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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Tutorat Droit Commercial
Cas n° 1
Le premier élément est la fondation de la société en nom collectif (art. 552 ss
CO). En droit commercial, on distingue société de personnes et société de
capitaux. La société en nom collectif est une société de personnes. Dans ce
cas, on s’intéressera surtout aux rapports envers les tiers (la banque et l’oncle
dans ce cas-ci). L’oncle est un créancier personnel (art. 572 CO) alors que la
banque est un créancier de la société (art. 568 CO). Les associés ont une
responsabilité solidaire qui porte sur tout leur patrimoine (au contraire d’une
SA, société de capitaux). L’art. 568 al. 1 fixe le principe alors que l’al. 3 pose
une condition pour rechercher les associés personnellement. Les créanciers
doivent donc d’abord rechercher la société avant de rechercher
personnellement un associé (principe de subsidiarité). L’art. 570 est clair : les
créanciers de la société sont payés sur l’actif social de la société (patrimoine
de la société) à l’exclusion des créanciers personnels (l’oncle, qui n’a aucun
lien avec la société). Il faut donc procéder à une liquidation hypothétique :
- Actifs : 2'000 (débiteurs), 2'500 (stock), installations (3'500) : 8'000.
- Passifs : 10'000 (banque).
- Perte : 2'000.
La banque a donc droit a 10'000 francs mais ne reçoit que 8'000 francs après
la liquidation de la société. La banque va donc poursuivre personnellement
les associés pour faire exécuter sa créance de 2'000 francs (art. 568 al. 1). Il
faut donc lister les actifs et les passifs d’Alexandra :
- Actifs : 10'000 (fortune).
- Passifs : 20'000 (dette envers l’oncle), 2'000 (dette envers la banque).
- Perte : 12'000.
La répartition est en principe proportionnelle : Alexandra ne pourra
rembourser que 45% de la dette (10'000 francs sur les 22'000 francs au total).
Ainsi, la banque touchera 900 francs (et donc 8'900 francs au total) alors que
l’oncle touchera 9'000 francs (calcul approximatif).
IUR III 2012-2013 1
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Dans un deuxième temps, on opère une seconde liquidation hypothétique afin
de comparer avec la liquidation établie précédemment. On établit donc un
second bilan pour Alexandra, en considérant que la société n’a jamais existé
et que la vente de chaussettes a donc été
- Actifs : 10'000 (fortune), 8'000 (vente et infrastructures).
- Passifs : 20'000 (dette envers l’oncle), 10'000 (dette envers la banque).
- Perte : 12'000.
Alexandra ne pourra rembourser que 60% de la dette. Ainsi, l’oncle touchera
12'000 francs et la banque touchera 6'000 francs. Au final, on voit que
l’absence de société en nom collectif est bénéfique aux créanciers
personnels, qui touchent plus d’argent. Cela est logique : les banques doivent
avoir confiance pour prêter. Le législateur a donc voulu favoriser les banques
et indirectement favoriser le remboursement des frais bancaires.
Cas n° 2
Il s’agit d’un cas de fondation de SA. Les SA doivent être inscrites du
commerce : dès lors, elle acquiert la personnalité juridique (art. 643 al. 1 CO).
L’al. 2 précise que la personnalité est acquise même si les conditions de
l’inscription ne sont pas remplies (effets guérisseurs de l’inscription). Il existe
ensuite une limite liée au capital-actions, qui ne peut être inférieur à 100'000
francs. L’art. 632 CO précise que le capital-actions doit au moins contenir
50'000 francs disponible et 20% du capital-actions total (conditions
cumulatives). Cet article permet de ne pas exiger l’entier de la somme en
liquide ou en apport. Il faut à présenter déterminer si le menuisier a les fonds
nécessaires pour fonder sa SA et lister les éléments à sa disposition :
- Un atelier chiffré à 30'000 francs (déduction du crédit de 70'000).
- 10'000 francs de liquidité disponible.
- Des machines valant 20'000 francs (déduction du crédit de 30'000).
- Un stock de produits finis chiffré à 3'000 francs.
- Un stock de bois valant 7'000 francs.
IUR III 2012-2013 2
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Jean-Paul dispose donc en tout de 70'000 francs (en matériel ou en argent).
La fondation d’une SA nécessite l’écriture des statuts (art. 626). La raison
sociale est Maradan SA et aura son siège à Fribourg. Le but de la société est
l’exploitation d’une scierie / menuiserie. Le montant du capital-actions et des
apports effectués doit également être précisé dans les statuts. Le capital-
actions est fixé à 100'000 francs et les apports seront chiffrés par la suite
dans le bilan. On différencie les apports en nature (matériel divers et autres
installations, art. 628 al. 1 CO) des apports en espèce (argent). Concernant
les apports en nature, la jurisprudence a précisé qu’il s’agissait de tout ce qui
n’est pas de l’argent, qui a une valeur marchande, qui est à la libre disposition
de celui qui l’apporte et qui est transférable et réalisable (4 conditions) :
- Pas de l’argent.
- Valeur marchande.
- A la libre disposition de l’apporteur.
- Transférable et réalisable.
Il faut maintenant faire un bilan :
- Actifs : 10'000 (argent), 100'000 (atelier), 50'000 (machines), 3'000
(produits), 7'000 (bois) : 170'000.
- Passifs : 70'000 (crédit atelier), 30'000 (crédit machines), 100'000
(capital-actions : sécurité pour la SA).
- Perte : 30'000.
Sur la base du bilan, on voit donc que la fondation de la SA est impossible.
Dès lors, Jean-Paul va se faire promettre les 30'000 francs qu’il lui manque
par les fondateurs de la société. Ces personnes débitrices sont appelées
actionnaires (créances de la société). Lors de la fondation de la société, ils
auront une dette (ce qui permet de compenser le manque de 30'000 francs).
Précisons que cela est possible car les deux conditions de l’art. 632 CO sont
remplies (20% minimum et 50'000 francs au minimum d’argent libéré). Avec
ces 30'000 francs, le bilan est équilibré et le capital-actions atteint 100'000
francs. La loi n’impose aucune date limite pour libérer les fonds nécessaires.
IUR III 2012-2013 3
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
L’art. 625 CO précise qu’une seule personne est suffisante pour fonder une
SA. L’acte de fondation doit être passé en la forme authentique (art. 629 CO).
Des organes doivent ensuite être créés : assemblée générale et organes
d’administration et de révision (art. 626 ch. 5-6 CO). L’inscription au RdC vise
à assurer la transparence de la SA (statuts, organe, but, capital-actions,
fondateurs, pouvoir de représentation) et permet également à l’État de
contrôler le développement des SA (nombre de SA, développement
économique) et de vérifier le respect des conditions légales.
Par rapport aux apports en nature, l’art. 628 CO définit les conditions. L’art.
635 précise que les fondateurs rendent compte dans un rapport écrit de la
nature et de l’état des apports en nature. Pour éviter la surévaluation des
apports, l’art. 635a CO ajoute l’exigence d’une vérification du rapport sur la
valeur des apports par un réviseur agréé. Il est en effet possible d’utiliser les
apports en nature pour éluder les dispositions sur la valeur minimale du
capital-actions en surévaluant ce type d’apports (contrat d’apport, art. 634).
Cas n° 3
On distingue trois éléments :
- Actif social (actif brut) : tous les actifs, y compris les pertes.
- Fortune sociale (valeur interne ou actif net) : il s’agit de l’actif social,
duquel on déduit les dettes (fonds étrangers présents au passif).
- Fonds propres : il s’agit du CA et des réserves.
Question 1
La décision d’achat de bois sera prise par le Conseil d’administration (art. 716
al. 1 CO). Visiblement, Frédy ne fait pas partie du CdA de Maradan SA. L’art.
645 CO pose le principe : l’al. 1 reprend un principe général de la partie
générale du CO (art. 111 CO, porte-fort). L’application de l’art. 645 al. 1 CO
dépend de la réalisation de trois conditions :
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- La société n’est pas encore inscrite au RC (pas encore fondée).
- L’acte en cause est fait au nom de la société.
- L’acte doit être conclu par l’un des fondateurs de la société.
Si ces trois conditions sont remplies (et qu’il ne s’agit pas d’un cas
d’application de l’exception de l’al. 2), les fondateurs sont responsables
personnellement et solidairement pour l’acte (les actes) en cause (en lien
avec l’art. 544 CO par rapport à la société simple). L’al. 2 prévoit une
exception, aux conditions suivantes :
- Les obligations doivent avoir été assumées par la société dans un délai
de trois mois à partir de l’inscription (fondation).
- La société doit avoir été valablement fondée et inscrite au RC.
Dans ce cas, les fondateurs sont libérés et c’est la société qui est dès lors liée
et responsable. Pour éviter cette responsabilité lourde, le fondateur pose une
condition suspensive par rapport à la fondation et à la reprise par la société
du contrat passé. Dans le cas d’espèce, Frédy ne peut obliger la société à
assumer cette obligation, lui-même n’étant pas membre du CdA. Par rapport
à la commune, c’est donc lui qui sera responsable de l’achat de bois (art. 645
al. 1). Si Frédy était membre du CdA, il devrait tenter de convaincre les autres
membres (n’étant pas actionnaires majoritaires : il ne détient que 30% des
parts), et ce dans les trois mois qui ont suivi la fondation.
