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Ne pas utiliser, publier, citer ni reproduire sans l’accord préalable de l’auteur [email protected] 1 DROIT DE L’ENVIRONNEMENT Notes de Cours Pascale STEICHEN Professeur agrégé de droit privé UNS Année académique 2014-2015 Ces notes de cours sont exclusivement réservées aux révisions et ne sauraient être utilisées à d’autres fins.

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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

Notes de Cours

Pascale STEICHEN

Professeur agrégé de droit privé

UNS

Année académique 2014-2015

Ces notes de cours sont exclusivement réservées aux révisions et ne

sauraient être utilisées à d’autres fins.

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INTRODUCTION

1 - Quelques éléments d’histoire

Les problèmes environnementaux ne sont pas nés avec l’essor de la

civilisation industrielle.

Des travaux d’historiens ont montré que dans la Rome antique, les romains

géraient déjà leurs déchets. Une collecte des déchets était organisée par le biais des

vases en terre cuite. Pour les riches, qui disposaient de fontaines et de salles de

bains, les eaux usées étaient évacuées par un réseau de canalisations vers

le « cloaca maxima », le grand égout.

Au Moyen Age, le contexte des guerres incessantes favorise un net recul de

la propreté. Les déchets urbains sont jetés dans les rues et ne sont pas ramassés.

Les animaux qui sont élevés dans les villes se nourrissent de ces déchets.

A partir de l’an mille, on va voir apparaître les prémices d’une police des

pollutions et nuisances pour l’épuration des eaux, l’enlèvement des déchets et la

lutte contre les odeurs pestilentielles.

Ainsi, le roi Philippe Auguste (1154-1223) va ordonner que les rues de Paris

soient pavées et l’on interdit de jeter les déchets par les fenêtres. Les riverains sont

contraints d’assurer le nettoyage des chaussées et l’enlèvement des immondices.

Les sanctions sont sévères. Les contrevenants sont passibles d’une peine de

prison, avec un régime alimentaire limité au pain et à l’eau, et à partir de 1395, les

contrevenants sont punis du pilori et de la peine de mort.

Cela ne suffira pas à empêcher les épidémies, dont la peste noire, de 1346 à

1353, qui fit à elle seule 25 millions de morts en Europe, principalement chez les

populations les plus pauvres.

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C’est Louis XII qui va avoir l’idée d’organiser, en 1506, le ramassage des

immondices de la capitale et leur évacuation. Le ramassage est financé par un impôt

spécial qui se heurte à l’hostilité de la population. En 1531, une ordonnance du

Conseil des médecins imposa que les maisons soient dotées d’une fosse pour y

déposer les déchets.

Mais il faudra attendre 1884, sous la IIIème république française, pour voir

imposer, par le préfet Eugène Poubelle, la collecte des ordures ménagères dans le

fameux récipient qui prendra son nom.

Dans le même ordre d’idées, un décret-loi du 15 octobre 1810 jettera les

bases du droit de l’environnement industriel en encadrant les établissements

incommodes et insalubres1.

Mais le droit de l’environnement n’a véritablement pris son essor qu’en 1960

en réaction à un certain nombre de catastrophes.

II– Les catastrophes écologiques

Quant aux marées noires ou autres pollutions des mers

- le naufrage de Torrey Canyon au large des côtes britanniques en 1967

inaugure la triste série des marées noires.

1 En ce qui concerne les établissements à risque, le principe d’éloignement était déjà

particulièrement prisé (les boucheries feront l’objet d’une réglementation en ce sens, ordonnance

d’aout 1363 de Jean le Bon).

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- En mars 1978 c’est l’Amoco Cadiz qui s’échoue au nord de la Bretagne

et pollue 440 km de côtes.

- En mars 1989 c’est le pétrolier Exxon Valdez qui s’écrase sur les récifs du

détroit du Prince William, au sud de l’Alaska . 37000 tonnes de brut se

répandent sur 2000 Km² dans une zone d’une très grande richesse

écologique.

- Le 12 décembre 1999, le pétrolier Erika affrété par la Cie TOTAL se brise

en deux dans la tempête à la pointe du Finistère libérant 20 000 tonnes

d’hydrocarbure.

- Le 31 octobre 2000, c’est le chimiquier Iévoli-Sun transportant 6000

tonnes de produits hautement toxiques qui coule au large de l’île anglo-

normande d’Aurigny .

- Le 13 novembre 2002, le pétrolier le Prestige s’est échoué au large des

côtes espagnoles (Galice) avec 77 000 tonnes de pétrole brut.

La production d’énergie nucléaire réserve aussi ses mauvaises surprises :

- Le 28 mars 1979, à Three Miles Island en Pennsylvanie, une valve du

système de refroidissement du réacteur de la centrale nucléaire se rompt

contraignant à l’évacuation de plusieurs milliers de familles.

- Le 25 avril 1986 à Tchernobyl, le réacteur de la centrale nucléaire prend

feu, entraînant l’évacuation de 135.000 personnes les premiers jours. La

réalisation d’un sarcophage a duré de longs mois. Toute activité agricole

et occupation humaine sont interdites dans un rayon de 10 Km

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autour de la centrale pour une durée indéterminée , et l’ampleur des

conséquences de cette catastrophe est encore inconnue.

Le nuage radioactif qui s’est échappé lors de l’accident a survolé

l’ensemble de l’Europe, y compris la France, ce que les autorités publiques

n’ont admis que très récemment.

-11 mars 2011, Fukushima, le tsunami dévaste quatre réacteurs de la

centrale nucléaire la privant de refroidissement. L’accident provoque une

remise en question du nucléaire dans une série d’Etats.

Quant à l’industrie chimique, elle présente un palmarès honorable

- En 1959, le monde découvre que les habitants de la baie de Minamata au

Japon ont été intoxiqués par des rejets industriels de mercure, lequel se

fixe dans les produits de la mer dont se nourrit la population.

- En Italie, en 1976, un nuage chargé de 2 kg de dioxine s’échappe d’une

usine et se dirige vers le village de Seveso, dont la population dot être

évacuée. Des milliers d’animaux sont abattus et des maisons détruites

quant aux fûts contenant les déchets de Seveso, ils ont donné lieu à un

autre scandale. Entrés en France en 1982, ils ont disparu avant d’être

retrouvés dans un hangar de St. Quentin où leur stockage était

parfaitement illégal. Cette affaire a eu pour origine l’adoption d’une

directive communautaire du 6/12/1984, sur la surveillance des transferts

transfrontaliers de déchets dangereux).

- Le 21 mars 1980, l’administration Carter déclare l’état d’urgence et fait

évacuer la cité de Love Canal aux Etats-Unis (Etat de New York) dont les

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habitants vivaient sur une ancienne décharge de produits chimiques dont

la dioxine.

- Dans la nuit du 3 au 4 décembre 1984, à Bhopal en Inde, l’usine de

pesticide « Union Carbide » laisse échapper un nuage d’ixyanate de

méthyle qui se répand sur 40 Km². L’accumulation de négligences à

l’origine de l’accident a causé la mort de 15 000 personnes et 200 000 en

auraient gardé des séquelles. (D. Lapierre, Il était minuit moins 5 à Bhopal,

éd.Laffont,).

- Le 31 octobre 1986, à Bâle, un incendie se déclare dans un entrepôt de

produits chimiques de l’usine Sandoz où sont stockés 1250 tonnes de

pesticides. Une pollution atmosphérique majeure se déclenche dans la

région mais surtout, les eaux utilisées pour éteindre l’incendie, chargées

de produits toxiques, s’écoulent dans le Rhin entraînant la mort de milliers

de poissons.

- Le 21 septembre 2001, l’explosion de l’usine AZF (appartenant au groupe

Total-FinaElf) ravage le sud de Toulouse, tuant une trentaine de

personnes et en blessant 400.

Peut-être est-ce à cause de cela que l’on a pu dire que le droit de l’environnement

était un droit des catastrophes, un « droit contre » en quelque sorte :

- contre les catastrophes naturelles et technologiques ;

- contre le développement industriel incontrôlé ;

- contre l’effet de serre etc.

Le droit de l'environnement n’est pas que cela. Il a une spécificité.

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III - La spécificité du droit de l'environnement

C’est un droit original sur au moins 4 points. Il présente :

1°) Une dimension universaliste incontestable.

Le droit de l'environnement excède largement les cadres traditionnels de l’espace et

du temps et se trouve donc irrémédiablement marqué par le phénomène de

mondialisation et de globalisation.

Cela s’explique par le fait que les problèmes environnementaux tels que :

- les pluies acides

- la désertification

- l’appauvrissement du patrimoine génétique mondial

- ou la diminution de la couche d’ozone

ne connaissent pas de frontières.

L’urgence de préserver l’air, l’eau, le sol, la diversité biologique s’impose de la même

manière à tous les pays.

2°) Ce droit est également porteur de notions origi nales

Le droit de l'environnement affirme par-là sa modernité : les concepts qu’il développe

sont adaptés aux défis nouveaux que connaît la société, et qui émanent du progrès

ou des dérives de la science. Se développent de nouveaux concepts, de nouveaux

principes, tels que :

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- le concept d’irréversibilité2 qui vise les situations dans lesquelles

aucun retour en arrière n’est envisageable (on pense à Tchernobyl avec

une contamination des terres sur des siècles ou la perte irréversibles

d’espèces animales ou végétales : par ex le dauphin d’eau douce qui vivait

jusqu’en 2006 uniquement dans le fleuve Yangzi Jiang en Chine).

- le principe de précaution, qui vise l'éventualité d'un dommage

grave et irréversible et qui appelle, malgré l'absence de certitudes

scientifiques sur les risques encourus, la mise en œuvre de procédures

d'évaluation des risques et l'adoption de mesures provisoires et

proportionnées au dommage envisagé.

- la notion de patrimoine commun de l’humanité

La notion de « patrimoine commun » est d’abord née de l’idée qu’il fallait soustraire

certains espaces ou certaines ressources à l’accaparement ou à la revendication des

Etats (la lune et les autres corps célestes : accord du 5 décembre 1979 régissant les

activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, convention du 10 dec

1982 de Montego Bay sur les grands fonds marins).

Puis la notion a évolué vers un contenu plus spécifiquement environnemental.

Ainsi, à Rio, en 1992, on a déclaré que « la terre est le patrimoine commun de

l’humanité ».

De même, la Cour de justice de l’UE a eu l’occasion que la protection de la

biodiversité, par le biais du réseau Natura 2000, « revêt une importance particulière

dans un cas comme celui en l’espèce, où la gestion du patrimoine commun est

confiée, pour leur territoire respectif, aux États membres » (CJCE, 10 janv. 2006, n°

98/02, Commission c/Allemagne, point 59).

2 Voir le numéro spécial de la RJE 1998 consacré à l’irréversibilité.

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En droit français, on estime que

- "l'eau fait partie du patrimoine commun de la Nation" (Code de l’env.);

- "les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et les paysages,

les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques

auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la Nation

(Code français de l’environnement, art. L110-1)3.

- le territoire français est le patrimoine commun de la Nation (Code urb.,

art. L110).

3°) Le droit de l’environnement est aussi un droit qui est porteur de

nouvelles valeurs

A cet égard on peut dire que le droit de l’environnement est un droit engagé.

- le développement durable.

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du

présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux

leurs ». (Rapport Brundtland, 1987).

Ainsi le développement durable prône l’équité trans-générationnelle c’est-à-dire la

prise en compte des droits des générations futures. Aujourd’hui lorsque l’on stocke

des déchets nucléaires, on prend des précautions aussi à l’égard des générations

3 Le droit wallon y est aussi sensible : l’article 1er, § 1er, al. 1er, du Code wallon et de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et du Patrimoine (CWATUP) indique que “le territoire de la Région wallonne est un patrimoine commun de ses habitants”3. Le Livre Ier du Code wallon de l’environnement va dans le même sens puisque l’article 1er, al. 1er, énonce que « L’environnement et notamment les espaces, paysages, ressources et milieux naturels, l’air, le sol, l’eau, la diversité et les équilibres biologiques font partie du patrimoine commun des habitants de la Région wallonne ». Le Livre II – le Code de l’eau – énonce que « L’eau fait partie du patrimoine commun de la Région wallonne » (C.Env., LII, art. D.1er).

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futures eu égard à la durée de vie de certains déchets, qui peut atteindre plusieurs

milliers d’années.

Au-delà de l’équité entre les générations, le droit de l’environnement prône

également l’équité intergénérationnelle, c’est-à-dire la solidarité entre les

générations. Celle-ci revêt des aspects économiques (les retraites par exemple)

mais pas seulement. La différentiation sociale dans l’exposition aux nuisances révèle

des inégalités environnementales dans l’exposition aux nuisances et aux risques qui

peuvent être lue à une échelle planétaire, à une échelle locale et à tous les échelons

intermédiaires.

La doctrine européenne (sociologique surtout) commence à se pencher sur les

inégalités environnementales ou écologiques, (alors qu’aux Etats Unis, la question

est étudiée depuis les années 70 à travers la ségrégation environnementale

notamment).

A l’échelle mondiale, un Rapport d’octobre 2012 sur des points noirs de la pollution

dans le monde, publié par le Blacksmith Institute (ONG) et La Croix Verte suisse a

calculé, pour la première fois, l'impact sanitaire de la pollution dans une cinquantaine

de pays.

Le rapport intitulé « The World's Worst Pollution Problems » montre que l'exploitation

minière, les fonderies de plomb, les décharges industrielles et autres sites toxiques

affectent la santé de quelque 125 millions de personnes dans une cinquantaine de

pays à faible et moyen revenus. Cela revient à dire que l'ampleur et les

conséquences de la pollution industrielle sur la santé humaine sont comparables à

celles du paludisme ou de la tuberculose4.

4 Les polluants industriels les plus répandus sont le plomb, mercure, chrome, amiante qui ont été répertoriés sur 2 600 sites répartis dans la plupart des régions du monde. Tous sont connus pour causer de graves dommages à l'homme. Selon le rapport, qui reprend des études de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le plomb compromet ainsi, entre autres effets néfastes, le développement neurologique des enfants et provoque des maladies cardio-vasculaires chez les adultes. Le chrome, classé cancérigène, peut causer des cancers du poumon s'il est inhalé.

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A l’échelle nationale, un rapport de l’inspection générale de l’environnement, réalisé

en 2005, sur les inégalités environnementales5 a relevé une surexposition aux

risques industriels dans les zones défavorisées6.

4°) Le droit de l’environnement poursuite une doubl e finalité

Le droit de l'environnement est à la fois tourné vers le présent et vers l’avenir. En

effet, il présente la particularité d’être à la fois préventif et curatif :

- naturellement préventif, il est tourné vers l’avenir et mu par la

volonté d’anticiper les événements, de prévenir les pollutions, les

accidents ;

- mais il est également animé par la nécessité de réparer les

erreurs du passé (les sites contaminés par les déchets toxiques

par exemple)

C’est ce que traduit très bien la directive 2004/35 du 21 avril 2004, sur la

responsabilité environnementale « en ce qui concerne la prévention et la

réparation des dommages environnementaux ».

5°) Droit dont la dimension scientifique est incont estable

Le mercure endommage quant à lui les reins et affecte le développement neurologique chez les enfants. Enfin, l'amiante est responsable de mésothéliomes, de cancers du poumon et d'autres problèmes pulmonaires. 5 DIEBOLT W., HELIAS A., BIDOU D., CREPEY G. (2005), Les inégalités écologiques en milieu urbain, Rapport de l'Inspection générale de l'Environnement, 2005. 6 Près de 42 % des communes sont exposées contre 21 % pour les autres. Selon les rapporteurs cette sur-exposition s’expliquerait par une « planification qui privilégierait l’implantation des installations polluantes et/ou dangereuses à proximité des communes concentrant des populations à faible revenus ». Dans ces zones, la dépréciation du foncier attire aussi les populations les plus pauvres. L’observatoire des zones urbaines sensibles a relevé que la moitié de ces zone (et 69 % en Ile de France) est affectée par un point noir lié au bruit des grandes infrastructures. De même, les communes des Zones Urbaines Sensibles sont beaucoup plus exposées aux risques technologiques.

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Les nouvelles problématiques telles que :

- les biotechnologies (ce sont les techniques qui permettent

notamment d’intervenir sur le patrimoine génétique, comme les OGM) ;

- le changement climatique ;

- et même la perte de la biodiversité ;

relèvent de données scientifiques complexes que le droit doit gérer, en y

intégrant si possible une nouvelle éthique de la responsabilité.

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TITRE 1 : La naissance identitaire du droit de l’e nvironnement

Contrairement à d’autres disciplines juridiques bien définies, le droit de

l'environnement est un droit qui peut paraître assez insaisissable. . Pourquoi ?

o Les notions qui le sous-tendent peuvent paraître floues (ex :

développement durable)

o Les frontières avec les autres droits (droit de la santé, droit de

l’urbanisme…) n’apparaissent pas clairement tracées

o Quant à sa nature publique ou privée, elle semble également

incertaine

Faut-il pour autant nier l’existence d’une véritabl e branche du droit ?

Nous ne le pensons pas, et ce pour deux raisons :

� En premier lieu , parce que le droit de l'environnement peut

se prévaloir d’une finalité originale qui est la préservation de

la santé et la sauvegarde des équilibres écologiques.

Il est le droit du vital !

Le contenu du droit de l’environnement ne peut pas être

dissocié de l’intérêt collectif pour la survie de l’humanité et

pour la préservation des biens communs.

La Cour internationale de justice elle-même a constaté

« toute l’importance que la protection de l’environnement

revêt … non seulement pour les Etats, mais aussi pour

l’ensemble du genre humain » (CIJ, Projet Gabcikovo-

Nagymaros, Recueil 1997, p. 41, § 43).

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� En second lieu, parce qu’il peut se prévaloir de principes

généraux qui lui sont propres (principe de prévention, de

précaution, principe pollueur-payeur…).

Pour bien comprendre le droit de l’environnement, il faut s’attarder sur les notions

fondamentales qui structurent cette branche du droit.

Chapitre 1 – Les notions fondamentales

Au premier rang des notions fondamentales du droit de l’environnement, on trouve la

notion d’environnement. Mais il ne faut pas non plus négliger dans cette matière

l’importance des concepts écologiques.

Section 1 - La notion d’environnement

La majorité des auteurs s’accordent sur l’imprécision du terme « environnement » :

Il semble que la notion vacille entre :

- une conception étroite, restreinte au voisinage ;

- et une conception large qui se confond avec la biosphère ;

Dans le Larousse, l’environnement, c’est tout ce qui entoure. C’est évidemment

trop large.

Dans son traité de 1980, le juriste M. Despax proposait de bien distinguer la

notion de « nature » de celle « d’environnement ». En particulier, soulignait-il,

l’environnement englobe des éléments qui sont étrangers à la nature, comme

l’environnement urbain.

A l’heure actuelle, l’environnement tend à recevoir une définition globalisante.

Par exemple, la Convention d’Aarhus, élaborée en 1998 par la Commission

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économique pour l’Europe des Nations Unies7, sur l’accès à l’information et la

participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement, inclut dans

la notion d’environnement :

- « l’air et l’atmosphère

- l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels

- la diversité biologique et ses composantes, y compris les OGM

- et l’interaction entre ces éléments ».

L’article L.110-1, I, du Code de l’environnement définit indirectement l’environnement

de la manière suivante :

“Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air,

les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels

ils participent8 ».

Le fait d’avoir une définition précise de la notion d’environnement est important pour

deux raisons au moins :

- sur la répartition des compétences :

Si une loi confère à une institution des compétences en matière d’environnement, il

est fondamental de savoir de manière précise ce que cela recouvre pour connaître

l’étendue et les limites de la compétence de ladite institution.

7 Commission économique pour l’Europe de l’ONU. 56 pays membres : Albanie, Allemagne, Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Bélarus, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Canada, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, États-Unis, ex-République yousgoslave de Macédoine, Fédération de Russie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monaco, Monténégro, Norvège, Ouzbékistan, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République de Moldova, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Suède, Suisse, Tadjikistan, Turquie, Turkménistan et Ukraine. 8 L’avis du 12 avril 2009 vocabulaire de l'environnement (liste de termes, expressions et définitions

adoptés) (JO , 12 avril 2009) ne définit pas l’environnement

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C’est le cas notamment des Etats fédéraux (Autriche, Allemagne, Belgique) ou à

structure régionale (Italie, Espagne) lorsque les entités fédérées ou régionales ont

une compétence législative en matière d’environnement.

- Sur la responsabilité

Si le législateur international, de l’UE ou national créé un régime de responsabilité

pour les atteintes à l’environnement, il est fondamental que la notion

d’environnement soit clairement définie.

Section 2 - L’importance des concepts écologiques en droit de

l’environnement

L’écologie a été un peu galvaudée du fait de son utilisation en politique avec le

mouvement écologiste. C’est Ernst Haeckel, disciple de Darwin qui a créé le mot

« écologie » en 1866 et le définit comme « la science qui étudie les rapports entre

les organismes et les milieux où ils vivent ».

La réception des concepts écologiques par le droit de l’environnement constitue

encore une particularité de ce droit. En effet, toute une série de notions issues de

l’écologie émaillent les textes juridiques :

a) Notion d’équilibre biologique

On parle d’équilibre biologique avec le droit forestier. Ainsi, l’art. L. 111-2 du Code

forestier énonce : « Tout propriétaire exerce sur ses bois et forêts tous les droits

résultant de la propriété (…) afin de contribuer, par une gestion durable, à

l'équilibre biologique (…) ».

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L’atteinte à l’équilibre biologique d’une région ou d’un territoire est également un

motif de refus d’autorisation de défrichement (art. L. 341-5, 8 du Code forestier) et

sans autorisation de défrichement, pas de permis de construire (voyez CAA

Marseille, 18 nov. 2010, Ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, n°

08MA02578).

b) notion d’écosystème

L’apport essentiel de l’écologie est sans doute d’avoir montré que les écosystèmes

demandaient une étude globale.

Un écosystème est un ensemble dynamique d'organismes vivants (plantes, animaux

et micro-organismes) qui interagissent entre eux et avec le milieu dans lequel ils

vivent (sol, climat, eau, lumière).

Certains écosystèmes sont relativement intacts, tels que les forêts naturelles (forêt

amazonienne par exemple), d’autres, comme les terres agricoles, ont été

considérablement modifiés par l’action de l’homme.

Le système juridique prend en compte ces écosystèmes. Le paragraphe 2 de la

Déclaration de Stockholm de 1972 proclame la volonté d’assurer la protection des

écosystèmes dans l’intérêt des générations futures.

En droit français, la loi sur l’eau (art. L. 211-1-(I-1° du C.env.i) vise à protéger les

écosystèmes aquatiques.

Ces écosystèmes procurent des bénéfices aux hommes, leurs rendent des services :

on parle alors de services écosystémiques. Ces services ont été évalués par des

économistes à plusieurs milliards de dollars9. L’enjeu est alors de maintenir et de

9 Rapport de synthèse de l’Évaluation des Écosystèmes pour le Millénaire. http://www.millenniumassessment.org/documents/document.447.aspx.pdf

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18

conserver non seulement la diversité du vivant actuelle, mais également ses

potentialités à venir et les services écologiques qu’elle rend.

c) La Notion de biotope

Le biotope se définit comme la composante d’un écosystème.

Afin de prévenir la disparition d’espèce, le préfet peut prendre, en application de l’art.

R. 411-15 du Code de l’environnement des arrêtés de protection des biotopes pour

des endroits peu exploités par l’homme tels que mares, marécages, marais, haies,

bosquets, landes, dunes.

d) La notion d’habitat

L'habitat est un concept utilisé dans le domaine de l'écologie pour décrire l'endroit —

ou plus précisément les caractéristiques du « milieu » — dans lequel une population

d'individus d'une espèce donnée peut normalement vivre et s'épanouir.

La notion d’habitat bénéficie d’un traitement juridique particulier avec la directive du

21 mars 1992 sur la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la

flore sauvage (dite « directive habitat »).

De même la convention internationale de Ramsar du 02 février 1971 qui protège au

niveau mondial les zones humides (comme La Camargue) vise ces zones en tant

qu’« habitats d’une flore et d’une faune caractéristiques ».

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Finalement, la réception des notions écologiques par le droit de l’environnement

n’est pas anodine. Certains y voient « une matrice essentielle du droit de

l’environnement qui irrigue ses principes et ses concepts » 10

Chapitre 2 : Du droit de la protection de l’enviro nnement à un environnement

sain

Le droit de l’environnement s’est d’abord construit comme un droit de protection de

l’environnement en tant que tel, indépendamment de l’intérêt humain que représente

cette protection.

Aujourd’hui, il évolue vers la recherche d’un équilibre entre les intérêts de la nature et

ceux de l’homme.

Section 1 – Un droit né pour protéger l’environnem ent

L’homme a-t-il sa place dans le milieu naturel ou faut-il concevoir l’environnement

indépendamment de l’homme ?

Il est certain qu’il existe une interdépendance entre les espèces vivantes et leur

environnement. Mais dans cette interdépendance, existe-t-il une supériorité de

l’homme sur le reste de la création ?

Les biologistes soutiennent que l’homme n’est qu’une espèce animale parmi d’autres

et que l’environnement des autres espèces mérite d’être pris en compte au même

titre que celui de l’homme.

10 E. Naim-Gisbert, La dimension scientifique du droit de l'environnement, Bruyland, 1998.

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20

A l’inverse, pour les juristes, il est assez naturel de dire que l’homme est au centre

des intérêts à protéger car seul l’homme est sujet de droits et de prérogatives.

Hormis l’homme, il n’existe que des objets de droit.

Le juriste Jean Rivero soutenait qu’« il n’y a d’environnement qu’en fonction d’un

environné et l’environné, c’est l’homme. Les dégradations de l’air, de l’eau du

paysage ne sont nuisances que parce qu’elles affectent l’homme (…). Le droit de

l'environnement, parce qu’il est un droit, n’existe que par l’homme et pour l’homme ».

Est-ce à dire que la nature ne peut pas être reconnue comme un sujet de droit ?

§ 1 – La nature sujet de droit ?

Pourquoi ne pas donner la personnalité juridique à certains éléments naturels afin

qu’ils puissent défendre leurs intérêts en justice. Cette idée n’est pas nouvelle et Luc

Ferry ( Le nouvel ordre écologique) rappelle qu’entre le XIIIème et le XVIII siècle,

des procès furent intentés aux scarabés , sangsues et autres charançons.

L’idée a été développée, de manière célèbre, dans un article écrit par un

américain en 197211 (M. Chis Stone) à propos de l’affaire des Séquoias de la Mineral

King Valley en Californie.

La Société Walt Disney projetait d’installer une station de sports d’hiver dans ce site

célèbre par ses séquoias. Une association de défense de la nature (le Sierra Club)

s’y opposait mais la Cour d’appel de Californie par un jugement en date du 17

septembre 1970 rejeta son recours, faute d’intérêt d’agir. L’association ne pouvait

établir aucun préjudice personnel en l’espèce.

Stone établit alors la thèse selon laquelle puisque les arbres sont les victimes du

projet, c’est à eux qu’il faut reconnaître un droit d’action en justice. Leur 11 « Should trees have standings. Toward legal rights for natural objects”

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représentation serait assurée par les associations qui se verraient octroyer le droit

d’agir au nom et pour le compte des arbres, des animaux etc.

Quelques années plus tard, Ch. Stone a publié un autre article développant l’idée

qu’il n’est pas tant nécessaire d’accorder des droits aux entités non conventionnelles

(embryons, générations futures, rivières) que de leur assurer une « prise en

considération juridique » c'est-à-dire un véritable statut juridique défini par la loi qui

permettrait d’imposer aux hommes de véritables devoirs à l’égard de la nature,

garantissant enfin son respect.

Cette réflexion a inspiré certains auteurs comme JP Marguenaud. Dans sa thèse de

doctorat (L’animal en droit privé) celui-ci a proposé d’accorder aux animaux une

personnalité juridique d’ordre technique, comme pour les personnes morales.

L’animal serait assimilé à un sujet de droit limité car s’il peut être reconnu victime

d’atteintes illicites, il ne peut être déclaré responsable et faire l’objet de poursuites.

Aujourd’hui, au plan légal, un argument va dans le sens de la reconnaissance de la

qualité de sujet de droit à l’animal. Notre code pénal ne sanctionne pas les actes de

cruauté et les sévices graves envers les animaux (art. 521-1 et 522-2 CP) dans le

cadre des atteintes aux biens. Ceux-ci sont placés à part (le livre V) dans les

«autres crimes et délits» . N’est ce pas le signe que les animaux sont sortis

juridiquement de la catégorie des biens ?

En revanche, la proposition de réforme du Code civil visant à faire reconnaitre que

les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité n’a pas abouti….

En jurisprudence toutefois, la thèse de « l’animal-personne » a fait l’objet d’une

application par le TGI de Lille12 à propos de l’atteinte causée à un chien guide

12 TGI Lille, 23 mars 1999, D. 1999, p. 350.

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aveugle lors d’un accident de la circulation. Même si celle-ci est isolée, est elle

intéressante.

En effet, le tribunal a qualifié le chien de «prothèse vivante » et en a déduit que

«la perte de cet animal pour un non-voyant constituait un élément de préjudice

(corporel) distinct et réparable ».

Ainsi, le chien emprunte le statut juridique de la personne pour qui il représente

une utilité toute particulière. Certains auteurs ont alors découvert dans le chien guide

d’aveugle une « personne par destination »13.

On remarquera toutefois que la personnification de « l’animal prothèse »,

considéré comme incorporé à l’humain n’implique pas la reconnaissance d’un intérêt

personnel de l’animal à ne pas être atteint dans son intégrité physique.

D’autres auteurs, comme M.A. Hermitte, ont proposé d’attribuer un statut

juridique particulier à la nature, entre sujet et objet en ce sens qu’elle aurait « , un

certain droit à conserver son état biologique initial ou à retrouver un état biologique

supérieur, ce droit s’exerçant éventuellement à l’encontre des activités humaines »

(in : L’homme, la nature et le droit).

Ces thèses traduisent bien le besoin de renouvellement des relations

homme/nature14. Voyez également Sonia Desmoulin, « L’animal entre sciences et

droit , PUAM » ou « La désapprobation de l’animal », Lucille Boisseau-Sowinski,

P.U.L. PULIM, avril 2013 ).

13 Voyez L. NEYRET, Atteintes au vivant et responsabilité civile, Thèse Orléans, 2005.

14 Sur ces questions, cf également F. OST « La nature hors la loi, l’écologie à l’épreuve du droit »,

Ed. la découverte, Paris, 1995.

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Cela étant, c’est bien plutôt en considérant la nature comme un objet de droit,

nécessitant une protection, que le droit de l’environnement s’est construit.

§ 2 – La nature, objet de droit

On peut dire qu’au départ, dans les années 70, le droit de l’environnement est né

de la prise de conscience des dégradations causées à la nature par les activités

humaines. Les premiers textes généraux relatifs à l’environnement ont donc eu pour

finalité d’organiser sa protection.

Le droit de l'environnement s’est donc d’abord développé autour de la notion de

« protection » entendue au sens large. Comme l’énonçait le Pr. Lamarque en 1973,

dans le premier ouvrage consacré au droit de l'environnement « protéger ce n’est

pas seulement préserver de la destruction. C’est aussi assurer l’utilisation la plus

rationnelle des ressources naturelles, voire « améliorer la qualité des éléments

naturels »15.

D’ailleurs, l'ancien article L.200-1 du Code rural (avant le Code de

l’environnement) français ne parlait que de "protection" ou de "maintien" de

l’environnement. Aujourd’hui, l’article L.110-1, II, du Code de l’environnement

distingue les différentes facettes de la protection de l’environnement, à savoir :

- la protection

- la mise en valeur

- la restauration

- la remise en état

- la gestion

Il en est de même en droit de l’UE. L’article 191 du traité sur le fonctionnement de

l’UE (TFUE) définit la politique environnementale comme comprenant « la

préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement ». 15 « Droit de la protection de la nature et de l’environnement » (Paris LGDJ 1973, Lamarque).

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24

On retrouve ce critère de la protection chez la majorité les auteurs de la doctrine

environnementaliste de première génération. Par exemple, M. Despax considérait

que le droit de l'environnement « a pour objet (…) de limiter l’impact des activités

humaines sur (…) les milieux naturels » (droit de l'environnement, LITEC 1980)16.

Dans ce contexte, c’est bien le souci de la conservation des différents éléments qui

composent l’environnement (air, eau, sol, faune, flore) qui confère son unité au droit

de l'environnement, qu’il s’agisse du droit de la protection de la nature ou du droit de

la lutte contre les pollutions.

