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Hebdomadaire Marianne
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MARIANNE Lundi 20 Juin 2011
Le vrai bilan de Pierre Cohen
• L'austère qui bosse
• La stratégie de l'opposition
• Les dossiers qui fâchent...
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MARIANNE Lundi 20 Juin 2011
Pierre Cohen, l'austère qui bosse Elu presque par hasard en 2008, le premier
magistrat de la Ville rose pratique la politique
avec rigueur et solennité. Un style
aux antipodes de celui de ses prédécesseurs.
Et qu'il a du mal à faire accepter. DOSSIER REALISE PAR STEPHANIE MARTEAU
REPORTAGE PHOTO : ULRICH LEBEUF / MYOP POUR « MARIANNE »
S 'il osait, Pierre Cohen accro
cherait à la poignée de la
por te de son bureau de
l'hôtel de ville un panneau
« Ne pas déranger ». Les élus,
les journalistes, les Toulou
sains ; bref, tous ceux qui
viennent l'interrompre pour
des riens comprendraient
enfin que la politique est un
métier qui demande rigueur et application.
A d'autres, ses prédécesseurs notamment,
les projets paillettes et la poudre aux yeux.
Chut, Pierre Cohen repense Toulouse ! Son
projet est peutêtre ingrat en apparence,
mais tellement plus ambitieux en réa
lité. Pourtant, un élu socialiste enrage :
« Pendant deux ans, Cohen n'a absolument pas
communiqué. C'était un principe : on travaille,
pas de com. Maintenant, il faut que ça cesse, on
ne peut plus tenir. »
Pas là pour faire rêver
A mimandat, les Toulousains piaffent
d ' impat ience devant le Capitole. Du
bonhomme qu'ils ont élu presque par
mégarde, en 2008, ils voudraient ils exi
gent ! qu'il force sa nature. Alors Pierre
Cohen, 61 ans, député de HauteGaronne
depuis 1997, les accueille, à contrecœur.
Ils lui causent chaussées défoncées ou
horaires de ramassage scolaire ; l'élu les
éconduit de quelques mots prononcés
dans une drôle de langue : « Ma méthode
enclenche des processus », «Je préfère tracer des
perspectives »...
Il aura fallu un an pour que ce sabir
abscons soit décodé et que les électeurs
réalisent que leur premier magistrat n'est
pas architecte, encore moins prophète,
mais honnête ingénieur. Un cartésien
qui sourit les lèvres pincées et prétend
que « les hommes politiques devraient avoir
une formation par la recherche, seule manière
d'appréhender notre monde complexe ». Un gar
çon sérieux, un peu raide, dont le bilan de
visionnaire ne comprend, à ce jour, qu'une
mention : avoir décroché un doctorat en
informatique en 1972, au temps de la pré
histoire des ordinateurs... Evidemment,
après trentesept années dominées par
des journalistes qui faisaient du gringue
aux mamies (Dominique Baudis, JeanLuc
" i : j , , » * • ■ î i
Î W ' ' ' ' f îric if" ■ J». ut
* < ' « ; * « * '•
., Vit v ' . i f •*,/ t,:i ', ï)"C"t »',; '
Moudenc) ou des médecins télégéniques
qui embrassaient les bambins (Philippe
DousteBlazy), les habitants de la Ville rose
ont encore un peu de mal avec ce nouveau
style, souvent qualifié d'« austère qui se
marre pas ».
A sa décharge, Pierre Cohen n'est pas
là pour rigoler. « Lorsque je suis arrivé, la ville
ronronnait pendant que Bordeaux explosait »,
rappellet i l . En t rois ans , l ' équipe
municipale a repris les choses en main
et mis en place des « outils politiques » afin
de « planifier le développement toulousain ».
Sous l'impulsion de l'ingénieur, la commu
nauté d'agglomération est devenue com
munauté urbaine (le Grand Toulouse, qu'il
préside), ce qui a permis une mutualisa
tion des moyens. Le Plan local de l'habitat,
celui des déplacements urbains, esquissés
par l'équipe précédente, ont été remaniés.
Une urgence dans une ville qui s'étend et
accueille 7 000 nouveaux habitants par an.
Moins pour le maire, qui ne veut surtout
pas réitérer les erreurs de ses prédéces
seurs, qui ont « laissé les promoteurs faire d'af
freux petits pâtés ». Pendant de longs mois,
il a vu et revu ses schémas « pour s'inscrire
dans une stratégie plus globale, à l'échelle de
l'agglomération ». Perspective ? 2030 ! « Tout
est long et laborieux, juge la centriste Marie
Déqué. Cohen concerte, discute, soupèse, mais il
a du mal à trancher. » « U est tétanisé par l'état
des finances publiques, alors qu'on est dans la
ville la plus dynamique de France ! » s'agace
un vert. Pierre Cohen, placide, ignore ces
critiques, il est vrai dénuées d'originalité.
Il a doublé, sans tambour ni trompette,
le budget alloué à la rénovation urbaine,
triplé le nombre de logements sociaux...
Pour l'instant, Toulouse est un gruyère,
et le maire sait qu'il est illusoire d'en tirer
le moindre bénéfice politique
tant que les embouteillages
ne seront pas résorbés. « Enle
ver un parking gratuit près du
jardin des Plantes, même pour
y construire l'arrivée du tram
way, déclenche un psychodrame,
observetil. Les gens sont restés
bloqués dans une idée de la ville
très années 80. » Le maire ne fait encore rêver
personne et s'en accommode. Ne doutant
pas de sa méthode, il ne cherche même pas
à faire sa propre promotion. C'est Martin
Malvy, le président socialiste de la région
MidiPyrénées, qui se commet d'office pour
plaider la cause de son camarade. « Dans
trois ans, on aura une nouvelle ligne de tram
way, un nouveau parc des expositions, les tra
vaux de la ligne TGV seront lancés », annonce
le patron de la région. >
. 1 V'O
« . », I
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La rénovation urbaine n'est pas un vain mot à Toulouse ! Sous l'impulsion du maire, le budget alloué au grand projet de ville (GPV) est passé de 314 à 696 millions d'euros. Les travaux s'étaleront jusqu'en 2015, mais déjà le quartier de la Reynerie a changé de visage, s'ouvrant sur l'université du Mirail. Très impliqué dans la défense de la loi SRU, Pierre Cohen s'est engagé à atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux à la fin de la mandature (la proportion
sera de 18,77 % en 2011, contre 18,5 % en 2008).