Question 2
Selon l’art. 659, une société ne peut acquérir ses propres actions qu’aux
conditions suivantes (normalement, cela est interdit) :
- La société doit disposer librement d’un part de ses fonds propres
équivalent au montant de la dépense nécessaire : cela signifie que la
société doit avoir à disposition la somme dans les fonds propres. L’art.
671 précise qu’il est impossible de toucher aux réserves légales (et au
CA). Seules les réserves libres sont donc disponibles : étant donné
qu’elles se montent à 12'000 francs, une dépense de 10'000 francs est
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
possibles (art. 671a CO). Or, la valeur des actions est une valeur
nominale. Ainsi, la valeur des actions une fois la société fonder va
dépendre de la valeur de la société (il est logique que la valeur des
actions fluctue en fonction de la santé financière de la société). Pour
calculer la valeur d’une action, il faut calculer la valeur de la société et
la diviser par le nombre d’action. La valeur de la société correspond à
la fortune sociale (actif net). Dans notre cas, on fait le calcul suivant :
220 – 100 = 120 (actif net), que l’on divise par 100 (par rapport au CA,
100 actions valant chacune 1'000 francs) = 1'200 francs pour chaque
action. De ce fait, le coût de 10 actions et de 12'000 francs, somme
équivalente aux réserves libres. Il faut toujours vérifier que les 12'000
francs à dépenser soit effectivement disponibles, ce qui est le cas ici
puisque la société dispose de 30'000 francs (prêt bancaire).
- La valeur nominale de l’ensemble des actions ne doit pas dépasser
10% du CA (pourcentage différent pour l’al. 2) : dans le cas d’espèce,
cette condition est remplie, la valeur nominale des actions
correspondant à 10'000 francs, ce qui correspond aux 10% du CA.
Les deux conditions sont donc remplies : la société peut racheter les actions
de Frédy. On peut donc établir un nouveau bilan qui comprend les nouvelles
actions achetées :
- Actifs : 18 (banque), 30 (actionnaire), 5 (bois), 5 (stock), machines
(50), atelier (100) et enfin les titres acquis (12).
- Passifs : 30 (banque), 70 (banque), 12 (réserve liée aux actions et
bloquée, art. 659a al. 2 CO), 8 (réserve), 100 (CA).
Question 3
Les conséquences de l’acquisition d’actions sont précisées à l’art. 659a :
- Une réserve liée à la dépense pour les actions doit été créée, ce qui a
été fait avec la « réaffectation » de l’ancienne réserve libre, qui a servi
à financer l’achat des actions (art. 659a al. 1).
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- Les droits liés aux actions propres sont suspendus (droit de vote et
perception des dividendes). De même, le nombre d’actionnaires ayant
diminué, le versement des dividendes sera réorganisé.
Il faut préciser que la société n’est pas obligée de reprendre ses actions :
Frédy ne peut pas imposer la restitution de l’argent (art. 680 al. 2 CO). La
société peut tout à fait refuser de racheter les actions, auquel cas Frédy se
tournerait vers d’autres acheteurs pour vendre ses actions.
Cas n° 4
La société va perdre de sa valeur. Concrètement, il faut refaire un nouveau
bilan après les nouveaux faits. Nouveau bilan :
- Actifs : 18 (banque / caisse), 5 (bois), 20 (stock : perte d’un tiers), 12
(actions propres), 10 (machines) et atelier (100).
- Passifs : 55 (banque), 50 (hypothèque), 12 (réserve), 8 (réserve) et
100 (capital-actions).
- Perte : 60 (225-165) : dans l’actif.
On établit l’actif net (fortune sociale : actif brut – dettes) : avant les pertes et
l’amortissement, on prend l’actif (225) duquel on déduit les dettes (fonds
étrangers, 105) : on obtient 120. En l’état actuel, l’actif ne vaut plus que 165,
les dettes toujours 105, reste donc 60 (valeur de la société). La valeur de la
société a donc diminué de moitié. Le fait que la société ait acheté ses propres
actions entrainent forcément la diminution des actions propres achetées par
la société. Il est donc nécessaire de modifier le bilan en tenant compte de la
perte de valeur des actions :
- Actifs : 18 (banque / caisse), 5 (bois), 20 (stock : perte d’un tiers), 6
(actions propres), 10 (machines) et atelier (100).
- Passifs : 55 (banque), 50 (hypothèque), 12 (réserve), 8 (réserve) et
100 (capital-actions).
- Perte : 66 (6 supplémentaires dûs à la perte de valeur des actions).
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Dès lors, on remarque que la valeur de la société était fausse. Il faut donc
recalculer la valeur de la société (159-105=54). Il faut alors recalculer le bilan
en fonction de la nouvelle valeur des actions :
- Actifs : 18 (banque / caisse), 5 (bois), 20 (stock : perte d’un tiers), 5
(actions propres : on arrondit pour éviter de devoir recalculer la valeur
de la société à l’infini), 10 (machines) et atelier (100).
- Passifs : 55 (banque), 50 (hypothèque), 12 (réserve), 8 (réserve) et
100 (capital-actions).
- Perte : 67 (bilan final).
Il faut dès lors analyser les pertes par rapport au CA (art. 725 CO). On
compte donc le CA (100) et les réserves (20), divisé par 2 (60 au total) que
l’on compare à l’actif net, ce qui donne 53 de couverture restante (actif brut :
158 – les dettes : 105). De ce fait, la moitié du CA (60) n’est plus couverte (il
ne reste que 53 de couverture). On peut également calculer de manière
beaucoup plus simple en soustrayant les pertes du CA et des réserves (ainsi,
cela donne 120 – 67 = 53). Il s’agit donc bien d’un cas d’application de l’art.
725 al. 1 CO : le conseil d’administration convoque immédiatement une
assemblée générale et lui propose des mesures d’assainissement. On voit
qu’il faudra tendre à faire baisser le CA ainsi que les réserves (chiffre 120). La
réserve légale peut ainsi être utilisée (art. 671 al. 3 CO) : elle est utile pour
couvrir les pertes. Dès lors, on établit un nouveau bilan :
- Actifs : 18 (banque / caisse), 5 (bois), 20 (stock : perte d’un tiers), 5
(actions), 10 (machines) et atelier (100).
- Passifs : 55 (banque), 50 (hypothèque), 12 (réserve), 0 (réserve légale
utilisée) et 100 (capital-actions).
- Perte : 59 (bilan final) : 217 des deux côtés.
On recalcule donc la couverture de la moitié du CA (ce qui donne 112 divisé
par 2 = 56) par rapport à l’ensemble des pertes (112 – 59 = 53). Il ne serait
donc possible de couvrir que 53, et non pas 56, comme cela serait
nécessaire : l’art. 725 al. 1 CO. Il faut donc procéder à l’utilisation des
réserves pour actions propres (art. 671a CO). En effet, il faut que le CA soit
égal à 106 au maximum (106 divisé par 2 = 53, soit la valeur des pertes).
IUR III 2012-2013 8
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Pour utiliser la réserve pour actions propres, il est nécessaire de vendre les
actions (à un prix préférentiel, 5 par rapport à 5,4). On calcule… le bilan !
- Actifs : 23 (banque / caisse : vente des actions), 5 (bois), 20 (stock :
perte d’un tiers), 10 (machines) et atelier (100).
- Passifs : 55 (banque), 50 (hypothèque), 0 (réserve : utilisation de la
réserve pour actions propres) et 100 (capital-actions).
- Perte : 47 (bilan final) : 205 des deux côtés.
On recalcule donc la couverture : 100 divisé par 2 = 50, que l’on met en
rapport avec les 53 (100 – 47 = 53). Ainsi, on voit que la moitié du CA (et des
réserves, qui n’existent plus), à savoir 50, est couvert par les 53 à
disposition : on n’est plus dans un cas d’application de l’art. 725 CO. On voit
donc que le fait de détenir ses propres actions est dangereux : en cas de
baisse de valeur, la conséquence est double (valeur et valeur des actions).
Dès lors, l’utilité de la réserve pour actions propres est fixée.
Cas n° 5
L’augmentation du CA est décidée par l’AG (art. 650 CO), à la majorité simple
(art. 703 CO). Dans ce cas, il s’agit d’un cas d’augmentation ordinaire (art.
650) et non pas autorisée (art. 651) ou conditionnelle (art. 653), qui
nécessitent toutes deux une majorité qualifiée au sens de l’art. 704 ch. 4 CO.
La majorité qualifiée est également nécessaire en cas d’augmentation du CA
au moyen des fonds propres (art. 704 ch. 5 CO). La différence entre la
majorité simple nécessite la moitié des votants alors que la majorité qualifiée
nécessite les deux tiers (la minorité représentant plus d’un tiers est alors
nommée minorité de blocage).