C’est d’aillleurs le sens les grandes lois sur l’environnement, telles que :

- Loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites ;

- Loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature ;

- Loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées pour la protection de

l’environnement ;

- Loi du 9 janvier 1985 sur le développement et la protection de la

montagne ;

- Loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages ;

- Loi du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection de

l’environnement.

Il s’agit bien dans tous les cas d’empêcher les aggravations des atteintes à

l’environnement par les pollutions, l’urbanisation anarchique, le gaspillage des

ressources naturelles.

16 R. Hertzog (La fiscalité de l’environnement, Colloque Nice PUF 84) souligne que ce droit « a pour fonction de réaliser une politique de préservation et de gestion collective des milieux, des êtres vivants et des ressources ». De même A. Kiss écrit que « le droit international de l’environnement a pour objet de protéger la biosphère contre les détériorations majeures et des déséquilibres qui pourraient en perturber le fonctionnement normal ».

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25

Toutefois, l’homme étant finalement toujours impliqué, les liens vont se

resserrer petit à petit pour inclure la nécessaire prise en compte de sa santé et son

épanouissement.

Le droit va devoir alors répondre à une autre revendication, celle du droit à un

environnement sain.

Section 2- La montée de l’écologie humaniste

Cette revendication d’un droit fondamental de l’homme à l’environnement s’est

manifestée dès la première conférence des Nations Unies organisée en 1972 à

Stockholm en 1972 sur les questions environnementales.

La déclaration de Stockholm proclame que « l’homme a un droit fondamental (…) à

des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité leur

permette de vivre dans la dignité et le bien-être » (principe 1)

Cette affirmation du droit de chacun à un environnement qui ne soit ni pollué ni

défiguré se double de la définition d’une obligation corrélative : « le devoir solennel

(de l’homme) de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations

présentes et futures. » (principe 1).

Par la suite, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples de

198117 fournira la 1ère expression du droit de l’Homme à l’environnement dans un

traité international en ces termes : « Tous les peuples ont droit à un environnement

satisfaisant et global, propice à leur développement » (article 24). 17 Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18e Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Entrée en vigueur le 21 octobre 1986, après ratification de la Charte par 25 Etats.

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26

La déclaration de Rio de 1992 s’y réfère également, proclamant que : « les

êtres humains (…) ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la

nature » tout en affirmant également que « la Terre, foyer de l’humanité, constitue un

tout marqué par l’interdépendance »

Mais c’est la convention d’Aahrus du 25 juin 1998 sur le droit à l’information

qui consacre ce droit d’une manière définitive. Son préambule proclame « le droit de

chacun de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être

et le devoir, tant individuellement qu’en association avec d’autres, de protéger et

d’améliorer l’environnement dans l’intérêt des générations présentes et futures ».

C’est ainsi que, depuis, le droit à l’environnement a été érigé au rang des

droits de l’homme de la troisième génération dans les constitutions d’une

cinquantaine de pays.

Chapitre 3 : Droit de l’environnement et droits voi sins

Les droits voisins sont le droit de la santé, le droit de l’urbanisme et le droit rural.

Section 1 : La relation environnement-santé publiqu e

Les considérations de santé n’ont jamais été très éloignées de la préoccupation liée

à la préservation de l’environnement.

Le traité des airs, des eaux et des lieux d’Hippocrate (460-377 av. JC) constitue

l’inspiration lointaine des règlements d’hygiène élaborés dès le moyen âge.

Le docteur De la Mare écrivait, en 1722 « il y a certaines professions qui ne peuvent

être exercées sans beaucoup de périls pour la santé : tels sont les potiers de terre;

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27

l’argile et la lithargie de plomb qu’ils mettent en œuvre, ne peuvent cuire qu’il ne s’en

élève quantité de vapeur grossière et maligne qui corrompent l’air dans des lieux trop

serrés ».

Par suite, on a beaucoup appliqué le principe d’éloignement, qui consiste tout

simplement à installer les sources éventuelles d’épidémies à l’écart des

agglomérations.

Entre le XIXème siècle et le début du XXème siècle, le système de santé18 s’est

organisé autour du triptyque « hygiène, vaccination, lutte contre les fléaux sociaux ».

On avait encore en mémoire les grandes épidémies de peste, de choléra.

Mais à partir des années 1945, sous l’action conjuguée de la rénovation urbaine, du

développement de la sécurité sociale et des fulgurants progrès de la médecine, le

système s’est s’orienté vers une démarche résolument curative qui domine encore

aujourd’hui.

Il en résulte que les formations médicales sont principalement axées sur les soins et

accordent ou plutôt accordaient, jusqu’à il y a peu, très peu d’attention aux

déterminants des pathologies, notamment environnementaux19. A l’heure actuelle, le

corps médical et les professionnels de santé sont encore peu au fait des questions

de santé environnementale.

Cela n’est pas propre à la France, dans la plupart des pays européens, les services

curatifs consommaient, en 1999, près de 90 % des ressources dévolues aux

systèmes de santé20.

18 La santé est définie par l’OMS comme « un état complet de bien-être physique, mental et social et (…) pas seulement en une absence de maladie et d’infirmité » (1948). 19 Rapport préliminaire de la Commission d’orientation du Plan Santé Environnement, 12 déc. 2003, p. 144. 20 A. Rougemont, La santé en Europe, Acte Sud 1999, p. 23.

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C’est sous l’impulsion du droit international et du droit de l’Union européenne qu’une

démarche nouvelle a été entreprise. Celle-ci a conduit à rapprocher deux domaines

jusqu’alors dissociés, santé d’un côté et environnement de l’autre, en vue de

favoriser la prise en compte d’une nouvelle « santé environnementale ».

La « santé environnementale » est définie par l’Organisation Mondiale de la santé

(OMS) comme comprenant « les aspects de la santé humaine, y compris la qualité

de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, biologiques, sociaux et

psychosociaux de notre environnement21.

A partir de 1989, l’Organisation mondiale de la santé a lancé une série de

conférences sur le thème de la santé et de l’environnement.

-Première Conférence ministérielle sur l’environnement et la santé, Francfort-sur-le-

Main (Allemagne), 1989 :

Adoption de la Charte européenne de l’environnement et de la santé et

création du Centre européen de l’environnement et de la santé de l’OMS

La Charte européenne de l’environnement et la santé, adoptée en 1989 sous l’égide

de l’OMS22 soulignait que chaque individu doit « contribuer à la protection de

l’environnement, dans l’intérêt de sa propre santé et de la santé des autres » et le

fait que « toutes les composantes de la société sont responsables de la protection de

l’environnement et de la santé ».

-Deuxième Conférence ministérielle sur l’environnement et la santé, Helsinki

(Finlande), 1994 :

Adoption du Plan d’action en faveur de l’environnement et de la santé dans la

Région européenne (EHAPE)

21 OMS 1993, cité par B. Vergriette, « Santé Environnement : problèmes et méthodes », Document de Travail de Ministère de l’écologie et du développement durable, Direction des études économiques et de l’évaluation environnementale, Série Méthode n° 02-M02. 22 http://www.thepep.org/ClearingHouse/docfiles/Charte%20europ%C3%A9enne%20de%20l'environnement%20et%20de%20la%20sant%C3%A9.pdf

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-Troisième Conférence ministérielle sur l’environnement et la santé, Londres

(Royaume-Uni), 1999 (NP) :

Adoption du Protocole sur l’eau et la santé (à la Convention de 1992 sur la

protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs

internationaux) de la Charte sur les transports, l’environnement et la santé et

de la Déclaration de Londres

-Quatrième Conférence ministérielle sur l’environnement et la santé, Budapest

(Hongrie), 2004 :

adoption du Plan d’action pour l’environnement et la santé des enfants en

Europe (CEHAPE) et de la Déclaration de la Conférence

-Réunion intergouvernementale d’évaluation à mi-parcours, Vienne (Autriche), 2007 :

Suivi des progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements pris

lors de la Quatrième Conférence ministérielle de 2004.

La prochaine aura lieu en 2016.

Au plan de l’UE, il aura fallu attendre une communication de la Commission

européenne, du 11 juin 2003, pour voir apparaître une stratégie européenne en

matière d’environnement et de santé (COM 2003-338 final)23. Le premier plan

couvrait la période allant de 2004 à 201024.

Depuis, la Commission européenne s’est détournée de sa reconduction au profit

du 7ème programme d’action25. 3. Le troisième domaine d’action clé couvre les

enjeux liés à la santé humaine et au bien-être de l’homme, tels que la pollution de

l’air et de l’eau, le bruit excessif et les produits chimiques toxiques.

23 http://eur-lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexplus!prod!DocNumber&lg=fr&type_doc=COMfinal&an_doc=2003&nu_doc=338 24 Communication de la Commission, du 9 juin 2004, « Plan d'action européen 2004-2010 en faveur de l'environnement et de la santé » [COM(2004) 416 - Journal officiel C 49 du 28.02.2006]. 25 Réponse à questions parlementaires donnée par M. Potočnik au nom de la Commission, 13 décembre 2012, E-008931/2012 et réponse à questions parlementaires donnée par M. Borg au nom de la Commission, 6 juin 2013, E‐008931/2012.

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Finalement, les deux domaines, santé et environnement- évoluent aujourd’hui vers

un type de gestion durable, qui vise, conformément aux orientations du 7ème

programme d’action pour l’environnement - à protéger notre capital naturel, pour

préserver la santé et le bien-être des personnes, tout en respectant les limites

naturelles de la Terre.

En revanche, la stratégie qui couvrait la période 2007-2012 pour la santé et la

sécurité au travail26 a récemment été reconduite pour la période 2014-202027.

Section 2 - Droit de L’environnement et droit de l’ urbanisme 28

Le droit de l’urbanisme peut être défini comme l’ensemble des études et des

conceptions ayant pour objet l’implantation et l’aménagement des villes.

Fondamentalement, tout oppose les deux approches des défenseurs de

l’environnement et de l’urbaniste. Le premier défend un état des lieux que le second

veut transformer.

Si l’environnement a été confondu, dans ses débuts avec la nature qu’il fallait

protéger, et qui était située hors des villes, l’environnement comprend désormais la

lutte contre les pollutions et nuisances, y compris celles qui sont liées au

développement urbain29.

26 Communication de la Commission du 21 février 2007, «Améliorer la qualité et la productivité au travail: stratégie communautaire 2007-2012 pour la santé et la sécurité au travail» [COM(2007) 62 final - Non publié au Journal officiel] . 27 Communication de la Commission du 6 juin 2014 relative à un cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail (2014-2020) : COM(2014) 332 final 28 Bulletin du Droit de l’Environnement Industriel – 2012 Rubrique de jurisprudence Urbanisme et environnement, Steve Hercé (Oct. 2011 – mars 2012) 29 Le numéro 12/2012 de la revue AJDA (2 avril 2012) consacre un dossier spécial à la réforme du droit de l’urbanisme en France : JEGOUZO, Yves. « De l’urbanisme de projet à l’urbanisme sommaire » (pp. 626-629) ; PRIET, François. « La réforme de la définition de la surface de plancher » (pp. 630-635) ; TREMEAU, Jérôme. « Le nouveau lotissement » (pp. 636-640) ; PLANCHET, Pascal.

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La concentration urbaine des populations dans tous les pays du monde est

probablement l’un des faits les plus marquants de notre époque. Rappelons que 4

européens sur 5 vivent en agglomération. Les atteintes à l’environnement, à la santé,

à l’équilibre social et culturel provoqués par ce phénomène sont à l’origine d’une

revendication d’écologie urbaine qui se fait jour depuis quelques années.

Celle-ci a trouvé sa traduction dans le principe de développement durable appliqué

aux villes à travers la notion de villes durables 30 issue de la conférence d’Aalborg

de 199431.

A côté de cela, la Commission européenne a lancé, le 11 janvier 2006 une

« stratégie thématique pour l'environnement urbain »32 qui vise à aider les États

membres, ainsi que les autorités régionales et locales à améliorer la performance

environnementale des villes européennes.

En droit français, on assiste aussi à l’introduction croissante, dans le droit de

l’aménagement du territoire d’objets et d’outils relevant du droit de l’environnement.

« Autorisations d’urbanisme : une réforme sans vague » (pp. 641-646) ;LEBRETON, Jean-Pierre. « La réforme des procédures d’élaboration et de gestion des documents d’urbanisme » (pp. 647-654) 30 Au plan communautaire, un Groupe d'experts sur l'environnement urbain a lancé en 1993, pour trois ans, un projet " Villes durables ». Un certain nombre de villes ont pris connaissance de l'existence des travaux du Groupe d'experts sur l'environnement urbain. Très intéressées par ce travail, elles ont proposé d'organiser une rencontre des villes durables européennes, la ville d'Aalborg au Danemark se portant volontaire pour l'accueillir. 31 La conférence d'Aalborg a débouché sur la rédaction par les collectivités locales présentes de la « Charte d'Aalborg », qui est la charte des villes européennes pour un développement durable. Depuis lors, il y a eu plusieurs conférences en Europe sur ce thème. Ce temps de l'action et des réalisations se confirme à Lisbonne, lors de la deuxième conférence des villes durables européennes qui a lieu en octobre 1996. Depuis il y a eu Hanovre en 2000 (Allemagne) et Aalborg à nouveau en 2004 (Danemark), Séville en 2007 (Espagne). La prochaine Conférence européenne des villes durables entre dans sa phase de préparation pour 2010. 32 Communication de la Commission, du 11 janvier 2006, sur une stratégie thématique pour l'environnement urbain [COM(2005) 718 final - Non publié au Journal officiel]. www.europa.eu.int/comm/environment/urban/home_en.htm

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32

On songe bien sur à la loi littoral33 ou à la loi montagne34.

On assiste par ailleurs à l’intégration, dans les documents d’urbanisme, d’actes

réglementaires issus du droit de l’environnement. On songe ici par exemple :

- aux Plans de Prévention des Risques (PPR) 35 ;

- aux Plans d’Exposition au Bruit 36 ;

- aux Schémas de Mise en Valeur de la Mer37.

Mais ce sont surtout les évolutions récentes du droit de l’urbanisme, résultant

notamment de la loi du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement

urbain, qui marquent la volonté de lier davantage les préoccupations

environnementales et la logique du développement durable.

Ainsi, les auteurs des SCOTT (Art. L. 122-1-1) et des PLU (art. L. 123-1) doivent

présenter un projet d’aménagement et de développement durable. Mais surtout,

certains documents d’urbanisme38 doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs

incidences sur l’environnement39 au titre de la directive 2001/42 du 27 juin 2001

relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur

l'environnement.

Par ailleurs, l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de

construire (ou la décision prise sur la déclaration préalable de travaux) doit respecter

les préoccupations définies par l'article L. 110-1 et L. 110-2 du code de

l'environnement. 33 loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, (art. L. 146-1 du C. urb.) 34 loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (art. L. 145-3 et svts du C.urb.) 35 (CE Section du contentieux, Avis n° 236910 3 déc.2 001, SCI des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres). 36 (CE, 7 juillet 12000, Secrétaire d’Etat au logement, Req. n° 200949), 37 (CE, 7 juillet 1997, Mme Madaule et autres, Req. n° 1700375), 38 Art. L. 121-10 à L. 121-15 C. urb. et Art. R. 121-14 à R. 121-17 C. urb. 39 Décret n° 2005-608 du 27 mai 2005 relatif à l’éval uation des incidences des documents d’urbanisme.

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33

A cet égard, l’environnement ne serait plus seulement perçu comme une contrainte

négative mais comme un élément positif de la prévision d’aménagement urbain qui

doit intégrer la problématique de l’eau, le paysage, le patrimoine, la qualité de la vie,

les déplacements, le logement, etc .

Section 3 – Droit de l’environnement et droit rura l

Le droit rural se définit comme l’ensemble des règles applicables aux exploitations

agricoles40.

La confusion entre les deux matières a été entretenue par l’inscription de

nombreuses dispositions relatives à la protection de la nature dans le Code rural, qui

pouvait donner à penser que l’environnement constituait un sous-ensemble du droit

agricole.

Or, il y a bien longtemps que les deux droits obéissent à des logiques différentes.

En fait, la rupture s’est opérée lorsque l’agriculture s’est ouverte à la logique

marchande, après la seconde guerre mondiale. L’accroissement de la production

agricole n’a été possible que par le recours massif aux moyens de production

industriels, incluant bien sûr la mécanisation mais surtout le recours au produits de

consommation intermédiaires (engrais, produits phytosanitaires, aliments pour le

bétail, semences etc…).

Le phénomène actuel qui consiste à insuffler le respect des ressources naturelles

dans le droit rural révèle que l’on tente aujourd’hui de réconcilier les deux droits.

40 c’est-à-dire aux biens et valeurs qui les composent et aux hommes qui y vivent, situés dans leur environnement professionnel (la profession agricole), économique (le secteur agro alimentaire) et géographique (l’espace rural).

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34

Pour aller plus loin : Thèse d’Isabelle DOUSSAN « Activité agricole et droit de

l’environnement, l’impossible conciliation ? » Th. Nice. 1997.

Titre II- Droit de l’environnement et droits de l’h omme

Le droit de l’environnement souffre d’un handicap sur le terrain idéologique41 : dans

l’opposition entre la protection de l’environnement et le développement économique,

la balance des intérêts est largement déséquilibrée.

Cela explique le formidable succès qu’a connu la notion de développement durable,

habile synthèse entre les tenants de la croissance et ceux de la préservation de

l’environnement.

La notion d’environnement durable, parce qu’elle porte un projet de civilisation qui

remet l’homme au cœur du système, favorise l’émergence d’une écologie humaine.

La société est mûre pour reconnaitre l’environnement comme valeur et pour accéder

aux revendications du droit à un environnement sain42.

Le Cour EDH a vu de développer ces dernière années un contentieux en relation

directe avec le risque environnemental au sens large.

Cela n’a rien d’évident car la Convention européenne de sauvegarde des droits de

l’homme et des libertés fondamentales ne reconnaît formellement aucun droit de

l’homme à l’environnement. Le projet d’élaboration d’un protocole additionnel relatif

41 Y. Jegouzo, La longue marche du droit de l’environnement, Droit et justice, n° 33, p8. 42 P. Steichen « Entreprises et droit de l’homme à un environnement sain », in Droit économique et droits de l’homme, sous la direction de L. BOY, J.B. Racine et F. Siiriainen, Larcier, 2009, pp. 405-435.

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35

au droit à un environnement sain n’a en effet pas abouti à ce jour43. Il en est de

même de la recommandation 1614 du 27 juin 2003 de l’assemblée parlementaire du

Conseil de l’Europe suggérant au Comité des ministres l’élaboration d’un protocole

additionnel de reconnaissance des droits procéduraux individuels destinés à

renforcer la protection de l’environnement, tels qu’ils sont définis dans la Convention

d’Aarhus.

Cette reconnaissance du droit de l’homme à un environnement sain est le fruit d’une

double mutation.

La première a consisté, sans pour autant reconnaître expressément des droits

nouveaux, à étendre la portée de droits déjà existants44. Une atteinte à

l’environnement ne peut donc être directement causée par la violation d’un droit à un

environnement sain. Celui-ci n’est pas garanti par la Convention.

C’est par le contenu nouveau affecté à certains droits que les individus se sont vus

reconnaître le droit à un environnement sain.

La démarche est particulièrement originale dans la mesure où la Cour EDH utilise

des droits par essence personnels – le droit à la vie, la vie privée, le domicile, la

propriété - pour sanctionner des atteintes à un bien collectif : l’environnement.

A cette première mutation est venue s’ajouter une autre évolution. A l’origine,

l’objectif de la Convention était de protéger l’intégrité physique et morale de l’individu

contre les intrusions de l’Etat.

43 Une recommandation n° 1885(2009) de l’Assemblée Pa rlementaire du Conseil de l’Europe concernant l’élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un environnement sain. 44 F. SUDRE, Le droit à un environnement sain et le droit au respect de la vie privée, Annuaire international des droits de l’homme, Vol. I/2006, pp. 201-217.

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36

Par suite, la Cour européenne a fait évoluer ce que l’on a appelé des droits

d’abstention en conférant un contenu positif à certains droits civils et politiques45.

Non seulement l’Etat doit s’abstenir de porter atteinte aux droits garantis mais il doit

aussi prendre des mesures concrètes pour rendre effectif le respect de ces droits.

Soulignons au passage que ces obligations, dites ‘positives’ doivent en principe être

assumées par les Etats mais il est certain que ces obligations ont des prolongements

sur les relations entre les personnes privées. L'effet dit « horizontal »46 permet à la

Cour de diffuser la Convention dans les relations de droit privé en retenant la

responsabilité internationale de l'Etat chaque fois que les droits garantis ne sont pas

respectés dans les relations interindividuelles47.

Chapitre 1 – Les fondements des atteintes au droit à un environnement sain

Section 1 – Les fondements autres que l’article 8

Les fondements disponibles sont nombreux. Toute une série d’articles de la

Convention peuvent fonder la condamnation d’un Etat pour un non- respect du droit

à l’environnement48.

C’est le cas de l’article 2 et du droit à la vie dont la violation a été sanctionnée par

un arrêt du 30 novembre 200449. L’affaire se passe dans l’agglomération d’Istambul.

45 F. SUDRE, Les obligations positives dans la jurisprudence européenne des droits de l’homme, Rev. Trim. Dr. H., 1995, p. 363. 46 D. SPEILMANN, Obligations positives et effet horizontal des dispositions de la Convention, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit et Justice, Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 133-174. L’effet horizontal de la convention a suscité bien des controverses, mais c’est une réalité. (J.F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 3ème éd., p. 53). 47 J.P. Marguénaud, La délimitation par la Cour de Strasbourg du domaine de « l'effet horizontal » de la CEDH, RTD Civ. 1999, p. 498. 48 Pour plus d’information sur cette question voy. F. HAUMONT, « Le droit fondamental à la protection de l’environnement dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » in L’environnement objet d’un droit fondamental, Amén., 2008, n° spécial, pp. 31-44. 49 CEDH, gr. ch., 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, confirmant l’arrêt du 18 juin 2002 ; C. LAURENT, « Le droit à la vie et l’environnement », Dr. Env., n°107, 2003, p. 71 et s. ; C. LAURENT, «Un droit à la vie en matière environnementale reconnu et conforté par une interprétation évolutive du

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37

Suite à une explosion de méthane sur le site d’une décharge provoquant un

glissement de terrain, une partie des immondices a enseveli une dizaine de taudis

provoquant la mort de 39 personnes.

La Cour retient en l’espèce la violation de l’article 2 de la Convention50. Elle estime

que le comportement des autorités en ce qui concerne d’une part les mesures

préventives sur le site de stockage de déchets et, d’autre part, l’absence de lutte

contre l’implantation de taudis, est à l’origine de ces décès.

Un arrêt plus récent, de 2008, va dans le même sens suite à une coulée de boue en

Russie51. Il en va de même à propos d’une inondation provoquée par l’ouverture des

vannes d’un barrage, en Russie en 201252.

Certains requérants ont invoqué l’article 3 de la Convention (« nul ne peut être

soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants »)

comme fondement de leur action contre des nuisances environnementales.

Ce fut le cas dans l’affaire Lopez-Ostra en 199453 : la Cour admet la difficulté de la

situation – une pollution olfactive récurrente - mais refuse d’y voir un traitement

dégradant au sens de l’article 3 ; elle ne conclut pas pour autant à la non-

applicabilité de cette disposition.

droit des biens pour les habitants des bidonvilles », Rev. Trim. D. H., 2003, pp. 279-297 ; P. de FRONTBRESSIN, « De l’effectivité du droit à l’environnement sain à l’effectivité du droit à un logement décent ? », Rev. Trim. Dr. H. 2006, pp. 87-97. 50 “Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi”. 51 CEDH, 22 mars 2008, Boudaïeva c. Russie. 52 CEDH, 28 février 2012, Kolyadenko et crts c. Russie Ajouter CEDH, 28 fev. 2012, Kolyadenko et autres c. Russie. Responsabilité de l’Etat en raison de son incapacité à protéger les victimes d’une catastrophe naturelle. RJ. E. 4/2012,p. 711 53 CEDH, 9 décembre 1994, Lopez-Ostra c. Espagne, Amén., 1995, p.166, obs. P. GILLIAUX ; la Commission avait même admis la recevabilité du moyen.

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38

Dans l’affaire Hatton de 200354 portant sur le bruit des aéroports et en particulier la

question des vols de nuit, la Cour admet que la privation de sommeil du fait du bruit

des avions peut être un élément constitutif d’un traitement inhumain et dégradant,

voire de torture. Mais les juges affirment clairement que, en l’espèce, ce n’est pas le

cas et que le grief ne pourrait être requalifié sous l’angle de l’article 3.

L’article 6, § 1 , de la Convention consacre le droit à un procès équitable . Celui-ci

peut se trouver violé lorsque l’on n’exécute pas des décisions de justice ordonnant la

remise en état de l’environnement55 ou la cessation d’une activité polluante56.

C’est aussi la disposition qui peut fonder le droit des associations de protection de

l’environnement à contester les actes et décisions de nature à porter atteinte à

l’environnement57.58.

On peut aussi, dans ce contexte, mentionner l’article 13 et le droit à un recours

effectif59.

L’article 10 protège le droit à la liberté d’expression qui comprend celui de recevoir

des informations, ce qui pourrait peut-être un jour fonder le droit de recevoir des

informations environnementales, même si, jusqu’à présent, celui-ci a vu son

54 CEDH, gr. ch., 8 juillet 2003, Hatton et crts c. Royaume-Uni, infirmant l’arrêt du 2 octobre 2001, obs. F. HAUMONT, « L’absence de statut spécial aux droits environnementaux de l’homme », D., 2003, pp. 2273-2274. 55 CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce, obs. Y. WINISDOERFFER, R.J.E., 2004, pp. 176-179. 56 CEDH, 12 juillet 2005, Okyay et crts c. Turquie. Sur le rejet de la requête d’une association de protection de l’environnement, voy. CEDH (déc.), 22 janvier 2008, APAPMA c. Andorre. 57 CEDH (déc.), 28 mars 2006, Collectif national d’information et d’opposition à l’usine Melox c. France, obs. F.HAUMONT-P.STEICHEN, Etudes Foncières, n° 123, sept.-oct. 2006, p. 42 ; cet arrêt considère que le droit de participer à une enquête publique est un droit de nature civile ; voy. égal. l’arrêt au fond CEDH, 12 juin 2007. 58 C’est sur la base de cette disposition que la Cour a reconnu le droit de nature civile de contester un permis de stocker des déchets sur un terrain voisin qui pouvait porter atteinte au droit de jouir de l’eau du puits du requérant CEDH, 25 novembre 1993, Zander c. Suède. 59 CEDH, 18 novembre 2004, Fotopoulou c. Grèce. Dans l’affaire des déchets de la région de Naples, la Cour a considéré que l’article 13 était violé (CEDH, 10 janvier 2012, Di Sarno et crts c. Italie, § 118).

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39

fondement reconnu en application de l’article 860. En revanche, l’article 10 fonde le

droit des militants environnementalistes à diffuser des informations

environnementales ou à s’exprimer dans ce domaine61.

L’article 11 protège la liberté de réunion et d’association. Ce droit a permis à des

associations de protection de l’environnement le droit de se rassembler pour

manifester62.

On ne peut oublier l’article 1 er du premier Protocole additionnel qui protège le

droit de propriété. Le droit au respect de ses biens peut être violé par des dommages

de nature environnementale63 telle que la perte de la vue64 ou de la lumière65.

Mais cette disposition a permis également de valider des restrictions à l’exercice du

droit de propriété en raison de la nécessité de protéger l’environnement66 (aff.

Z.A.N.T.E., 6 dec. 2007).

Section 2 - L’article 8 : protection de la vie priv ée et familiale et du domicile

60 CEDH, 19 février 1998, Guerra et crts c. Italie, obs. P. FRUMER, « Protection de l’environnement et droits procéduraux de l’homme : des relations tumultueuses ? », Rev. Trim. Dr. H., 1998, pp. 813-833 ; obs. P. TAVERNIER, J.D.I., 1999, pp. 218-219. Voy. C. de TERWANGNE, “La convention européenne des droits de l’homme et le droit de recevoir des informations de la part des autorités publiques”, Amén. 1998, p.265 ; S. MALJEAN-DUBOIS, « La Convention européenne des Droits de l’Homme et le droit à l’information en matière d’environnement », Rev. Gén. Dr. Intern. Pub., 1998, pp. 995-1010 ; J.P. MARGUENAUD, « Le droit à l’information supplanté par le droit au respect de la vie privée et familiale des voisins d’usines chimiques », R.E.D.E. 1998, pp. 319-324. Voyez également CEDH, 9 juin 1998, McGinley et Egan c. Royaume-Uni, obs. J.P. MARGUENAUD, R.E.D.E. 1999, p.42 ; CEDH (gr. ch.), 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, précité ; CEDH, 10 novembre 2004, Taskin et crts c. Turquie ; CEDH (gr. ch.), 19 octobre 2005, Roche c. Royaume-Uni. 61 CEDH, 27 mai 2004, Vides Aizsardzïbas Klubs c. Lettonie ; CEDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni ; CEDH, 7 novembre 2006, Mamère c. France. 62 CEDH, 12 avril 2007, Zeleni Balkani c. Bulgarie. 63 CEDH (gr. ch.), 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, précité. Dans le même sens, CEDH (déc.), 28 nov. 2006, Murillo Saldias et crts c. Espagne (inondation 87 morts dans un camping). 64 CEDH, 18 novembre 2004, Fotopoulou c. Grèce. 65 CEDH, 20 juillet 2000, Antonetto c. Italie. 66 CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède ; CEDH, 29 novembre 1991, Pine Valley Developments Ltd et crts c. Irlande ; CEDH, déc., 23 septembre 2004, Kapsalis et Nima-Kapsali c. Grèce.

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40

En fait, c’est surtout à travers l’article 8 de la Convention selon « toute personne a

droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa

correspondance » que va s’opérer la protection.

L’utilisation du fondement de la vie privée pour protéger l’environnement prend deux

formes.

Dans certaines affaires, c’est l’environnement, bien commun, qui envahit le lieu

privatif. Ce sont les nuisances extérieures qui, en pénétrant à l’intérieur du domicile,

deviennent une menace pour la sphère d’intimité de l’individu.

Dans d’autres affaires, plus rares, l’individu, atteint dans sa chair, transporte son

mal-être dans sa vie privée et familiale, sans pour autant que le domicile ne soit

atteint.

§ 1 – L’atteinte au domicile

La Cour EDH rappelle régulièrement que « le domicile est – normalement le lieu,

l’espace physiquement déterminé où se développe la vie privée et familiale.

L’individu a droit au respect de son domicile, conçu non seulement comme le droit à

un simple espace physique mais aussi comme celui à la jouissance, en toute

tranquillité, dudit espace »67.

Ces atteintes résultent aujourd’hui de plusieurs facteurs : le bruit et les substances

polluantes sont particulièrement visées.

Bruit

Le bruit devient une source d’incommodité qui peut priver de la jouissance de son

domicile. Les premières affaires de la CEDH ont été des affaires de bruit.

67 CEDH, 16 nov. 2004, Moreno Gomez c/ Espagne, § 53.

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41

La première affaire de nuisance environnementale, datant de 1990, a eu pour cadre

l’aéroport d’Heathrow, près de Londres, et concernait deux riverains, dont le domicile

était particulièrement exposé aux nuisances sonores (» CEDH, 21 fév. 1990, Powel

et Rayner c/Royaume Uni )68. La Cour va affirmer, pour la première fois, que les

atteintes portées au foyer de l’individu constituent une atteinte à la qualité de sa vie

privée69.

La nature des agressions subies au domicile va être précisée, pour des nuisances

sonores, dans une affaire Moreno Gomez c/ Espagne, du 16 novembre 2004. En

l’espèce, il s’agissait de la contestation, par la requérante, de l’ouverture d’une

nouvelle boîte de nuit dans son immeuble, situé dans une zone résidentielle de

Valence, par ailleurs déclarée zone acoustique saturée.

La Cour va conclure à la violation de l’article 8 en soulignant que « des atteintes au

droit au respect du domicile ne visent pas seulement les atteintes matérielles ou

corporelles, telles que l’entrée dans le domicile d’une personne non autorisée, mais

aussi les atteintes immatérielles ou incorporelles, telles que les bruits, les émissions,

les odeurs et autres ingérences»70.

