DR FR61 La différence et la représentation orgique

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Deleuze DR FR61 La différence et la représentation orgique (Leibniz, Hegel)

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La diffrence et la reprsentation orgique (l'infiniment grand et l'infiniment petit), 61 . Le fondement comme raison, 62 . Logique et ontologie de la diffrence selon Hegel : la contradiction, 64 . Logique et ontologie de la diffrence selon Leibniz : la vice-diction (continuit et indiscernables), 66. Comment la reprsentation orgique ou infinie de la diffrence n'chappe pas aux quatre aspects prcdents, 69 .

La diffrence et la reprsentation orgique (l'infinimentgrand et l'infiniment petit), 6 1 L'preuve du Petit et du Grand nous a sembl fausser la slection, parce qu'elle renonait un concept propre de la diffrenceau profit des exigences de l'identit du concept en gnral.

Elle fixait seulement les limites entre lesquelles la dterminationdevenait diffrence en s'inscrivant dans le concept identique ou dans les concepts analogues (minimum et maximum).

C'est pourquoila slection qui consiste faire la diffrencenous a paru avoir un autre sens :

laisser paratre et se dployer les formes extrmes dans la simple prsence d'un tre univoque

plutt que de mesurer et de rpartir des formes moyennes d'aprs les exigences de la reprsentation organique.

Toutefois pouvons-nous dire que nous avons puis toutes les ressources du Petit et du Grand, pour autant qu'ils s'appliquent la diffrence ?

N'allons nous pas les retrouver comme une alternative caractristique des formes extrmes elles-mmes ?

Car l'extrme semble se dfinir par l'infini dans le petit ou dans le grand.

L'infini, en ce sens,signifie mme l'identit du petit et du grand, l'identit des extrmes.

Quand la reprsentation trouve en soi l'infini, elle apparat comme reprsentation orgique, et non plus organique :

elle dcouvre en soi le tumulte, l'inquitude et la passion sous le calme apparent ou les limites de l'organis.

Elle retrouve le monstre.

Alors il ne s'agit plus d'un heureux moment qui marquerait l'entre et la sortie de la dtermination dans le concept en gnral,

le minimum et le maximum relatifs, le punctum proxitnutnet le punclum remolum.

Il faut au contraire un oeil myope,un oeil hypermtrope, pour que le concept prenne sur soi tous les moments :

le concept est maintenant le Tout, soit qu'il tende sa bndiction sur toutes les parties,

soit que la scission et le malheurles parties se rflchissent en lui pour recevoir une sorte d'absolution.

Le concept suit donc et pouse la dtermination d'un bout l'autre, dans toutes ses mtamorphoses, et la reprsente comme pure diffrence en la livrant un fondement, par rapport auquelil n'importe plus de savoir si l'on se trouve devant un minimum ou un maximum relatifs, devant un grand ou un petit, ni devant un dbut ou une fin, puisque les deux concident dans le fondement comme un seul et mme moment total , qui est aussi bien celui de l'vanouissement et de la production de la diffrence,celui de la disparition et de l'apparition.

Le fondement comme raison, 6 2 .On remarquera en ce sens quel point Hegel, non moins que Leibniz, attache de l'importance au mouvement infini de l'vanouissement comme tel, c'est--dire au moment o la diffrence s'vanouit qui est aussi celui o elle se produit.

C'est la notion mme de limite qui change compltement de signification : elle ne dsigne plus les bornes de la reprsentation finie, mais au contraire la matrice o la dtermination finie ne cesse pas de disparatre et de natre, de s'envelopper et de se dployer dans la reprsentation orgiaque.

Elle ne dsigne plus la limitation d'une forme, mais la convergence vers un fondement ;

non plus la distinction des formes, mais la corrlation du fond avec le fondement;

non plus l'arrt de la puissance, mais l'lment dans lequel la puissance est effectue et fonde.

Le calcul diffrentiel en effetn'est, pas moins que la dialectique, affaire de puissance ,et de puissance de la limite.

Si l'on traite les bornes de la reprsentation finie comme deux dterminations mathmatiques abstraites qui seraient celles du Petit et du Grand, on remarque encore qu'il est tout fait indiffrent Leibniz (comme Hegel) de savoir si le dtermin est petit ou grand, le plus grand ou le plus petit ;

la considration de l'infini rend le dtermin indpendant de cette question, en le soumettant un lment architectonique qui dcouvre dans tous les cas le plus parfait ou le mieux fond1.