En l’espèce, Frédy a seulement 2 titres (20 sur 100, 2 sur 10) et ne peut donc
pas s’opposer à l’augmentation du CA (il ne représente que 20% de la
société : il n’atteindrait même pas la minorité de blocage). Frédy pourrait
attaquer en justice la décision au sens de l’art. 706 CO (voie de droit).
Toutefois, il n’y a apparemment aucune violation de la loi ou des statuts.
IUR III 2012-2013 9
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
En tant qu’actionnaire, Frédy dispose de certains droits en lien avec
l’augmentation du CA. Il bénéficie ainsi d’un droit de souscription préférentiel.
En effet, l’augmentation du CA entraîne l’émission de nouvelles actions. De
ce fait, les parts pourraient changer. Pour éviter cela, on permet aux
actionnaires d’acheter les actions émises jusqu’à concurrence de leur
ancienne participation : ils conservent ainsi, s’il le souhaite, leur poids au sein
de la société (art. 652b CO). Pour supprimer ce droit de souscription
préférentiel, il est nécessaire de prouver qu’il existe un juste motif de
restriction (art. 652b al. 2 CO).
Par rapport au prix des actions, il faut déterminer la valeur actuelle de la
société. On prend donc les actifs bruts, desquels on soustrait les fonds
étrangers (240 – 100 = 140) que l’on divise par 10 (nombre d’actions) pour
connaître la valeur de chaque action. L’art. 672c renvoie aux règles sur la
fondation (art. 620 ss CO) et notamment à l’art. 624 CO. En principe les
actions ne peuvent être émises qu’au pair ou à un cours supérieur (à savoir
au minimum 100, valeur nominale en fonction du CA). On va donc faire un
nouveau bilan en prenant en compte l’émission des nouvelles actions :
- Passifs : 30 (banque), 70 (hypothèque), 10 (réserve libre), 30 (réserve
légale) et CA (200), soit 340 au total
- Actifs : 125 (caisse + vente des actions), 15 (bois), 10 (stock), 70
(machines), 120 (atelier), soit, là-aussi, 340 au total.
- Le bilan est équilibré.
Précisons que l’art. 632 CO s’applique aussi par rapport à l’exigence des 20%
libérés : Julie doit donc au moins avoir libérer 20'000 francs sur ce qu’elle
promet, le reste pouvant être inscrit au bilan comme créance. On analyse
donc l’impact de l’augmentation du CA sur la valeur de la société (fortune
sociale de la société : 340 – 100 = 240) la valeur de la société a augmenté de
100. De même, dès à présent, la société dispose de 20 actions. Pour calculer
la valeur de chaque action, on divise la valeur de la société par le nombre
d’actions (avant 140 / 10 = 14 et maintenant 240 / 20 = 12) : la valeur des
actions a donc diminué. De ce fait, les actionnaires déjà propriétaires des
actionnaires sont lésés (leurs actions valaient 14, et désormais elles valent
IUR III 2012-2013 10
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
12). Par contre, les nouveaux actionnaires ont acheté leurs actions au pair (à
10) et se retrouvent directement avec une action valant 12. Les anciens
actionnaires sont donc lésés au profit des nouveaux : la valeur des actions a
été nivelée vers le bas (moyenne). Il paraît donc intéressant d’émettre les
actions à la valeur de 14 (valeur de chaque action par rapport à la fortune).
Dans le bilan, on va donc intégrer les 40 supplémentaires à la réserve légale,
sur la base de l’art. 671 al. 2 ch. 1 CO. On ne peut en effet pas augmenter le
CA à plus de 200. Le produit de l’émission des actions dépassant la valeur
nominale (agio) est donc ajouté aux réserves :
- Passifs : 30 (banque), 70 (hypothèque), 10 (réserve libre), 70 (réserve
légale au total) et CA (200), soit 400 au total
- Actifs : 165 (caisse + vente des actions), 15 (bois), 10 (stock), 70
(machines), 120 (atelier), soit, là-aussi, 400 au total.
- Le bilan est équilibré.
Si l’on recalcule la valeur des actions : (380 – 100 = 280, divisé par 20 = 14).
Dans cette situation, personne n’est lésé, ni les anciens actionnaires, ni les
nouveaux : la valeur de l’action reste la même. On constate ainsi que si on
émet les actions en dessous de la valeur vénale, la valeur des actions va
baisser (effet de dilution). Si on les émet à la valeur vénale, la valeur reste la
même. Enfin, si on les émet au-dessus de la valeur vénale, la valeur va
augmenter. Comme on l’a dit, si Frédy n’exerce pas de son droit de
souscription préférentiel, sa part va baisser dans la société (il passera de 20 à
10%). Si l’AG conclut à l’émission d’actions au pair, l’art. 706 CO pourrait être
utilisé : en effet, le droit des actionnaires serait violé. De même, l’art. 717 CO
précise qu’il est interdit de discriminer les actionnaires (sans quoi il s’agit d’un
cas de 706 CO, permettant à l’actionnaire de faire reconnaître ses droits
devant la justice). Le principe d’égalité de traitement s’applique donc dans ce
cas. De même, les anciens actionnaires n’ont pas toujours les fonds
nécessaires à l’exercice du droit de souscription : les actionnaires risquent
d’être lésés. Doctrine et jurisprudence sont partagés quant au fait de savoir
s’il est nécessaire d’accorder une voie de droit aux actionnaires.
IUR III 2012-2013 11
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Cas n° 6
Il y a augmentation du CA sur la base de la dette de la tante. Dès lors, on
augmente le CA de 80, on ajoute 80 aux actifs et on peut dès lors supprimer
la dette avec les 80 au passif. Le CA ayant été augmenté à 280, il faut
recalculer la valeur des actions. Nous avons 20 actions et la valeur nominale
était de 10 (valeur fixe). Selon l’art. 624 CO, les actions ne peuvent être
émises en dessous du pair. On calcule dès lors la valeur de la société sur la
base du nouveau bilan :
- Actifs : 40, 40, 50, 150, 100 (perte).
- Passifs : 30, 70, 280.
On fait le calcul suivant (280 – 100 = 180). On divise ensuite par le nombre
d’actions (28), ce qui nous donne 6,43 (avant l’émission des nouvelles
actions, elles valaient 5). La tante, nouvelle actionnaire, est donc lésée : elle a
payé chaque action 10 et n’obtient que 6,43. Il faut donc trouver un autre
système pour éviter que les nouveaux actionnaires ne perdent trop d’argent.
Ainsi, il paraît possible de réduire le CA selon l’art. 735 CO pour réduire la
dette. Normalement, en cas de diminution du CA, il faut avertir les créanciers.
Or, il est dans ce cas possible de diminuer le CA sans prévenir les créanciers
pour mettre le bilan à niveau avec la réalité. Une fois l’art. 735 appliqué, sur la
base du premier bilan (la tante n’ayant pas accepté la transaction) :
- Actifs : 40, 40, 50, 150.
- Passifs : 30, 70, 80, 100.
Il existe tout de même un problème : la réduction du CA suppose une
réduction de la valeur des actions ou une suppression d’action (ce qui paraît
totalement impossible). Dès lors, on garde le même nombre d’actions mais
leur valeur va sensiblement baisser. Précision importante : ce sera la valeur
nominale qui va baisser et qui sera réajustée. Cela est logique : dans un cas
de réduction déclarative du CA, le CA est modifié en fonction des pertes. De
ce fait, le CA change mais les actifs restent les mêmes : la proportion est
donc modifiée. A l’inverse, en cas d’augmentation du CA, le CA est augmenté
et les actifs augmentent également : la proportion reste dès lors la même.
IUR III 2012-2013 12
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Ainsi, par ce procédé, la valeur nominale va diminuer (et donc l’application de
l’art. 624 CO sera simplifiée). Dans notre cas, la valeur nominale sera dès lors
de 5. Il faut donc à présent émettre les nouvelles actions. On procède de
nouveau à une augmentation du CA par compensation (art. 652c, 634 ch. 2,
635 ch. 2) :
- Actifs : 40, 40, 50, 150.
- Passifs : 30, 70, 180.
On a donc supprimé la dette de la tante (80) par l’apport des fonds servant à
l’augmentation du CA. La valeur de la société est dès lors de 280 – 100
(fonds étrangers) = 180. La valeur des actions est de 180 divisé par 36 (nous
avons en effet le 20 actions de base, auxquelles on rajoute 80
d’investissement à 5 l’action, soit 16 actions) = 5. Dès lors, la tante achète les
actions au pair, à la valeur nominale, à 5 et leur valeur est de 5 : personne
n’est gagnant, personne n’est perdant.
Il reste un problème, la tante obtient 16 des 36 actions et dispose donc de la
minorité de blocage (plus d’un tiers : majorité qualifiée). Le pouvoir de Julie
est donc diminué.
Cas n° 7
Le premier problème dans ce cas concerne l’évaluation des machines. Le
principe général est fixé par l’art. 662a CO : la prudence (art. 662a al. 2 ch. 3).
En l’espèce, les machines sont chiffrées aux actifs à 105 (et la troisième
tranche de remboursement de 35 n’a pas encore été payée). Les art. 664 ss
précisent directement les règles d’évaluation. L’art. 665 concerne les actifs
immobilisés, dont les machines. En l’occurrence, le principe veut que l’on
prenne en considération au plus le prix d’acquisition ou au coût de revient.