L’Espagne sera par suite condamnée le 18 octobre 2011 (Martinez Martinez, n°

21532) dans une affaire similaire du fait de nuisances sonores excessives provenant

de la terrasse d’un bar musical dans la municipalité de Cartagena.

68 « L’article 8 entre en ligne de compte pour M. Powell comme pour M. Rayner », dans la mesure où « le bruit des avions de l’aéroport de Heathrow a diminué la qualité de la vie privée et les agréments du foyer des deux requérants » CEDH, 21 fév. 1990, Powel et Rayner c/Royaume Uni, obs. J. FLAUSS, « Le droit à un recours effectif contre les nuisances d’un aéroport », Rev. trim. D.H., 1991, pp. 241 et s. 69 § 40. Une autre affaire (Hatton) l’amènera, en 2003 à trancher en sens contraire la question des vols de nuit à proximité de l’aéroport d’Heathrow, également sur le fondement de l’article 8. 70 CEDH, 16 nov. 2004, Moreno Gomez c/ Espagne, obs. J.A. TIETZMANN et E. SILVA, « L’étendue du verdissement de la jurisprudence de la CEDH par l’arrêt Moreno Gomez », R.E.D.E., 2006, pp. 319-321.

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42

Dans une affaire Mileva et autres c. Bulgarie du 25 novembre 2010, (requêtes nos

43449/02 et 21475/04), les requérants se plaignaient également du bruit excessif

causé par un bureau, un club de jeux électroniques et un club informatique installés

dans des appartements adjacents aux leurs. La Cour a estimé que les autorités

étaient demeurées passives face aux plaintes des requérants. Certes, deux

décisions ordonnant la cessation des activités des clubs avaient été délivrées, mais

n’avaient jamais été exécutées. En conséquence, les requérants avaient été

exposés pendant plus de quatre ans à des niveaux de bruit et de nuisance ayant

porté atteinte à leur vie privée et familiale, en violation de l’article 8.

C’est ce même fondement de la violation de la vie privée qu’invoquera Mme Ruano

Morcuende à propos des vibrations provoquées par un transformateur électrique

contre le mur de son domicile (Espagne 6 décembre 200571). Sans succès. Si la

Cour admet que les conditions de vie de la requérante sont certes perturbées, ( …)

sur la base des considérations développées (…), elle n’estime pas disproportionnée

l’ingérence dans sa vie privée et familiale qu’a provoqué l’installation du

transformateur, dans la mesure où le Gouvernement a suffisamment justifié celle-ci

par les avantages que la ville tire de l’ampliation du réseau d’énergie électrique..

L’invocation des atteintes à la vie privée peut même concerner la circulation. Dans

une autre affaire Deés c/ Hongrie, du 9 novembre 2010, M. Deés se plaignait de ce

que la mise en place d’un péage non loin de son domicile avait amené les camions à

passer devant chez lui précisément pour éviter ce péage.

Les autorités avaient fini par prendre des mesures pour réglementer la circulation

dans sa rue mais la Hongrie est quand même condamnée. La Cour reconnaît la

complexité de la tâche dont ont dû s’acquitter les autorités s’agissant de gérer les

infrastructures de transport, et de ménager l’équilibre entre les usagers de la route et

les intérêts des riverains. Toutefois, malgré les efforts consentis, les mesures prises

sont insuffisantes ce qui amène la Cour à condamner la Hongrie dans la mesure où 71 CEDH (déc.), 6 septembre 2005, Ruano Morcuende c/ Espagne.

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le requérant n’a pas pu jouir paisiblement de son domicile (CEDH, 9 novembre 2010,

Deés c/Hongrie).

C’est le même cas de figure qui a abouti à la condamnation de la Hongrie en raison

du bruit excessif causé par une voie ferrée (CEDH, 18 juin 2013, Bor c. Hongrie)72.

Si les autorités ont bien pris des mesures visant à atténuer les nuisances, ces

mesures se sont révélées insuffisantes et tardives.

Subtances polluantes et odeurs

Les émanations de toute sorte provenant des activités économiques (stations

d’épuration, usines) ont provoqué également un abondant contentieux.

Odeurs

Le lien entre les atteintes au domicile et les atteintes à la qualité de vie a été affiné,

dans une affaire Lopez Ostra c/Espagne, du 9 décembre 199473 dans laquelle était

en cause le dysfonctionnement d’une station d’épuration municipale non loin du

domicile de la famille Lopez-Ostra. La Cour va énoncer qu’ « il va (…) de soi que des

atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la

priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et

familiale »74.

Dans une affaire Fadeyeva c/ Russie jugée le 9 juin 200575, la Cour constate que

l’appartement de Madame Fadeyeva se trouvait à l’intérieur d’une zone de sécurité

sanitaire située tout autour d’une importante usine sidérurgique dans laquelle –en

théorie- aucune construction n’aurait dû être autorisée.

72 CEDH, 18 juin 2013, Bor c. Hongrie, obs. F. Haumont, P. Steichen, EF 165, p. 72. 73 CEDH, 9 déc. 1994, Lopez-Ostra c/ Espagne, § 51. obs. J.P. MARGUENAUD, « Les troubles de voisinage combattus par le droit au respect du domicile et de la vie privée », Rev. trim. dr. civ. 1996, pp. 507. 74 § 75 CEDH, 9 juin 2005, Fadeyeva c/Russie, § 88.

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Eu égard aux fortes pollutions, la Cour conclut que la qualité de vie « à son

domicile » de Mme Fadeyeva76 a été affectée.

Il en est de même dans une affaire Giacomelli c/ Italie du 2 novembre 200677 où la

requérante a subi une atteinte grave à son droit au respect de son domicile en raison

de l'activité dangereuse d’une usine de retraitement de déchets toxiques située tout

près de domicile.

C’est également sur le fondement de l’article 8 que la Cour sanctionner l’Ukraine en

raison des nuisances subies par les riverains d’une usine de Charbon qui se

plaignaient de problèmes de santé et de dommages causés à leurs maisons

(Dubetska and others c/Ukraine, du 10 février 2011).

C’est encore sur ce fondement que, dans un arrêt du 10 janvier 2012 (Di Sarno et

autres c/Italie), la Cour a jugé que la « crise des déchets » en Campanie a nui au

respect de la vie privée et au domicile des requérant, ce qui entraîne la violation de

l’’article 8.

Quelques fois la notion de domicile peut surprendre. Tel est le cas dans l’affaire

Brandûse c/ Roumanie du 7 avril 2009.

En l’espèce, un homme détenu successivement dans les prisons d’Arad et de

Timiºoara (Roumanie) alléguait que les conditions de sa détention étaient

contraires aux articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) et

8 (droit au respect de la vie privée).

La Cour va d’abord énoncer que l’article 3 de la Convention impose à l’Etat de

s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles

76 « Even assuming that the pollution did not cause any quantifiable harm to her health, it inevitably made the applicant more vulnerable to various illnesses. Moreover, there can be no doubt that it adversely affected her quality of life at home”, § 88. 77 CEDH, 2 nov. 2006, Giacomelli c/ Italie.

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avec le respect de la dignité humaine » . La Cour constate assez rapidement que

« le manque d’espace individuel » (1.50 à 2.50 m2 par personne) constitue une

violation dudit article. Plus remarquable est l’allégation de violation de l’article 8 du

fait de la proximité de la prison d’Arad avec une ancienne décharge d’ordure, ce

qui provoque de fortes nuisances olfactives et, plus généralement, sanitaires.

Les fortes nuisances olfactives emportent donc l’applicabilité de l’article 8 et ce,

nonobstant le fait « que l’état de santé du requérant ne s’est pas dégradé ».

Consécutivement à ce constat, la Cour souligne que « les autorités sont

responsables des émanations et des nuisances olfactives» en question,

notamment en ne prenant pas de « mesures pour la fermeture effective du site »

alors que des études démontraient son incompatibilité avec les exigences

environnementales. Partant ce constat, auquel s’ajoutent les difficultés d’accès

pour les détenus aux études précitées conduit à la condamnation de la Roumanie

pour violation de l’article 8.

§ 2. L’atteinte à la vie privée

Parfois, le lien avec le domicile disparaît pour la isser la place à la vie privée .

On en veut pour exemple l’affaire Mac Ginley et Egan du 9 juin 199878. L’affaire

concernait deux militaires britanniques qui étaient en mission à proximité de l’île

Christmas entre 1957 et 1958 au moment où le Royaume Uni y effectuait des essais

nucléaires et qui, quelques années plus tard, avaient été victimes de graves troubles

de santé.

Prétendant n’avoir pas pu obtenir du gouvernement des informations susceptibles de

les aider à faire apparaître un lien entre leurs maladies actuelles et leurs anciennes

expositions à des rayonnements nucléaires, les requérants se plaignaient

notamment de la violation de l’article 8.

78 Mac Ginley et Egan c/ Royaume Uni, 9 juin 1998.

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Pour admettre l’application de cette disposition, la Cour estime que “la question de

l’accès à des informations qui auraient pu, soit apaiser les craintes des intéressés,

soit leur permettre d’évaluer le danger auquel ils avaient été exposés, présente un

lien suffisamment étroit avec leur vie privée et familiale ».

En revanche, lorsque l’atteinte à l’environnement n’affecte pas ou affecte peu la vie

privée et familiale, la Cour refuse de faire jouer l’article 8.

Dans un arrêt Kyrtatos c/Grèce, du 22 mai 200379, les requérants se plaignaient de

la destruction d’un marais à proximité de leur maison par des aménagements

urbains qui avaient détruit la beauté des lieux.

La Cour précise que « l’élément crucial qui permet de déterminer si (…) des atteintes

à l’environnement ont emporté violation (…) de l’article 8 est l’existence d’un effet

néfaste sur la sphère privée ou familiale d’une personne, et non simplement la

dégradation générale de l’environnement.

Ni l’article 8 ni aucune autre disposition de la Convention ne garantit spécifiquement

une protection générale de l’environnement en tant que tel ; d’autres instruments

internationaux et législations internes sont plus adaptés lorsqu’il s’agit de traiter cet

aspect particulier ».

Chapitre 2 – Les garanties et les limites du droit à un environnement sain

Si l’on essaie de prendre les arrêts dans leur globalité, il est possible de dégager

deux grandes tendances. La première c’est que l’on assiste à un accroissement des

droits garantis. La seconde c’est qu’il faut aussi prendre en compte certaines

limitations qui sont imposées par la convention elle-même.

79 CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c/ Grèce, Obs. Y. WINIDOERFFER, R.J.E., 2004, pp. 176-179. et CEDH 3 juillet 2012, Martinez Martinez et Pino Manzano).

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Section 1- Les mesures propres à garantir les droi ts

Celles-ci peuvent être rangées en deux catégories, des garanties de fond et des

garanties de forme.

§ 1 – Le renforcement des garanties de fond

L’accroissement des garanties de fond passe par deux axes principaux : l’évolution

du lien de causalité, l’élargissement de la qualité de victime. Il faut y ajouter un 3ème

relatif à l’indifférence au caractère public ou privé de l’atteinte qui permet de saisir les

situations les plus larges.

A. Sur l’évolution du lien de causalité

La Cour requiert un certain degré d’atteinte pour estimer que le droit à un

environnement sain a été violé . Elle exige « une véritable ingérence dans la sphère

privée » et il faut en outre que « l'ingérence en question atteigne un minimum de

gravité »80.

Il est remarquable de constater que, si la Cour a fondé ses premiers arrêts sur des

atteintes matériellement constatées, elle semble évoluer aujourd’hui vers la prise en

compte du risque d’atteinte au droit à un environnement sain en jouant sur le lien de

causalité.

Dans l’affaire Fadeïeva C. Russie de 200581, qui concernait la construction

d’immeubles d’habitation autour d’une usine sidérurgique très polluante, la preuve du

lien de causalité entre la maladie de Mme Fadeïeva n’était pas rapportée de manière

incontestable. Peu importe. La Cour considère qu’ « à supposer même que la

80 CEDH, 9 juin 2005, Fadeïeva c/ Russie, § 70. 81 CEDH, 9 juin 2005, Fadeïeva c/ Russie.

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pollution n'ait pas causé un dommage quantifiable à la santé de la requérante, elle l'a

inévitablement rendue plus vulnérable à diverses maladies». Cela lui suffit pour

constater qu’il y a eu violation de l’article 8.

L’affaire Tatar c/Roumanie, du 27 janvier 200982 peut illustrer l’appréciation

extensive des atteintes opérée par la Cour. Le 30 janvier 2000, à la suite de la

rupture des digues des bassins de décantation de l’exploitation d’une mine d’or et

d’argent en Roumanie, 100 000 m³ d’eau chargée de cyanure de sodium et de

métaux lourds se sont déversés dans les rivières, pour atteindre la Mer Noire par le

delta du Danube.

M. Tatar et son fils résidaient, à l’époque des faits, dans la ville de Baia Mare, au

sein d’un quartier d’habitations situé à proximité de l’usine d’extraction et des bassins

de décantation. M. Tatar père alléguaient devant la Cour européenne des droits de

l’homme que le procédé technique utilisé par la société S.C. Aurul Baia Mare SA

représentait un danger pour sa vie et celle de son fis atteint d’asthme chronique. Il se

plaignait en outre de la passivité des autorités face à la situation et aux nombreuses

plaintes qu’il avait déposées. Rejetant le fondement de la violation du droit à la vie,

c’est à la lumière de l’article 8 - le droit au respect de la vie privée et du domicile -

que la Cour examinera sa requête.

Dans cette affaire, la Cour « la Cour constate donc que les requérants n’ont pas

réussi à prouver l’existence d’un lien de causalité suffisamment établi entre

l’exposition à certaines doses de cyanure de sodium et l’aggravation de l’asthme.

Elle estime toutefois que malgré l’absence d’une probabilité causale en l’espèce,

l’existence d’un risque sérieux et substantiel pour la santé et pour le bien-être des

requérants faisait peser sur l’État l’obligation positive d’adopter des mesures

82 Le 30 janvier 2000, à la suite de la rupture des digues des bassins de décantation de l’exploitation d’une mine d’or et d’argent en Roumanie, ce sont plus de 100 000 m³ d’eau chargée de cyanure de sodium et de métaux lourds qui se sont déversés dans les rivières, pour atteindre la mer noire par le delta du Danube.

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raisonnables et adéquates capables à protéger les droits des intéressés au respect

de leur vie privée et leur domicile et, plus généralement, à la jouissance d’un

environnement sain et protégé ».83

C’est encore l’angoisse des intéressés qui est prise en compte dans une affaire

Rochec/ Royaume Uni, du 19 octobre 200584. Dans cette affaire, le Royaume Uni a

été condamné sur le fondement de l’article 8 pour avoir fait subir à M. Roche, dans

les années 60, alors qu’il était jeune miliaire, des expérimentations consistant à lui

faire inhaler du gaz moutarde et des gaz neurotoxiques85.

La Cour a d’abord considéré qu'il pesait sur les autorités une obligation positive de

fournir des informations pertinentes et appropriées au requérant afin de lui permettre

d’évaluer le risque auquel il a été exposé lors de sa participation aux tests.

Mais en l’espèce, le lien de causalité n’était pas clairement entre les

expérimentations au gaz moutarde et la détérioration de l’état de santé de M. Roche.

La Cour estime que l’on peut raisonnablement admettre que le fait pour M. Roche

d'avoir dû rester dans l'incertitude quant au point de savoir s'il avait ou non été

exposé à un danger lors de sa participation aux tests lui a causé une anxiété et une

tension importantes. Cela a entrainé la condamnation du royaume Uni sur le

fondement de l’article 8.

B. L’élargissement de la qualité de victime des at teintes à l’environnement

83 § 107. 84 CEDH, 19 octobre 2005, Roche c/ Royaume Uni. 85 La Cour considère qu'il pesait sur les autorités une obligation positive d'offrir au requérant une « procédure effective et accessible » qui lui eût permis d'avoir accès à « l'ensemble des informations pertinentes et appropriées » et d'évaluer ainsi tout risque auquel il avait pu être exposé lors de sa participation aux tests.

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Le progrès a consisté, dans le cadre de l’article 8, à reconnaître le statut de victime,

non seulement aux riverains proches mais également à des personnes très

éloignées géographiquement de la zone d’émanation des pollutions.

- Certes, de nombreuses atteintes concernent des voisins proches :

- Dans l’aff. Lopez Ostra c. Espagne du 9 dec. 1994, la station d’épuration de la

ne se trouve, elle, qu’à 12 mètres du domicile de Mme Lopez-Ostra 86 ;

- Ainsi, la discothèque qui perturbe Mme Moreno Gomez (16 novembre 2004)87

est située dans l’immeuble même de la requérante,

- Mme Giacomelli88 ne réside qu’à 30 mètres de l’usine de traitement des

déchets spéciaux ;

- tandis que Mme Fadeïeva89, pour sa part, réside à 450 mètres environ de la

zone occupée par l'aciérie en Russie ;

Mais dans d’autres affaires, l’origine des pollutions est géographiquement plus

distante.

On en veut pour exemple l’affaire Lemke c. Turquie du 5 juin 2007 90 qui concernait

l’exploitation dans de mauvaises conditions d’une mine d’or. En l’espèce, les

requérants contestaient l'octroi d'autorisations d'exploiter la mine située quand même

à 50 kilomètres du lieu de leur résidence.

Plus étonnant encore, l’affaire Okyay du 12 juillet 2005 91 à propos de l’exploitation

d’une centrale thermique. Dans ce dernier cas, le gouvernement turc contestait que

l'exploitation des centrales ait personnellement exposé les requérants à un risque

grave, spécifique et imminent. En effet, les requérants, tous avocats, vivaient et

travaillent à Izmir, ville située à 250 kilomètres environ des centrales thermiques.

86 CEDH, 9 déc. 1994, Lopez Ostra c/ Espagne. 87 CEDH, 16 nov. 2004, Moreno Gomez c/ Espagne. 88 CEDH, 2 nov. 2006, Giacomelli c/ Italie. 89 CEDH, 9 juin 2005, Fadeïeva c/ Russie. 90 CEDH, 5 juin 2007, Lemke c/ Turquie 91 CEDH 12 juillet 2005, Okyay c/ Turquie

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Pour accueillir la requête des requérants, la Cour énonce qu’« il ressort des constats

de la juridiction administrative que les gaz dangereux émis par les centrales peuvent

se répandre sur une zone mesurant 2 350 kilomètres de diamètre. Cette distance

comprend la région dans laquelle vivent les requérants ; leur droit à la protection de

leur intégrité physique est donc mis en jeu, bien que le risque qu'ils encourent ne soit

pas aussi grave, spécifique et imminent que celui auquel sont exposées les

personnes résidant dans le voisinage immédiat des centrales ».

La Cour accueille donc leur requête. Toutefois, dans les deux affaires Lemke et

Okyay92, la Cour a pris soin de relever que des droits avaient été d’abord ouverts

aux requérants par les juridictions internes qui leur ont donné gain de cause.93 La

reconnaissance de la qualité de victime reste liée aux droits reconnus en interne, en

particulier lorsque les juridictions ont sanctionné la violation de ces droits.

C L’indifférence au caractère public ou privé de l’ atteinte

Le caractère public ou privé de l’activité importe peu. Dans l’affaire Tatar c.

Roumanie, la Cour énonce que les Etats ont le devoir de contrôler correctement les

activités polluantes « que la pollution soit directement causée par l'Etat ou que la

responsabilité de ce dernier découle de l'absence de réglementation adéquate de

l'activité du secteur privé » 94.

Il s’agit d’une jurisprudence constante que l’on retrouve dans l’affaire Hatton du 2003

concernant les vols de nuit à Londres95. Peu importe, a encore précisé la Cour « que

les nuisances sonores dénoncées ne sont pas causées par l'Etat ou ses émanations,

mais qu'elles résultent de l'activité de compagnies aériennes privées ».

92 CEDH 12 juillet 2005, Okyay c/ Turquie, § 66. 93 Ainsi, les griefs portaient sur « la défense d'un droit spécifique qui leur a été reconnu par le droit interne et sur lequel les juridictions nationales se sont prononcées » CEDH, 5 juin 2007, Lemke c/ Turquie, § 36 ; CEDH 12 juillet 2005, Okyay c/ Turquie, § 64. 94 CEDH, 2 nov. 2006, Giacomelli c/ Italie. 95 CEDH, 8 juil. 2003, Hatton c/Royaume Uni.

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Dans l’affaire Di Sarno jugée en 201296, concernant les déchets italiens, ce sont les

autorités publiques qui n’ont pas pris les mesures adéquates pour assurer le

fonctionnement régulier du service de collecte, de traitement et d’élimination des

déchets. Pour la Cour, iI pesait sur l’Etat italien une obligation positive d’adopter des

mesures raisonnables et adéquates capables de protéger les droits des intéressés

au respect de leur vie privée et de leur domicile.

§ 2 – Le renforcement des garanties procédurales

La consistance du droit à l’environnement est substantielle, mais elle est également

procédurale.

L’examen du volet procédural implique, d’une part la réalisation d’enquêtes et

d’études appropriées et, d’autre part, le droit d’accès à des informations.

Dans l’affaire Tatar, la Cour avait bien insisté sur la nécessité pour elle de vérifier,

d’une part, si le processus décisionnel d’autorisation s’était appuyé sur des études et

des enquêtes appropriées permettant d’évaluer les risques et si les conclusions de

ces études avaient été rendues accessibles au public 97. Cette exigence sera reprise

par la suite dans une série d’arrêts98.

A. La réalisation d’enquêtes et d’études appropriée s

Dans l’affaire Tatar de 2009, la Cour a conclu que les autorités roumaines avaient

failli à leurs obligations d’évaluer au préalable les risques de l’activité pour protéger

les droits des intéressés au respect de leur vie privée et de leur domicile et leur droit

à la jouissance d’un environnement sain et protégé.

96 CEDH, 10 janvier 2012, Di Sarno et crts c. Italie 97 § 101. 98 CEDH, 10 nov. 2004, Taskin et crts c/ Turquie ; CEDH, 2 nov. 2006, Giacomelli c/ Italie, CEDH, 5 juin 2007, Lemke c/ Turquie.

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Dans l’affaire Giacomelli de 200699 relative au retraitement des déchets toxiques, la

Cour constate que ni la décision d'autoriser l’exploitation de l'usine ni celle de traiter

les déchets n'ont été précédées d'une étude ou d'une enquête appropriées, menées

conformément aux dispositions légales applicables en la matière, ce qui la conduit à

constater la violation de l’article 8.

Dans l’affaire Lemke de 2007 en Turquie, à propos de l’autorisation d’exploiter une

mine d’or, l’Etat turc a finalement été condamné pour ne pas avoir respecté les

procédures d’évaluation des risques environnementaux indépendamment des

répercussions éventuelles constatées sur la santé des requérants : « le Conseil des

ministres a autorisé la poursuite des activités de la mine d'or, ce sans procéder au

préalable à la réalisation des enquêtes et études appropriées de manière à prévenir

et évaluer à l'avance les effets de l'activité en cause »100.

En tout état de cause cette évaluation devient indispensable pour chercher le juste

équilibre entre les intérêts publics et privés. Cela apparait clairement dans l’arrêt

Hatton du 8 juillet 2003 :« lorsqu'il s'agit pour un Etat de traiter (…) des questions

complexes de politique environnementale et économique, le processus décisionnel

doit nécessairement comporter la réalisation d'enquêtes et d'études appropriées, de

manière à permettre l'établissement d'un juste équilibre entre les divers intérêts

concurrents en jeu »101.

B . L’information et la participation du public

99 CEDH, 2 nov. 2006, Giacomelli c/ Italie. 100 CEDH, 5 juin 2007, Lemke c/ Turquie, § 44. 101 Hatton et autres précité, § 128.

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Les garanties procédurales comprennent également le droit, pour le public, d’avoir

accès aux conclusions de ces études102. Le droit d’accès aux informations

constitue un volet particulier de l’article 8 qui est renforcé lorsque c’est l’Etat lui-

même qui est à l’origine de l’activité dangereuse.

Ce volet de l’article 8 est apparu pour la première fois dans l’affaire Guerra c/ Italie,

du 19 février 1998103. En l’espèce, les requérantes résidaient toutes dans la

commune de Manfredonia sise à un kilomètre environ d’une l'usine chimique et se

plaignaient de ne recevoir aucune information concernant la dangerosité de

l’exploitation. La Cour va confirmer, sur la base de l’article 8, que les requérantes

auraient dû être informées des risques induits par la proximité de leur domicile avec

des établissements dangereux104.

Dans l’affaire Mac Ginley et Egan de 1998105, à propos des essais nucléaires, la

Cour énonce que « dès lors qu’un gouvernement s’engage dans des activités

dangereuses (…) susceptibles d’avoir des conséquences néfastes cachées sur la

santé des personnes qui y participent, le respect de la vie privée et familiale garanti

par l’article 8 exige la mise en place d’une procédure effective et accessible

permettant à semblables personnes de demander la communication de l’ensemble

des informations pertinentes et appropriées ».

La Cour va dire la même chose dans l’affaire Roche c/ Royaume Uni, du 19 octobre

2005106, affaire à l’occasion de laquelle le Royaume Uni a été condamné sur le

fondement de l’article 8 pour avoir fait subir à M. Roche, alors qu’il était jeune

miliaire, dans les années 60, des expérimentations consistant à lui faire inhaler du 102 L’importance de l’accès du public aux conclusions de ces études ne fait pas de doute, énonce la Cour dans l’affaire Mc Ginley (CEDH, 9 juin 1998, McGinley et Egan c. Royaume-Uni, § 97). 103 CEDH, 19 fév. 1998, Guerra et autres c/Italie, 104 En l’espèce, la Cour avait constaté que « les requérantes sont restées (…) dans l’attente d'informations essentielles qui leur auraient permis d'évaluer les risques pouvant résulter pour elles et leurs proches du fait de continuer à résider sur le territoire de Manfredonia, une commune aussi exposée au danger en cas d'accident dans l'enceinte de l'usine ». 105 CEDH, 9 juin 1998, McGinley et Egan c. Royaume-Uni. 106 CEDH, 19 octobre 2005, Roche c/ Royaume Uni.

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gaz moutarde et des gaz neurotoxiques107. La Cour prend soin de relever que

l’intéressé avait cherché à obtenir les documents en dehors de tout litige et de toute

demande de pension à l’inverse de l’affaire McGinley et Egan où la quête de

documents était indissociable des demandes de pension qu'ils avaient déposées au

niveau interne.

Dans l’affaire Tatar c/ Roumanie, la Cour a également souligné «l'importance de

l'accès du public aux conclusions des études environnementales préliminaires ainsi

qu'à des informations permettant d'évaluer le danger auquel il est exposé» 108.

La Cour rappelle à cette occasion l’importance de l’accès à l’information, tant au

regard de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998, ratifiée par la Roumanie le 22 mai

2000 qu’au regard de la Résolution no 1430/2005 de l'Assemblée parlementaire du

Conseil de l'Europe sur les risques industriels qui renforce, entre autres, le devoir

pour les États membres d'améliorer la diffusion d'informations dans ce domaine.

C Le droit de recours

Le volet procédural inclut le droit d’obtenir la sanction des comportements

inappropriés109. A propos de l’explosion de la décharge dans l’agglomération

d’Istambul110, la Cour EDH énonce que « lorsqu’il y a eu mort d’homme, l’Etat doit en

outre réagir adéquatement pour que les violations du droit en jeu soient réprimées et

sanctionnées ». 107 La Cour considère qu'il pesait sur les autorités une obligation positive d'offrir au requérant une « procédure effective et accessible » qui lui eût permis d'avoir accès à « l'ensemble des informations pertinentes et appropriées » et d'évaluer ainsi tout risque auquel il avait pu être exposé lors de sa participation aux tests. 108 § 113. 109 Pour assurer la garantie des droits procéduraux, les individus concernés doivent aussi pouvoir former un recours contre toute décision, tout acte ou toute omission devant les tribunaux, s’ils considèrent que leurs intérêts ou leurs observations n’ont pas été suffisamment pris en compte dans le processus décisionnel Hatton et autres, précité, § 127. 110 CEDH (gr. ch.), 30 nov. 2004, Öneryidiz c/ Turquie.

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Examinant la réaction judiciaire de l’Etat turc – qui a condamné les maires à une

peine d’amende avec sursis de l’ordre de 10 euros -, elle conclut à la violation de

l’article 2, également sous son volet procédural.

D.Vers un suivi des décisions administratives

L’administration participe enfin de la bonne exécution de la justice. Dans l’affaire

Taskin c. Turquie de 2004111, la Cour tient à rappeler que « si l’administration refuse

ou omet de s’exécuter ou tarde à le faire, les garanties dont a bénéficié le justiciable

pendant la phase judiciaire de la procédure perdent toute raison d’être »112.

Dans l’affaire de Baia Mare en Roumaine, jugée le 27 janvier 2009, pour ce qui

concerne les suites de l’accident, la Cour observe que l’activité n’a pas été arrêtée

par les autorités, qui ont continué à utiliser la même technologie. Et la Cour de

rappeler l’importance du principe de précaution113 .114.

Dans cet arrêt, la Cour étend donc le devoir d’information aux mesures de prévention

devant être prises par les autorités pour gérer, à l’avenir, la survenance d’un

évènement similaire.

Section 2 - Les limites de la reconnaissance du dr oit à un environnement sain

111 CEDH, 10 nov. 2004, Taskin et crts. 112 Idem, § 124. 113 qui « a vocation à s'appliquer en vue d'assurer un niveau de protection élevée de la santé, de la sécurité des consommateurs et de l'environnement, dans l'ensemble des activités de la Communauté ». 114 Or, relève la Cour, les obligations positives inhérentes au respect de la vie privée et familiale s’étendaient a fortiori à la période ultérieure à l’accident de janvier 2000. Étant donné les conséquences sanitaires et environnementales de l'accident écologique, telles que constatées par des études et rapports internationaux, la Cour estime que « la population de la ville de Baia Mare, y inclus les requérants, a dû vivre dans un état d'angoisse et d'incertitude accentuées par la passivité des autorités nationales, qui avaient le devoir de fournir des informations suffisantes et détaillées quant aux conséquences passées, présentes et futures de l'accident écologique sur leur santé et l'environnement et aux mesures de prévention et recommandations pour la prise en charge de populations qui seraient soumises à des événements comparables à l'avenir »§ 122.

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La reconnaissance progressive, par la Cour EDH, du droit à un environnement sain,

a été encadrée par deux séries de limites. La première est relative au caractère

illégal –ou non de l’atteinte. La seconde réside dans l’équilibre à rechercher entre les

intérêts individuels et ceux de la société toute entière.

Section 1 – L’exigence d’une dégradation illégale d e l’environnement ?

On est frappé, à la lecture des arrêts de la Cour qui concluent à la violation de

l’article 8 suite à une nuisance environnementale par le fait que, dans la quasi-totalité

des cas, la situation soumise à l’appréciation de la Cour est, d’une manière ou d’une

autre, illégale, indépendamment de la violation de l’article 8 115.

Ainsi, dans l’affaire Lopez Ostra116, la station d’épuration était exploitée sans permis.

Dans l’affaire Moreno-Gomez117, la boite de nuit avait été autorisée dans une zone

urbaine résidentielle par ailleurs déclarée zone acoustique saturée par la mairie. Il en

est de même dans l’affaire Martinez Martinez118 ou le permis avait été accordé par la

municipalité en dépit de l’existence de deux rapports défavorables concernant

l’ouverture de la terrasse en raison des niveaux excessifs de bruit.

Dans les affaires Taskin119, Lemke120 et Öçkan121 concernant l’exploitation de mines

d’or en Turquie, c’est un véritable bras de fer qui s’était engagé entre le pouvoir

exécutif et judiciaire dans la mesure où le Conseil d’Etat turc avait annulé les

115 F. HAUMONT, Le droit fondamental à la protection de l’environnement dans la CDH, in L’environnement, objet d’un droit fondamental, numéro spécial, Aménagement-Environnement, Kluwer, Bruxelles, 2008, pp. 9-56. 116 CEDH, 9 déc. 1994, Lopez Ostra c/ Espagne. 117 CEDH, 16 nov. 2004, Moreno Gomez c/ Espagne, 118 CEDH, 18 oct. 2011, Martinez Martinez c/ Espagne. 119 CEDH, 10 nov. 2004, Taskin et crts, § 124. 120 CEDH, 5 juin 2007, Lemke c/ Turquie. 121 CEDH, 28 mars 2006, Öçkan et crts c/ Turquie.

