépouillant de leursbiens. Un juif sera tué puis lorsque les soviétiques arrivent les juifs les reçoiventcomme les libérateurs. Ils participent aux affaires municipales, occupant despostes clé, ce qui augmenta encore l’animosité de la population locale. Puisc’est l’invasion allemande avec la campagne Barbarossa, et l’armée rouge seretire à son tour du village. En août 1941, les Allemands pénètrent dans levillage. Mais lorsque les Allemands arrivent, les juifs sont persuadés que lesAllemands fidèles à leur tradition d’occupation éclairée, apporteront desvaleurs culturelles européennes et civilisatrices, comme pendant la premièreguerre mondiale. Mais, les premiers Allemands qui arrivèrent et réquisitionnentdes hauts dignitaires juifs pour nettoyer les bureaux de la mairie. Les juifssont ensuite relâchés et rentrent chez eux, geste rassurant pour la populationet qui augmente la confiance en l’occupant. Mais le 24 août 1941, à 18 heures,on entendit à travers la ville le message suivant “ tous les juifs, hommes,femmes et enfants, à l’exception des malades et des infirmes devront seprésenter le 25 août à 6 heures du matin sur la place du marché”.Immédiatement le conseil local juif se réunit chez le rabbin. La question étaitde savoir comment répondre. Certains penchaient pour la fuite, mais pourla plupart, ils ne croyaient pas cette solution possible car on ne pouvait pascompter sur l’aide des Polonais et cela pouvait aussi entraîner la colère desAllemands qui réagiraient avec des punitions, certainement, pour ceux quiresteraient sur place. On décida finalement à l’unanimité de se rendre à l’appel.A 21 heures, au moment ou était instauré le couvre feu, on vit des patrouillescirculer autour des murs pour que les juifs ne puissent pas communiquerentre eux ni fuir. Dès l’aube, les juifs se rendent, vêtus de vêtements chaudssur la place. A côté de tables qui avaient été placées sur la place se trouvaientdes gendarmes allemands qui inscrivaient le nom de ceux qui se présentaient.Les gens ne cessaient d’arriver, mis quand la place fut pleine de monde, lesAllemands arrêtèrent de faire des listes et encerclèrent complètement la place.A 7 heures du matin, exactement des camions arrivèrent avec des gens de lagestapo. Avec violence, les juifs sont divisés en deux groupes, l’un composéde femmes, d’enfants et de personnes âgées, l’autre des hommes.

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La forêt de Lopohova

Les hommes furent mis en rangs par quatre, avec les plus grands en tête. Ilsreçurent l’ordre de marcher aux sons de la Tikva jouée par des musiciens juifs,les klezmer. Puis ensuite ce fut le tour d’une chanson contre les juifs et delouange à Hitler qui leur avait appris l’allemand. Tous ceux qui restaient surla place durent monter dans les camions qui se dirigèrent vers la mêmedirection. Dans les bois, trois fossés furent creusés. Au fur et à mesure que lesgens arrivaient, ils étaient poussés dans les trous et des mitrailleuses lesexécutaient. Toutes les dix minutes arrivait un camion avec son chargement.Tous les habitants du village périrent sans exception.

Les Polonais qui avaient été réquisitionnés pour recouvrir les fossesracontèrent que des heures après le carnage la terre au dessus des fossesbougeait encore. Le lendemain, les Polonais célébrèrent et les gendarmespassèrent de maison en maison pour y chercher ceux qui avaient pu échapperau massacre, les malades et handicapés. Plus de 700 personnes furent emmenéesdans des camions et emmenés dans la forêt où ils furent jetés dans le secondtrou. A 2 heures de l’après midi, le 26 août le massacre était total, effaçant àjamais cette communauté juive de la terre.

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Lublin

La yéchiva des sages de Lublin.

A lag ba’omer 1924, c’est en présence de rabbins et de personnalités connuesque sera posée la première pierre de la Yéchiva des sages de Lublin. Six ansplus tard, en 1930, ce bâtiment luxueux est inauguré.

Le rabbin Meir Shapira (1887-1939) avait conçu ce projet et avait réussi àle mener à bien, est nommé directeur de la yéchiva. Il était le rabbin de Lublin.Il avait une personnalité riche: a. il était un érudit en études thoraniques, unsage exceptionnel. b. il était un visionnaire. c. il était un homme d’action, unhomme à l’esprit pratique. Il avait souhaité créer une yéchiva de qualité pourque la tradition du judaïsme de Lublin puisse se perpétuer avec le rabbinShalom Shahna, (le “Marshal”) à sa tête.

Cette yéchiva avait été créée pour y accueillir les étudiants les plus doués,pour y être parfaire leur éducation pour devenir les futurs chefs de lacommunauté. Seuls pouvaient s’y inscrire les étudiants qui pouvaient démontrerqu’ils connaissaient par coeur et à fond 400 pages de Guemara. Une autrenouveauté, c’était aussi la possibilité qui leur était offerte de se consacrerentièrement aux études sans se soucier des aspects matériels de leur vie. Lesélèves des yéchiva en Pologne, étaient en fait pris en charge économiquementpar les juifs riches, et consacraient tout leur temps à l’étude. Le rabbin Shapiraavis décidé de changer les choses, avec une yéchiva qui ressemblait à un internat,avec des chambres meublées, un réfectoire, des salles d’étude vastes et équipées,et tout cela pour que les étudiants puissent se consacrer sans aucun autre soucique les études à leur devoir. Il était allé lui-même dans divers pays d’Europeet aux Etats-Unis pour collecter les fonds nécessaires qui viendraient s’ajouteraux fonds collectés en Pologne même. A l’inauguration de cette yéchiva, il serendit sur la tombe du “Maarshal” pour lui dire qu’il avait enfin honoré samémoire. Il mourut après une maladie en 1933, il avait 46 ans. Le 18 septembre1939, Lublin fut occupée à son tour. Cette yéchiva qui était réputée dans toutle monde juif était une cible de choix pour les Allemands. Ils pénétrèrent dansla yéchiva et décrirent ce moment dans le journal pour les jeunesses hitlériennesen février 1940 dans des termes plus qu’enthousiastes. Ils racontèrent commentils avaient mis le feu à la bibliothèque qu’elle renfermait.

”Quelle fierté pour nous de détruite ce centre d’étude des juifs si réputédans le monde. Nous avons sorti tous les livres saints des juifs et les avons

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brûlés. Le feu a brûlé pendant 20 heures entières ! Les juifs de Lublin étaientdehors et pleuraient, ils nous ont presque assourdis de leurs cris. Nous avonsappelé un orchestre militaire et ils ont joué une musique militaire joyeuse quia enfin couvert les pleurs des juifs”. Pendant de nombreuses années ce bâtimentsera utilisé par l’université de Lublin. Il vient d’être rendu récemment à lacommunauté juive.

Le monument aux héros du ghetto.

HistoriqueLes juifs vivaient à Lublin déjà au XIV0 siècle. A la veille de la Seconde guerremondiale, la population juive s’élevait à 40,000 personnes. La ville est conquiseen septembre 1939 par les Allemands, qui dès qu’ils y pénètrent commencèrentà envoyer des juifs aux travaux forcés, à martyriser physiquement les juifs età confisquer leurs biens. Ils avaient prévu de créer là une enclave pour yregrouper les juifs de toute la zone sous leur contrôle, et des zones polonaisesqui ont été annexées à l’Allemagne. Les nazis accordaient à cette région deLublin une importance stratégique à cause de la proximité avec la frontièrede la Russie et des voies ferrées et des routes proches (la voie principale deVarsovie à Lwow, Kiev et Odessa.), elle était en outre éloignée d’EuropeOccidentale et était une région agricole (montrer l’emplacement de Lublinsur la carte). Cette région servait de passage pour l’armée allemande versl’Est. Lublin était le quartier général de Odélio Golbotsnik, commandant dela région de Lublin et commandant “de la campagne de Reinhardt” dans lecadre de laquelle, les camps de Belzetz, Sobibor et Treblinka ont été construits.A la fin de mars 41, le ghetto de Lublin est créé.

Il y avait dans ce ghetto 34,000 juifs et ils seront parmi les premières victimesqui ont été envoyées vers les chambres à gaz, au camp d’extermination deBelzetz. La déportation débuta le 17 mars 1942 et en un mois la plus grandepartie de la communauté juive fut anéantie, excepté 4,000 personnes quiavaient été envoyées au camp de travail dans les environs de la ville. Maisjusqu’à la fin octobre 1942, ceux-là aussi furent exterminés.

Le monument

Au centre de la place, a été dressé un monument en forme de pierre tombalesur laquelle sont inscrits les mots suivants: “en l’honneur des citoyens polonaisdu peuple juif du district de Lublin, qui ont été exterminés sauvagement par

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les fascistes hitlériens pendant la seconde guerre mondiale. Les citoyens dudistrict de Lublin”. De l’autre côté du monument, est écrit en yiddish un versdu poète juif Yitzhak Katzenelson. Dans chaque poignée de poussière, jerecherche mes proches”.

Le monument du ghetto a été érigé en 1963 à Lublin avec l’aide des juifsde Pologne. Non loin de là se trouve un bâtiment qui avait recueilli à la finde la guerre en 1944 des rescapés qui s’y rendaient avec l’espoir de retrouverdes membres de leurs familles. On leur donnait sur place des soins d’urgence.

Le siège du comité de sauvetage

La libération. Jour de rédemption, certes, mais aussi le jour de l’amèreconstatation de la taille de la catastrophe qui s’était produite et le début del’effort de recoller les morceaux de vies brisées pour recommencer à vivre. Lejour de la victoire arriva au peuple juif avec un grand retard. Des communautésentières venaient d’être exterminées de la face de la terre. Il n’y a pas de motspour décrire l’horreur et la souffrance.Les réfugiés - il restait en Europe un million deux cents mille juifs rescapésbrisés et réfugiés, à qui il faudra faire des efforts surhumains pour recommencerà vivre. En Pologne, il resta 250,000 juifs. Ils vécurent un autre cauchemar enrevenant dans leur village ou ville natal, en découvrant la destruction terribleet la disparition de leurs proches. Ce pays qui avait été leur patrie pendantdes siècles était devenue un cimetière. Le retour au sein de la populationlocale fut encore un choc terrible, car leurs biens avaient été usurpés par desvoisins qui n’avaient jamais songé à les voir revenir. Le retour était unemenace, et certains n’hésitèrent pas à assassiner ces revenants. 500 juifsperdirent la vie entre novembre 44 et octobre 45, dans ces conditions, aprèsavoir survécu les horreurs de la Shoah. Mais les réfugiés avaient une soif devivre incomparable et peu à peu ils recommencèrent à se grouper. Mais ilfallait les aider à reprendre leur vie en main, il fallait leur apporter une aidemédicale, il fallait aller chercher les enfants qui avaient été cachés par descatholiques, dans des familles ou des couvents, il fallait s’occuper des orphelins,il fallait créer des écoles, et les aider à retrouver des proches éventuellement.Ceci sera le noyau qui servira à reconstruire les communautés. Lublin futlibérée en premier par les forces soviétiques et peu à peu quelques rescapésentendant qu’ils peuvent y trouver un abri temporaire, s’y rendent. En janvier1945, les derniers combattants du ghetto de Varsovie qui avaient réussi à

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rester en vie arrivèrent aussi. Il y avait parmi eux Antke Tzukerman, TsviaLubetkin entre autres. Les derniers survivants de tous les mouvements dejeunesse sionistes se regroupaient. Pendant la guerre, ces jeunes avaient prisdes initiatives et qui avaient assuré le leadership de la communauté.

La fuite

Après le pogrom de Kielce en 1946, où avaient trouvé la mort 70 juifs rescapésdes camps, les centaines de milliers de réfugiés comprirent que les juifs nepouvaient plus nourrir l’espoir de se réinstaller en Pologne, et qu’ils devaientaller en Palestine ou dans d’autres pays d’Europe ou aux Etats-Unis mais lesportes de ces pays leur étaient souvent fermées. Les réfugiés commencèrentalors à se diriger de façon spontanée avant que les mouvements de jeunessene prennent la direction de ces activités. Yitzhak Tzukerman et Abba Kovner,n’étaient pas d’accord sur ce point le second voulait diriger ces réfugiés versla Palestine, alors que le premier pensait que les chefs des mouvementsdevaient rester sur place pour organiser le départ et les routes que devaientemprunter les juifs pour partir car selon lui il était impossible de laisser lacommunauté juive polonaise sans dirigeants capables Kovner et ses partisanspartirent vers la Roumanie, puis de là en Italie puis vers la Palestine alors queTzukerman resta en Pologne.