Dans notre cas, le coût d’acquisition est trop haut :
- Actifs : 40, 30, 30, 80, 45, 35 (machines à 1/3), 150, 70 (perte).
- Passifs : 30, 65, 35, 70, 280.
IUR III 2012-2013 13
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
On voit donc qu’on prend en compte la valeur vénale des machines, celle-ci
étant inférieure au coût d’acquisition. Si la valeur vénale était supérieure à la
valeur d’acquisition, on ne pourrait inscrire ce chiffre au passif à cause de
l’art. 665 CO. Dès lors, on remarque donc que la qualité des machines n’est
pas très bonne : il en résulte une perte de 70 à l’actif. Dans l’actif, les 80
correspondent à la dette de Pierre : celui-ci a amené seulement 20% des 100
et doit dès lors encore 80. Or, il n’est pas solvable : on applique à nouveau le
principe de prudence, ce qui a les conséquences suivantes sur le bilan :
- Actifs : 40, 30, 30, 0 (suppression de la dette : on n’imagine que Pierre
ne payera pas du tout), 45, 35 (machines à 1/3), 150, 150 (perte).
- Passifs : 30, 65, 35, 70, 280.
On vérifie donc si l’on se trouve en situation de sous-bilan : la perte se monte
à 150 et la moitié du CA et des réserves et de 140 : il y a donc sous-bilan au
sens des art. 670 et 725 al. 1 CO. Il est donc nécessaire de convoquer l’AG.
Ainsi, en appliquant le principe de prudence, on crée une responsabilité
envers l’AG, qui doit être au courant que la situation pourrait se dégrader. Si
cette prudence n’était pas appliquée, on ne serait pas en sous-bilan et l’AG
ne saurait rien de la situation économique de la société.
Cas n° 8
On voit qu’il y a eu une réduction avec augmentation du CA. De même, la
valeur nominale des actions a baissé de 5’000 à 2’000. Avant, il existait 100
actions. Ensuite, le CA a été réduit à 200’000 pour éponger les pertes puis
remonté à 500’000. Une fois cela fait, la valeur nominale des actions a été
modifiée à 2’000 à cause de la réduction. Le nombre de 100 actions a donc
été maintenu par la réduction. Ensuite, par l’augmentation, la valeur nominale
n’a pas été touchée par l’augmentation : dès lors, le nombre d’action a
augmenté. Pour connaître le nombre d’actions, on fait 500'000 divisé par
2'000 et l’on obtient ainsi 250 (nombre d’actions au total). Pour déterminer le
nombre de nouvelles actions, on divise 300'000 (fonds supplémentaires) par
2'000 (valeur nominale) et l’on obtient 150 (nouvelles actions B), par
IUR III 2012-2013 14
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
opposition aux 100 autres actions (action A). L’art. 660 al. 3 précise que des
privilèges existent. Ensuite, les art. 654 ss CO traitent plus précisément des
actions privilégiées. Dans ce cas, ce sont les anciennes actions qui sont
converties en actions privilégiées (certainement pour palier la perte de valeur
des anciens actions). Les dividendes sont des parts de bénéfice reversées
aux actionnaires (art. 660 CO). En l’occurrence, un bénéfice existe et une
répartition des bénéfices existe également. Le CdA aimerait modifier cette
répartition en octroyant 3% du bénéfice de manière uniforme, sans distinction
de catégories. En la matière, l’art. 698 al. 2 ch. 4, par rapport à la fixation du
dividende, précise que c’est l’AG qui décide. Dans ce cas, cette mesure va
très certainement être adoptée par l’AG. En effet, les nouveaux actionnaires
représentants 150 actions (soit plus de la moitié : majorité simple, art. 703 CO
et art. 704 CO a contrario) ont intérêt à bénéficier d’un pourcentage des
dividendes de 3%. Sans cette mesure, les actionnaires B ne toucheraient rien
(0% pour les actionnaires B et 5% pour les actionnaires A selon l’ancienne
répartition). Le dividende par action sera donc de 3% des 2'000 de valeur
nominale, à savoir 60 francs (15'000 au total) : chaque actionnaire touchera
60 francs par action possédée. Le bénéfice n’est donc que la condition
d’octroi d’un dividende, qui se calcule par rapport à la valeur nominale. Il faut
donc vérifier si la société a les moyens pour verser 15'000 francs aux
actionnaires, en fonction de l’art. 660 CO. On part du principe que la part du
bénéfice qui doit être affectée aux réserves est déjà intégrée dans les 40’000
du bilan. Le bénéfice étant de 60'000, il est possible de verser 15'000 francs
aux actionnaires de ce bénéfice.
Naturellement, les anciens actionnaires n’acceptent pas ces modifications.
Dès lors, ils peuvent attaquer en justice les décisions de l’AG qui viole la loi
ou les statuts (art. 706 CO). Logiquement, les actionnaires A auraient voulu
conserver leur droit à percevoir 5% supplémentaire (ils recevraient donc 8%
par action, à savoir 160 francs). En tout, la société devrait donc verser 25'000
francs au total (150 x 60 + 100 x 160 = 25'000 francs). Encore une fois, par
rapport aux 60'000 de bénéfice, il est possible pour la société de verser
25'000 francs. L’AG décide des statuts : elle (les actionnaires B, majoritaires)
aurait donc pu décider de modifier les statuts et donc de supprimer le
IUR III 2012-2013 15
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
privilège octroyé aux actionnaires A. Or, cela léserait trop grandement les
anciens actionnaires. Dès lors, l’art. 654 al. 3 précise que l’AG ne peut
supprimer les privilèges sans l’accord des participants concernés. Très
logiquement, les actionnaires A ne seront pas d’accord de supprimer leur
privilège. L’art. 654 al. 2 protège également les actionnaires ayant un droit
privilégié lors de l’émission de nouvelles actions qui les primeraient. Dès lors,
on voit qu’il est possible d’attaquer la décision qui viole les statuts (l’art. 654f
interdit à l’AG seule de supprimer le privilège : dès lors, le privilège des titres
A doit être maintenu dans les statuts).
Le deuxième problème du cas concerne la plainte de sous-estimation du
bénéfice. En effet, les actionnaires estiment que le brevet a été sous-évalué.
Dès lors, les actifs sont diminués et le bénéfice s’en retrouve affecté. Ainsi,
plus le bénéfice est élevé, plus le CdA proposera un bénéfice élevé. De plus,
il existe un problème par rapport aux provisions (risque en cas d’action en
dommages-intérêts). L’art. 669 al. 1 2ème phrase CO concerne directement ces
provisions. L’art. 669 présente 4 alinéas :
- L’al. 1 : réserves latentes nécessaires.
- L’al. 2 : réserves latentes autorisées.
- L’al. 3 : réserves latentes arbitraires.
- L’al. 4 : communication à l’organe de révision.
Le CdA a donc une grande marge de manœuvre en matière de réserve
latente. Ces réserves sont cachées au bilan et ne sont donc pas visibles par
les actionnaires. Elles n’apparaissent donc pas en tant que réserves légales
au bilan (comme pour le cas des provisions, qui sont nécessaires au bilan).
Par contre, pour le cas du brevet sous-évalué, ces réserves n’apparaissent
pas du tout au bilan. Ces réserves latentes sont donc une concrétisation du
principe de prudence. L’art. 663b ch. 8 CO prévoit que l’annexe doit contenir
le montant total de la dissolution des réserves latentes. En effet, si une
réserve latente devient inutile (trop de prudence), elle sera dissoute. Dès lors,
en tant qu’actionnaire, on constatera cette dissolution pour demander une
augmentation des pourcentages. Malgré tout, les actionnaires n’ont aucun
droit vis-à-vis des réserves latentes : c’est le CdA qui s’en occupe (prudence).
IUR III 2012-2013 16
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Cas n° 9
La structure du CA est la suivante :
- 4000 actions nominatives, valant 50 (200'000 au total).
- 4000 actions au porteur, valant 200 (800'000 au total).
Ainsi, on voit dans la répartition du CA qu’il existe autant d’actions
nominatives que d’actions au porteur. Les personnes titulaires des actions au
porteur disposent de la moitié de la société uniquement, malgré l’apport 4 fois
(dans ce cas, chaque action vaut une voix). La famille n’a donc pas la
majorité (moitié + un). Tout de même, seule la moitié des actionnaires publics
fréquentent l’AG. Ainsi, la famille, en tenant compte de cette affirmation et de
l’art. 703 CO (actions représentées), dispose de la majorité simple (et
presque de la majorité qualifiée). Pour instaurer l’action unique demandée par
le CdA, 4 étapes sont nécessaires :
- Transformer les actions au porteur en actions nominatives : l’art. 622
prévoit que les deux types d’actions peuvent coexister. Plus encore,
l’art. 622 al. 3 précise que la conversion est tout à fait possible. Cette
conversion nécessite le changement des statuts sur la base d’une
décision de l’AG prise à la majorité simple (art. 703 CO).
