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12 L’ACTUALITÉ MÉDICALE 6 NOVEMBRE 2013 WWW.PROFESSIONSANTE.CA AUX ÉTATS-UNIS : UNE ÉPIDÉMIE À CONTENIR Les dangers de l’ overdose médicale Preventing overdiagnosis , une conférence organisée par l’université américaine Dartmouth affichait complet des semaines avant sa tenue à Hanover dans le New Hampshire du 10 au 12 septembre dernier. S ur place, plus de 300 scienti- fiques, cliniciens, décideurs et défendeurs des consom- mateurs venus de 30 pays ont discuté de la façon de prévenir la surmédicalisation, qui englobe no- tamment le surdiagnostic, le surdé- pistage et le surtraitement. Cette « overdose médicale » se re- trouve partout en Occident, de façon plus ou moins criante. Les organisateurs américains ont ce- pendant reconnu qu’avec leur sys- tème de santé ultra-défensif et le matraquage publicitaire qu’ils connaissent, ils doivent faire face à un phénomène d’une ampleur sans commune mesure. C’est que chez nos voisins du sud l’industrie pharmaceutique a « pignon sur télé », où elle vante jusqu’à plus soif des pilules pour soigner certains troubles comme le syndrome des jambes sans re- pos. À en croire les publicités et les articles qui inondent les maga- zines américains, ce problème de santé « qui peut mener au suicide » est « le trouble le plus commun dont les médecins n’ont jamais en- tendu parler ». Le plus drôle ou le pire, selon les points de vue, est que ceux qui peuvent en souffrir ne s’aperçoivent pas forcément qu’ils en souffrent. On a en effet pu lire dans un ma- gazine ( The Observer) que « le syn- drome des jambes sans repos est un trouble du sommeil assez sé- rieux, qui touche un grand nombre de personnes. Leur sommeil est affecté et, à moins que ces der- nières ne soient vraiment réveil- lées, elles ne se rendent pas compte qu’elles en sont atteintes ». Bref, on recommande à des per- sonnes de prendre des médica- ments pour diminuer des symp- tômes dont elles ne souffrent pas ! Un exemple typique de la dérive au- quel fait face le monde médical, se- lon les Drs Lisa Schwartz et Steven Woloshin, professeurs de médecine à Dartmouth et co-auteurs de l’ou- vrage Overdiagnosed. Nous devons faire face à une véri- table « campagne de peur », précise le Dr Woloshin. Selon les deux médecins, il existe deux types de surdiagnostic : > celui qui consiste à diagnosti- quer des anomalies qui ne dégénèreront jamais en symptômes ou qui n’entraî- neront pas la mort; > celui qui incite à médicaliser des expériences ordinaires de la vie. Dans les deux cas, le résultat est le même : les diagnostics et les traite- ments qui s’ensuivent nuisent à ceux qui les subissent. Et comme il devient de plus en plus difficile de savoir où se situe la frontière entre quelqu’un de ma- lade et quelqu’un qui ne l’est pas, nous devons nous attendre à ce que la surmédicalisation se multi- plie. Du moins tant que transfor- mer les gens en patients rapportera de l’argent. La solution ? Faire de cette ques- tion un enjeu de société et inciter le milieu médical à mieux définir l’ampleur du problème et les ac- tions à prendre pour le contrer. CANCER ET SURDIAGNOSTIC Pour le Dr Otis Brawley, directeur médical en chef de la Société amé- ricaine du cancer, il y a souvent une confusion entre les connais- sances et les croyances. « Malheu- reusement les gens n’ont pas beau- coup de respect pour la science. » Mais on ne peut occulter que, si la tendance se maintient, l’économie va s’effondrer en raison des coûts de santé. « Les gens pensent que consom- mer de plus en plus est bon pour eux », souligne le Dr Brawley, pour qui le système ne peut plus soutenir la cadence car « beaucoup de gens essaient de nous vendre quelque chose derrière de bons concepts ». Or, selon lui, personne ne veut par- ler de cette corruption. « On consomme trop de médica- ments et trop tôt. Certaines procé- dures sont aussi devenues trop fré- quentes », explique le Dr Brawley ( voir encadré ci-contre ), pour qui on Dossier > Surdiagnostic et surtraitement par Fabienne Papin La médecine souffre d’une nouvelle maladie : Mammographies de dépistage faites à des femmes trop jeunes, formule sanguine à chaque EMP, scans systématiques en cas de maux de dos, césariennes « de confort », statines en prévention primaire, antibiotiques pour des otites bénignes... En voulant prévenir, soigner toujours plus tôt, les médecins se sont mis à diagnostiquer ou à traiter des maladies qui n’en sont parfois pas, et ce, souvent au détriment des patients. Vous doutez que la surmédicalisation soit un enjeu de santé ? Pourtant, le surdiagnostic est déjà une réalité aux États-Unis et au Québec, comme a pu le constater L’actualité médicale en accompagnant une délégation québécoise à Hanover dans le New Hampshire. PHOTOS : FABIENNE PAPIN LA DRE LISA SCHWARTZ LE DR STEVEN WOLOSHIN LE DR OTIS BRAWLEY COMME IL DEVIENT DE PLUS EN PLUS DIFFICILE DE SAVOIR OÙ SE SITUE LA FRONTIÈRE ENTRE QUELQU’UN DE MALADE ET QUELQU’UN QUI NE L’EST PAS, NOUS DEVONS NOUS ATTENDRE À CE QUE LA SURMÉDICALISATION SE MULTIPLIE. DU MOINS TANT QUE TRANSFORMER LES GENS EN PATIENTS RAPPORTERA DE L’ARGENT. LA SOLUTION ? FAIRE DE CETTE QUESTION UN ENJEU DE SOCIÉTÉ ET INCITER LE MILIEU MÉDICAL À MIEUX DÉFINIR L’AMPLEUR DU PROBLÈME ET LES ACTIONS À PRENDRE POUR LE CONTRER.

Dossier Surdiagnostic et surtraitement

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12 – L’actuaLité médicaLe – 6 novembre 2013 – www.Professionsante.ca

aux états-unis : une éPidémie à contenir

Les dangers de l’overdose médicalePreventing overdiagnosis, une conférence organisée par l’université américaine Dartmouth affichait complet des semaines avant sa tenue à Hanover dans le New Hampshire du 10 au 12 septembre dernier.

Sur place, plus de 300 scienti-fiques, cliniciens, décideurs et défendeurs des consom-mateurs venus de 30 pays ont

discuté de la façon de prévenir la surmédicalisation, qui englobe no-tamment le surdiagnostic, le surdé-pistage et le surtraitement.

Cette « overdose médicale » se re-trouve partout en Occident, de façon plus ou moins criante. Les organisateurs américains ont ce-pendant reconnu qu’avec leur sys-tème de santé ultra-défensif et le matraquage publicitaire qu’ils connaissent, ils doivent faire face à un phénomène d’une ampleur sans commune mesure.

C’est que chez nos voisins du sud l’industrie pharmaceutique a « pignon sur télé », où elle vante jusqu’à plus soif des pilules pour soigner certains troubles comme le syndrome des jambes sans re-pos. À en croire les publicités et les articles qui inondent les maga-zines américains, ce problème de santé « qui peut mener au suicide » est « le trouble le plus commun dont les médecins n’ont jamais en-tendu parler ». Le plus drôle ou le pire, selon les points de vue, est que ceux qui peuvent en souffrir ne s’aperçoivent pas forcément qu’ils en souffrent.

On a en effet pu lire dans un ma-gazine (The Observer) que « le syn-drome des jambes sans repos est un trouble du sommeil assez sé-rieux, qui touche un grand nombre de personnes. Leur sommeil est affecté et, à moins que ces der-

nières ne soient vraiment réveil-lées, elles ne se rendent pas compte qu’elles en sont atteintes ».