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Cracovie

Le quartier juif

La synagogue Altschul – La vielle Synagogue

La synagogue a été construite par des juifs venus de Prague, fuyant le terriblepogrom de 1389. Le mur oriental fait partie des remparts de la ville, qui lacachaient totalement. Elle était de style gothique comme toutes les synagoguesconstruites à la même époque. Au XVI0 siècle, des annexes furent ajoutéesavec des couloirs et une salle de prière pour les femmes du côté oriental. Puisen 1570, suite à un incendie, la synagogue fut reconstruite, les murs cette foisétaient plus élevés, et le tabernacle et l’entrée ont été refaits dans le stylerenaissance. Deux salles de prières furent construites pour les femmes au sudet au nord à la fin du XVI0. Puis au XVII0 une entrée séparée pour les femmesavec vue sur la salle de prières des hommes par des fers forgés, avec unepièce au dessus du couloir où se réunissait le conseil de la communauté juivecontre le mur occidental. Comme tout était concentre sous le même toit, lasynagogue et le conseil de la communauté, ce bâtiment devint le centre de lavie juive locale, jusqu’en 1888 où la partie conseil municipal fut détruite.Avant et après la seconde guerre mondiale, la synagogue sera rénovée, leniveau sera restitué à la hauteur qui avait été construite au XVI0 siècle et uneclôture décorative sera ajoutée. Elle a été le témoin de faits historiquesnombreux. Les plus grands rabbins de la communauté y avaient dit leursermon, les décisions du conseil de la communauté, les décrets royaux, et lesdécisions juridiques étaient lus dans la synagogue. En 1794, le chef suprêmedes forces révolutionnaires contre les russes s’adressa aux juifs de Cracoviedans la synagogue, les encourageant à prendre les armes pour se joindre auxrésistants. Il y a aujourd’hui une plaque dans l’entrée:”les juifs ont montréque s’il y a un combat pour l’humanité, ils n’hésitent pas à risquer leur vie.Ici dans la synagogue Altschul, pendant le soulèvement de 1794, contre lesrusses, Tadeus Koustchochko a fait appel aux juifs pour lutter pourl’indépendance du pays.”

Pendant la Shoah, les Allemands exigèrent que leur soient remis les objetsen argent et en or de la synagogue, mais heureusement, les juifs avaient eule temps de cacher les rouleaux de la Torah, ainsi que les objets de culte enargent et en or au cimetière Palchov. Bientôt le cimetière se transforma en

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camp de travail nazi et tous les objets furent découverts et les rouleaux détruits.Après la déportation des juifs, en mars 1941, les Allemands transformèrentla synagogue en dépôt et en maison d’arrêt de la Gestapo. En 1943, 30 Polonaisont été exécutés à cet endroit. En leur souvenir, un monument en forme decube a été placé là. Il y a une légende selon laquelle ( on raconte la mêmelégende à propos d’autres synagogues) qu’à la suite du pogrom à SimhatTorah une année, il fut décidé de dire des kinot de deuil, chaque année pendantles festivités de Simhat Torah en mémoire de ceux qui avaient été tués.

La légende

On raconte que le roi Casimir le grand, avait une grande amitié pour lesjuifs et qu’il offrit un cadeau à l’ancienne synagogue. Son cadeau étaitdeux épées d’argent pour en fabriquer une hanoukia. Elles sont alorsaccrochées dans la synagogue, malgré l’interdiction religieuse de vénérerles objets, pour signifier le respect qu’ils portaient au roi. Voici commentcela se passa. Un jour le roi annonça qu’il voulait venir visiter la synagogue,et toute la communauté se prépara à son arrivée. En son honneur, onaccrocha un portrait du roi dans la synagogue mais comme c’est interditdans une synagogue, le portrait fut accroché à l’envers avec l’intentionde le retourner dès que le roi serait annoncé. Le jour de la visite annoncée,on oublia de retourner le portrait, le roi voyant son portrait à l’envers fitimmédiatement venir le chef de la communauté qui était un vieil homme,pour lui demander des explications. Celui-ci lui répondit alors: “ tous,les jours, Majesté, comme vous n’êtes pas avec nous, nous avons votreportrait pour nous souvenir de vous, mais aujourd’hui vous êtes présentparmi nous, nous n’avons donc pas besoin de votre portrait.” Le roi étaitrassuré et donna alors en cadeau ses deux épées.

La synagogue Popper

Elle a été bâtie en 1620 par Wolf Popper Boutsian et qui s’est marié jeune,avec la fille d’un riche commerçant de Cracovie, Landau et alla s’installer àCracovie. Ses affaires marchaient bien et il devient très riche. On estime en1816 qu’il possédait 300,000 zlotys. Le fait que la synagogue appartenait à unparticulier prouvait que dans les XVI et XVII0 siècles, il y avait en Pologne

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des personnes qui pouvaient se permettre. C’était le signe de statut social.Pour construire une synagogue il fallait des grosses sommes. La question desavoir d’où il avait trouvé cette somme fut débattue et critiquée. Ce n’est passeulement dans la communauté que cela faisait des gorges chaudes car quandle professeur Mitsinsky, un antisémite notoire, quand il voulu faire valoir queles juifs dominaient l’économie de Cracovie consacre dans son livre, une placeprimordiale au rabbin Wolf Popper qui était l’un des plus riches juifs au XVII0

dans la “ville des juifs”. Il faisait de l’importation. Dans son testament il parlede quatre coffres pleins de pièces d’or, un coffre plein d’argent, et des avoirspour une très grosse somme qui était un acompte chez un commerçant. Lesportes du tabernacle étaient faites de bois ciselé et se trouvent aujourd’hui àla synagogue de Eichal shlomo à Jérusalem. Dans une scène sur la gravureen cuivre on peut lire un verset du Traité des Pères, 5, 23. “Plus fort qu’untigre, léger comme un aigle, court comme une gazelle, courageux comme unlion”. Comme plusieurs des riches qui priaient dans cette synagogue peu àpeu s’appauvrirent, une association se chargea de la synagogue sans plusinvestir. Son état se dégrada progressivement, ses biens furent vendus, sesrideaux, les portes des tabernacles qui étaient de grande valeur aussi. Aprèsla Seconde guerre mondiale le gouvernement communiste s’empara de lasynagogue et ne fut plus rendue à la communauté juive. Aujourd’hui c’estdevenu une salle d’expositions d’art.

La synagogue “Harama” – rabbi Moché Isralish

Elle a été construite en 1553 par Israel le père du rabbin, qui était un richecommerçant. Il la consacra à la mémoire de sa femme Malka. Les juifs deCracovie l’appelèrent la nouvelle synagogue. En comparaison avec la Altschul.Rabbi Moche Isralich ( 1530 -1572), était l’un des plus grands décisionnairesde tous les temps. Il avait étudié à Lublin chez le rabbin Shchena, et épousasa fille Golda. Il a été nommé rabbin et juge de tribunal rabbinique en Cracovie.Très versé en philosophie juive, il connaissait beaucoup de langues étrangères,et étudia des matières non religieuses aussi, en particulier la philosophie. Sonoeuvre la plus importante a été la création d’un livre de codification de laHalakha juive, comme le rabbin Caro dans son livre ’Shulhan Aroukh”. Celivre ne prenait pas en considération les décisions des rabbins ashkénazes. Le“Rama” décida d’accepter ce livre comme recueil codifiant fondamental maisson livre “Hamapa” vient compléter le livre du Caro ce qui a permis d’éviter

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des dissensions au sein de la communauté. Sur sa tombe est écrit: “ 33 ( lag)bonnes qualités, 33 livres, a vécu 33 ans et est mort à la’g ba’omer”.

Le cimetière près de la synagogue “Harama.” (rabbi Moché Isralish)Il y avait à Cracovie plusieurs cimetières juifs dont certains ont disparu. Cecimetière est le plus ancien parmi ceux qui n’ont pas été détruits.

Yom Tov Lipman

Le rabbin Yom Tov Lipman, est l’auteur de nombreux ouvrages. Il est connusous le nom du “Baal Tosafot Yom Tov”, du titre de son livre le plus connu (qu’ilavait achevé d’écrire à 38 ans à Prague). Son interprétation est encoreaujourd’hui reconnue. Il est né en 1579, dans la ville de Walershtein en Bavière,(Prusse). A 18 ans, il devint juge au tribunal rabbinique de Prague ce qui ne

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Cracovie ,Pologne, femmesvendant des habits près de lasynagogue du Rama

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l’empêche pas de parfaire son éducation. En 1928, il est nommé rabbin etdirecteur de l’école talmudique de Prague. Puis il sera nommé rabbin deNémirov et Blodmir à Valhein. Il parvint à faire imposer au conseil le décretprécédent qui interdisait l’achat de la fonction de rabbin, car les rabbins quiétaient souvent issus de familles nobles imposaient souvent leur remplaçant.En 1644, il est nommé au poste de rabbin le plus important en Pologne, celuide Cracovie, c’était à l’époque des décrets issus par Hamelinsky en Ukrainedes décrets contre les juifs

Il prend soin de sa communauté. Il est l’auteur de slihot et de prière de Elmalé rahamim, en mémoire des juifs qui ont été assassinés pendant cesévénements tragiques. Il est mort en 1654. Sa tombe est située au fond ducimetière devant une porte scellée par des pierres. Il s’avère qu’on pouvaitentrer dans le cimetière des deux côtés, dont cette entrée du côté de lasynagogue.

L’histoire de Yossele, l’avare, le saint

A Rama, le rabbin Yom Tov avait la charge de la charité. C’était lui quidécidait des collectes si c’était pour une mariée pauvre, ou pour desorphelins… Il se chargeait toujours de ces affaires lui-même. Il donnaitlui-même puis allait demander aux riches de la ville, leur demandant dedonner avec insistance. Le gaon Zelig dira de lui à ce propos dansl’introduction à son livre “hibouré Likoutim”: il était le rabbin de Kraka,il donnait tout son argent à la charité. Mais il s’étonnait de voir toujoursun des riches de la ville qui, s’il traitait certes les pauvres avec gentillesse,ne donnait cependant pas beaucoup l’aumône. Un jour, le rabbin YomTov partit collecter de fonds mais sans succès, là, un riche n’était paschez lui, là un autre avait fait de mauvaises affaires, ici encore un autreétait ruiné et le rabbin ne réussissant pas à collecter la somme dont ilavait besoin, retourna à regret demander au riche avare de lui donnerun peu plus qu’à son habitude. Mais celui-ci, refusa et s’entêta dans sonrefus. Toutes les suppliques du rabbin n’y faisant rien, le rabbin lui ditque même le voisin qui était pauvre insistait à donner régulièrement unesomme importante qu’il refusait presque de prendre sachant qu’il n’avaitpas les moyens… toujours sans résultat. Le rabbin s’emportant le convoquaau tribunal pour le lendemain et lui recommanda de réfléchir à nouveau

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sur sa position. Il lui proposa même de ne dévoiler à personne s’il faisaitun don supplémentaire, mais il refusa encore. Au tribunal, ne changeanttoujours pas d’avis, il se vit menacé d’être enterré au cimetière près dela porte, ce qui ne le fit pas changer d’avis.Puis, un jour, quelques années plus tard il mourut et le rabbin ne put quele faire enterrer où il avait menacé de l’enterrer. Mais au bout de quelquetemps, le pauvre, le voisin du riche avare s’arrêta de donner comme àson habitude. Et le rabbin de lui demander ce qui lui arrivait et s’il s’étaitappauvri encore. Il répondit qu’en fait pendant toutes ces années, le richevoisin lui avait donné régulièrement une grosse somme qu’il devaitdonner à la charité en échange de quoi, il recevait une aumône lui-mêmeet maintenant que le voisin était mort, il ne pouvait plus donner. Lerabbin comprit alors que le riche avare était un saint qui voulait donneraux pauvres, mais en secret, comme font les saints. Pris de remords, lerabbin demanda alors à être enterré près de cet homme près de la portedu cimetière quand le jour de sa mort viendrait.

Le rabbin Nathan Neta Shapira (1585-1633) – ”L’interprète des profondeurs”

Issu d’une famille connue, son grand-père était Rabbi Pinhas, il allait rencontrerles convertis au christianisme pour essayer de les ramener à la foi juive, et ilsleur promettait même sa portion de l’autre monde s’ils acceptaient de dire laprière “shma Israël”Il était réputé pour ses connaissances en Torah. Et avaittrouvé des réponses à des énigmes de la Torah. Son fils racontait qu’ilconnaissait tout le shass (les six livres de la michna) et tous les versets parcoeur. Il était directeur de yéchiva à Cracovie, et il avait de nombreux disciples.Il menait la vie d’un saint.

On dit de lui qu’il avait une telle force qu’il suffisait de citer son nom pourqu’un malade guérisse. Son surnom lui vient de son livre qui contient 252interprétations de la prière de Moshe: “Ahavara Na Laissez moi passer”.

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Il mourut à 48 ans.