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autorisations d’exploiter. Mais le gouvernement redélivrait systématiquement les

autorisations.

Dans l’affaire Öçkan par exemple, la Cour constate que la reprise des activités de la

mine d'or, fondée sur les autorisations ministérielles suscitées directement par le

premier ministre, n'avait aucune base légale et revenait à contourner une décision de

justice. «Une telle situation », s’insurge la Cour, « porte atteinte à l'Etat de droit,

fondé sur la prééminence du droit et la sécurité des rapports juridiques ».

A l’inverse, dans l’affaire Hatton c/ Royaume Uni122, les autorités étaient dans la

légalité. La Cour reconnait elle-même que « dans les affaires antérieures où des

problèmes environnementaux l'ont amenée à conclure à des violations de la

Convention, ses constats se fondaient sur l'inobservation par les autorités nationales

de certains aspects de la réglementation interne ». Mais elle observe que cet

élément d'irrégularité au regard du droit interne est totalement absent en l'espèce. La

politique en matière de vols de nuit instaurée en 1993 fut certes contestée par les

collectivités locales mais finalement, après un certain nombre de modifications, jugée

compatible avec le droit interne. La Cour relève encore qu’elle n’a décelé aucun vice

fondamental dans la procédure ayant abouti à l'adoption de la réglementation de

1993 concernant les restrictions aux vols de nuit. Elle conclura en l’espèce à

l’absence de violation de l’article 8.

Il en est de même dans un arrêt Flamenbaum du 13 décembre 2012 à propos de

l’aéroport de Deauville123, qui concerne l’aéroport de Deauville ou les autorités

françaises avaient débouté les requérants sur l’illégalité des procédures. La violation

de l’article 8 n’a pas été établie.

122 CEDH, 8 juil. 2003, Hatton c/Royaume Uni, obs. F. HAUMONT, « L’absence de statut spécial aux droits environnementaux de l’homme », D. 2003, pp. 2273-2274. 123123 CEDH, 13 décembre 2012, Flamenbaum, F. Haumont-P. Steichen, Etudes foncières, n° 161, janv-fev. 2013

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Mais les choses évoluent. Ainsi, dans l’arrêt Deés (CEDH c/Hongrie 9 novembre

2010), les autorités n’ont commis aucune faute dans la mesure où, au contraire, elles

ont fait des efforts pour canaliser la circulation et la limiter. Il en est de même dans

l’arrêt Bor C/ Hongrie, à propos du bruit des trains, ou les autorités avaient adopté

des normes de bruit, qui n’étaient toutefois pas respectées par la compagnie

ferroviaire.

S’agit-il là d’une nouvelle perception par la Cour des affaires d’environnement qui lui

permettrait de franchir un pas et de connaître de situations qui ne sont pas

nécessairement illégales au regard du droit national ?

§ 2 – L’acceptabilité économique prévue par la Con vention

Si toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et

de sa correspondance, l’article 8, § 2, énonce qu’ « il ne peut y avoir ingérence d'une

autorité publique dans l'exercice du droit à la protection de la vie privée et familiale et

du domicile que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle

constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la

sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la

défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la

santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

La Cour estime qu’il convient de laisser aux autorités nationales une ample marge

d'appréciation pour décider des mesures qui leur paraissent nécessaires pour

atteindre les buts légitimes de l'article 8, § 2, car ces autorités sont mieux placées

pour évaluer les besoins et le contexte local.

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La Cour se réserve toutefois la possibilité d’apprécier le caractère pertinent des

éléments avancés par l'Etat pour justifier l’atteinte. L’atteinte est appréciée au regard

notamment de sa légitimité et de sa proportionnalité, sachant que le critère tiré de la

légalité interne, déjà examiné, constitue l'un des nombreux éléments à prendre en

compte pour apprécier si l'Etat concerné a ménagé un « juste équilibre » au sens de

l'article 8 § 2 de la Convention.

L’ingérence doit viser un but légitime.

Il faut savoir que, très souvent, dans le cadre de l’intérêt de la collectivité, c’est

l’emploi qui est invoqué à l’appui du maintien d’activités polluantes.

Dans une affaire Bàcilà c/ Roumanie du 30 mars 2010124, était en cause la pollution

engendrée par la usine métallurgique qui affectait gravement la santé de Mme

Bacila et son habitat. La requérante se plaignait en outre de la passivité des autorités

pour remédier à cette situation.

La Cour répond qu’elle « ne méconnaît pas l'intérêt que peuvent avoir les autorités

internes à maintenir l'activité économique du plus grand employeur d'une ville déjà

fragilisée par la fermeture d'autres industries.

Cependant, elle estime que cet intérêt ne saurait l'emporter sur le droit des

personnes concernées à jouir d'un environnement équilibré et respectueux de la

santé.

L'existence de conséquences graves et avérées pour la santé de la requérante et

des autres habitants de Copşa Mică, faisait peser sur l'Etat l'obligation positive

d'adopter et de mettre en œuvre des mesures raisonnables et adéquates capables

de protéger leur bien-être ».

Compte tenu de ce qui précède - et malgré la marge d'appréciation reconnue à l'Etat

défendeur - la Cour estime que celui-ci n'a pas su ménager un juste équilibre entre

l'intérêt du bien-être économique de la ville de Copşa Mică - celui de préserver 124 Des études d’impact avaient été réalisées et des plans de réduction des pollutions élaborés, toutefois les autorités locales avaient été dans l’incapacité de contraindre la société à respecter ces programmes et donc à réduire la pollution.

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l'activité du principal employeur de la ville - et la jouissance effective par la

requérante du droit au respect de son domicile et de sa vie privée et familiale.

Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.

De même, dans l’affaire Giacomelli, la Cour a estimé que l'Etat défendeur n'avait

« pas su ménager un juste équilibre entre l'intérêt de la collectivité à disposer d'une

usine de traitement de déchets industriels toxiques et la jouissance effective par la

requérante du droit au respect de son domicile et de sa vie privée et familiale »125.

De même, dans l’affaire Bor c/Hongrie du 18 juin 2013, à propos du bruit de chemin

de fer, la Cour a estimé que l’Etat Hongrois a manqué à ses obligations positives

d’assurer un juste équilibre entre le droit du requérant à un environnement calme et

les intérêts de la collectivité à pouvoir bénéficier du transport ferroviaire.

A l’inverse dans l’affaire Flamenbaum du 13 décembre 2012 relative à l’aéroport de

Deauville, eu égard à l’accroissement relatif du trafic aérien et aux mesures

d’atténuation du bruit, compte tenu du but légitime poursuivi, la Cour a estimé que

les autorités avaient ménagé un juste équilibre entre les intérêts en présence.

D’ailleurs, les requérants, dans cette affaire prétendaient qu’on ne saurait assimiler

les intérêts économiques purement locaux au « bien-être économique du pays » de

l’article 8, § 2. La Cour, s’appuyant sur les juridictions nationales ayant validé le

caractère d’utilité publique de l’opération, conclut au contraire à l’existence d’un but

légitime, à savoir le bien-être économique de la région qui inclut les perspectives

d’emploi126.

125 § 97. 126 § 147.

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TITRE III – L’organisation institutionnelle du droi t de l’environnement

Trois ordres juridiques sont juxtaposés : les sources internationales, les sources de

l’UE et les sources nationales

Chapitre 1 – Les sources internationales du droit d e l’environnement

La sauvegarde de l’environnement constitue pour l’humanité une tâche nouvelle. Le

système juridique international doit relever ce défi en élaborant un ensemble de

règles visant à mieux protéger l’environnement. Ces règles répondent à des finalités

particulières.

Aujourd’hui, le droit international de l'environnement couvre un champ extrêmement

divers et complexe dont il est quasiment impossible de rendre compte de manière

exhaustive.

Au niveau des traités internationaux, il existe plusieurs centaines de traités

multilatéraux (+/- 400) et plus de 1.000 traités bilatéraux127.

127 Un recueil des traités sur l'environnement paraîtra en 1998 aux éditions Bruylant, Bruxelles, sur

support papier et C.D. Rom.

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En droit international, les ressources naturelles exploitables ont fait assez tôt l’objet

d’une protection directe avec un objectif toutefois qui n’est pas celui de protéger la

nature pour elle-même. Il s’agissait tout au contraire de servir les intérêts humains,

par exemple d’aider à la production agricole (convention de Paris du 19 mars 1902

sur la protection des oiseaux utiles à l’agriculture) ou de maîtriser les pratiques de

chasse ou pêche (traité de Washington du 7 février 1911 relatif à la protection des

phoques à fourrure ou convention de Washington du 2 décembre 1946 sur la

réglementation de la chasse à la baleine).

C’est la même logique qui prévaut aujourd’hui lorsque les organisations

internationales (notamment la Commission baleinière internationale) ou régionales

(l’Union européenne) fixent des quotas annuels de capture de poissons ou de

mammifères marins.

Axé à l’origine sur le partage de la ressource entre différents Etats, le droit

international de l’environnement a évolué, peu à peu, vers un partage de la

ressource dans le temps, entre les générations. Ce sont ses finalités que nous allons

brièvement évoquer.

Mais le droit de l’environnement est aussi l’aboutissement d’un processus qui a

débuté dans les années 1970 avec l’internationalisation graduelle de la politique de

l’environnement et la participation croissante des pays en voie de développement à

l’élaboration du droit international de l’environnement. C’est cette évolution que nous

allons retracer dans un second temps.

Section 1 – Objectifs et finalités du droit interna tional

Ils sont au nombre de trois.

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La lutte contre les pollutions transfrontières

Historiquement, le droit international a envisagé la protection de l’environnement

comme un problème de conflit potentiel entre deux souverainetés. La question des

pollutions transfrontière est donc à l’origine du droit international de l’environnement.

Mais progressivement, il est devenu évident que ce type de dommage ne constitue

qu’une partie du problème. Le droit de l’environnement doit couvrir aujourd’hui non

seulement l’environnement à l’intérieur des Etats mais aussi les espaces qui ne sont

soumis à aucune compétence territoriale comme la haute mer.

La réduction des distorsions de concurrence

Cet objectif s’inscrit dans la volonté d’égaliser les règles nationales à 2 titres :

- d’une part éviter des attitudes protectionnistes se prévalant de la protection de

l’environnement : les Etats refusent l’importation de tel produit au nom de la

protection de l’environnement

- et d’autre part lutter contre le “dumping environnemental” favorisant les pays

dépourvus de règles protectrices.

La préservation des intérêts vitaux de l’humanité ?

On peut comparer le droit de l’environnement au droit humanitaire.

Tous deux sont porteurs d’intérêts vitaux et sont nécessaires au maintien des

ordres juridiques fondamentaux dans la société internationale.

Pour autant, le droit humanitaire ne se confond pas avec l’ensemble des droits

de l’homme, dont la matière est beaucoup plus vaste. Le droit humanitaire qui sert

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les intérêts vitaux se matérialise par exemple par la condamnation des génocides

perpétrés à l’encontre d’une collectivité de personnes128.

Il en est de même pour les intérêts vitaux de l’environnement. Ceux-ci ne se

confondent pas avec l’ensemble du droit de l’environnement. Mais on peut penser

que :

- la protection de la couche d’ozone,

- la prévention du réchauffement de la terre par l’augmentation du C02

- et la protection des forêts tropicales sont considérées comme vitales pour

l’humanité dans son ensemble.

Dans cette perspective plusieurs textes ont été adoptés dont on peut penser

qu’ils œuvrent à la protection des intérêts vitaux de l’humanité des générations

futures. C’est le cas de :

- la Convention de Vienne du 22 mars 1985, amendée par le protocole de

Montréal sur les matières qui détruisent la couche d’ozone du 16 septembre 1987

(CFC) 129

- la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique du 9

mai 1992, et son protocole de Kyoto

- la convention de Rio sur la diversité biologique du 5 juin 1992.

En fait, la question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir si la

reconnaissance de ces intérêts vitaux de l’humanité, ne marque pas les limites du

principe de l’autonomie de la volonté des Etats.

128 La convention de l’ONU sur le génocide adoptée le 9 décembre 1948 énonce que le génocide est un crime du droit des gens condamné par le monde civilisé, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre. 129 Ce protocole impose la suppression de l'utilisation des CFC sauf pour des utilisations qualifiées de critiques ou essentielles, de halons, bromure de méthyle et autres substances appauvrissant la couche d'ozone (HCFC), tétrachlorométhane, bromochlorométhane, hydrobromofluorocarbone, méthylchloroforme).

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La protection de certains aspects du droit humanitaire et du droit de

l’environnement est indispensable aux intérêts vitaux de l’humanité et elle devrait

être réalisée en dépit des accords ou des désaccords des Etats individuels130.

Pour l’heure, les Etats demeurent souverains et la coordination des intérêts

nationaux reste délicate. Néanmoins, la protection de l’environnement constitue une

illustration emblématique d’une coopération poussée dont les instruments deviennent

de plus en plus nombreux et de plus en plus élaborés.

Section 2 : Les outils du droit international de l’ environnement

L’indifférence de la pollution aux frontières juridiques, l’indivisibilité du milieu rendent

indispensables le traitement international des problèmes environnementaux. Les

outils doivent être adaptés à cet ordre juridique dont les acteurs sont aussi très

hétérogènes.

§ 1 – Le droit international coutumier

C’est la source la plus ancienne. C’est en 1941, à propos d’un différend survenu

entre les Etats Unis et le Canada au sujet de dommages occasionnés par les

émissions polluantes d’une fonderie de métaux non ferreux située le long de la

frontière canadienne (Fonderie du Trail), qu’une sentence arbitrale a jugé :

“ qu’aucun Etat n’a le droit d’utiliser son territoire ou d’en permettre l’utilisation de

manière à causer, par l’émission de fumées, un préjudice au territoire d’un autre Etat,

130 Sur cette question, cf. not.P. Yoshio Otani “Essai sur le caractère juridique des normes internationales ...”, p. 45 et M. Kamto “Singularité du droit de l’environnement”, p. 315 in Les hommes et l’environnement, en hommage à A. Kiss, ed. Frison Roche 1998.

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ou à la propriété ou aux personnes qui s’y trouvent, s’il s’agit de conséquences

sérieuses et si le préjudice est établi par des preuves claires et convaincantes”.

Considéré comme l’expression d’une règle de droit international coutumier, cet

enseignement a été ensuite consacré dans divers textes internationaux de portée

contraignante (dont la convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à

longue distance, signée à Genève, le 13 novembre 1979 et la convention sur les

effets transfrontières des accidents industriels, faite à Helsinki le 17 mars 1992).

La coutume internationale constitue donc selon l’article 38 de la CIJ qui définit les

sources du droit international131, « la preuve d’une pratique générale acceptée

comme étant le droit ».

§ 2 – Les résolutions, déclarations, chartes,

Déjà au XIX siècle, des conférences internationales adoptaient des vœux, c’est-à-

dire des textes non obligatoires pour les Etats qui y ont participé. Cette procédure a

été remise à l’honneur notamment en droit de l’environnement.

Les recommandations et les déclarations de principe sont légion en la matière et

revêtent une grande importance pour le droit de l’environnement.

A. Les grandes conférences internationales

1°) La conférence de Stockhom

On s’accorde à considérer que la Conférence des Nations Unies de Stockholm est

l’acte fondateur du droit international de l’environnement.

131 Pour le droit international classique, les sources sont définies par l’article 38 alinéa 1 du Statut de la Cour internationale de justice, rédigé en 1920 et indiquant la provenance des règles que la Cour doit appliquer.

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A Stockholm, en 1972, les Nations Unies, sous la pression des pays nordiques, ont

lancé le signal de départ de l’environnement comme préoccupation majeure des

Etats et des citoyens.

Il faut dire que la décennie des années 60 s’était caractérisée par un taux de

croissance élevé et un développement industriel considérable entraînant

d’importantes pollutions et nuisances affectant tant les différents milieux (eau, air,

sol) que les populations (bruit, qualité de la vie, habitats).

Les excès de la croissance économique des années 60 avaient d’ailleurs conduit

certains à prôner un autre modèle de société. C’était la théorie de la croissance zéro

du “Club de Rome” très en vogue à la fin des années 1960. Ce Club de Rome fut

crée en 1968 par une trentaine d’intellectuels avec la participation active de

chercheurs du Massachussets Institue of Technology. Son principal rapport s’intitule

“Halte à la croissance”.

L’autre point de repère majeur permettant d’encadrer la conférence de Stockholm,

c’est la grande crise pétrolière de 1973 (le 1er choc pétrolier) qui est survenue peu

de temps après Stockholm et qui a contribué à une prise de conscience quant à la

fragilité des ressources naturelles de notre planète.

A l’issue des travaux fut adoptée, par acclamation, la “Déclaration de la conférence

des Nations Unies sur l’environnement” ou déclaration de Stockholm qui contient 26

principes précédés d’un préambule en sept points132.

Ces idées sont clairement posées par le premier principe :

132 Selon le préambule ,“l’homme est à la fois créature et créateur de son environnement”. Il en est arrivé à un stade de progrès qui lui permet de modifier de manière significative son environnement et les exemples de dommages qu’il a provoqués se multiplient dans de nombreuses régions du globe. Il faut responsabiliser les collectivités et les citoyens pour défendre et améliorer l’environnement.

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“L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie

satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans

la dignité et le bien-être”, “il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer

l’environnement pour les générations présentes et futures”.

Les principes mettent l’accent sur la protection de la nature :

Ainsi, selon le principe 2 : les ressources naturelles du globe -air, eau, terre, faune et

flore- doivent être préservés dans l’intérêt des générations présentes et à venir.

En matière de pollution, « les rejets de matières toxiques doivent être interrompus

de manière à éviter les dommages irréversibles » ; « les Etats doivent empêcher la

pollution des mers »133

La déclaration de Stockholm, qui est considérée comme la base du développement

ultérieur du droit international de l’environnement, affirme la nécessité d’une réelle

prise en compte de l’environnement dans les politiques de développement et fait une

large part à la planification comme outil d’intégration des préoccupations de

développement et d’environnement.

2 °) Le rapport Brundland

Entre les années 1970 et 1980, la politique de l’environnement s’est progressivement

développée en se dotant de structures autonomes. Les années ‘80’ sont marquées

par une prise de conscience de l’ampleur planétaire des problèmes écologiques et

de leurs implications socio-économiques.

133 Mais la déclaration de Stockholm contient aussi des revendications plus politiques comme : 5 - le partage des ressources non renouvelables 11- la rémunération adéquate des produits de base des pays en voie de développement 12 -l ‘assistance technique aux pays en voie de développement pour l’intégration de la protection de l’environnement dans la planification de leur développement 21 - le droit souverain des Etats d’exploiter leurs propres ressources.

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Dans le milieu des années 80, en Europe, la politique de l’environnement est

également devenue un véritable enjeu de société avec notamment le mouvement

politique contestataire des verts en Allemagne.

Au plan international, c’est surtout la publication en 1987 du rapport Brundland, de la

Commission mondiale sur l’environnement et le développement qui a contribué à

l’émergence du concept de développement durable.

Le mandat de la commission Brundland -du nom de sa présidente, ministre

norvégien de l’environnement - était de proposer des solutions aux problèmes

d’environnement globaux en tenant compte des impératifs de développement.

Jusqu’alors, ces deux notions -environnement et développement- étaient en effet

considérées comme antinomiques. Les PVD considéraient la protection de

l’environnement comme un “luxe” qui ne concernait que les pays riches du Nord.

En d’autres termes, pour les pays pauvres, le développement devait se concevoir

comme l’aide au développement tandis que pour les pays riches il s’agissait de

poursuivre leur croissance économique.

Il fallait donc trouver un terrain d’entente, ce que fit le rapport Brundtland en

proposant le concept fédérateur de développement durable. Celui-ci est d’autant plus

fédérateur que son contenu est imprécis. Le développement durable est défini

comme “un développement qui satisfait les besoins du présent sans compromettre

l’aptitude des générations futures à satisfaire leurs propres besoins”.

Le DD signifie que la satisfaction des besoins d’aujourd’hui ne doit pas se faire au

détriment irréversible des ressources naturelles et d’une mise en péril des grands

équilibres de la biosphère. En clair cela veut dire lutter contre les pollutions, diminuer

les dépenses d’énergie, protéger les ressources non renouvelables.

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Pour autant, celui-ci n’a pas été reconnu en France comme générateur d’effets de

droit : faisant référence à l’article 6 de la Charte, le Conseil Constitutionnel a affirmé

clairement son absence d’effet juridique :

« Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Charte de

l'environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement

durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de

l'environnement, le développement économique et le progrès social » ; que cette

disposition n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa

méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question

prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ».

Décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013 (Société Schuepbach Energy LLC

[Interdiction de la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des

hydrocarbures - Abrogation des permis de recherches).

L’environnement est reconnu comme un objectif à part entière de la coopération134.

134 Dans une disposition générale, elles souscrivent à la finalité du développement durable en

s’engageant à accorder “ la priorité(...) à la protection de l’environnement et à la conservation des

ressources naturelles, conditions essentielles pour un développement durable et équilibré, tant au

plan économique qu’au plan humain » (art. 6 § 2).

Un bon exemple de l’influence du rapport Brundland en droit international de l’environnement réside

dans la conclusion de la 4ème convention de Lomé, du 15 décembre 1989 entre la Communauté

européenne et les Etats d’Afrique, Caraîbe et Pacifique. (ACP). L’objectif premier de la coopération

CEE/ACP reste le développement économique, culturel et social des Etats ACP. Mais les parties

contractantes reconnaissent qu’un tel développement doit “reposer sur un équilibre durable entre ses

objectifs économiques, la gestion rationnelle de l’environnement et la valorisation des ressources

naturelles et humaines”.

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3°) La Conférence de Rio

L’idée d’une conférence internationale était contenue dans le rapport Brundland,

conférence qui mêlerait les deux thèmes d’environnement et de développement.

Cette conférence n’a pas obtenu une adhésion immédiate.

C’est au fil des discussions que les PVD ont compris toutefois l’intérêt qu’ils

pourraient trouver dans la conférence et notamment l’opportunité d’obtenir des

financements en faveur d’objectifs environnementaux. Ils ont donc accepté la tenue

de la conférence.

Indépendamment de son retentissement médiatique, l’impression qui se dégage de

la conférence de Rio est mitigée. Elle aurait même constitué pour certains un recul

par rapport à la convention de Stockholm.

L’ordre du jour de la conférence comportait 4 points :

1 - l’élaboration d’une charte de la terre ;

2 - l’élaboration d’un plan d’action pour le XXIème siècle, appelé Agenda XXI

3 - la signature de deux conventions internationales sur le changement de climat et

la protection de la diversité biologique.

4 - l’élaboration d’une déclaration de principe sur les forêts.

a. La déclaration de Rio

L’objectif de Rio était bien plus ambitieux que l’élaboration d’une déclaration puisque

la Commission voulait faire adopter une Convention Universelle sur le modèle du

Pacte International relatif aux droits civils et politiques, fait à New York le 19

décembre 1976.

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Au lieu de cela, la déclaration de Rio tente de concilier développement économique

et protection de l’environnement dans un texte dépourvu de portée contraignante

dont le style s’apparente plus à des vœux pieux qu’à de véritables engagements.

Le concept de droit au développement y reçoit une portée pour le moins ambiguë. Le

principe 4 énonce que :

“pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit

faire partie intégrante du processus de développement économique et ne peut

être considérée isolément”.

Cette disposition peut être lue tout aussi bien comme imposant la prise en compte

des contraintes écologiques dans la politique de développement que comme

condamnant toute politique de l’environnement incompatible avec les impératifs de

développement économiques.

Parmi les principes de la déclaration, on trouve notamment :

- le droit au développement (qui) doit être réalisé de façon à satisfaire

équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement

des générations présentes et futures.( 3).

-

- le principe de la participation des citoyens aux questions environnementales

(10).

- le principe selon lequel les Etats doivent promulguer des mesures législatives

efficaces en matière d’environnement (11) et élaborer des lois nationales

concernant la responsabilité pour les dommages causés par la pollution et

d’autres dommages à l’environnement et pour l’indemnisation des victimes.

- le principe de précaution

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- le principe pollueur-payeur : les autorités nationales doivent s’efforcer de

promouvoir l’internalisation des coûts de protection de l’environnement et

l’utilisation d’instruments économiques (ppe 16)

- la réalisation d’études d’impact sur l’environnement pour les activités qui

risquent d’avoir des effets nocifs importants sur l’environnement.

Il est enfin précisé les femmes ont un rôle vital dans la gestion et la mise en valeur

de l’environnement (ppe 20).

b. L’agenda 21

L’Agenda 21 constitue en quelque sorte le guide à suivre par l’ensemble de la

Communauté internationale en matière d’environnement et de développement

durable pour le XXIème siècle. C’est un véritable projet de civilisation qui invite à

rechercher les solutions qui permettront de lier solidarité, justice et respect de la

nature.

Appelé également Plan d’Action pour le XXIème siècle, l’Agenda XXI contient près

de 40 thèmes différents et fait plus de 800 pages135.Il ne s’agit pas d’un texte

juridiquement contraignant mais d’un engagement politique au plus haut niveau.

Il n’est pas dénué d’ambiguïté s’agissant notamment de son coût, évalué à 600

milliards de dollars par an dont 125 devraient provenir de l’aide internationale136.

135 Il est structuré autour de 4 grandes parties : - dimension économique et sociale - conservation et gestion des ressources aux fins de développement - renforcement du rôle des acteurs économiques et sociaux - moyens de mise en œuvre Chaque chapitre thématique de l’Agenda 21 fait l’objet d’une présentation identique comportant 4 parties : - base de l’action, - objectifs à atteindre - activités à engager - moyens de mise en oeuvre, y compris une estimation financière propre à chaque domaine.

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Le suivi de l’agenda 21 est assuré par une Commission de développement durable,

qui dépend du Comité économique et social des Nations unies (ECOSOC).Cette

Commission137 (CDD), qui comprend 54 membres, a été créée pour assurer faire le

suivi de la mise en œuvre des accords du Sommet de la Terre tant au niveau local,

national, régional qu'international138.

4°) Le Sommet mondial sur le développement durable (Johannesburg, 26 août

- 4 septembre 2002)

Discours Jacques Chirac – Sommet Mondial du développement – Johannesburg – 2 Septembre 2002 Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. L’humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au nord comme au sud, et nous sommes indifférents. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. Le sommet de Johannesburg a été l’occasion de faire le point, dix ans après le

sommet de la Terre, sur le développement durable. On s’est aperçu à cette occasion

que la réalisation des objectifs annoncés n’avait pas nécessairement été atteinte :

- la forêt tropicale régressait

- les inégalités entre le nord s’accentuaient…

- les gaz à effet de serre continuaient à croître de 2 % par an environ139

136 RAPPORT DE LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR L'ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT A/CONF.151/26 (Vol. III) 14 août 1992(Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992) SECTION IV. MOYENS D'EXECUTION 137 La CDD est une commission technique dont l’objectif de la CDD est également de renforcer les relations entre les gouvernements et les ONG afin de promouvoir le développement durable tout autour du globe. 138 Il a été reconnu qu'un examen quinquennal des avancées concernant le Sommet de la Terre aurait lieu en 1997 lors de l'Assemblée Générale des Nations réunie session extraordinaire. En juin 1997, l'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté un programme de mise en oeuvre de l'Agenda 21 dont le suivi sera effectué par la CDD ainsi que le plan de travail de la Commission pour 1998 - 2002.

139 Autre exemple, entre 1992 et 2000, l’aide publique au développement apportée par les pays riches n’a été que de 0,22 % du PIB, alors que ces pays s’étaient engagés à atteindre un taux de 0,7 % .

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Une déclaration politique et un plan de mise en œuvre ainsi que plusieurs

initiatives de partenariat seront donc adoptés lors du sommet de Johannesburg

visant notamment à réduire de moitié, au plus tard en 2015, les personnes n'ayant

pas d'accès à l'eau potable et aux conditions d'assainissement basiques140.

Des petits pas ont été accomplis à Johannesburg, en particulier sur le plan de la

mobilisation des acteurs. A Rio, les institutions internationales et les représentants

des gouvernements étaient les seuls acteurs alors qu’à Johannesburg, les

associations, la société civile sont devenus des partenaires à part entière.

Des collectivités se sont engagées dans des plans d’action qui prennent en compte

les objectifs économiques mais également l’équilibre social et la préservation de

l’environnement (agenda 21 locaux)141.

Du côté des entreprises également, le développement durable commence à infléchir

les modes de décisions et les entreprises n’hésitent pas à adhérer aux objectifs de

140 Les autres objectifs visent à : • reconstituer, au plus tard en 2015, les stocks halieutiques épuisés et les ramener à un niveau soutenable ; • réduire, au plus tard en 2020, les effets chimiques pour la santé et l'environnement ; • stopper la perte de diversité biologique avant 2010 et inverser la tendance de dégradation des ressources naturelles;

• mettre en œuvre, à partir de 2005, les stratégies nationales de développement durable D'autres accords atteints lors du sommet visent à: • accroître la part globale des énergies renouvelables et augmenter l'accès des plus pauvres à l'énergie ; • élaborer un cadre décennal de programmes d'appui des modes de production et de consommation durables ; • faire en sorte que le protocole de Kyoto entre en vigueur le plus rapidement possible ; • encourager une réforme des subventions ayant des effets négatifs sur l'environnement ; • traiter les causes de la mauvaise santé et fournir des prestations de base accessibles à tous et efficaces. 141141 Rapport du Sommet mondial pour le développement durable Johannesburg (Afrique du Sud),26

août-4 septembre 2002 (A/CONF.199/20**) (http://daccess-dds-

ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N02/636/94/PDF/N0263694.pdf?OpenElement

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développement durable, à travers la notion de Responsabilité Sociale des

entreprises142.

5°) La dernière conférence : Rio + 20

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), avait dressé, à la

veille de la conférence Rio+20, un rapport intitulé "Geo-5", rendu public en juin

2012143, sur l’état de l’environnement mondial qui faisait apparaitre un état des lieux

alarmant.

Ainsi, sur les 90 objectifs internationalement reconnus en matière de gestion durable

de l’environnement et de développement humain, le PNUE établit que seuls 4

objectifs ont enregistré "des progrès significatifs"144 :

- Il s’agit de la disparition des molécules portant atteinte à la couche d’ozone (les

CFC notamment),

- de l’élimination du plomb dans les carburants,

- de l’amélioration de l’accès des populations à une eau potable (bien qu’une

importante marge de progression subsiste)

- et de la promotion de la recherche en matière de lutte contre la pollution marine.

De ce constat, le PNUE conclut que, 20 ans après le Sommet de la Terre tenu à Rio

en 1992, « la planète doit réorienter d’urgence son développement ». Des thèmes

majeurs ont émergé comme le fait de favoriser l’émergence d’une "économie verte"

et de en place une nouvelle gouvernance mondiale de l’environnement.

142 Une Charte des entreprises pour le développement durable, émanant de la chambre de commerce internationale avait d’ailleurs été élaborée dès 1990. 143 http://www.unep.org/french/geo/geo5.asp 144 • 40 objectifs ont enregistré quelques progrès (le rythme de la déforestation a régressé, les zones protégées se sont étendues, etc.). • 24 objectifs n’ont pas connu de progrès ou très peu. A titre d’exemple, les émissions de gaz à effet de serre devraient doubler d’ici 2050 et les ressources halieutiques continuent de s’amoindrir. • 8 objectifs ont enregistré une dégradation (qualité des eaux souterraines, protection des récifs coralliens, etc.). • Les 14 objectifs restants n’ont pu faire l’objet d’une évaluation, faute de données disponibles.

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Lancé par les Nations unies, le thème de l’économie verte traduit l’idée d’une

transition vers de nouveaux modes de production et de consommation145.

Concrètement, l’économie verte146 est celle qui utilise moins ou mieux les ressources

renouvelables et :

- Qui émet moins de gaz à effet de serre

- Qui privilégie des écotechnologies

- Qui pratique la production et la consommation responsables

- Ou les transports sont raisonnés ;

- Qui évalue les effets des décisions sur les générations futures…

Vers une nouvelle gouvernance mondiale de l’environnement ?

A Rio, on a également discuté de la création d’une Organisation mondiale de

l’environnement (OME).

Il s’agirait de doter les Nations unies d’une institution capable de faciliter la mise en

œuvre des normes internationales adoptées et de renforcer les synergies entre les

différents cadres d’action internationaux, comme la Convention climat qui gère le

Protocole de Kyoto ou les nombreux accords multilatéraux pour l’environnement qui

fonctionnent actuellement indépendamment les uns des autres.