- Convertir des actions de 200 en actions de 50 : selon l’art. 623 CO, il
est possible de diviser ou réunir les actions, avec les conséquences
sur leur valeur que cela entraîne, le CA devant rester inchangé. Dans
notre cas, chaque action de 200 (au porteur) sera divisée en 4 actions
nominatives à 50. Au final, il existerait alors 16'000 actions nominatives
supplémentaires à 50 (soit 20'000 actions au total). Pour ce faire, les
statuts doivent être modifiés, par une décision de l’AG prise à la
majorité simple (art. 703 CO, 704 CO a contrario). De plus, le montant
du CA ne doit pas subir de changement. L’art. 623 prévoit aussi la
réunion d’actions (processus inverse). Naturellement, cela pose
problème : les actionnaires doivent s’arranger entre eux pour réunir
leurs actions, ce qui est extrêmement rares (qui plus parce que la
société n’a pas le droit de forcer les actionnaires de vendre).
IUR III 2012-2013 17
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- Supprimer le privilège patrimonial (dividende préférentiel de 5) : sur la
base de l’art. 654 al. 3 (et non pas 656f qui ne concerne que le capital-
participation), une double majorité est requise : l’assemblée spéciale
des actionnaires atteints (les actionnaires publics, titulaires des actions
au porteur privilégiées) et l’assemblée générale ordinaire (comme
toujours, pour les deux décisions : majorité simple, art. 703 CO).
- Résoudre la question du droit de vote : en principe, selon l’art. 692 CO,
les actionnaires exercent leur droit de vote en fonction de la valeur
nominale des actions possédées. Malgré tout, les statuts peuvent
prévoir que le droit de vote dépend du nombre d’action, sans égard à
la valeur nominale (art. 693 CO). Le nouveau système prévoit la
suppression des privilèges (patrimoniaux et sociaux) : dès lors, une
décision de l’AG est nécessaire pour la suppression du privilège social,
prise à la majorité simple (art. 703 CO). Actuellement, ce sont les
actionnaires disposant d’une action privilégiée, à savoir les
actionnaires ayant dépensé le moins pour acquérir leurs actions et
donc les actionnaires titulaires d’une action nominative. Dès lors, on
estime qu’il n’est pas nécessaire de favoriser plus encore ces
actionnaires : la décision sera prise à la majorité simple (art. 703 CO).
Ces 4 étapes sont donc possibles, il convient maintenant de se demander si
elles sont probables, au vu des motivations et des intérêts de chacun :
- 4000 pour la famille (1600 oui, 1600 non, 800 indécis).
- 2000 pour les autres actionnaires.
- 3001 voies sont nécessaires au total (majorité simple). Si l’on part du
principe qu’il est possible de convaincre le frère indécis, on réunirait
dès lors 2400. Malgré tout, il est nécessaire de réunir une double
majorité : dès lors, il est au moins nécessaire de réunir la majorité des
actionnaires disposant d’un privilège patrimonial (il s’agit des
actionnaires publics). Ainsi, il est nécessaire de réunir au moins 1001
actionnaires publics pour faire passer le projet.
Il faut préciser que si l’une des décisions est refusée, tout le package tombe à
l’eau et ne pourra être adopté. Il faut donc accepter toutes les mesures.
IUR III 2012-2013 18
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Cas n° 10
Il s’agit d’un cas d’actions nominatives non cotées en bourse. On peut
restreindre la transmissibilité des actions nominatives (exception), qui sont en
principe librement transmissibles (art. 684 CO). Il existe des exceptions
légales, prévues pour les actions non libérées (art. 685) et des exceptions
statutaires (art. 685a ss CO). Les deux justes motifs admis sont la
composition du cercle des actionnaires (le but social est un but lucratif) et
l’indépendance économique de la société (art. 685b al. 2 CO). Dans ce cas, le
motif est une question de domicile légal : en fonction de ce lieu, la clause
statutaire permet d’accepter ou de refuser la personne comme actionnaire.
Dans ce cas, ce motif de domicile ne semble pas pertinent : en effet, la
jurisprudence n’admet en général pas les raisonnements géographiques pour
fonder une restriction d’actionnariat. Le domicile n’a pas un rôle suffisamment
important dans les rapports entre société et actionnaire pour exclure un
actionnaire. Le deuxième juste motif prévu par l’art. 685b al. 2 CO est
l’indépendance économique : ce motif permet de refuser un actionnaire
concurrent. Cela est logique : on veut éviter qu’une société concurrente avec
une autre puisse la gérer. Dans notre cas, ce motif n’a aucune importance :
non seulement l’acheteur n’est pas concurrent mais en plus il n’achète que 60
actions sur les 800 au total. Ainsi, la clause d’exclusion ne va pas être
considérée comme un juste motif.
Si l’on représente la société (le CdA, qui accepte ou refuse les actionnaires,
art. 716 CO, au contraire des compétences de l’AG, prévues par l’art. 698),
on utilisera l’art. 685b al. 1 pour proposer à l’acheteur (l’aliénateur) de
racheter les actions (clause échappatoire). Ce type de clause n’a pas à être
prévue dans les statuts, il suffit que ceux-ci contiennent une clause instituant
une restriction de la transmissibilité des actions nominatives (actions
nominatives liées). Les actions doivent être rachetées à leur valeur réelle au
moment de la requête (le nouvel actionnaire demande à être inscrit). Pour
déterminer cette valeur réelle, l’art. 685b al. 5 précise que l’actionnaire peut
demander au juge de fixer la valeur réelle de l’action (ou valeur vénale), aux
frais de la société. La société a alors trois possibilités : racheter en son nom
IUR III 2012-2013 19
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
(limite de 20%, art. 659 al. 2 CO), pour les actionnaires ou pour des tiers.
Dans ce cas, le problème est que la société a refusé de faire constater la
valeur vénale de l’action par le juge en proposant elle-même un prix. Dès lors,
elle viole le principe de la clause échappatoire. Ainsi, en application de
l’art. 685c al. 3, notre client est accepté comme actionnaire, la requête ayant
été refusée à tort. En effet, elle a tenté de modifier le principe de la clause
échappatoire et 3 mois se sont écoulés depuis la requête (1er septembre).
Dès lors, sauf si la société parvient à prouver que la valeur réelle est
effectivement de 1800 francs ou moins (auquel cas la société n’aurait pas
violé le principe de la clause échappatoire), l’acheteur est réputé accepté au
sein de la société en application de l’art. 685c al. 3 CO. La société a donc pris
trop de temps et a fait une offre nettement inférieure à la valeur vénale : de ce
fait, elle a refusé à tort d’intégrer l’acheteur.
Il faut faire une dernière précision relative à l’art. 685b, qui utilise les termes
d’acquéreur et d’aliénateur (notions qui doivent être interprétées en fonction
du cas d’espèce). Lorsque la loi parle d’aliénateur, il s’agit plutôt de
l’actionnaire accepté qui souhaitait vendre ses propres actions. Enfin, si
l’acquéreur n’avait pas directement refusé l’offre de la société à 1800 francs,
on applique l’art. 685b al. 6 : l’offre de 1800 francs aurait été acceptée.
Cas n° 11
La répartition des actions (en fonction du montant des actions) est sans
importante. En effet, selon l’art. 703 CO, la majorité est requise par rapport
aux actions représentées. Lorsqu’on parle d’AG, il existe l’AG ordinaire,
extraordinaire et universelle (art. 699 al. 2-3 et 701 CO). Une assemblée
universelle peut se tenir en cas d’accord si tous les représentants sont
présents. L’assemblée ordinaire est obligatoire chaque année. Dans notre
cas, on part du principe qu’il s’agit d’un AG ordinaire.
IUR III 2012-2013 20
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
L’AG a la compétence pour modifier les statuts en vue de rendre possible la
création d’un système dualiste (direction exécutant les tâches concrètes et
CdA gérant la stratégie et exerçant la surveillance, art. 716b CO). Suite à la
modification des statuts, le CdA doit rédiger un règlement d’organisation
précisant la répartition des tâches (capacité du tiers gérant, limites). Ce
règlement d’organisation est un document interne, inaccessible à l’ensemble
du public (les statuts sont accessibles au RdC). En matière de majorité (selon
les art. 703-704 CC), la modification des statuts en vue de l’introduction d’un
système de gestion dualiste nécessite, selon la loi, une majorité simple (sous
réserve des statuts naturellement). Il faut donc toujours vérifier l’art. 704 al. 1
puis l’art. 704 al. 2 CO, qui renvoie aux statuts. Si rien n’est précisé dans la loi
et dans les statuts, l’art. 703 CO s’applique : majorité simple.