Au décès de “ l’interprète des profondeurs”, un étudiant de yéchiva vintà Cracovie et s’adressa au gabaï de la synagogue en lui disant que commeil avait remarqué que non loin de l’endroit où avait été enterré le rabbin,il restait une place libre, il souhaitait l’acquérir pour lui-même. Le gabaïle toisa et lui dit: “qui pensez-vous être pour avoir le droit de vous faireenterrer dans ce lieu saint?” Son interlocuteur, poursuivit qu’il était prêtà payer n’importe quel prix pour cet emplacement. Au bout de quelquetemps, le gabaï voyant que la caisse était vide, et qu’il avait de nombreuxfrais, pensa qu’il pourrait permettre à cet homme d’acheter la place aucimetière à bon prix sans avoir à respecter un arrangement de la sorte.Comme il était vieux, et que l’acheteur était plus jeune que lui, le momentvenu de son décès, il ne serait plus là et son remplaçant ne saurait riende cette affaire. Et c’est ainsi qu’il accepta de lui vendre ce qu’il demandaitcontre une somme importante qu’il s’empressa de mettre dans la caissede la Hévra kadisha sans inscrire l’emplacement au nom de l’acquéreur.Mais voilà que le jour .même, l’homme mourut.Le gabaï qui n’avait pas pu obtenir le nom de cet homme, car il avaitrefusé de le lui donner, ne su que faire. Puis, après réflexion, comme cettepersonne n’avait là ni amis ni famille, donc personne ne connaissaitl’histoire, et comme l’argent pour l’enterrement avait été donné à lacharité, il décida de le faire enterrer dans autre endroit et non dans celuiqu’il avait acheté, à côté du rabbin. La nuit, le gabaï rêva de l’hommequi lui disait: “nous avions fait un accord, et tu n’as pas respecté tonengagement je te convoque à un procès devant le tribunal de l’au-delà”.Le gabaï eut très peur mais au matin il se dit que ce n’était qu’un rêvesans conséquence. Mais chaque nuit il faisait le même rêve si bien quela troisième fois, il se rendit chez le rabbin de Cracovie et lui racontatoute l’histoire. Le rabbin lui dit alors de ne pas s’inquiéter et que si lemême rêve revenait, il lui fallait dire à cet homme qu’il pouvait venir àune date précise chez le rabbin pour un jugement sur terre. Et lorsquel’homme réapparut en rêve au gabaï, celui-ci fit ce que le rabbin lui avaitconseillé et l’homme accepta immédiatement. On installa une cloisondans la synagogue et quand l’heure prévue arriva, on entendit une sortede bruit derrière la cloison, et ils comprirent que l’homme était parmieux. Le rabbin lui demanda de décrire les faits, puis il demanda au gabaï

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ce qu’il avait à répondre. Celui-ci dit que l’homme avait dit la vérité mais,dit-il, il n’avait jamais eu l’intention de l’enterrer à cet emplacement caril n’était pas digne de reposer à côté du rabbin, puisque personne nesavait qui il était puisqu’il avait refusé de donner son nom. Le rabbin setrouvant vers la cloison dit: dites-nous qui vous êtes et nous verrons sivous pouvez être enterré à l’endroit que vous avez demandé. Maisl’homme refusa absolument de dévoiler son identité. Le rabbin décrétaalors que même s’il semblait qu’il fallait enterrer le mort près du gaon,puisqu’on avait accepté paiement pour l’emplacement, comme on nesavait pas de qui il s’agissait, il était peut être mal venu qu’un hommeinconnu repose à côté de ce grand rabbin. Il fut décidé que la tombe àcôté du gaon serait ouverte et que s’il était digne de reposer là il sauraity entrer seul…Le lendemain matin, ils allèrent au cimetière et ils virentque la tombe de l’homme était vide et que la tombe à côté du gaon étaitoccupée et sur la pierre tombale était inscrit “ ci-gît l’homme inconnu,sur la foi de son ami”. Bien des années plus tard, les inscriptions sur latombe s’effacèrent et furent remplacées par d’autres.

La synagogue haute

Elle a été construite dans les années soixante du XVI0 siècle. Son nom provientde son emplacement car elle était située au dernier étage. Son tabernacle étaitdes plus anciens parmi ceux de Pologne et il comportait des fers forgés quidécoraient l’escalier qui menait à lui. Ses deux portes également en fer forgéétaient décorées de motifs juifs. C’est l’une des synagogues en Pologne dontles murs furent décorés de dessins d’inspiration biblique, représentant lesacrifice d’Yitzhak, l’arche de Noé. Par le passé il y avait des boutiques aurez- de chaussée de la synagogue. Pendant la Seconde guerre mondiale, lebâtiment fut endommagé et tout ce qu’elle contenait fut pillé. Aujourd’huielle est devenu le siège de l’agence à Cracovie de la Société de protection desmonuments historiques qui est chargée de protéger le quartier Kazimiertz.

La synagogue Isik

Elle est dédiée au nom du rabbin Yitzhak Ben rabbi Yaakov, grand donateur.Elle a été construite en 1644. Elle fut refaite en 1857 et en 1924. Pendant laguerre, elle a été quasiment entièrement détruite. En 1983 une réfection a étéentreprise. Elle était de l’extérieur simple et même ordinaire, mais l’intérieur

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était riche de décorations réputées pour leur beauté, avec des lustres en cuivreet des objets de culte en argent d’une exceptionnelle splendeur.

Une histoire

Il y a très longtemps, vivait à Cracovie un juif qui s’appelait Izik. Quedire de plus, car il était juif et s’appelait Izik. Mais nombreux étaient lesjuifs de Cracovie qui s’appelaient Izik. Mais cet Izik était père d’unefamille nombreuse. Que dire de plus sur un juif de Cracovie qui a unefamille nombreuse? Tous les juifs de Cracovie s’appelaient Izik et avaientde nombreux enfants. Mais cet Izik, on peut dire qu’il était extrêmementpauvre. Vraiment, tous les juifs de Cracovie, s’appelaient Izik et étaienttrès pauvres…Mais une nuit, ce Izik alla se coucher, et en rêve lui apparaîtun visage les yeux ouverts et à la longue barbe blanche, et qui lui parleainsi: “ Iziiiiik, Iziiiiik, sous le pont il y a un trésor”. Et quand il se réveille,Izik dit “ mon Dieu, que veut-on de moi? Je suis un juif pauvre, medonner de telles idées, des espoirs de la sorte, vraiment!!” La nuitsuivante,il fit le même rêve, toujours le même rêve, sous le pont, entrele palis du roi et la vieille place, il y a un trésor. Isik, une fois d’accord,mais deux ? dit-il au réveil, “ me faire des choses pareilles à moi, mondieu!puis il rêva une troisième fois et cette fois, avec le dernier détail: “sous le pont entre le palais royal et l’ancienne place de la ville de Praguese trouve un trésor”. Isik en se levant, dit: “ trois fois c’est sérieux!”etsort de chez lui sans dire au revoir, ni à sa femme, ni à ses enfants, et ilentreprend un long voyage. Puis enfin il arrrive à Prague, il regarde laville avec tous ses monuments, sa belle place ancienne, et le palais royalavec la cathédrale non loin de là séparés par une rivière et sur la rivière,un pont, le pont Charles. Sous le pont il y une petite île, et est-ce que letrésor se trouve là donc? Mais que faire, c’est le chemin du palais, lechemin du roi, et il y toujours toujours, des soldats qui surveillent. Ilattend la nuit, puis la seconde nuit, et la troisième nuit, il décide d’essayeret il commence à creuser. Au bout de quelques minutes, il creuse toujourset entend tout à coup, “ que fais-tu là?” et devant lui se tient un soldatfort, et grand. Isik décide de dire la vérité “ écoutez, vous allez sûrementvous moquer de moi, j’ai fait un rêve, et un vieillard à la barbe blanchem’a dit que sous le pont à Prague, il y a un trésor. Le soldat se mit à rire:

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“ ce n’est pas par hasard qu’on dit de vous les juifs que depuis que letemple a été détruit, vous avez perdu la raison. Ecoute, moi aussi j’airêvé et j’ai vu un vieillard qui m’a dit:” dans la maison d’un juif nomméIsik dans la ville de Cracovie, sous le four se trouve un trésor, et tu pensesque je vais aller faire un si long voyage pour aller à Cracovie et y chercherun juif du nom d’Izik,. Tout le monde sait que tous s’appellent Izik là-bas, et tu me vois déplacer les fours chez eux? Ecoute, le juif, comme tum’a fait rire pendant ma garde, je te laisse partir, allez, vas-t-en!” Izikreprend le chemin de chez lui. En arrivant chez lui, sa femme lui demande”Izik où étais-tu parti deux mois? “ Il ne répond pas, les enfants l’appellent“papa, papa!” il les repousse et se met à déplacer le four de la cuisine etde fait, il y trouve un trésor, qui était caché chez lui-même.

La synagogue Koufa

La synagogueSa construction débute au XVI0 siècle, et s’achève en 1643, elle aura été financéepar des dons par des membres de la communauté, chacun selon ses moyens.La synagogue est située à l’extrémité de la rue qui porte le même nom, son murau nord est également le mur du quartier juif elle était au centre des activitéssociales de la communauté. Cette synagogue était profondément marquée entreles deux guerres par le sionisme. Les dessins refaits montrent le style desdécorations de la synagogue, on y voit des vues de Haïfa, de Jaffa, et des villessaintes en terre sainte. Les artistes qui ont décoré cette synagogue connaissaientses vues des cartes qu’envoyaient les juifs de la communauté quand ils visitaientle pays ou quand ils étaient partis s’y installer. Il y avait aussi de la place pourl’imagination de l’artiste, comme avec cette vue de Jérusalem au bord de lamer! La synagogue sera détruite pendant la shoah, et refaite en 1998, elle avaitservi jusque là de tannerie et d’usine de produit en cuir.

La synagogue TEMPLE

Le temple a été bâti entre 1860 et 1862, par des juifs modernes, des maskilimde Cracovie. Il a été ensuite plusieurs fois amélioré et comporte de nombreuxéléments néo-renaissance. Il est construit sur deux étages aux colonnadesimpressionnantes qui servaient à soutenir la partie des femmes située audeuxième étage. La synagogue comportait une partie centrale et deux autres

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espaces. Les vitraux ajoutés plus tard avaient été offerts par les membres dela communauté entre 1894 et 1925. C’est de l’intérieur de la synagogue quetoute leur beauté ressort. La partie réservée aux femmes est un chef d’oeuvred’architecture intérieure, ainsi que le mur du tabernacle que surplombe unecoupole bleue parsemée d’étoiles. Cette synagogue est bien plus spacieuseet luxueuse que les autres synagogues, ni humble ni modeste influencée parl’architecture des églises.

Les éléments particuliers de cette bâtisse.

La communauté qui se réunissait en ce lieu pour prier était formée de personnesappartenant à l’intelligentsia, et des personnalités en vue, dont l’une d’ellesest le Dr Yéoshoua Tahon, le chef du mouvement sioniste local. Ils avaientadopté des habitudes peu conformes à la tradition orthodoxe. Ils arrivaientaux services de samedi et jours de fête dans leurs carrioles, (interdites leshabbat pour les orthodoxes). Sa chorale faisait l’admiration de tous et étaitréputée. Elle était composée d’hommes et de femmes, chose très mal acceptéepar les orthodoxes. Toutefois cette synagogue attirait un grand public quivenait y écouter le chantre le meilleur de Cracovie, Yossef Fisher (qui publiaitdes manuscrits en hébreu). Le rabbin de la communauté de Cracovie s’étaitopposé avec force à la construction de cette synagogue, et la légende racontequ’il alla même jusqu’en jeter une malédiction contre le lieu et la communautéqui le fréquentait et sur le mur apparut une fissure qu’il fut impossible combler.Pendant la guerre, elle sera transformée en écuries. Elle fait partie des bâtimentsrefaits par un fond spécialement créé pour la réfection de monuments dupatrimoine. La synagogue rouvre ses portes en 1995.

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Le ghetto

A la veille de la Seconde guerre mondiale, il y avait à Cracovie 250,000 habitantsdont 60,000 étaient juifs. Le 6 septembre 1939, la ville sera envahie par lesAllemands et les persécutions contre les juifs commencèrent. Le 26 octobrela ville fit déclarée capitale du gouvernement général. Les persécutions contreles juifs ne firent que se multiplier. Tous les décrets anti-juifs y furent appliqués.En mai 1940, la déportation des juifs commença vers un village proche. Enmars 1941, 11,000 juifs furent tués dans cette ville seulement. Le même mois,le ghetto est créé au sud, du nom de Podgoza. C’était un quarter fermé de 40sur 600 mètres. Les Allemands regroupèrent là les juifs de Cracovie mais aussides milliers de juifs arrêtés dans les villes avoisinantes. A la fin de 1941, y

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Cracovie , Poland, Juifs forcés à nettoyer une rue

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vivaient 18,000 personnes. Toutes les institutions juives avaient naturellementété transférées là comme la communauté, l’organisation d’entraide, les hôpitaux,les orphelinats et les cantines... Les déportations de Cracovie se sont dérouléesen plusieurs étapes. En juin 1942, du 18 mai 1942 au 6 juin, plus exactement,eut lieu la grande déportation. 6,000 juifs furent transférés à Belsen, et 300furent exécutés sur place. Parmi les victimes, le poète Mordechai Gebirtig etle chef du judenrat Arthur Rozentsweig qui avait refusé d’obéir aux ordresdes Allemands. Après cette “action” la surface du ghetto est réduite de moitiéet il n’y resta que 12,000 personnes. En octobre 1942, une deuxième ’ action’fut organisée. 7000 juifs furent déportés la plupart vers Belsen et certains versAuschwitz et 600 furent exécutés sur place. Il ne resta alors au ghetto que6000 personnes.

En décembre 1942, le ghetto fut divisé en deux parties. La zone A pour lestravailleurs indispensables en bonne santé, et la zone B pour les chômeurs,les personnes âgées et les malades. En mars 1943, tous les juifs de la zone A,en tout 2000 personnes, sont déportés vers le camp de travail à Plashov. Lelendemain le ghetto B sera détruit. 2300 personnes furent transportées parcamions et furent exécutées à Birkenau. 70 autres furent exécutées, un peuplus tard, c’était ceux qui n’étaient plus capables de marcher. La déportationétait un processus violent et cruel. Le 14 mars 1943, le ghetto de Cracoviedisparaissait.

