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DROGUES: LIAISONS DANGEREUSES CULTURE DE LA PAIX L’UNESCO ET LES PALESTINIENS COMMUNICATION REGARDS DE FEMMES CONVENTION TOUCHE PAS À MON PATRIMOINE! PATRIMOINE DE FUTURS ANGES GARDIENS UNESCO N° 111 - AVRIL 1999

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DROGUES:LIAISONSDANGEREUSES

● CULTURE DE LA PAIXL’UNESCOET LES PALESTINIENS

● COMMUNICATIONREGARDSDE FEMMES

● CONVENTIONTOUCHE PASÀ MONPATRIMOINE!

● PATRIMOINEDE FUTURSANGESGARDIENS

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Ce mensuel, destiné à l’information, n’est pas undocument officiel de l’UNESCO.Tous les articles sont libres de droit. L’envoi à la rédaction d’unecopie de l’article reproduit serait apprécié. Les photos sans lesigne © sont disponibles gratuitement pour les médias sursimple demande adressée à la rédaction.ISSN 1014 5494

SOMMAIRE

UNESCOest un mensuel publié parl’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et laculture.Tél : (+33 01) 45 68 16 72 Fax : (+33 01) 45 68 56 54. Les éditions en anglais et en françaissont entièrement produites au Siège ; l’édition en espagnol avec le Centre UNESCO deCatalogne, Mallorca 285, 08037Barcelone, Espagne ; l’édition enchinois avec l’Agence Xinhua, 57Xuanwumen Xidajie, Beijing, Chine ;l’édition en portugais avec laCommission nationale pourl’UNESCO, Avenida Infante Santo N°42 - 5°, 1300 Lisbonne Portugal.

Directeur de la publication : R. Lefort. Rédaction en chef: S. Williams.Secrétaire de rédaction: C. Mouillère. Rédaction: N. Khouri-Dagher, C. L’Homme, C. Fox. Version espagnole: L. García (Barcelone), L. Sampedro (Paris). Mise en page, illustrations,infographie: F. Ryan-Jacqueron, G. Traiano. Impression: Maulde & Renou. Distribution par les Servicesspécialisés de l’UNESCO.

Sources UNESCO est accessible surinternet dans les rubriquesNouveautés ou Publications à notreadresse: http://www.unesco.org

POUR S’ABONNER : Journalistes,organisations internationales et nongouvernementales, associations et autresorganismes travaillant dans les domaines decompétence de l’UNESCO peuvent s’abonnergratuitement en écrivant à: SOURCES UNESCO, Abonnements, 7 place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP. Tél. (33 01) 45 68 16 72.Fax : (+33 01) 45 68 56 54.

UNESCO

SCIENCES SOCIALES

Drogues:liaisons dangereusesLe trafic de drogues est devenu le commercemondial le plus important après celui desarmes. Les recherches démontrent son lien deplus en plus étroit avec l’économie officielle..........................................................4

CULTURE DE LA PAIX

L’UNESCO et les PalestiniensLa paix dans les Territoires autonomespalestiniens a besoin de fondations solidessur le terrain. L’UNESCO y travaille.......................................................10

EN BREFDes informations sur l’action de l’UNESCO à travers le monde ainsi que sur sespublications et matériels audiovisuels.......................................................16

COMMUNICATION

Regards de femmesDes femmes indiennes analphabètes filmentleur société pour s’exprimer et faire bougerles gens dans leurs villages.......................................................20CONVENTION

Touche pas à mon patrimoine!Les guerres détruisent souvent desmonuments et biens culturels. Dorénavant, detels crimes sont passibles de jugement.......................................................21

PATRIMOINE

De futurs anges gardiensLes enfants auront demain la charge dupatrimoine mondial: un kit pédagogique del’UNESCO veut les y préparer.......................................................22

La drogue,un gagne-paindans les pays

pauvres.

4

10Apprendrela paix auxnouvellesgénérations.

Voir le monde à travers les yeux des femmes.

20

La biblio-thèque deSarajevo.

21 Couverture: © Alain Labrousse/OGD

DROGUES:LIAISONSDANGEREUSES

● CULTURE DE LA PAIXL’UNESCO ET LESPALESTINIENS

● COMMUNICATIONREGARDSDE FEMMES

● CONVENTIONTOUCHE PASÀ MONPATRIMOINE!

● PATRIMOINEDE FUTURSANGESGARDIENS

UN

ESC

ON

°111 -

AV

RIL

1999

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3

EDITORIAL

la chaîne, la pauvreté aggravée dans denombreux pays par la liberté du mar-ché a rendu la production de droguesplus attirante. Elle permet à des mil-lions de paysans de loger, habiller etnourrir leur famille. Certes il faut réagir, mais comment?Nos sociétés ne mesurent pas à lamême aune la légalité et la moralité. Ladrogue est un phénomène social depuisla nuit des temps. Le tout-répression

serait donc vain: laprohibition de l’alcoolaux États-Unis audébut du siècle a faitexploser le crimeorganisé et la corrup-tion politique, sanspour autant mettre finà la consommation. Ilfaudrait plutôt exami-ner de plus près lesmodes de fonctionne-ment des sociétés, etleurs dysfonctionne-ments, afin de mieuxcomprendre pourquoi

certains consomment des drogues etpourquoi d’autres les cultivent.Le programme MOST de l’UNESCOest partie prenante de cette démarche.Il nous faudra affronter l’imbricationdes activités criminelles dans les éco-nomies, dont l’impact sur le dévelop-pement économique et social est consi-dérable avec leur cortège de violences,de corruption, d’énorme déperditionfinancière, sans parler del’insécurité pour les popu-lations.

Sue Williams

Dans la «guerre» contre ladrogue, qui sont lesméchants? Les paysconsommateurs du Nord

montrent du doigt les pays produc-teurs du Sud: sans eux pas de consom-mateurs. Les pays du Sud rétorquentqu’il n’y aurait pas d’offre sansdemande...Deux positions aussi manichéennesl’une que l’autre finalement, qui empê-chent de lutter effica-cement contre le tra-fic: tout progrès nepeut venir que d’uneffort conjoint desdeux parties. Mais il estvrai qu’il faudrait alorsaffronter des véritésdérangeantes et en finiravec une certaine hypo-crisie.La drogue rapportequelque 400 milliardsde dollars par an (voirp.4). Elle offre unemploi à des millionsde personnes. Elle est aussi devenue unacteur politique de nombreux pays, etun puissant investisseur, dont les injec-tions de capitaux massifs déstabilisentles économies nationales et interna-tionales (voir p.5).Comment en est-on arrivé là? Le trafica explosé il y a vingt ans quand lesmafias ont tiré profit de l’ouverture etdes libertés du marché mondial: nou-velles technologies de l’information,développement des transports et mon-dialisation des systèmes financiers ontfacilité les mouvements illicites dedrogues et d’argent. À l’autre bout de

ÉDITORIAL

EN FINIR AVEC LE MANICHÉISME

“Il faudrait examiner

les modes de fonc-

tionnement des socié-

tés, et leurs dysfonc-

tionnements, afin de

mieux comprendre

pourquoi certains

consomment des

drogues et pourquoi

d’autres les cultivent.

3No 111 - avril 1999”

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Il est au bout d’une longue chaîne.

● Selon le FMI, lesprofits du trafic dedrogue constituent lapart la plus importantedes 500 milliards dedollars d’argent illiciteblanchi chaque année.

● Dans le monde, 200millions de personnesconsommeraient desdrogues illicites demanière régulière ouoccasionnelle.

● En 1970, les autoritéseuropéennes ont saisi54 kg d’héroïne et 1,1 kgde cocaïne; en 1997, ceschiffres s’élevaient à 10tonnes et 39 tonnesrespectivement. Cecireflète l’accroissementde la production plutôtque l’amélioration descontrôles.

● Selon le PNUCID, 90%des profits vont auxtrafiquants, 6% auxpaysans et 2% auxfabricants. «Lestrafiquants doivent êtrela principale cible descontrôles», conclutInterpol.

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4 avril 1999 - N° 111

DROGUES: LIAISONSDANGEREUSESLe trafic de drogues étend son emprise sur toute la planète, profitant de la déré-gulation de l’économie et de la globalisation des marchés financiers.

SCIENCES SOCIALES

Le trafic de drogue dans le mondegénère chaque année des revenusestimés à 400 milliards de dollars,ce qui en fait la deuxième activitééconomique dans le monde, der-

rière l’industrie de l’armement. À l’instar del’industrie automobile, pharmaceutique ou dusecteur bancaire, le commerce de la drogues’est transformé en véritable industrie mon-diale qui ne connaît ni frontière ni nationa-lité. «Les organisations criminelles sont

désormais gérées comme de véritables mul-

tinationales, souligne Interpol, le trafic est

devenu un commerce organisé, faisant cir-

culer d’énormes masses de capitaux,

employant une force de travail importante,

des moyens de transport, des experts, usant

de la corruption et de tous les moyens de

pression et d’influence. Nous avons affaire

à de véritables entreprises, dirigées par des

organisations criminelles comme les car-

tels de la cocaïne de Colombie et du Mexique,

les triades de Hong Kong, de Taiwan et du

reste de la Chine, les Yakuzas du Japon, la

Cosa Nostra de Sicile et de New York, les

mafias de Russie et d’Europe de l’Est».

Toutes sortes de droguesIl est fini le temps où certains pays avaient

tendance à «se spécialiser»: dans tous lescontinents on produit maintenant toutessortes de drogues, pour un marché estimé à200 millions de consommateurs, occasionnelsou réguliers. Les nations de l’ex-Union sovié-tique produisent ainsi 25 fois plus dehaschisch que le reste du monde, selon unrapport du programme MOST de l’UNESCO(voir encadré). Les plantations de coca, tra-ditionnellement concentrées en Bolivie, auPérou et en Colombie, s’étendent désormaisà l’Équateur, au Brésil, au Venezuela, enPanama et Guyana, et leur présence a étésignalée ailleurs dans le monde. Des labo-ratoires fabriquent du chlorohydrate (un pro-duit nécessaire pour traiter la pâte de coca)aussi bien en Argentine qu’au Chili. Les plan-tations de pavot ne se limitent plus au fameux

Triangle d’or de l’Asie du Sud-Est (Birmanie,Laos, Thaïlande) ou au Croissant d’or(Afghanistan, Iran, Pakistan): on en retrouve,dans des quantités moindres, en Turquie, enÉgypte, en Europe de l’Est, au Mexique, enAmérique centrale et Asie centrale. Danscette région, «le pavot est cultivé sur plus

de 40.000 hectares», estime Kadyr Alimov,économiste ouzbek.

Les États-Unis et l’Europe occidentalesont toujours le principal débouché, mais laconsommation se répand à grande vitesse enEurope de l’Est, en Asie du Sud-Est et mêmeà travers l’Afrique, où ectasy, cocaïne, crackou héroïne sont de plus en plus populaires.Le cannabis et ses dérivés sont maintenantconsommés dans toutes les régions dumonde. Dans les seuls États-Unis, la récoltede cannabis représenterait 25 milliards dedollars l’an, ce qui en ferait la première pro-duction agricole, avec le soja et le maïs.

Du paysan au députéCette production a beau être illégale, elle

constitue une source importante de revenuspour un certain nombre de pays, qui peu-vent ainsi résorber leur déficit budgétaire. Lesnarco-dollars peuvent être réinjectés dans desactivités «licites» par des particuliers, desbandes organisées, mais aussi des entre-prises, voire des nations entières. Lesrecherches menées sur le blanchiment del’argent sale montrent bien l’imbricationétroite des économies officielle et illégale.L’industrie de la drogue étend ses tentaculespartout dans la société civile, du paysan oupetit dealer à l’homme d’affaires et aux ins-titutions gouvernementales.

Le ministère de l’Intérieur del’Ouzbékistan estime par exemple que la moi-tié de la population rurale des cinqRépubliques d’Asie centrale récolte de ladrogue. L’industrie de la drogue emploie untravailleur sur dix en Bolivie, selon des sta-tistiques du Programme des Nations Uniespour le contrôle international des drogues,datant du début des années 1990. À l’autre

L’UNESCO ET LA QUESTIONINTERNATIONALEDES DROGUESLe programme del’UNESCO Gestion destransformations sociales(MOST) a créé un réseauinterdisciplinaire de cher-cheurs afin de mener desrecherches approfondiessur les changementssociaux causés par lestrafics de drogues dansle monde. Soutenu par leProgramme des NationsUnies pour le ContrôleInternational desDrogues (PNUCID), leprojet vise, à travers desétudes de diverses situa-tions, à établir un corpusd’informations sur lesdimensions historiques,culturelles, sociales,économiques et légalesdu trafic de drogues, etsur les politiques à mettreen place. Les résultats dece travail doivent aiderles décideurs politiqueset sociaux à mieux com-prendre les dynamiqueset l’impact du trafic dedrogues, et à mieux lesarmer pour y faire face.