Bref, on recommande à des per-sonnes de prendre des médica-ments pour diminuer des symp-tômes dont elles ne souffrent pas ! Un exemple typique de la dérive au-quel fait face le monde médical, se-lon les Drs Lisa Schwartz et Steven Woloshin, professeurs de médecine à Dartmouth et co-auteurs de l’ou-vrage Overdiagnosed.

Nous devons faire face à une véri-table « campagne de peur », précise le Dr Woloshin.

Selon les deux médecins, il existe deux types de surdiagnostic : > celui qui consiste à diagnosti-

quer des anomalies qui ne dégénèreront jamais en symptômes ou qui n’entraî-neront pas la mort;> celui qui incite à médicaliser

des expériences ordinaires de la vie.

Dans les deux cas, le résultat est le même : les diagnostics et les traite-ments qui s’ensuivent nuisent à ceux qui les subissent.

Et comme il devient de plus en plus difficile de savoir où se situe la frontière entre quelqu’un de ma-lade et quelqu’un qui ne l’est pas, nous devons nous attendre à ce que la surmédicalisation se multi-plie. Du moins tant que transfor-mer les gens en patients rapportera de l’argent.

La solution ? Faire de cette ques-tion un enjeu de société et inciter le

milieu médical à mieux définir l’ampleur du problème et les ac-tions à prendre pour le contrer.

CanCer et SurdiagnoStiCPour le Dr Otis Brawley, directeur médical en chef de la Société amé-ricaine du cancer, il y a souvent une confusion entre les connais-sances et les croyances. « Malheu-

reusement les gens n’ont pas beau-coup de respect pour la science. »

Mais on ne peut occulter que, si la tendance se maintient, l’économie va s’effondrer en raison des coûts de santé.

« Les gens pensent que consom-mer de plus en plus est bon pour eux », souligne le Dr Brawley, pour qui le système ne peut plus soutenir

la cadence car « beaucoup de gens essaient de nous vendre quelque chose derrière de bons concepts ». Or, selon lui, personne ne veut par-ler de cette corruption.

« On consomme trop de médica-ments et trop tôt. Certaines procé-dures sont aussi devenues trop fré-quentes », explique le Dr Brawley (voir encadré ci-contre), pour qui on

Dossier > Surdiagnostic et surtraitement par Fabienne Papin

La médecine souffre d’une nouvelle maladie :

Mammographies de dépistage faites à des femmes trop jeunes, formule sanguine à chaque eMP, scans systématiques en cas de maux de dos, césariennes « de confort », statines en prévention primaire,

antibiotiques pour des otites bénignes... en voulant prévenir, soigner toujours plus tôt, les médecins se sont mis à diagnostiquer ou à traiter des maladies qui n’en sont parfois pas, et ce, souvent au détriment

des patients. Vous doutez que la surmédicalisation soit un enjeu de santé ? Pourtant, le surdiagnostic est déjà une réalité aux États-unis et au Québec, comme a pu le constater L’actualité médicale

en accompagnant une délégation québécoise à Hanover dans le new Hampshire.

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La dre LiSa SCHwartz Le dr SteVen woLoSHin Le dr otiS BrawLey

comme il devient de plus en plus difficile de savoir où se situe la frontière entre quelqu’un de malade et quelqu’un

qui ne l’est pas, nous devons nous attendre à ce que la surmédicalisation se multiplie. du moins tant que transformer

les gens en patients rapportera de l’argent. la solution ? faire de cette question un enjeu de société

et inciter le milieu médical à mieux définir l’ampleur du problème et les actions à prendre pour le contrer.

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Dossier > Surdiagnostic et surtraitement par Fabienne Papin

adopte également trop vite certains nouveaux traitements, comme cela a été le cas avec la greffe de moelle osseuse pour le traitement des cancers de sein. « Les femmes ont fait des procès pour re-cevoir ce traitement et trop d’entre elles l’ont reçu avant que l’on s’aperçoive que ça ne marchait pas », rappelle-t-il.

Il est donc primordial de se concentrer sur des traitements pour lesquels on a des données probantes.

D’autant que, finalement, en matière de dia-gnostic du cancer, les choses n’ont pas tellement évolué. Si les tests de dépistage sont de plus en plus nombreux, on continue de se baser sur le travail de Rudolf Virchow (19e siècle) et de se ser-vir de la pathologie cellulaire pour découvrir quelle tumeur est cancéreuse ou non.

Sauf qu’aujourd’hui on sait que dans 20 à 30 % des cas une tumeur ne se transformera pas forcément en cancer mortel ! D’où les cas de surdiagnostic.

Et même si c’est une notion complexe, le Dr Brawley insiste sur le fait qu’il faut en parler. Le public ne maîtrise pas encore certaines notions et le médecin s’est retrouvé plusieurs fois à devoir expliquer la différence entre l’incidence des cancers et la mortalité par cancer à la télévision.

« Quand il y a des questions légitimes, nous avons la responsabilité de dire qu’il y a des ques-tions légitimes », souligne l’oncologue, selon qui c’est la seule façon d’aider les gens à prendre des décisions plus éclairées en matière de dépistage. <

la surmédicalisationau Québec : un enjeu d'imPortance

des leaders prêts à agir

Quand une demi-douzaine de dirigeants des plus grandes associations professionnelles, plusieurs chercheurs et cliniciens du milieu de la santé se rendent ensemble à un congrès sur la surmédicalisation, on peut imaginer que le surdiagnostic et le surtraitement sont à l’ordre du jour chez nous aussi.

Venue assister en groupe à la conférence Preventing Overdiagno-sis, la délégation québécoise n’est pas passée inaperçue. Il faut dire que l’Association médicale du Québec (AMQ) avait invité les représentants des principales instances médicales à réfléchir

sur le surdiagnostic et le surtraitement et que la plupart de ces dernières ont répondu présent.

Les deux syndicats des médecins étaient représentés ainsi que les ordres des infirmières et des pharmaciens. L’Institut national d’excellence en san-té et en services sociaux (INESSS) et l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) avaient aussi envoyé des observateurs de même que l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) et l’Association des conseils des médecins, dentistes et pharma-ciens du Québec (ACMDPQ).

Présidente de l’Ordre des pharmaciens, Diane Lamarre était probablement la seule pharmacienne présente à la conférence ! « Je remercie l’AMQ de nous permettre ces moments d’échanges et de prise de conscience communes », a-t-elle tenu à dire. Pour elle, en effet, ce sont tous les professionnels de la san-té qui peuvent et doivent agir face au surdiagnostic et au surtraitement.

La diversité du groupe québécois a marqué les organisateurs et les partici-pants. Plusieurs ont mentionné l’intérêt d’avoir réuni des personnes capables de voir« les différents angles de cet enjeu ».

« Nous avons montré qu’au Québec, les différents leaders du milieu de la santé sont prêts à poser ce regard sur la pratique », ajoute le Dr Laurent Marcoux, président de l’AMQ.

La présence même de cette délégation a été considérée comme « une réalisa-tion concrète de la conférence », comme cela nous a été rapporté par Jean Rousseau de l’INSPQ.

Le comité organisateur réuni par la faculté de médecine de Dartmouth a d’ailleurs approché l’AMQ pour savoir s’il serait possible que la

délégation expose sa démarche et les retombées de cette initiative lors de la prochaine rencontre internationale sur la surmédicalisation.

Le Dr Laurent Marcoux s’est dit par ailleurs impressionné par « la force du groupe ». Son directeur, Nor-mand Laberge, parle quand à lui d’une « unicité de voix » parmi les leaders autour de cet enjeu, alors que les débats sont plutôt polarisés en santé au Québec.

« Entre les omnipraticiens et les pharmaciens, le temps n’est pas au beau fixe. Les fédérations de médecins

LeS dangerS de La SurMÉdiCaLiSation

Le dÉPiStage eSt un CoMProMiS.il peut permettre à certaines personnes de ne pas mourir d’un cancer, mais il peut nuire à beaucoup d’autres.