La pharmacie

A la création du ghetto, les juifs furent regroupés dans ce quartier juif fermé àPodgoza, les Polonais durent quitter le quartier. La pharmacie au 18 de la rueZgoda se trouvait à la frontière du ghetto. Une façade se trouvait exposée ducôté de la place Zgoda où étaient regroupés les juifs pour la déportation et quisera re-nommée par la suite la ’place des héros du ghetto’, et l’autre façade étaitdu côté polonais. Lorsqu’il reçut l’ordre de quitter le propriétaire de la pharmacie,Tadeusz Pankewitz, qui était polonais, usa de toute son influence pour tenterde retarder l’échéance. Il corrompit les Allemands régulièrement pour qu’ils lelaissent continuer à ouvrir sa pharmacie. Pendant deux ans et demi, à partir dujour de la création du ghetto, il a pu continuer à vivre là. Il raconte ce qu’il yvoit par ses vitrines qui donnaient sur la place. Il continue à employer ses troispréparatrices, toutes polonaises, Iréna, Helena et Orelia, et ils aidaient les juifs.Grâce à l’emplacement de cette pharmacie, ils servaient de passage entre le

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ghetto et la partie polonaise de la ville. Par la porte de derrière, des genspouvaient passer, des médicaments, de la nourriture, des colis. Des informationspassaient également. Les juifs leur remirent des effets personnels et des objetsde valeur pour qu’ils le leur gardent. La pharmacie servait donc de point derencontre à des personnes diverses, certains y venaient parce qu’on pouvait ylire des journaux allemands et des journaux publiés par les résistants. Leshabitants du ghetto pouvaient s’y approvisionner en médicaments et en diversproduits comme des colorants pour les cheveux, qui permettait de se déguiser.Le pharmacien aidait. Il leur procurait des aliments et des cosmétiques qui leurpermettaient de paraître plus jeunes pour être sélectionnés pour les camps detravail, et toujours gratuitement.

Sa contribution fut reconnue et il obtint la distinction en 1983 des Justesparmi les nations pour son aide aux juifs du ghetto. Il est décédé en 1993 àl’âge de 85 ans.

Les mouvements de résistance

Dès les premiers jours du ghetto, des mouvements de résistance se forment,avec le mouvement Akiva et le Shomer hatsair. Au début il s’agissait demouvements qui formaient les jeunes. La résistance juive créa un journal, “lepionnier combattant”, En octobre 1942, une organisation est fondée, l’organisationjuive combattante, pour organiser une lutte armée contre les nazis. Ils décidèrentque, étant donné les dimensions réduites du ghetto, il ne pourrait y avoir decombat armé. Il fut donc décidé de mener les activités de combats du côtéaryen de la ville. On compte une dizaine d’actes de résistance armée qui seproduisirent en dehors du ghetto, le plus célèbre est l’attaque du 22 décembre1942, du café Tzingaria, qui était le lieu de rencontre des officiers Allemands,qui tua 11 Allemands et en blessa 13. Il y aura également des tentativesd’étendre les activités aux alentours. Mais là les difficultés provenaient dumanque de coopération de la part des autres groupes de résistance polonaisqui refusaient de collaborer avec les juifs. En automne 1944, les derniersmembres de l’organisation réussirent à passer la frontière pour passer enHongrie et c’est de Budapest qu’ils poursuivent leurs activités. Du côté aryen,dès le printemps 1943, une branche de l’organisation Zegota, qui aida plusieurscentaines de juifs à s’évader du ghetto.

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Oskar Schindler 1908-1974

Juste parmi les nations, Oskar Schindler est néen MoravieReich en 1938. Il avait été envoyé en Cracovieen 1939 par l’administration de l’occupationallemande pour diriger deux sociétés qui avaientété confisquées à leurs propriétaires juifs. Saposition et ses relations lui permirent de sauverdes centaines de juifs en les employant dans lesusines qu’il dirigeait, à Cracovie et plus tard àdans les Sudètes.

Lorsque l’armée rouge s’approcha de laPologne, les Allemands ont commencé à

délocaliser les usines pour les installer dans des régions plus calmes. Il reçutalors l’autorisation de remettre sur pied son usine dans la région des Sudètes.pour y fabriquer des armes lors d’une campagne unique en son genre sous legouvernement nazi, Schindler a réussi à faire passer 300 femmes et 800 hommesjuifs des camps de Grossrosen et d’Auschwitz pour travailler dans ses usinesdes Sudètes.

Dans ces usines ils étaient traités humainement, dans la mesure du possible.Il veillait à ce que leur soit fourni de la nourriture et des médicaments. Il parvintà sauver de nombreux juifs qui se trouvaient aux environs de ses usines. Commeces cents juifs du camp de Plashov, qui avaient été abandonnés dans un trainverrouillé pour y mourir de froid. Schindler et son épouse Emily en cassèrentles verrous, aidé les hommes et femmes gelés à descendre des wagons, ils lesont menés dans leur usine et se sont occupés d’eux jusqu’à ce qu’ils se remettent.Mais certains mourront, ils furent enterrés selon les rites religieux. Sa personnalitécontroversée conduit plusieurs fois Schindler à être incarcéré par les Allemands,par la Gestapo. Mais il entretenait des relations privilégiées avec des commandantsSS et d’autres personnalités importantes du régime nazi à Berlin, ce qui le sauva,car il sera libéré et continuera à s’occuper de ses employés juifs. En 1962, il futinvité à venir en Israel par des personnes qui avaient survécu la guerre grâceà lui et dans une cérémonie impressionnante, il a planté l’un des premiers arbresdans l’avenue des Justes parmi les nations à Yad Vachem. Il mourut en 1974 àFrancfort, et selon ses dernières volontés, dans son testament, sa dépouille a étéinhumée dans le cimetière latin du mont des Oliviers à Jérusalem. Le 18 juillet1967 Oscar Schindler a été reçu de Yad Vachem la distinction de Juste des nations.

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Oskar Schindler

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Le palais royal et la cathédrale

Le mont Wawell fait l’orgueil national des Polonais. Il a été témoin de milleans d’histoire polonaise, depuis l’époque de la dynastie des Piast qui ontunifié le pays puis avec la dynastie des Jagiellon le pays s’est christianisé,élargi et développé.

Il s’y trouve une cathédrale royale qui a été le théâtre de toutes les cérémoniesde couronnement de tous les rois de Pologne. Aujourd’hui encore, les présidentspolonais y prêtent serment en prenant leur poste. C’est aussi le panthéon desgrands de Pologne, car c’est là que sont enterrés tous les rois de Pologne.

Le site a été construit en style gothique à l’origine bien que par la suite lesajouts aient été de style varié. On peut dire, que cette colline est le berceaude la culture polonaise, le coeur même de la Pologne, en d’autres termes.

Le complexe du Wawel pendant la Shoah

Le premier septembre 1939, la Pologne a donc été conquise par les Allemandspuis divisée (voir la carte) la partie Est sous domination soviétique, la partieOuest fut annexée par les Allemands, la partie centrale sous administrationgénérale, en d’autres termes elle restait polonaise mais sous le contrôle etdomination allemands. En octobre 1939, Hitler nomme Hans Franck, docteuren droit de son cabinet, gouverneur de la région. Pendant la seconde guerremondiale, la Cracovie devient sa capitale. Hans Franck, qui en était legouverneur, décida de s’installer à Wawel, le panthéon des grands de la nationpolonaise de tous les temps, et le lieu où avaient siégé tous les rois, pourmieux affirmer son pouvoir, et pour y fonder son propre “ royaume”. Lepalais devint sa résidence personnelle, les étables royales et les cuisines furentdétruites, les salles royales sont devenues des salles de jeux pour les Allemands,et de nombreuses úuvres d’art furent pillées et disparurent. Dès la libérationen 1945, les Polonais ont recommencé à réparer le site dans le style renaissanceitalienne. De nombreux bâtiments ont été conçus par des architectes italiens,et comme dans toutes les villes moyenâgeuses, il y a un lien entre la citadelleet la place de la ville. Le palais a été construit pour sa grande partie au XVI0siècle dans le style renaissance. Aujourd’hui il est devenu un vaste musée oùsont exposés les bijoux des rois de Pologne.

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La légende du dragon.

Cracovie a été fondée au VIII0 siècle après J.C. sur une colline par unprince d’où son nom. La légende rapporte qu’au pied de la colline Wawel,il y a une grotte appelée “la grotte du dragon”. A côté de l’entrée, onpeut voir aujourd’hui une statue représentant un dragon qui crache dufeu toutes les quelques minutes. Selon la légende et la tradition c’estl’endroit où la ville a été fondée et le dragon qui vivait au pied de lacolline avait pour habitude de manger des jeunes vierges. Le prince,voulant mettre fin à cette situation mit la tête du dragon à prix, endéclarant que celui qui pourrait éliminer le dragon épouserait sa fille laprincesse Wanda, et recevrait la moitié du royaume. Inutile de préciserque nombreux furent les candidats qui se présentèrent, mais finalementseul le cordonnier local qui connaissait l’ampleur de son appétit, prit unebrebis, la remplit de souffre et la posa devant la grotte. Le dragon futincapable de résister à sa gourmandise et avala la proie. Soudain sonventre commença à gonfler à cause du souffre, et il se mit à bondir dansla Vistule, il but l’eau du fleuve et explosa. Mais la princesse promise augagnant avait été mariée pour des raisons d’alliances politiques à unprince allemand. Refusant d’épouser son fiancé, elle se jeta elle aussidans le fleuve où elle périt noyée. Après la mort du dragon le princeentreprit de bâtir la ville de Cracovie.

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Les camps

Treblinka

Le camp d’extermination dans le Nord du Generalgouvernement, est situéà quelques 5 km de la gare de Malkinia sur la ligne principale de Varsovie àBialystok. Treblinka fut établie au début de l’été 1942 dans le cadre de ’l’AktionReinhard’ – le plan nazi pour l’extermination des juifs dans la zone dugouvernement général - Generalgouvernement. En tout, quelque 870,000personnes ont été tuées à Treblinka.

Les premiers convois arrivèrent à Treblinka le 23 juillet 1942; ils étaientformés de juifs du ghetto de Varsovie. Jusqu’au 21 septembre 1942, environ254,000 juifs de Varsovie et 112,000 juifs de différents endroits dans le districtde Varsovie ont été assassinés à Treblinka. Des centaines de milliers de Juifsdes districts de Radom et de Lublin y seront également exécutés. En tout,environ 738,000 juifs mourront à Treblinka, comme 107,000 juifs du districtde Bialystok. Par ailleurs des milliers de Juifs de l’extérieur de Pologne furentaussi acheminés vers Treblinka ; il y avait des Juifs de Slovaquie, de Grèce,de Macédoine et de Thrace, ainsi que d’anciens détenus transférés deTheresienstadt. Au total, 29,000 juifs de l’extérieur de la Pologne furentexterminés à Treblinka, et environ 2,000 Tziganes. Le programmed’extermination massive fut appliqué à Treblinka jusqu’en avril 1943, puisensuite seuls quelques convois arrivèrent.

A partir du mois d’août 1942 le commandant du camp de Treblinka sera lecommandant SS-Obersturmfuehrer Franz Stangl, qui avait auparavant servicomme commandant du camp d’extermination de Sobibor. Son second étaitKurt Franz, avec une trentaine de SS (qui avaient participé au programmeEuthanasia), et quelques cent soldats ukrainiens qui étaient les gardes du camp.

Treblinka était situé dans une région de faible population mais très boisée;ce site isolé avait été choisi pour cacher les atrocités qui devaient s’y dérouler.Treblinka comprenait des zones pour recevoir les déportés, des zones où ilsvivaient et des zones d’extermination qui comprenait un bâtiment de briquesqui abritait trois chambres à gaz. Un moteur à diesel se trouvait à proximitéet il produisait du carbone monoxyde qui arrivait aux chambres par les tuyauxattachés au plafond et dont les extrémités ressemblaient à des douches. Lesnazis avaient disposé les chambres à gaz de façon à créer l’impression queles juifs étaient conduits aux douches. Un couloir dans le bâtiment menait à

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chacune des chambres à gaz et dans chacune d’elles, il y avait une autre portepar laquelle les cadavres étaient transportés vers des tranchées énormes nonloin de là à quelques centaines de mètres de là, où ils étaient enterrés.

A Treblinka on appliquait la même méthode qui avait fait ses preuves àBelzec et Sobibor- les deux autres camps concernés par l’ Aktion Reinhard.Lorsqu’un train formé de 50 à 60 wagons et qui convoyait de 6,000 à 7,000personnes arrivait à la gare proche, 20 wagons étaient acheminés vers lecamps, pendant que les autres stationnaient en attente à la gare. Les portesdes wagons s’ouvraient et les SS ordonnaient aux Juifs de descendre. Ensuite,un officier annonçait aux nouveaux arrivants qu’ils étaient arrivés à un campde transit pour y prendre une douche et où leurs vêtements allaient êtredésinfectés puis de là ils seraient envoyés dans un camp de travail. Après, lesjuifs étaient menés vers la “place de la déportation”, où les hommes et lesfemmes étaient séparés, avec les enfants du côté des femmes. Les femmes etles enfants devaient alors se déshabiller dans un baraquement puis on leurcoupait les cheveux Nues, elles étaient alors forcées de quitter le baraquementet d’entrer dans un “tuyau”, un passage étroit, entouré de barbelés, et camoufléqui menait aux chambres à gaz. Après que les victimes étaient verrouilléesdans ces chambres, le moteur était mis en marche et le gaz se répandait àl’intérieur, les empoisonnant. Au bout d’une demi-heure tous étaient mortset le groupe suivant de victimes se préparait à entrer. Pendant ce temps, lescorps étaient retirés et emportés dans les fosses pour y être enterrés. Ce derniertravail était effectué par une équipe de travailleurs juifs, les Sonderkommando.Ces prisonniers au lieu d’être immédiatement exécutés à leur arrivée au camp,étaient sélectionnés pour effectuer des tâches horribles comme le nettoyagedes wagons, la préparation des victimes pour leur extermination. Ils étaientaussi chargés de s’occuper des biens qu’avaient apportés les déportés, leursvêtements et bien sûr ils avaient à enterrer les morts. Quand les Nazisdécidèrent de brûler les cadavres à partir du printemps 1943 plutôt que deles enterrer, ce sont encore ces prisonniers qui étaient chargés de ce travail.La plupart de ces juifs étaient à leur tour exécutés au bout de quelques joursou quelques semaines et ils étaient remplacés par de nouveaux arrivants.