C'est en ce sens que la reprsentation orgique doit tre dite faire la diffrence, puisqu'elle la slectionne en introduisant cet infiniqui la rapporte au fondement

(soit un fondement par le Bien qui agit comme principe de choix et de jeu,

soit un fondement par la ngativit qui agit comme douleur et travail). Et si l'on traite les bornes de la reprsentation finie, c'est--dire le Petit et le Grand eux-mmes, dans le caractre ou le contenu concrets que leur donnent les genres et les espces, l encore,

l'introduction de l'infini dans la reprsentation

rend le dtermin

indpendant du genre comme dterminable

et de l'espce comme dtermination,

en retenant dans un moyen terme

aussi bien l'universalit vraiequi chappe au genre

que la singularit authentique qui chappe l'espce.

Bref, la reprsentation orgique a pour principe le fondement, et l'infini comme lment

contrairement la reprsentation organique qui gardait pour principe la forme et pour lment le fini.

C'est l'infini qui rend la dterminationpensable et slectionnable :

la diffrence apparat donc commela reprsentation orgique de la dtermination, non plus commesa reprsentation organique.

Au lieu d'animer des jugements sur les choses, la reprsentation orgique fait des choses mmes autant d'expressions, de propositions :

propositions analytiques ou synthtiques infinies.

Mais pourquoi y a-t-il une alternative dans la reprsentation orgique,

alors que les deux points, le petit et le grand, le maximum et le minimum, sont devenus indiffrents ou identiques dans l'infini,

et la diffrence, tout fait indpendante d'eux dans le fondement ?

C'est que l'infini n'est pas le lieu o la dtermination finie a disparu (ce serait projeter dans l'infini la fausse conception de la limite).

La reprsentation orgique ne peut dcouvrir en soi l'infini qu'en laissant subsister la dtermination finie, bien plus,en disant l'infini de cette dtermination finie elle-mme, en la reprsentant non pas comme vanouie et disparue, mais comme vanouissante et sur le point de disparatre, donc aussi biencomme s'engendrant dans l'infini.

Cette reprsentation est telle que l'infini et le fini y ont la mme inquitude , qui permet prcisment de reprsenter l'un dans l'autre.

Mais quand l'infinise dit du fini lui-mme sous les conditions de la reprsentation, il a deux manires de se dire :

ou bien comme infiniment petit, ou bien comme infiniment grand.

Ces deux manires, ces deux diffrences, ne sont nullement symtriques.

La dualit se rintroduit ainsi dans la reprsentation orgique, non plus sous forme d'une complmentarit ou d'une rflexion de deux moments finis assignables

(comme c'tait le cas pour la diffrence spcifiqueet la diffrence gnrique),

mais sous forme d'une alternativeentre deux processus inassignables infinis sous forme d'une alternative entre Leibniz et Hegel.

S'il est vrai que le petit et le grand s'identifient dans l'infini, l'infiniment petit et l'infiniment grand se sparent nouveau, et plus durement, pour autant que l'infini se dit du fini.

Leibniz et Hegel, chacun d'eux sparment chappe l'alternative du Grand et du Petit,

mais tous deux ensemble retombent dans l'alternative de l'infiniment petit et de l'infiniment grand.

C'est pourquoi la reprsentation orgique s'ouvre sur une dualit qui redouble son inquitude, ou mme qui en est la vritable raison, et la divise en deux types.

Logique et ontologie de la diffrence selon Hegel :la contradiction, 6 4

Il apparat que la contradiction , selon Hegel, fait, fort peu problme.

Elle a une tout autre fonction : la contradiction se rsout et, se rsolvant, rsout la diffrence en la rapportant un fondement.

La diffrence est le seul problme.

Ce que Hegel reproche ses prdcesseurs, c'est d'en tre rests un maximum tout, relatif, sans atteindre au maximum absolu de la diffrence,c'est--dire la contradiction,

l'infini (comme infiniment grand) de la contradiction.