●●●www.unesco.org/mostFax: 33 1 45 68 56 77P

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5N° 111 - avril 1999

Économie:les mains sales

L’effondrement du bloc communiste et

l’unification capitaliste de la planète

autour d’un credo néolibéral ont ouvert de

nouveaux horizons à la production de stu-

péfiants, qui a augmenté et s’est diversifiée,

et au trafic, qui s’est internationalisé en

mettant en contact les organisations cri-

minelles de toutes les régions du monde»:dans son ouvrage récent publié parl’UNESCO: Les prospérités du crime. Trafic

de stupéfiants, blanchiment et crises finan-

cières dans l’après guerre-froide1, GuilhemFabre, socioéconomiste et sinologue, analyseles mécanismes qui mènent, depuis lesannées 80, à l’explosion de la production etde la consommation des paradis artificiels.

L’ouverture de l’ex-URSS et de la Chineau marché «a permis de rouvrir les

anciennes routes de la soie, qui sont aussi

celles de la drogue». La Chine, qui est fron-talière des deux principales zones de pro-duction d’opiacés, le Triangle d’or (Birmanie,Laos, Thaïlande) et le Croissant d’or(Afghanistan, Pakistan et Iran), est redeve-

bout de la chaîne, Jabes Rabelo, désignédans les rapports d’enquête de la police fédé-rale de Porto Velho (Brésil) comme un desplus gros trafiquants de l’État de Rondonia,a été élu député en 1994. Lui et son frère sesont servis de leurs narco-dollars pour mettrela main sur la production caféière de l’État.

L’information diffusée par les médias etles agences spécialisées tient surtout en desstatistiques et la relation de quelques inci-dents isolés. Régulièrement, la controversesur l’objet de la répression (doit-elle viser lesconsommateurs ou les producteurs?) revient

à la surface. C’est insuffisant pour faire faceà une telle menace, qui mine les fondementsde la démocratie en minant l’éthique du tra-vail et de l’effort, nécessaires au dévelop-pement économique. Le but du programmeMOST est justement d’étudier plus en détailla dynamique des commerces de la drogueet ses effets sur l’économie et la société.Ainsi la menace pourra-t-elle mieux êtrecombattue. ●

Sue Williams

avec Carlos Milani (MOST)

nue, comme au XIXe siècle, un lieu de tran-sit et de production important. Le pavotserait cultivé illégalement dans 27 provincessur 30. Quant à l’ex-URSS, elle était le pre-mier producteur mondial d’opiacés en 1994,et le trafic de drogue est lié à l’émergencedes mafias russes.

Le prolongement du règne libéral«Loin d’être une perversion du capita-

lisme, le trafic de stupéfiants et le blan-

chiment d’argent sale peuvent être envi-

sagés comme le prolongement du règne

libéral de la maximisation des profits, à

l’heure de la mondialisation des échanges»,écrit G. Fabre. «Dans l’ex-URSS comme en

Chine, le passage à l’économie de marché

s’est accompagné d’une décentralisation,

avec un pouvoir local très fort, qui contrôle

un territoire: on a multiplié les mono-

poles locaux, nous a expliqué G. Fabre. On

a retenu de l’idée de marché la dimension

du profit, mais pas celle de la concurrence.

Or, un profit sans concurrence qu’est-ce

que c’est, avec un contrôle de territoire?

C’est potentiellement une logique

mafieuse». Par ailleurs, «la dynamique de mon-

dialisation des échanges, les politiques

d’ajustement structurel dans le Tiers Monde

et les difficultés de la transition post-com-

muniste créent de fortes disparités socio-

spatiales, tout en aggravant l’exclusion, le

chômage et leur dépassement par le biais

d’activités illicites». Ce n’est pas un hasardsi en Chine les zones productrices de droguesont les plus pauvres du pays: les régionspériphériques du Sud-Ouest (Yunnan,Sichuan, Guizhou, Guangxi) au Nord (Qinhaï,Ningxia, Xinjiang, Gansu,...). Ni si dans l’ex-URSS c’est l’Asie centrale, pauvre et peuindustrialisée, qui s’est tournée vers la pro-duction de drogues.

Or, «la disponibilité de l’offre crée une

Les drogues voyagent de plus en plus loin.

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6 avril 1999 - N° 111

Asie centrale:des voisins encombrants

dynamique de la demande», et aujourd’huila consommation explose non seulementdans le Nord mais dans les pays producteursaussi, du Pakistan au Vietnam, nourrie parla montée de la pauvreté et du chômage, enun cercle vicieux.

Enfin, l’explosion récente du trafic a pro-fité de «la banalisation universelle de la cor-

ruption» – financement occulte de partis etde campagnes politiques, commissions ver-sées pour l’octroi de marchés, évasion fis-cale – et de la dérégulation financière qui per-met de blanchir l’argent sale. «Le système

financier constitue un creuset où se côtoient

la zone grise de la corruption et la zone

noire des trafics». Finalement, «si, il y a

encore peu de temps, l’un des délits les plus

rémunérateurs était d’attaquer une banque

à main armée, le cœur du délit consiste

aujourd’hui à y introduire de l’argent»,note G. Fabre. Ces sommes bancaires irontensuite s’investir dans l’économie «légale».Dans l’ex-URSS, rapporte l’auteur, une largepartie du capital initial du commerce légitime– boutiques, restaurants, – proviendraitd’argent noir. À Moscou, il serait à l’originede la moitié du marché immobilier. Ces fluxs’investissent aussi massivement sur les mar-

chés financiers, à qui ils «imposent leur

logique spéculative» de profits élevés à trèscourt terme, causant ainsi des crises finan-cières en cascade, comme au Mexique en1994 et en Thaïlande en 1996, qui avant leurscrises financières étaient «les principaux

centres de recyclage des narco-dollars de

l’hémisphère ouest et de l’hémisphère est»,et où les marchés boursiers avaient été arti-ficiellement dopés par «un marché gris des

changes et des titres». Peu à peu s’opèredonc une «criminalisation progressive de

l’économie au niveau mondial».

Le blanchiment impuniG. Fabre relève «le contraste entre la

criminalisation effective de la consom-

mation de stupéfiants et la quasi-impunité

dont jouit le blanchiment des narco-tra-

fics», dans lequel sont impliqués même desChefs d’État. Et il rappellle qu’en 1841 SirHenry Pottinger voulut, au nom duGouvernement britannique, obtenir la léga-lisation du commerce de l’opium en arguantque «lorsque le commerce de l’opium est pro-

hibé par la loi, il est inévitablement rem-

placé par la fraude et la violence...(C’est)

un commerce qu’aucune prohibition ne

peut empêcher». L’usage du tabac avait étélégalisé en Angleterre. Sir H. Pottingeradressa un mémorandum aux Chinois, «qui

détaillait les avantages d’un système de

contrôle, de tolérance et de taxation de

l’opium semblable à la réglementation du

commerce de l’alcool dans les pays occi-

dentaux». ●

Nadia Khouri-Dagher

Distributeurs dans lespays consommateurs54%

Transporteurs et trafiquants

internationaux26%

Transformateurs et intermédiaires

nationaux15%

Producteurs de 2% à 5%

Répartition des bénéficesdu marché de la drogue.(Source: Observatoiregéopolitique desdrogues).

En quelques années seulement, l’Asie cen-

trale, dotée d’un réseau routier, aérien

et ferroviaire assez dense et de frontières

peu hermétiques, est devenue une plaque

tournante du trafic de stupéfiants». Cetteappréciation est portée par un expert del’ONU, M. Bodgan Lisovitch, qui représentele PNUCID (Programme des Nations Uniespour le contrôle international des drogues)en Asie centrale.

M. Lisovitch a observé comment l’in-dustrie des stupéfiants a pris des propor-tions aussi gigantesques qu’alarmantes danscette région depuis la disparition de l’Unionsoviétique.

Cette évolution tient pour une large partà la situation géographique de l’Asie cen-trale, a-t-il expliqué lors d’un séminaire del’UNESCO organisé en décembre dernier àTachkent, en Ouzbékistan. «L’Afghanistan,

qui est le plus important producteur d’opia-

cés dans le monde, a des frontières avec

trois États d’Asie Centrale: le Tadjikistan,

l’Ouzbékistan et le Turkménistan, rappelle-t-il. L’Afghanistan a produit 2.800 tonnes

d’opium brut en 1997, soit 58% de la pro-

duction illicite dans le monde. Le PNUCID

estime que jusqu’à 65% des drogues d’ori-

gine afghane destinées à l’Europe occi-

dentale et aux autres marchés, soit jusqu’à

1. UNESCO et les Éditions de l’Aube, Paris, 1999

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7N° 111 - avril 1999

“50% de la

population

rurale fait

pousser des

drogues sur

ses terres.

80 tonnes d’équivalent héroïne par an, tran-

sitent par l’Asie centrale».Les frontières des États d’Asie centrale

ressemblent à un labyrinthe et sont presqueincontrôlables. Il n’est pas rare de franchirplusieurs fois une frontière en se rendantd’une ville à l’autre d’un même pays. Les tra-fiquants peuvent donc facilement opérersans être inquiétés. De surcroît, la situationéconomique des républiques d’Asie centraleest très difficile et la population se débatdans la pauvreté avec un salaire mensuelmoyen de cinq dollars et un chômage endé-mique.

Comme le note l’Observatoire géopoli-tique des drogues, dont le siège est à Paris,les trafiquants peuvent ainsi disposer d’unemain-d’œuvre inépuisable, prête à convoyerpour un salaire de 5 ou 10 dollars des car-gaisons sur une énorme distance. De même,ils n’ont pas de mal à monnayer les faveursde fonctionnaires avec des pots de vin, qu’ils’agisse de policiers, de douaniers ou dejuges. «La corruption des pouvoirs publics

permet aux producteurs d’être avertis des

opérations de lutte anti-drogue et de dissi-

muler leurs stocks», reconnaît un écono-miste ouzbek, M. Kadyr Alimov.

La production de stupéfiants s’est envo-lée aussi parce qu’elle génère d’énormes pro-fits et bénéficie d’espaces presque vides.Selon M. Alimov, «plus de 4,5 millions d’hec-

tares de chanvre sont plantés dans la val-

lée du Chue, située à cheval sur le Kazakh-

stan, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan, et le

pavot fleurit sur plus de 40.000 hectares de

terres incontrôlées en Asie centrale.»«50% de la population rurale fait pous-

ser des drogues sur ses terres, remarqueencore M. Alimov. Les surfaces où les

drogues sont cultivées ont tellement aug-

menté dans les dix dernières années que les

producteurs ne parviennent pas à tout récol-

ter et doivent se faire aider par la popula-

tion locale».

Entre les mains de la mafia«Les drogues de synthèse progressent

aussi, relève l’expert ouzbek. Ces sub-

stances, plus puissantes que l’héroïne et

moins chères que n’importe quelle drogue

issue d’espèces végétales, sont fabriquées

dans des laboratoires clandestins. C’est en

Russie que le méthylfentanyl, une des

drogues les plus redoutables, a vu le jour.

Rien qu’à Bichkek, la capitale du

Kirghizstan, 36 laboratoires clandestins

ont été découverts et détruits dans les der-

nières années».L’industrie de la drogue est sans conteste

entre les mains de la mafia. «La mafia de l’ex-

Union soviétique, présente notamment en

Russie, en Asie centrale et au Caucase, est

l’une des plus importantes, voire même la

plus puissante du monde», juge M. Alimov.«Elle est répartie, indique-t-il, en plus de

5.000 groupes et dépasse les trois millions

de membres. Elle opère dans l’ensemble des

15 anciennes républiques soviétiques et

dispose même de ses propres forces ter-

restres, maritimes et aériennes». Toujoursselon M. Alimov, la mafia «contrôle la pro-

duction, l’acheminement, la distribution

et la vente des stupéfiants dans la région».Le vice-président de la commission de la

sécurité nationale kazakhe, MaratkaliNoukenov, affirme que ses services ont iden-tifié 125 groupes de criminalité organiséeopérant en Asie centrale. D’après lui, 30 deces groupes font du trafic de drogue rienqu’au Kazakhstan.

Narcomanie en hausseLa croissance du trafic de drogue en Asie

centrale a eu aussi pour corollaire une haussede la consommation de stupéfiants. Les sta-tistiques officielles des pays de la région fontapparaître une augmentation constante de laconsommation, mais de l’avis des spécia-listes elles sont très largement sous-esti-mées. Ainsi le Kazakhstan fait-il état d’unchiffre officiel de 35.000 consommateurs dedrogues mais le chiffre réel serait «dix fois

supérieur», selon Mme Alma Yesirkegnova,coordinatrice du bureau local du PNUCID.

«La grande majorité (80%) des toxico-

manes sont des jeunes de moins de 30 ans»,estime M. Alimov, qui relève aussi que dans

Le chanvre et le pavot,récoltes florissantesen Asie centrale.