Ainsi constituée, cette nouvelle agence onusienne serait à même de faire jeu égal

avec d’autres organismes comme la Banque mondiale et surtout l’Organisation

mondiale du commerce – (OMC).

145 La réalisation d’une économie verte doit avoir pour objectif, ainsi qu’il a été formulé à Rio, de « contribuer à l’élimination de la pauvreté et à la croissance économique durable, d’améliorer l’intégration sociale et le bien-être de l’humanité, et de créer des possibilités d’emploi et de travail décent pour tous, tout en préservant le bon fonctionnement des écosystèmes de la planète ». 146 Voyez aussi OCDE, outils pour la mise en place d’une croissance verte, Mai 2011.

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A l’issue du Sommet, les représentants des 193 pays réunis ont adopté une

déclaration finale intitulée "L’avenir que nous voulons". Elle s’organise autour des

thèmes mis en avant lors des travaux préparatoires de Rio+20.

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/declaration_finale_Rio_20_cle0c85b4.pdf

On notera également le rôle important des ONG à ce type de manifestations147.

Parmi les ONG les plus connues, on peut citer l’Union Internationale pour la

Conservation de la Nature (UICN), le Fonds mondial pour la nature (WWF pour world

wildlife fund) ou encore Greenpeace.

De manière générale, le chapitre 27 de l’agenda 21 relatif au « renforcement du rôle

des ONG » montre aussi l’importance de leur rôle dans la société civile

internationale.

B. Les chartes

A côté des déclarations de principes, de type Stockholm et Rio, il existe d’autres

sources, comme par exemple la

Charte mondiale de la nature (1982), ou de manière plus spécifique la

Charte européenne de l’eau (Conseil de l’Europe,1968),

la charte européenne des sols (Conseil de l’Europe, 1972) qui n’ont pas de valeur

juridiques contraignantes mais qui contribuent à consacrer certains principes et

certaines règles.

Il faut y ajouter recommandations qui sont adressées par les organisations à leurs

Etats (exemple, recommandation de l’OCDE sur les déchets dangereux)148.

147 Au point de vue juridique, les ONG ne bénéficient pas de la personnalité juridique internationale. Une ONG relève donc du droit national où se trouve son siège. Elles sont considérées comme des associations de droit interne. 148 Décision-Recommandation du Conseil sur les exportations de déchets dangereux à partir de la zone de l'OCDE (5 juin 1986 - C(86)64/FINAL).

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§ 3. Les conventions internationales 149

Il existe de nombreuses conventions internationales en matière d’environnement.

Certaines sont à vocation universelle, d’autres à vocation régionale. Les premières

sont conclues dans le cadre des Nations Unies. C’est le cas de la convention sur le

climat, sur la biodiversité.

La convention cadre sur les changements climatiques (effet de serre) a été adoptée

le 9 mai 1992 et est entrée en vigueur le 21 mars 1994.Cette convention constitue un

enjeu majeur du droit de l’environnement. Elle sera suivie notamment en 1997 du

protocole de Kyoto sur le système international d’échange de droits à polluer (150).

La seconde convention portant sur la diversité biologique151 et a été signée le 5 juin

1992(152). Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que

celle des écosystèmes153. Les objectifs de la Convention portent sur “la conservation

de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et

équilibré des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques

(…154) »155

149 Il existe une abondante littérature dans ce domaine dont l'ouvrage de base d'A. KISS, JP BEURIER, Droit international de l'environnement, Paris, PEDONE, 2011 Juris-Classeur Environnement, le fasc. 110 de L. LUCCHINI et D. GABRIEL, "Sources de droit international"., P. LE PRESTRE, Protection de l’environnement et relations internationale, Armand Colin 2005; J.A. ARBOUR et S. LAVALLEE, Droit international de l’environnement, Yvon Blais, Québec, 2012 ; R. ROMI, Droit international et européen de l’environnement, Montchrestien, Paris, 2005 ; 150 Cf également la Directive n° 2003/87/CE du 13/10/0 3 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil 151 La diversité biologique est définie comme étant la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres systèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie. 152 Elle est entrée en vigueur le 29 déc. 1993 et en France le 28 septembre 1994. 153 Les écosystèmes sont : « le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux et de mico-organismes et de leur environnement non vivant, qui par leur interaction forment une unité fonctionnelle ». 154 notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et aux techniques, et grâce à un financement adéquat”’. 155 Les obligations des Etats sont conformes aux objectifs annoncés : coopération interétatique et échange d’information puis, pour chaque Etat, élaboration de plans et programmes nationaux de

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La Convention sur la Biodiversité a été mise en œuvre par le protocole de

Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques (biosafety protocol) et le

protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et

équitable des avantages découlant de leur utilisation (Protocol on access and benefit

sharing 2010).

On peut ajouter à ces instruments une dernière convention à large

spectre : Convention sur la lutte contre la désertification du 12 septembre1994

Dans la Convention, le terme "désertification" désigne la dégradation des terres

dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches156 par suite de divers

facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines.

A l’inverse des autres conventions, aucun protocole ne met en œuvre la convention

relative à lutte contre la désertification, qui reste à la traîne des deux autres.

Aujourd’hui, la multiplication des organisations intergouvernementales a

considérablement augmenté le nombre et la diversité des sources du droit

international

L’ONU a, par exemple, à son actif :

- la convention de Washington sur le commerce international des espèces

sauvages menacées d’extinction, signée le 3 mars 1973 157

conservation et d’utilisation durable, identification et surveillance des éléments constitutifs de la biodiversité, conservation in situ. 156 qui sont les zones dans lesquelles le rapport entre les précipitations annuelles et l'évapotranspiration possible se situe dans une fourchette allant de 0,05 à 0,65; 157 Voyez M.L. Lambert-Habib, Le commerce des espèces sauvages : entre droit international et gestion locale, L’harmattan, 2000, 604 p.

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La convention a pour objectif de protéger certaines espèces en voie d’extinction de la

surexploitation par un système de permis d’importation et d’exportation. Les permis

sont délivrés par un organe de gestion national sur avis d’une autorité scientifique.

La convention comporte 4 annexes, la première surtout déterminant les espèces

menacées d’extinction dont le commerce doit être étroitement contrôlé.

-la convention sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets

dangereux et de leur élimination, signée à Bâle le 22 mars 1989 ;

Il s’agit de contrôler les transferts de déchets et d’éviter les trafics de déchets

toxiques du type de celui qui s’est produit à Abidjan il y a quelques temps. La récente

affaire de la société britannique Trafigura, affréteur du navire Probo Koala, qui a

déchargé 580 tonnes de déchets toxiques à Abidjan158, provoquant le décès d’une

dizaine de personnes et l’intoxication de milliers d’autres nous permet de mieux

comprendre l’intérêt d’une telle convention159.

La Commisson économique pour l’Europe de l’Organisa tion des Nations

Unies 160 est à l’origine de nombreux instruments internationaux de droit de

l’environnement 161, dont :

158 Une société ivoirienne Tommy a ensuite déversé les déchets à l’air libre. Voyez M. Bourrel, la complaisance du droit face aux trafics illicites transfrontières de déchets dangereux : l’affaire d Probo Koala. R.J.E. 1/2012, p. 23 et suiv. 159 L’ONU est également à l’origine de nombreuses actions telle : - l’élaboration d’un plan d’action contre la désertification ; - la création d’un système de surveillance continue de l’environnement (Plan Vigie) qui regroupe plus de 30 000 scientifiques et techniciens dans plus de 140 pays ; - et un réseau mondial d’information sur l’environnement (Infoterra) qui représente plus de 600 banques de données sur 140 pays. D’une manière générale, on peut dire que la collecte et le traitement d’informations constitue l’essentiel de l’activité du PNUE en relation avec son objet qui est de faire régulièrement rapport à l’assemblée générale de l’ONU. Cette fonction, analogue à celle de l’Agence Européenne pour l’Environnement ne peut être négligée. 160 Emanation, depuis 1947, du Conseil économique et social des Nations Unies, chargée à l’origine de la reconstruction de l’économie européenne dévastée par la deuxième Guerre mondiale, la Commission économique pour l’Europe associe actuellement 55 Etats (dont tous les Etats d’Europe, d’Asie Centrale et de Transcaucasie, le Canada, les Etats Unies et Israel et la Suisse) 161 - la convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, signée à Genève le 13 novembre 1979

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- la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus

décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aahrus

(Danemark) le 25 juin 1998.

L’UNESCO 162 est à l’orgine de deux instruments remarquables :

- Convention de RAMSAR (2 févr. 1971) relative aux zones humides d'importance

internationale (ex. la Camargue, le Djoudj au Sénégal). Chaque partie désigne

des zones humides qu’elle s’engage au protéger au moyen de plans

d’aménagement et de conservation. La France a désigné 35 sites163 .

- Convention de PARIS (16 nov. 1972) concernant la protection du patrimoine

mondial, culturel et naturel : cette convention permet de mentionner à l'inventaire du

patrimoine mondial, à côté de chefs-d'oeuvre architecturaux, certains sites naturels

d'importance internationale (ex. Le golf de Porto en Corse, Le mont St Michel, le

vieux Lyon). Nous en avons une trentaine en France.

- la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels et la convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, faites à Helsinki le 17 mars 1992; 162 Organisation des Nations unies pour l’Education, la science et la culture l’UNESCO s’occupait d’environnement pendant une certaine période (avant le PNUE). L’UNESCO continue à s’intéresser aux relations entre les populations déhéritées et l’environnement et aux questions spécifiques qui en résultent, notamment le surpâturage et le déboisement, à travers son programme MAB (man and biosphere).(voyez Danilo COmba, le régime légal des réserves MAB en France, RJE 3/2011, p. 297) 163 Circulaire du 24 décembre 2009mise en oeuvre de la convention internationale de Ramsar sur les zones humides et notamment processus d'inscription de zones humides au titre de cette convention (NOR : DEVO0930117C)

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Le rôle de l’Organisation Mondiale du Commerce en m atière d’environnement

est plus mitigé 164.

Au sein de l’Organisation, il existe divers accords, mais l’accord sur les mesures

sanitaires et phytosanitaires de 1994, dit accord S PS, intéresse particulièrment

l’environnement.

Cet accord présente les règles (découlant de l’article XX b) du GATT de 1994) se

rapportant aux « mesures nécessaires à la protection de la vie et de la santé des

personnes et des animaux et à la préservation des végétaux » qu’un membre peut

prendre au titre d’une exception générale à ses engagements en faveur d’un

commerce ouvert. En bref, ce sont des règles qui concernent l’inocuité des produits

alimentaire et des normes sanitaires pour les animaux et les végétaux.

L’article 20 g) se rapporte à la conservation des ressources naturelles épuisabes, si

de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la

production ou à la consommation nationale.

L’OMC comprend un organe de règlement des différents auprès duquel les pays qui

s’estiment lésés peuvent porter plainte. Sur 378 affaires (fin 2008), 11 seulement

concernaient l’environnement165. Mais il y a très peu d’applications positives de

l’article 20b.

On peut citer l’affaire Affaire n° 135 de l'OMC. Dé cision adoptée le 5 avril 2001.

Plainte déposée par le Canada. Dans cette affaire, le Groupe spécial et l'Organe

d'appel ont rejeté tous les deux la contestation, par le Canada, de l'interdiction , par

la France, des importations d'amiante et de produits en contenant, confirmant que les

164 L’OMC est née le 1er janvier 1995 mais le système commercial qu’elle représente a presque un demi siècle. 165 Voyez Droit de l’OMC et protection de l’environnement, Sous la direction de S. Maljéans Dubois, travaux du CERIC, Bruyant 2003.

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Membres peuvent assurer, en vertu des Accords de l'OMC, le niveau de protection

de la santé et de la sécurité des personnes qu'ils jugent approprié.

Le Conseil de l’europe 166 s’est intéressé depuis le début des années 60 à la

problématique de l'environnement. Au nombre de ses travaux, on citera167 :

- la convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie

sauvage et du milieu naturel de l’Europe

Plus récemment, trois conventions sont apparues :

- la convention de Lugano (21 juin 1993) sur la responsabilité civile des

dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement (qui a

connu un destin funeste…)

- la convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal, qui

date du 4 novembre 1998.

- Et la Convention de Florence relative à la protecti on des paysages ,

entrée en vigueur le 1er mars 2004

On éprouve l’impression générale que si l’action du Conseil de l’Europe a, au départ,

inspiré celle de l’Union européenne, elle s’est progressivement amenuisée, au fur et

à mesure du développement de la politique de l’Union, ce qui n’est pas sans

inconvénient au regard de la politique environnementale des pays qui ne font pas

partie de l’Union.

166 Créé le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe est doté de compétences matérielles très étendues et concerne un territoire plus vaste que l’Union européenne. Outre les 23 membres fondateurs + les pays de l'Est, soit actuellement 47 membres dont la Russie et Monaco). Cinq Etats ont e statut d’observateurs : le Saint Siège, USA, Canado, Japon et Mexique.

167 On peut ajouter - la déclaration de principes sur la lutte contre la pollution de l'air (1968) - la déclaration européenne en matière de conservation de la nature (1970) - la déclaration sur l'aménagement de l'environnement naturel en Europe (1970),

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Cela étant, il est clair que le Conseil de l’Europe exerce une magistrature d’influence

par le biais de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales.

§ 4 – Les décisions judiciaires

Les décisions judiciaires en droit international de l’environnement ne sont pas très

nombreuses à ce jour. Certaines conventions prévoient le recours à la Cour

international de justice.

Dans une affaire, dite des essais nucléaires français (CIJ, 20 dec. 1974) l’Australie

et la Nouvelle Zélande craignant des retombées nocives, demandaient à la France

de renoncer à ses essais nucléaires en Polynésie française. La France envisageant

de cesser les expériences, la Cour constata que le différend avait disparu et donc

qu’elle n’avait plus à statuer au fond.

Le 9 avril 1989 , la CIJ a été saisie d’un différend opposant l’Angleterre à l’Albanie

dans l’affaire dite du Détroit de Corfou à propos de la présence de mines dans les

eaux territoriales albanaises. La Cour a été amenée à énoncer la règle selon

laquelle « aucun Etat ne peut utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux

droits des autres Etats ».

On peut encore citer un arrêt rendu par la Cour internationale de Justice a rendu le

25 septembre 1997 « Gabcikovo-Nagymaros » dans une affaire opposant la Hongrie

à la Slovaquie.

En l’espèce, la Hongrie soulevait des risques écologiques à très long terme pour ne

pas respecter ses obligations concernant la construction de barrages hydrauliques

sur le Danube prévue en vertu d’un traité signé en 1977 entre la Hongrie et la

Tchécoslovaquie. La Cour ne lui donne pas raison mais reconnaît néanmoins que

ses préoccupation concernant l’environnement naturel dans la région affectée par le

projet ont trait à un intérêt essentiel de cet Etat.

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La Cour internationale de justice a également eu à connaître d’un différend entre

l’Argentine et l’Uruguay qui a donné lieu à un arrêt du 20 avril 2010 168, sans doute

le plus intéressant.

Dans le cadre de ce différend, l'Argentine considérait que la responsabilité de

l'Uruguay devait être engagée pour violation d'obligations lui incombant au titre du

statut du fleuve Uruguay.

La Cour déboute la requérante de ses demandes relatives au respect de

l'environnement mais deux apports de l’arrêt doivent être salués :

- la consécration en droit international de l’obligation d’évaluer l’impact sur

l’environnement.

- et la précision apportée au régime préventif de l’interdiction de causer un

dommage à l’environnement d’un autre Etat. En particulier, la Cour va

affirmer qu’il ne « faut pas causer un préjudice sensible à l’environnement

d’un autre Etat ».

On peut dire aujourd’hui que des principes tels que le principe de prévention des

dommages à l’environnement ou le principe de l’évaluation préalable des impacts sur

l’environnement sont devenus des principes généraux du droit de l’environnement.

168 CIJ, 20 avril 2010, Argentine c/Uruguay, comm. J. Sohnle, RJE 4/2010, p. 606.

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Chapitre 2 – Les sources de l’Union européenne

Il convient d’examiner de manière spécifique les compétences de l’Union

européenne dans le domaine de l’environnement.

Ces compétences sont axées principalement sur la politique de l’environnement.

Cela n’exclut pas que, par le biais d’autres compétences, l’Union européenne puisse

intervenir dans certaines autres facettes du développement durable.

Le fondement juridique des compétences de l’Union dans le domaine de

l’environnement a évolué au fil du temps, sachant qu’initialement, le Traité de Rome

adopté en 1957 ne contenait pas un mot ni sur l’environnement, ni sur le

développement durable.

Section 1 – Les fondements de la politique environn ementale de l’UE

Voyons l’évolution de la prise en compte de l’environnement depuis les origines

jusqu’à Lisbonne.

§1- Le Traité de Rome (25 mars 1957)

En 1957, l'environnement n'était pas d'actualité. Mais trois dispositions ont pu être

utilisées :

En dépit d’une absence de fondement juridique propre, les instances européennes

entament certaines politiques environnementales :

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- Soit sur le fondement du rapprochement des législations des Etats

membres en vue du bon fonctionnement du marché commun (ancien art.

100) 169

- Soit sur le fondement d’une disposition subsidiaire (art 235170) qui permet

de prendre des mesures pour assurer le bon fonctionnement du marché

commun sans que le traité ait prévu pour autant des pouvoirs d'action à cet

effet.

Dans cette première période, on trouve l’adoption :

¤ Du premier programme d'actions en matière d'environnement (22 novembre 1973),

programme renouvelé en 77, 83, 87, 92, 2002 (VIe programme).

¤ L’adoption de directives telles que la directive cadre de 1975 sur les déchets, la

directive de 1976 sur la qualité des eaux de baignade171, une directive de 1979 sur la

pollution des eaux souterraines172, etc.

La jurisprudence dégage aussi les deux axes de l’intervention communautaire :

a) D’une part, des raisons tenant à la concurrence : "Les considérations de santé

et d'environnement peuvent être de nature à grever les entreprises auxquelles

elles s'appliquent, et faute de rapprochement des dispositions nationales en la

matière, la concurrence pourrait être sensiblement faussée" (C.J.C.E., 18

mars 1980, Commission c. Italie, aff. 91/79 et 92/79).

169 Le Conseil adopte à l'unanimité sur proposition de la Commission toute directive de rapprochement des législations nationales dont les divergences sont sources d'entraves techniques aux échanges et de distorsions de concurrence. 170 "Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le bon fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation de l'Assemblée peut prendre les dispositions appropriées." 171 Directive 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade 172 Directive n° 80/68/CEE du 17 décembre 1979 concern ant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses

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b) D’autre part, des raisons tenant à l’intérêt public au sens large. En effet, la Cour

de justice va dégager l’idée selon laquelle la protection de l'environnement est un

des objectifs essentiels de la Communauté173 qui justifie des restrictions aux

principes fondamentaux du droit communautaire :

- libre exercice du commerce

- libre circulation des marchandises (toutefois, la restriction doit être

proportionnée, voyez CJUE, 21 dec. 2011, Com. C. Autriche, l’interdiction de

circulation de camions pour améliorer la qualité de l’air est incompatible avec la libre

circulation des marchandises).

- libre concurrence.

§ 2 - L'Acte unique européen

Adopté le 7 aout 1986 et entré en vigueur le 1er ju illet 1987, l'Acte unique

européen fait de l'environnement une compétence formelle des autorités

européennes.

L’Acte Unique européen confirme en effet la compétence de la communauté à un

triple titre :

- en tant qu’action communautaire autonome ; (Art. 130 R, S, T)

- en tant que composante obligée des autres politiques (art. 130 R, S, T)

- enfin, en tant que composante du marché intérieur (Art. 100 A)

a) En tant qu’action communautaire autonome

Des objectifs sont édictés, des principes sont énoncés et des critères sont établis,

appelant ainsi l’action de la communauté en matière d’environnement à gagner en

173 C.J.C.E., 7 févr. 1985, Association de Défense de Brûleurs d'Huiles Usagées, aff. 240/83.

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force et en cohérence. Ceux-ci n’ont guère évolué. Nous les examinerons avec le

Traité de Lisbonne.

b) La protection de l’environnement comme composante obligée des

autres politiques menées par la Communauté

La politique de l’environnement ne peut se limiter à une politique de type sectoriel à

l’instar de la politique agricole ou des transports. Elle a au contraire, par sa nature

même, des effets transversaux sur l’ensemble des autres politiques sectorielles

menées par la Communauté.

Ce principe d’intégration de l’article 130 R § 2 souligne ainsi la priorité qui doit être

accordée à la politique de l’environnement dans le cadre des autres politiques

entreprises par la Communauté.

c) En tant que composante du marché intérieur (Art. 100 A)

L’Acte unique européen prévoyait l’établissement progressif d’un marché intérieur se

matérialisant par un espace sans frontières dans lequel la libre circulation des

produits, des personnes, des services et des capitaux serait assurée.

Cela impliquait que les questions de l’environnement soient aussi traitées dans le

cadre de règles relatives à l’établissement et au fonctionnement du marché commun.

L’article 100 A (devenu 95 puis 114) va donc jouer un rôle important dans la mesure

où il s’étend de manière horizontale à l’ensemble des domaines qui concernent le

marché commun, ce qui n’exclut bien évidemment pas la protection de

l’environnement.

En outre, la Commission, dans ses propositions sur le fondement du marché a

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l’obligation de prendre pour base un niveau de protection élevé174.

3 - Le Traité sur l'Union européenne

Adopté à Maastricht le 7 février 1992 et entré en v igueur le 1er novembre

1993, le Traité sur l’Union européenne constitue une nouvelle étape dans le

renforcement des préoccupations relatives à la protection de l’environnement. Même

si les changements apportés par le Traité de Maastricht sont moins spectaculaires

du point de vue de l'environnement que ceux résultant de l'Acte unique, ils n'en sont

pas pour autant négligeables.

Parmi les plus importants retenons que le respect de l’environnement est presque

placé sur un pied d’égalité avec les objectifs économiques classiques poursuivis par

le traité.

En effet, le respect de l’environnement prend place dans les articles du début du

traité décrivant les missions et les objectifs de la Communauté175.

Pour ce qui est du degré de protection, on notera que, désormais, la politique de

l’environnement de la Communauté de l’art. 130 doit, elle aussi, viser un niveau de

protection élevé, ce qui n’était pas le cas que pour les propositions basées sur

l’article 100 A.

Toutefois, cette nouvelle exigence est néanmoins tempérée par la prise en compte

de la “diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté »..

174 « La Commission, dans ses propositions en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs prend pour base un niveau de protection élevé ». 175 En vertu de l’article 2 du traité, la Communauté s’engage à « Promouvoir un développement harmonieux et équilibré des activités économiques sur l'ensemble de son territoire ainsi qu'une croissance durable et non inflationniste respectant l'environnement ». L’art. 3 du traité qui définit les actions de la Communauté, fait désormais expressément référence à “une politique dans le domaine de l’environnement (art. 3, k).

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4 - Le Traité d’Amsterdam

Le Traité d’Amsterdam, adopté le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1er

mai 1999, n’apporte que peu de modifications aux dispositions relatives à

l’environnement. Néanmoins, le Traité confirme très nettement la place qu’entendent

donner les Etats membres aux préoccupations environnementales176.

C’est ainsi qu’est inscrit, à l’article 2 , parmi les missions de la Communauté,

la promotion d’‘un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de

l’environnement”.

De même, un des principes généraux qui figurait dans la politique

environnementale, le principe d’intégration, est rapatrié en tête du Traité, à l’article

6177 .

Il faut aussi tenir compte, depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam,

de la nouvelle numérotation du Traité instituant la Communauté européenne. Les

articles 130R et 130S deviennent respectivement les articles 174 et 175 tandis que

l’article 100A devient l’article 95 . On sait que depuis le 1er décembre 2009, c’est

encore une autre numérotation qui est en vigueur.

5 - Le Traité de Nice

Ce Traité, adopté lors du sommet de Nice en décembre 2000, signé le 26

février 2001 n’apporte pas de modifications majeures en ce qui concerne

l’environnement (encore que le changement procédural de l’article 175 n’est pas

sans conséquence).

176 Ph. RENAUDIERE, L’environnement dans le Traité d’Amsterdam, Amén.-Env., 1998, pp. 191 et s.

177 “Les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l’article 3, en particulier afin de promouvoir le développement durable”.

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Il faut toutefois noter la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de

l’Union européenne (7 décembre 2000) qui précise, en son article 37, que :

“Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa

qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés

conformément au principe de développement durable”.

Il s’agit d’un libellé constituant un “mixte” des articles 2, 6 et 174 du Traité. La

Charte a aujourd’hui la même valeur que les Traités eux-mêmes.

6 - Le Traité de Lisbonne

Signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne et entré en vigueur le 1er décembre

2009, il ne modifie pas fondamentalement les compétences qui nous intéressent,

mais il modifie la numérotation des articles puisque, dorénavant, ce sont les articles

191 à 193 qui règlent la compétence en environnement.

Le droit dérivé européen (les règlements, les directives, …) est, pour l’essentiel,

- pris sur la base de la compétence environnementale proprement dite (art.

192),

- ou en tant que mesure de rapprochement des législations des Etats

membres (art. 114)

- bien qu’il existe d’autres fondements possibles comme politique agricole

par exemple178.

178 ll existe plusieurs fondements possibles pour une intervention de la Communauté

européenne dans le domaine de l’environnement : - Les dispositions spécifiques relatives à l'environnement : les articles 191, 192 et 193 (anciens

174 à 176) - La disposition permettant le rapprochement des législations des Etats membres qui ont pour

objet le fonctionnement du marché intérieur: l'article 114 (ancien 95) - L’article 352 (compétence subsidiaire) (ancien 308 lui-même ancien article 235) qui a servi à

l’époque de fondement à la directive 79/409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

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L’article 2 du traité sur l’Union européenne énonce que L’Union œuvre pour le

développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique

équilibrée, une économie sociale de marché hautement compétitive (…) et un

niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement.

Le principe d’intégration figure à l’article 11 du TFUE : « Les exigences de la

protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en

œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le

développement durable”.

A. Le contenu de la compétence environnementale

L'article 191, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union

européenne énumère les objectifs à poursuivre dans le cadre de la politique de

l'Union européenne dans le domaine de l'environnement.

D'autres dispositions peuvent également fonder directement des actions en faveur de

l’environnement. C’est le cas, par exemple de la politique agricole (art. 43, ancien art. 37) qui fonde les

mesures agro-environnementales. D'autres dispositions du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne peuvent jouer un

rôle indirect important : c’est le cas notamment des limitations à l’importation, l’exportation ou le transit de marchandises pour des raisons tenant notamment à la protection de la santé et de la vie des personnes, des animaux ou de la préservation des végétaux, (article 36 - ancien 30) ou encore la politique commerciale commune (art. 207, ancien art. 133).

Il existe des contestations régulières sur le fondement d’une mesure législative relative à l’environnement (Effectivement, c’est ainsi, par exemple, la Commission a reproché au Parlement européen et au Conseil d’avoir fondé le Règlement (CE) n° 1013/2006 concernant les transferts des déchets uniquement sur l’ancien article 175 (192) et non sur le double fondement des anciens articles 133 (actuel 207) et 175 (actuel 192) (CJCE, 8 septembre 2009, C-411/06, Commission c. Parlement et Conseil qui rejette le recours). Dans une autre affaire, la Commission reprochait au Conseil de n’avoir indiqué aucun fondement à la décision du Conseil sur la position à adopter au nom de la Communauté européenne à la 14ème session de la Conférence des Parties à la Convention CITES (CJCE, 1er octobre 2009, C-370/07, Commission c. Conseil).

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Le premier objectif de la politique de l’Union dans le domaine de

l’environnement est « la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité

de l’environnement » .

Le deuxième objectif est la protection de la santé des personnes 179.

Il existe des directives (ou des actions à entreprendre) qui sont à la limite entre la

protection de l'environnement et celle des consommateurs ou de la santé publique. A

titre d’exemples, l’on peut citer :

• directive sur la qualité de l'eau potable ;

• directive relative à la qualité des eaux de baignade ;

• directive relative à la dissémination volontaire d’OGM.

Et comme, par ailleurs, l'article 168 TFUE concerne spécifiquement la santé publique

et l'article 169 TFUE la protection des consommateurs, la question du fondement

juridique de certaines mesures peut se poser.

La Cour de justice a eu l’occasion de s’exprimer là-dessus dans un arrêt du 21

décembre 2011 (C-28/09). S’interrogeant sur le rapport entre les objectifs de

protection de l’environnement et de protection de la santé (…180) elle souligne que

la protection de la santé des personnes fait partie des objectifs de la politique

environnementale de de la Communauté. « Ces objectifs sont intimement liés l’un à

l’autre, notamment dans le cadre de la lutte contre la pollution de l’air qui a pour

finalité de limiter les dangers pour la santé liés à une dégradation de 179 On notera que, dans le cadre des politiques de santé, l’Union complète les politiques des Etats membres alors qu’en environnement, elle dispose d’une compétence partagée (art. 4). 180 Il convient de rappeler que la protection de la santé et celle de l’environnement constituent des objectifs essentiels de l’Union. En ce sens, l’article 2 CE énonce que la Communauté a notamment pour mission de promouvoir un «niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement» et l’article 3, paragraphe 1, sous p), CE dispose que l’action de la Communauté comporte une contribution à la réalisation d’«un niveau élevé de protection de la santé» . 121 En outre, aux termes des articles 6 CE et 152, paragraphe 1, CE, les exigences de protection de l’environnement et de la santé publique doivent être prises en compte dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de la Communauté. Le caractère transversal et fondamental desdits objectifs est, par ailleurs, réaffirmé respectivement aux articles 37 et 35 de la charte.

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l’environnement. L’objectif de la protection de la santé se trouve a insi déjà, en

principe, englobé dans l’objectif de protection de l’environnement 181.

Le troisième objectif est l'utilisation prudente et rationnelle des ressources

naturelles.

La notion de "ressources naturelles" n'est pas définie par le Traité.

Cela peut couvrir :

- les espèces de faune et flore en particulier le bois,

- l'eau, le pétrole, le gaz, les minerais, etc.

C'est l'idée du développement durable.

Le quatrième objectif mentionné par l'article 191, est "la promotion sur le plan

international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou

planétaires de l'environnement". Le Traité de Lisbonne y a ajouté « « et en particulier

la lutte contre le changement climatique ».

L'Union européenne a la compétence pour agir au niveau international. L’article 191,

§ 4, mentionne d’ailleurs spécifiquement la coopération de l’Union et des Etats

membres avec les pays tiers et les organisations internationales.

L'Union européenne montre souvent l'exemple en étant co-signataire de conventions

internationales (ex. Bâle (déchets), Lugano (responsabilité environnementale),

Espoo (information en environnement), Aarhus (information, participation, accès à la

justice).

B- Les critères et les conséquences du choix du fo ndement

181 § 122.

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* La compétence environnementale (art. 192) est surtout utilisée pour les dispositions

environnementales destinées aux installations industrielles et/ou lorsque les objectifs

des mesures doivent servir à titre principal la protection de l'environnement.

* La compétence marché intérieur (art. 114) sert de fondement aux dispositions

environnementales relatives aux produits et lorsque les considérations économiques

sont à l'avant-plan (élimination des distorsions de la concurrence dans le marché

intérieur).

Le règlement n° 1907/2006 du 18 décembre 2006, conc ernant l’enregistrement,

l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions

applicables à ces substances (REACH), a été adopté sur le fondement de l’article 95

devenu 114 (le marché intérieur)

Il est important de souligner que le choix du fondement n’est pas libre et qu’il arrive

que ce choix soit contesté devant la Cour de justice182. Cela s’explique, comme

nous allons le voir ci-après, par le fait que le fondement n’est pas sans

conséquences.

Conséquences du choix du fondement

Il existe deux conséquences au choix du fondement :

- des conséquences sur la marge de manœuvre des Etats membres et

- des conséquences dans le processus décisionnel.

• Conséquences sur la marge de manœuvre des Etats membres

182 Ainsi, le fondement juridique peut aussi être un motif de contestation quant au partage des compétences au sein même des instances européennes. Ceci fut illustré en son temps par la compétence exercée par le Conseil par l’adoption de sa décision-cadre 2005/667/JAI visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires, décision annulée par la Cour de justice (CJCE, 23 octobre 2007, C-440/05, Commission c. Conseil.)