« Le PLuS tôt n’eSt PaS ForCÉMent Le Mieux. »Les médecins et la population sont pour la très grande majorité persuadés que de s’attaquer à une maladie « le plus tôt est le mieux ». Le chan-gement de culture sera long puisqu’il va falloir leur prouver que ce n’est pas si simple.

Faire PLuS de teStS aBoutit à La dÉCouVerte de PLuS d’inCidentaLoMeS* et Si CeS dernierS ne Sont PaS dangereux, LeS teStS SuBSÉ-QuentS Pour Le ProuVer PeuVent, eux, être dangereux. * un incidentalome est une masse d’allure tumo-rale découverte de façon fortuite chez un patient asymptomatique.

une MeiLLeure SenSiBiLitÉ deS teStS entraîne PLuS de SurdiagnoStiC.des tests d’une plus grande sensibilité permet-tent de découvrir des maladies moins graves pour lesquelles les traitements peuvent être plus nuisibles que la maladie elle-même.

ÉLargir La dÉFinition deS MaLadieS CrÉe de groS MarCHÉS.inventer de plus en plus de « patients » amène à des diagnostics moins bénéfiques.

Source : adaptation d’une présentation

des Drs Lisa Schwartz et Steven Woloshin.

QueLQueS LeçonS CLiniQueS aPPriSeS Sur Le tard

des médicaments utilisés communément avant que l’on ne découvre leurs effets secondaires indésirables :

> hormonothérapie substitutive postménopausale

> lidocaïne après des infarctus du myocarde

> hypervitaminose (vitamine e, beta-carotène, sélénium)

> érythropoïétine dans les traitements de certains cancers

> rofécoxib (Vioxx)

des procédures trop utilisées :

> hystérectomie

> césarienne

> endoathérectomie carotidienne

> amygdalectomie

Source : présentation du Dr Otis Brawley

suite à La Page 14 >

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Le dr Laurent MarCoux, PrÉSident de L’aMQ.

« Le surdiagnostic et le surtraitement sont un problème majeur contre lequel personne ne fait quoi que ce soit. » C’est du moins la conclusion à laquelle arrivaient tous les médecins interrogés par l’AMQ dans le cadre d’un focus group, et ce, quel que soit leur nombre d’années de pratique.

14 – L’actuaLité médicaLe – 6 novembre 2013 – www.Professionsante.ca

aussi ont leur controverses, mais les représentants de ces associations étaient tous là et prêts à réfléchir en-semble », a-t-il ajouté.

un MouVeMent en MarCHeIl faut dire que l’enjeu est de taille. Au cours de cette conférence, on a pu voir que les Ontariens étaient très présents. Et pour cause, chez eux, c’est le gouvernement qui a lancé la chasse au gaspillage.

« Là-bas, les initiatives ont été man-datées par le gouvernement. Ils ont mis de côté un certain montant de la cagnotte des médecins pour mettre en place des initiatives », rappelle Johanne Boileau, représentante de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).

En avril  2012, la province onta-rienne a lancé un programme d’éva-luation de la pertinence de certaines procédures routinières en se fondant sur l’utilisation des données pro-bantes. Un comité a été chargé d’identifier des procédures surutili-sées, sous-utilisées ou mal utilisées. Le but de l’exercice était d’en cerner 10 en un an afin de faire économiser 150 millions $ au système de santé.

Bronwen McCurdy, épidémiolo-giste clinique à Qualité des services de santé Ontario, est venue à Hano-ver présenter le programme Appro-priateness Initiative, (« Initiative de pertinence », en français).

Après six à huit mois d’applica-tion et pour sept procédures seu-lement, l’Ontario a déjà épargné 250 millions $ !

Une expérience qui n’est sûrement pas passée inaperçue dans les autres provinces et qui fait dire à plusieurs que si les médecins ne commencent pas à faire le ménage eux-mêmes dans leur pratique clinique d’autres ne tar-deront pas à s’en charger pour eux !

« En voyant les économies générées, le gouvernement pourrait nous obli-ger à faire l’exercice à sa façon plutôt qu’à la nôtre », souligne par exemple le Dr Marcoux.

L’INESSS vient d’ailleurs de publier, à la demande du ministère de la Santé, un rapport sur l’optimisa-tion du recours aux analyses de labo-ratoire dans lequel il a analysé ce qui se fait dans ce domaine ailleurs au Canada et à l’étranger.

PartiCiPer et orienter Le dÉBat D’un autre côté, sans volonté poli-tique, impossible de faire avancer ce dossier. Plusieurs invités de la déléga-tion québécoise ont noté qu’aucun représentant du ministère n’était du voyage !

« C’est l’agent payeur qui va devoir intervenir dans ce dossier », estime pourtant le Dr Gaétan Barrette, pré-sident de la FMSQ, qui ajoute que l’on ne peut pas « toujours tout mettre sur le dos des médecins ». Selon lui, c’est une chose pour des épidémiologistes d’affirmer que l’on devrait arrêter de faire du dépistage de masse parce que 30  % des tumeurs a posteriori ne grossissent pas, mais quand un mé-decin se retrouve dans un cabinet de-vant un patient, c’est autre chose.

Une réalité que la Dre Diane Fran-coeur vit au quotidien dans son bureau d’obstétricienne-gynécologue. À force de se faire demander par ses patientes « qui veulent être sûres » des tests Pap annuels, elle a choisi d’afficher la re-commandation de la santé publique

qui indique que ce test doit être fait tous les trois ans. L’éducation aux patients est importante mais prend du temps et la Dre Francoeur juge qu’il faut aussi parler à leur portefeuille.

« Si un test n’est pas bon ou pas né-cessaire, il faut arrêter de payer pour. En Ontario, le gouvernement a mis ses culottes : ils ne paient plus pour d’autres tests que ceux au trois ans »,

explique le médecin, qui est aussi vice-présidente de la FMSQ.

Le meilleur moyen de faire dispa-raître une procédure est de cesser de la rembourser. « Le Québec est la pro-vince où il y a le plus de petits garçons avec un prépuce. Partout ailleurs au Canada, c’est payé alors les petits gar-çons n’ont plus de prépuce... » rap-pelle l’obstétricienne-gynécologue.

VerS une MeiLLeure MÉdeCineSi l’argent peut être un levier, pour les médecins de la délégation québécoise, le principal intérêt des questionne-ments autour du surdiagnostic et du surtraitement doit être la qualité de la médecine. Et, dans ce domaine, ce sont bien les médecins et les patients qui sont en première ligne.

Le Dr Daniel Tardif a été agréable-ment surpris par le fait que les partici-pants de la conférence aient le souci de toujours replacer le patient au cœur de l’enjeu de la surmédicalisa-tion. « C’est au patient de déterminer avec son médecin jusqu’où il est prêt à aller dans la recherche d’une maladie ou le traitement de cette maladie », explique le directeur des services pro-

fessionnels et hospitaliers du CSSS de Papineau.

Un point de vue qui rejoint celui du Dr Louis Godin, président de la FMOQ : « Il y a des éléments dont on doit plus discuter avec nos patients parce que les preuves ne sont pas aussi tranchées qu’on pouvait le penser ».

« La clé, c’est la communication avec les patients », précise de son côté le Dr Marc-André Amyot. Travail-lant à l’urgence, ce médecin de fa-mille du Centre Hospitalier Régional de Lanaudière est souvent confronté à des patients en fin de vie ou atteints de maladies chroniques grandement incapacitantes. « On a tendance à traiter, faire des tests qui ne sont pas des souhaits des patients. La clé, c’est donc de discuter avec eux et leurs fa-milles et d’expliquer les avantages et les inconvénients des tests diagnos-tics. On le fait déjà, mais je pense qu’il faut le faire plus », estime-t-il.

Et il en va de même dans les bureaux, ajoute le Dr Godin. Pour lui, un patient doit savoir que si son médecin lui fait passer une PSA, elle peut s’avérer un peu élevée. Et dans ce cas il aura peut-être une échographie et une biopsie de la prostate, des exa-mens qui peuvent entraîner une in-fection. « Alors il va peut-être faire une septicémie et se retrouver aux soins intensifs. Et un patient doit le savoir. C’est rare, mais cela arrive ! »

Pour Diane Lamarre, présidente de l’Ordre des pharmaciens, il est plus que pertinent de parler du patient et de la

façon dont il doit participer à ces traite-ments. Et les médecins ne sont pas les seuls qui ont du travail pour améliorer leur pratique dans ce domaine.