Au bout d’un moment, les Allemands décidèrent que le processusd’extermination à Treblinka n’était pas assez efficace. Donc, entre août etoctobre 1942 dix nouvelles chambres à gaz y seront construites. En outre, lesystème sera “perfectionné” d’avantage: aux nouveaux arrivés qui étaienttrop affaiblis pour marcher jusqu’à la chambre à gaz sans être aidés on disait

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qu’ils étaient menés à l’infirmerie. Ils étaient alors menés dans une zonefermée sur laquelle flottait un drapeau de la croix rouge et là des soldats SSaidés par des gardes ukrainiens les assassinaient sur place.

Aktion 1005 - la campagne visant à détruire toutes les preuves des activitésmeurtrières des Nazis fut lancée à Treblinka en mars 1943 se poursuivantjusqu’en juillet. Ensuite, cette opération achevée, on ferma Treblinka. Laplupart des installations du camps furent détruites, la terre fut labourée etsemée et le site pris l’aspect d’une ferme et attribué à une famille ukrainienne.

Des centaines de Juifs tentèrent de s’enfuir des trains sur la route vers lecamp, mais pour la plupart de leurs tentatives se soldèrent par un échec.D’autres essayèrent de s’échapper du camp, mais là encore, ils furent engrande majorité repris et pendus. Les juifs de plusieurs convois résistèrentblessant ou tuant des soldats SS et des gardes ukrainiens. Des prisonniersdécouvrant que les Nazis avaient prévu de détruire les camps fomentèrentun soulèvement qui se solda par un échec et les 750 prisonniers qui avaienttenté de s’échapper furent rattrapés.

Après la guerre, beaucoup de SS de Treblinka passèrent en justice. Lecommandant Franz Stangl et son adjoint, le commandant Kurt Franz furentcondamnés à des peines d’emprisonnement à vie.

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Témoignages

Convoi pour Treblinka

Abraham Bomba:

Le deuxième jour, je vis un panneau indiquant Malkinia. Nous avons continuéencore un peu puis, très lentement, le train a quitté la voie principale pourtraverser lentement une forêt. En regardant pas la fenêtre que l’on nous avaitpermis d’ouvrir, le vieil homme vit un jeune garçon … des vaches paissaientet il a demandé au garçon en lui faisant des signes “Où sommes-nous?” etl’enfant fit un drôle de geste, comme ceci ( il faisait signe de couper la gorge).[2]

L’arrivée à Treblinka

Note à Treblinka:Juifs de Varsovie, attention! Vous vous trouvez dans un camp de transit(Durchgangslager) d’où vous allez être envoyés vers un camp de travail(Arbeitslager). A titre préventif contre les épidémies, vous devez immédiatementnous remettre vos vêtements et biens pour les désinfecter. L’or, l’argent, lesdevises et les bijoux en votre possession doivent être déposés contre reçuauprès du caissier. Ils vous seront restitués plus tard sur présentation du reçu,pour vous laver avant de poursuivre votre voyage vous devez vous laverdans une salle réservée à cet effet. [7]

Richard Glazer:

On nous a emmenés dans des baraquements. La puanteur était partout. Il yavait une montagne de tous les objets que les gens avaient pu emporté. Il yavait des vêtements, des valises, et le tout était empilé. Par-dessus, il y avaitdes personnes qui sautaient comme des démons et faisaient des paquets etles emportaient dehors. Ils étaient remis à une personne qui portait un brassardchef d’équipe. Il criait et j’ai compris que je devait également me mettre àramasser des vêtements,les nouer en paquets et les emporter quelque part entravaillant je lui ai demandé: “que se passe-t-il? Où sont les personnes à quivous avez pris ces choses. Ils sont morts me répondit-il, tous morts!”

Mais je n’avais pas encore réalisé, je n’y croyais pas. Il avait parlé en yiddishet c’était la première fois que j’entendais parler en yiddish il ne l’avait pas dit

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très fort et j’ai vu qu’il avait les yeux embués de larmes. Soudain, il a commencéà crier et il brandi son fouet. Du coin de l’oeil je vis qu’un SS approchait etalors j’ai compris qu’il ne fallait pas poser de questions mais seulement sortirvite avec le paquet. [8]

Le “Tube” (Himmelstrasse)

Abraham Goldfarb:Des deux côtés du chemin vers les chambres à gaz, il y avait des Allemandsavec des chiens, derrière la barrière…. Les Allemands frappaient avec desfouets et des barres de fer les gens pour qu’ils courent et se poussent pourpénétrer dans les “douches” rapidement. Les cris des femmes étaient audiblesde loin dans d’autres paries du camp. Les Allemands faisaient courir lesvictimes en criant” plus vite, plus vite, l’eau se refroidit et les autres doiventaussi prendre leur douche.” [10]

Les coupes de cheveux dans la chambre à gaz

Abraham Kszepicki:Il est difficile de décrire la scène dans cette hutte, la gêne des femmes, la peurdes enfants, la confusion, les pleurs…. Comme je me trouvais près de la porteouverte en observant cette scène sauvage, une jeune fille blonde, jolie commeune fleur m’a demandé rapidement: “Juif, qu’est-ce qu’ils vont faire de nous?”Il m’était difficile de lui dire la vérité. Je me suis contenté de hausser lesépaules et j’ai tenté de lui envoyer un regard apaisant pour calmer sa peur.Mais mon attitude lui a fait peur encore d’avantage et elle a crié: “dites-moitoute de suite la vérité ! Que vont-ils faire de nous ? Peut-être que je peuxencore m’enfuir d’ici !” je ne pouvais maintenant de lui dire quelque chose,alors j’ai prononcé un seul mot: des ordures. Elle alors commencé à tournerdans la hutte comme une souris dans un piège cherchant une porte ou unefenêtre jusqu’à ce qu’un SS vienne, la frappe avec un fouet et lui ordonné dese déshabiller…. [15]

Yechiel Reichman:

Je regarde les victimes et je ne peux croire mes yeux. Chaque femme est assiseà côté d’un coiffeur. En face de moi, une jeune femme est assise. Mes doigtsse glacent et je ne peux bouger mes doigts…. Mon ami à côté de moi me crie:

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“souviens-toi, tu seras fini, l’assassin te regarde et tu travailles lentement !”je bouge mes doigts, ma main est sale, je coupe les cheveux de la femme etles jette dans une valise. La femme se met debout et une autre prend sa place.Elle me saisit la main et veut l’embrasser en disant: “je vous en supplie, dites-moi que vont-ils faire de nous ? Est-ce que c’est notre fin?” elle pleure et medemande de lui dire si la mort est longue et pénible. Allaient-ils tués au gazou avec des choc électriques ? Je ne réponds pas ... je ne pas lui dire la véritéet la réconforter. Toute cette conversation aura duré quelques secondesseulement, le temps de la dépouiller de ses cheveux. Je me détourne parceque j’ai honte de croiser son regard. L’assassin qui se tenait à côté de nouscrie: “Coupe plus vite!” les victimes se succèdent à un rythme rapide et lesciseaux ne cessent de couper des cheveux. Autour de nous il n’y a que criset sanglots et il nous faut regarder tout cela et nous taire. [16]

Le soulèvement

Shmuel Wilenberg:Des coups de feu atteignent les gardes de la tour. Et une explosion fait vibrerl’air suivie d’une seconde et d’une troisième explosion…. Les prisonnierscouraient dans tous les sens…. La confusion était indescriptible. Une deshuttes de bois séchée par le soleil et le vent prend feu. Dans la foule je visplusieurs allemands paniqués qui couraient autour de la place pour se cacherderrière les arbres…. Des nuages noirs de fumée couvraient le ciel des fusilset des mitrailleuses se mirent à crépiter de six tours de garde. Des coups defeu sporadiques répondirent de notre côté….

D’une tour proche une mitrailleuse crachait du feu. Ils touchaient et lesgens autour de nous tombaient, la situation dans cette zone devenait critique.Près de moi, un homme tenant un fusil ne tirait pas. Je lui ai arraché son arme,visant avec soin, lentement, j’ai tiré, une fois, deux fois, trois fois. La sombresilhouette sur la tour tombe, la mitrailleuse s’était tue… puis le feu a repris.Nous courions d’arbre en arbre en nous dirigeant vers la barrière…. Je parviensà l’atteindre. Les barbelés coupés se balançaient nonchalamment. Maintenantil nous fallait courir à travers un espace ouvert de 50 m vers le barbelé suivantet les barrières anti tanks. La mitrailleuse reprit de plus belle derrière moi,près de la barrière extérieure, la tragédie. Les courageux se sont mis à grimpersur les barbelés, poursuivis par les balles. Ils sont tombés avec des crisdésespoir. Les prisonniers grimpaient sur les corps encore tremblants et à leur

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tour ils étaient visés et tombaient leurs yeux fous fixant le camp, qui ressemblaitmaintenant à une torche enflammée géante…. J’ai rampé par dans la zonedégagée pour atteindre les barrières. J’ai regardé autour de moi. Les mortsavaient formé une sorte de pont sur les barbelés sur lequel se déplaçaient desrescapés. Après les barrières, c’était la lisière de la forêt, la liberté…. En sautantj’ai enjambé ce pont humain. J’ai entendu un coup de feu, senti un coup maisd’un autre bond et j’étais dans la forêt. Devant moi, à côté de moi, et derrièremoi, des hommes couraient…. [20] [21]

Majdanek

Un camp de concentration situé dans une banlieue de Lublin, qui pendant laseconde guerre mondiale faisait partie de la Generalgouverment. Le butofficiel de ce camp était de détruire des ennemis du Troisième Reich, à aiderà exterminer des Juifs et à participer aux déportations et la relocalisation desPolonais qui vivaient dans la région de Zamosc. Au total se sera 360,000victimes qui périront à Majdanek.

Majdanek couvrait 667 acres de terre sur l’autoroute reliant Lublin, Zamoscet Chelem. Il était entouré d’une barrière électrique à haute tension d’unedouble rangée de barbelés avec 19 gardes, où les gardes surveillaient pours’assurer que personne ne s’échappait. Le camp était composé de trois sectionsavec 22 baraquements de prisonniers, sept chambres à gaz, deux piliers debois, un petit four crématoire et plusieurs autres bâtiments de service commedes entrepôts, des ateliers, des laveries, des réserves de charbon. Il pouvaitcontenir 45,000 prisonniers. La partie consacrée aux SS comprenait deschambres, les bureaux du commandant et un casino. Un four crématoire plusgrand avait été ajouté en septembre 1943. Majdanek avait des camps satellitesnombreux, tels que Budzin et des camps à Radom et à Varsovie. Les Nazisavaient prévu des plans pour agrandir le camp de Majdanek ; ils voulaientconstruire des blocs pour 250,000 prisonniers, pour y installer des usines etd’autres chambres à gaz et un four crématoire plus efficace cependant, celane se concrétisa jamais.

Depuis son ouverture en septembre 1941 et jusqu’à la libération, en juillet1944 le camp de Majdanek sera dirigé par cinq commandants successifs. Ilsfurent Karl koch, Max Koegel, Herman Florsted, Martin Weiss, et ArthurLiebehenschel.

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Les premiers prisonniers arrivent à Majdanek en octobre 1941. Pendantles deux années et demi qui suivent, de nombreux groupes y arrivent. C’étaitdes prisonniers de guerre soviétiques et d’autres camps de concentrationcomme Sachsenhousen, Dachau, Buchenwald, Auschwitz, Neuengamme, etFlossenberg; des civils polonais, qui ont été arrêtés lors de raids par lesallemands ou qui ont été prisonniers ailleurs ; des juifs de Pologne ,d’Allemagne, de Tchécoslovaquie, de Hollande, de France, de Hongrie et deGrèce; des non juifs de Biélorussie et d’Ukraine; il y avait aussi des fermierspolonais de la région de Zamosc qui ont été expulsés de leurs maisons. Desdizaines de milliers de juifs ont été déportés vers Majdanek de Varsovie aprèsle soulèvement du ghetto de Varsovie en avril 1943, et des milliers de juifs deBialystok ont été amenés au camp après la liquidation du ghetto en août 1943.

En tout, près de 500,000 personnes de 54 différentes nationalités, de 28pays, passèrent par Majdanek; de ceux-là environ 360,000 périrent au camp

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Majdanek, Pologne, Mirador et barbelés, 1973

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Soixante pour cent moururent à cause des conditions de vie au camp, soit parmaladie, famine, déshydratation, trop de travail, exténuation, ou après avoirreçu des coups des gardes du camp. Les autres 40 pour cent ont été exterminésdans les chambres à gaz, ou de tout autre façon, comme lors d’exécution demasse qui se déroulaient dans le camp ou à proximité du camp. En 1941 eten 1942, les Allemands éliminèrent les prisonniers de guerre malades. En avril1942, ils exécutèrent 2 800 juifs et ce même été, des milliers d’autres prisonniersseront exécutés de la sorte et en été 1943, 300 officiers soviétiques seront tués,puis le 3 novembre 1943, 18 000 Juifs furent assassinés en une seule journée.Ce dernier massacre faisait partie de l’opération “Erntefest”. Les juifs furenttués dans des fosses communes géantes, sur fond de musique hurlante pourcouvrir le bruit des déflagrations et les cris des victimes.

La majorité des détenus exécutés dans des chambres à gaz étaient des juifs.Et de fait, certains des prisonniers juifs étaient immédiatement menés à lachambre à gaz en arrivant au camp de Majdanek. Et c’est pourquoi deshistoriens considèrent que ce camp n’était pas seulement un camp deconcentration mais un camp d’extermination.