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Les mesures adoptées sur la base de la politique environnementale (art 192)

constituent des normes minimales.

Cela signifie que les Etats membres peuvent adopter des normes nationales plus

sévères. La question s’est posée car l’Italie avait interdit d’implanter des éoliennes -

non destinées à l’autoconsommation- dans les zones Natura 2000183, en

contradiction, disait les exploitants d’éolienne, avec les directives relatives à la

promotion de l’énergie renouvelable (CJUE 21 juil. 2011). La règlementation est

validée par la Cour car la directive 92/43, dite « habitats » a été adoptée sur le

fondement de la politique environnementale.

Selon l’ancien article 176 (devenu 193) , Les mesures de protection arrêtées en vertu

de l'article 175 (192) ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement, par

chaque État membre, de mesures de protection renforcées. Ces mesures doivent

être compatibles avec le présent traité. Elles sont notifiées à la Commission.

Si les Etats doivent informer la Commission lorsqu’ils adoptent des normes plus

sévères, l’absence de notification n’est aucunement sanctionnée.

Par exemple, l’Etat français n’avait pas notifié le décret du 13 aout 2005 créant la

rubrique 1332 de la nomenclature des ICPE, relatif au stockage des engrais, plus

sévère que la directive Seveso. L’union des industries de la fertilisation contestait le

décret car il était selon elle susceptible de nuire à la compétitivité de la France. Le

Conseil d’Etat a rejeté la requête :

« Considérant qu'en soumettant à la rubrique 1332 (…) les produits (…), le décret a

ainsi établi une mesure de protection renforcée, au sens de l'article 175 184 du traité

instituant la Communauté européenne, repris à l'article 193 du traité sur le

fonctionnement de l'Union européenne, compatible avec les traités ;

183 voyez CJUE, 21 juillet 2011, C-2/10, Azienda Agro-Zootecnica Franchini Sarl et Eolica di Altamura Srl c. la Région des Pouilles Obs. F. Haumont et P. Steichen).Etudes foncières, novembre-décembre 2011, n° 154, p. 58. Il s’agissait d’interdire les éoliennes –non destinées à l’autoconsommation- dans les zones Natura 2000. 184 Art. 176 (ex-article 130 T) Les mesures de protection arrêtées en vertu de l'article 175 ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées. Ces mesures doivent être compatibles avec le présent traité. Elles sont notifiées à la Commission.

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que, si cet article impose aux États membres l'obligation de communiquer à la

Commission les mesures de protection renforcées qu'ils entendent maintenir ou

établir en matière d'environnement, il ne subordonne pas, ainsi que l'a jugé la Cour

de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-2/10 du 21 juillet 2011, la mise en

oeuvre des mesures envisagées à l'accord ou à la non-opposition de la Commission

; que, par suite, l'absence de notification de la mesure de protection renforcée ainsi

édictée avant l'intervention du décret attaqué n'est pas de nature à l'entacher

d'illégalité » . (Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/02/2012, n°

331885)

En revanche, les mesures adoptées sur la base du rapprochement des législations

des Etats membres (art. 114) sont des normes maximales (rapprochement des

marchés ; élimination des distorsions de la concurrence). Cela implique que les Etats

ne peuvent en principe adopter des normes internes plus sévères.

Ils peuvent néanmoins maintenir des normes plus sévères préexistantes pour autant

qu’ils notifient à la Commission les raisons de leur maintien (art. 114, § 4). Il

appartient à la Commission de décider d’autoriser ou non un Etat à maintenir des

dispositions nationales dérogeant à une mesure d’harmonisation (art. 114, § 6).

Mais un Etat peut aussi estimer nécessaire d’introduire des dispositions nationales

nouvelles qui contreviennent aux mesures d’harmonisation. Celles-ci doivent être

basées sur des preuves scientifiques nouvelles relatives notamment à la protection

de l’environnement en raison d’un problème spécifique de cet Etat membre qui surgit

après l’adoption de la mesure d’harmonisation.

L’Etat notifie à la Commission les mesures envisagées ainsi que les raisons de leur

adoption (art. 114, § 5). De nouveau, il appartient à la Commission d’autoriser ou non

l’Etat à adopter de telles mesures (§ 6).

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La Cour de justice a rendu quelques arrêts à ce propos car un Etat membre peut

toujours contester la position de la Commission185. On peut citer notamment un arrêt

du 6 novembre 2008 par lequel la Cour de justice a annulé la décision de la

Commission qui avait refusé aux Pays-Bas le droit d’adopter une norme nationale

plus sévère concernant les limites des émissions de particules pour des véhicules

diesel186

Si la Commission autorise un Etat à maintenir ou à adopter des dispositions

dérogatoires, elle examine immédiatement s’il est opportun de proposer aux autres

Etats membres une adaptation de la mesure d’harmonisation à laquelle il est dérogé

(§ 7).

Conséquences au niveau de la procédure d'adoption d es textes

Avant l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, le fondement juridique187 avait des

conséquences importantes sur la procédure d’adoption des textes car elle n’était pas

la même selon que l’on se basait sur le marché intérieur ou sur la politique

environnementale proprement dite188.

185 CJCE, 21 janvier 2003, C-512/99, Allemagne c. Commission : l’Allemagne demandait l’annulation de la décision de la Commission refusant que le droit allemand déroge à la directive 97/69/CE en adoptant des règles plus strictes de protection quant à la classification et l’étiquetage des FMA (fibres minérales artificielles – ‘laine de verre’) ; sa requête fut rejetée. TICE, 5 octobre 2005, T-366/03 et T-235/04, Land Oberösterreich et Autriche c. Commission qui rejette la demande du Land Oberösterreich de pouvoir interdire la dissémination d’O.G.M. (semences et plantes composées d’O.G.M. ou en contenant ainsi que l’élevage et l’introduction dans l’environnement, en vue de la chasse ou de la pêche, d’animaux transgéniques), confirmé par CJCE, 13 septembre 2007, C-439/05 et C/454/05. 186 La Cour annule la décision de la Commission refusant aux Pays-Bas le droit d’adopter une norme nationale plus sévère en ce qui concerne les limites d’émission de particules par des véhicules à moteur diesel (TPI, 27 juin 2007, Pays-Bas/Commission (T-182/06, Rec. p. II-1983) infirmé par CJCE, 6 novembre 2008, C-405/07, Pays-Bas c. Commission), 187 anciens articles 100A ou 130S 188 En effet, le fondement de l’article 100 A ancien impliquait une co-décision du Parlement et du Conseil (à la majorité qualifiée de ce dernier) tandis que le fondement de l’article 130S ancien (actuel 192) supposait une décision prise par le Conseil selon la procédure de coopération.

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102

Aujourd’hui, à quelques exceptions près, la procédure est désormais celle de la co-

décision tant pour le rapprochement des législations (art. 114) que pour la politique

environnementale (art. 192).

Pour les politiques environnementales, on notera tout de même l’obligation pour le

Conseil, dans certains cas particuliers, de statuer à l’unanimité. Ces cas sont

énumérés à l’article 192, § 2.

- des dispositions essentiellement de nature fiscale;

- les mesures affectant :

* l'aménagement du territoire;

* la gestion quantitative des ressources hydrauliques ou touchant directement

ou indirectement la disponibilité desdites ressources;

*l'affectation des sols, à l'exception de la gestion des déchets ;

- des mesures affectant sensiblement le choix d'un État membre entre différentes

sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique.

Depuis le traité de Lisbonne, il est possible, dans certaines conditions, de revenir à la

procédure ordinaire pour ces domaines de compétence (art 192, § 2, dernier alinéa).

Section 2 - Le droit dérivé

§ 1 – Les outils non contraignants

Il s’agit essentiellement des programmes d’action et des stratégies de

développement durable.

A – Les programmes d’action

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103

Les programmes d’action déterminent les grandes orientations communautaires en

matière d’environnement. Par ces programmes, les institutions font part de leur

volonté d’atteindre des objectifs précis. Ils n’ont aucune force contraignante.

Le premier programme a été élaboré en 1976.

Le 7ème programme d’action189 qui couvre la période 2012-2020 et qui s’intitule

« Bien vivre dans les limites de notre planète » a été publié le 29 novembre

2012190.

189 • Le 5ème programme d’action a couvert la période de 1992 à 2000. L’objectif du 5ème programme d’action était de transformer le modèle de croissance de la Communauté de façon à promouvoir un développement durable. Pour remédier aux problèmes de pollution, le 5ème programme d’action s’est efforcé de promouvoir une nouvelle approche de la politique environnementale reposant sur un certain nombre de principes parmi lesquels : - la volonté de favoriser les changements de comportement dans la société par un engagement de tous les acteurs concernés (pouvoirs publics, citoyens, consommateurs, entreprises) - l’établissement d’un partage des responsabilités ; - l’utilisation de nouveaux instruments. Cela signifie qu’au delà des instruments réglementaires classiques, la communauté entend encourager le recours à d’autres instruments tels que les instruments économiques, l’information du public, la formation professionnelle, l’amélioration des statistiques et des mécanismes de soutien financier. • Le 6ème programme d’action intitulé “Environnement 2010 : notre avenir notre choix » couvrait la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2012. Ce 6ème programme d’action a remplacé l’approche strictement législative par une approche stratégique articulée autour de 5 axes prioritaires : 1- l’amélioration de la mise en oeuvre de la législation en vigueur (pas plus de droit mais un droit mieux appliqué) . 2- l’intégration de l’environnement dans d’autres politiques 3 - La collaboration avec le marché Celle-ci pourrait s’articuler autour : - d’une mise en oeuvre plus large du système de management environnemental; - de l’encouragement des entreprises à publier les performances environnementales ; - de l’introduction de systèmes de récompense pour les entreprises respectueuses de l’environnement ; - de l’encouragement des accords volontaires ; - de l’établissement d’une politique intégrée des produits (c’est-à-dire de produits qui intègrent la protection de l’environnement dès leur conception) ; - de l’utilisation du label écologique ; - de la promotion d’une politique d’achats publics respectueuse de l’environnement ;

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Il vise à :

- constituer un cadre global pour la politique environnementale des dix prochaines

années avec une vision à long terme.

- fixer des objectifs chiffrés pour tous les secteurs de l’environnement ;

- établir des liens clairs avec les autres stratégies européennes telles que le paquet

climat /énergie de l’Union191 par exemple.

Sans entrer dans le détail, on peut énoncer les grands objectifs de ce 7ème programme d’action :

1°) Protéger et améliorer le capital naturel de l’U nion.

Il s’agit ici de protéger les écosystèmes fournissant des biens et des services

essentiels, en lien notamment avec :

* la stratégie de l’UE en matière de biodiversité à l’horizon 2020 du 8

sept. 2011192.

2°) Promouvoir une économie verte et compétitive, à faible émission de

carbone

- de l’adoption de la législation sur la responsabilité environnementale. 4 - L’implication et la modification des comportements des citoyens Les actions suivantes sont suggérées : - aider les citoyens à mesurer et améliorer leur performance environnementale (ce qui pourrait être très utile en matière de déchets) - leur offrir plus d’information de qualité relative à l’environnement. 5 - La prise en compte de l’environnement dans les décisions relatives la gestion et à l’aménagement du territoire Les actions suivantes sont notamment - publier une communication sur l’importance de l’intégration de l’environnement dans la gestion et l’aménagement du territoire - améliorer la mise en œuvre de la directive sur l’évaluation des incidences Le sixième programme d’action s’est concentré sur certains domaines d’action prioritaires . Parmi eux figure le changement climatique, la diversité biologique, l’environnement et la santé, l’utilisation durable des ressources naturelles et la gestion des déchets. 190 (COM 2012/710 final). 191 Règlement n° 443/2009, directive 2009/28 et direct ive 2009/31, décision 406/2009 192 COM(2011) 244 du 8 septembre 2011 Stratégie de l’Union en faveur de la biodiversité à l’horizon 2020.

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L’innovation et surtout l’éco-innovation, portée par les entreprises, doit contribuer à la

relancer la croissance et l’emploi.

Il s’agit de renforcer l’économie européenne dans le cadre de la stratégie Europe

2020193 en lien194,

- d’une part, avec la feuille de route vers une économie à faible intensité de

carbone à l’horizon 2050195,

- et, d’autre part, avec la feuille de route pour une Europe efficace dans

l’utilisation des ressources196 , qui sont des composantes essentielles de cette

initiative.

3°) Protéger les citoyens de l’Union contre les pre ssions et les risques pour la

santé et le bien-être liés à l’environnement

L’eau, la pollution de l’air et les produits chimiques demeurent l’une des principales

préoccupations environnementale du public dans l’UE. L’OMS estime que les

facteurs de stress environnementaux sont responsables de nombreux décès en

Europe. D’après l’OCDE, la pollution atmosphérique est appelée à devenir la

première cause de mortalité d’ici 2050197.

193 COM (2010) 2020. Les grands axes de la stratégie sont la promotion des industries sobres en carbone, l'investissement dans le développement de nouveaux produits, l'exploitation des possibilités de l'économie numérique et la modernisation de l'éducation et de la formation 194 L'Union a également fixé 5 objectifs liés entre eux pour guider et orienter les progrès : ■remonter le taux d'emploi à au moins 75 % contre 69 % aujourd'hui ; ■consacrer 3 % du produit intérieur brut à la recherche et au développement, au lieu des 2 % actuels, qui laissent l'Union loin derrière les Etats-Unis et le Japon ; ■réaffirmer les objectifs de l'Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique (dits "20/20/20"), qui sont déjà parmi les plus ambitieux du monde ; ■proposer de réduire le taux de pauvreté de 25 %, ce qui reviendrait à faire sortir 20 millions de personnes de la pauvreté ; ■améliorer les niveaux d'éducation en réduisant le taux d'abandon scolaire à 10 % et en portant à 40 % la proportion des personnes de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur ou atteint un niveau d'études équivalent. 195 COM(2011) 112 du 11 mai 2011 196 COM(2011) 571 197 OCDE Perspectives de l’OCDE à l’horizon 2050

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4°) Tirer le meilleur profit de la législation de l ’Union dans le domaine de

l’environnement en améliorant sa mise en œuvre

La Commission observe que les coûts liés à l’absence de mise en œuvre de la

législation sont élevés, de l’ordre de 50 milliards par an incluant notamment les frais

relatifs aux procédures d’infractions.

L’idée est donc de renforcer le respect de la législation environnementale par des

procédures de diffusion de l’information et de contrôle notamment.

5°) Améliorer la base de connaissances et de donnée s étayant la politique de

l’environnement.

Il convient d’améliorer l’interface entre science et politique, de renforcer la collecte de

l’information et aussi le partage de l’information. Cela intègre des initiatives du type

« une Union de l’innovation »198.

6°) Garantir la réalisation d’investissements à l’a ppui des politiques

environnementales et de lutte contre le changement climatique

Il faut notamment encourager les entreprises et spécialement les PME à investir

dans l’économie verte.

7°) Améliorer l’intégration de la dimension environ nementale et la cohérence

des politiques

8°) Renforcer le caractère durable des villes de l’ UE

9°) Accroitre l’efficacité de l’Union dans la lutte contre les problèmes qui se

posent au niveau international dans le domaine de l ’environnement et du

climat

B - La stratégie du développement durable

198 COM(2010) 546

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A côté des programmes d’action, l'Union européenne a établi une stratégie de

développement durable afin d'améliorer à long terme le bien-être et les conditions de

vie des générations présentes et à venir.

Le développement durable conduit à envisager la croissance autrement, en ne

négligeant pas non plus la dimension sociale. Cela signifie qu’il ne faut pas léguer

un tissu social déchiré sous l’effet de politiques économiques qui auraient accentué

les inégalités.

C’est en 2001 que le Conseil européen réuni à Göteborg a adopté la première

stratégie de l'UE en faveur du développement durable (SDD)199.

Le 26 juin 2006, le Conseil européen200 a adopté une nouvelle sur le développement

durable en s'appuyant

- d’une part sur la stratégie adoptée en 2001 ;

- et, d’autre part, sur une Communication de la Commission «sur l'examen de la stratégie en

faveur du développement durable: une plate-forme d'action» du 13 décembre 2005201.

199 Communication de la Commission, du 15 mai 2001, développement durable en Europe pour un monde meilleur: stratégie de l'Union européenne en faveur du développement durable (Proposition de la Commission en vue du Conseil européen de Göteborg) [COM(2001) 264 - Non publié au Journal officiel].

Communication de la Commission, du 13 décembre 2005, sur la révision de la stratégie pour le développement durable - Une plate-forme pour l'action [COM(2005) 658 - Non publiée au Journal officiel].

200 (Stratégie de l'UE : DOC 10117/06)

201 Communication de la Commission, du 9 février 2005, intitulée « Examen de la stratégie de l'Union européenne en faveur du développement durable pour 2005 : premier bilan et orientations futures » [COM(2005) 37 - Non publiée au Journal officiel].

La Commission dresse le bilan des progrès accomplis depuis 2001, même s'il n'y a pas de résultats à escompter dans l'immédiat. Elle affirme cependant que les efforts doivent être poursuivis, que ce soit au niveau de l'élaboration des politiques ou au niveau de la lutte contre les six tendances non durables identifiées par la stratégie. La Commission présente également les orientations futures qui devraient guider la révision de la stratégie :

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108

Le document définit la manière dont l'UE entend relever les défis du développement

durable. L'objectif général de la nouvelle SDD est notamment d'améliorer la qualité

de la vie des générations présentes et futures, de gérer les ressources de manière

efficace et de renforcer le potentiel d’innovation écologique et sociale202 . Mais l’idée

était surtout de proposer un cadre standardisé pour la déclinaison, par chacun des

Etats, de leur propre stratégie.

§ 2 – Les actes juridiques contraignants

Il y a deux types d’actes juridiques pour la mise en œuvre du droit de l’UE, le

règlement et la directive.

Le règlement est directement applicable dans l’ordre juridique interne, c’est ce qui le

distingue de la directive.

En matière environnementale, ce n’est pas l’instrument privilégié.

On peut citer néanmoins :

• réaffirmer les principes de base de la stratégie (stratégie basée sur trois piliers, action à la fois

interne et externe à l'UE) ; • réaffirmer la nouvelle approche en matière d'élaboration et de cohérence des politiques

(évaluation d'impact, consultation des parties prenantes, simplification de la réglementation, instruments basés sur le marché) ;

• poursuivre l'action sur les principales tendances non durables (évaluation de ces tendances et de leurs liens) ;

• fixer de nouveaux objectifs prioritaires assortis d'échéances intermédiaires permettant d'en mesurer les progrès ;

• renforcer le suivi de la stratégie ; • renforcer l'appropriation de la stratégie (sensibilisation et mobilisation) et améliorer la

coopération avec les acteurs publics et privés.

202 L'objectif général de la nouvelle SDD est « de renforcer des actions permettant à l'UE d'améliorer la qualité de la vie des générations présentes et futures, en créant des communautés durables, capables de gérer et d'utiliser les ressources de manière efficace et d'exploiter le potentiel d'innovation écologique et sociale de l'économie, en garantissant la prospérité, la protection de l'environnement et la cohésion sociale ».

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- le règlement 1221/2009 du 25 novembre 2009 concernant la participation volontaire

des organisations à un système communautaire de management environnemental et

d’audit (EMAS)

- ou encore le règlement 1013/2006 du 14 juin 2006 concernant les transferts de

déchets.

On peut encore citer l’existence du règlement REACH n° 1907/2006 du 18 décembre

2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances

chimiques, qui renforce, depuis le 1er juin 2007, le cadre règlementaire de l’Union sur

les produits chimiques203. Sa base juridique est celle de l’harmonisation des

législations des Etats membres. Ses objectifs sont néanmoins de mieux protéger la

santé et l’environnement, de mieux informer les utilisateurs sur la sécurité des

produits, et d’inciter les industriels à remplacer les substances dangereuses par des

produits alternatifs.

Conformément à REACH, les entreprises doivent fournir des données de sureté

sanitaire et environnementale sur toutes les substances qu’elles produisent ou

importent à raison de plus d’une tonne par an.

Les substances susceptibles de provoquer un cancer, d’entrainer des effets

mutagènes, de perturber la reproduction ou le système hormonal, celles qui ne

peuvent être décomposées par la nature et s’accumulent dans l’organisme sont

qualifiées de « substances extrêmement préoccupantes » et sont soumises à

autorisation

Cela étant, incontestablement, la directive est l’acte législatif privilégié dans l’action

de l’Union européenne.

La directive, on le sait, est un mode de législation indirecte qui laisse aux Etats

membres une certaine marge de manœuvre. Il est évident que celle-ci est fonction

de la précision de la directive :

203 Sa base juridique est celle de l’harmonisation des législations des Etats membres.

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110

o lorsque la directive est très précise - ce qui est le cas lorsqu'elle impose, par

exemple, le respect d'une norme chiffrée, la marge de manœuvre est faible.

o lorsque la directive est moins précise, il peut alors exister des différences

relativement importantes entre les 27 législations nationales.

La transposition des directives est à l’origine d’un contentieux important porté devant

la Cour de justice. En effet tout manquement dans la transposition d’une directive

peut entraîner la condamnation de l’Etat membre défaillant.

A - Les modalités de transposition

Il existe quelques règles simples qui ne doivent pas être perdues de vue :

La transposition doit se faire formellement :

o dans le délai imparti par la directive.

o pas par un simple recopiage, il faut réellement légiférer ou réglementer.

o si la législation ou la réglementation préexiste et donne pleinement

satisfaction - en d'autres termes, la transposition formelle n'ajouterait rien -,

l’Etat membre peut se dispenser d’adopter une législation de transposition.

o la pratique administrative ou même une circulaire ministérielle ne suffit pas

pour remplir cette obligation de transposition (notamment parce que la

pratique administrative peut être réversible).

B - L'effet direct d'une directive 204

La question de la possibilité de donner directement effet à des dispositions

d’une directive se pose lorsque l'Etat membre concerné n'a pas encore formellement

204 Sur cette question, voy. B. Jadot, “L’effet direct des directives en matière de protection de l’environnement”, in Droit de l’environnement. Développements récents, Ière partie, Ed. Story-Scientia, Bruxelles, 1989, pp. 245 et s.

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111

transposé la directive. Il peut s’agir de dispositions qui interdisent de manière

absolue de chasser telle espèce d'oiseau sauvage, de rejeter dans les eaux telles

substances ou qui imposent une évaluation environnementale.

A certaines conditions, une directive peut avoir un effet direct et s’assimiler à une

disposition du droit national.

Ces conditions sont les suivantes :

La disposition de la directive doit être claire, précise et inconditionnelle (ex. La

protection de telle espèce menacée),

A cette condition, l’effet direct peut être invoqué :

- par un particulier ;

- à l'encontre d'une disposition ou une décision de droit interne,

- comme moyen de défense

- contre un pouvoir public

Cela implique qu’une directive ne peut pas être invoquée par un pouvoir public

contre un particulier, ni invoquée de particulier à particulier, ni de pouvoir public à

pouvoir public.

Cet effet direct n’a aucune répercussion sur l'obligation de l’Etat concerné de

transposer la directive.

Cet effet direct est reconnu aussi bien par la Cour de justice de l’Union

européenne que par les juridictions nationales.

A titre d’exemples, l’on peut citer un arrêt de la Cour de justice qui a dit que

certaines dispositions de la directive 96/62/CE sur la qualité de l’air ambiant avait un

effet direct : les citoyens ont le droit de demander, sur cette base, un plan d’action

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112

pour réduire la pollution atmosphérique (CJCE, 25 juillet 2008, C-237/07, Janecek c.

Freistaat Bayern ; voyez également CJUE, 26 mai 2011, C-165/09 à 167/09,

Stichting Natuur en Milieu et a.).

Si une directive répond aux conditions de l’effet direct, elle peut être invoquée à des

fins de substitution. L’”invocabilité de substitution” désigne la faculté pour une partie

de se prévaloir d’une directive, devant le juge national, en lieu et place d’un texte

national inexistant ou non conforme à la directive, afin d’obtenir le bénéfice d’un droit

institué par cette dernière.

C - L’effet d’une directive non transposée qui n’a pas d’effet direct 205

Lorsqu’une directive n’a pas d’effet direct, la question se pose de savoir par

quels moyens il est possible d’assurer la prévalence de la règle de droit

communautaire.

La Cour de Justice de l’Union européenne a dégagé quelques principes pour

donner malgré tout un effet à la directive:

o “l’invocabilité d’interprétation conforme” : face à l’absence de transposition

d’une directive, si la loi nationale laisse une marge d’appréciation, cette loi doit

être interprétée et appliquée de manière conforme aux exigences de la

directive non transposée (C.J.C.E., 10 avril 1984, Von Colson et Kamann);

o “l’invocabilité de réparation” : une partie lésée par la non transposition d’une

directive a le droit de poursuivre l’Etat en responsabilité devant les juridictions

nationales (C.J.C.E., 19 nov. 1991, C-6/90 et C-9/90, Francovich et consorts);

205 J. SAMBON, “L’invocabilité des directives communautaires dans le contentieux objectif : l’exemple de la directive 85/337/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l’environnement”, obs. sous C.J.C.E., 19 septembre 2000, C-287-98, Linster et crts, Amén.-Env. 2001, pp. 43 et s. et les larges extraits reproduits des conclusions de l’avocat général Ph. LEGER.

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o “l’invocabilité d’exclusion” : le juge national doit exercer un contrôle de

conformité du droit interne avec le droit communautaire applicable,

susceptible de déboucher sur l’invalidation de la règle nationale (C.J.C.E., 19

sept. 2000, C-287/98, Linster et crts à propos de la directive 85/337 relative à

l’évaluation des incidences sur l’environnement).

D - Les obligations au-delà de la transposition for melle

La question qui peut se poser à la lecture d’une directive est celle de savoir si

le seul fait d’avoir transposé correctement une directive en droit interne suffit à

dégager toute responsabilité d’un Etat membre. C’est notamment le cas lorsqu’une

situation contraire au Traité ou à une directive, ne réside pas directement dans un

acte ou une abstention de l’Etat membre, mais dans celui d’un opérateur privé.

La réponse à cette question est fonction de la nature des obligations inscrites

dans une directive. S’il s’agit d’obligations de résultats et pas seulement d’obligations

de moyens, un Etat ne pourra pas se contenter de transposer dans une

réglementation interne ces obligations, il devra veiller à ce que, sur le terrain, les

résultats soient atteints ou, en tout cas, devra prendre toutes les mesures

nécessaires pour obtenir ce résultat.

Lorsque, comme c’est le cas, par exemple, en matière de qualité des eaux de

baignade (directive 76/160/CEE du 8 décembre 1975), des valeurs limites devaient

être respectées dans les 10 ans de l’entrée en vigueur de la directive, si elles ne sont

pas atteintes, il y a manquement dans le chef de l’Etat membre sauf s’il prouve

l’impossibilité de respecter cette obligation (CJCE, 13 nov. 2001, Commission c/

Royaume Uni).

C’est le cas également et par exemple en matière de rejet dans l’atmosphère

en provenance d’incinérateurs de déchets ménagers (CJCE, 18 juin 2002, C-60/01,

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Commission c/France; CJCE, 11 juillet 2002, C-139/00, Commission c/ Espagne) ou

dans le domaine de la protection des habitats et des espèces (CJCE, 30 janvier

2002, C-103/00, Commission c/ Grèce à propos de la tortue Caretta caretta ; CJCE,

27 octobre 2005, C-166/04, Commission c. Grèce à propos de la protection de la

lagune de Messolongi).

La Commission a annoncé qu’elle examinera, à partir de 2010, l’effectivité des

mesures de protection adoptées par les Etats membres dans les sites Natura 2000.

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Chapitre 3 : LES SOURCES DE DROIT INTERNE

Section 1 – Les grandes orientations de la politiqu e française ou les sources

de droit souples

Les grandes orientations de la politique française se construisent d’abord autour du

droit souple ou mou.

Le Conseil d’Etat, qui a consacré son étude annuelle en 2013 au droit souple206, en a

proposé une définition207.

Le droit souple serait composé d’instruments qui répondent à trois conditions

cumulatives :

- ils ont pour objet d’orienter les comportements de leurs destinataires en

suscitant, si possible, leur adhésion ;

- ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations ;

- ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de

formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit208.

206 Son action traduit une double ambition : - D’une part, il entend contribuer à la prise de conscience de la production et de l’utilisation croissantes du droit souple tant par les acteurs publics que par les entreprises en France et dans le monde. D’autre part, il se propose d’examiner le développement concret du phénomène 207 Pour Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, « il n’existe aucune contradiction entre la reconnaissance du droit souple ainsi que son expansion et une meilleure qualité du droit. En donnant un plus grand pouvoir d’initiative aux acteurs, et au-delà plus de responsabilités, le droit souple contribue à oxygéner notre ordre juridique. Par un emploi raisonné, il peut pleinement contribuer à la politique de simplification des normes et à la qualité de la réglementation. » 208 Le Conseil d’État formule 25 propositions pour un emploi raisonné du droit souple. Ces propositions visent notamment à : - Analyser l’opportunité du recours au droit souple en fonction d’un faisceau de critères, organisé en trois « tests » cumulatifs : le test d’utilité, le test d’effectivité et le test de légitimité. - Favoriser la rédaction de textes législatifs et réglementaires plus brefs en ménageant la possibilité pour les autorités chargées de leur application de préciser leur portée par voie de lignes directrices ou de recommandations - renvoyant explicitement au droit souple, par exemple à des normes techniques, le soin d’assurer leur mise en oeuvre.

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§ 1 - La stratégie nationale de développement durab le

C’est un Comité interministériel du développement durable209, avec l’aide d’un

Conseil national de développement durable210, qui a défini, en juin 2003, une

première « Stratégie Nationale de développement durable » 211 qui s’étalait sur la

période 2003-2006 et qui s’articulait initialement autour de 7 axes stratégiques et de

10 programmes d’action.

Cette stratégie a été révisée en 2006 afin de s’intégrer pleinement dans le projet

européen212 puis en 2010, pour couvrir la période 2010-2013 213.

- Assurer la publication des instruments de droit souple émis par les pouvoirs publics, notamment par la voie d’internet. - Faire évoluer le processus d’élaboration du code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées : - Doter l’État d’une capacité de veille stratégique sur le droit souple des acteurs privés, en s’appuyant sur un réseau des administrations les plus concernées. 209 Un décret n° 2003-145 du 21 février 2003, codifié aux articles D. 134-8 à D 134-10, a créé le « Comité interministériel pour le développement durable » avec notamment pour mission d’élaborer notre stratégie nationale de développement durable. Le comité interministériel pour le développement durable (CIDD) se substitue à trois instances existantes : le comité interministériel de l’environnement (CIEN), la commission interministérielle de lutte contre l’effet de serre (CIES) et le comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs (CIPRNM). 210 Pour l’aider dans cette mission, un « Conseil National de Développement Durable » a également été créé en janvier 2003 avec pour mission de réunir les représentants de la société civile (par le biais d’associations telles que Greenpeace, l’Union fédérale des consommateurs ou la plateforme pour le commerce équitable) et des collectivités territoriales afin de les associer à l’élaboration des politiques de développement durable et à leur mise en œuvre. Le CNDD a notamment une fonction de consultation et de proposition tout au long du processus d’élaboration de la stratégie nationale de développement durable 211 http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/sndd-2.pdf

212 Cela s’est traduit par une nouvelle présentation de la SNDD 2003-2008, conforme au plan de la Stratégie européenne visant à faciliter une lecture comparée des réponses apportées par les différents gouvernements à chacun des 7 enjeux européens. Pour conforter la cohérence de la Stratégie nationale de développement durable (SNDD) avec la Stratégie européenne de Développement Durable (SEDD), les indicateurs de développement durable seront ceux retenus au niveau européen, à savoir : 1 Taux de croissance du PIB par habitant 2 Émissions totales de gaz à effet de serre 3 Part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie primaire 4 Consommation d'énergie des transports et PIB 5 Productivité des ressources 6 Indice d’abondance des populations d’oiseaux communs 7 Part des captures en fonction de l’état des stocks halieutiques 8 Espérance de vie et espérance de vie en bonne santé à la naissance 9 Taux de risque de pauvreté après transferts sociaux 10 Taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans

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Il s’agissait alors de relever un certain nombre de défis :

- la consommation et la production durable214.