Stcurîtê Le numéro de l'Office de la tranquillité, 31 01, a été mis en place en 2009 par la municipalité. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, des opérateurs répondent aux petits problèmes qui pourrissent la vie des Toulousains (tags, tapage nocturne, stationnement gênant). Ils envoient aussi des médiateurs régler les conflits de voisinage. Parallèlement, la municipalité a « réinventé la police de proximité »,
se réjouit son concepteur, l'ex-commissaire Jean-Pierre Havrin, désormais chargé du dossier sécurité à la mairie. Les 176 policiers municipaux, auparavant cantonnés dans le centre, ont été redéployés dans toute la ville. En revanche, ils ne patrouillent plus que jusqu'à minuit, la police nationale prenant alors le relais. Le maire revendique ce choix, contesté à Toulouse : « Nous n'avons pas à assumer les missions de la police nationale. » Cohen a néanmoins infléchi sa position sur les caméras de surveillance : il prévoit d'en installer rue Pargaminières.
> Pourtant, nul n 'en doute, Pierre Cohen, ce héros si discret, veut que Toulouse se souvienne de lui. « Comme Mitterrand, on sent qu'il veut marquer son règne avec de grands travaux, relève, un brin admi-ratif, le conseiller municipal UMP Christian Raynal. S'il a choisi des urbanistes aussi prestigieux quejoan Busquets, qui a réinventé Barcelone, pour refaire la rue Alsace, ce n'est pas un hasard. » L'insondable Cohen se pique aussi de culture. Ce n'est pas une coquetterie : là aussi, il a son idée. Anti-Jack Lang, il réoriente depuis trois ans, dans un sens
moins élitiste, la politique culturelle dont il a hérité. « On a modifié la scénographie du Printemps de septembre, pour que l'art contemporain ne s'adresse pas qu'aux branchés. Aux yeux des Toulousains, cet événement était perçu
Agents de l'Office de la tranquillité, que tout citoyen peut contacter en cas de conflit de voisinage.
comme très, très parisien... » Mais, malgré un budget en nette hausse, la nouvelle Cohen touch n'est pas encore une évidence... aux yeux des Toulousains.
« M. le Maire, etc. » De fait, Pierre Cohen n 'é ta i t pas programmé pour être maire de Toulouse. Il n'était même pas annoncé au générique des municipales de 2008. «J'ai été investi par le PS parce que Malvy n'y est pas allé, admet-il. Quand j'ai été désigné, la droite a sablé le Champagne. Je suis lucide, on n'a pas voté pour moi par amour. » Elu jusqu'alors d 'une petite commune voisine, Ramonville, Cohen partait en outre avec un handicap culturel majeur : natif de Tunisie, il est plus foot-couscous que rugby-cassoulet. Une provocation dans une ville jalouse de son identité.
Chaque jour, le nouveau maire doit donc lutter pour s'imposer. A tel point que certains, au sein même du PS, lui recommandent de s'entourer de patrons et de hiérarques lorsqu'il se rend aux
matchs du « Téfécé », pour se donner plus d'importance ! « L'année dernière, s 'étran-
s gle un socialiste, il est venu au match Stade Toulousain-Montpellier dans un métro bondé ! » A la voiture de fonction avec chauffeur, l'édile a toujours préféré son scoo
ter, ce qui, bizarrement, n'est pas toujours bien vu. Kader Arif, député européen socialiste et premier fédéral, commente ainsi avec diplomatie : « Pierre est dans une forme d'humilité qui le dessert. »
Une autre interprétation, moins favorable, court la ville. Si Pierre Cohen est si peu entouré, c'est aussi - et c'est plus grave - parce qu'il se méfie des élus, y compris de sa majorité, comme de la peste. « Entre le pouvoir de l'administration et le pouvoir des élus, ici, il n'y a pas photo », confirme l'un de ses bras droits. « Quand Cohen débarque en 2008, ses camarades planent au-dessus de lui comme des vautours, poursuit Régis Godec, chef de file toulousain d'Europe Ecologie-Les Verts. Pour se protéger, il choisit de s'appuyer sur des technos, ou de petits cadres locaux du PS qui ne lui feront pas d'ombre, et écarte ceux qui ont une surface politique. » Un socialiste complète : « Si Cohen est entouré des petites mains de l'appareil socialiste, c'est parce qu'il ne s'attendait pas à être élu et qu'il n'avait pas d'équipe. Ll n'a eu d'autre choix que de s'appuyer sur les responsables locaux du parti. » Et c'est ainsi que Cohen cumule les mandats de député, maire, président du Grand Toulouse et de Tisséo (le syndicat mixte de transports de l'agglomération), au point d'être sur-
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Les Assises de la culture, en 2008, avaient suscité un réel enthousiasme chez les acteurs du secteur, qui avaient salué une augmentation du budget. Il sera de 104 millions d'euros pour 2011 (soit 15 % du budget municipal). La volonté de la municipalité est clairement définie : ouvrir la culture au plus grand nombre, en investissant les quartiers. Pour l'heure, toutefois, les grands projets structurants (Quartier des sciences sur les allées Jules-Guesdes, Maison de l'image à la Reynerie, Salle des musiques actuelles à Borderouge) sont toujours en construction et tardent à voir le jour...