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8 avril 1999 - N° 111

La belle époque du blanchiment au grandjour est terminée en Colombie. Finie

l’époque où les narco-trafiquants se faisaientconstruire villas hollywoodiennes et gratte-ciels de verre en plein centre-ville, pour jouird’un luxe nouveau en famille ou s’assurer, parla vente ou la location, des revenus «hon-

nêtes». Depuis l’arrestation en 1996 des chefsdu Cartel de Cali, les frères RodriguezOrejuela, et le durcissement des lois contrele trafic de drogues, le secteur immobilier esten crise, et le chômage a considérablementaugmenté dans les villes qui avaient profitéd’une croissance économique éphémère suiteà l’injection massive d’argent sale mais réel.

Ainsi à la fin des années 70, à l’époque du«boom» de la marijuana, Barranquilla, villede la côte atlantique où se concentrait lamajorité des trafiquants, avait connu un déve-loppement spectaculaire de la construction,qui s’était essouflé avec l’effondrement de laproduction colombienne, suite à la concur-rence des récoltes nord-américaines. De lamême façon, pendant l’apogée du trafic de

Économie colombienne:des richesses artificielles

cocaïne dans la décennie 80, Cali, deuxièmeville du pays, avait vu surgir résidences destanding, petits palais, hôtels de luxe, centrescommerciaux, concessionnaires de voitureset autres services haut de gamme. Les auto-risations de permis de construire dans 11villes colombiennes étaient passées de 5,6millions de mètres carrés en 1982 à 12,7 mil-lions en 1994.

Pendant des années, le blanchiment dutrafic de drogue en Colombie a ainsi pris laforme d’investissements immobiliers, quiavaient la préférence des trafiquants. Le sec-teur immobilier favorisait une opacité quantà l’origine des fonds, contrairement au sec-teur bancaire, où l’origine de tout versementsupérieur à 10.000 dollars doit être spéci-fiée. L’infiltration de capitaux illicites s’ap-puyait aussi sur l’antériorité d’une «culture

de la corruption» du secteur du bâtiment.En outre, la prévalence d’un vaste «secteur

informel» dans l’économie ne respectant nilois ni règlements, venait à l’aide des pra-tiques souterraines. Selon une étude duDépartement du Trésor américain, en 1996un tiers des sociétés sous le contrôle duCartel de Cali étaient des entreprises immo-bilières ou de construction.

Mais cette injection de narco-dollars dansl’immobilier avait dynamisé l’économie,créant de nombreux emplois, des architectesaux maçons en passant par les plombiers etles marchands de meubles, sans compterles emplois «adaptés» aux besoins des tra-fiquants: avocats, conseillers financiers,investisseurs complices, prête-noms... Uneimbrication entre l’économie criminelle etl’économie légale s’était créée, qui participaità la diffusion des narco-dollars dans l’en-semble de la vie urbaine.

«Il y avait une certaine tolérance à

l’égard des trafiquants, explique AnneProenza, journaliste française familière du

L’entrée de l’une des propriétés de PabloEscobar, qui fut le chefdu cartel de Medellin.

la population toxicomane «le ratio

hommes/femmes est passé de 30 contre 1 à

3 contre 1 dans les vingt dernières années».Par ailleurs, la population rurale fait

davantage usage de drogues. Autrefois, enOuzbékistan, note M. Alimov, «la narcoma-

nie était considérée comme un problème

urbain alors qu’aujourd’hui 41% des toxi-

comanes enregistrés vivent dans des zones

rurales».L’industrie de la drogue change la face de

l’Asie centrale mais pas vraiment dans lebon sens. «Il existe des hommes politiques

en Asie centrale qui voudraient endiguer

le phénomène, souligne M. Alimov, mais ils

sont frustrés à la moindre initiative. La

mafia est trop puissante, trop riche et trop

maligne. Les frontières ressemblent trop à

des passoires et il y a trop peu de coopéra-

tion entre les polices des différents États de

la région et avec Interpol. La narcomafia

n’est pas près de disparaître en Asie cen-

trale». ●

Sue Williams

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Il y a vingt ans,l’Afrique ne semblaitpas avoir de «problè-me de drogue», maisles choses ont chan-gé. Contrairement àl’Europe, où l’argentet l’offre du marchépermettent de se pro-curer la plupart desstupéfiants avec unerelative facilité, enAfrique l’accès à ladrogue varie suivantla géographie et lanature du produit. Surla côte occidentale,

on note l’arrivée d’unflux constant de co-caïne venantd’Amérique du Sudvia l’océan Atlantique.Les pays de la côteorientale reçoivent del’héroïne directementdu Croissant d’or etdu Triangle d’or. Lesquantités de droguesdures disponibles ontconsidérablementréduit leur prix,

jusque-là prohibitif. En Afrique australe, laconsommation et laproduction de canna-bis augmentent à unrythme rapide. Le cli-mat propice à la cul-ture et le bas prix devente ont créé unmarché en pleineexpansion. D’où unaccroissement du tra-fic en direction desports d’Europe, duMoyen-Orient etd’Australie.Un volume important

de la marijuana ex-portée d’Afrique aus-trale provient duLesotho, petit paysrural et montagneuxde deux millions d’ha-bitants, qui ne dispo-se que de trois sour-ces régulières derevenus: les salairesdes émigrés travail-lant dans les minessud-africaines, l’aideinternationale et la

production de can-nabis. Une enquête del’Observatoire géopo-litique des drogues,menée en 1997, amontré que dans cepays la culture ducannabis constitueune réponse à l’insuf-fisance de terres cul-tivables. Le Lesothosouffre d’un graveproblème d’érosion.Or le cannabis, àcroissance rapide,s’adapte aux solsingrats. D’après l’en-quête, près de 50% durevenu agricole dupays proviendraientde la vente de canna-bis. «Le cannabisforme une composan-te indispensable del’équilibre précairedes exploitations demontagne, relèvel’enquête. Selon cer-taines sources, lesinstances politiqueslocales considèrentles revenus du can-nabis comme un sti-mulant officieux, maisutile, pour la balancedes paiements dupays.» Les cultivateursvivent de ce revenu etpeuvent envoyer leursenfants à l’école.Compte tenu du coûtde l’enseignementsecondaire auLesotho, la culture dela marijuana repré-sente fréquemment laseule possibilité d’enassumer les frais. Ladrogue est achemi-née en contrebandepar taxi en Afrique duSud, d’où elle part duCap et de Durbanvers l’Europe. Lagos,Nairobi, Kinshasa,Dar es-Salaam et LeCaire sont devenuesd’autres plaques tour-nantes de la droguesur le continent.

Chloë Fox

9N° 111 - avril 1999

pays. Cette période a coïncidé avec l’ou-

verture économique: en Colombie les inéga-

lités sociales étaient très fortes, les richesses

étaient détenues par quelques familles. La

drogue a créé une petite révolution sociale,

en modifiant les rapports sociaux.

Beaucoup ont fermé les yeux, en pensant

que ça pouvait servir le pays, le faire accé-

der à la modernité». Les narco-trafiquantsnon seulement créaient des emplois, mais enoutre savaient se montrer généreux pour lacréation d’écoles ou de dispensaires.«L’argent sale était l’un des moteurs de

l’économie. On tolérait la mafia tant qu’elle

se contentait de dynamiser l’économie.

Mais quand elle a tenté d’infiltrer le pou-

voir politique, le gouvernement lui a déclaré

la guerre», explique Martha Luz Garcia,auteur d’un ouvrage sur la mafia colom-bienne1.

Dans les années 90, le gouvernement dur-cit donc les lois punissant production et tra-fic de drogues, et modernise son appareilpolicier et juridique, qui permettront de nom-breuses arrestations. Mais, si le trafic et leblanchiment ont diminué ces dernièresannées, l’injection artificielle de richesseslaissera pour longtemps des séquelles dansla société. L’inflation des prix de vente et delocation qui accompagnait le boom de lanarco-construction s’était étendue à l’en-semble des quartiers, y compris les lotisse-ments populaires. Par ailleurs, l’industrie,créatrice d’emplois et de richesses sur lelong terme, a été la grande délaissée desinvestisseurs pendant ces années. La «dol-

larisation» de l’économie apportée par lenarco-trafic a également accentué la dépen-dance, symbolique autant que réelle, par rap-port aux États-Unis. Surtout, avec l’expan-sion des marchés de la drogue, la violenceet la transgression des règles ont envahi lavie urbaine, en y transposant les méthodesbrutales de l’économie criminelle: la vio-lence et l’intimidation sont devenues de nou-velles armes pour éliminer la concurrence ourégler un contentieux. À l’heure où de nom-breux pays se laissent séduire par la pro-duction de stupéfiants, l’exemple de laColombie vient montrer les limites d’unetolérance générale du narco-trafic, qui nefait que soulager temporairement des pro-blèmes structurels de développement (inéga-lités sociales, pauvreté) en aggrave d’autres(corruption, irrespect des lois) et insuffledes modèles d’argent facile et de brutalitédans les rapports sociaux, qui ne s’étein-dront pas forcément avec l’essoufflementdu trafic. ●

Bernard Castelli,

chercheur à l’Institut de Recherche

pour le Développement (France),

avec N.K.-D.

L’irrésistible montée de la drogue en Afrique

1. Contrabandistas, marimberos y mafiosos. Historiasocial de la mafia colombiana, TM Editores, 1994

vers l’Europe vers l’Europe et les Balkans

vers le Liban de l’Asie du Sud-Ouestet du Sud-Est

vers le Proche-Orient

de l’Asie du Sud-Ouest

de l’Asie du Sud-Ouest et du Sud-Est

vers l’Europe

du Brésil

Vers l’Europe et les États-Unis

Le Cap

Le Caire

Addis Abeba

Dar es-Salam

NairobiKinshasa

Lagos

N’Djamena

Tanger

Producteurs de haschich

Exportateurs de marijuana

Producteurs de méthaqualone

Producteurs de dérivésamphétaminiques

Héroïne

Cocaïne

Drogues de synthèse

Haschichet marijuana

Les filières africaines d’exportation de drogues(Source: Observatoire géopolitique des Drogues).

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10 avril 1999 - N° 111

APPRENDRE LA PAIX

CULTURE DE LA PAIX

Depuis six ans, les Palestiniens apprennent à donner un visage à la «réconcilia-tion», à «l’unification» et à la «paix» dans les secteurs de l’éducation, de la cul-ture, de la communication. Ils investissent prioritairement dans leur jeunesse etl’UNESCO les y aide.

se réunir à Grenade (Espagne). L’événementprit le nom de «Granada 1». Deux journéespour créer un espace de dialogue direct entreIsraéliens et Palestiniens, et pour mettre enplace un Programme d’assistance au peuplepalestinien (PAPP). En d’autres termes: pan-ser les plaies encore béantes, les meurtris-sures. Créer une atmosphère favorable à l’ap-plication des accords de paix, quitter la peuret surtout donner les moyens de rebâtir à ceshommes et ces femmes trop longtemps tra-qués par la guerre.

La tâche n’était pas des moindres. D’aborden termes institutionnels: «il a fallu partir

de zéro, étant donné qu’il n’existait aucune

structure étatique, aucun service public en

Palestine, en Cisjordanie ou à Gaza»,explique Omar Massalha, qui dirige le PAPP.«C’est un pays qui a du mal à avoir une

autorité administrative centrale, ajoutePierre Runner, de l’Institut international deplanification de l’éducation (IIPE) del’UNESCO. D’autant que sa structure – un

ensemble de confettis territoriaux – rend les

communications très difficiles et que tout

reste en pratique contrôlé par les Israéliens:

ne serait-ce que le nombre de réunions de

nos comités de planification, par exemple,

qu’ils n’autorisent qu’une fois tous les deux

mois», ou l’accès à une fréquence pour desprogrammes de télévisison palestiniens «dont

les Israéliens ont le monopole de la gestion,

conformément à la Convention de l’Union

internationale des télécommunications»,rappelle Georges Dupont du projet médiaspour la Palestine de l’UNESCO.

Le comportement des Palestiniens devait,lui aussi, s’adapter à la nouvelle donne: trèsindividualistes, «ils ne connaissent pas le

sens de la propriété commune, publique,

étant donné leur histoire», explique le direc-teur du PAPP. À titre d’exemple, les anciensmilitants ont tendance «à toujours vouloir

effacer toute trace derrière eux», ce qui étaitcompréhensible dans la logique de l’Intifada,mais incompatible avec une société en paix.

Il fallait donner à la paix israélo-pales-tinienne la possibilité de vivre sur desterrains autres que politiques. Donnercorps à cette «réconciliation» tantattendue, passer du papier à la réalité.

C’est pourquoi, trois mois à peine après lasignature des accords de paix du 13 sep-tembre 1993, l’UNESCO a invité Shimon

Peres, ministre des Affaires étrangèresisraéliennes à l’époque, et YasserArafat, alors président du comité exé-cutif de l’OLP, ainsi qu’un groupe d’in-

tellectuels inter-nationaux, à

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11N° 111 - avril 1999

Éducation:un passeport pour le futur

Encore moins lorsque les aides financièresinternationales ont commencé à affluer.