- la société de la connaissance215 avec l’éducation au développement durable par ex

- la gouvernance216 incluant la participation des acteurs dans la prise de décisions

11 Aide publique au développement

213 Elle prend acte d’une double crise : - rise économique d’abord, qui remet peu à peu en cause notre modèle de développement, et qui pose surtout la question de la régulation des marchés financiers. - Crise écologique ensuite avec les rapports du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui annonce une augmentation de la température de 2 à 3 ° dans les cinquante prochaines années. D’où le constat que la stratégie française doit inclure la question de la soutenabilité des finances publiques : « La dérive des finances publiques, écrit-on, pourrait constituer un handicap majeur pour les générations futures ». La stratégie se veut plus accessible, un effort de communication est fait. Celle-ci est articulée en 8 défis qui recouvrent les préoccupations de la stratégie communautaire. Chaque défi est scindé en trois parties - contextes et enjeux - nos choix stratégiques - nos leviers d’action 214 Contexte et enjeux Le constat est que notre société se caractérise par une consommation de plus en plus intense de biens et de services, alliée à des durées de vie des produits de plus en plus courte. Dans ce contexte, l’enjeu est d’orienter les modes de production vers une économie plus durable qui limite ses impacts sur l’environnement. Les choix stratégiques - développer l’information sur les qualités écologiques et sociales des produits - rendre accessible au plus grand nombre les produits et services plus durables (coups de pouce fiscaux…) - soutenir l’économie verte et l’innovation des entreprises - développer une production agroalimentaire durable Ces choix s’accompagnent d’objectifs chiffrés. Les levers d’action Il s’agit par exemple - d’encourager les entreprises à s’engager dans une démarche de responsabilité sociale avancée - de soutenir l’accès à une alimentation sûre et équilibrée - réduire la production des déchets et améliorer des taux de recyclage 215 Il s’agit notamment de promouvoir la formation et l’éducation au développement durable, dans les écoles, les universités mais aussi de promouvoir la recherche en matière de technologies propres. 216 La gouvernance, dit la SNDD, c’est avant tout « une façon différente de prendre des décisions, avec une multiplication des lieux de décision et des acteurs associés ». Une bonne gouvernance doit respecter les principes suivants : - La participation des acteurs, le plus en amont possible - La prise en compte des différents intérêts des parties prenantes - La transversalité de l’approche qui consiste notamment à concilier le développement économique et le bien être ou la cohésion sociale - L’évaluation partagée, qui est la vérification de l’adéquation des politiques au regard des enjeux globaux - L’amélioration continue qui permet d’être en accord avec l’évolution des projets

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- les changements climatiques et énergies217.

- les transports et la mobilité durables218 ; qui passe par exemple par la maitrise de

l’étalement urbain

-la conservation et la gestion durables de la biodiversité et des ressources

naturelles219

- la démographie, immigration, inclusion sociale220 (lutte contre la pauvreté, accès au

logement)

- les défis internationaux en matière de développement durable et de pauvreté dans

le monde221.

- la santé publique, prévention et gestion des risques ;

Au plan national, les préoccupations sanitaires ont été développées :

- dans un plan national Santé /Environnement 2009-2013222

- et dans le plan Santé au travail qui couvre la période 2010-2014223.

Dans les objectifs de la gouvernance, on trouve notamment la réalisation des agendas 21 locaux. 217 La France reprend les objectifs européens du paquet climat énergie (réduction de 20 % des émissions de GES, accroitre de 20 % l’efficacité énergétique et porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique). Cela passe par l’exemplarité des acteurs publics, tel que la mise en place du télétravail ou la fourniture de services en ligne pour éviter les déplacements. 218 Cela passe notamment par la maitrise de l’étalement urbain, le maintien des services de proximité. Cela passe aussi par un renforcement de l’intermodalité, c’est à dire la complémentarité entre le rail, la route , le transport fluvial et maritime, etc Le coût des transports devrait mieux refléter le cout des impacts environnementaux et sociaux. Volonté d’améliorer l’efficacité énergétique des véhicules. 219 Dépositaire d’un patrimoine exceptionnel, la France a une responsabilité particulière en matière de biodiversité. L’objectif inscrit dans la stratégie est de stopper la perte de la biodiversité. Des mesures telles que le renforcement de la protection des captages d’eau potable est également prévu. 220 Il s’agit ici de lutter contre la pauvreté et d’améliorer l’accès au logement. 221 Il s’agit de promouvoir le renforcement de la gouvernance mondiale, de contribuer à la sécurité alimentaire. 222 http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNSE2.pdf 223 http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/PST_2010-2014.pdf Ce nouveau plan doit s’inscrire dans un contexte plus général qui suppose :

• de traduire la stratégie européenne de santé au travail 2007-2012, qui pose notamment le principe d’une réduction de 25 % du taux d’incidence global des accidents du travail ;

• de contribuer à la stratégie européenne pour l’emploi pour renforcer les taux d’activité des seniors (…)

• de renforcer notre réactivité face au développement de certains risques, comme les risques psychosociaux ou à la menace de risques émergents, notamment les risques chimiques ;

• de prendre en compte l’impact sur les salariés des nouvelles formes d’organisation des processus productifs et d’accentuer fortement l’amélioration des conditions de travail (…)

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Le ministère de l’écologie a publié dans la foulée les indicateurs de la stratégie de

développement durable. Celle-ci a évalué et a été remplacée par un autre concept

qui est celui de la « transition écologique ».

§ 2 – La stratégie nationale de transition écologiq ue vers un développement

durable

Signalons qu’un Conseil national de la transition écologique , créé par le décret n°

2013-753 du 16 août 2013, a remplacé du Comité national de l’environnement et du

développement durable

Quatre enjeux écologiques majeurs sont pointés du doigt :

- le changement climatique

- la perte accélérée de la biodiversité

- la raréfaction des ressources

- et la multiplication des risques sanitaires

Succédant à la stratégie nationale de développement durable 2010-2013, la stratégie

nationale de transition écologique vers un développement durable 2014 - 2020

(SNTEDD224), est en cours de finalisation.

224 Elle propose 9 axes pour faire de la transition écologique une réalité.

Axe 1 : Développer des territoires durables et rési lients capables d’anticiper

et de s'adapter aux évolutions en cours et de prendre pleinement part à la transition écologique.

Axe 2 : S’engager dans l’économie circulaire et sob re en carbone pour optimiser

l'utilisation des ressources et réduire les impacts de nos modes de production et de consommation ;

Axe 3 : Prévenir et réduire les inégalités environn ementales, sociales et territoriales pour

répondre à une exigence de cohésion sociale ;

Axe 4 : Inventer de nouveaux modèles économiques et financiers permettant de mobiliser

l'épargne et d'orienter les décisions et les investissements vers la transition

écologique ;

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Section 2 – Les sources de droit dur

Le droit de l’environnement ayant été inscrit dans la constitution, il convient

prioritairement d’examiner la Charte de l’environnement. La mise en œuvre des

principes qu’elle reconnait est déclinée dans le Code de l’environnement.

§ 1 – La Charte de l’environnement

A. Le contenu de la Charte

Depuis la conférence de Stockholm, de nombreuses constitutions ont consacré le

droit à l’environnement, comme les constitutions :

- espagnole (1978) : art. 45 et 46

- grecque (1975) : art. 24

- portugaise (1976) : art. 66

- Pays-Bas : art. 1-20

- belge (1994) : art. 23, al. 3 : "Le droit à la protection d'un environnement sain".

- allemagne (1994)

Axe 5 : Accompagner la mutation écologique des acti vités économiques face à l'évolution des

modèles d’organisation, de production et de consommation, et pour accompagner le développement

de filières à fort potentiel ;

Axe 6 : Orienter la production de connaissances, la recherche et l’innovation vers la transition

écologique afin d'aider à la prise de décision et développer des savoir-faire et activités nouveaux ;

Axe 7 : Éduquer, former et sensibiliser pour la tra nsition écologique pour faciliter la

compréhension et la prise de conscience et permettre à chaque individu d'être en capacité d'agir ;

Axe 8 : Mobiliser les acteurs à toutes les échelles pour franchir un cap supplémentaire mettant

l’ensemble de la société en mouvement de manière coordonnée ;

Axe 9 Promouvoir le développement durable au niveau européen et international pour répondre

à des enjeux mondiaux.

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Pour autant, à l’époque, les pays qui ont fait du droit de l’environnement un droit

fondamental de valeur constitutionnelle n’étaient nécessairement les plus avancés

écologiquement. Un certain nombre d’entre eux (Espagne et Portugal notamment)

n’ont développé la protection de l’environnement que lorsqu’ils y ont été contraints

par le biais des directives communautaires.

En France, le président de la République J. Chirac a annoncé en 2001 qu’il

souhaitait proposer aux français une charte de l’environnement adossée à la

constitution.

En juin 2003, le gouvernement adoptait, en conseil des Ministres, le texte de la

charte, inspiré de la Commission Coppens225.

Le texte de la Charte a été adopté le 28 février 2005 par le Parlement

et le texte a été promulgué le 1er mars 2005 (Loi constitutionnelle n° 2005/204 du 1 er

mars 2005).

Sa place dans le préambule de la Constitution confère à la Charte valeur

constitutionnelle, dans la continuité des droits civils et politiques de 1789 et des

principes économiques et sociaux de 1946.

Le premier alinéa de la constitution se lit donc ainsi :

« Le peuple français proclame solennellement son atta chement aux droits de

l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par

la déclaration de 1789 , confirmée et complétée par le préambule de la

constitution de1946 , ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Char te de

l’environnement de 2003 ».

225 Cf Rapport de la Commission Coppens de préparation de la Charge de l’environnement (sur le site du Ministère de l’écologie ; Revue droit de l’environnement : l’environnement entre dans la constitution, M. Prieur n° 106, mars 2003 et R. Rom i, la constitutionnalisation des principes du droit de l’environnement, les contours du rapport Coppens, n° 109 juin 2003).

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Ainsi, toutes les lois doivent respecter les principes et objectifs énoncés dans le

texte. La Charte doit inspirer l’action de tous.

Le texte de la charte comprend 7 considérants226 et est présentée comme un modèle

« d’écologie humaniste » dans la mesure où 6 considérants sur 7 se réfèrent à

l’homme ou à l’humanité227.

226 1) Les considérants « Le peuple français, « Considérant « que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité », C’est le constat du lien entre l’homme et son milieu depuis l’origine de l’humanité. « que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel, » C’est l’idée que les ressources naturelles, notamment alimentaires, fournies par la nature sont indispensables à l’existence des êtres humains tandis que la qualité et l’équilibre des milieux naturels conditionnent sa santé. Cela vaut aussi pour l’avenir de l’humanité. « que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ; » C’est le caractère universel de l’environnement qui est consacré ici. L’eau, l’air, la biosphère appartiennent à tous les êtres humains vivant aujourd’hui et à naître. La dégradation de la couche d’ozone et le réchauffement climatique illustrent ce caractère global et universel de l’environnement. « que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution, » En raison des progrès des technologies et de ses choix, l’homme se trouve en situation d’exercer une influence croissante sur l’environnement. Il a acquis la capacité de modifier la nature (OGM, biotechnologies) ; Cette puissance fonde une nouvelle responsabilité que consacre la Charte. « que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ; »Il est d’autant plus nécessaire d’affirmer la responsabilité en matière d’environnement qu’aujourd’hui, le recours à la technologie et certains choix de société sont susceptibles de fragiliser gravement la qualité de l’environnement et donc, à moyen terme, la qualité de vie . « que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation » Ce sixième considérant prévoit que la protection de l’environnement doit être recherchée et conciliée avec les autres intérêts fondamentaux de la nation que sont son indépendance, l’intégrité de son territoire, sa sécurité, la forme républicaine de ses institutions, les moyens de sa défense et de sa diplomatie, la sauvegarde de la population en France et à l’étranger, les éléments essentiels de son potentiel économique et scientifique et son patrimoine culturel. « que, afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ; » Ce dernier alinéa consacre le développement durable comme choix de société assurant la solidarité entre les générations et entre les peuples, grâce à la conciliation entre le développement économique, le progrès social et la protection de l’environnement. Par exemple, si nous ne modifions pas nos comportements, les générations futures auront à souffrir pendant longtemps de l’effet de serre, compte tenu de l’inertie des phénomènes climatiques. Notre responsabilité est de chercher aujourd’hui à maîtriser la consommation énergétique et à recourir à des énergies qui n’émettent pas de gaz à effet de serre, pour préserver l’avenir. Cela implique à court terme des innovations technologiques qui se traduisent par un développement économique et un progrès social.

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Le corps de la Charte comprend dix articles développant les droits et les devoirs de

chacun.

Cette écologie humaniste est présentée comme scellant l’alliance de

l’environnement, de la science et du progrès économique au service de l’homme.

1) Le corps du texte

L’article premier proclame le droit de chaque être humain à un environnement

équilibré et respectueux de la santé humaine228.

L’article 2 rappelle le devoir de la préservation et de l’amélioration de

l’environnement229.

L’article 3 proclame que, pour être efficace, la protection de l’environnement passe

par la prévention230. Chaque personne est donc tenue de prévenir les atteintes

qu’elle est susceptible de porter à l’environnement.

L’article 4 pose un devoir de réparation231.

L’article 5232 énonce le principe de précaution qui incombe aux autorités publiques233.

227 228 Art. 1 : Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé. 229 Art.2 : Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. 230 Art. 3 : Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir ou, à défaut, limiter les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ; 231 Art. 4 : Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. 232 Il a été énoncé, lors des travaux préparatoires que, si l’article 5 consacre un principe constitutionnel d’applicabilité directe, les autres articles de la charte énoncent des objectifs de valeur constitutionnelle, dont la mise en œuvre requiert l’intervention du législateur. 233 Art. 5 Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d’éviter la réalisation du dommage ainsi qu’à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques encourus.

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124

L’article 6 intègre l’exigence de développement durable dans les autres politiques234.

L’article 7 proclame le droit des citoyens d’être informés et de participer à

l’élaboration des décisions publiques en matière d’environnement235.

L’article 8 proclame le droit à l’éducation en matière d’environnement236.

L’article 9 prend en compte les attentes exprimées par les chercheurs lors de la

consultation nationale237.

L’article 10 marque la volonté et le devoir de la France de s’engager dans le monde

en faveur de l’environnement et du développement durable238.

Quels sont dès lors les effets d’une disposition constitutionnelle ?

- En premier lieu, le législateur, en ce compris le pouvoir réglementaire, est obligé de

garantir le respect de ce droit.

On peut même dire que les autorités méconnaîtraient la Constitution en s’abstenant

de prendre les mesures qui sont en leur pouvoir pour empêcher la destruction de

l’environnement.

234 Art. 6 : Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles prennent en compte la protection et la mise en valeur de l’environnement et les concilient avec le développement économique et social. 235 Art. 7 : Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. 236 Art. 8 : L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte. 237 Art. 9 : La recherche et l’innovation doivent apporter leurs concours à la préservation et la mise en valeur de l’environnement. 238 Art. 10 : La présente Charte de l’environnement inspire l’action européenne et internationale de la France.

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- En deuxième lieu, la consécration du droit à l’environnement devrait entraîner la

reconnaissance de droits concrets, garantissant l’accès de tous à un minimum de

jouissance des ressources naturelles : droit à l’eau et à l’air pur, droit d’accès à la

faune à la flore.

- En troisième lieu, la disposition constitutionnelle confère une direction interprétative

dans le sens où, si la loi permet plusieurs interprétations, cela permet de faire valoir

le point de vue de la conservation de l'environnement (in dubio, pro natura).

Cela permet évidemment de rétablir l’équilibre dans l'examen de balance des

intérêts. L'appréciation de l'intérêt à agir en justice peut être plus large.

- En 4ème lieu, cela confère une certaine stabilité car on ne modifie pas une

Constitution comme une loi.

Cette stabilité peut-elle s’analyser en une obligation de standstill ? L'obligation dite

de "standstill"239 ou ‘l’effet cliquet’ ou la ‘théorie du non retour’ sont trois expressions

qui désignent l’impossibilité pour les autorités publiques de légiférer à rebours des

droits garantis, et donc de diminuer le niveau de protection acquis.

Cet effet de standstill, qui n’est pas synonyme d’immobilisme législatif ou

reglementaire240 est reconnu dans d’autres Etats membre comme un principe dont le

non-respect peut être sanctionné.

239 M. PRIEUR, G. SOZZO, (sous la direction de), La non régression en droit de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2012, 547 p. M. Prieur, vers la reconnaissance du principe de non regression, RJE 2012,n°4, p. 615. F. Haumont, Le droit constitutionnel belge à la protection d’un environnement sain, état de la jurisprudence, RJE 2005, n° spécial, pp 41-52. I. Hachez et B. Jadot, « Environnement, développement durable et standstill : vrai ou faux amis ? » Amén. 2009, p. 5. I. Hachez, Le principe de standstill dans les driots fondamentaux : une irréversibilité relative, Thèse droit, Bruylant, 2005. Christophe Krolik, Vers un principe de non régression en droit de l’environnement, AJDA, n° 39/2013, 18 novembre 2013, p. 2247. 240 Comme l’indiquent par exemple plusieurs avis de la section de législation du Conseil d’Etat de Belgique : C.E., Belg., n° 80.018, 29 avril 1999, J acobs).

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L’obligation de Stand still ne confère pas un « droit acquis » à une norme établie

mais bien un droit au maintien d’un niveau de protection équivalente. Le conseil

d’Etat belge considèr par exemple que le principe est violé lorsqu’il qu’il y a un recul

significatif entre la norme nouvelle et la norme ancienne241.

En tout état de cause, lorsqu'une constitution consacre le droit à un environnement

sain ou un environnement respectueux de la santé humaine, quelles en sont les

implications juridiques ?242.

B – La valeur juridique de la Charte de l’environne ment 243

241 C’est ce que confirme la jurisprudence de la Cour d’arbitrage en Belgique dans d’autres domaines, économiques et sociaux. (A propos de l’aide sociale, voyez Cour Arbitrage Belge n° 169/2002, 27 nov 2002). La cour énonce que : « Cette obligation de standstill ne peut toutefois s’entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de ne pas toucher aux modalités de l’aide sociale prévue par la loi. Elle leur interdit d’adopter des mesures qui marqueraient un recul significatif du droit garanti par l’article 23 al 1 et alinéa 3, 20 de la constitution mais elle ne les prive pas du pouvoir d’apprécier de quelle manière ce droit sera le plus adéquatement assuré. » 242 sur cette question, voy. B. JADOT, "Le droit à l'environnement in "Les droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution", Bruylant, Bruxelles, 1995, pp. 257-271 243 Cf. Numéro spécial de la Revue Juridique de l’environnement, dec. 2005 « la charte constitutionnelle de l’environnement en vigueur ». Bibliographie Y. Aguila Charte de l'environnement (décret du 1er août 2006 relatif aux lacs de montagne), concl. sous CE, 3 oct. 2008, no 297931 RJE 1/2009, mars 2009. A. Boyer Dialogue des juges et promotion de la Charte de l'environnement, note sous CE, 3 oct. 2008 RJE 4/2009, déc. 2009. F. Brenet Précisions sur la portée juridique de la charte de l'environnement, note sous CE, 3 oct. 2008, no 297931 Petites affiches, no 98, 18 mai 2009. V. Champeil-Desplats La Charte de l'environnement prend son envol aux deux ailes du Palais-Royal, note sous Cons. const. 19 juin 2008 et CE, 3 oct. 2008 RJE 2/2009, juin 2009. E. Geffray L'abrogation implicite de la loi par la Charte de l'environnement, concl. sous CE, 24 juill. 2009, nos 305314 et 305315, RFDA no 5 sept.-oct. 2009. D. Hedary Les surprises de la charte de l'environnement : analyse de quatre années de jurisprudence Dr. envir., no 171, sept. 2009. N. Huten, M.-A. Cohendet La charte cinq ans après : chronique d'un réveil en fanfare RJE 1/2010, mars 2010. S.-J. Lieber, D. Botteghi Chronique générale de jurisprudence administrative française, Le Conseil d'État et la Charte de l'environnement : de prudentes avancées, note sous CE, 24 juill. 2009, no 305314 AJDA no 33/2009, 12 oct. 2009. I. Shveda Vers une reconnaissance de la Charte de l'environnement par le juge administratif, note sous CE, 3 oct. 2008, no 297931 Dr. envir., no 168, mai 2009.

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Tout au long du processus d'élaboration de la Charte de l’environnement, comme

d'ailleurs après son adoption, la question de la portée juridique de ce texte a fait l'objet

d'un débat doctrinal intense.

Il apparaissait évident pour de nombreux auteurs qu’en plaçant la Charte de

l’environnement sur le même plan que la Déclaration des droits de l'homme et du

citoyen de 1789 et que le Préambule de la Constitution de 1946, le constituant avait

nécessairement entendu lui conférer une valeur constitutionnelle. Mais laquelle ?

En fait la question s’est posée immédiatement de savoir si les justiciables pouvaient

invoquer les dispositions de la Charte devant le juge ordinaire. Les avis étaient partagés

dans la doctrine.

Le premier à s’être prononcé a été le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne

29 avril 2005244, dans une affaire Conservatoire du patrimoine naturel et autres,245 où

était en cause l’organisation d’une Rave Partie dans un site à haute valeur écologique.

L’action des opposants était fondée sur l’article L. 521-2 du Code de la justice

administrative qui permet de saisir le juge des référés lorsqu’une liberté fondamentale a

été violée par une autorité publique (ce que l’on appelle le « référé liberté »246)

Le juge va raisonner en deux temps. Dans un premier temps, il élève le droit de vivre²

dans un environnement équilibré et favorable à sa santé au rang de liberté

fondamentale de valeur constitutionnelle247.

244 TA Châlons-en-Champagne 29 avril 2005, Conservatoire du patrimoine naturel et autres, AJDA 2005, p. 1357, note H. Groud et S. Pugeault; RD imm. 2005, p. 265, note L. Fonbaustier. 245 AJDA 2005, p. 1357, note H. Groud et S. Pugeault.

246 « Saisi d'une demande justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. »

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Dans un second temps, le juge constate que le site choisi pour organiser une rave party

est de haute valeur écologique. Il en déduit que, en ne s'opposant pas à l'organisation

d’une rave party, le préfet de la Marne a porté une atteinte grave et manifestement

illégale à une liberté fondamentale ; que la cessation de cette atteinte implique

nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de prendre toute mesure utile à

l'effet d'interdire immédiatement la poursuite de la manifestation « Teknival ».

Dans une deuxième affaire, le Tribunal administratif d’Amiens248 va être saisi d’une

requête dans laquelle des personnes, en invoquant le droit de vivre dans un

environnement équilibré et respectueux de leur santé (art. 1er de la Charte),

demandaient la suspension d’une délibération du Conseil Municipal mettant en vente

des lots de terrains inclus dans un parc régional et classés en espaces boisés.

Dans son ordonnance du 8 décembre 2005, le juge des référés ne fait pas droit à leur

requête mais énonce que « si toute personne peut se prévaloir du droit de vivre dans un

environnement équilibré et respectueux de la santé, qui lui est conféré par l’article 1er

de la Charte de l’environnement, c’est à la condition qu’elle apporte devant le juge des

éléments de nature à faire regarder la décision attaquée comme portant atteinte à sa

situation personnelle protégée par ce droit ».

En l’espèce, cette condition n’était pas remplie dans la mesure où les requérants

n’apportaient pas, à l’appui de leur demande, d’éléments précis démontrant que la

vente des terrains concernés « porterait une atteinte directe et certaine à leur situation

personnelle protégée par le droit qu’ils invoquent » dès lors qu’ils se bornaient à faire

valoir « de façon générale leur qualité de résident et leur devoir de préservation du parc

naturel régional ». 247 « Considérant qu'en « adossant » à la Constitution une Charte de l'Environnement qui proclame en son article 1er que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » le législateur a nécessairement entendu ériger le droit à l'environnement en « liberté fondamentale » de valeur constitutionnelle ». 248 Valérie Boré Eveno, La Charte de l'environnement ne donne pas en soi intérêt pour agir AJDA 2006 p. 1053

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Le juge a dès lors rejeté leur requête pour irrecevabilité.

Par suite, le Conseil d'Etat a semblé hésiter sur la portée de la Charte. Dans un premier

temps, il s’est montré plutôt rétif à l'invocation de la Charte devant son prétoire,

exigeant à cette fin que ses dispositions aient été concrétisées par le législateur ou le

pouvoir réglementaire et ne les appliquant alors qu'à travers le prisme de la loi ou du

règlement.

Dans un arrêt du 19 juin 2006, ( CE, 19 Juin 2006, Association Eaux et Rivières de

Bretagne, Req. n° 282456) le Conseil d’Etat était s aisi d’une requête dirigée contre un

arrêté du ministre de l’Ecologie fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire

les élevages. L’association critiquait essentiellement l’insuffisance supposée de ces

règles, s’agissant de la protection des cours d’eau contre les épandages. Le recours

était fondé sur la violation :

- de l’article 1er (droit de vivre dans un environnement équilibré…),

- de l’article 2 (le devoir de préserver l’envir.)

- et de l’art. 6 (l’obligation pour les politiques publiques de promouvoir un dév.dur).

Le CE ne va pas faire droit à la demande des requérants au motif que des dispositions

législatives ont été prises en matière d’élevage pour assurer le respect des droits

protégés par la constitution249. Ainsi, le CE va vérifier la légalité de l’arrêté attaqué au

regard des dispositions du Code de l’environnement qui imposent aux ICPE des

sujétions destinées notamment à la protection de l’eau.

249 Les requérants invoquaient la violation - de l’article 1er (droit de vivre dans un environnement équilibré…), - de l’article 2 (le devoir de préserver l’envir.) - et de l’art. 6 (l’obligation pour les politiques publiques de promouvoir un dév.dur). Le Conseil d’Etat fait la réponse suivante : « Considérant que, lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en oeuvre des principes énoncés aux articles 1, 2 et 6 de la Charte de l'environnement de 2004 (…) la légalité des décisions administratives s'apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s'agissant de dispositions législatives antérieures à l'entrée en vigueur de la charte de l'environnement, quelles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette charte

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Par suite, les juges vont sembler vouloir écarter la charte dans une série de

décisions en 2007250 jusqu’à décision du Conseil Constitutionnel du 19 juin 2008

relative à la loi sur les OGM 251. Le Conseil constitutionnel va affirmer, à propos de

l’article 5 de la Charte (principe de précaution) «que (…) l'ensemble des droits et

devoirs définis dans la Charte de l'environnement (…) s’imposent aux pouvoirs

publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif.

Que, dès lors, il incombe au Conseil constitutionnel, (…) de s'assurer que le

législateur n'a pas méconnu le principe de précaution et a pris des mesures propres

à garantir son respect par les autres autorités publiques.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt Commune d’Annecy du 3 octobre 2008 lui emboitera le

pas en reprenant presque mot pour mot la même formulation, à propos du droit à

l’information. Cela l’amènera à considérer que « depuis la date d'entrée en vigueur de la

loi constitutionnelle du 1er mars 2005, une disposition réglementaire ne peut intervenir

dans le champ d'application de l'article 7 de la Charte de l'environnement que pour

l'application de dispositions législatives ».

Depuis lors, le Conseil Constitutionnel a été saisi à plusieurs reprises à l’occasion de

questions prioritaires de constitutionnalité.

On en veut pour exemple une décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011252 .

250 Le Conseil d’Etat , dans un arrêt du 7 mai 2007, à propos d’un décret du 10 août 2005 modifiant la nomenclature des installations classées pour certains élevages, va considérer que « moyen tiré de ce que les dispositions attaquées seraient contraires aux articles 2 et 7 de la Charte de l'environnement de 2004 n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé » (CE 7 mai 2007, assoc. Nat. Pour la protection des eaux et rivières-Tos, 286103). Dans la même veine, à propos de l’articulation des dispositions d’urbanisme et du Plan d’exposition au bruit autour de l’aéroport Charles de Gaulle, le Conseil d’Etat va balayer la Charte en énonçant que « : (…) le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées seraient contraires aux articles 1 et 7 de la Charte de l'environnement de 2004 n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé » (CE, 6 juin 2007, n° 292942, commune de Groslay). 251 Décision n° 2008-564 DC, loi relative aux organism es génétiquement modifiés. 252 Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011, Michel Z et autres

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Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel était saisi d’une QPC portant sur la

conformité de l’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation (CCH)

aux droit et libertés garantis par la Charte de l’environnement.

L’article L.112-16 du CCH constitue la forme la plus achevée des limites apportées

à l’intervention du juge civil dans les conflits de voisinage car il interdit aux

personnes qui se sont installées postérieurement à une source de nuisance de

demander réparation253.

Le recours était donc fondé sur les articles 1 à 4 de la Charte, à savoir :

- le droit de chaque être humain à un environnement équilibré et respectueux

de la santé humaine254,

- le devoir de la préservation et de l’amélioration de l’environnement255,

- la nécessité pour chaque personne de prévenir les atteintes qu’elle est

susceptible de porter à l’environnement256

- et le devoir de réparation257.

Pour répondre à la question de la conformité de cette disposition à la Charte, le

Conseil constitutionnel estime nécessaire, préalablement, de rappeler que la loi

détermine les principes fondamentaux des deux matières qui sont au cœur de la

QPC, à savoir, le « régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles

et commerciales » et celui de « la préservation de l'environnement ».

253 « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ». 254 Art. 1er de la Charte : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé ». 255 Art. 2 : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». 256 Art. 3 : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir ou, à défaut, limiter les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ». 257 Art. 4 : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ».

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132

On remarquera que les deux droits se trouvent désormais sur le même plan.

Ceci étant précisé, le Conseil constitutionnel énonce, en premier lieu, que la faculté

d’agir en responsabilité, auquel se rattache le régime de responsabilité de l’article

1382 du Code civil, ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un

motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles cette responsabilité est

engagée.

Dans la foulée, il va également affirmer, « le respect des droits et devoirs énoncés en

termes généraux par ces articles s’impose non seulement aux pouvoirs publics et

aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais

également à l’ensemble des personnes » (…) qui sont tenues « d’une obligation de

vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement qui pourraient résulter de leur

activité ».

Ainsi, en cas de transformation des conditions de l'activité, les exploitants, personnes

responsables, de ces activités, ne pourront se prévaloir de cette exonération. Il

appartient aux juges du fond de vérifier les conditions de la continuité de

l'exploitation. En ce sens, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par un

exploitant contre un arrêt le condamnant à réparer le préjudice subi par un couple de

voisins, victime des nuisances causées par son élevage au motif que le droit

d'antériorité ne peut bénéficier à l'éleveur qui transforme son activité (en l'espèce,

augmentation du nombre de brebis) ( Cass. 3e civ., 11 juin 2014, n° 12-28.315 n°

759 D).

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Sur l’invocabilité de la Charte à l’encontre d’un texte règlementaire, voyez CA, ass.

12 juillet 2010, req. 344522, Fédération nationale de la pêche en France.

QPC

saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation a estimé

que les articles 671 et 672 qui autorisent l'arrachage ou la réduction d'arbres,

d'arbustes et d'arbrisseaux, plantés à une distance de la ligne séparative moindre

que la distance légale, sans que le voisin ait à justifier d'un préjudice particulier, sont

susceptibles de méconnaître les droits et devoirs énoncés aux articles 1er à 4 de la

Charte de l'environnement. En conséquence, cette question est renvoyée au Conseil

constitutionnel ( Cass. 3e civ. QPC, 5 mars 2014, n° 13-22.608, n° 466 FS - P + B).

Ce dernier a rejeté la demande, en estimant d'une part, que les dispositions

prévoyant l'arrachage des végétaux sont insusceptibles d'avoir des conséquences

sur l'environnement et ne méconnaissent donc par la Charte de l'environnement,

d'autre part, l'atteinte portée par ces dispositions à l'exercice du droit de propriété ne

revêt pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ( Cons. const.,

déc., 7 mai 2014, n° 2014-394 QPC).