Ils n'osrent pas aller jusqu'au bout : La diffrence en gnral est dj contradiction en soi... C'est seulement lorsqu'il est pouss la pointe de la contradiction que le vari, le multiforme s'veille et s'anime, et que les choses faisant partie de cette varit reoivent la ngativit qui est la pulsation immanente du mouvement, autonome, spontan et vivant... Quand on pousse assez loin la diffrence entre les ralits,on voit la diversit devenir opposition, et par consquent contradiction,de sorte que l'ensemble de toutes les ralits devient son tour contradiction absolue en soi [footnoteRef:1]. [1: 1. HEGEL, Logique, t. II , pp. 57 , 70 et 71 . Cf. aussi Encyclopdie, 116-122. Sur ce passage de la diffrence l'opposition, et la contradiction, cf. les commentaires de Jean HYPPOLITE, Logique el existence (Tresses Universitaires de France, 1953 ) , pp. 146-157]

Hegel, comme Aristote,dtermine la diffrence par l'opposition des extrmes ou des contraires.

Mais l'opposition reste abstraite tant qu'elle ne va pas l'infini, et l'infini reste abstrait chaque fois qu'on le pose hors des oppositions finies :

l'introduction de l'infini, ici, entranel'identit des contraires, ou fait du contraire de l'Autre un contraire de Soi.

Il est vrai que la contrarit reprsente seulement dans l'infini le mouvement de l'intriorit ;

celui-ci laisse subsister de l'indiffrence, puisque chaque dtermination, en tant qu'elle contient l'autre, est indpendante de l'autre comme d'un rapport avec l'extrieur.

Il faut encore que chaque contraireexpulse son autre, s'expulse donc lui-mme, et devienne l'autre qu'il expulse.

Telle est la contradiction, comme mouvement del'extriorit ou de l'objcctivation relle, constituant la vraie pulsation de l'infini.

En elle se trouve donc dpasse la simple identit des contraires, comme identit du positif et du ngatif.

Car ce n'est pas de la mme faon que le positif et le ngatif sont le Mme ; maintenant le ngatif est la fois le devenir du positifquand le positif est ni, et le revenir du positif quand il se nie lui-mme ou s'exclut.

Sans doute chacun des contraires dtermins comme positif et ngatif tait dj la contradiction, mais le positif n'est cette contradiction qu'en soi, tandis que la ngation est la contradiction pose .

C'est dans la contradiction pose que la diffrence trouve son concept propre, qu'elle est dtermine comme ngativit, qu'elle devient pure, intrinsque, essentielle, qualitative, synthtique, productrice, el ne laisse pas subsister d'indiffrence.

Supporter, soulever la contradiction,est l'preuve slective qui fait la diffrence (entre l'effectivement-rel et le phnomne passager ou contingent).

Ainsi la diffrence est pousse jusqu'au bout, c'est--dire jusqu'au fondementqui n'est pas moins son retour ou sa reproduction que son anantissement.

Cet infini hglien, bien qu'il se dise de l'opposition ou de la dtermination finies, c'est encore l'infiniment grand de la thologie,de YEns quo nihil majus...

On doit mme considrer que la nature de la contradiction relle, en tant qu'elle distingue une chose de tout ce qu'elle n'est pas, a t pour la premire fois formule par Kant, qui la fait dpendre, sous le nom de dtermination complte , de la position d'un tout de la ralit comme Eus summum.

Il n'y a donc pas lieu d'attendre un traitement mathmatique de cet infiniment grand thologique, de ce sublime de l'infiniment grand. Logique et ontologie de la difference selon Leibniz : la vice-diction (continuit et indiscernables), 66II n'en est pas de mme chez Leibniz.Car, pour la modestie des cratures, pour viter tout mlange de Dieu et des cratures, Leibniz ne peut introduire l'infini dans le fini que sous la forme de l'infiniment petit.

En ce sens, pourtant,on hsitera dire qu'il va moins loin que Hegel.

Lui aussi dpasse la reprsentation organique vers la reprsentation orgique, bien qu'il le fasse par un autre chemin.

Si Hegel Dcouvre dans la reprsentation sereine l'ivresse el l'inquitude de l'infiniment grand,

Leibniz dcouvre dans l'ide claire finie l'inquitude de l'infiniment petit, faite aussi d'ivresse, d'tourdissement,d'vanouissement, mme de mort.