Il fallait donc «les obliger à changer, à

se tourner vers l’avenir plutôt que de res-

ter emprisonnés par leur passé», assureOmar Massalha. Pas facile, surtout lorsquela société civile s’est insurgée pendant delongues années et qu’elle doit, un jour, s’at-tacher au mot «construire» dont elle n’aqu’une image abstraite. Pas facile non plusparce que toute la population continue devivre dans l’incertitude. L’impression qu’enune seconde tout peut basculer. Qu’unepromenade dans la rue ou un jeu d’enfantspeu se terminer en bain de sang.Aujourd’hui, comme avant. «C’est difficile

mais ils n’ont pas le choix, poursuit PierreRunner. Parce que si on répare ce que l’on

considère comme une injustice en se ven-

geant, on ne s’en sort jamais». Il faut pen-ser aux enfants.

Éduquer c’est unifierCe qui explique que l’accent ait été mis

surtout sur l’éducation (voir article p.11).«C’est le facteur d’unification du pays, en

dehors du facteur culturel, explique PierreRunner. Les parents sont très concernés par

la scolarisation de leurs enfants: ils sont

prêts à s’y investir en termes d’argent et de

participation personnelle parce qu’ils savent

que tout l’avenir de la Palestine est là». Ilfaut donc leur construire des écoles, leurdonner la possibilité de suivre des études,croire et retrouver l’essence de leur iden-tité à travers un programme qui fasse enfinmention de l’histoire palestinienne, leurdonner les moyens de guérir de ces bles-sures muettes que laisse la guerre (voirarticle p.13), avoir un métier, une formation,mais aussi redonner vie à leur patrimoineculturel (voir article p.14). En un mot: aiderla Palestine à revaloriser ses ressourceshumaines.

Comme toutes les meilleures intentions,celles de Granada 1 se sont très vite bornéesaux aléas de la vie politique. L’UNESCOréagit: «Lorsque le processus de paix était

en difficulté, en 1997, nous avons initié un

nouveau processus de dialogue appelé

Granada 2», explique Daniel Janicot, sous-directeur général auprès de la direction géné-rale de l’UNESCO. Ce nouvel accord s’éver-tue à mettre en place une coopération entrePalestiniens et Israéliens en s’appuyant surl’un des principes des accords d’Oslo: la«coopération entre les peuples». Un prin-cipe qui avait été «complètement bloqué

après l’immobilisation du processus de

paix», poursuit le sous-directeur général.L’UNESCO devient dès lors le lieu de réou-verture d’un espace de dialogue, qui, cettefois, met les sociétés civiles face-à-face. Encela, «elle détend les climats de blocage, per-

met de prendre du recul». Ne dit-on pas queles grands événements dépendent de ce qui sepasse dans la tête des individus et que la paixse bâtit avant tout dans «l’esprit» des hommes?

Travailler ensembleIsraéliens et Palestiniens vont donc

apprendre à travailler ensemble dans unedizaine de projets (financés à hauteur d’unmillion de dollars par l’UNESCO et par cer-tains États dont l’Espagne), allant de larecherche scientifique et médicale sur cer-tains virus à la coopération en matièred’éducation musicale, de dialogue entre lesreligions et de tourisme. Cependant, au quo-tidien, les sentiments des gens les uns vis-à-vis des autres restent mitigés: il y a ceux quiressentent «de la haine, de l’inquiétude et

même de l’angoisse à l’égard de l’autre,

poursuit Daniel Janicot, mais aussi, fort

heureusement, ceux qui souhaitent parti-

ciper, travailler ensemble... construire». ●

Cristina L’Homme

L’éducation des Palestiniens est enfinentre leurs propres mains: en l’an 2000,

ils auront un programme scolaire unifié.Eux qui, selon qu’ils vivent à Gaza ou enCisjordanie, suivent le système scolaireégyptien ou jordanien. «Une situation qui

pose problème à l’unité et à l’identité natio-

nale», selon Ibrahim Abu Lughod, profes-seur de science politique à l’université deBir Zeit. «Selon l’endroit où ils vivent, les

petits Palestiniens apprennent que la capi-

tale est le Caire ou Amman. Ils ne savent

rien de leur pays, de leur culture. Il est

temps de leur dire: vous êtes des

Palestiniens, voici votre culture, votre

passé», ajoute Khawla Shaheen qui s’oc-cupe à l’UNESCO des programmes d’édu-cation pour les états arabes.

En 1990, l’UNESCO finance (50.000 dol-lars) un séminaire qui réunissait des gensdu terrain, des éducateurs, des étudiants etdes leaders politiques palestiniens avec desexperts internationaux autour des ques-tions cruciales du devenir des Palestiniensen termes d’éducation: comment leur per-mettre d’entrer dans le XXIe siècle sur un

La paix se bâtit

avant tout

dans ‘l’esprit’

des hommes.

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pied d’égalité avec les Israéliens? Commentfaire en sorte que les premiers cessent dereprésenter ce que Khawla Shaheen appelle«la main-d’œuvre bon marché» desseconds? Comment les préparer à cohabi-ter avec leurs voisins? L’étendue des ques-tions a trouvé une réponse dans la créationd’un Programme d’éducation desPalestiniens. Un outil qui définit une philo-sophie de l’éducation appropriée à l’identitépalestinienne. «C’est à travers l’éducation

que nous pouvons reconstruire notre pays,confirme Khawla Shaheen. Car c’est un sec-

teur qui touche 100% de la population.C’est lui qui permettra de revaloriser les

ressources humaines palestiniennes, notre

matière première essentielle».

Un programme «réaliste»Les réunions de 1993 à Jérusalem et de

1994 à Ramallah aboutissent à la créationd’un Centre pour le Programme scolaire àRamallah, financé par l’Italie et l’UNESCO(300.000 dollars, puis 450.000 dollars). Plusde 300 Palestiniens y travaillent aujourd’hui.Au début, l’accent sera mis sur le besoin decréer des études sociales et sur l’appren-tissage de la littérature arabe palestinienne.Puis, sous l’impulsion des gens de terrain,l’idée du Programme devient peu à peu«moins idéaliste et plus réaliste, selonKhawla Shaheen. On s’est attaché à y intro-

duire des valeurs de tolérance, de droits de

l’homme, à apprendre l’esprit critique mais

aussi à développer encore davantage l’édu-

cation des femmes, à donner une priorité

aux nouvelles technologies, à offrir au

pays les moyens d’être un État moderne».L’apprentissage des langues dès le secon-daire – anglais, français, italien, allemand ethébreu – prend une place prédominantedans ce programme: «pour mieux com-

prendre la mentalité des autres pays, et

aussi celle des voisins...». Toutes ces

MESSAGESDE MANUELSD’HISTOIRE

12 avril 1999 - N° 111

valeurs sont transmises grâce à denouveaux manuels scolaires «unifiés», etélaborés par des professionnels du pays.Les enfants palestiniens y apprennent ce quileur a longtemps été interdit: l’exode de1948 ou la création de l’OLP.

Malgré ses nombreuses bonnes inten-tions, le nouveau Programme d’éducationpalestinien pose bien des interrogations:c’est vrai qu’il y a des gens attachés à la tolé-rance, prêts à apprendre à se connaître,tant du côté des Palestiniens que desIsraéliens. Mais que faire si les professeurstransmettent des valeurs agressives? Est-on déjà parvenu à ce que Pierre Runner, del’institut international de planification del’éducation (IIPE) de l’UNESCO, appelle«le degré de maturité suffisant»? Il estvrai, raconte-t-il, que les Israéliens crai-gnent que dans les livres d’histoire pales-tiniens, Israël n’existe pas ou que l’on conti-nue à parler de «l’entité sioniste».

«Aimer» la paix«L’UNESCO fait tout ce qui est pos-

sible pour arrondir les angles et pour que

Palestiniens et Israéliens apprennent à

mieux se connaître et ainsi mieux coha-

biter», ajoute Pierre Runner. Car son but estd’apprendre aux jeunes à «aimer» l’idée dela paix et pallier ainsi les carences de tantd’années de guerre. Pour cela, l’organisa-tion investit dans la formation, la réhabili-tation des écoles et le matériel pédago-gique. À commencer par la formation descadres pour la reconstruction du pays:«beaucoup de cadres palestiniens vien-

nent de la diaspora, d’Angleterre,

d’Australie, des États-Unis», expliquePierre Runner. Les autorités palestiniennesattachaient une priorité au fait d’avoir desnouveaux cadres «de l’intérieur». Celaexplique que les programmes de l’UNESCOse soient attachés, dès 1996-97, à la for-mation de cadres. Les chefs d’établisse-ments scolaires ont suivi des stages de ges-tion de leur école.

En un deuxième temps, les Palestiniensont sélectionné 172 écoles (autant d’écolesde filles que de garçons) dans les 15 districtsscolaires que comprend le pays. Démoliespendant l’Intifada, elles sont réhabilitéesgrâce, notamment, aux 3 millions de dollarsapportés par l’Italie qui finance égalementune aide à la planification de l’éducation.Chaque fois, 6 salles sont entièrementremises à neuf et un local particulier com-prenant ordinateur, imprimante, photoco-pieuse, rétroprojecteur, est mis à la dispo-sition des enseignants: ceux-ci peuventainsi fabriquer leur propre matériel didac-tique, en attendant que les manuels et le pro-gramme spécifiquement palestiniens soientapplicables. ●

Cristina L’Homme

Mettre l’accent sur l’éducation des filles.

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L’UNESCO a financé uneétude en 1997, menéepar un Palestinien etune Israélienne, SamiAdwan de l’université deBethléem et Ruth Firerde l’université d’Hébron,sur la manière dont leslivres d’histoire etd’instruction civique desdeux communautés ontraconté ce qui est arrivéaux réfugiés pales-tiniens en 1948. SelonKaisa Savolainen quitravaille à l’éducationhumaniste, culturelle etinternationale àl’UNESCO: «aucun livrene parlait de lasouffrance humaine. Etla manière de narrer lesévénements stimulaitdavantage la guerre quela paix».

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13N° 111 - avril 1999

Gaza: la reconversion des enfants de l’Intifada

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Suzanna, 16 ans, a le trac. Dans quelquesminutes, elle va recevoir le premier

diplôme de sa vie lors d’une cérémonie orga-nisée au centre culturel Chawa par l’UNESCOet la municipalité de Gaza. Cette jeune habi-tante de Zetoun, un quartier populaire deGaza-ville, les cheveux couverts d’un voileblanc, ne passera son bac que l’année pro-chaine. Mais en attendant de rejoindre l’uni-versité où elle veut étudier le journalisme,Suzanna suit avec assiduité des cours d’in-formatique au centre communautaire poly-valent de Gaza. «Je trouve ici un espace

d’informations dont j’ai besoin pour mes

études, raconte-t-elle. L’équipe du centre

nous traite comme des amis. Et puis, les

filles et les garçons peuvent discuter

ensemble de nombreux sujets. Cela permet

de mieux se connaître». Mis en place enfévrier 1998 par l’UNESCO (grâce à unecontribution de 220.000 dollars du Royaume-Uni) et administrés depuis conjointementavec les municipalités, les centres commu-nautaires de Gaza et de Naplouse tententd’établir une culture de paix au sein de la jeu-nesse palestinienne.

Faire faceMarqués par les années noires de

l’Intifada durant lesquelles les affrontementsavec les soldats israéliens étaient presquequotidiens, les jeunes Palestiniens manquentsingulièrement de repères. Parmi eux, 12.000jeunes ex-détenus doivent être socialementréinsérés, afin qu’ils ne deviennent pas une«génération perdue». De plus l’État hébreuavait ordonné la fermeture des écoles et desuniversités pendant une grande partie de larévolte des pierres (1987-1993). Les chebab(jeunes hommes, en arabe) doivent aujour-d’hui faire face à un chômage qui évolue àGaza entre 15% et 29 % en fonction de la poli-tique de fermeture des Territoires. «Le but

des centres communautaires est de réacti-

ver socialement ces jeunes et de créer une

interface avec les employeurs», rappelleOmar Massalha, l’initiateur du projet et res-ponsable de l’unité de coordination en faveurdu peuple palestinien à l’UNESCO.

Plusieurs formations gratuites sont pro-posées dans le centre communautaire deGaza. «Au début, nous avons offert des cours

d’informatique, de poterie, de dessin sur

glace, explique Iyad Nasr, 29 ans, en chargede l’orientation. Puis nous nous sommes

aperçus que certaines de ces formations

professionnelles comme les cours de pote-

rie et de peinture sur verre étaient mal

adaptées: les matériaux de base sont très

chers et le marché local trop étroit; l’essen-

tiel de la production part en Israël. Par

ailleurs, nous voudrions développer les

cours d’informatique qui ont beaucoup de

succès et démarrer des formations d’enca-

dreur et de cameraman.» La demande dumarché est très forte. La plupart des gens veu-lent une vidéo de leur mariage, et c’est unebonne opportunité de travail, en particulierpour les filles car, dans bon nombre de cas,seules les femmes étrangères à la famillepeuvent assister à la cérémonie, estime le res-ponsable avant de conclure: «Si vous vou-

lez aider les gens, vous devez connaître la

culture de leur société».