« Très souvent nos patients nous rapportent des effets indésirables et on présume qu’ils sont connus, mais on doit trouver des mécanismes pour les rapporter de façon plus substan-tielle afin que l’on puisse documenter les bénéfices des médicaments mais aussi dans certains cas les risques auxquels on expose nos patients », précise la pharmacienne.

Pour le Dr  Tardif, les médecins aussi doivent agir et vite. « On peut faire quelque chose. En tant que mé-decin gestionnaire, je travaille à créer un comité diagnostic à l’image des comités en pharmaco. Au lieu de regarder les traitements, on y regarde les diagnostics au sein du conseil des médecins, dentistes et de pharma-ciens et des dentistes » Une initiative très bien reçue dans son milieu, où il n’a eu aucun mal à recruter des volon-taires pour ce nouveau comité.

« Les médecins réalisent qu’il y a des éléments de la pratique où il pourrait y avoir une certaine conscientisation des excès ou d’un manque d’informa-tion, explique-t-il. C’est important de s’asseoir à l’intérieur de nos établisse-ments pour mieux développer nos plans de traitements et avoir une approche qui favorise des ordon-nances collectives dans lesquelles les choses ont été revues et discutées. » <

dossier > surdiagnostic et surtraitement

Bronwen MCCurdy, ÉPidÉMioLogiSte CLiniQue à QuaLitÉ deS SerViCeS de SantÉ ontario.

Le dr gaÉtan Barrette, PrÉSident de La FMSQ.

La dre diane FranCoeur, ViCe-PrÉSidente de La FMSQ.

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Le dr LouiS godin, PrÉSident de La FMoQ.

un exeMPLe à noS PorteS

CanCer de La tHyroïde : aLerte au SurtraiteMentaprès le dépistage du cancer de la prostate et celui du cancer du sein, c’est mainte-nant celui du cancer de la thyroïde qui est sur la sellette. La cause : comme pour les deux autres dépistages, le surdiagnostic et ses effets délétères.

Le dr juan brito et ses confrères de la clinic mayo ont récemment publié dans le British Medical Journal (bmj) les résultats d’une étude qui prouve hors de tout doute que les nouvelles techniques de dépistage des nodules thyroïdiens conduisent à sur-diagnostiquer et à surtraiter des lésions non mortelles.

selon l’endocrinologue, l’incidence du cancer de la thyroïde est passée de 1,5 à 7,5 cas pour 100 000 femmes en 50 ans. en revanche, la mortalité, elle, n’a pas augmenté. il faut dire que tous les cancers de la thyroïde ne sont pas de même gra-vité. Les cancers anaplasiques, les plus rares (1 %), sont à progression rapide et très souvent mortels, les cancers papillaires de très petite taille, qui sont les plus nom-breux (85 %), se révèlent en revanche à progression lente.

en fait, sans antécédents familiaux de cancer de la thyroïde ou histoire personnelle d’irradiation, les personnes chez qui on trouve des lésions inférieures à 20 milli-mètres ont un taux de survie de 99 % !

Le problème, selon le dr brito, est qu’on leur dit qu’elles ont un cancer. Les trois quarts d’entre elles choisissent alors de se faire opérer plutôt que d’être

placées sous observation, comme l’a montré une étude réalisée entre 1993 et 2004 aux états-unis. Pour éviter cette réaction, causée selon le dr brito par la peur qu’en-gendre le mot « cancer », il faudrait aller jusqu’à adopter une nouvelle appellation

pour le cancer thyroïdien papillaire de très petite taille. il propose microPLIC, qu’on pourrait traduire par « lésion micropapillaire peu évolutive ».

au-deLà du diagnoStiC, diFFÉrenteS oPtionS de traiteMentSPourtant, on a la preuve que l'option de non-traitement est efficace. Parmi les 340 patients de l’étude observationnelle américaine qui ont choisi la surveillance par échographie tous les six mois, on n’a noté aucun décès et même quelques régres-sions.

trente et un patients ont cependant vu leur tumeur grossir à plus de 3 mm. dix-huit d’entre eux se sont faits opérer et les 13 autres ont continué d’être surveillés. chez sept de ces derniers, la tumeur a régressé d’elle-même.

traitement agressif, la chirurgie peut entraîner des comorbidités et implique la prise d’hormones thyroïdiennes de substitution, pour lesquelles il est parfois difficile de trouver le bon dosage permanent.

il est donc important que les médecins informent les patients atteints d’un cancer thyroïdien papillaire de très petite taille qu’il y a des alternatives en matière de trai-tements afin que ces derniers puissent opter pour une surveillance active, une opé-ration totale ou une opération partielle.

Pour le dr brito, il est important de prendre en considération les valeurs person-nelles du patient. « un traitement qui est bon pour un patient ne le sera pas forcé-ment pour un autre, même si le cas est théoriquement le même. » <

> suite de La Page 13

l’éducation aux patients est importante mais prend du temps. la dre francoeur

juge qu’il faut aussi parler à leur portefeuille. le meilleur moyen de faire disparaître une procédure est de cesser de la rembourser.

Voir autre texte à La Page 16 >

diane LaMarre, PrÉSidente de L’ordre deS PHarMaCienS du QuÉBeC.

16 – L’actuaLité médicaLe – 6 novembre 2013 – www.Professionsante.ca

où en est le problème au Québec ?« Le surdiagnostic et le surtraitement sont un problème majeur contre lequel personne ne fait quoi que ce soit. » C’est du moins la conclusion à laquelle arrivaient tous les médecins interrogés par l’AMQ dans le cadre d’un focus group, et ce, quel que soit leur nombre d’années de pratique.

«il y a beaucoup d’examens qui sont demandés, jamais faits et personne ne s’en inquiète, ce qui prouve bien qu’ils sont

inutiles », a déclaré le Dr Marcoux, président de l’AMQ, quand L’actua-lité médicale lui a demandé dans quelle mesure cet enjeu était réel au Québec.

Et c’est la même chose du côté des analyses biomédicales. La Dre Véro-nique Déry, scientifique en chef de l’INESSS, a consulté au ministère de

la Santé le tableau de bord sur les vo-lumes des analyses biomédicales. Et pour elle, il y a un usage « excessif de certains tests comme les dosages de l’urée, de la vitamine D, de l’acide fo-lique, et du fer sérique... On voit bien qu’il y a des pratiques à cet égard qui ne sont pas judicieuses ».

La Dre Michèle Pelletier, adjointe à la direction générale et directrice de l'organisation des services, des af-faires médicales et universitaires de l’AQESSS affirme quant à elle que « la

surconsommation de tests diagnos-tiques ou de laboratoire ou d’image-rie en radiologie est une préoccupa-tion des directions d’établissement ».

Il y a des examens inutiles. Cela a un impact financier important et nuit à la performance et à l’amélioration de la qualité. « On ajoute souvent de nou-velles choses, mais on n’enlève pas les anciennes », explique la directrice.

En tant que directeur des services professionnels, le Dr Daniel Tardif entend souvent des infirmières lui

dirent que « certains patients de-vraient être laissés tranquilles ». Pour lui, la ligne est mince entre le curatif, le palliatif et l’accompagne-ment en fin de vie. La surmédicali-sation de certaines de ces phases existe, « pas tout le temps, ni par-tout. Mais quelque part le mouve-ment Mourir dans la dignité prend ses racines dans ce phénomène », analyse-t-il.

« On ne sait pas arrêter les traite-ments », complète le Dr Marcoux. Et

trop souvent les médecins n’ajustent pas leurs protocoles aux patients, à leur âge ou leurs volontés. « Comme quand nous faisons faire une résonnance ma-gnétique de la colonne à un patient qui nous a pourtant dit qu’il n’ira pas jusqu'à la chirurgie pour un problème de compression », raconte-t-il.