Dans notre cas, 600 actions étaient représentées à l’AG, la majorité simple
l’art. 703 est fixée à 301. Étant donné que 310 voix se sont exprimées en
faveur de la modification des statuts (100 contres et 190 abstentions), la
mesure est adoptée. Les 190 abstentions doivent être prises en compte dans
le pourcentage du vote (les abstentions sont au final assimilées à des non
étant donné que la majorité requise est fondée sur le nombre total
d’actionnaires, qu’ils s’abstiennent ou non). La délégation de compétence est
donc valable. Concernant les informations, Pierre-André ne peut utiliser le
droit de l’art. 697 CO car celui-ci doit être exercé durant l’AG. On se demande
ensuite si P-A pourrait avoir accès au règlement d’organisation, précisant la
répartition des tâches. L’art. 716b al. 2 CO exige une requête d’un actionnaire
(ou d’un créancier) et un intérêt digne de protection. Les créanciers peuvent
ainsi vouloir savoir qui représente la société (ce qui est précisé dans les
statuts, art. 718 al. 1 CO) ou qui exerce effectivement le pouvoir (influence
interne des membres du CdA). L’actionnaire, de son côté, dispose d’un droit
d’accès général au règlement d’organisation (selon la doctrine majoritaire).
L’art. 716b donne un droit permanent à l’actionnaire d’avoir accès au
règlement, au contraire de l’art. 697 qui prévoit un droit aux renseignements
uniquement pendant l’AG. P-A pourrait ouvrir action sur la base de l’art. 706,
mais cela nécessite une violation de la loi ou des statuts. Le juge n’a aucune
compétence pour vérifier l’opportunité d’une décision de l’AG.
IUR III 2012-2013 21
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
On constate que le CdA a décidé de donner beaucoup de pouvoirs au
nouveau venu. Or, il est impossible d’attaquer en justice les décisions du
CdA, selon le principe de la répartition des pouvoirs entre les différents
organes. L’art. 706b CO précise quelles sont les décisions nulles. Malgré la
lettre de cet article, la nullité concerne également les décisions du CdA, et
non seulement de l’AG. Il s’agit d’une nullité de plein droit, invocable par tout
le monde et qui ne peut être guéri par l’écoulement du temps (au contraire
des décisions annulables au sens de l’art. 706, qui entrent en force si elles ne
sont pas attaquées dans les deux mois suivant l’AG). Les décisions du CdA
ne peuvent donc pas être attaquées sur la base de l’art. 706 CO.
Par contre, il est possible de se fonder sur l’art. 717 CO (qui reprend les
conditions de la RC : dommage, acte illicite, faute et lien de causalité). La
société peut également révoquer les membres du CdA si cela s’avère
nécessaire. En pratique, les actions en responsabilité civile (art. 754 CO) sont
presque toujours intentées à la faillite de l’entreprise (il est très difficile de
prouver l’existence d’un dommage le reste du temps).
Concernant le contrôle par l’AG et les actionnaires, le TF a statué dans un
ATF 137 III 503 en précisant que si l’AG peut décider de la mesure de la
délégation. En effet, l’AG étant compétente sur le principe de la délégation,
elle doit également l’être concernant ses modalités. Une partie de la doctrine
estimait au contraire que les modalités de gestion dépendaient exclusivement
du CdA (compétences inaliénables du CdA selon la loi).
En l’espèce, on pourrait imaginer que PA pourrait demander l’adoption d’une
disposition statutaire précisant les compétences des personnes nommées au
CdA. Vu que P-A ne dispose que de 100 voix, il ne pourrait naturellement pas
faire adopter cette disposition à lui tout seul. Enfin, l’art. 754 al. 2 CO
(semblable à l’art. 55 CO) précise la responsabilité en matière de délégation.
IUR III 2012-2013 22
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Cas n° 12
Il n’existe aucun quorum pour les AG. En tout, lors de cette AG, 2000 actions
étaient représentées (400 à 1000 et 1600 à 500). L’augmentation autorisée
est régie à l’art. 651 CO. L’augmentation ne peut être supérieure à la moitié
du CA préexistant (art. 651 al. 2 CO), ce qui ne pose pas de problème ici.
Concernant l’adoption, une majorité de deux tiers est nécessaire (majorité
qualifiée au sens de l’art. 704 al. 1 ch. 4 CO). Il faut donc les 2/3 des voies
représentées, soit 1'333 voies (1'350, cette condition est remplie). Une
deuxième condition existe : la majorité de la valeur nominale est requise
(et non plus selon le principe 1 action 1 voie). La majorité absolue des valeurs
nominales est donc de 600'500 (400 x 1'000 + 1'600 x 500, le tout divisé par
deux + 1 voie, soit au minimum 500). On calcule alors la valeur nominale de
l’ensemble des oui (875'000) et l’on constate que la majorité des valeurs
nominales est remplie : l’augmentation autorisée du CA est acceptée.
Le législateur entend protéger les petits actionnaires (qui n’ont pas de droit de
vote privilégié). Or, si l’on demandait la majorité de l’art. 704 CO pour abolir
les actions à droit de vote privilégié, il serait plus compliqué de protéger les
petits actionnaires. Dès lors, l’introduction demande une majorité qualifiée de
l’art. 704 CO mais pas l’abolition. Dès lors, la majorité pour l’abolition est de la
moitié + 1 voie (majorité absolue, 1001 voies). Or, étant donné qu’il n’y a que
850 oui, la décision paraît refusée. Toutefois, l’abstention des banques n’est
pas valable. En effet, la loi prévoit que les dépositaires qui n’ont pas reçu
d’instructions doivent suivre les propositions du CdA (art. 789b al. 2 CO). En
l’occurrence, si l’on ajoute les 300 abstentions des banques (100 ont déjà
accepté la proposition), on obtient 1'150 voies pour, et donc l’acceptation de
l’abolition des actions à droit de vote privilégié. Il faut donc attaquer la
décision auprès du juge sur la base de l’art. 706 CO. Ainsi, si la loi avait été
respectée, l’abolition aurait été acceptée : le juge peut donc demander que
les modifications soient effectuées dans les statuts.
IUR III 2012-2013 23
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Cas n° 13
Les articles sur la SA commencent à l’art. 620 CO. Le contrôle ordinaire
débute à l’art. 727 CO et le contrôle restreint à l’art. 729 CO (ainsi que 727a).
Il y a ensuite un certain nombre de dispositions communes dès l’art. 730 CO.
Selon l’art. 727 al. 1 CO, le contrôle ordinaire est exigé pour les sociétés
cotées en bourse, pour les sociétés ayant contracté un emprunt par obligation
selon l’art. 1156 CO et pour les sociétés holding (rapport entre sociétés). De
même, les sociétés remplissant deux des caractéristiques suivantes doivent
également se soumettre au contrôle ordinaire : bilan de 20 millions, chiffre
d’affaire de 250 millions et effectif de 250 emplois à plein temps.
Cette disposition a été modifiée récemment pour soulager les entreprises
(selon l’art. 727 al. 1 ch. 2) : les exigences sont donc plus souples, moins
d’entreprises sont soumises au contrôle ordinaire. L’art. 727 al. 2-3 permet
ensuite aux actionnaires de demander un contrôle ordinaire ou à l’entreprise
de fixer ce contrôle dans ses statuts.
Selon l’art. 727a al. 1 CO, toutes les entreprises qui ne sont pas soumises au
contrôle ordinaire sont soumises au contrôle restreint, sauf exception de
l’art. 727a al. 2 CO. En effet, si tous les actionnaires y consentent et si
l’effectif de la société ne dépasse pas 10 emplois à plein temps, il est possible
de renoncer à tout contrôle. Dès lors, sauf ces (petites) entreprises, toutes les
sociétés sont au moins soumises au contrôle restreint. Il s’agit à présent de
comparer les deux types de contrôle : ordinaire et restreint :
Qualité professionnelle des réviseurs : selon l’art. 727b CO, les
sociétés ouvertes au public (au sens de l’art. 727 al. 1 ch. 1 CO) sont
soumises à la surveillance de l’État. En plus de la surveillance étatique,
le réviseur doit être un (expert-)réviseur agréé. Les autres sociétés
tenues au contrôle ordinaire (art. 727 al. 1 ch. 2-3 CO) doivent être
contrôlées par un expert-réviseur agréé. Pour le contrôle restreint, un
réviseur agréé est exigé (et non pas un expert-réviseur).
IUR III 2012-2013 24
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- Degré de vérification : dans le contrôle ordinaire, on parle d’attestation
positive (art. 728 CO). Au contraire, dans le contrôle restreint, on parle
d’attestation négative (ou review, note marginale de l’art. 729 CO).
L’attestation négative se limite à vérifier une partie des documents de
l’entreprise. Dès lors, le contrôle restreint ne fait qu’affirmer que les
éléments contrôlés sont corrects, au contraire du contrôle ordinaire.
- Objet de l’examen (art. 728a CO) : l’organe de révision vérifie les
comptes annuels (art. 662 al. 2 et art. 662a CO), l’emploi du bénéfice
(selon l’art. 671 ss CO : constitution légale de réserves et versement
aux actionnaires) et le système de contrôle interne. Précisons par
contre que la gestion de l’entreprise n’est pas contrôlée : le CdA dirige
la société de manière totalement indépendant. L’organe de révision
vérifie donc la légalité et non pas l’opportunité (art. 728a al. 3 CO).