Réinsertion socialeL’autre priorité des centres est d’éveiller

socialement les jeunes et leur apprendre àgérer leurs rapports au sein même de leursociété. En effet, pendant la révolte despierres, une partie de la violence de certainsjeunes déshérités s’est parfois exercée à l’en-contre de leur propre communauté.«L’ensemble de la population était décon-

certé par la progression de la brutalité (...).

Les dérapages des chebab recelaient une

large dimension autodestructrice, à la fois

pour le mouvement (de l’Intifada) et pour

la société elle-même», note Laetitia Bucaille,chercheur en sciences politiques et auteurd’un ouvrage sur la situation des jeunes:«Gaza: la violence de la paix»1. «Les centres

tentent de redonner confiance à ces jeunes,

de les aider à s’insérer dans la société, sou-ligne Véronique Dauge, représentante del’UNESCO à Ramallah. Un atelier de for-

mation développe par exemple les capaci-

tés d’animer et de diriger les associations

de quartier». De nombreuses tables rondesPour apprendre à mieuxse connaître.

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Si vous voulez

aider les gens,

vous devez

connaître la

culture de leur

société.

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14 avril 1999 - N° 111

Bethléem: 2000 ans après la naissance du Christ

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sont organisées sur des thèmes de sociétésensibles comme les mariages précoces.

Les centres agissent surtout comme desnoyaux autour desquels se greffent d’autresprojets. Ainsi, des jeunes Palestiniens qui neparticipent à aucune formation bénéficient-ils de certaines facilités: deux fois parsemaine, le centre de Gaza accueille un clubde littérature anglaise. «C’était très difficile

de trouver un lieu où se rencontrer, raconteIsraël Abu Jarad, 21 ans. Mais le centre a

accepté l’idée et nous a prêté un local. Nous

sommes maintenant sept garçons et sept

filles à discuter en anglais de nombreux

sujets». Le centre communautaire a réussi àcréer un espace de dialogue mixte, ce qui estrare, en particulier dans la bande de Gaza.«Les femmes et les hommes ont leurs propres

opinions, reconnaît Israël. Mais nous

En face de la Basilique de la Nativité, surla place de la Mangeoire, une dizaine

d’ouvriers s’activent autour des fondationsdu futur «Centre de la paix» où ont été décou-verts d’importants fragments de mosaïquedu IVe siècle et d’époque byzantine. Un peuplus loin, l’artère Paul VI, dans laquelle delarges tranchées ont été ouvertes, prend desallures de champ de bataille. Quelques tou-ristes en chemises fantaisistes crapahutententre les monticules de gravats pour atteindrela Basilique. En quelques mois, le district deBethléem, qui inclut les municipalités deBethléem, Beit Sahour et Beit Jala, le campde réfugiés de Dhisheh ainsi que le villaged’Artas (au total 125.000 habitants) s’esttransformé en un immense chantier en pré-vision du deux millième anniversaire de lanaissance de Jésus Christ.

Le projet Bethléem 2000 démarre à Romeen décembre 1996, à l’intiative du présidentYasser Arafat et du directeur général del’UNESCO, Federico Mayor. L’idée est d’uti-liser l’aspect symbolique de la ville et de pro-fiter de l’approche de l’an 2000 pour donnerune impulsion au développement de la régionde Bethléem et permettre ainsi d’améliorerles conditions de vie de ses habitants, notam-ment à travers la réhabilitation d’infrastruc-tures. Mais aussi: mettre en valeur le patri-moine historique et l’héritage culturel desPalestiniens et renforcer de la sorte leur iden-tité et la culture de la paix naissante auMoyen-Orient. Le tourisme devrait, par rico-chet, se développer puisque plus de 2 millionsde visiteurs et de pèlerins sont attendus àBethléem en l’an 2000.

De février à juin 1997, l’UNESCO dresseun Plan d’action d’urgence, financé par legouvernement italien (223.000 dollars). «Ce

plan a permis d’identifier une centaine de

projets dans les domaines de l’infrastruc-

ture et de la préservation du patrimoine cul-

turel», explique Véronique Dauge, repré-sentante de l’UNESCO dans les Territoirespalestiniens. Ce n’est qu’après avoir minu-tieusement répertorié chaque rue, chaquebâtiment, que les travaux sont envisagés,financés par les différents donateurs(Belgique, France, Italie, Japon, Suède,Espagne, États-Unis, Banque mondiale,Commission européenne...): modernisationdes réseaux de distribution d’eau, d’électri-cité et des eaux usées, projets de sauvegardedu patrimoine de la région de Bethléem, res-tauration des espaces publics de la vieilleville ou encore nettoyage des piscines deSalomon près du village d’Artas.

Aujourd’hui, si la majorité des gensaccueillent avec un mélange de satisfactionet de fierté le projet Bethléem 2000, il arriveque des habitants se plaignent des désagré-ments causés par les travaux. Pour IssaMorkus, 34 ans, du Club des scouts grecsorthodoxes, l’avantage du projet c’est «qu’il

crée plus de travail pour les gens. Bethléem

est une toute petite ville qui est en train de

changer complètement de visage. Mais pour-

quoi ont-ils démoli l’ancien poste de police,

datant du mandat britannique?» À la muni-cipalité de Bethléem, Michel Nasser, coor-dinateur de l’opération, tente de justifier: àla place du poste de police on aura «le pre-

mier centre culturel de Bethléem, avec un

sommes assez mûrs pour nous asseoir dans

une même pièce et en parler».Jusqu’à présent, près de 140 personnes

ont obtenu un diplôme et plus de 500 ont suivides séminaires. Hana Chawa, la trentaineélégante, dirige le centre de Gaza depuis unan et songe d’ores et déjà à développerd’autres projets. «Nous voulons mettre en

place d’ici deux mois une base de données

interactive comprenant toutes les offres de

travail, les opportunités de formation et les

curriculums des jeunes chômeurs. Les entre-

prises qui cherchent des gens avec certaines

qualifications pourraient la consulter. À

l’heure actuelle, il n’existe rien de tel dans

la bande de Gaza.» ●Mehdi Benchelah

à Gaza

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Détail de mosaïquesde l’église de la Nativité.

Le succès des coursd’informatique.

Plus de deux

millions de

visiteurs et de

pèlerins sont

attendus à

Bethléem en l’an

2000.

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1. Éditions Presse de Science politique.

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15N° 111 - avril 1999

centre d’information pour les touristes, un

petit auditorium, et un musée archéolo-

gique. Outre des objets anciens trouvés dans

les environs, nous prévoyons d’y exposer

plusieurs mosaïques byzantines décou-

vertes lors des travaux». Critique, BrunoMarmiroli, architecte français, signale lerisque de «construire une vieille ville uni-

quement pour les touristes».«Nous insistons sur la conservation du

patrimoine de la vieille ville en particulier

pour les anciens monuments», explique LanaRabadi, jeune architecte palestinienne de l’unitédu patrimoine culturel de Bethléem 2000. Des

erreurs ont été commises, avoue-t-elle, en par-

ticulier lors du pavement de la rue Najajre...

Désormais nous cherchons l’unification des

matériaux comme les types de pierres, les

éclairages et les couleurs des peintures».Chapeautée par un ministre nommé par

le président Yasser Arafat, le Dr Nabil Kassis,l’équipe de Bethléem 2000, composée essen-tiellement de Palestiniens, s’occupe princi-palement de la coordination des travaux etde l’organisation des événements culturelsqui démarreront l’année prochaine et quidureront 18 mois. De son côté, le PNUD(Programme des Nations Unies pour le déve-loppement) prend en charge l’exécution dela plupart des chantiers de rénovation encoopération avec des cabinets d’architecteset d’ingénieurs locaux.

Projets à long termeÀ l’heure actuelle, l’UNESCO, qui assure

le suivi de plusieurs projets, a préparé denouvelles propositions mais, reconnaîtVéronique Dauge, «nous n’avons pas encore

trouvé tous les financements pour les réa-

liser». L’Organisation souhaite notammentréhabiliter dans le quartier de la Grotte dulait une demeure de style ottoman du XVIIIesiècle, abritant un pressoir à huile en pierre.Une deuxième proposition concerne un plande protection des sites historiques, qui défi-nisse une politique de sauvegarde du patri-moine culturel par la mise en place d’unerèglementation précise. L’aménagement (parle PNUD et l’UNESCO, sur des fonds japo-nais) d’une galerie d’art moderne, est encours. Il est également prévu de mener à sonterme l’établissement d’un musée des crèchesdu monde. L’UNESCO apporte en outre sonsavoir-faire en termes d’expertise et deconseils dans le domaine du patrimoine àtoutes les institutions présentes sur le chan-tier (PNUD, municipalité, ministère des anti-quités et du tourisme). «De nombreux pro-

jets sont à long terme et ne seront pas

achevés l’année prochaine, résumeVéronique Dauge. Mais, désormais, la

machine est lancée et les bénéfices s’en

feront sentir bien au-delà de l’an 2000». ●

Mehdi Benchelah

à Bethléem

En 1996, suite à une réunion entreAlain Juppé (alors premierministre français) et FedericoMayor, la France et l’UNESCOs’engagent à aider la PalestinianBroadcasting Corporation (PBC)pour 500.000 dollars chacun, enlui fournissant un petit véhiculede reportage et un réseaud’émetteurs. Finalement, c’estl’UNESCO qui se chargera desémetteurs. Pour pouvoir lesmettre en service, il fallait«obtenir les licences pour lesfréquences», explique GeorgesDupont, chargé du projet médiaspour la Palestine. Or, «laPalestine n’était pas considéréecomme une entité étatique,c’était donc Israël, en tantqu’instance administrative etrèglementaire, qui gère toutes lesfréquences»... et les Israéliensvoulaient, justement, ouvrir unenouvelle chaîne de télévision. Lesennuis commençaient. Certes,les accords d’Oslo avaientsuffisamment insisté sur lebesoin de faciliter auxPalestiniens la mise en place deleurs propres médias, mais «lesréalités et le papier sont deuxchoses différentes». C’est doncl’UNESCO qui va faire lesdémarches pour l’obtention desfréquences. La télévision finit parse monter, mais les obstaclessont nombreux: commentproposer des statuts juridiques

pour une télévision dans un paysoù il n’existe pas de constitution? La population palestiniennecapte les télévisions satellitesgrâce à des paraboles. C’estpourquoi «la carte de visite de latélévision palestinienne, c’est sa‘qualité’, son indépendance: lapopulation fait une véritableallergie à tout ce qui ressembleau dirigisme», poursuit le chargédu projet. C’est dans un esprit deservice public qu’un programmede retransmission des sessionsdu Parlement a été mis en place:«c’est peut-être ennuyeux àpremière vue, mais c’estinstructif pour qui veutcomprendre comment fonctionneune démocratie». Lesjournalistes, eux, sont souventdes diplômés qui ont passé plusde temps avec une arme qu’avecune plume. Pas facile d’aller aubureau 8 heures par jour... Pourceux qui reviennent de l’étrangeroù ils ont pu travailler dans lesmédias locaux, l’adaptation sefait plus facilement. «Leurproposer une ‘formation’, c’est seposer en paternalistes et risquerde les vexer profondément. Ilvaut mieux parler d’échangesd’expériences; sans oublier qu’ilsn’ont pas pu exprimer la richessede leur culture pendant un demisiècle».

C.L.

L’épopée de la télévision palestinienne

L’église de la Nativité à Bethléem.

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16 avril 1999 - N° 111

EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF

CULTURE

Le patrimoinemondial chez les jeunesLa ville de Chartres (France) aaccueilli en février un Séminaireinternational sur l’éducation aupatrimoine mondial, avec 35 par-ticipants du monde entier. Laréunion avait pour objectif d’exa-miner les avancées du projet del’UNESCO sur «La participationdes jeunes dans la conservationet la promotion du patrimoinemondial », lancé en 1994. Un pland’action fut élaboré pour ladeuxième phase du projet (1999-2001), ainsi que des directivespour des sessions de formationd’enseignants prévues dansdiverses régions du monde. Laréunion fut enrichie d’une visiteau site culturel et religieux de la

ÉDUCATION

FORMER LES ETUDIANTSDOUÉSLes étudiants brillants reçoiventsouvent peu d’attention de leursprofesseurs, car on les consi-dère comme réussissant, etn’ayant pas besoin d’assistance.Mais une publication del’UNESCO, Educating Studentswith High Ability, vient dedémontrer que ces étudiants ontdes besoins spécifiques, et aux-quels peut répondre même unenseignant travaillant dans desconditions difficiles. L’étuderésume les résultats d’unerecherche menée par CatherineClark (Université de Newcastle,Grande-Bretagne) et BruceShore (Université McGill,Canada). L’ouvrage aide lesenseignants à identifier lesélèves doués, et donne desconseils pratiques pour les gui-der en classe. Par exemple, lesélèves doués travaillent souventplus vite que leurs pairs, et plu-sieurs méthodes pour utiliser cetemps gagné sont suggérées. Lamotivation, les contraintes cul-turelles, les différences gar-çons/filles, et l’implicationparentale figurent parmi lesautres thèmes traités.