La municipalité a choisi de réorienter dans un sens moins élitiste la politique culturelle dont elle a hérité. Exemples au Château d'eau (en haut) et à l'exposition du Printemps de septembre (ci-dessus).
nommé par ses adversaires « M. le Maire, etc. ». Une omniprésence qui, à en croire ses opposants, se teinte de sectarisme. « Ji devait détricoter les vieux réseaux de la droite », le défend sur ce point Martin Malvy, avocat diligent.
Sans pitié, Jean-Luc Moudenc, l'actuel patron de l'UMP locale, qui a dirigé la ville de 2004 à 2008, dépeint son successeur en « homme de dossier hyperdogmatique ». « Un instituteur de la RDA d'Eriàx Honecker », raillet-il. Pierre Cohen a d'ailleurs été condamné le 28 août 2009 par le tribunal administratif pour avoir fait adopter un règlement intérieur qui encadrait le temps de parole de l'opposition. Dorénavant, il se borne à limiter les interventions à un seul orateur par groupe et à une seule thématique. « C'est quelqu'un qui ne cède pas, qui prend toujours le risque de cliver », a observé Christian Raynal. « Dans sa jeunesse, il a hésité à entrer au PC. Et puis les positions de l'URSS sur Israël et son père, juif, l'en ont dissuadé », ajoute un proche
en riant. L'édile revendique son intransigeance : « Je n'ai pas de copains à droite. Je suis passionné, issu d'une génération qui pense que tout est politique. » Sauf que les alliés du PS ne s'y retrouvent pas davantage ! « D'un maire élu avec 1 000 voix d'avance, on attend qu'il soit rassembleur », râle un élu écolo.
L'anti-Georges Frêche Parmi les socialistes, en effet, Cohen n'a jamais fréquenté que les plus sévères : Jean-Pierre Chevènement, d'abord, puis Lionel Jospin. Entré au PS en 1974, Pierre Cohen a longtemps milité au sein du courant Ceres, claquant même la porte de Solferino en 1992 avec Y ex-député-maire de Belfort. Non à la guerre du Golfe, non au traité de Maastricht : pour Cohen, la possible candidature de Jacques Delors, évoquée pour la présidentielle de 1995, représente, se souvient-il encore, « l'abandon de toutes [les] valeurs [socialistes] ». >
C'était l'un des axes forts de la campagne. Deux lignes de tramway avaient été annoncées en 2008 (Blagnac - Saint-Orens et Tournefeuille-L'Union), qui devaient desservir toute l'agglomération. Mais ces promesses n'ont pas résisté aux coupes budgétaires imposées en 2010 au syndicat mixte des transports Tisséo par son président-Pierre Cohen. Seul le tronçon intra-muros sera réalisé, la ligne T1 (Garonne) étant simplement prolongée de 3,5 km jusqu'au palais de justice, d'ici à 2014. Quant à la ligne circulaire Canal, elle ne verra le jour qu'en 2020. Abandonné aussi, le prolongement de la ligne B du métro jusqu'au pôle économique de Labège. A la place, une ligne de bus en site propre sera mise en service. Les économies pratiquées à Tisséo ont également eu raison d'une autre promesse de campagne : la gratuité des transports. Seuls les jeunes profitent d'un abonnement mensuel à 10 €. L'équipe municipale, en revanche, a triplé le budget alloué au réseau cyclable (4 millions d'euros) qui court désormais sur 300 km.
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,■ tf.
' * » > - 3 l^iî^* -î lU-M
de i i csrife- g 2008 :1150 élèves
2011: 6 900 élèves
3f fM-,
*î fc ojeî de ville) 2007 :314 millions d'euros
2011:696 millions d'euros
Nombre de places en crèche 2 0 0 7 : 4 200
2011:4 815
2009 :2,4 milliards d'euros
2011:1,3 milliard d'euros
litres 2008:562
2010:1 513
2008 :3 052 ê/m2
2010 :3 272 e/m2
v* "t?!S- l'î ,**■
2007:168
2011:176
»! *. municipaux
2008 :93156 387
2010 :101 789 918
Contribution de la vîilt à Tisséo 2008 :40 millions d'euros
2011:90 millions d'euros
Fréquentation de l'aéroport 2008 :6 349 805 voyageurs
2010 : 6 405 399 voyageurs
2010 :99 millions d'euros
2011:117 millions d'euros
Budget iêiié I la culture 2009:93,6 millions d'euros
2011:116,8 millions d'euros
X " " " « K
Martin Malvy, président socialiste du conseil régional : il apporte à Pierre Cohen un soutien modéré.
> Sans son ami et voisin de Cintegabelle,
Lionel Jospin, jamais sans doute il ne
serait revenu au PS... Autant dire que la
politique n'est pas un jeu, à ses yeux. S'il
arrive à Pierre Cohen de passer des soirées
entières à parler plongée sousmarine,
c'est hors du microcosme, avec ses amis
issus du monde de la recherche. «Je me
suis fait des amis à une époque où il n'y avait
pas d'enjeu de pouvoir. Je ne suis pas un homme
de réseau », réfléchit Cohen, en feuilletant
mentalement son répertoire. Axel Kahn et
Louis Gallois (patron d'EADS et... exche
vènementiste !) sont les seuls « people »
susceptibles de faire briller son carnet
d'adresses.
Trois ans après le début de son man
dat, Cohen ne s'est pas imposé. La preuve ?
Même Martin Malvy ne le cite pas nommé
ment lorsqu'il évoque le meilleur candidat
pour la gauche à Toulouse en 2014 ! « Nous
choisirons le candidat légitime », botte en
touche le septuagénaire. Cette prudence
fait écho aux angoisses qui commencent à
travailler une partie de la majorité muni
cipale. Les Verts ont déjà annoncé qu'ils ne
referaient pas liste commune avec le PS.