Le SurdiagnoStiC HyPotHèQue LeS SerViCeSJohanne Boileau, qui représentait l’OIIQ dans la délégation québé-coise, travaille à l’Hôpital général juif de Montréal1 et voit tous les jours l’impact de la surutilisation des exa-mens sur le système. « Plus on fait de scans dont on n’a pas besoin à l’ur-gence, plus on a de la difficulté à faire ceux dont on a besoin pour donner les congés de patients. » Selon elle, les mêmes codes diagnostics entraînent des pratiques très différentes. « Cer-tains médecins sont plus insécures que d’autres et prescrivent plus de tests », explique-t-elle.

Si la question du dépistage revient souvent en médecine, ce n’est pas un phénomène nouveau rappelle, quant à lui, le Dr  Godin. « Au-jourd’hui, on s’interroge sur le re-cours à l’examen de PSA dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate. Il y a 30 ans, c’était à propos de l’utilisation des radios pour dé-pister les cancers du poumon. »

À l’INSPQ aussi, l’enjeu du surdia-gnostic est décortiqué. « Dans le cadre d’un programme de dépistage, il y aura toujours du surdiagnostic. La question est de savoir ce que l’on peut faire pour informer les patients ou les patientes par rapport à cela et leur fournir des outils d’aide à la dé-cision. Il faut aussi mieux com-prendre le phénomène pour arriver à le réduire », précise Jean Rousseau.

Pour lui, le Québec doit prendre conscience du fait qu’il n’est pas dif-férent des autres pays dans certains domaines. Ainsi, le nombre de re-quête pour des ct-scans augmente ici aussi, comme aux États-Unis avec la tomodensitométrie faible dose et le dépistage pulmonaire des patients à risque.

Et les maladies chroniques en-traînent du surtraitement. « Au Québec, la consommation de sta-tines est incroyable et il ne faut pas se croire différents des autres sociétés à ce niveau. »

La question des maladies chro-niques intéresse aussi Johanne Boi-leau. « C’est un des secteurs qui de-vrait être priorisé. C’est sûr que nous faisons face à des problèmes de poly-pharmacies. Et c’est justement un domaine dans lequel on peut avoir de très beaux partenariats entre les médecins et les infirmières et on pourrait attaquer cette question de façon conjointe », explique la repré-sentante de l’OIIQ.

tout eSt danS L’art de La PratiQue Pour le Dr  Gaétan Barrette, pré-sident de la FMSQ, la question du surdiagnostic en est surtout un de

RC = rapport de cotes corrigé; IC = intervalle de confi ance.* Comme n’importe quel vaccin, le vaccin contre l’hépatite B pourrait ne pas conférer une protection à 100 %.† D’après des analyses multivariées de 865 cas confi rmés d’infection par le VHB signalés en 2009–2010 dans huit centres du programme de surveillance des infections émergentes (Emerging Infections Program) regroupant 17 %

de la population des États-Unis. Les analyses portaient sur des personnes diabétiques âgées de 23 à 59 ans sans comportements à risque de contracter l’hépatite B (p. ex. : utilisation de drogues injectables, rapports sexuels entre hommes ou avec plusieurs partenaires) et des personnes non diabétiques sans comportements à risque de contracter l’hépatite B.

‡ ACEF = Association canadienne pour l’étude du foie.§ CDC = Centers for Disease Control and Prevention (É.-U.).¶ Adultes n’ayant pas reçu de vaccin auparavant qui sont à risque de contracter l’hépatite B (tests de dépistage négatifs de l’antigène de surface [AgHBs] de l’hépatite B et des titres d’anticorps anti-HBs).

Références : 1. Sawyer MH, Hoerger TJ, Murphy TV et al. Use of hepatitis B vaccination for adults with diabetes mellitus: Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP). MMWR 2011;60(50):1709–711. 2. Coffi n CS, Fung SK, Ma MM. Management of chronic hepatitis B: Canadian Association for the Study of the Liver consensus guidelines. Can J Gastroenterol 2012;26(12):917–938.

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L’ ACEF‡ et les CDC§ recommandent que les adultes diabétiques soient vaccinés contre l’hépatite B1,2¶

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RC de 2,1 chez les patients diabétiques âgés de 23 à 59 ans (IC à 95 % = 1,6 à 2,8).

Les adultes diabétiques se sont révélés

plus susceptibles de contracter

une hépatite B aiguë

que les personnes non diabétiques1 †

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dossier > surdiagnostic et surtraitement

www.Professionsante.ca – 6 novembre 2013 – L’actuaLité médicaLe – 17

« bonne pratique ». Pour lui, tout mé-decin, qu’il soit médecin de famille ou exerce une autre spécialité, doit pratiquer selon les règles de l’art, ce qui implique de demander un test quand il est vraiment nécessaire et non pas par réflexe.

« Au Canada, où on est limité en terme d’équipements et où nos équipements fonctionnent à pleine capacité, il n’y a pas de conflits d’in-térêt », dit-il. Il est impossible de faire des économies, puisque de toute façon il y a des listes d’attentes. « C’est sûr que si des médecins de famille font de meilleurs choix, je vais avoir plus de fractures et de cancer que de dos, mais c’est une question d’accessibilité. »

Un point de vue un peu diffé-rent de celui du Dr  Tremblay pour qui, s’il est clair que la si-tuation est différente chez nous et aux États-Unis, il y a néan-moins un impact du surdia-gnostic aussi au Canada et no-tamment sur l’équité en matière de soins. « Même avec la gratui-té, si les tests de résonnance ma-gnétique ne sont pas accessibles avant trois mois pour Monsieur et Madame Tout le monde, les gens qui ont de l’argent, eux peuvent se l’acheter », précise le psychiatre.

Le Dr Marcoux également es-time que la surconsommation inappropriée amène un gaspil-lage impossible dans le contexte économique actuel.

« Les besoins sont grands et coûteux et on laisse des souf-frances auxquelles on ne peut pas répondre dans des classes de la so-ciété défavorisées alors que les res-sources sont gaspillées pour des choses inutiles », précise-t-il

Et c’est la même chose avec le sur-dépistage. « Il contribue à la surutili-sation des ressources de l’état et à la création de situations où des gens souffrent inutilement des consé-quences des tests de dépistage », ajoute le Dr Tremblay.

Mais les Québécois souffrent-ils vraiment du surdépistage ? Pas sûr, réplique la Dre Francoeur, dont les patientes ont toujours été soulagées d’apprendre qu’elles étaient « vic-times » d’un faux positif !

Pour elle, la situation n’est quand même pas si catastrophique au Québec. Bien sûr, elle reconnaît que les dépistages de masse méritent

que l’on se questionne, mais juste-ment, ce questionnement a lieu. « On a des instituts sérieux, comme l’INESSS, qui font des évaluations maintenant. On a aussi des UET-MIS (Unités d'évaluation des tech-nologies et des modes d'interven-tion en santé) dans tous les CHU qui prennent des dossiers en parti-culier, donc on a quand même des experts bien formés pour répondre à ce genre de questions. »

En revanche, pour elle, on a clai-rement un problème d’éducation des patients. « On a les deux ex-trêmes en matière de patientes : la

femme qui refuse d’aller faire une mammographie peu importe son histoire familiale et qui attend que sa bosse grossisse jusqu’à ce que sa famille l’emmène consulter et celle qui va se faire enlever les deux seins juste parce qu’elle a peur d’avoir un cancer parce qu’il y en a dans sa famille. »

La QueStion du Marketing PHarMaCeutiQue Pour Diane Lamarre, présidente de l’OPQ, on doit cependant être sou-lagé de ne pas avoir succombé aux sirènes de la publicité qui envahit les écrans de télévision aux États-Unis. « Il y a eu une offensive pour libéraliser ce domaine au Canada et on peut se féliciter d’y avoir résister. Mais on sait qu’avec Internet, c’est facile d’être exposés, donc il faut

avoir des sites qui vont contreba-lancer cette publicité. »

Car, évidemment, lors de la confé-rence, l’industrie pharmaceutique a souvent été montrée du doigt. Cer-tains médecins présents ont été étonnés d’apprendre à quel point elle pouvait être impliquée dans la surmédicalisation.