Au contraire, dans le contrôle restreint, le système de contrôle interne
n’est pas pris en compte. De plus, l’organe de révision n’effectue des
vérifications qu’en cas de doute sur une éventuelle violation de la loi ou
des statuts. Il n’y a donc pas d’examen général de tous les documents
mais une vérification ciblée aux éléments suspicieux.
- Indépendance : l’art. 728 al. 2 CO (contrôle ordinaire) prévoit une liste
des cas dans lesquelles l’indépendance pourrait être mise à mal.
Au contraire, il n’existe pour le contrôle restreint aucune liste (il s’agit
d’une liste non-exhaustive) des cas litigieux (art. 729 CO).
- Les rapports : le contenu du rapport du contrôle ordinaire est précisé à
l’art. 728b CO (al. 1 pour le CdA et al. 2 pour l’AG). Le rapport envoyé
au CdA est détaillé alors que le rapport pour l’AG est résumé. Pour le
contrôle restreint, l’art. 729b CO précise qu’un seul rapport à l’attention
de l’AG est nécessaire (pas de rapport détaillé pour le CdA).
- Avis : pour le contrôle ordinaire, l’art. 728c CO prévoit un avis
obligatoire au CdA en cas de problèmes financiers (art. 725 ss CO). De
même, il est parfois possible d’avertir l’AG en cas de violation grave.
Pour le contrôle restreint, par contre, une seule obligation du contrôle
ordinaire est maintenue : celle d’aviser le juge en cas de
surendettement manifeste lorsque le CdA ne le fait pas.
IUR III 2012-2013 25
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Il convient à présent de parler des opting (out et down ; in et up). L’opting out
correspond à la renonciation à la révision (art. 727a al. 2 CO). L’opting down
est un contrôle effectué par une personne non-habilitée à le faire. L’opting in
est un choix d’effectuer un contrôle alors qu’aucune disposition légale ne
l’exige (art. 727a al. 4 CO : cet opting suit donc forcément un opting out).
Enfin, l’opting up correspond à l’art. 727 al. 2-3 et donc à la demande de
contrôle par les actionnaires ou au contrôle selon une disposition statutaire
votée à l’AG. Les 4 types d’opting sont donc directement reliés au CO et
correspondent aux possibilités légales. L’opting down est un cas particulier :
étant effectué par un réviseur « autre », l’inscription au RdC est impossible.
Dans notre cas, la société ne remplit aucune des conditions de l’art. 727 CO :
de par la loi, le contrôle ordinaire n’est pas exigé. Pourtant, la société décide
de faire un contrôle (il ne s’agit pas d’opting up étant donné qu’aucune
disposition statutaire n’exige un contrôle). Dès lors, selon l’art. 727a, la
société doit être soumise à un contrôle restreint, sauf si l’on se trouve dans un
cas d’application de l’art. 727a al. 2 CO (opting out : l’opting down est
quasiment laissé de côté puisqu’il ne s’agit pas véritablement d’un type de
contrôle à part entière). Il faut donc vérifier si l’opting out était valable : la
condition des 10 employés est respectée et il faut donc analyser l’accord de
tous les actionnaires. Caroline, en l’occurrence, demande un contrôle
restreint, selon l’art. 727a al. 4 CO (opting in : il faut partir du principe que
Caroline a, à l’origine, accepté l’opting out). Elle peut donc exiger un contrôle
restreint. Par contre, elle ne peut pas demander de contrôle ordinaire, car elle
devrait posséder 10% du CA : seule elle ne peut pas demander de contrôle
ordinaire. Par contre, si elle parvient à convaincre certains membres de sa
famille, elle pourrait demander un tel contraire (opting up).
Dans le droit de la SàRL (art. 818 ss CO), l’art. 818 CO précise que les
articles applicables à la SA sont applicables par analogie. Tout de même, un
associé soumis à l’obligation d’effectuer des versements supplémentaires
(art. 725 CO : différence entre SA et SàRL : dans la SàRL, les associés
peuvent être obligés à effectuer des versements supplémentaires) peut
requérir un contrôle ordinaire des comptes annuels (désaccord doctrinal entre
le commentaire romand et le commentaire bâlois, art. 727 al. 2 CO).
IUR III 2012-2013 26
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Cas n° 14
Dans le bilan, les 40 (caisses), les 50 (créances) et les 70 (stocks) forment
l’actif circulant alors que les 170 et 250 forment l’actif immobilisé. Avant
l’achat des machines, le bilan se présentait de la manière suivante :
- Actifs : 40, 50, 70, 170 (la valeur des machines de 250 et la perte de
200 due à la dépréciation de valeur sont supprimées).
- Passifs : 150, 40, 40 et 200 (seuls les 350 correspondant à l’emprunt
sont supprimés : l’emprunt a été fait pour acheter les machines).
- Bilan (430) : il manque encore 100 dans la caisse étant donné que
l’emprunt a été fait à hauteur de 350 (sur 450) : 100 ont été dépensés.
Il faut calculer la valeur de la société (avant et après), correspondant à l’actif
net (actif moins auquel on soustrait les dettes) : on obtient 280 (430 – 150)
avant l’achat des machines et 80 (580 – 500) après l’achat. On craint donc
une situation de surendettement au sens de l’art. 725 CO : si la moitié du CA
et des réserves légales n’est plus couverte, on est en cas de surendettement.
Dans ce cas, on compare 280 (CA + réserves), que l’on divise par 2 (140),
avec l’actif net (80) : il n’est possible de couvrir que 80 : il y a surendettement.
On peut également faire le calcul inverse en prenant en compte la perte
(200), qui est supérieure à la couverture légale nécessaire (140). Il y a donc
surendettement à cause de la perte de valeur des machines, qui peut être
due à un mauvais investissement de la part de Serac. On se tourne donc vers
la responsabilité des organes pour vérifier les agissements de Serac.
L’art. 754 CO pose les bases de la responsabilité des organes : « les
membres du conseil d’administration et toutes les personnes qui s’occupent
de la gestion ou de la liquidation répondent à l’égard de la société, de même
qu’envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu’ils leur
causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs ».
On retrouve les 4 critères habituelles de la RC : dommage, lien de causalité,
acte illicite et faute. L’art. 717 CO précise quels sont les devoirs de diligence
et de fidélité. Dans notre cas, il y a délégation au sens de l’art. 754 al. 2 CO.
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Avant d’analyser la responsabilité du délégué Serac, on se demande si le
demandeur, Petitgris, a la possibilité d’attaquer le responsable. Logiquement,
selon l’art. 756 CO précise les prétentions hors faillite (art. 757 CO). Dans
notre cas, on se tourne vers l’art. 756 CO (hors faillite). Il faut donc qu’un
dommage soit causé à la société (qui doit être différencié du dommage de
l’actionnaire). Petitgris dispose de 10% de la société, qui subit un dommage
de 200 (dépréciation des machines), et subit donc un dommage de 20
(dommage réfléchi, indirect : en étant actionnaire, Petitgris subit une certaine
perte). En droit de la SA, comme précisé à l’art. 756 CO, l’actionnaire ne peut
pas faire valoir son dommage mais uniquement le dommage de la société.
Naturellement, s’il obtient la réparation du dommage de la société, son
dommage sera automatiquement réparé. Petitgris va donc pointé le dommage
de 200 subi par la société. L’action peut être dirigée contre Serac, sur la base
de l’art. 754 al. 1 CO (en lien avec l’art. 756) ou contre tout autre membre du
CdA selon l’art. 754 al. 2 CO (délégation). On analyse donc les deux :
- Action selon l’art. 754 al. 1 CO (Serac en tant qu’exécutant) :
o Dommage : le dommage correspond au 200.
o Acte illicite (art. 717 CO : fidélité, diligence et égalité) : le juge
doit se placer au moment où la décision a été prise pour estimer
si la décision était ou non irréfléchie. Il faut que les actes soient
faits raisonnablement dans l’intérêt de la société, sur la base de
informations suffisantes et en absence de conflits d’intérêts. S’il
existe un conflit d’intérêt, il sera difficile de prouver le respect du
devoir de diligence. De même, si l’administrateur n’était pas
suffisamment informé (ce qui est très difficile à vérifier), on peut
estimer qu’il y a violation du devoir de diligence. Enfin, il faut
que la décision prise ne soit pas manifestement déraisonnable.
En l’espèce, aucune de ces trois conditions n’est remplie : il
s’agissait de nouvelles machines innovatrices (seule la condition
de l’information pourrait être utilisée, mais cela est compliqué).
o Lien de causalité naturelle et adéquate : il est clair que le lien de
causalité est rempli : c’est la dépense des machines qui est à
l’origine de la perte de 200 (dépréciation des machines).
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o Faute : la faute n’a presque aucun impact : son aspect subjectif
est réduit à la question de la capacité de discernement. Dès
lors, l’aspect objectif de la faute est assimilé à l’illicéité.
Au final, il sera difficile pour Petitgris de prouver la responsabilité de
Serac, principalement à cause de la condition de l’acte illicite.