Quant aux socialistes, ils s'inquiètent de
voir un Cohen « sincère mais pétri d'idéologie
et très loin du quotidien ». « S'il a des ambi
tions pour la suite, qu'il se préoccupe enfin des
trous dans la chaussée ! l'exhorte un mem
bre anonyme de son équipe. Il faut faire du
clientélisme, jouer de l'empathie. » « Dans une
ville comme Toulouse, tu es obligé défaire de la
politique. Ici, il faut un Prêche bis, un gars qui
va dans la rue », insiste un militant, qui vou
drait que Paris parachute une pointure.
De l'intérêt d'être souple
Derrière son bureau et ses lunettes, Cohen
assume sa posture : «Je ne vais quand même
pas faire semblant de m'intéresser aux crottes
de chien. » Et à l'insécurité en hausse dans
le centreville, dont on s'alarme jusque
dans les rangs du PS ? « Mes amis qui ont des
angoisses, j'essaie de les calmer. Mais, quand je
leur ai dit : il est hors de question de céder au
sentiment d'insécurité, ils se sont liquéfiés... La
répression n'est pas du tout ma ligne. Je ne suis
pas laxiste, mais je veux comprendre et déman
teler les mécanismes qui créent de la violence »,
tranche le maire, qui a totalement repensé
l'articulation police nationalepolice muni
cipale. Aux dernières nouvelles, toutefois,
il semblerait que l'inflexible Cohen ait fini
par céder à la pression électorahste de ses
camarades : rue Pargaminières, plusieurs
caméras ont été installées.
La preuve que le maire est à l'écoute,
même s'il se garde de le faire savoir. Et
qu'il sait être souple, dans les rares occa
sions où il le juge utile. ■
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O n peut être le maire de la quatrième ville
de France et être un quasi-inconnu à Paris. La preuve par Pierre Cohen. Son vieux copain Bertrand Delanoë, natif comme lui de Bizerte, en Tunisie, s'est imposé dans le paysage politique dès son premier mandat. Gérard Collomb, à Lyon, est devenu un baron local dans le plus pur style SFIO et se bat pour implanter des sièges sociaux. A Bordeaux, éternel rival de Toulouse, Alain Juppé fait la promotion mondiale de sa ville et vient de faire nommer Patrick Stefanini, l'un de ses fidèles, préfet de la
région Aquitaine. Quant à Jean-Claude Gaudin, le boss de Marseille, il n'a eu qu'à demander pour obtenir 70 policiers supplémentaires... Mais Pierre Cohen n'est pas un homme de réseau. Plutôt que de draguer les patrons ou de tenter de se mettre tel ministre dans la poche, il reste fidèle à ses vieux amis du Ceres et déjeune chaque mois avec le jeune retraité Lionel Jospin et le député des Hautes-Pyrénées Jean Glavany. Pas sûr que cette fidélité suffise à aimanter les emplois publics et privés dans sa ville... A l'Assemblée nationale, le maire discret revendique de ne fréquenter que les
élus qui lui ressemblent, « des obscurs qui ont du fond». Un nom? Jean-Yves Le Déaut, spécialiste de l'industrie et du nucléaire, membre de la commission des Affaires économiques. Légitimiste, Cohen a signé le 28 mars dernier l'appel des 48 députés qui soutiennent Martine Aubry. Un pari qu'il pourrait payer cher si François Hollande l'emporte. Mais Cohen n'y croit pas : « Il va nous rejouer les années 30 et la petite église sur la colline. Il fait un mauvais début de campagne, ringard et droitier. » Si le Corrézien entre à l'Elysée, pas sûr que Toulouse en tire quelque profit... ■
Le député-maire Pierre Cohen défend la candidature de Martine Aubry (en haut, à ses côtés lors des Journées parlementaires du PS à Toulouse, le 1" octobre 2009). A l'Assemblée nationale, il fréquente son vieil ami Jean Glavany et Jean-Yves Le Déaut (ci-dessus), un « obscur qui [a] du fond », comme lui.
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Transports urbains
Noire colère des Verts Le ton monte entre socialistes et écologistes. Pierre Cohen est accusé par ses alliés municipaux de trahir ses promesses et de favoriser Toulouse par rapport à l'agglomération pour assurer sa réélection.
L 16 mai dernier, le groupe Europe Ecologie-Les Verts (EELV) présentait « son » bilan à mi-mandat. Autour de la table de réunion, les mines étaient graves. Associés depuis trois ans à la majorité municipale, les écolos ont décidé d'aller
à l'affrontement avec les socialistes. « A Toulouse comme au Grand Toulouse [communauté urbaine], nous nous sommes régulièrement démarqués de nos partenaires. Sur des dossiers majeurs, nous faisons entendre une voix différente », attaquent Les Verts.
Pomme de la discorde : le Plan de déplacements urbains (PDU) et la gestion des transports. Dans une ville aussi étendue que Toulouse, le sujet est capital. En 2008, Pierre Cohen en avait fait le fer de lance de sa campagne. Le socialiste prétendait
« sortir la voiture de la ville », ce qui supposait d'augmenter l'offre de transports en commun. Or, depuis leur installation au Capitole, la tension monte entre écologistes et socialistes, les premiers reprochant aux seconds d'avoir « trahi leurs promesses de campagne ». Pis : Le maire, qui préside également la communauté urbaine, est accusé de retarder certains dossiers « par pure visée électoraliste ». Ambiance.
Enterré, le tramway ! Le premier clash remonte à janvier 2010. « Pierre Cohen a brutalement repris les rênes de Tisséo, alors qu'un accord politique de janvier 2009 prévoyait que les écologistes gouvernent cet organisme [qui gère des transports en commun pour l'agglo] », s'empourpre le
Point de départ du contentieux entre le maire et les écologistes : le prolongement de la ligne B du métro jusqu'au pôle économique de Labège.