« Le marketing des compagnies pharmaceutiques nous arrive avec des beaux graphiques et on a l’im-pression que, si on ne fait pas ce qui est sur le beau graphique et si l’on ne prescrit pas telle pilule pour telle pathologie, on n'est pas un bon doc-

teur », commente le Dr Amyot.Ce n’est pas tant qu’il croit que

les compagnies pharmaceu-tiques mentent aux médecins, mais il est d’avis qu’elles ne disent pas tout. Alors, pour lui, il faudrait une instance « soit au gouvernement, soit à la santé publique ou à l’INESSS pour un peu mieux cadrer le marketing pharmaceutique ».

Le Dr Tardif est plus modéré : il ne faut pas voir des « mé-chants » partout pour lui. « Ce serait inadéquat de démoniser ceux qui développent les médi-caments ou les technologies. Il y a un équilibre qui doit appa-raître dans tout ça. Il faut des discussions larges, mais avec des gens neutres et il faut aussi im-pliquer les patients », précise-t-il.

La Dre  Véronique Déry a, quant à elle, apprécié que les participants de la conférence s’interrogent « avec sérieux » sur

la définition de la maladie et des va-leurs seuils à partir desquelles on définit la présence d’une maladie. « Il y a de l’abus avec certaines conditions et cela a très bien été dé-montré lors de la conférence », af-firme-t-elle.

Et si l’on n’arrête pas de faire bou-ger la frontière entre santé et mala-die, on ne pourra pas contrer effica-cement la surmédicalisation, estime-t-elle. <

1. Quelques semaines après la conférence, Mme Boileau a été nommée directrice générale par interim de l’Hôpital général juif de Montréal.

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Le dr jaCQueS treMBLay, PrÉSident du CMdP de L’inStitut uniVerSitaire en SantÉ MentaLe dougLaS, PSyCHiatre CHerCHeur et SeCrÉtaire trÉSorier de L'aCMdP.

jean rouSSeau, CHeF d’unitÉ SCientiFiQue – anaLySe de SPoLitiQueS de dÉPiStage et de Lutte Contre LeS MaLadieS CHroniQueS à L'inSPQ.

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Le dr MarC-andrÉ aMyot, 2e ViCe-PrÉSident de La FMoQ et PrÉSident de L'aSSoCiation deS MÉdeCinS oMniPratiCienS de LaurentideS-Lanaudière.

à l’inspq aussi, l’enjeu du surdiagnostic

est décortiqué. « dans le cadre

d’un programme de dépistage,

il y aura toujours du surdiagnostic.

la question est de savoir ce que l’on

peut faire pour informer les patients ou

les patientes par rapport à cela et leur

fournir des outils d’aide à la décision. »

Voir autre texte à La Page 19 >

joHanne BoiLeau, direCtriCe gÉnÉraLe Par intÉriM de L’HôPitaL gÉnÉraL juiF, rePrÉSentante de L’oiiQ.

www.Professionsante.ca – 6 novembre 2013 – L’actuaLité médicaLe – 19

Comment prévenir le surdiagnosticSi vous torturez quelqu’un assez longtemps, vous le ferez parler. Il en va de même avec les faux positifs. Si vous faites des tests, vous en trouverez... Les métaphores du Dr Malvinder S. Parmar, directeur médical de l’Hôpital de Timmins et du District en Ontario ne font peut-être pas dans la dentelle, mais elles ont l’avantage de marquer un auditoire !

Ce néphrologue venu parler à Hanover dans le New Hamp-shire de la façon de prévenir le surdiagnostic a captivé les

participants de son atelier.Selon lui, pour contrer ce phéno-

mène, il faut s’y attaquer sur quatre fronts en même temps. Il faut en effet lutter contre ses causes cultu-relles, ses causes systémiques, les mauvaises habitudes des patients et celles des professionnels du mi-lieu de la santé, et notamment les médecins.

Les médecins prescrivent certains tests parce que « les autres médecins le font, ou parce qu’on leur a dit de le faire pendant leur formation. Par-fois c’est aussi pour gagner du temps, faire quelque chose ou ras-surer un patient qui le veut absolu-ment. On en fait même pour soi-gner des gens ! » a expliqué le néphrologue.

deS CauSeS CuLtureLLeSBien sûr, on impute souvent la mul-tiplication des tests à la peur des poursuites, mais il y a aussi des causes plus sociétales, voire histo-riques.

Ainsi, cela fait des années que l’on nous répète que « mieux vaut pré-venir que guérir ». Sauf qu’au-jourd’hui, certains dépistages font douter de cet adage. Toutes les tu-meurs ne se transforment pas for-cément en cancer mortel. On doit donc changer notre façon de penser

et reconnaître que l’on fait fausse route en assimilant systématique-ment le diagnostic et les traitements précoces à de la prévention.

Nous avons aussi de plus en plus de mal à accepter de vieillir. Comme société, on cherche donc à contrer le vieillissement de toutes sortes de façons, y compris par la médicalisation. Ainsi, on attribue par exemple aujourd’hui les chan-gements corporels qui surviennent chez l’homme à partir de 45 ans à l’andropause. Ce n’est plus l’âge qui est responsable de la perte des che-

veux ou de la perte de l’agilité phy-sique, de la baisse de la libido ou d’énergie. Ce déclin est plutôt attri-bué à un déficit de la testostérone, déficit auquel il faut bien sûr remé-dier au moyen de patchs, gels et autres injections de testostérone.

Notre tendance à vouloir toujours plus médicaliser notre quotidien ne vient pas seulement du milieu mé-dical ou de l’industrie pharmaceu-tique, les journalistes aussi jouent un rôle dans ce phénomène. Ils

a i-

dossier > surdiagnostic et surtraitement

QueLQueS CauSeS de SurdiagnoStiC

La probabilité de trouver un effet non réel

(faux positif) est de

1 sur 20 (p = 0,05)Si vous faites 20 tests

le risque de tomber sur un faux positif est de

64 %1-(0,95)20 = 0,64

Si vous faites 50 tests le risque de tomber sur un faux positif est de

92 %1-(0,95)50 = 0,92

Le dr Peter C. gøtzSCHe, CoFondateur de La CoLLaBoration CoCHrane et direCteur du Centre nordiQue CoCHrane Pendant La ConFÉrenCe du dr MaLVinder S. ParMar

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Le dr MaLVinder S. ParMar, nÉPHroLogue et direCteur MÉdiCaL de L’HôPitaL de tiMMinS et du diStriCt en ontario.

suite à La Page 23 >

CuLtureLLeSreliées à la culture de la pratique médicale

Peur des poursuites« mieux vaut prévenir que guérir »sensationnalisme des médiasbiais de publication médicalisation du vieillissement« ce qui est nouveau est meilleur »Preuve créée sous l’influence de l’industrie

SyStÉMiQueSrésultent des politiques de santé locales ou régionales, gouvernées par des décisions politiques, associations médicales, sociétés savantes et organisations de malades

guide de pratique/dépistage/ lignes directricesdossier médical électronique (dmé) en silos – différents usagers et différents dmé qui ne sont pas reliés les uns aux autres« Protocolisation »incitatifs à la rémunération et incitatifs financiers basés sur les procéduresformation insuffisante chez les étudiants, manque de compétence clinique, dépendance aux tests radiologiques

PatientSBasées sur des croyances individuelles, des besoins et l’anxiété

tendance au « sur demande »stressrejeter la faute sur des gènes fautifs ou sur l’histoire familiale « Paix de l’esprit »

MÉdeCinS influencées par les croyances, les attitudes et les besoins des fournisseurs de soins de santé

multiplier les examens pour faire le suivi de multiples anomalies radiologiques fortuites n’ayant aucune signification cliniquefaire des tests en raison d’un manque de confiance ou de connaissancesfaire des tests pour trouver ce que le patient n’a pas faire des tests pour confirmer ce que le patient afaire des tests pour faire quelque chosefaire des tests avant de voir le patientmanque de communication entre médecins de famille et médecins des autres spécialitésauto-référencementgagner du temps« soyons sûrs »

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on doit changer notre façon de penser

et reconnaître que l’on fait fausse route

en assimilant systématiquement le diagnostic et les

traitements précoces à de la prévention.