Il semble donc que la diffrenceentre Hegel et Leibniz lient aux deux faons de dpasser l'organique.

Certes, l'essentiel et i'inessentiel sont insparables,comme l'un et le multiple, l'gal et l'ingal, l'identique et le diffrent.

Mais Hegel part de l'essentiel comme genre; et l'infini est ce qui met la scission dans le genre, et la suppression de la scission dans l'espce.

Le genre est donc lui-mme et l'espce, le tout est lui-mme ella partie.

Ds lors, il contient l'autre en essence,il le contient essentiellement[footnoteRef:2]. [2: 1. Sur l'infini, le genre et l'espce, cf. Phnomnologie (trad. IIYPPOLITK,Aubier), t. I , pp. 135-138, 149-151, 243-247.]

Leibniz au contraire, en ce quiconcerne les phnomnes, part de l'inessentiel du mouvement, de l'ingal, du diffrent.

C'est l'inessentiel, en vertu de l'infiniment petit, qui est maintenant pos comme espce et comme genre,

et qui se termine ce titre dans la quasi-espce oppose : ce quisignifie qu'il ne contient pas l'autre en essence, mais seulement en proprit, en cas.

Il est faux d'imposer l'analyse infinitsimalel'alternative suivante : est-ce un langage des essences, ou une fiction commode ?

Car la subsomption sous le cas , ou le langage des proprits, a son originalit propre.

Ce procd de l'infiniment petit, qui maintient la distinction des essences (en tant que l'unejoue par rapport a l'autre le rle de l'inessentiel),

est tout fait diffrent de la contradiction ;

aussi faut-il lui donner un nom particulier, celui de vice-diction .

Dans l'infiniment grand,l'gal contredit l'ingal, pour autant qu'il le possde en essence,et se contredit lui-mme pour autant qu'il se nie lui-mme en niant l'ingal.

Mais dans l'infiniment petit, l'ingal vice-dit l'gal, et se vice-dit lui-mme, pour autant qu'il inclut en cas ce qui l'exclut en essence.

L'inessentiel comprend l'essentiel en cas,

tandis que l'essentiel contenait l'inessentiel en essence.

Doit-on dire que la vice-diction va moins loin que la contradictionsous prtexte qu'elle ne concerne que les proprits?

En ralit,l'expression diffrence infiniment petite indique bien que la diffrence s'vanouit par rapport l'intuition ;

mais elle trouve son concept, et c'est plutt l'intuition qui s'vanouit elle-mmeau profit du rapport diffrentiel.

Ce qu'on montre en disant que dx n'est rien par rapport x,

ni dy par rapport y,

mais que ^ est le rapport qualitatif interne, exprimant l'universel d'une fonction spare de ses valeurs numriques particulires.

Mais si le rapport n'a pas de dterminations numriques, il n'en a pas moins des degrs de variation correspondant des formeset quations diverses.

Ces degrs sont eux-mmes comme les rapports de l'universel;

et les rapports diffrentiels, en ce sens, sont pris dans le processus d'une dtermination rciproquequi traduit l'interdpendance des coefficients variables[footnoteRef:3]. [3: 1. Cf. LEIBNIZ, Nova eatcuti differenlialis applicalio... (1964). Sur unprincipe de dtermination rciproque, tel que Salomon Maimon le tire deLeibniz, cf. M. GUROULT, La philosophie Iranscendanlale de Salomon Malmon,Alcan dit., pp. 75 sq. (mais Maimon, ni Leibniz, ne distinguent la dterminationrciproque des rapports et la dtermination complte de l'objet;.]

Mais encore, la dtermination rciproque n'exprime que le premier aspect d'un vritable principe de raison;

le deuxime aspect estla dtermination complte.

Car chaque degr ou rapport, Pris comme l'universel d'une fonction, dtermine l'existence et la rpartition de points remarquables le la courbe correspondante.

Nous devons prendre grand soin, ici, de ne pas confondre le complet avec l'entier;

c'est que, pour l'quation d'une courbe par exemple, le rapport diffrentiel renvoie seulement des lignes droites dtermines par la nature de la courbe;

il est dj dtermination complte de l'objet, et pourtant n'exprime qu'une partie de l'objet entier, la partie considre comme drive (l'autre partie, exprime par la fonction dite primitive,ne peut tre trouve que par l'intgration, qui ne se contentenullement d'tre l'inverse de la diffrentiation ; de mme, c'est l'intgration qui dfinit la nature des points remarquables prcdemment dtermins).