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* ; * ^ \ J3
vert Régis Godec. L'écolo évincé, Stéphane
Coppey avait pourtant une réputation
de bon technicien. « Je ne fais confiance à
personne ! » lui aurait asséné Cohen en le
congédiant. En réalité, le boss socialiste de
l'agglo n'a pas supporté l'indépendance de
l'élu vert du Grand Toulouse. Coppey était
favorable au prolongement de la ligne B
du métro jusqu'au pôle économique de
Labège, auquel s'oppose Cohen. « Coppey n'a
pas compris qu'il représentait la communauté
urbaine qui l'avait mandaté, explique le maire
de Toulouse, patron de l'agglo et du reste.
Il a cru qu'il pouvait jouer le grand manitou,
donner raison aux uns contre les autres... Il a mal
joué. J'ai pris mes responsabilités. »
A la suite de cet incident, le PDU a été
remanié, selon les vues de Cohen, et son
budget revu à la baisse. Forcément, lors du
vote, Les Verts se sont opposés à cette nou
velle mouture, faisant monter la pression...
« Pour desservir Labège, Cohen propose des lignes
de bus en site propre, qui transporteront moins
de monde et ne représenteront pas une alterna
tive à la voiture », fulminentils. Egalement
enterré, le rêve de tramway ! La ligne qui
devait relier Toulouse à PlaisanceduTouch
est elle aussi remplacée par des bus. Les
usagers se contenteront de 3,5 km de rails
entre les Arènes et le palais de justice, bapti
ses ligne Garonne. « Ce projet toulousotoulou
sain, qui double le métro, est bien loin de la vision
globale, à l'échelle de l'agglo, qui caractérisait
Pierre Cohen au début de son mandat », admet
un socialiste courageusement anonyme.
Qui sont les « archaïques » ?
Les détracteurs du maire y voient une
concession faite à ses électeurs, qui s'im
patientent... Stéphane Coppey accuse :
« Le patron des transports et de l'agglomération
est le maire de Toulouse, mais celuici ne se fait
élire que par des Toulousains. Par conséquent,
pourquoi réaliser des infrastructures de trans
ports à l'extérieur de Toulouse, qui ne lui apporte
ront pas de voix ?» La ligne Garonne, en effet,
sera livrée en... 2014, année électorale.
Si la bataille des déplacements urbains
a mis le feu aux poudres, la polémique sur
Ci-contre : le 27 novembre 2010 et les jours suivants, une grève des traminots empêche l'inauguration du tramway. Ci-dessous, à droite : Régis Godec, élu EELV chargé des écoquartiers.
l'arrivée de la LGV (ligne à grande vitesse)
en gare de Matabiau a, elle aussi, projeté
des escarbilles, enflammant le conseil
municipal. Un « PPP », partenariat public
privé, a été mis en place pour financer la
future branche BordeauxToulouse qui
devra prolonger le tronçon ToursBordeaux.
Mais Les Verts estiment que la municipa
lité fait la part trop belle au privé : « Vinci,
le concessionnaire, ne financera que 27 % de la
ligne. » A charge pour les collectivités d'as
sumer le reste. Or, certains départements
traînent des pieds : le TarnetGaronne ne
compte pas participer, JeanMichel Baylet
n'étant pas satisfait du tracé entre Agen et
Montauban. Quant aux HautesPyrénées,
elles se moquent que le TGV arrive ou pas
à Toulouse : il faut une heure et demie
depuis Tarbes pour rejoindre la Ville rose,
autant prendre l'avion. Les Verts ont refusé
de voter la convention de financement. La
réhabilitation des lignes existantes permet
trait, selon eux, d'y faire fonctionner le TGV.
« Archaïques ! » éructe Pierre Cohen. Mais les
écologistes n'en démordent pas, estimant
que l'investissement néces
saire à la grande vitesse « grè
vera la capacité des collectivités
à répondre aux besoins urgents
en matière de transports urbains
et régionaux ». Transport pour
tous contre transport du busi
ness et des touristes, le débat
n'est pas médiocre. Reste que
le nombre de voyageurs entre Toulouse et
Paris plaide en faveur des socialistes : on
compte près de 2,2 millions de passagers
entre Blagnac et Orly en 2010. L'argument
ne fait pas ciller Régis Godec, qui donne au
passage une leçon de réalisme : « Sur le fond,
les socialistes savent bien que la LGV ne se fera
pas tant que l'Etat refusera de financer sa part.
Mais la ville et les collectivités de gauche signent
le protocole de financement dans le seul but d'in
carner le volontarisme politique. On ferait mieux
de travailler sur un projet alternatif »
A trois ans des municipales, la crispation
des alliés verts alarme les amis du maire. De
fait, les patrons toulousains d'EELVne cher
chent plus à se montrer diplomates. «U y a
aujourd'hui trop de divergences entre nous pour
partir sur une liste commune au premier tour »,
lâche l'un d'eux. Lors des dernières canto
nales, Les Verts ont arraché le canton de
Colomiers au PS. Mais, pour l'heure, le pre
mier magistrat, premier concerné, se mure
dans le silence. En 2008, pourtant, il n'a été
élu qu'avec à peine 1 000 voix d'avance sur
son rival JeanLuc Moudenc. ■
^ÏÏs 5ff Ï8S#
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Le Mirail attend toujours; un miracle En 2008, la majorité des habitants de ce quartier
où le taux de chômage atteint 40 % ont voté
socialiste, avec l'espoir de voir leurs conditions
de vie s'améliorer. Attente, pour l'instant, déçue...
C 'est un quart ier qui n 'est ni
délabré ni enclavé, et où trône
une fac de lettres. Depuis la
Reynerie, Bellefontaine ou
MirailUniversité, les trois
ensembles qui c o n s t i t u e n t
le Mirail, quinze minutes de
métro suffisent pour rejoindre le Capi
tole, sans changement . Pour tan t , le
sentiment d'exclusion s'est incrusté au
pied des barres de ces cités séparées de
la ville par de vastes zones industrielles.
Les émeutes de 1998 et de 2005, à la Rey
nerie et à Bellefontaine, n 'ont pas été
oubliées non plus, à l'intérieur du péri
phérique. Aux municipales de 2008, les
40 000 habitants du Mirail, accablés par
40 % de chômage, ont voté massivement
pour le socialiste Pierre Cohen.