●●● En savoir plusEducating Students with High Ability,Catherine Clark et Bruce Shore,UNESCO, 1998, Division del’éducation de base (en anglaisseulement).

Un partenariatbénéfiqueL’UNESCO et l’Internationalede l’Éducation (IE) ont signé le10 mars un Mémorandum d’en-tente mutuelle, qui fixe lesdomaines de leur coopération

SCIENCE

Les ingénieursavec l’UNESCOL’UNESCO et le Conseil inter-national des Sciences de l’in-génieur et de la technologie(ICET) ont signé le 16 mars unaccord-cadre visant à renfor-cer leur coopération. Créé en1994 à l’instigation del’UNESCO, l’ICET regroupequelque 10 millions d’ingé-

nieurs dans le monde. L’accordporte sur: la formation desingénieurs et la coopérationUniversité/Industrie; la gestiondurable des ressources en eauet en énergie; la prévention descatastrophes naturelles et laréduction de leur impact; etl’élaboration d’un code mon-dial d’éthique dans le respectdes cultures.

La cathédrale de Chartres.

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pour la période 1999-2001. Lesdeux organisations poursuivrontainsi une collaboration entaméeen 1994. L’Internationale del’Éducation est la plus grandeconfédération de syndicats d’en-seignants, représentant 284organisations nationales et 23millions d’enseignants et d’édu-cateurs dans 149 pays.L’UNESCO et l’IE vont notam-ment se pencher sur les consé-quences pour le système éduca-tif de la situation économiqueinternationale, et coopérer pourdévelopper des services d’infor-mation pour les enseignants surInternet.

●●● En savoir plusIE: [email protected]: 32 2 224 06 11

EDUCATION: QUOI DE NEUF?Le numéro de Mars-Mai 1999 deCompte à rebours, périodiqueconsacré aux activités del’UNESCO dans le domaine édu-catif dans le monde, est à nou-veau bourré d’informations. On ytrouvera un article sur l’alpha-bétisation de vendeuses sur lesmarchés d’Abidjan (Côted’Ivoire), dans un pays où moinsde 30% des femmes savent lire etécrire. D’autres articles traitentde l’éducation à distance dans lePacifique, de la formation pro-fessionnelle, ou de l’éducationpour les élèves doués. Dans unregistre plus léger, on trouveraun hommage à un Chinois de 60ans qui a aidé à livrer sur sonvélo plusieurs sériesd’Encyclopaedia Britannica –quelque 60 kg ! – à quelques-unes des 268 écoles du pays quien avaient reçu en don.

Cathédrale de Chartres, inscritesur la Liste du Patrimoine mon-dial depuis 1979.

●●● En savoir pluswww.unesco.org/whc

PRIX LITTÉRAIRELe Prix 1999 UNESCO-Françoise Gallimard a été décerné le 8avril à Eric Faye pour son roman Croisière en mer des pluies(Stock), et à Robert McLiam Wilson ainsi qu’à son traducteur enfrançais, Brice Matthieussent, pour Eurêka Street (Bourgois). Le prix récompense des écrivains de moins de 40 ans qui, parune œuvre originale en prose, traduisent les questions de notreépoque. D’un montant de 20.000 dollars, il est doté personnel-lement par Françoise Gallimard.

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Ils

ont

dit

..

«C’est mon pays, et jeveux m’y engager. Le

quitter serait admettre ladéfaite. L’Algérie est monpays, et je ne partiraipas».

Malika Griffou,enseignante algérienne,pendant la rencontre de

l’UNESCO Éducation:Religions

et Intégrismes.

«Aujourd’hui, une foisencore, les armes par-

lent. Des hommes et desfemmes risquent demourir parce qued’autres hommes n’ontpas su ou pas voulu éta-blir un dialogue et trou-ver une solution paci-fique à leurs problèmes».

Federico Mayor,Directeur général de

l’UNESCO, à propos desfrappes de l’OTAN

en Serbie.

«C’est à vous, lesrêveurs de moins de

40 ans, que revient latâche historique deremédier aux erreursmonumentales du passé.N’attendez rien du XXIesiècle. C’est le XXIesiècle qui attend tout de vous».Gabriel García Márquez,écrivain colombien, lors

du forum UNESCO La vision de la prochaine

génération: l’Amériquelatine et les Caraïbes au

seuil du prochainmillénaire.

«Pas de démocratiesans paix et pas de

paix sans sécurité, sansstabilité. Il ne faut pasopposer la société civileà la société militaire. Il ya une seule société, etelle doit participer aumême projet démocratique».Général Bernard Norlain,36 ans de carrière dans

l’Armée de l’airfrançaise, recevant del’UNESCO la médailleMahatma Gandhi, en

reconnaissance de sonrôle dans la prévention

des conflits.

17N° 111 - avril 1999

EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN

IN MEMORIAM

CULTURE DE LA PAIX

LA VÉRITÉ AU GUATEMALA«Ce rapport va permettre au peuple guatémaltèque contraint ausilence de parler enfin officiellement»: c’est dans ces termes queRigoberta Menchú, lauréate du Prix Nobel, a présenté le 5 mars àl’UNESCO les recommandations et conclusions du rapport de laCommission de la Vérité du Guatemala. Le document de 3.600pages, intitulé Guatemala, Mémoire du Silence, a été présentépendant une réunion du Groupe consultatif international duProgramme de l’UNESCO «Vers une culture de la paix».Le rapport de la Commission de la Vérité du Guatemala est né del’Accord de paix qui a mis fin à près de 35 ans de lutte arméeintérieure. Il recense les 200.000 assassinats et 626 massacres quiavaient principalement touché la population maya. RigobertaMenchú a exprimé l’espoir que le rapport «aide à surveiller laprocédure judiciaire».

Un «Manifeste 2000pour une culture de lapaix et de la non-violence» a été lancé àParis le 4 mars. Sonobjectif est de générerun mouvement popu-laire mondial en faveurde la paix, de la solida-rité et de la tolérance.Le Manifeste a étéélaboré par un groupede Prix Nobel de lapaix, avec le concours

de l’UNESCO, dans lecadre de la prépara-tion de l’Année inter-nationale de la culturede la paix, prévue en2000. Etaient présentsau lancement les PrixNobel de la paixMairead CorriganMacguire (Irlande duNord), RigobertaMenchú (Guatemala)et Adolfo PérezEsquivel (Argentine).

Parlant du XXe sièclecomme d’un siècle deviolence et de mort,Federico Mayor,Directeur général del’UNESCO, a déclaré:«nous en avons payéle prix en vieshumaines. Nousdevons maintenantpayer pour la paix. Legrand défi auquelnous faisons facemaintenant est

d’apprendre àrespecter l’autre, àécouter l’autre».L’UNESCO va diffuserle Manifeste 2000 dansle monde, avecl’objectif de recueillir100 millions designatures d’iciseptembre 2000.

Se mobiliser pour la paix

Rigoberta Menchú Tum.

Lord Yehudi Menuhin

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L’AMBASSADEUR DE LA MUSIQUE«Virtuose inspiré, Lord YehudiMenuhin était aussi un vivantexemple de tolérance et de com-préhension entre les peuples.Le monde perd un homme admi-rable; l’UNESCO perd un ami delongue date». Le Directeur géné-ral de l’UNESCO, Federico Mayor,a rendu hommage le 12 mars à lamémoire de celui qui était,depuis 1992, Ambassadeur debonne volonté de l’UNESCO.Né Américain de parents russes

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juifs, naturalisé britannique etcitoyen d’honneur de la Suisse,Yehudi Menuhin était non seule-ment un musicien hors pair, maisun fervent défenseur de l’ensei-gnement musical, qui avait mis sapassion au service de l’éduca-tion musicale et des jeunestalents. De 1969 à 1975, YehudiMenuhin avait présidé le ConseilInternational de la musique, ONGsubventionnée par l’UNESCO. Il aaussi contribué à l’instauration dela Journée internationale de lamusique, le 1er octobre.

●●● Pour signer le manifeste:www.unesco.org/manifesto2000

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18 avril 1999 - N° 111

EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF

URGENCES

COMMUNICATION

UNE AIDE POUR LES MÉDIAS DU SUD ET DE L’EST13 projets soumis par desmédias écrits ouaudiovisuels dans des paysen développement et entransition vont bénéficierd’une aide de 595.000 dollarsaccordée par le ProgrammeInternational pour leDéveloppement de laCommunication (PIDC). Cetteaide vient s’ajouter aux2.035.000 dollars accordés àdes projets en octobredernier par le PIDC.Les projets approuvéscouvrent un large éventaild’activités: une assistance aujournal indépendant A Semana au Cap Vert; unprogramme de formation dejournalistes au Ghana;l’extension de la couverturepar l’Agence sénégalaise depresse de tout le pays;l’échange de programmestélévisés entre desprofessionnels de laproduction dans le Pacifique;un programme destiné àaméliorer la situation desfemmes journalistes enMalaisie; la création d’uncentre de productionaudiovisuelle et de formationau Brésil; l’amélioration del’équipement pourprogrammes télévisés pourenfants, jeunes et femmes enIrak; ou la couvertureterritoriale de la premièrechaîne radio FM en Bulgarie.

Le sénateur américain George Mitchell et le Premier Ministre duBangladesh Sheik Hasena Wazed sont les lauréats du Prix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix. Le sénateur Mitchell est leconseiller spécial du Président Clinton pour les affaires irlandaises,et voit couronnés ses efforts pour mettre un terme au conflit en Irlandedu nord. Sheik Hasena Wazed voit consacré son succès pour avoirmis fin au conflit national dans son pays. Les lauréats ont été choisis par un jury international présidé par lePrix Nobel Henry Kissinger. Le Prix Houphouët-Boigny, du nom del’ancien Président de Côte d’Ivoire, a été créé par l’UNESCO en1989, et couronne des individus, des organisations ou des institutionsqui contribuent à la promotion, à la recherche, ou au maintien dela paix.

George Mitchell et Sheik Hasena Wazed couronnés

Survivre à l’ouragan5 mois après le passage de l’ou-ragan Mitch, le temps des aidesd’urgences est terminé, et lespays d’Amérique centrale com-mencent leur reconstructionavec des objectifs de longterme. Participant au proces-sus, l’UNESCO met en placeune assistance d’une valeur de1,5 millions de dollars qui cou-vrira plusieurs activités dansles pays touchés par l’ouragan,

Henry Kissinger (au centre) présidant le jury.

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PLUME LIBRE AU MEXIQUELe Prix UNESCO/GuillermoCano pour la liberté de lapresse a été attribué cetteannée au journaliste mexicainJesús Blancornelas, 63 ans, co-fondateur et rédacteur en chefde l’hebdomadaire Zeta, basé àTijuana, qui s’est distingué parla dénonciation de lacorruption, notamment celleliée au trafic de drogue.Blancornelas est également levice-président de l’Associationdes journalistes mexicains,qu’il a contribué à créer en1998. Il avait été victime d’unattentat en 1997. Son collègueHector Félix Miranda etcofondateur du magazine, avaitété assassiné en 1998. Le prix, doté de 25.000 dollars,a été créé par l’UNESCO en1997, en hommage aujournaliste colombienGuillermo Cano, tué pendantses enquêtes sur les barons dela drogue dans son pays.

notamment: un plan d’installa-tion de villages solaires; la dis-tribution de matériels audio-visuels pour l’apprentissage debase; la diffusion de pro-grammes radiophoniques pourles enfants; la mise en place deprogrammes de suivi psycho-social aux enfants; et le soutienpour des études cas sur l’im-pact de l’ouragan Mitch sur lesressources naturelles. L’UNESCO participera aussi auProgramme de réduction des

désastres en Amérique centraleet au Panama, dans le cadred’un projet d’un million de dol-lars financé par les Pays-Bas, età des projets de soutien éduca-tif pour un montant de 350.000dollars. Le Fonds du Patrimoine mon-dial appuie aussi des actionspour le site de la Joya del Cetren(El Salvador), des ruines de LeónViejo (Nicaragua) et des ruinesde Copán (Honduras) pour untotal de 109.000 dollars.

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LIVRES

19N° 111 - avril 1999

EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN

Non à la guerre,disent les femmesEditions UNESCO, 82 p.58 photos, 135 FF.L’UNESCO a célébré la Journée dela femme (8 mars) cette annéeavec, entre autres événements,la parution d’un livre: Non à laguerre, disent les femmes. Lesphotographies et le texte illus-trent les violences exercéescontre les femmes, ainsi que lescontributions de femmes à la paix.