C'est pourquoi un objet peut tre compltement dtermin ens omni modo determinatum sans disposer pour cela de son intgrit qui, seule, en constitue l'existence actuelle.

Mais, sous le double aspect de la dtermination rciproque et de la dtermination complte,

il apparat dj que la limite concide avec la puissance mme.

La limite est dfinie par la convergence.

Les valeurs numriques d'une fonctiontrouvent leur limite dans le rapport diffrentiel ;

les rapports diffrentiels trouvent leur limite dans les degrs de variation ;

et chaque degr, les points remarquables sont la limite de sries qui se prolongent analytiquement les unes dans les autres.

Non seulement le rapport diffrentiel est l'lment pur de la potentialit, mais la limite est la puissance du continu, comme la continuit, celle des limites elles-mmes.

La diffrence trouve ainsi son concept dans un ngatif, mais un ngatif de pure limitation,un nihil respectiuum (dx n'est rien par rapport x).

De tous ces points de vue, la distinction du remarquable et de l'ordinaire, ou du singulier et du rgulier, forme dans le continu les deux catgories propres l'inessentiel. Elles animent tout le langage des limites et des proprits,

elles constituent la structuredu phnomne en tant que tel;

nous verrons en ce senstout ce que la philosophie doit attendre d'une distribution des points remarquables et des points ordinaires pour la description de l'exprience.

Mais dj les deux sortes de points prparent et dterminent, dans l'inessentiel, la constitution des essences elles mmes.

L'inessentiel ne dsigne pas ici ce qui est sans importance,mais au contraire le plus profond, l'toffe ou le continuum universel,ce dont les essences elles-mmes sont finalement faites.

En effet, Leibniz pour son compte n'a jamais vu de contradictionentre la loi de continuit et le principe des indiscernables.

L'une rgit les proprits, les affections ou les cas complets,

l'autre, les essences comprises comme notions individuelles entires.

On sait que chacune de ces notions entires (monades)exprime la totalit du monde ;

mais elle l'exprime prcismentsous un certain rapport diffrentiel, et autour de certains points remarquables correspondant ce rapport[footnoteRef:4]. [4: 1. LEIBNIZ, lettre Arnauld (.laiiel, 2e d., I. I, p. 593) : J'avais dit que l'aine exprimant naturellement tout l'univers en certain sens, et selon le rapport que les autres corps ont au sien, et parconsquenl exprimant plus immdiatement ce qui appartient aux parties de son corps, doit, en vertu des lois durapport qui lui sont essentielles, exprimer particulirement quelques mouvementsextraordinaires des parties de son corps. Cf. aussi, dans la Lettre du30 avril 10S7, les degrs de rapport (p. 573).]

C'est en ce sens queles rapports diffrentiels et les points remarquables indiquent dj dans le continu des centres d'enveloppement, des centres d'implication ou d'involution possibles qui se trouvent effectuspar les essences individuelles.

Il suffit de montrer que le continu des affections et des proprits prcde en droit, d'une certaine manire, la constitution de ces essences individuelles (ce qui revient dire que les points remarquables sont eux-mmes des singularits pr-individuelles ;

et ce qui ne contredit nullementl'ide que l'individuation prcde la spcification actuelle, bien qu'elle soit prcde de tout le continu diffrentiel).

Cette condition se trouve remplie dans la philosophie de Leibniz de la manire suivante :

le monde, comme exprim commun de toutes les monades, prexiste ses expressions.

Il est bien vrai pourtantqu'il n'existe pas hors de ce qui l'exprime, hors des monades elles-mmes;

mais ces expressions renvoient l'exprim comme au rquisit de leur constitution.

C'est en ce sens (comme Leibniz le rappelle constamment dans ses lettres Arnauld) que l'inhrence des prdicats dans chaque sujet suppose la compossibilit du monde exprim par tous ces sujets :

Dieu n'a pas cr Adam pcheur, mais d'abord le monde o Adam a pch.