Quel bilan, trois ans plus tard ? Rien de
rose, vu du Mirail. Un dégradé d'humeurs,
du maussade au franchement remonté. Le
grand projet de ville (GPV) suscite mille
crispations. Il a été lancé en 2005, sous la
droite donc, avec pour objectif de réduire
de 67 à 50 % la proportion de logements
sociaux et de remplacer 1 363 apparte
ments par des logements neufs regroupés
dans des immeubles plus petits (six étages
« On ne reconstruit pas autant qu'on détroit» Ce incroyable dans un conte de pénurie de logements
au plus). Dominique, 43 ans, trois enfants,
sans emploi, n'est pas dupe : « On ne recons
truit pas autant qu'on détruit. C'est incroyable
dans un contexte de pénurie de logements,
notamment pour les familles nombreuses : dans
les nouvelles constructions, il n'y a plus de F5 ou
de F6. On veut faire dégager les gamins des cages
d'escalier. » Résultat, beaucoup de familles
sont relogées en dehors du quartier.
Farida, la trentaine, n'envie pas ceux
qui ont hérité d'un pavillon à SaintJean
ou à Borderouge : « Us ne sont pas contents,
les loyers sont plus élevés. Ils se sentent cou
pés de tout, loin du marché où Us pouvaient
acheter des chaussures à 5 € Ils sont loin des
commodités du quartier, les mères sont loin
des autres mères et des solidarités familiales. »
Bref, les démolitions chamboulent les
modes de vie : « Les personnes âgées qui ont
vécu trente ans en immeuble ne connaissent
pas le chauffage individuel et font n'importe
quoi. Et les jeunes, ils reviennent tout le temps.
Il faut comprendre : ils se retrouvent dans des
petites zones pavillonnaires blanches classe
moyenne, où les gens n'ont pas du tout envie
de voir des 'Arabes". »
Un maire porté disparu
De plus, ajoute Khadour, le patron du bar
Le Bellefontaine, face au commissariat,
« avec la démolition des barres, le centre com
mercial de la cité souffre. Certains commerçants
ne peuvent plus payer les charges. On a écrit au
maire ». Pas de réponse. Comme d'habi
tude, selon les habitants. Pour l'exrespon
sable de l'association des commerçants
du quartier, quadra à queuedecheval
grise et polo Burberry, Pierre
Cohen n'est pas porté sur le
dialogue. « Pendant dix ans,
gf» j'étais un interlocuteur régulier
de la mairie, une sorte de réfé
ÏX*6 rent. Quand je demandais des
I . . travaux, ils étaient faits dans les
* quarantehuit heures, précise
Khadour, qui a vu tous les
édiles précédents défiler à son comptoir.
Cohen, je ne l'ai vu qu'en photo... C'est un gars
qui va travailler avec son cartable le matin et
qui s'en fout. »
Les mamans du quart ier ont aussi
fait les frais du manque de concertation.
La mairie propose des repas gratuits à
la cantine pour les enfants des familles
modestes. « Mais, faute de repas halal, ou à
défaut végétarien, la plupart des familles du
Mirail ne profitent pas de cette aide ! » rigole
une dame voilée. Une autre dénonce une
« gestion autoritaire et méprisante. On a mal
vécu que la conseillère municipale chargée des
écoles dise à l'inspectrice d'académie que les
parents d'élèves de la Reynerie étaient "manipu
lés". Tout ça parce qu'on réclamait la réparation
d'une fuite dans le toit de l'école Gallia ! »
Place du Capitole, on balaie ces cri
tiques. Le GPV ? « Les résultats des travaux se
verront dans trois ans », promet Régis Godec,
adjoint de secteur au Mirail. Le manque
de concertation ? « Dans les réunions, les
gens ne viennent pas, on voit toujours les
mêmes associations... » poursuitil. En revan
che, les habitants du Mirail oublieraient
un peu vite que « Pierre Cohen a rétabli les
patrouilles de la police municipale au Mirail,
alors que, sous la droite, elle se cantonnait
au centreville ». Mourad Gherbi, ancien
proche du PS, désormais en rupture, se
gondole : « Ils passent dans le quartier en voi
ture, sans s'arrêter. Surtout les jours de mar
ché de plein vent, pour déplacer les gens qui se
mettent devant les entrées de pompiers... » Et
l'Office de la tranquillité, numéro Vert
que tout Toulousain peut appeler à n'im
porte quel moment afin qu'une équipe de
médiateurs intervienne en cas de conflit
de voisinage ou de nuisances ? « L'habitant
du Mirail, il n'appelle pas l'Office de la tran
quillité. Et c'est mieux... Les médiateurs, les
pauvres, ils se retrouveraient séquestrés dans
un coffre ! Nous, s'il y a un problème, on fait le
17 », poursuit Gherbi, hilare. ■
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MARIANNE Lundi 20 Juin 2011
Aï Estelle Barreyre, 26 ans, photographe d'origine
japonaise :
■ J'ai pour cette ville Ht un attachement mêlé
de crainte. Je ne sais pas si je resterai encore longtemps ici.
D r a n , 30 ans, artiste de rue :
On part d'ici pour mieux y revenir. Il y a une énergie artistique toujours palpable.
Romain Cujives, 26 ans, conseiller municipal
délégué à la vie étudiante,
membre de la communauté urbaine
du Grand Toulouse :
C'est une ville jeune, dynamique, chargée d histoire et insoumise. Ses habitants ont le regard fier de ceux qui ne doutent pas.
VaneSSa S p i t e r i , 26 ans, danseuse franco-américaine,
membre du corps de ballet du Capitole :
HJ Avec Toulouse, c'a été un vrai coup de cœur. ^H La vie culturelle y est très riche, palpitante
pour les jeunes artistes. Depuis mon arrivée, en septembre 2009, j'en profite au maximum.