Il y a eu à Majdanek plusieurs mouvements de résistance, et de temps entemps, des groupes ou des individus essayaient de s’enfuir du camp. Lesprisonniers polonais de Majdanek étaient secondés par le mouvement derésistance polonais et des organisations d’aide polonaise, comme la CroixRouge polonaise ou le conseil d’aide polonais.

En juillet 1944, l’armée soviétique qui progressait étant très proche, lesAllemands décident de liquider Majdanek. 1,000 prisonniers sont évacués, dontla moitié seulement arrive à Auschwitz. Avant d’abandonner le camp, lesAllemands veillèrent à détruire tous les documents qui auraient pu les incrimineret brûlèrent le grand four crématoire et d’autres bâtiments. Toutefois, ils étaientsi pressés de quitter les lieux, qu’ils n’eurent pas le temps de détruire lesbaraquements de prisonniers ainsi que les chambres à gaz. L’armée soviétiquea libéré le camp le 24 juillet. Il n’y restait que quelques centaines de prisonniers.

Juste après la libération du camp, une commission commune soviéto-polonaise commença une investigation des crimes de guerre commis àMajdanek. Et moins de deux mois plus tard, elle publie un rapport, mais trèspeu des 1.300 personnes qui y avaient travaillé à Majdanek furent jugés. Ennovembre 1944 six SS seront jugés pour leurs activités à Majdanek. Quatrefurent condamnés à mort, alors que les deux autres se suicidèrent avant d’êtrecondamnés. De 1946 à 1948 95 SS de Majdanek, dont la majorité avaient été

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des gardes seront jugés à leur tour. Sept seront condamnés à mort et les autresseront condamnés à des peines d’emprisonnement. De 1975–1980 16 autressont jugés, cette fois en allemagne.

Aujourd’hui, Majdanek reste l’un des exemples les mieux préservés d’uncamp nazi. Plusieurs sections du camp sont encore en place. Elles constituentun musée à la mémoire des victimes des nazis. Les chambres à gaz originaleset les fours crématoires sont aujourd’hui une preuve silencieuse et unmonument en souvenir des 360 ,000 victimes de Majdanek. A côté du bâtimentdes chambres à gaz, se trouve une structure en forme de dôme, qui contientun amas colossal de cendres provenant des fours crématoires.

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Témoignages

Arrivée à Lublin

Nous sommes arrivés à Lubin tard cette nuit-là.Le train s’est arrété et les SS ont ouvert les portes du wagon en nous poussantavec brutalité ceux qui étaient encore en vie et qui pouvaient bouger. Et denouveau ces cris, ces sifflements, ces hurlements. Les gens se cherchaient lesuns les autres, et tirant les vêtement qu’ils avaient retiré à cause de la chaleur….

Il pluviotait et à la descente du train nous étions dans une boue épaisse.Le froid de la nuit était pénétrant et atteignait nos os, surtout après le voyagedans les wagons. J’étais pieds nus et j’avais mal aux pieds en allant dans cetroupeau humain vers Umschlag de Lublin. Si ce n’avait pas été dans l’obscurité,les SS m’aurait tué à coups de feu comme ils le faisaient à toutes les personnesmalades ou faibles. [1]

L’arrivée à Majdanek

Le matin nous avons marché vers Majdanek encadrés par des armes. Nousavancions en trébuchant dans la boue, en tombant parfois. Nous avons croisédes foules d’hommes vêtus de drôles d’uniformes à rayures de prisonniers,qui avaient sur la tête rasée des bérets bizarres. Ils portaient des pierres oupoussaient brouettes pleines de terre et la boue rendait leur tâche encore pluspénible. Je me suis demandé si ma mère et moi étions capables de faire cegenre de travail. [2]

Nous formions une foule serrée de femmes et d’enfants au centre de cetimmense espace ouvert, grelottant de froid et de fatigue…. Les hommesavaient été emmenés ailleurs, nous ne savions pas où. Et maintenant nousn’avions aucune idée de l’endroit vers lequel ils allaient nous emmenés ànotre tour, ni ce qu’ils avaient l’intention de faire de nous.

La mi journée approchait et les SS continuaient à séparer les groupesd’hommes dans la foule, pour les grouper dans des baraquements non loinde là. Qu’y avait-il à l’intérieur des huttes ? Personne n’en ressortait, nous nesavions pas.

Ma mère me couvrit avec son manteau et me serra dans ses bras avecamour. Le vent envoyait du sable dans les yeux, il soufflait très fort au pointque nous luttions contre lui pour rester debout après les heures d’attente sur

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la place, les nuits sans sommeil et le cauchemar du convoi. J’ai pensé, quecette souffrance se termine, qu’ils fassent de nous ce qu’ils voudront. [3]

Ma mère caressait mes cheveux, pour me rassurer et me calmer. “Encoreun peu de patience,” dit-elle, ils vont bientôt nous mener aux douches, nouspourrons nous laver et changer de vêtements, puis nous irons dans le campdans les huttes que tu vois derrière les barbelés. Nous pourrons nous reposerlà-bas et puis ils nous donnerons sûrement un travail dans les champs...”

“Tu ne crois pas qu’ils vont nous tuer ?” j’ai demandé.“Bien sûr que non,” dit-elle, “tu sais bien, nous avons vu des femmes

prisonnières vêtus de ces uniformes de prison en venant ici et tu les voismaintenant au loin, derrière les barbelés.”

“Tu crois qu’il y aura des lits dans ces baraquement, et des couvertures,et de la nourriture ?” j’ai demandé.

Les mots de ma mère m’avaient calmée et je me suis laissée aller à rêverd’un bain, et du baraquement où nous allions nous reposer, manger et êtreau chaud. La lenteur à laquelle la queue avançait me rendait impatiente.Combien de temps encore devrions-nous attendre pour pénétrer aux douchesoù les SS ne cessaient de faire entrer des groupes de femmes ? [4]

Les chambres à gaz

Finalement notre tour est arrivé.Ma mère marchait derrière nous avec Hela…. Je ne sais pas quand ou commentje me suis trouvé dans la hutte, qui était débordante jusqu’au plafond devêtements et de chaussures. Les Nazis nous ont ordonné de nous déshabillercomplètement et de tout jeter, sauf les chaussures dans le tas….

Puis poussée par des centaines de femmes nues, je parvins finalement àla douche: “un bain !”…. je voulais me jeter dans les bras de ma mère de joie,lui dire combien je l’aimais et que j’avais entière confiance en elle. Je regardaisautour de moi, la cherchant dans cette foule de femmes sous les douches.Mais elle était introuvable. J’ai commencé à la chercher avec plus de frénésieen murmurant…. “Où est ma mère ?” en m’adressant à ma belle-soeur.

Hela me regarda, et j’ai vu qu’elle était triste en regardant de l’autre côtéet j’ai compris quelle disait: “ elle n’est pas ici”

C’est comme si mes mains et mes pieds avaient été coupés. Mais je continuaisà regarder du côté de la porte… elle allait sûrement revenir à tout moment pourme prendre dans ses bras et ne réconforter. Mais elle n’est pas revenue. [5]

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La transformation d’un être humain en prisonnier

Mon passé, il s’avérait, ne m’appartenait plus. Et de toute façon n’avaitabsolument aucune relation avec la réalité actuelle. Le camp m’a transforméen une personne totalement différente de celle que j’étais avant. [6]

Après une heure de marche, la file tourna vers la droite. Nous avons marchéquelques centaines de mètres encore et nous sommes trouvés dans un endroitétrange avec de nombreux sheds en bois. On nous a menés à l’un d’eux quiportait une pancarte Effektenkammer. Les premières cinquante personnes yfurent introduites tandis que les autres attendaient. Nos coeurs battaient, nousétions oppressés. Quelques minutes, plus tard, les hommes couraientcomplètement nus; courant en groupe ou seuls ils disparurent dans un bâtimentde briques quelques 50 yards plus loin. Puis finalement ce fut notre tour,lorsque le shed était plein, le SS nous a donné l’ordre de nous déshabiller.Nous avions le droit de garder seulement les lunettes, nos bretelles et nosceintures. Il fallait jeter l’argent et les bijoux et autres objets de valeur dansdes boîtes spéciales qui étaient posée dans la salle. Si quelqu’un essayait decacher des objets, nous avait dit le SS, il serait tué sur place. Deux SS circulaientparmi nous, incitant les plus lents à coups et à cris à se presser. “Pouvons-nous garder nos papiers?”

“Nein.”“La photo de mon enfant, mon fils unique !”“Nein.”

Un dernier regard sur les visages des êtres chers. Il fallait jeter par terre lespapiers et les photos et comme ils n’avaient aucune valeur, ils n’allaient pasdans les boîtes….

Tout d’abord, avec une efficacité toute germanique, Ordnung muss sein!–le nouveau convoi de prisonniers fut mené aux bureaux du camp(Schreibstube) où des “scribes,” surtout des juifs slovaques et tchèques étaientassis derrière des tables. L’un d’entre eux remplissait avec soin une longuefiche pour laquelle il fallait lui donner le nom, la date de naissance et laprofession…

J’ai remis la fiche à la table indiquée et en échange il m’a donné un morceaude tissu avec un numéro, le: 7,115. A partir de ce moment, j’ai cessé d’être unhomme et je suis devenu le prisonnier numéro 7,115. [7]

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La vie au quotidien

Nous nous sommes serrés les unes aux autres oubliant les querelles passées,pour essayer de nous tenir au chaud, mais dès qu’un capo ou surveillantapprochaient au loin nous nous séparions immédiatement et le vent, la pluieet le froid du petit matin s’abattaient avec une force renouvelée. Pour laplupart nous étions en robe d’été à manches courtes – c’est comme ça qu’ilsnous habillaient. Les après-midi, nous avions très chaud, il n’y avait pas oùse protéger du soleil. Nos bras, nos jambes et nos visages étaient recouvertsde cloques. Nous n’avions rien pour soigner les blessures. Les gardiennes enuniformes épais et portant des manteaux avec des grands capuchons, et desbottes hautes, circulaient parmi nous nous comptant tout le temps et ne segênant pas pour maltraiter les prisonnières et faire régner la terreur. [9]

Mon séjour à Majdanek a été une longue suite de sélections. Chaque appelà se mettre en rang était un une sélection nouvelle: des femmes étaient envoyéesaux chambres à gaz parce que leurs jambes étaient enflées, elles avaient deségratignures sur le corps, parce qu’elles portaient des lunettes, ou des foulards,ou parce qu’au contraire elles s’étaient mis en rang avec un foulards dur la tête.Les SS circulaient au milieu des prisonniers et prenaient leur numéro et à l’appeldu soir, appelaient les femmes et on ne les revoyait plus.

En plus, il y avait les sélections ordinaires où quand on entendait “Lagersperre!Antreten!” [“Couvre-feu en rangs!”] Qui était aboyé, nous nous mettions tousen rangs de cinq, nues, pour défiler devant les jeunes SS. Les femmes quiavaient des enfants plus âgés que ces hommes étaient très gênées. Ces SSétaient souvent accompagnés de gardiennes. [10]

Les conditions de vie

La réalité de Majdanek….C’était une peur incessante, l’enfer. Comment peut-on trouver les mots pourdécrire cela ?…Il nous fallait nous battre pour tout à Majdanek: pour un bout d’espace parterre pour s’étendre la nuit, pour un bol rouillé sans lequel nous ne pouvionsrecevoir la malheureuse ration de soupe qui était notre nourriture, ni l’eaujaune nauséabonde que nous buvions. Mais je n’étais pas capable de me battre.La peur et l’horreur me submergeaient de voir ces femmes prisonnières sedisputant âprement un bout de place au sol ou se frappant sur la tête pour

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un bol – pleines d’hostilité et d’agressivité, qui voulaient vivre à tout prix.Hagarde, affamée, terrifiée, exténuée, je les voyais de loin. [11]

Il y avait environ un millier de femmes dans nos baraquements. Ellesdormaient sur le sol. La nuit elles trébuchaient les unes sur les autres lorsqu’ellesallaient aux latrines ou qu’elles allaient boire.

La soupe que l’on nous donnait au camp et l’eau polluée que nous buvionsnous donnaient la diarrhée, ce qui fait que la nuit beaucoup devaient se lever.Souvent les femmes malades n’y arrivaient pas à temps…. Les latrines àMajdanek étaient dehors, près des barbelés qui divisaient le camp des femmesde celui des hommes. Il nous fallait nous tenir avec nos jambes nues tandisque les hommes passaient non loin de là et souvent les gardes tiraient sur cescibles par ennui ou pour se divertir. [12]

Les travaux forcés

A Majdanek, arracher les herbes entre les lignes de barbelés électrifiés quiséparaient notre camp de celui des hommes était considéré comme un travailfacile. C’était une bande étroite où pouvait marcher une personne très mince.L’une derrière l’autre nous avancions avec grande précaution; un mouvementbrusque signifiait la mort. De temps à autre une personne mourait électrifiée.Ni les gardes ni les kapos n’osaient venir entre ces barbelés alors personnen’était là pour nous frapper ou nous pousser. Nous pouvions nous reposerde temps en temps. C’était le travail que je préférais car il y avait le calmeque je cherchais. [15]

Plaszow

Un camp de travaux forcés situé dans les environs de Cracovie. Plaszow aété créé en été 1942. En janvier 44, il a été transformé en camp de concentration.