C'est sans doute la continuit qui dfinit la compossibilit de chaque monde ;

et si le monde rel est le meilleur, c'est dans la mesure o il prsente un maximum de continuit dans un maximum de cas, dans un maximum de rapports et de points remarquables.

C'est dire que, pour chaque monde, une srie qui converge autour d'un point remarquable est capable de se prolonger dans toutes les directions dans d'autres sries convergeant autour d'autres points,

l'incompossibilit des mondes se dfinissant au contraireau voisinage des points qui feraient diverger les sries obtenues.

On voit pourquoi la notion d'incompossibilit ne se ramne nullement la contradiction, et n'implique mme pas d'opposition relle :

elle n'implique que la divergence;

et la compossibilittraduit seulement l'originalit du processus de la vice-dictioncomme prolongement analytique.

Dans le continuum d'un monde compossible.

Les rapports diffrentiels et les points remarquablesdterminent donc des centres expressifs (essences ou substances individuelles) dans lesquels, chaque fois, le monde tout entier s'enveloppe d'un certain point de vue.

Inversement ces centres se droulent et se dveloppent en restituant le monde, et en jouant alors eux-mmes le rle de simples points remarquables et de cas dans le continuum exprim.

La loi de continuit Apparat ici comme une loi des proprits ou des cas du monde, une loi de dveloppement, qui s'applique au monde exprim, mais aussiaux monades elles-mmes dans le monde ;

le principe les indiscernables est un principe des essences, un principe d'enveloppement,qui s'applique aux expressions, c'est--dire aux monadeset au monde dans les monades.

Les deux langages ne cessent de se traduire l'un dans l'autre.

Tous deux ensemble rapportent la diffrence, la fois comme diffrence infiniment petite et comme diffrence finie, la raison suffisante en tant que fondement qui slectionne, c'est--dire qui choisit le monde le meilleur le meilleur des mondes, en ce sens, implique bien une comparaison,mais n'est pas un comparatif;

chaque monde tant infini, c'est un superlatif qui porte la diffrence un maximum absolu, dans l'preuve mme de l'infiniment petit.

La diffrence finie Est dtermine dans la monade comme la rgion du monde exprime clairement,

la diffrence infiniment petite comme le fond confusqui conditionne cette clart.

De ces deux manires, la reprsentation orgique mdiatise la dtermination, en fait un concept de la diffrence en lui assignant une raison .

Comment la reprsentation orgique ou infinie de la diffrence n'chappe pas aux quatre aspects prcdents, 6 9 .

La reprsentation finie est celle d'une forme comprenant une matire,

mais une matire seconde en tant qu'informe par les contraires.

Nous avons vu qu'elle reprsentait la diffrence en la mdiatisant,

en la subordonnant l'identit comme genre,

et en assurant cette subordination dans l'analogie des genres eux-mmes,

dans l'opposition logique des dterminations,

comme dans la ressemblance des contenus proprement matriels.

Il n'en est pas de mme de la reprsentation infinie, parce qu'elle comprend le Tout,

c'est--dire le fond comme matire premire,et l'essence comme sujet, comme Moi ou forme absolue.

La reprsentation infinie rapporte la fois l'essence et le fond,

et la diffrence entre les deux, un fondement ou raison suffisante.

La mdiation mme est devenue fondement.

Mais, tantt le fond est la continuit infinie des proprits de l'universel qui s'enveloppe lui-mme dans les Moi particuliers finis considrs comme des essences.

Tantt les particuliers sont seulement des proprits ou des figures qui se dveloppent dans le fond universel infini, mais qui renvoient aux essences comme aux vraies dterminationsd'un Moi pur ou plutt d'un Soi envelopp dans ce fond.

Dans les deux cas, la reprsentation infinie est l'objet d'un double discours : celui des proprits et celui des essences celui des points physiques et celui des points mtaphysiques ou points de vue chez Leibniz,

celui des figures et celui des moments ou catgories chez Hegel.

On ne dira pas que Leibniz aille moins loin que Hegel ;

il y a mme chez lui plus de profondeur, plus d'orgisme ou de dlire bachique, au sens o le fond jouit d'une initiative plus grande.

Mais dans les deux cas aussi, il ne semble pas que la reprsentation infinie suffise rendre la pense de la diffrence indpendante de la simple analogie des essences, ou de la simple similitude des proprits.