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MARIANNE Lundi 20 Juin 2011
Moussa Sissoko, 22 ans, footballeur au TéFéCé, d'origine malienne :
f Les valeurs du Sud-Ouest insufflent du dynamisme à notre jeunesse. Il existe ici une authentique convivialité.
TT-à
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MARIANNE Lundi 20 Juin 2011
Divisés par des affrontements internes,
les adversaires de Pierre Cohen ont peu de
chances de lui succéder en 2014. Certains,
dans leur propre camp, en viennent
à souhaiter un improbable parachutage. La droite a des lieutenants... mais pas de général !
René Bouscatel, président du Stade toulousain, se verrait bien au Capitole.
C hemise blanche et cravate rouge. Un visage poupin et des mocassins. L'UMP JeanLuc Moudenc, prédécesseur de Pierre Cohen au Capitole et patron du groupe d'opposition « Toulouse pour tous » à la mairie, n'est « pas
une vedette », admetil. Et c'est bien ce que lui reproche la droite toulousaine, qui vit mal son rôle d'opposante, après trentesept années passées aux manettes de la ville. Et la reconquête n'est pas pour demain, à entendre les « amis » de Moudenc...
En tout cas, elle est mal engagée... A Noël dernier, le président du Stade toulousain, le très médiatique René Bouscatel, qui se dit « apolitique » mais siégeait à la mairie avec la droite, a fait sécession. Le renégat a emmené avec lui une poignée de proches de Philippe DousteBlazy, éphémère locataire du Capitole. En miettes, le groupe « Toulouse pour tous » du malheureux Moudenc. Le quarteron de dissidents centristes, fédérés sous la bannière Toulouse Métropole, reproche à l'exmaire ses tendances autocratiques, ses dérives
droitières, ses erreurs pohtiques. Dans une ville qui a voté PS à 58 % à la présidentielle de 2007, et alors que Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages, Moudenc s'est en effet battu comme un chiffonnier pour ravir en 2010 la tète de l'UMP locale à l'eurodéputée Christine de Veyrac, une proche de Douste. « C'est une bourde. Il aurait dû laisser à un proche le soin d'assumer la politique de Sarko ! analyse un expatron de la fédération départementale. Mais, pour ça, il faut faire confiance à ses amis... »
Fabrique de désespérés
Atomisée, « la droite toulousaine est en position défensive », constate Serge Didier, ancien équipier de Baudis et de DousteBlazy, qui a rejoint Toulouse Métropole à reculons. En conseil municipal, l'avocat ne se prive plus de voter contre son camp, comme récemment sur le plan de développement urbain. « En mars dernier, insistetil, on n'a
■ pris qu'un seul canton à la gauche. Et encore, parce qu'elle était divisée ! » Selon lui, « Moudenc est un numéro deux, pas un numéro un. Même si Baudis le soutient sur commande de l'Elysée et lui apporte son aura ». « Clairement, on a les lieutenants, il nous manque un général », renchérit Marie Déqué, élue de Toulouse Métropole. Manière de dire que, si elle a lâché Moudenc, elle ne croit pas davantage aux chances de René Bouscatel.
Celuici assure ne pas viser le Capitole. De toute façon, à trois ans des municipales, le président du Stade toulousain est déjà plombé. « Il avait sollicité la tête de liste socialiste en 2001, et, ne l'obtenant pas, il avait finalement accepté une troisième place sur la liste de droite, rappelle un élu UMP. Dix ans
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MARIANNE L u n d i 2 0 J u i n 2 0 1 1
L'UMPJean-Luc Moudenc, prédécesseur de Pierre Cohen au Capitole et patron de l'UMP locale : « Je ne suis pas une vedette », admet-il.
après, il divise la droite. C'est à se demander
pour qui il roule vraiment... » Marie Déqué ne
s'en cache pas : elle a sollicité JeanFrançois
« Le poulain, c'est pas important» se rassurent les élus de droite. Notre allié c'est le calendrier, »
Copé pour qu'il « envoie de Paris une tête d'af
fiche, un quadra si possible... Mais on me répond
que les parachutages, ça ne marche jamais ».
Conforté par Paris, sans rival réel mais
lucide quant au délitement de ses trou
pes, JeanLuc Moudenc vient de publier sa
version critique du bilan de Pierre Cohen à
mimandat, intitulé Toulouse
s'endort. Il y est question d'ar
gent gaspillé, de politiques
petit bras et d'immobilisme...
Moudenc, qui cosigne l'édito
avec l ' i cône Domin ique
Baudis, l'a fait distribuer à
172 000 exemplaires dans la
ville. Une façon d'installer
dans les esprits les axes de la reconquête,
en 2014. « On fera campagne sur des thèmes
classiques, annoncetil. La sécurité qu'il faut
rétablir, la propreté de la ville et une politique
de transports ambitieuse. Depuis 2009, deux fois
par mois, je vais dans un quartier de 9 heures
à 21 heures. Je déjeune au troquet du coin, je
vais embrasser le troisième âge... » «Je suis popu
laire », assuretil.
Mais nul n'est prophète en son pays,
décidément. « Moudenc est toujours sur le
petit quotidien trivial, il manque de hauteur »,
le crucifie Marie Déqué. Quoi qu'il en soit,
« le poulain, c'est pas important, tranchent
en choeur les élus de droite à la cafétéria
du conseil régional. Notre allié, c'est le calen
drier ». Tous espèrent que la gauche, si elle
arrive à l'Elysée en 2012, aura fabriqué des
désespérés qui se jetteront dans les bras de
l'opposition en 2014... ■
jfct îmmmmum tiroame ai service de la capitale
Pendant très longtemps, Toulouse, ville de droite, était seul contre tous*.