20 – L’actuaLité médicaLe – 6 novembre 2013 – www.Professionsante.ca

« Pour manger un éLéPhant, iL faut Prendre une Première bouchée »

Contrer la surmédicalisation : une grande ambition« Aujourd’hui, 20 % des Américains sont sous médication pour un problème de santé mentale, c’est un non-sens ! » s’exclame Normand Laberge, directeur général de l’AMQ.

Pas de doute, le surdépistage, le surdiagnostic et le surtrai-tement ont pris des propor-tions sans commune me-

sure chez nos voisins du sud (voir les chiffres ci-contre).

Pourtant, lors de la première conférence Preventing Overdiagno-sis, organisée par la faculté de mé-decine de l’Université Dartmouth, les participants et les présentateurs ne venaient pas seulement des États-Unis, mais bien de tous les pays industrialisés : de l’Argentine à l’Australie en passant par le Japon, le Royaume-Uni, la Norvège, le Da-nemark ou la Turquie !

« On voit que cela devient une préoccupation mondiale », com-mente le Dr Marc-André Amyot.

« Le paradigme est en train de changer et c’est là pour rester. On va être dans cette dynamique-là pour les prochaines dizaines d’années », affirme pour sa part la Dre Véro-nique Déry, scientifique en chef de l’INESSS, qui voit la littérature scientifique appuyer ce change-ment avec une insistance beaucoup plus marquée depuis les deux der-nières années.

Elle espère cependant que l’on n’ira pas trop loin dans la lutte contre le surdiagnostic. « Sans test diagnostic, on ne pourra pas faire de bonne médecine. Les Ontariens parlent d’usage approprié, nous à l’INESSS parlons plutôt d’usage ju-dicieux, et j’aime cette notion, car elle permet de revenir sur l’impor-tance de ces tests, les cas dans les-quels ils sont indiqués ou non, et les dangers paradoxaux. »

deS idÉeS Pour Le QuÉBeCLa bonne nouvelle, selon M. Laberge, c’est que « dans certains pays, on a déjà pris des mesures pour contrer ce phénomène. Je ne m’attendais pas à avoir des modèles aussi clairs et chiffrés ».

Certaines mesures ont marqué les esprits et tout le monde a pu consta-ter qu’il ne fallait pas forcément in-vestir des milliards de dollars pour améliorer la pratique. En Ontario,

on a retiré des formulaires certains tests sanguins. On ne peut donc plus les commander simplement en cochant une case.

Au Royaume-Uni, on a ajouté à certaines lignes directrices des élé-ments autour desquels on invite le médecin à réf léchir avec ses patients, ce qui a permis de réduire le nombre de césariennes, par exemple, et celui d’hystérectomie.

En Australie, on a envoyé aux mé-decins un feuillet informatif sur les

meilleures lignes de pratiques pour une condition spécifique, mais sur-tout leurs statistiques dans ce do-maine par rapport à la moyenne de leurs confrères.

Consumer Reports a embauché des personnes pour qu’elles parti-cipent au site Wikipédia1 – le plus consulté en matière de santé –, véri-fient si les informations qui s’y trouvent sont valides et scientifi-quement prouvées, et fassent des corrections si nécessaire.

Au Massachusetts General Hos-pital de Boston, les urgentologues ont mis au point un algorithme dé-cisionnel pour mieux cibler les pa-tients à qui l’on fait un angio-scan dans le but de savoir s’ils font une embolie pulmonaire. « J’ai trouvé ça intéressant de voir que, sur ce dos-sier, on est un peu au même niveau à Joliette qu’à Boston », précise le Dr Amyot. Dans son service d’ur-

gence, on a en effet décidé d’agir quand on s’est aperçu que « l’on diagnostiquait et traitait beau - coup plus d’embolies pulmonaires qu’avant ».

Au Québec, on commence aussi à voir certaines initiatives. Dans le cadre du projet Optilab2, la Dre Déry est coprésidente avec le Dr Claude Rivard d’un comité sur la pertinence des analyses qui doit produire d’ici la fin de l’année un outil portant sur l’usage judicieux de 14 tests biomédi-

caux. Outil dont on parlera bien sûr dans les pages de L’actualité médicale en temps opportun.

un SuiVi à Long terMeÀ Hanover, les participants se sont aussi demandés s’il était nécessaire de redéfinir les stades initiaux de cancer. Un conférencier proposait notamment de parler de « lésion micropapillaire peu évolutive » plu-tôt que de cancer thyroïdien papil-laire de très petite taille (voir page 14). « C’est sûr que dès que le mot cancer est prononcé auprès d’un patient, cela induit une an-goisse et une détresse qui poussent les gens à demander des interven-tions agressives, alors que ce n’est pas forcément nécessaire », sou-ligne Jean Rousseau de l’INSPQ.

Lors de la dernière journée de la conférence, les participants ont ré-digé des recommandations à prio- riser dans quatre domaines où il est

possible d’agir sur la surmédicalisa-tion : l’éducation, la recherche, la communication et l’instauration de politiques gouvernementales (voir encadré ci-contre).

Les participants voudraient, par exemple, que l’on mette au point des indicateurs populationnels de surutilisation en recherche. Ils esti-ment aussi primordial d’identifier et d’agir auprès des intervenants clés en éducation. Pour eux, il est par ailleurs urgent de vulgariser l’information scientifique sur le surdiagnostic dans le but de la par-tager avec le grand public, les jour-nalistes, les avocats et les consom-mateurs. Enfin, ils ont de grandes

ambitions politiques : ils envisagent de trouver le moyen de réviser tous les guides de pratiques de façon in-dépendante.

Mais après tout comme le dit Normand Laberge : « Pour manger un éléphant, il faut prendre une première bouchée ! » <

1. Wikipédia est un site Web de type « coopératif », où chacun peut rédiger ou corriger un article.

2. Optilab est une démarche d'optimisation des services offerts par les laboratoires de biologie médicale du Québec.

dossier > surdiagnostic et surtraitement

1re conférence Preventing Overdiagnosisorganisée par la faculté de médecine de l’université dartmouth

norMand LaBerge, direCteur gÉnÉraL de L’aMQ.

20 % c’est le nombre d’adultes américains (en fait, 15 % des hommes et 25 % des femmes !) qui prennent des psychotropes en 2010.

21 % c’est le pourcentage de femmes de 20 ans et plus sous antidépresseurs en 2010, aux états-unis.

Source : Medco-Americas’s state of mind

LeS PrioritÉS MiSeS de L’aVant à La ConFÉrenCe

1. renforcer la science du surdiagnostic, développer un consensus sur les méthodes pour mesurer le

problème et évaluer les stratégies visant à maximiser les bénéfices et minimiser les dommages.

2. développer et intégrer la formation sur le surdia-gnostic dans les programmes de formation clinique

des professionnels et des étudiants.

3. Proposer des stratégies pour informer la population et trouver des moyens de communication efficaces

sur les pratiques contraires à l’intuition.

4. miser sur les efforts des systèmes de soins partout dans le monde visant à réduire le surdiagnostic et

combattre les incitatifs pernicieux qui transforment inuti-lement les personnes en patients. Plus spécifiquement, modifier la façon dont les maladies sont définies, en mini-misant les conflits d’intérêts professionnels et financiers au sein des panels d’experts et en évaluant rigoureuse-ment les bénéfices et les dommages de l’élargissement de la définition des maladies.