- Action selon l’art. 754 al. 2 CO (CdA ayant délégué, art. 55 CO) :
o Une délégation licite : en l’espèce, la délégation est licite
(prévue par les statuts et précisée dans le règlement) mais
pourrait tout de même poser un problème. En effet, le CdA
aurait pu violé la loi (ou les statuts) en déléguant des pouvoirs
inaliénables (attributions du CdA, art. 716a CO). On pourrait se
demander si la délégation n’est pas illicite par excès. Dès lors, si
la délégation est illicite, le CdA répondrait directement sur la
base de l’art. 754 al. 1 CO (violation directe de la loi).
o Un délégataire (CdA) : le CdA peut exclure sa responsabilité en
invoquant les trois curae (choix, instruction et surveillance) : le
CdA devra prouver qu’il a vérifié les compétences de la
personne, qu’il a concrètement instruit clairement le délégué en
lui expliquant la stratégie de l’entreprise et qu’il demande des
informations du délégué afin de contrôler ses agissements. Dès
lors, si l’on avait accepté une violation du devoir de diligence de
la part de Serac, il faudrait vérifier le respect de ces curae. Il est
possible d’attaquer plusieurs membres (question de solvabilité).
o Un délégué causant un acte illicite : on renvoie ici aux conditions
générales de la responsabilité, examinées ci-dessus.
Dès lors, aucune des actions ne paraît pouvoir aboutir de par l’absence d’acte
illicite de Serac, qu’il agisse en tant que délégué (art. 756 al. 1 CO) ou en tant
qu’administrateur (art. 756 al. 1 CO). Attaquer Serac ou le CdA ne change
rien à la situation : l’absence d’acte illicite empêche les actions. La meilleure
solution serait donc de se concentrer sur l’art. 716a pour prouver la présence
d’une délégation excessive. L’entrée en vigueur du CPC a supprimé une
clause du CO sur la répartition des frais : l’actionnaire paye les frais (ce qu’il
faudrait changer : la société devrait supporter les frais de procédure).
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Cas n° 15
Les prétentions concernent la faillite (art. 756 ss CO). La différence majeure
entre l’art. 756 et l’art. 757 réside dans l’état de la société (faillite ou hors
faillite). Peut agir selon l’art. 756 CO (prétentions hors faillite) la société (AG)
et chaque actionnaire. Pour agir il faut un dommage, un acte illicite, un lien de
causalité et une faute. Dans le cadre de l’art. 756 (hors faillite), l’actionnaire
ne peut tenter de faire réparer qu’un dommage réfléchi (c’est donc toute la
société qui va profiter de l’éventuel succès de l’action). En pratique donc, cet
article est très peu utilisé, au contraire des prétentions de l’art. 757 CO, qui
concerne la situation en faillite. Peut agir sur la base de l’art. 757 CO toute
personne qui a des prétentions envers la société (administration de la faillite).
Si l’administration de la faillite n’exerce pas ses droits (cession de créance),
tout créancier ou actionnaire peut ensuite ouvrir une action personnelle et
obtenir, le cas échéant, une réparation personnelle (et non globale). Seul
l’éventuel surplus sera ensuite réparti entre les personnes qui n’ont pas fait
valoir leurs droits dans la poursuite. Dans le cadre de cet article, la société
elle-même n’existe plus (plus d’organes).
Toute la question tourne en principe autour de l’existence d’un dommage
(préjudice) et des 3 conditions. Dans notre cas, on peut penser que les
versements faits à Jean-Jacques ainsi que les rabais octroyés sur le prix
constituent un dommage, qui affecte directement la société (dommage que
l’on distingue du dommage direct des actionnaires ou des créanciers :
violation d’une norme qui a pour but de protéger ces personnes
exclusivement ou violation de l’art. 41 CO, notamment par l’établissement
d’un faux-bilan). Concernant l’illicéité, il peut s’agir de la violation d’une norme
légale ou des statuts. Il faut que la société ait violé un devoir imposé par la loi
ou par les statuts (devoir de diligence). On pense donc tout de suite à l’art.
717 CO : devoir d’égalité de traitement, de diligence et de fidélité (on peut
aussi penser aux art. 716a, 725 CO). En l’espèce, on peut penser que la
diligence et la fidélité ont été bafouées : en privilégiant des tiers, la société a
mal agi (intérêts de la société). Il faut ensuite un lien de causalité naturelle et
adéquate entre les actes de Yvonne, ceux de Louis-Marc (on attaque donc,
IUR III 2012-2013 30
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sur la base de l’art. 754 CO, toutes les personnes qui s’occupent de la
gestion, organes matériels et organes de fait) ainsi que ceux de Brigitte (nous
reviendrons à ce point ci-dessous) et le préjudice causé. Enfin, il faut une
faute (conception objective : capacité de discernement présumée) : on se met
donc à la place d’un administrateur moyen et diligent pour apprécier la
diligence requise. Dès lors, la faute correspond à l’illicéité. On peut donc
répondre à la première question : la masse en faillite (État administrant les
biens en faillite) peut agir. Concernant la masse en faillite, il s’agit en fait de
tous les actifs de la société. Si elle agit, l’argent ira aux créanciers (selon un
certain ordre). Elle n’a bien entendu pas l’obligation d’agir (art. 757 CO).
Comme le précise l’art. 757 al. 2, ce n’est qure subsidiaire que les divers
créanciers ou actionnaires pourront agir. Si des actionnaires et des créanciers
agissent, l’argent sera d’abord attribué aux créanciers, puis aux actionnaires
et enfin dans la masse (selon l’excédent). En l’espèce, la masse en faillite
peut agir mais ne le doit pas (ce sont alors les créanciers et les actionnaires
qui peuvent agir : subsidiairement). Du côté des prétendus responsables,
Yvonne tentera de dire qu’elle ne fait que suivre les ordres qu’on lui donne.
Or, il n’est pas possible de faire valoir un contrat de fiducie pour se dégager
d’une responsabilité légale : le fait d’être au CdA et de conclure un contrat de
fiducie viole l’art. 717 CO (manquement à sa diligence : c’est elle qui doit
gérer la société). Lorsque la faillite est ouverte, il est impossible d’invoquer la
décharge (art. 758 CO : sauf faits révélés). Il faut également respecter le délai
de prescription de l’art. 760 CO. Dans ce cas, l’art. 759 CO précise qu’il est
impossible de rechercher un seul responsable pour l’ensemble.
Cas n° 16
Les art. 736 ss CO traitent de la dissolution. Les causes sont diverses : les
statuts (conditions, but précis ou durée limitée, art. 627 ch. 4), une décision
de l’AG (prise à la majorité qualifiée, art. 704 al. 1 ch. 8 CO), l’ouverture de la
faillite (procédure de LP en cas de surendettement, art. 725 ss CO), une
décision judiciaire (requête de dissolution sur justes motifs) et diverses autres
causes légales (carences d’organisation, art. 731b al. 1 ch. 3 CO).
IUR III 2012-2013 31
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La dissolution par jugement (ch. 4) pose le problème de la définition des
justes motifs. Cette disposition peut prévoir la dissolution en ultima ratio. Les
justes motifs peuvent consister en diverses circonstances : le Tribunal fédéral
a notamment mentionné les différents justes motifs suivants :
- L’abus de position dominante qui amène une majorité à décider
systématiquement à l’encontre des intérêts de la société ou des
intérêts légitimes des actionnaires minoritaires.
- Une mauvaise gestion courante de nature à entraîner la ruine de la
société, une violation des droits des actionnaires minoritaires
- Une attitude qui rend impossible l’atteinte du but social.
- Un comportement étranger au but social ou un blocage des organes.
La dissolution est une ultima ratio qui doit respecter le principe de la
proportionnalité, en tenant compte de l’intérêt que peuvent avoir les autres
actionnaires au maintien de la société. La dissolution n’étant qu’une mesure
subsidiaire, elle ne sera pas prononcée s’il apparaît, à la suite d’un examen
concret des circonstances, que l’actionnaire minoritaire peut défendre ses
intérêts légitimes par une voie moins incisive (par exemple en demandant
l’annulation d’une décision de l’AG ou l’institution d’un contrôleur spécial).En
outre, le Tribunal fédéral a relevé qu’au sein des sociétés anonymes, les
motifs personnels cèdent le pas devant les intérêts financiers de sorte qu’en
principe il n’y a pas lieu de dissoudre une société qui réalise des bénéfices.
En l’occurrence, Xana dispose de plus de 10% (32%) mais doit se fonder sur
un juste motif. Les plaintes pénales n’ont aucune influence : la SA doit être
comprise dans un sens économique et non personnel. Selon l’art. 680 al. 2,
Xana n’a aucun droit à réclamer le remboursement des actions. Le juge, par
contre, pourrait forcer la société à racheter ses actions (art. 659 CO) si la part
de Xana était inférieure à la limite des 10% (en effet, le rachat forcé d’actions
est une mesure plus souple que la dissolution). Il serait aussi possible de
réduire le CA (art. 732 CO), avec les limites légales (-32% possible). Enfin, la
société pourrait être scinder en deux nouvelles sociétés. Dès lors, même si
Xana pourrait prouver un juste motif, elle ne pourrait pas obtenir la dissolution
car il existe d’autres moyens moins contraignants.
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