Plaszow était situé dans les limites de la ville de Cracovie, sur une terreoù étaient deux cimetières juifs et sur d’autres terres appartenant à lacommunauté juive et des propriétés de polonais qui avaient été expulsés dechez eux. Plaszow était divisé en plusieurs sections: des logements pour lesAllemands, des usines où les prisonniers étaient obligés de travailler et lesbâtiments où logeait les prisonniers, qui étaient divisés en plusieurs sectionspour les hommes et les femmes avec des sous sections pour séparer les juifsdes polonais. Régulièrement, le camp était agrandi et il atteint sa taille maximale

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en 1944, couvrant alors 200 acres. Le site était entouré de barbelés électrifiéssur plus de 4 km environ.

Les Allemands liquidèrent le ghetto de Cracovie les 13 et 14 mars 1943.Environ 2,000 juifs furent assassinés dans les rues de Cracovie, et enterrésdans des fosses communes à Plaszow. Pour les juifs survivants, ils ont étépour la plupart déportés à Belzec, alors que 8 000 étaient emprisonnés àPlaszow.

En juillet 1943 les Allemands établirent un camp séparé à Plaszow pourdes prisonniers polonais qui avaient été arrêtés pour des raisons diverses.Selon les Allemands, ces prisonniers devaient être reformés par le travail. Enfait, les prisonniers qui avaient été arrêtés pour des raisons disciplinairesétaient gardés au camp pendant quelques mois, alors que les prisonnierspolitiques y étaient gardés indéfiniment. Ce camp polonais comprenait aussides dizaines de familles de Tziganes avec leurs enfants.

Le nombre de prisonniers à Plaszow ne fit que s’accroître au fil des années:avant la liquidation du ghetto de Varsovie, il y avait 2,000 prisonniers, alorsque pendant la seconde moitié de 1943, il y avait 12,000 prisonniers. En maiet juin 1944 Plaszow avait entre 22,000 et 24,000 prisonniers y compris 6,000à 8,000 Juifs de Hongrie. Le nombre de prisonniers polonais augmentait ausside 1,000 auparavant à 10,000 après le soulèvement polonais de Varsovie à lafin de l’été de 1944.

Certains prisonniers criminels allemands y étaient également détenus etils effectuaient divers travaux dans le camp. D’entre eux 25,000 étaientconsidérés comme des prisonniers “permanents” et ils recevaient des numéros.A part cela, il y avait un nombre inconnu d’autres prisonniers “temporaires”.

Il y eu cinq commandants du camp, sur une période de deux ans et demi.Amon Goethe, de février 1943 à septembre 1944, il était le plus cruel et le plusinhumain. Il encourageait les exterminations massives et il poussait lesprisonniers à travailler si dur qu’ils en mourraient. Il a été égalementpersonnellement responsable de la mort de nombreux détenus.

De 1942 à 1944, la plus grande partie des gardes étaient des ukrainiens quiaidaient les nazis. Lorsque Plaszow devint un camp de concentration, 600 SSdes unités de la mort entrèrent dans le camp. La plupart des prisonnierstravaillaient encore mais ces SS tuèrent des prisonniers en masse. De plus, lespolonais qui avaient été condamnés pour avoir participé à des activitéspatriotiques polonaises furent amenés à Plaszow et tués. Au total 8,000personnes ont ainsi été exécutées à Plaszow, en groupe ou individuellement.

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Mais, dans les usines d’Oskar Schindler, 900 personnes travaillaient, etétaient de la sorte protégées des horreurs du camp.

En été 1944 l’armée soviétique approchant, les Allemands commencèrentà démanteler le camp et à envoyer les prisonniers vers d’autres camps ycompris des camps d’extermination. Là 2,000 Juifs seront envoyés à leur mortà Auschwitz en mai 1944. En septembre, la section polonaise de Plaszow seraéliminée. Les Allemands ont alors essayé de détruire la preuve des assassinaten masse dans le camp: pour cela ils creusèrent des fosses énormes, y jetantles corps pour les brûler en tas énormes. Les derniers prisonniers quittentPlaszow le 14 janvier 1945.

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Témoignages

Les ’actions’ contre les enfantsA ce moment il y avait près de trois cents enfants dans le camp qui avaientpu être pris clandestinement de toutes sortes de façons. Dans la plupart descas, les parents avaient drogué leurs enfants pour qu’ils soient profondémentendormis, les avaient mis dans leurs affaires, et les avaient fait pénétrer dansle camp ainsi. Certains avaient payé des sommes d’argent énormes auxcharretiers polonais pour que les enfants soient amenés dans la ville au milieude marchandises sur la charrette. Les policiers et autres personnes officiellesavaient le droit d’amener leurs enfants au camp.

Un jour, qu’une maison spéciale pour enfants allait être construite pourles enfants du camp…. Les assassins disaient qu’ils voulaient rendre la vieplus facile aux parents qui travaillaient, dans un but d’améliorer les conditionsdes pauvres enfants qui avaient été abandonnés et que les parents laissaientseuls quand ils allaient travailler. On donna donc l’ordre de transférer lesenfants dans ce “club” spécial, qui était un bâtiment tout neuf et brillant, pleind’air et de lumière. Il y avait un terrain de jeux devant, avec une pelouse etdes fleurs et pour certains enfants c’était la première fois qu’ils voyaient unefleur de leur vie si courte. Des jardinières d’enfants avaient été prévues. C’étaitl’été de 1944.

Une nouvelle femme SS arriva au camp à cette époque. Elle était belle,avec des cheveux brillants et une belle silhouette. Il est difficile de croire quedans ce corps si beau vivait une âme aussi noire et corrompue…. Sa réputationn’était plus à faire, avant même d’avoir pris son poste, comme inspectrice duclub des enfants nous savions que son expertise était de tuer les enfants.

Pendant les premières semaines, les enfants étaient dans le club, où ilsétaient lavés, et bien nourris, et ils couraient sur le terrain de jeux. Ilscommençaient à ressembler à des enfants. Leurs joues étaient plus roses ; ilsn’avaient plus le regard apeuré. Ils étaient redevenus des enfants.

Le matin du 13 mai, très tôt, nous étions debout pour l’appel et commetous les jours. Les camions étaient prêts à partir sur le chemin de la mort, laroute qui menait à la porte de derrière, par laquelle ceux qui avaient étécondamnés à mort passaient. Les hauts parleurs diffusaient des chansonsenfantines pendant que les enfants sous nos yeux été emmenés du club auxcamions…. L’inspectrice se tenait un peu à l’écart pour diriger les opérations.

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Une main au front pour protéger ses yeux du soleil, pour mieux voir lespectacle….

Seuls vingt enfants restaient maintenant au camp, c’était les enfants despoliciers et des officiels, qui avaient pu les cacher à temps dans les toilettesou dans des bennes à poubelle.

Auschwitz

Le camp d’Auschwitz, (en polonais, Oswiecim), était le camp d’exterminationet de concentration le plus grand. Il était situé dans une ville de Pologne deOswiecim, à une cinquante de kilomètres de Cracovie. Un sixième de tousles juifs exterminés par les Nazis, le seront dans les chambres à gaz d’Auschwitz.

En avril 1940, le chef des SS Heinrich Himmler ordonne la création d’unnouveau camp de concentration à Oswiecim, une ville située dans la partie dela Pologne qui avait été envahie par les Allemands au début de la guerre. Lespremiers prisonniers politiques polonais arrivent à Auschwitz en juin 1940. Enmars 1941 il y avait 10,900 prisonniers, dont la majorité étaient polonais.Auschwitz devint rapidement connu comme le camp nazi le plus brutal.

En mars 1941 Himmler ordonne la construction d’une seconde section,beaucoup plus vaste à quelques quatre kilomètres du camp original ce citedevait servir comme camp d’extermination. Il s’agit du camp de Birkenau,ou Auschwitz II. A un point, c’est là qu’étaient détenus la majorité desprisonniers du complexe d’Auschwitz: il y avait des juifs, des polonais, desallemands, et des Tziganes. Les conditions y étaient les plus inhumaines. Ily avait des chambres à gaz et des fours crématoires.

Une troisième partie, Auschwitz III, a été construite non loin de là àMonowitz, qui était composée de d’un camp de travaux forcés, appelé Buna-Monowitz et de 45 autres de sous camps de travaux forcés également. Bunaétait le nom d’une usine de caoutchouc synthétique sur le site, qui appartenaità I.G. Farben, la plus grande société chimique d’Allemagne. Les détenus qui

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travaillaient dans l’usine étaient pour la plupart des juifs comme dans d’autresusines allemandes et étaient forcés de travailler jusqu’à exténuation, puis ilsétaient remplacés par d’autres prisonniers qui prenaient leur place.

Auschwitz était au début dirigé par le commandant Rudolf Hoess, et lesgardes provenaient de l’unité la plus cruelle de SS les unités de la mort. Il yavait plusieurs prisonniers au statut privilégié, qui avaient droit à une meilleurenourriture, de meilleures conditions et une opportunité de survivre s’ilsacceptaient de faire respecter l’ordre brutal qui était imposé au camp.

Auschwitz I et II étaient entourés de barbelés électriques de quatre mètresde hauteur qui étaient surveillés par des SS armés de mitrailleuses et de fusilsles deux camps étaient entourés de postes de garde à un kilomètre en deçàdes barbelés. En mars 1942 des trains qui transportaient des Juifs commençaientà arriver chaque jour. Parfois c’étaient plusieurs trains qui arrivaient le mêmejour, avec chacun un millier ou plus de victimes déportés des ghettos d’Europe,de l’Est, du Sud et de l’Ouest. Pendant l’année 1942 les convois arrivaient dePologne, de Slovaquie, de hollande, de Belgique, de Yougoslavie et deTheresienstadt. Les juifs continuent à arriver pendant toute l’année 43, ainsique les Tziganes. Les juifs hongrois sont amenés à Auschwitz en 1944, avecles juifs des derniers ghettos polonais quand ils sont démantelés.

En août 1944 il y avait 105,168 prisonniers à Auschwitz, et 50,000 autresjuifs étaient internés dans les camps satellite d’Auschwitz. La population ducamp grandit constamment malgré le taux de mortalité très élevé à cause desexterminations, de la famine, de travaux forcés, de maladies contagieuses.

Lorsque les juifs arrivaient sur la plateforme de Birkenau, ils étaient jetéshors du train sans leurs affaires et devaient de se mettre sur deux rangs, leshommes et les femmes séparés. Les officiers SS, y compris le malheureusementrenommé Dr Josef Mengele, effectuer ses sélection dans ses rangs envoyantles victimes d’un côté, les condamnant à la mort dans les chambres à gaz (voiraussi Selektion). Une petite minorité était placée de l’autre côté, pour êtreensuite aux travaux forcés. Ceux pour lesquels la mort avait été décidée,étaient exécutés le jour même et leurs cadavres étaient brûlés dans un fourcrématoire. Ceux qui n’étaient pas envoyés aux chambres à gaz étaient misen “quarantaine”, là on leur rasait la tête, ils recevaient des uniformes rayésde prisonniers et étaient inscrits comme prisonniers. Ce numéro d’inscriptionétait tatoué sur leur bras gauche. La plus grande partie des prisonniers étaientde là envoyés faire des travaux forcés à Auschwitz I, III, sous camps, ou dansd’autres camps de concentration, où leur espérance de vie était de quelques

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mois. Les prisonniers qui étaient en quarantaine avaient une espérance devie de quelques semaines.

La routine du camp consistait en plusieurs devoirs à réaliser. L’emploi dutemps quotidien commençait par un levé à l’aube, nettoyage de l’endroit oùils avaient dormi, l’appel du matin, la route vers le travail, de longues heuresde travail exténuant, puis la file pour une repas minime et retour au camp,l’inspection du bloc, et l’appel de nuit. Pendant l’appel les prisonniers devaientse tenir en lignes complètement immobiles et sans parler pendant des heures,avec des vêtements très légers indépendamment du temps qu’il faisait. Ceuxqui tombaient ou trébuchaient étaient envoyés à la mort. Les prisonniersdevaient consacrer toute leur énergie à survivre une journée de plus.

Les chambres à gaz dans le complexe d’Auschwitz était une usine àexterminer la plus vaste et a plus efficace des Nazis. A Birkenau, quatrechambres à gaz étaient utilisées avec une capacité de tuer 6,000 personnespar jour. Elles devaient ressembler à des douches pour tromper les victimes:on disait aux nouveaux arrivants à Birkenau qu’ils allaient être envoyés autravail mais qu’avant ils devaient prendre une douche et être désinfectés. Onles menait alors vers des salles avec des douches où ils étaient rapidementgazés à mort au poison Zyklon B.

Certains prisonniers à Auschwitz, comme des jumeaux ou des nains étaientutilisés comme cobayes pour les expériences médicales très douloureuses.On testait sur eux l’endurance dans des conditions les plus extrêmes commele froid et la chaleur ou bien ils étaient stérilisés.

Malgré les conditions déplorables, les détenus à Auschwitz réussissaientà résister aux Nazis, et parfois ils parvenaient à s’échapper et à opposer unerésistance armée. En octobre 1944, des membres du Sonderkommando, quitravaillaient dans les fours crématoires réussirent à tuer plusieurs SS et àdétruire une des chambres à gaz. Ils furent tous exterminés et les journauxqu’ils avaient écrits et qui nous sont parvenus nous fournissent unedocumentation authentique des atrocités commises à Auschwitz.

En janvier 1945, les troupes soviétiques avançaient sur Auschwitz. LesNazis, qui voulurent se retirer précipitamment envoyèrent les 58,000 prisonniersqui restaient vers une marche de la mort. Pour la plupart, ils mourront enroute vers l’Allemagne. L’armée soviétique libère alors Auschwitz le 27 janvier.Les soldats ne trouvent dans le camp que 7,650 détenus quasi morts. En tout,un million de juifs y ont été exécutés.