La dre VÉroniQue dÉry, SCientiFiQue en CHeF de L’ineSSS.

Le dr danieL tardiF, direCteur deS SerViCeS ProFeSSionneLS et HoSPitaLierS du CSSS de PaPineau et adMiniStrateur de L’aMQ.

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« le paradigme est en train de changer et c’est là pour rester. on va être dans cette dynamique-là pour les prochaines dizaines d’années », affirme pour sa part

la dre véronique déry, scientifique en chef de l’inesss, qui voit la littérature scientifique appuyer ce changement avec une insistance

beaucoup plus marquée depuis les deux dernières années.

www.Professionsante.ca – 6 novembre 2013 – L’actuaLité médicaLe – 23

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dossier > surdiagnostic et surtraitement

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deS CauSeS SyStÉMiQueSLe Dr  Parmar s’est aussi rendu compte qu’un certain nombre de facteurs découlant du système peuvent expliquer une partie des dérives actuelles.

Selon lui, il est essentiel que les professionnels de la santé s’ap-puient plus sur leurs compétences cliniques, d’où l’importance de mieux les former dans ce domaine.

Il est prouvé que les infirmières praticiennes et les médecins rem-plaçants demandent plus de tests

diagnostiques que les médecins. Les étudiants quant à eux souffrent carrément d’une « dépendance aux tests radiologiques » !

On assiste aussi à une « protocoli-sation » de la médecine, ce qui peut conduire dans certains cas à du sur-diagnostic, notamment quand on élargit trop le dépistage ou que l’on multiplie les guides de pratiques. « Les protocoles font augmenter les coûts plutôt qu’améliorer les soins », affirme le Dr Parmar, pour qui il ne s’agit pas de les supprimer, mais de s’en servir avec bon sens.

Cela dit, le médecin note quand même que « quand il n’y a pas de médicament à la clé, il n’y a pas de lignes directrices ou de guides de pratique ».

Le chercheur s’étonne aussi de la manière dont on évalue ces outils.

Pour valider leurs bénéfices, on ne regarde jamais la façon dont les pro-fessionnels de la santé les utilisent.

Il y a aussi bien sûr des questions financières. Les incitatifs reliés à certaines procédures ou dépis-tages peuvent conduire les méde-cins à les utiliser plus souvent.

Enfin, les associations et les socié-tés savantes des différentes spéciali-tés doivent effectuer un travail d’in-trospection. Dans le milieu médical, il est de bon ton « de suivre la tendance de son groupe plutôt que de poser des questions » et il pourrait être sain de changer cette culture.

Pour le Dr Parmar, les spécialités protègent « des chasses gardées » et il arrive trop souvent qu’elles « ap-prouvent ou endossent des tests ultra-sensibles sans se soucier des implications à long terme ». Enfin, elles sont impliquées dans l’élargis-sement des définitions, ce qui leur permet d’agrandir leur clientèle.

Les médecins eux-mêmes et les patients sont aussi en partie respon-sables du surdiagnostic et du sur-traitement. Les patients parce qu’ils veulent acheter une certaine paix de l’esprit en réclamant des tests qui ne sont pas toujours nécessaires, mais aussi parce qu’ils ont tendance à mettre sur le compte de certains gènes fautifs ou d’un historique fa-milial défavorable des problèmes qu’ils pourraient régler autrement qu’en allant consulter un médecin.

Ainsi, pour le Dr Parmar, les pa-tients devraient être amenés à se demander si « leur diabète est vrai-ment un problème génétique ou s’il se développe parce qu’ils ne bougent pas assez ».

Et sans parler de ceux qui refusent tout simplement de vieillir !

De leur côté, les médecins manquent de temps et vont avoir tendance à préférer envoyer un patient faire une prise de sang plutôt que de lui expliquer pour-quoi c’est inutile. D’autres utilisent des tests en trop grand nombre dans le but de confirmer hors de tout doute ce qu’ils savent déjà, soit parce qu’« une image vaut mille mots », soit parce qu’ils veulent « être sûrs » !

Les médecins utilisent aussi les tests pour gagner du temps, y com-pris quand ils savent par expérience que « la nature va régler le problème ». D’autres fois, cela peut-être pour

donner l’impression aux patients qu’ils s’occupent bien d’eux ou pour renforcer cette impression. C’est en effet très difficile, voire impossible, pour un médecin d’admettre qu’il n’y a « médicalement » rien à faire.

Le manque de communication entre médecins conduit les méde-cins de famille à demander des tests inutiles, les médecins spécialistes à en suggérer d’autres tout aussi inu-tiles et tout le monde à en comman-der par habitude.

Ainsi, demander une échogra-phie de stress avant une consulta-tion en cardiologie ou encore un examen d’imagerie avant de ren-contrer un neurologue est devenu une habitude de pratique.

« Le problème, ce ne sont pas les tests, mais ceux qui sont faits dans un contexte clinique inapproprié », précise le Dr Parmar.

Le chercheur va même jusqu’à dire que certains recherchent des données probantes pour ne pas être taxés de « vieux jeu » tant la méde-cine probante est devenue une mode qu’il faut absolument suivre.

Heureusement, il est possible d’agir sur plusieurs de ces facteurs dès à présent. Et vous êtes de ceux qui peuvent le faire avec le plus d’impact.

Le Dr Parmar demande ainsi aux médecins :> d’arrêter de suivre aveuglément

les guides de pratique et les pro-tocoles; > de se demander systématique-

ment si un test ou un traitement est vraiment requis pour la per-sonne qu'ils ont en face d'eux;> de se poser la question sui-

vante : « Vais-je vraiment faire une différence pour cette per-sonne ? »

Les actions visant à faire diminuer la surmédicalisation doivent aussi concerner le « système ». Et là en-core le Dr Parmar a mis de l’avant plusieurs domaines dans lesquels il est urgent d’agir.

Il recommande ainsi de :> se pencher sur l’éducation des

patients;> vérifier les impacts de l’utilisa-

tion des guides de pratique;> améliorer les technologies de

l’information;

> cesser l’utilisation les incitatifs financiers;> faire des essais randomisés à

l’aveugle pour évaluer les nou-velles technologies avant de les implanter;> penser aux conséquences à long

terme.

Ce serait déjà un bon début, selon le Dr Parmar, si les patients commen-çaient par apprendre à demander « pourquoi » et si les médecins, eux, se mettaient à prendre le temps de réfléchir avant d’agir.

Le Dr Peter C. Gøtzsche, cofon-dateur de la Collaboration Co-chrane et directeur du Centre nor-dique Cochrane, assistait à la présentation. Il a tenu à souligner que « c’est aussi au médecin de dire NON, pas seulement au patient. Quand un patient va mourir, ce n’est pas la peine de le faire souffrir en plus ». <

dans le milieu médical, il est

de bon ton « de suivre la

tendance de son groupe plutôt que de

poser des questions » et

il pourrait être sain de

changer cette culture.

LeS reCoMMandationS du dr MaLVinder S. ParMar

> arrêter de suivre aveuglément les guides de pratique et les protocoles;

> Se demander systématiquement si un test ou un traitement est vraiment requis pour la personne qu'on a en face de soi;

> Se poser la question suivante : « Vais-je vraiment faire une différence pour cette personne ? »

> Se pencher sur l’éducation des patients;

> Vérifier les impacts de l’utilisation des guides de pratique;

> améliorer les technologies de l’information;

> Cesser l’utilisation les incitatifs financiers;

> Faire des essais randomisés à l’aveugle pour évaluer les nouvelles technologies avant de les implanter;

> Penser aux conséquences à long terme.

> suite de La Page 19

le manque de communication entre médecins conduit les médecins de famille à demander des tests inutiles,

les médecins spécialistes à en suggérer d’autres tout aussi inutiles et tout le monde à en commander par habitude.

ne manquez pas dans notre prochain numéro : une rencontre avec le dr allen Frances : dMS-5 : une forte propension à médicaliser le quotidien