C'est que, en dernier ressort,la reprsentation infinie ne se dgage pas du principe d'identitcomme prsuppos de la reprsentation. C'est pourquoi elle reste soumise la condition de la convergence des sries chez Leibniz,et la condition du monocentrage des cercles chez Hegel.

La reprsentation infinie invoque un fondement.

Mais si le fondement n'est pas l'identique lui-mme, il n'en est pas moins une manire de prendre particulirement au srieux le principe d'identit,de lui donner une valeur infinie, de le rendre coextensif au tout,et par l de le faire rgner sur l'existence elle-mme.

Il importe peu que l'identit (comme identit du monde et du moi)

soit conue comme analytique, sous l'espce de l'infiniment petit,

ou comme synthtique, sous l'espce de l'infiniment grand.

Dans un cas, la raison suffisante, le fondement est ce qui vice-dit l'identit ;

dans l'autre cas, ce qui la contredit.

Mais dans tous les cas, la raison suffisante, le fondement, ne fait travers l'infinique conduire l'identique exister dans son identit mme.

Et, ici, ce qui est vident de Leibniz ne l'est pas moins de Hegel.

La contradiction hglienne ne nie pas l'identit ou la noncontradiction; elle consiste au contraire inscrire dans l'existantles deux Non de la non-contradiction,

de telle manire que l'identitsous cette condition, dans cette fondation, suffise penser l'existant comme tel.

Les formules selon lesquelles la chose nie ce qu'elle n'est pas ou se distingue de tout ce qu'elle n'est pas ,sont des monstres logiques (le Tout de ce que n'est pas la chose)au service de l'identit.

On dit que la diffrence est la ngativit,qu'elle va ou doit aller jusqu' la contradiction, ds qu'on la pousse jusqu'au bout.

Ce n'est vrai que dans la mesure o la diffrence est dj mise sur un chemin, sur un fil tendu par l'identit.

Ce n'est vrai que dans la mesure o c'est l'identit qui la pousse jusque-l.

La diffrence est le fond, mais seulement le fond pour la manifestation de l'identique.

Le cercle de Hegeln'est pas l'ternel retour, mais seulement la circulation infinie de l'identique travers la ngativit.

L'audace hglienne est le dernier hommage, et le plus puissant, rendu au vieux principe.

Entre Leibniz et Hegel, il importe peu que le ngatif suppos de la diffrence soit pens comme limitation vice-disante, ou comme opposition contredisante ;

pas plus qu'il n'importe que l'identit infinie soit elle-mme pose comme analytique ou synthtique.

De toute manire, la diffrence reste subordonne l'identit,rduite au ngatif, incarcre dans la similitude et dans l'analogie.

C'est pourquoi,

dans la reprsentation infinie, le dlire n'est qu'un faux dlire prform, qui ne trouble en rien le repos ou la srnitde l'identique.

La reprsentation infinie a donc le mme dfautque la reprsentation finie :

celui de confondre le concept propre de la diffrence avec l'inscription de la diffrence dans l'identit du concept en gnral

(bien qu'elle prenne l'identit comme pur principe infini au lieu de la prendre comme genre,

et qu'elle tende au tout les droits du concept en gnral au lieu d'en fixer les bornes).

1. Sur l'indiffrence au petit ou au grand, cf. L.BIBNIZ. Tenlamen anagngicunx( G . , Ph. Schr., t. V I I ) . On remarquera que, pour Leibniz non moinsque pour Hegel, la reprsentation infinie ne se laisse pas rduire une structuremathmatique : il y a dans le calcul diffrentiel, et dans la continuit, un lmentarchitectonique, non mathmatique ou supra-mathmatique. Inversement,Hegel semble bien reconnatre dans le calcul diffrentiel la prsence d'unvritable infini, qui est l'infini du rapport ; ce qu'il reproche au calcul, c'estseulement d'exprimer ce vritable infini sous la forme mathmatique de la srie >, qui, elle, est un faux infini. Cf. HEGEL, Logique (trad. S. JANKLEVITCH,Aubier), t. I, pp. 264 sq. On sait que l'interprtation moderne rend compteentirement du calcul diffrentiel dans les termes de la reprsentation finie ;nous analysons ce point de vue chapitre I V .