Les villages alentour, le conseil général de Haute-Garonne, le conseil régional de Midi-Pyrénées, tout était piloté par la gauche. L'élection de Pierre Cohen en 2008 a mis fin à cet isolement. Son premier geste politique a été de prendre la tête de la communauté
d'agglomération et de la transformer, l'année dernière, en communauté urbaine, rebaptisée Grand Toulouse. L'objectif : concentrer plus de moyens pour financer des objectifs pensés à l'échelle de l'agglomération. Effet pervers : Toulouse est la seule grande ville de la région et certaines de ses voisines ont le sentiment que la Ville rose aspire le plus
gros des investissements (notamment en matière de transports). Certaines communes tirent tout de même leur épingle du jeu, comme Tournefeuille, banlieue « chic » de Toulouse en plein développement, dont le maire PS, Claude Raynal, est président délégué de la communauté urbaine et proche de Cohen. Reste que l'omniprésence
toulousaine préfigure à moyen terme la création de Toulouse Métropole. Une perspective qui inquiète Pierre Izard, le patron socialiste du département. Chaque jour, en effet, il voit ses compétences en matière de transports, de développement économique ou de logement grignotées un peu plus par la ville-centre... ■
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MARIANNE Lundi 20 Juin 2011
Pascal Dessaint, la plume trempée dans le réel
D rôle d'endroit pour
une rencontre : le
pa rk ing Vinci de
la place des Car
mes . Mais Pascal
Dessaint, auteur de
romans noirs « made
in Toulouse », a son idée. L'as
censeur qui sent l'urine s'en
vole vers le sixième étage,
point culminant de la ville où
les touristes ne se hisseront
jamais au t r emen t que par
hasard. « Regarde comme cette
ville est plate ! lancetil en poin
tant la proue du bâtiment. Le
clocher SaintSernin et la tour octo
gonale des Jacobins surnagent, et
puis c'est la ligne verte qui dessine
la Garonne, le Stadium et le ter
rain où était AZF. » On tourne,
accablé sous 30 °C, au milieu
du vol des martinets. La Ville
rose est orange, mais ce n'est
qu'un détail : « Toulouse, ce qui
lui pend au nez, c'est de devenir
une ville musée. Elle manque
de plus en plus de contrastes »,
déplore l'écrivain aux boucles
brunes.
Pour éviter que la ville ne
se laisse enfermer dans une
boule à neige, Dessaint se
démène à longueur de pages afin de lui
donner chair. En quittant son Nord natal
(CoudekerqueBranche) il y a vingtsept
ans, l'auteur a fait un grand écart clima
tique et économique : «J'ai quitté une région
victime du capitalisme sauvage pour un eldo
rado technologique. » Fan de Bukowski et de
Noir Désir, il a planté à Toulouse le décor
d'une série de polars sociaux.
Loin des humains, paru en 2005, plonge
dans le quotidien des employés qui ont
survécu à l'explosion de l'usine chimique
AZF, le 21 septembre 2001. «Je travaillais
sur l'usine avant que la catastrophe survienne,
depuis que des amis écolos m'avaient averti
sur les dangers du site. Mon idée, à ce stade,
c'était d'écrire sur le risque industriel. Grâce à
Soutien de Pierre Cohen en 2008, ce romancier venu du Nord a fait de Toulouse, où il vit depuis vingt-sept ans, le décor de ses polars sociaux.
l'explosion, je suis revenu aux failles humaines,
aux angoisses de société. » Dans une autre
nouvelle, il raconte la mort d'une SDF à
l'écluse du Ramier, sur fond de crue de la
Garonne. Bizarrement, l'affaire Patrice
Allègre, avec son cortège de filles assas
sinées, de magistrats malsains, de flics
incapables et de prostituées mythomanes,
l'a laissé sec. « Les sériai killers ne m'intéres
sent pas. Et puis c'est trop tôt. J'ai besoin du
dossier, desPV, des faits pour pouvoir inventer. »
Il pourrait avoir accès à l'instruction, vu
l'étendue de son réseau d'« informateurs »
dans la ville... Justement, le type jean et
RayBan qui vient lui serrer la main est
juge. Dessaint raconte aussi comment
il a « accouché » un policier toulousain
qui venait de pratiquer huit
autopsies : « un gars chargé
d'une tension incroyable. La
vertu du roman noir, c'est de
mentir vrai, il faut être fidèle au
réel ». C'est par souci de préci
sion qu'il avait disséqué avec
la même minutie les mêlées
de rugby dans Du bruit sous
le silence, en 1999. « Michalak
a un bar, les autres ont aussi
des affaires en ville. Leur succès
raconte la réussite de Toulouse »,
explique Dessaint, également
animateur du festival Polars
des Suds. Et les couleurs du
stade toulousain, rouge et
noir, lui « plaisent bien, en tant
que libertaire ».
Militant contemplatif
Dans ses livres, il est forcé
ment question de la vie des
flics à Toulouse. Il voit parfois
JeanPierre Havrin, expolicier
mis au rencart par Nicolas
Sarkozy qui lui reprochait
d'avoir mis sur pied la police
de p r o x i m i t é , déso rma i s
chargé de la sécurité à la mai
rie de Toulouse. En dépit des
mises en garde de son copain
Magyd Cherfi, chanteur du groupe Zebda,
en 2008, Dessaint a soutenu le socialiste
Pierre Cohen. « On a mouillé la chemise »,
souritil, ne regrettant pas son choix un
seul instant : «J'ai toujours déploré le manque
d'audace architecturale de cette ville. Cohen a
recruté des architectes de génie pour repenser
Toulouse. Ça méfait rêver. » Et puis... depuis
2003, Dessaint est devenu un auteur de
roman noir à tendance verte, passionné
de nature, qui apprécie que les écolos se
mêlent de la ville. Militant contemplatif, il
se «félicite que la nouvelle municipalité ait fait
revenir le hibou petit duc au jardin des Plantes
et qu'elle ait créé de petits HLM en ville pour les
insectes pollinisateurs ». Toujours fasciné, en
somme, par la vie des toutpetits. ■
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