PÉRIODIQUES

FEMMES

ECOLE: OÙ SONT LES FILLES?Le fossé garçons/filles dans l’ac-cès à l’éducation demeure unproblème dans plusieurs paysd’Asie, rappelle une étude del’UNESCO menée en Inde, enIndonésie, en République démo-cratique du Laos, au Népal et enThaïlande. L’étude souligne laforte présence masculine dansles instances de décision édu-catives. Elle démontre que lefossé est visible dès les pre-mières années d’école, et s’ag-grave progressivement. À l’ex-ception du Népal, aucun pays nes’est fixé d’objectifs concretspour les filles, et de nombreuxprojets pilotes peu efficaces sontmaintenus. Enseigner aux fillesest plus complexe qu’enseigneraux garçons, souligne l’étude.Avant d’entrer dans une salle declasse, les filles doivent sur-monter des obstacles tels que letraitement préférentiel des gar-çons, les mariages précoces, etle manque d’enseignantes.L’étude souligne la nécessité desensibiliser les hommes commeles femmes à ce fossé sexiste.●●● En savoir plus:www.unesco.org/education

Revueinternationale des sciencessocialesLes aspects sociaux et culturelsde l’intégration culturelle sontau centre du dernier numéro dela Revue Internationale desSciences Sociales. Au cours desdernières décennies, les poli-tiques et les projets d’intégra-tion se sont multipliés dans lemonde, mettant l’accent sur ladimension économique. Cenuméro veut rétablir un équi-libre en démontrant que les nou-veaux projets d’intégration régio-nale naissent dans des contextessocio-historiques complexes, etque l’intégration va au-delà deprocessus économiques ou poli-tiques.Les articles couvrent des sujetstels que: la culture, les femmes,et le monde musulman; la mon-tée de l’intolérance contre lesimmigrés en Europe; ou les bou-leversements sociaux en Russie.Le forum qui clôt la revue estconsacré aux risques d’investis-sements en Algérie: avec l’inter-nationalisation croissante del’économie et des marchés, lerisque politique est devenu unfacteur-clé pour les entreprisesdans leurs décisions d’investis-sements extérieurs et d’expor-tations.

LE COURRIER DE L’UNESCORien n’endigue la montée despassions sportives. Des millionsde pratiquants s’acharnent àessayer de sortir du rang. Desmillions de supporters se réunis-sent derrière leurs idoles. Lesgrandes rencontres sportivessont devenues des «grands-messes», constate la livraison

d’avril du Courrier de l’UNESCO,dans son dossier consacré au«Sport passion». Ceci malgré lacorruption, le dopage, l’intrusiondes entreprises privées et dusponsoring, et l’exploitation desenfants qui fabriquent ballons ouchaussures dans certains pays.Le Courrier examine les pas-sions, le rôle social et les mythesassociés au sport, et comment«le sport est un des moyens d’en-tretenir la ferveur nationale entemps de paix. Pour la trouvertoute prête en temps de guerre»,ainsi que l’exprime l’écrivain bri-tannique Alan Sillitoe. Dans cenuméro également, un article surla révolte des populationsautochtones contre des multina-tionales qui exploitent desmatières premières sur leursterres, ainsi qu’un entretien avecLeïla Shahid, représentante del’Autorité palestinienne enFrance.

●●● En savoir plusLes publications et périodiques sonten vente au Siège, à la Librairie del’UNESCO, ainsi que par l’intermé-diaire des agents de vente dans laplupart des pays. Informations et commandes directespar courrier, fax ou Internet: ÉditionsUNESCO, 7 place de Fontenoy, 75352Paris 07 SP. Tel. (+33 1) 01 45 68 43 00 -Fax (33 1) 01 45 68 57 41. Internet:http://www.unesco.org/publishing

Micro-crédit pour un maxi-impactUn défilé de mode auquel assis-tait la Reine Sofia d’Espagne aclôt la Conférence sur «Femmesindigènes et rurales d’Amériquelatine: pauvreté, microfinanceet développement des micro-entreprises» qui s’est déroulée le17 mars et réunissait des expertssur la condition des femmes indi-gènes et rurales en Amériquelatine et sur le micro-crédit.Federico Mayor, Directeur géné-ral de l’UNESCO, a ouvert la ren-contre en rappelant l’importancedu microcrédit et quelques ini-tiatives prises par l’UNESCO: auBangladesh, où 30.000 tisse-randes ont reçu des commandesde pays européens, et en BosnieHerzégovine, où l’UNESCO sou-tient des artisanes tricoteuses.«Le microcrédit est l’outil le pluspuissant pour le progrès éco-nomique des femmes. Il s’agitd’une approche pratique desproblèmes économiques maisaussi d’une démarche qui cor-respond à notre vision de l’édu-cation, le développement descapacités de tous», a souligné leDirecteur général.

Les images sont émouvantes etdérangeantes. Plaidoyer silen-cieux pour que cessent les vio-lences contre toutes les femmes.

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Une fleur contre des fusils!

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équipe de femmes. Certainsenvisagent désormais deleur confier une tranchehoraire.

Elles vivent dans le vil-lage de Pastapur. Leuréquipe a été formée parl’Association pour le déve-loppement du Deccan, uneONG basée dans la villed’Hyderabad, active depuisune décennie. Ce projet estmené depuis un an sousl’égide du programme del’UNESCO «Apprendre sansfrontières».

Plusieurs sesssions deformation aux techniques dutournage et du montage, dequatre jours chacune, ont étéorganisées. Ces sept femmessont des «dalits», la plusbasse des castes de l’impi-toyable hiérarchie hindoue.

Petite, sèche, les piedsdans l’eau noire qui inondeles champs à perte de vue,Narsamma témoigne devantla caméra, parlant avecémotion de la destructionde récoltes qui assurent lasurvie de la population, etévoquant leur sombreavenir. «Parce qu’elles sont

Cinq minutes. C’est ladurée d’un reportage

que les grandes chaînes detélévision en Inde ontconsacré aux pluies tor-rentielles qui se sont abat-tues l’an dernier dans lazone semi-aride de Zahee-rabad, dans l’État indien del’Andhra Pradesh. Des hec-tares de cultures étaientdétruits. Après le passagedu cyclone, il ne restait riendes champs de riz et decoton, appartenant auxpaysans relativement aisés.

Et les champs de sorgho etde mil, qui assurent la sub-sistance des plus pauvres,ne valaient guère mieux.

Cinq minutes, cela peutsembler bien peu en regarddu désastre dont ont été vic-times ces populations. Celareprésente déjà un succèspour Narsamma. Ouvrièreagricole de 25 ans, elle nesait ni lire ni écrire. Maiselle sait se servir d’unecaméra. Les producteursont été impressionnés parl’émotion et la force qui sedégagent des imagestournées par elle et son

20 avril 1999 - N° 111

REGARDSDE FEMMES

Analphabètes mais porteuses

d’une forte tradition orale, les femmes de Pastapur,

en Inde, se lancent dans la vidéo.

COMMUNICATION

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La vidéo change la vie des femmes.

analphabètes, ces femmes

sont dépréciées et mar-

ginalisées, coupées du

monde extérieur. Et pour-

tant elles portent une tra-

dition orale d’une grande

richesse», souligne le direc-teur de l’association, P. V.Sateesh. Lui-même ancienréalisateur de télévision, ildit sa foi dans le «formi-

dable potentiel d’échange

et de communication que

représente la vidéo dans de

telles communautés ru-

rales».Un des premiers repor-

tages réalisés par l’équipede Narsamma porte ainsisur les crèches («bal

wadis»), développées parl’association, qui libèrentles femmes pour d’autrestâches et leur permettentde participer aux réunionspopulaires («sanghams»).

Le grand banian devantle siège de l’association pro-tège de son ombre les habi-tants, pour la plupart desfemmes, venus ce jour-là au«sangham». Aujourd’hui, ilest question de l’école asso-ciative. L’association placeen effet l’éducation, surtoutcelle des filles, en tête deses priorités avec le déve-loppement agricole durable.Elle a mis sur pied touteune filière qui commencepar des crèches et se pour-suit par une école («pacha-

saale»). L’enseignement est

adapté aux conditions de lacampagne, mêlant desbribes d’apprentissage à lavie sociale à une instruc-tion classique. Narsammaexplique ce que la vidéopeut apporter à cesactions: «Quand on parle,

par exemple, de l’utilité

des crèches, ou de l’im-

portance de la scolarisa-

tion des enfants, ou encore

du contrôle des naissances

pour les adolescentes, les

femmes ont du mal à com-

prendre. Finalement, elles

n’écoutent pas. Le message

ne passe pas. Mais en leur

montrant des images, ou

encore mieux un film, il y

a une bonne chance de

retenir leur attention. J’ai

le sentiment qu’une sur

deux comprend le message,

ce qui n’est déjà pas si

mal.»

DES EXCLUSLes habitants de Pasta-

pur et des villages avoisi-nants, pour la plupart des«dalits», sont en majoritédes paysans marginalisés oudes ouvriers agricoles sansterre. Seuls les plus chan-ceux ont une vache ouquelques chèvres. Tenus àl’écart par le système descastes, exclus du systèmeéconomique, ils vivent dansune pauvreté terrible. Lestaux d’analphabétisme sontélevés, le mariage desenfants encore une pratiquecourante, et la violencecontre les femmes un malquotidien. «Nous pouvons

aborder ces problèmes bien

mieux que les citadins, pro-clame Narsamma avec véhé-mence. Ils parlent une autre

langue alors que nous, nous

appartenons à la commu-

nauté du village. Entre

nous, nous nous compre-

nons».Sateesh, le directeur, qui

n’en est pas à sa premièreexpérience du genre, estenthousiaste: «Je n’ai ja-

mais vu de groupe maîtri-

ser les techniques de la

vidéo si rapidement. Ces

femmes ont vraiment

dépassé toutes mes espé-

rances». Il se met à rêver qu’«elles

puissent se poser en égal

des soi-disant ‘grands

médias’, et donner une

forme et un contenu diffé-

rents à l’information. Ce

serait un média populaire

d’une richesse incroyable».

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21No 111 - avril 1999

TOUCHE PAS À MONPATRIMOINE!

En cas de combats, on ne pourra plus

démolir le patrimoine culturel sans risquer d’être jugé.

Vendredi 28 mars à LaHaye, une conférence

diplomatique réunie parl’UNESCO a franchi ungrand pas dans la sauve-garde du patrimoine enadoptant un protocole,complétant la Convention,établie en 1954 dans cettemême ville des Pays-Bas,«pour la protection desbiens culturels en cas deconflit armé». Cette Con-vention, comme l’avaitnoté un expert indépen-dant anglais, PatrickBoylan, dans un bilan cri-tique établi en 1993 à lademande de l’UNESCO,est restée largement lettremorte, non pas tant àcause de ses principesgénéraux que par manquede moyens d’application etde sanction. Le protocole,qui représente huit ans detravail pour l’UNESCO et

auquel les États restentlibres d’adhérer, entendpallier les grandes défail-lances de la Convention.

Louise Doswald-Beck,représentant le Comitéinternational de la CroixRouge qui s’est étroite-ment associé à ce proces-sus, a bien résumé l’étatd’esprit des experts desorganisations internatio-nales ou non gouverne-mentales présents: «c’est

un succès, dans les

limites du possible». Ellefaisait ainsi allusion à ladifficulté qu’il peut y avoirà obtenir des avancéesplus révolutionnaires dansune réunion de 300 per-sonnes où les décisionssont prises par consensus.

Le Protocole, qui a étéfinalement adopté sansobjection par les représen-tants de 93 pays, réaffirme

CONVENTION

«l’immunité» des biensculturels en cas de guerreou d’occupation. Sa princi-pale nouveauté est d’éta-blir un dispositif répressif,alors que la Convention sebornait à s’en remettre auxjuridictions nationales.Désormais, au titre duProtocole, la «responsabi-

lité individuelle» peutêtre invoquée. L’officierqui donne l’ordre dedétruire une église, unemosquée, une pagode ouun musée, peut être ainsimis en cause autant que lesoldat qui a tiré. Ceux quiauront commis des crimescontre la culture peuventmême, le cas échéant, êtretraduits devant des juridic-tions internationales. LesÉtats parties de laConvention s’engagent detoute manière à coopéreraux enquêtes, procéder aux

Ce qui reste de la bibliothèque de Sarajevo: plus jamais ça!

La vidéo n’est pasqu’une technique. Elle achangé la vie de cesfemmes, et d’autres autourd’elles. Narsamma veutmaintenant apprendre à lireet écrire, ne serait-ce quepour pouvoir lire les ins-tructions du matériel. Enattendant, l’équipe a dûinventer ses proprestermes, en jouant sur lesmots: la vue en contre-plon-gée est appelée la vue«dora». Dora, c’est le moten telugu pour seigneur,donc celui d’une caste supé-rieure qui regarde de hautun dalit.

La prochaine étape dece projet «Apprendre sansfrontières» est d’installerune radio communautairequi serait la première dugenre dans le continentasiatique, autogérée par lesfemmes de la communautédes dalits. Disposant d’unrayon de diffusion d’unetrentaine de kilomètres,cette radio pourrait diffu-ser des programmes trai-tant de questions locales,réalisés par des femmesayant reçu le diplôme de laPachasaale.

CHANGER DE VIE«Le projet a aussi

changé les comportements.