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Témoignages

Auschwitz- Birkenau

ArrivéeComme la pluie s’arrêtait, nous avons vu … que des flammes sortaient d’unehaute cheminée dans le ciel noir…. Nous avons regardé ces flammes dansl’obscurité. Il y avait une terrible horreur qui flottait dans l’air. Et soudain lesportes se sont ouvertes. Il y avait là des personnages bizarres habillés d’unechemise à rayures et en pantalon noir qui ont sauté dans le wagon. Ils tenaientà la main des torches électriques et des matraques. Ils frappaient à droite età gauche en criant:

“Tout le monde dehors. Tout le monde hors du wagon, vite.” Nous avonssauté dehors. Et devant nous il y avait des flammes. Dans l’air il y avait uneodeur de viande calcinée… nous étions arrivés à Birkenau, le centre deréception d’Auschwitz.

Nos objets importants que nous avions apportés avec nous, restèrent dansle train et avec eux au moins nos illusions aussi.

A intervalles réguliers un SS nous visait avec sa mitraillette. Main dans lamain, nous suivions la foule... “Les hommes à gauche. Les femmes à droite.”Huit mots prononcés doucement, avec indifférence sans émotion. Huit petitsmots, mais ces mots me séparaient de ma mère… un instant je regardai ma

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Auschwitz-Birkenau, Selection sur la plateforme 27/5/1944

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mère et ma soeur pendant une seconde qui se dirigeaient vers la droite.Tzipora tenait la main de ma mère et je les ai vu disparaître au loin. Ma mèrecaressait les cheveux blonds de ma soeur, comme pour la protéger tandis queje marchais avec mon père et les autres hommes. Et je ne savais pas, alorsqu’à cet endroit et à ce moment-là c’était la dernière fois que je voyais mamère et Tsipora pour toujours. [2]

La rampe

Et soudain, la porte s’ouvre à grand fracas et ces hurlements barbares desordres lancés en allemand qui sont chargés de rage, une vaste plate formeapparaît, éclairée par des projecteurs. Un peu en dessous, se trouait une lignede camions. Puis tout redevint silencieux. Quelqu’un traduisait: il nous fallaitsauter avec nos bagages et les déposer à côté du train. Un instant après laplateforme était rempli d’ombres qui s’agitaient. Mais nous avions peur derompre le silence, et tous étaient occupés avec leurs bagages, ou cherchaientquelqu’un, appelaient quelqu’un, timidement, certes, dans un murmure.

Une dizaine de SS étaient autour de nous, les jambes écartées, qui regardaientd’un air indifférent. Puis, à un moment donné, ils se sont mis à circuler parminous, et sur un ton assourdi, le visage de marbre, ils ont commencé à nousinterroger vivement, un par un, dans un mauvais italien. Ils n’ont pas interrogétout le monde, seulement quelques uns d’entre nous: “ l’âge ? Malade, bonnesanté ?” et selon la réponse, ils montraient deux directions différentes….

Quelqu’un osa demander ses bagages: ils répondirent: “Les bagages après.”Un autre ne voulait pas quitter sa femme: ils ont dit: “ ensemble après denouveau.” beaucoup de mères ne voulaient pas être séparées de leurs enfants:ils disaient “bien, bien, restez avec les enfants” ils affichaient l’assurancecalme, des personnes qui font le même travail tous les jours….

En moins de dix minutes, tous les hommes en bon état physique avaientété regroupés ensemble. Ce qui arriva aux autres, les femmes, les enfants, lespersonnes âgées, nous n’avons jamais pu le savoir, la nuit les avaient purementet simplement avalés. [4]

Transformation d’un homme en un détenu

C’est là que nous sommes devenus des vrais prisonniers de Birkenau. D’abord,le numéro des prisonniers étaient tatoués sur leur bras gauche j’ai reçu le 121097.Après nous sommes passés chez le barbier qui nous a rasé la tête et nous a rasé

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le corps en entier. Puis nous avons pris une douche avec une eau bouillante ouglacée à intermittence ! Immédiatement après on nous a fait mettre nos nouveauxuniformes à rayures bleu et blanc avec le numéro de prisonnier sur le côtégauche avec un triangle rouge inversé, pour former une étoile à six pointes.Nous avons su plus tard que les prisonniers avec un triangle rose étaient leshomosexuels. Un triangle noir signifiait “associal,” un triangle vert, “criminel.”Ceux qui avaient droit au vert étaient souvent des Allemands qui avaient tirésde prison et en tant que “senior de bloc,” étaient réponsables de leurs blocs.Cela signifiait qu’ils avaient droit de vie et de mort sur les prisonniers dansleurs blocs. Nous avions donc intégré la vie du camp. [6]

Il n’y a nulle part un miroir où se regarder, mais notre reflet était devantnous, multiplié au centuple dans ces visages livides, dans ces centaines demarionnettes misérables et sordides….

Puis pour la première fois, nous nous sommes aperçus que nous n’avionspas les mots pour exprimer notre offense, la démolition d’un homme. En unmoment, avec une intuition quasi prophétique, la réalité se révéla à nous:nous avions atteint le fond du gouffre. Il n’était pas possible de descendreplus bas ; aucune condition humaine n’est plus triste que celle-ci, c’estinconcevable. Rien ne nous appartient plus ; ils nous ont pris nos vêtements,nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écoutentpas, et s’ils nous écoutent ils ne nous comprennent pas. Ils nous retirent mêmenotre nom et si nous voulons le conserver, il faudra trouver en nous la forcede le faire de s’arranger d’une façon ou d’une autre pour que derrière le nomquelque chose de nous reste….

C’est de cette manière que l’on peut comprendre le sens double de “ campde concentration” et maintenant ce que nous cherchons à exprimer avec laphrase “toucher le fond” est claire [7]

Numérotation des prisonniers

Häftling (un prisonnier): j’ai appris que je suis un Häftling. Mon numéro estle 174517; nous avons été baptisés, nous allons porter notre tatouage sur notrebras gauche jusqu’à la mort.

L’opération était légèrement douloureuse et extrêmement rapide: ils nousavaient mis en rang, et l’un après l’autre, en ordre alphabétique, selon notrenom, nous avons défilé face à un homme armé d’une sorte de stylet avec unetrès petite aiguille. Il semble que c’est la véritable initiation. Ce n’est qu’en

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montrant le numéro sur le bras que l’on peut recevoir le pain ou la soupe.Quelques jours plus tard, nous étions habitués à montrer le numéro assezrapidement pour ne pas rompre le rythme de l’opération quotidienne de ladistribution de nourriture ; il nous fallu des semaines et des mois pour noushabituer aux sons de la langue germanique. Et pendant de nombreux jourstant que l’habitude de liberté me faisait chercher sur mon poignée l’heure, jedécouvrais ironiquement mon nouveau nom, ces numéros sous ma peau, aulieu de ma montre.

Ce n’est que bien plus tard et lentement, que certains d’entre nous apprirentdes notions de sciences funéraires d’Auschwitz, qui incarne les étapes de ladestruction du judaïsme européen. Aux anciens du camp, le numéro disaittout: la période d’arrivée au camp, le convoi, et donc la nationalité. [8]

La vie quotidienne

Primo Lévi:Comme la faim n’est pas comme la faim de celui qui a raté un repas, notremanière d’avoir froid devait s’exprimer par un autre mot. Nous disons “faim,”nous disons “fatigue,” “peur,” “douleur,” nous disons “hiver” mais c’est autrechose. Il y a des mots libres créés et utilisés par des hommes libres qui vivaientconfortablement et qui souffraient dans leur maison. Si les Lagers (camps)avaient duré plus longtemps, une nouvelle langue rude serait née ; et ce n’estque cette langue qui aurait pu exprimer être toute la journée dans le ventglacial, avec des températures en dessous de zéro et avec seulement unechemise sur le dos, un pantalon en tissu et au fond du corps, seulement dela faiblesse, de la faim, et la certitude que la fin approchait. [10]Primo Lévi:C’et moi, là en bas. On apprend très vite à effacer le passé et le futur quandon y est obligé. Deux semaines après mon arrivée j’avais déjà faim, de cettefaim inconnue des hommes libres, et qui vous fait rêver la nuit et qui s’installedans tout le corps. J’ai déjà appris à ne pas me laisser voler et de fait si jetrouve une cuillère par là, un bouton, un morceau de corde que je peux prendresans danger d’être puni, je les mets dans ma poche et ils deviennent miens.J’ai aux pieds des blessures qui ne guériront pas. Je pousse des wagons, jetravaille avec une pelle, je pourris dans la pluie, je frissonne au vent. Moncorps ne m’appartient déjà plus, mon ventre est gonflé, mes membres émaciés,mon visage est épais le matin et vide le soir. Certains d’entre nous ont la peau

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jaune, d’autres sont gris. Lorsque nous ne nous voyons pas pendant quelquesjours, nous avons de la peine à nous reconnaître. [11]

Nous avons appris d’autres choses plus ou moins vite selon notre intelligence.Nous avons appris à répondre “Jawohl,” à ne jamais poser des questions, àtoujours avoir l’air de comprendre. Nos avons appris la valeur de la nourriture,et nous savons bien gratter le fond de notre gamelle après avoir fini notre ration.Nous la tenons sous le menton quand nous mangeons du pain pour ne pasperdre la moindre miette. Nous savons aussi que la soupe du haut de la marmiten’est pas la même que celle du fond et nous savons déjà jugé en fonction de lataille de la casserole, la place qu’il est préférable de tenir dans la queue.

Nous avons appris que tout est utile, le fil pour nouer les chaussures, lesbouts de tissus pour en entourer nos pieds, le papier qui sert illégalement àrembourrer nos vestes contre le froid. Nous avons appris d’autre part quetout peut être volé et de fait tout est automatiquement volé dès que l’attentionse relâche et pour éviter cela nous avons appris l’art de dormir avec la têteposée sur un paquet fait avec notre veste qui contient tous nos biens, du bolaux chaussures. [12]

Extermination

Salmen Lewenthal:Le 20 octobre 1944En plaine journée, un groupe de 600 garçons juifs entre 12 et 18 ans furentamenés ici. Ils portaient des uniformes de prisonniers très longs et très légers,aux pieds ils portaient des chaussures usées ou des sabots…. Lorsqu’ilsatteignirent la place, le commandant leur ordonna de se déshabiller, les enfantsremarquant la fumée qui sortait de la cheminée réalisèrent immédiatementqu’ils allaient être exterminés. Ils commencèrent à courir sur la place totalementdésespérés en s’arrachant les cheveux car ils ne savaient comment ils pourraientfuir. Nombre d’entre eux éclatèrent en sanglots terribles, poussant des crishorribles à l’aide qu’on entendait très loin.

Ils se dévêtirent avec une peur instinctive de la mort nus et pieds nus, ilsse serraient les uns contre les autres pour éviter de recevoir les coups et setinrent totalement immobile un garçon courageux alla voir le commandantqui était près de nous et lui demanda de lui laisser la vie sauve, lui promettanten échange qu’il pourrait accomplir les travaux les plus durs. On le frappaà la tête avec un lourd gourdin.

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Beaucoup d’entre eux coururent vers les juifs du commando spécial, sejetant à leur cou en les suppliant de les sauver. D’autres couraient nus dansdifférentes directions sur la grande place (pour éviter la mort). Le Commandantappela alors un garde SS avec une matraque pour qu’il l’aide.

Le son des voix d’enfants jeunes peu à peu fut remplacé par des pleursamers qui s’amplifiaient de minute en minute. Ces terribles sanglots résonnaientà des kilomètres de là. Nous sommes restés immobiles comme paralysés. LesSS avaient des sourires de satisfaction aux lèvres, ne montrant aucun signede pitié et avaient des airs de vainqueurs fiers d’eux-mêmes en les menantdans le bunker à coups de matraques terribles….

Certains des garçons couraient encore sur la place espérant s’échapper.Les SS les poursuivaient frappant dans toutes les directions, jusqu’à ce quela situation soit maîtrisée pour finalement les conduire au bunker. Leur joieétait indescriptible. N’avaient-ils pas d’enfants à eux ? [24]

Rudolf Hoess:Beaucoup de femmes cachaient leurs enfants dans la montagne de vêtements.Les hommes du détachement spécial Sonderkommando veillaient etencourageaient les mères de reprendre l’enfant avec elle elles craignaient quele désinfectant ne fasse du mal à leur enfant d’où les efforts qu’elles déployaientpour les cacher.

Les enfants les plus jeunes d’être déshabillés dans ces circonstance maislorsqu’ils étaient réconfortés par leur mère, ou des membres du détachementspécial, ils se calmaient et entraient dans la chambre à gaz, jouant ou se parlantles uns avec les autres, leurs jouets à la main.

J’ai remarqué que des femmes qui avaient soit deviné ou qui savaient cequi les attendait trouvaient le courage de rire avec leurs enfants pour lesrassurer, malgré la terreur qui se lisait dans leurs yeux.

Une femme m’a abordé en passant près de moi et montrant ses quatreenfants qui aidaient les plus petits à marcher sur le sol rugueux et en murmurantelle m’a dit:

“Comment pouvez-vous tuer de si beaux enfants ? N’avez-vous pas decoeur du tout?”

un vieil homme en passant siffla:“L’Allemagne payera un prix très lourd pour ce génocide des juifs.”Ses yeux brillaient de haine. Mais il marcha calmement dans la chambre

à gaz, sans se soucier des autres.

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