Les femmes sont fières

d’elles maintenant, souligneRukmini Rao, coordinatricede la branche féminine del’association pour le déve-loppement du Deccan. Vous

savez, nous nous heurtons

à cette vision d’une femme

indienne passive, prête à

se laisser tuer pour la dot.

Au contraire, les femmes

que je rencontre à la cam-

pagne débordent de vita-

lité. Il leur suffit d’une toute

petite ouverture, une

chance minime qui s’offre

à elles dans la vie, et elles

vont vraiment se mettre à

vivre à plein. Elles font

alors montre d’un grand

courage, et elles veulent tout

changer de leur vie». ●

Sputnik Kilambi

à Pastapur

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Au bout de quatre ansde patience et d’efforts, ilsont obtenu satisfaction.L’UNESCO a publié, enanglais et en français, uncoffret de l’enseignant, «Lepatrimoine mondial entreles mains des jeunes», oùles «patrimonitos» figurenten bonne place.

imaginé au Premier Forumdes jeunes du patrimoinemondial à Bergen (Nor-vège) en 1995. C’est aussi àla conférence de Bergenqu’enseignants et élèvesont demandé de nouveauxmatériels pédagogiquespour l’éducation au patri-moine.

22 avril 1999 - N° 111

arrestations, juger ou le caséchéant extrader les sus-pects.

Un autre handicap dela Convention, qui autori-sait des dérogations aurespect du patrimoine cul-turel en cas de «nécessité

militaire impérative», aété partiellement levé. LaConvention avait en effetlaissé cette notion dans levague, ce qui donnait lati-tude aux militaires d’invo-quer ce prétexte à tout pro-pos. La conférence a été àdeux doigts de supprimercette notion même, maisfinalement elle a choisi dedonner une définitiondétaillée des possibilitésd’action laissées aux mili-taires en un tel cas.

RÉDUIRE LES DOMMAGES

Concrètement, si unmonument historique estutilisé par l’ennemi, seulun officier de haut rang(en principe au moins ungénéral de brigade) pour-rait donner l’ordre d’at-taque, et ce après avoiraverti les forces adverseset exigé l’évacuation deslieux en laissant un délairaisonnable. Si l’attaque

était vraiment inévitable,elle devrait être conduitede manière à «réduire au

minimum les domma-

ges». Inutile de dire que lesexperts militaires, qui ontété associés à cetteréflexion et aux négocia-tions, ont parfois fait la gri-mace. Le Protocole préci-se bien que toutes ses dis-positions s’appliquentaussi aux guerres civilesqui sont de nos jours lesplus fréquentes. Il établitaussi un certain nombre derègles pour les forces d’oc-cupation, leur interdisantde déplacer «illicitement»des biens culturels ou,sauf nécessité impérative,de procéder à des fouillesarchéologiques. En revan-che, la proposition quiaurait fait jurisprudenced’accorder une «protec-

tion spéciale» aux expertsdes ONG en mission n’amalheureusement pas étéretenue.

Certains biens cultu-rels «de la plus haute

importance pour l’huma-

nité» comme le Taj Mahal,les Pyramides du Caire,Angkor ou l’Acropole peu-vent bénéficier d’une «pro-

tection renforcée». Une

liste de ces sites sera éta-blie, et gérée par un co-mité intergouvernemental.Les rédacteurs se sont ins-pirés du succès de la Listedu patrimoine mondial.

SURVEILLANCEUn mécanisme de sur-

veillance et d’applicationdu Protocole est prévu,sous la houlette du comitéintergouvernemental. Làencore, un compromis aété trouvé, car l’UNESCOaurait préféré un bureau,plus souple, et aussi plusindépendant et exigeant. Ildisposera d’un finance-ment à partir d’un fondsspécial, alimenté par descontributions volontaires,qui permettra notammentde commander des en-quêtes sur le terrain. LeBouclier bleu, une associa-tion d’aide d’urgence deconservateurs, archivisteset bibliothécaires, lui ser-vira d’organisme consulta-tif. L’UNESCO, qui estdépositaire du Protocolecomme de la Convention,assure le secrétariat ducomité.

Un cinquième des délé-gations représentait despays n’ayant pas adhéré à

la Convention de 1954.Mais certains, comme lesÉtats-Unis, la Chine ou laGrande-Bretagne, ont ex-primé leur souhait de serallier aux 95 États parties.La cérémonie des pre-mières signatures duProtocole, prévue le 17 maià la Haye, devrait per-mettre de donner un aper-çu de l’écho effectif decette nouvelle législationinternationale.

En face du palais descongrès accueillant laconférence diplomatique,le tribunal internationalsur les crimes de guerredans l’ex-Yougoslavie te-nait chaque jour session.Dans un bocal de verreblindé, trois juges en pour-point rouge interrogent ungénéral croate. Entre deuxquestions sur des mas-sacres et autres atrocitésattribués à ses troupes, unjuge lui demande à plu-sieurs reprises pourquoides mosquées ont étédétruites... L’accusé auxlunettes et visage rond, quegagne la calvitie, bre-douille. Il ne sait querépondre. ●

Nicolas Michaux

Un kit pédagogique de l’UNESCO veut sensibiliser

les jeunes à l’importance de leur patrimoine, à ses

rapports avec leur identité, leur culture et leurs

croyances - et à celles des autres dans le monde entier.

DE FUTURS ANGES GARDIENS

PATRIMOINE

L’éducation joue un

rôle décisif. Plus nous

en savons sur les sites de

notre patrimoine, plus

nous pouvons en com-

prendre la valeur et nous

appliquer à en prendre

soin», déclare l’«engage-ment des patrimonitos»rédigé par les jeunes

participants au DeuxièmeForum des jeunes du patri-moine mondial internatio-nal, qui s’est tenu ennovembre dernier à Osaka(Japon). Le terme «patri-monito» désigne un jeuneprotecteur du patrimoine,symbolisé par le petitpersonnage sympathique

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de géographie et d’art: lesélèves doivent localiser lessites de signature de traitésde paix, puis traduire sousune forme artistique le mes-sage de ces sites. En analy-sant la Convention de 1954pour la protection des biensculturels en cas de conflitarmé, les élèves des coursd’histoire et d’éducationcivique étudieront les dom-mages infligés par lesguerres à l’environnementhistorique et naturel.

«Nous avons vu avec

quel enthousiasme les

jeunes deviennent des

‘patrimonitos’, se souvientElizabeth Khawajkie. Nous

espérons toucher un plus

large public avec ce coffret,

et fournir aux élèves une

information qui ne répon-

de pas seulement à leurs

besoins et intérêts du

moment, mais reste gravée

dans leur mémoire. Si

nous réussissons à faire

passer le message aujour-

d’hui, le patrimoine mon-

dial sera dans de bonnes

mains demain.» ●

Ann-Louise Martin

Peter Stone, archéologueet consultant pour la réali-sation du kit, mais tous les

enseignants n’ont pas la

possibilité d’appliquer

cette méthode: ils peuvent

en être empêchés par un

régime politique répressif,

manquer de ressources

nécessaires ou de la for-

mation requise.»«Toutefois, précise Eli-

zabeth Khawajkie, le coffret

propose une sorte de

‘menu ouvert’: les ensei-

gnants peuvent choisir les

thèmes. Et ceux-ci repren-

nent de nombreuses idées

émises et testées par les

enseignants et les élèves

aux deux forums des

jeunes du patrimoine

mondial. Les enseignants

reconnaissent que leur rôle

se modifie actuellement à

un rythme accéléré.»L’approche pluridiscipli-

naire a été privilégiée. Lesélèves de géographie pour-ront par exemple étudier leZimbabwe à partir de l’étudedu Grand Monumentnational du Zimbabwe, tan-dis qu’un cours d’histoiremettra en évidence plusieursquestions complexes liéesau site, comme la théorie(aujourd’hui réfutée) decolons blancs selon laquelledes Noirs n’auraient pas puconstruire ce monument.Une activité suggérée auchapitre sur la culture depaix intéresseles coursd’histoire,

23No 111 - avril 1999

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●●● Le coffret pédagogique pilote du patrimoine mondial «Le patrimoine mondial aux mains des jeunes»- a été produit par le Centre du patrimoine mondial, le Réseau dusystème des écoles associées et le directeur de l’unité de l’UNESCOsur la condition des femmes et l’égalité sexuelle; est financé par laFondation Rhône-Poulenc et l’Agence norvégienne pour la coopérationau développement;- est diffusé gratuitement à titre expérimental par les Commissionsnationales de l’UNESCO;- peut être traduit intégralement ou en partie avec une aide financièrede l’UNESCO (les demandes reçues à ce jour portent sur 38 langues); - constituera un élément marquant du Forum des jeunes du patrimoinemondial prévu dans l’île de Gorée (Sénégal) en août et au Maroc enseptembre 1999.www.unesco.org/education - Fax: (33 1) 45 68 56 39

Ce coffret pédagogiquecouvre les composanteslocales, nationales, régio-nales et mondiales dupatrimoine en y associantdes informations sur lessites naturels et culturels.Mis en valeur par des cou-leurs vives, il est rédigé enlangage clair et direct. Ilveut faire du mot «patri-moine» une réalité vivanteet quotidienne au moyende 40 suggestions d’activi-tés à effectuer en classe età l’extérieur, mais peutaussi servir, précisent sesauteurs, aux gestionnairesde sites, responsables édu-catifs des musées, ONG etcollectivités.

VISION GLOBALE«Nous voulons créer

une base de connais-

sances, explique ElizabethKhawajkie, coordinatricedu système des écolesassociées de l’UNESCO,puis conjuguer les compé-

tences et créer à partir de

là toute une structure

d’activités, dont la visite

et la conservation des

sites. Le réseau permettra

à un plus grand nombre

d’écoles dotées de res-

sources d’aider les moins

favorisées en recueillant

des fonds pour des excur-

sions.»«Concret, prenant en

compte la diversité cultu-

relle et les minorités, le

coffret a sa place dans

toutes les matières au

programme, ajoute SarahTitchen, du Centre dupatrimoine mondial. Cette

vision ‘globale’ du patri-

moine semble aller de soi

aujourd’hui, mais à son

lancement le projet inno-

vait sur plusieurs plans.»Le kit comprend un guidede navigation sur Internet,accompagné d’une liste desites à consulter sur lepatrimoine mondial et leréseau des écoles asso-ciées.

Le coffret s’adresse àtous. «Nous avons décidé

d’inclure 25 grandes pho-

tos plastifiées d’un choix

de sites du patrimoine,précise Elizabeth Kha-wajkie. Certaines de nos

écoles n’ont pas l’électrici-

té ni les équipements vou-

lus pour projeter des dia-

positives ou des vidéos».Ce matériel pédago-

gique met l’accent sur laparticipation des élèves.Dans un exercice, on leurdemande de choisir un siteet d’imaginer de nouvellesméthodes d’approche pourles touristes. Leurs sugges-tions seront ensuite trans-mises à l’agence locale dutourisme ou du patrimoinepour commentaires. Leschapitres sur l’environne-ment offrent des thèmesde discussion sur le recy-clage et invitent à prendredes initiatives pour préser-ver la propreté des sites dupatrimoine.

«Nous demandons à

nos élèves une réflexion

personnelle, commente

UN COFFRET POUR TOUS

Le partage des cultures.

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calendrier de l’UNESCO

Prochains dossiers:

CONFÉRENCE MONDIALE SUR LA SCIENCE

ENSEIGNER EN SITUATIONS D’URGENCE

du 17 mai au 11 juin CONSEIL EXÉCUTIFAu Siège, réunion du Conseil exécutif de l’UNESCO, qui étudie et évalue l’avancement des programmes de l’Organisation.

du 17 au 20 mai FEMMES DE PAIXÀ Zanzibar (Tanzanie), l’UNESCO organise une Conférence pan-africaine des femmespour une culture de paix, rassemblant des militantes et activistes de tout le continent.

25 mai UN JOUR POUR L’AFRIQUELe Siège célèbre la Journée de l’Afrique avec quelque 400 participants.

25 et 26 mai ARTISANS DU MONDEAu Siège, réunion du Conseil mondial de l’artisanat, partenaire de l’UNESCO pour la préservation de ce patrimoine intangible.

du 25 au 27 mai ÉNERGIE SOLAIRE POUR L’EUROPELe Programme solaire mondial organise à Sofia (Bulgarie) un forum pan-européen pour les entreprises.

du 2 au 4 juin EAU ET INFORMATIONLe Siège accueille un symposium international sur la société cognitive et les problèmes de l’eau.

10 et 11 juin UN ENSEIGNEMENT TRÈS SECONDAIREAu Siège, l’UNESCO réunit des organisations intergouvernementales et des ONG pour élaborer des stratégies pour l’éducation secondaire, souvent négligée par les politiques nationales.

du 10 au 12 juin ARCHIVES DU MONDEÀ Vienne (Autriche), le Conseil du Programme mémoire du monde sélectionnera les nouveaux documents et collections historiques à inscrire au registre de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine documentaire.