Prévention des risques liés à l'amiante dans les immeubles bâtis et Charte de l’environnement Les associations requérantes contestaient la légalité d’un décret 2011-629 du 3 juin 2011 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis. Celui-ci fait notamment obligation aux propriétaires d'immeubles de faire réaliser des repérages de matériaux et produits contenant de l'amiante, de faire réaliser, si nécessaire, des travaux de mise en sécurité ou un suivi de l'état des matériaux en place, et d'élaborer des documents rassemblant les informations relatives à la présence de ces matériaux et produits. Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé la valeur constitutionnelle de

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l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte, confirme l’invocabilité de l’article 1er puis de l’article 5 : « Considérant, en premier lieu, que les requérants peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 1er de la Charte pour contester la légalité du décret attaqué ; qu'en effet, d'une part, il appartient aux autorités administratives de veiller au respect du principe énoncé par l'article 1er de la Charte de l'environnement lorsqu'elles sont appelées à préciser les modalités de mise en œuvre d'une loi définissant le cadre de la protection de la population contre les risques que l'environnement peut faire courir à la santé et il incombe au juge administratif de vérifier, au vu de l'argumentation dont il est saisi, si les mesures prises pour l'application de la loi, dans la mesure où elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires, n'ont pas elles-mêmes méconnu ce principe ; que, d'autre part, les dispositions attaquées, qui concernent les mesures à prendre pour protéger la population contre les risques liés à la présence de poussière d'amiante dans l'air à l'intérieur d'immeubles bâtis, sont relatives au droit de vivre dans un environnement respectueux de la santé ». En l’espèce, la Haute juridiction va estimer que les pouvoirs publics n’ont pas adopté des dispositions méconnaissant le droit de vivre dans un environnement respectueux de la santé. La Haute juridiction va de même estimer que si « les requérants peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement », en l’espèce, « le Premier ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant, dans l'attente d'éléments complémentaires ainsi que du développement de nouveaux moyens techniques, de prévoir une valeur, dite de gestion, propre aux fibres courtes d'amiante ». CE, 26 févr. 2014, n° 351514 Dr. env. 2014, n° 222, p. 138 et 161.

Lors d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté préfectoral approuvant le

schéma régional éolien d'Ile-de-France, le Conseil d'État a transmis au Conseil

constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des articles L. 222-1 à L.

222-3 du code de l'environnement ( CE, 7 mars 2014, n° 374288). La première

phrase de l'article L. 222-2 qui prévoit que le projet de SRCAE fait l'objet, pendant

une durée minimale d'un mois, d'une mise à la disposition du public sous des formes,

notamment électroniques, de nature à permettre sa participation, est déclarée

contraire à la Constitution à compter du 1er janvier 2015. En effet, en prévoyant le

principe de la participation du public sans en préciser les conditions et limites, le

législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ( Cons. const., déc., 7 mai 2014,

n° 2014-395 QPC).

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135

Section 3 - Le Code de l’environnement 258

Le droit de l’environnement est, par son histoire et ses fondements un droit épars qui

a puisé à des sources diverses et s’est édifié au coup par coup, selon les aléas et les

enjeux sociaux.

Tous les observateurs rivalisaient de critiques pour dénoncer “cet édifice baroque” (J.

Untermaier), cette “jungle de normes”, ce “harcèlement textuel”259 ou cette “pollution

normative” atteinte d’un “expansionnisme désordonné”.

Or, d’un point de vue technique, le droit requiert précision et certitude : il doit être

connu de ses utilisateurs.

C’est la raison pour laquelle la nécessité de réaliser le Code de l’environnement s’est

imposée :

- compte tenu de l’importance prise par cette matière en tant qu’enjeu social,

- mais compte tenu également de la complexité des sources juridiques existantes

- et donc de la nécessité de doter nos sociétés d’un instrument rationnel et moderne.

Un projet de Code a donc été lancé en 1992. Un code doit réunir un ensemble

cohérent de dispositions juridiques traitant la matière, mais qu’est-ce qu’un ensemble

cohérent ? Quand commence et où s’arrête la matière “environnement” dans une

logique par nature transversale ? Le recours à la notion de “branche du droit”, n’est

pas d’un grand secours. Autant dire que ce que l’on met dans un code doit faire

l’objet de réflexions approfondies. 258 G.J. Martin, “Principes pour une codification de l’environnement”, in Quel avenir pour le droit de l’environnement ?, PUB Presses Saint Louis, 1996, p. 287. Numéro spécial de la revue “Droit de l’environnement”, Janvier-février 2001 et N° Spécial 2005. 259A. Guillot, Droit de l’environnement, Ellipses, 1998, p. 10.

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136

En France, le débat a été vif sur ce point, tant la conception “organique” du Code

était forte. Pour bon nombre d’administrations, le code de l’environnement serait le

code du ministère qui porte le même nom. En d’autres termes, accepter que tel ou tel

domaine entre dans le code c’est accepter -à terme- que ce domaine figure dans les

compétences du ministère.

C’est la raison pour laquelle le ministère de l’agriculture de l’époque a refusé que le

domaine de la forêt lui échappe. Il existe donc un Code forestier à côté du Code de

l’environnement.

En revanche, le ministère de l’environnement a gagné contre le Ministère de la

culture à propos de la législation sur les sites qui ne figure donc pas dans le “code du

patrimoine”260.

En tout état de cause, ces discussions, qui s’apparentent parfois à de véritables

marchandages démontrent que la codification, même lorsqu’elle ne veut être que la

présentation du droit existant, est perçue comme une manifestation de pouvoir par

les acteurs concernés. Il n’est pas étonnant dès lors que l’on assiste à de véritables

“guerres de territoires”.

On soulignera enfin que la codification fait fi du droit communautaire, ce qui est

paradoxal lorsque l’on sait que les règlements communautaires sont directement

applicables dans les ordres juridiques internes.

260 En vertu de l’art. L. 341-1 et svts du Code env., il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque un intérêt général. C’est la Commission départementale des sites perspectives et paysages qui prend l’initiative de l’inscription et donne son avis sur les propositions qui lui sont soumises. L’inscription sur la liste est prononcée par arrêté du ministre.

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137

Finalement, le plan du Code défini par la Commission supérieure de Codification en

1993 a abouti à l’ordonnance n° 2000-914 du 18 sept embre 2000 (publiée au JO du

22 septembre).

Le code est divisé en livres, en titres, en chapitres et en sections avec une partie

législative et une partie réglementaire. Le Code commence avec les principes

généraux puis l’information et la participation des citoyens. Ensuite on a la

codification par milieux physiques : eau, air, espaces naturels, patrimoine naturel,

pollutions et nuisances.

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Titre IV : Les principes généraux du droit de l’en vironnement 261

En droit de l’Union, les principes du droit de l’environnement figurent à l’art 191, § 2

du Traité : la politique de l’Union dans le domaine de l'environnement (…) est fondée

sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction

par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-

payeur.

En France, c’est la loi du 2 février 1995, dite Loi Barnier qui a intégré les principes du

droit de l’environnement, d’abord dans le Code rural ( à l’art. L. 200-1 du Code rural)

puis à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement. On y retrouve le principe de

développement durable, le principe de précaution, le principe d’action préventive et

de correction par priorité à la source des atteintes à l’environnement, le principe

pollueur payeur, le principe d’information et le principe de participation.

La disparité des principes du droit de l’environnement sème le trouble pour plusieurs

raisons.

D’une part, ces principes sont formulés dans des instruments juridiques extrêmement

disparates allant du droit mou jusqu’aux textes juridiquement contraignants.

D’autre part, ces principes peuvent revêtir une forme générale, tel le principe du

développement durable. Ils peuvent, comme le principe de prévention ou de

précaution, s’appliquer de manière transversale à toutes les politiques sectorielles.

D’autres principes peuvent au contraire se cantonner à un droit bien spécifique, tel le

principe de proximité et d’autosuffisance qui est propre au droit des déchets.

Dans tous les cas, on constate que ces principes sont complémentaires, ils ont

tendance à se renforcer mutuellement. Le modèle curatif (la réparation) est au cœur

261 Cf not. N. de Sadeleer “Les principes pollueur payeur, de prévention et de précaution”, Bruylant-Auf, Bruxelles, 1999 ; Arnaud Gossement « Le principe de précaution », L’harrmattan 2003.

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du principe Pollueur-payeur. Il a été complété par le modèle préventif qui a donné

naissance au principe de prévention. Plus récemment, le modèle anticipatif est venu

compléter le processus avec le principe de précaution.

Il est possible de trouver plusieurs avantages à ces principes.

En 1ème lieu, la reconnaissance des principes revêt une fonction hautement

symbolique. Parce que ces principes sont porteurs de valeurs, en les proclamant, le

législateur offre ses lettres de noblesse à un droit en pleine émergence. En cela, ces

principes permettent de redorer le blason d’une branche du droit demeurée pendant

trop longtemps l’apanage des ingénieurs et des techniciens. Ces principes

permettent en quelque sorte d’affranchir le droit de l’environnement de la pesante

tutelle des sciences.

Le droit de l’environnement peut alors se construire autour de principes qui lui sont

propres, ce qui lui permet de s’élever au rang d’autres branches qui, par leur

ancienneté, gravitent déjà autour de principes généraux.

En 2ème lieu, ces principes revêtent une fonction programmatique : en les énonçant le

législateur énonce, à côté des normes d’aujourd’hui les normes de demain. Dans la

mesure où ils engagent les pouvoirs publics sur la voie du changement, ce sont des

instruments plus réformateurs que stabilisateurs.

En 3ème lieu, ces principes constituent la clef de voûte d’un processus de

structuration dans le sens où ils vont servir de fil directeur à des règles dispersées

qui vont pouvoir être rassemblées autour d’eux. Ils répondent à un besoin de

cohérence et de rationalisation qui trouve son aboutissement dans la codification.

Enfin, ils présentent un intérêt d’ordre stratégique. En raison de leur relative

inconsistance, ils permettent de recueillir plus facilement l’adhésion des différents

groupes d’intérêt (on pense ici au développement durable). Ils peuvent conduire à

une application plus souple du droit et leur flexibilité permet en outre l’adaptation à

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des situations mouvantes. A cet égard “ils n’apportent pas toujours de sécurité, mais

reflètent l’incertitude du monde sur lequel ils prétendent agir”.262 Le principe

Pollueur-payeur en est l’exemple type.

Chapitre 1 – Le principe de protection élevé 263

L’article 191, § 2 du Traité indique que « La politique de l’Union dans le domaine de

l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité

des situations dans les différentes régions de l’Union ».

Au départ, l’idée de l’insertion d’un niveau élevé de protection dans le traité

résulte d’une réaction de méfiance vis-vis de la stratégie d’harmonisation et non pas

d’un projet politique sereinement construit.

Son rôle originel est en effet celui d’un rempart contre le nivellement vers le

bas de la dimension qualitative des normes européennes dans le cadre de

l’harmonisation des normes. Ce n’est qu’ultérieurement que cette exigence sera

introduite dans le cadre de la politique environnementale proprement dite.

Avec le traité de Nice, l’exigence d’un niveau de protection élevé, d’abord

oubliée, sera finalement inscrite à l’article 37 de la Charte des droits fondamentaux

au cœur du principe d’intégration de la politique environnementale dans les autres

politiques de l’Union.

L’obligation de niveau élevé de protection est contraignante et constitue un angle de

contrôle de la conformité du droit dérivé.

262CA Morrand, “Vers un droit de l’environnement souple et flexible : le rôle et le fonctionnement des principes” in Quel avenir pour le droit de l’environnement, Sous la direction de F. Ost; Actes du Colloque Université Saint Louis. 263 Voyez D. Misonne, Droit européen de l'environnement et de la santé - L'ambition d'un niveau élevé de protection, Broché, 2011, 450 p.

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La Cour a eu l’occasion de le mettre en œuvre dans deux arrêts Safety Hi Tech (C-

284/95), Bettati (C 341/95) du 14 juillet 1998264.

En l’espèce, la société Safety Hi tech fournissait des produits de lutte contre les

incendies. L’un de ses clients Gianni Bettati, refusa de prendre possession d’une

importante commande au motif que, depuis la signature du contrat, le HCFC

(hydrochlorofluorocarbure), était interdit par le règlement européen 3093/94 du 15

décembre 1994 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone.

Le litige fut porté devant les juridictions italiennes et c’est par le biais de la question

préjudicielle que la Cour fut saisie.

La société Bettati soutenait que le règlement 3093/94 du 15 décembre 1994 devait

être annulé dans la mesure où ce règlement n’interdisait que les HCFC alors que les

halons étaient tout aussi dangereux pour l’environnement et donc que le règlement

violait le principe du niveau élevé de protection de l’article 130 R §2.

Dans ses conclusions, l’avocat général M. Leger avait tenté de désamorcer ce qui

aurait pu permettre de remettre en question bon nombre de normes européennes. Il

affirma que la finalité de cet objectif n’est pas d’assurer la protection absolue,

immédiate et globale de l’environnement.

264 En l’espèce, la société Safety Hi tech fournissait des produits de lutte contre les incendies. L’un de ses clients Gianni Bettati, refusa de prendre possession d’une importante commande au motif que, depuis la signature du contrat, le HCFC (hydrochlorofluorocarbure), était interdit par le règlement européen 3093/94 du 15 décembre 1994 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Le litige fut porté devant les juridictions italiennes et c’est par le biais de la question préjudicielle que la Cour fut saisie. La société Bettati soutenait que le règlement 3093/94 du 15 décembre 1994 devait être annulé dans la mesure où ce règlement n’interdisait que les HCFC alors que les halons étaient tout aussi dangereux pour l’environnement et donc que le règlement violait le principe du niveau élevé de protection de l’article 130 R §2. Dans ses conclusions, l’avocat général M. Leger avait tenté de désamorcer ce qui aurait pu permettre de remettre en question bon nombre de normes européennes. Il affirma que la finalité de cet objectif n’est pas d’assurer la protection absolue, immédiate et globale de l’environnement.

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La Cour va faire le raisonnement suivant : « s'il est constant que l'article 130 R,

paragraphe 2, du traité exige que la politique de la Communauté dans le domaine de

l'environnement vise un niveau de protection élevé, un tel niveau de protection, pour

être compatible avec cette disposition, ne doit pas nécessairement être

techniquement le plus élevé possible».

Et la Cour de rappeler que les Etats peuvent prendre des mesures de protection

renforcées265.

Ce principe constitue donc une règle d’interprétation d’une directive : la Cour refuse

d’interpréter un texte dans un sens qui n’assurerait pas le niveau élevé de protection.

Précisons que le principe est nuancé par le fait que ce niveau de protection élevé

tient compte "de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union".

Notamment, des délais plus longs pour de nouveaux Etats membres peuvent être

prévus pour la transposition de directives dans le domaine de l’environnement266.

Chapitre 2 : Le principe de correction par priorité à la sources des atteintes à

l’environnement et le principe de prévention

Le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement est

un principe proche du principe de prévention.

L'idée sous-jacente est qu'il est préférable d'arrêter en amont l'émission de la

pollution plutôt que de réparer en aval les atteintes à l'environnement pour respecter

les normes du milieu ambiant, à savoir les normes d'émission.

265 la Cour de justice de l’Union européenne a invoqué le principe de protection élevée pour estimer qu’il serait compromis si seules les eaux usées se déversant directement dans une zone sensible étaient soumises à un traitement plus rigoureux, à l’exception des rejets indirects (CJCE, 24 juin 2004, C-119/02, Commission c. Grèce ; voy. également CJCE, 30 novembre 2006, C-293/05, Commission c. Italie concernant les rejets indirects en zone sensible dans la province de Varèse.) . Voyez également CJUE, 10 juin 2010, C 37/09 Commission c/Portugal 266 On retrouve la même nuance, applicable à tous les autres principes, à l’exception du principe pollueur-payeur à l’article L. 192, § 5. Celui-ci prévoit en effet que si les mesures impliquent des coûts jugés disproportionnés par les Etats membres, des dispositions appropriées peuvent être prévues sous forme de dérogations temporaires ou d’aides financières.

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143

Il paraît assez évident qu'il est plus facile d'empêcher la pollution au point de rejet

d'une entreprise, plutôt que de mettre en oeuvre un mécanisme de dépollution d'un

cours d'eau. Le respect de ce principe est particulièrement important sous l'angle des

pollutions transfrontalières.

S’agissant du principe de correction par priorité à la source, il convient d'être nuancé

quant à la possibilité ou même l'opportunité d'appliquer systématiquement ce

principe. En effet, parfois, il peut être malaisé de faire application de ce principe,

comme, par exemple, dans le domaine des engrais ou des pesticides répandus sur

des superficies considérables. La source est elle-même, dans un tel cas, très

étendue.

Dans d'autres cas, on considérera, pour des raisons techniques ou économiques,

qu'il est préférable d'opérer non pas à la source première, mais en aval. C'est le cas

dans le domaine de l'élimination ou la valorisation de certains déchets qui impliquent

un regroupement préalable en dehors du site de production.

Il en va de même parfois pour l'épuration des eaux pour lesquelles il faut une charge

polluante suffisante pour pouvoir faire fonctionner une station ce qui suppose que les

rejets ne soient pas épurés avant le passage par la station .

Concernant le principe de prévention, selon le dictionnaire, la prévention est l’action

de devancer. Cela signifie anticiper, prendre des mesures pour éviter objectivement

un risque ou, au moins, en réduire les dommages. C’est donc la prudence, la

prévoyance qui doit prendre le dessus.

Le principe s’impose évidemment en environnement. Du point de vue écologique, la

réhabilitation d’un écosystème pollué est une opération aléatoire. Du point de vue

économique, la réparation ou la remise en état est souvent hors de prix.

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Le modèle préventif s’impose avec encore plus de force lorsque les dommages

présentent la caractéristique d’être irréversibles. Nombre d’actions ont en effet des

conséquences irrémédiables : irradiation du sol, disparitions d’espèces... Dans ces

cas, le retour à la situation antérieure est définitivement exclu. Si des compensations

peuvent être envisagées, en plus d’être onéreuses, elles ne constituent qu’un pis

aller.

Les mesures préventives, si elles ne parviennent pas à éliminer totalement les

risques écologiques ont au moins le mérite de réduire leur survenance. Les

dommages résiduels sont en quelque sorte la part perdue du progrès scientifique et

technique. L’objectif du principe de prévention est d’assurer une véritable maîtrise

des risques tout en tolérant un certain degré de nuisances.

Bien qu’il se décompose en une mosaïque de polices générales et spéciales, ce

modèle présente une incontestable unité.

Section 1 – La formalisation du principe de prévent ion dans les textes

En droit de l’Union, le principe de prévention était présent dès l’Acte unique

européen qui a défini la politique environnementale. Mais le droit dérivé participe

également à ce mouvement par la mise en place d’instruments relevant de cette

logique.

En matière de gestion des déchets par exemple, la prévention de la production des

déchets est au cœur de la n

ouvelle directive cadre 2008/98/UE du 19 novembre 2008 relative aux déchets. Les

Etats membres doivent promouvoir en premier lieu la réduction de la production des

déchets, en second lieu la valorisation et en dernier lieu l’élimination des déchets.

De même, la directive 2010/75/ UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions

industrielles se fixe pour objectif prioritairement d’éviter les émissions des

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installations dans l’air, l’eau et les sols. Ce n’est que lorsque la prévention s’avère

impossible qu’il apparaît nécessaire de réduire les émissions267.

Le principe de prévention est également au cœur des risques technologiques

majeurs avec la directive dite « Seveso » III n° 20 12/18 du 4 juillet 2012 concernant

la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances

dangereuses.

En particulier, les États membres doivent veiller à ce que les objectifs de

prévention d'accidents majeurs soient pris en compte dans leurs politiques de

maîtrise de l’urbanisme, notamment en contrôlant l'implantation des nouveaux

établissements par rapport aux voies de communication, aux zones d’habitation,

etc. (art. 13 seveso 3).

La directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des

incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement vise elle aussi à

éviter les risques, à les réduire ou sinon à compenser les effets négatifs des projets

sur l’environnement.

La logique de la prévention irrigue désormais toutes les législations sectorielles,

qu’elles soient relatives à l’air, à l’eau, au sol, aux déchets, aux substances

dangereuses.

Section 2 – Les modalités de mise en œuvre du prin cipe de prévention

Il existe plusieurs modalités d’application du principe de prévention.

§ 1- L’interdiction

267 Art. 1er de la directive 2001/01/CE du 15 janvier 2008 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution.

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C’est la manière la plus drastique de traduire le principe de prévention. Cela

peut porter, à titre d’exemples, sur :

- l’interdiction de mise sur le marché de telle ou telle substance ou

produit (ex : amiante, CFC268).

- interdiction, par exemple, lors de la délivrance d’une autorisation

d’exploiter un centre d’enfouissement technique, d’accueillir tel ou tel

déchet (par exemple les déchets dangereux en Classe 2).

§ 2 - La maîtrise de l’activité dommageable

Le principe de prévention est le plus souvent traduit par des mesures qui

permettent de maîtriser l’activité dommageable. Il s’agit d’une approche raisonnable

et conciliatrice d’intérêts divergents : il faut autoriser des activités pour des raisons

économiques et sociales, mais il faut maîtriser l’impact environnemental. Ceci est

évidemment conforme au concept de développement durable et de ces trois facettes

: l’économique, le social et l’environnement.

Pour prévenir la pollution, on va donc imposer des règles qui peuvent être :

- générales, par exemple, l’obligation de vigilance des personnes à

l’égard des atteintes à l’environnement qui pourraient résulter de leur activité ».

- sectorielles (exemple : respect de certaines norme de rejet d’eaux

usées par secteur d’activité),

- particulières (dans une autorisation relative à telle entreprise, dans un

règlement spécifique à un produit).

268 Les chlorofluorocarbones ou CFC, aussi dénommés hydrocarbones fluorés, sont des gaz dont la molécule est formée notamment d'atomes de chlore, de carbone et de fluor. Ils ont été largement utilisés comme gaz réfrigérant et comme agent propulseur dans les aérosols.

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Le non- respect de ces normes sera bien sûr sanctionné. C’est la logique de la

directive n°2010/75 du 24 novembre 2010 relative au x émissions industrielles (IED)

et de la loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées pour la protection de

l’environnement. Il peut s’agir de sanctions administratives ou pénales

Pour que la pollution soit aussi réduite que possible, on fait aussi appel au concept

de « meilleures technologies disponibles » (BAT) ou bien de « meilleure technologie

disponible à un coût économiquement acceptable » (BATNEEC)269 dont la définition

figure dans la directive IED de 2010 relative aux émissions industrielles.

L’introduction d’un critère économique dans le dispositif des meilleures technologies

a pour conséquences la promotion de l’analyse coût-bénéfice, au détriment de

l’objectif de prévention.

La directive IED définit les meilleures technologies comme « le stade de

développement le plus efficace et avancé des activités et de leurs modes

d’exploitation, démontrant l’aptitude pratique de techniques particulières à constituer,

en principe, la base des valeurs limites d’emission et d’autres conditions

d’autorisation visant à éviter, et lorsque cela s’avère impossible, à réduire de manière

générale des émissions et l’impact sur l’environnement dans son ensemble”270.

En droit de l’UE, la Cour de justice a appliqué ce principe en reprochant à la Grèce

de ne pas avoir utilisé les meilleures techniques pour l’exploitation d’une centrale

thermique (CJCE, 7 juillet 2005, C-364/03, Commission c. Grèce)271.

269 BAT : best available techniques. BATNEEC : best available techniques not entailing excessive cost. Sur cette question, voyez notamment C. BILLIET, “BAT et BATNEEC : quelques faits et réflexions”, Amén.-Env., 1995, pp. 71-77. 270 Art.2 271 Voyez également CJUE, 18 oct. 2012, Com c. Royaume Uni, C-301/10, Etudes Foncières n° 160, nov.déc. 2012, Com. F. Haumont.P. Steichen

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Le droit français intègre aussi cette notion à l’article L. 110-1 C. env. 272. Le principe

d'action préventive doit être mise en œuvre « en utilisant les meilleures techniques

disponibles à un coût économiquement acceptable » 273

Dans le cadre du fonctionnement des installations classées par exemple, la loi274

prévoit que, pour certaines installations mentionnées à l'annexe I de la directive

IED275, les conditions sont fixées de telle sorte qu'elles soient exploitées en

appliquant les meilleures techniques disponibles (art. L. 515-28)276.

Ces considérations sont également prises en compte, pour certaines installations,

dès le stade de l’étude du projet au moment de l’étude d’impact (art. R. 512-8 C.

env.) 277.

Il est certain que l’obligation de recourir aux meilleures technologies disponibles se

veut favorable à la logique préventive. En effet, contraindre les entreprises à se doter

272 2° Le principe d'action préventive et de correctio n, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ; 273 On retrouve les MTD dans l’arrêté du 29 juin 2004 relatif au bilan de fonctionnement de certaines ICPE qui précise que l’analyse des performances de prévention et de réduction des pollution sera efectué par rapport à l’efficacité des meilleures techniques dispoibles qui sont par ailleurs définies dans l’annexe de l’arrêté. 274 Ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 portant transposition du chapitre II de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles JO 6 janvier 2012, p. 237. L'ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 a pour obj et de transposer la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles en créant, au sein du code de l'environnement, une nouvelle section visant exclusivement les installations mentionnées par l'annexe I de la directive 2010/75/UE et en définissant les principes généraux applicables à ces installations. Ces principes sont la mise en œuvre des meilleures techniques disponibles, le réexamen périodique des conditions de fonctionnement, la participation du public et la prise en compte, pour la définition des conditions de remise en état, de l'état du terrain. 275 Directive n° 2010/75/ UE du 24 novembre 2010 relat ive aux émissions industrielles 276 L’art. R. 512-28 C. env. prévoit que les prescriptions de fonctionnement des installations classées soumises à autorisation tiennent compte notamment de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie. 277 Un arrêté du 26 avril 2011 relatif à la mise en œuvre des meilleures techniques disponibles détermine les conditions de cette intégration dans l’étude d’impact. Les installations visées sont celles qui sont déjà soumises à un bilan de fonctionnement au titre de l'annexe I de l'arrêté du 29 juin 2004.

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149

des technologies les plus performantes paraît être le plus sûr moyen de se prémunir

contre le risque de pollution.

Jusqu’à présent, les MTD étaient issus de documents de référence (« BREFs » (pour

BAT Reference) sectoriels ou transversaux élaborés au niveau communautaire. Ces

documents étaient établis par ce que l’on appelle le « processus de Séville »,

(http://eippcb.jrc.ec.europa.eu/ ) qui créait un échange d’information, sans créer

d’obligation.

Aujourd’hui, il existe de nombreux BREFs dans de multiples secteurs : dans les

activités énergétiques –grandes installations de combustion par ex-, dans le secteur

de la production et de la transformation des métaux –aciéries-, industries minérales –

cimentiers-, industrie chimique, gestion des déchets, etc.

Afin de déterminer les MTD et de limiter les déséquilibres dans l’UE en ce qui

concerne les niveaux d’émission des activités industrielles, la nouvelle directive IED

prévoit que des « documents de référence MTD » seront désormais élaborés. La

Commission mettra en place des forums d’échanges et pourra adopter des

conclusions sur les meilleures technologies, qui s’imposeront aux industriels278.

§ 3 - L’information

Comme on ne peut prévenir que ce que l’on connaît, il faut augmenter les

investigations en vue d’avoir une meilleure information de l’impact environnemental

envisagé.

278 « Décision n° 2012/119/UE d’exécution du 10/02/12 établissant les lignes directrices sur la collecte de données, sur l’élaboration de documents de référence MTD et sur leur assurance qualité, visées par la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles »

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Cela conduit à faire des évaluations avant d’autoriser un projet, comme

l’illustre le mécanisme de l’évaluation préalable des incidences qu’un projet peut

avoir sur l’environnement.

Il en va de même du mécanisme de l’étude de risque qui tend à se généraliser

dans des domaines particulièrement sensibles comme celui des entreprises Seveso,

des O.G.M., encore celui de la mise sur le marché de substances chimiques avec le

Règlement REACH qui impose des investigations précises pour évaluer la sécurité

chimique des substances utilisées279.

Les investigations peuvent également s’opérer a posteriori. Cela peut se faire

sous forme de suivi280.

§ 4 - L’incitation

On peut traduire le principe de prévention par des mécanismes qui inciteront

le potentiel pollueur à prendre les mesures préventives.

En ce qui concerne les incitants directs, ils peuvent prendre la forme d’aides

publique à une politique de prévention281 (par exemple des subventions pour

l’isolation des maisons) 282.

En termes d’incitant indirect, l’on peut citer le renforcement des divers

mécanismes de la responsabilité.

279 Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH). 280 C’est notamment la technique du « suivi environnemental » imposée par la directive 2001/42/CE sur l’évaluation des incidences environnementales de certains plans et programmes. 281 Par exemple, pour compenser son manque d’espaces verts, la ville de Buenos Aires a baissé les taxes immobilières des édifices équipés de terrasses végétalisées. Le procédé permet d’éviter la surchauffe estivale. 282 Dans les limites de ce qu’autorise le droit européen (voyez infra à propos de principe pollueur-payeur).

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§ 5 - La substitution

L’action de substitution prend souvent la forme, en droit de l’environnement, de

mesures alternatives.

La directive 2001/42/CE sur l’évaluation des incidences des plans et programmes sur

l’environnement prévoit que « lorsqu'une évaluation environnementale est requise

(…),les solutions de substitution raisonnables (…) sont identifiées, décrites et

évaluées ».

La directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011283 concernant l’évaluation de certains

projets publics et privés sur l’environnement prévoit également que le demandeur doit

fournir aux autorités publiques « une esquisse des principales solutions de

substitution qui ont été examinées par le maître d'ouvrage»284.

La CJCE a eu l’occasion de mettre en œuvre ce principe de substitution à l’occasion

de la construction d’un projet autoroutier traversant une zone Natura 2000 au

Portugal285.

En l’espèce, la Cour a considéré « qu’en mettant à exécution un projet d’autoroute

dont le tracé traverse la zone de protection spéciale de Castro Verde, malgré les

conclusions négatives de l’évaluation de l’impact sur l’environnement et sans avoir

283 Le J.O. L 26 du 28 janvier 2012 publie (p. 1) la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. La directive3 85/337/CEE, telle que modifiée par les directives visées à l’annexe V, partie A, est abrogée, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition en droit national des directives indiquées à l’annexe V, partie B. Cette directive est entrée en vigueur le 17 février 2012. 284 Art 5, § 3. L’article R. 122-3 du Code de l’environnement se montre moins explicite et exige du pétitionnaire ou du maître d’ouvrage qu’il présente simplement « les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, parmi les partis pris envisagés qui font l’objet d’une description, le rapport présenté a été retenu ». 285 CJCE, 26 oct. 2006, C-239/04, Commission c/Portugal.

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démontré l’absence de solutions alternatives audit tracé, la république portugaise a

manqué à ses obligations (…) ».

De même, au titre de l’article 6, § 4 de la directive 92/42/CE286, dite « Habitats », un

projet portant atteinte à un site Natura 2000 ne peut être autorisé qu’à la triple

condition d’être justifié par des exigences impératives d’intérêt public majeur, de

comporter des mesures compensatoires et de démontrer l’absence de solutions

alternative.

Chapitre 3 : Le principe de précaution

Sur le principe de précaution, voyez notamment, Commission des Communautés

européennes, Communication sur le recours au principe de précaution, Bruxelles, 2

février 2000, (Com(2000)1 final); Ph. Kourilsky et G. Viney, Le principe de

précaution, Rapport au Premier Ministre, Ed. Odile Jacob, Paris, 2000, 405 p. ; G.

MARTIN, “Précaution et évolution du droit”, DALLOZ, 1995.

Résolution de l’Assemblée nationale n° 837 sur la m ise en œuvre du principe de

précaution

Le modèle anticipatif se nourrit d’un certain désanchantement vis à vis de la culture

scientifique classique. La prévisibilité scientifique recontre en effet, dans notre

domaine, d’importantes limites (que l’on pense aux effets destructeurs du DTT sur la

faune sauvage).

De manière générale, la science contemporaire fournit finalement plus de questions

qu’elle ne donne de réponses. Plus elle sait et plus elle connaît les limites de son

savoir. Du coup la science est métamorphosée en révélatrice de nos incertitudes. 286 « Si, en dépit de conclusions négatives de l'évaluation des incidences sur le site et en l'absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l'État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée ».

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Le nouveau modèle de conduite transcendé par le principe de précaution n’a

commencé à s’imposer que lorsque les dommages écologiques ont revêtu une

dimension planétaire : modifications climatiques, disparition de la couche d’ozone,

anéantissement de la diversité biologique, surpopulation, désertification.

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La menace n’est plus locale mais globale, elle n’est plus individuelle mais collective.

Du coup, la peur dont on avait cru pouvoir s’affranchir revient sous une forme

nouvelle.

C’est dans ce contexte qu’a émergé un nouveau modèle de nature anticipative qui

renvoie à la notion de précaution. L’incertitude dans laquelle nous sommes plongés

doit nous réconcilier avec la prudence ou la précaution.

La différence avec le principe de prévention repose sur une subtile différence de

degré dans la prise en compte des risques.

En application du principe de prévention, on se contente de prendre les mesures

nécessaires à la non survenance d’un risque prévisible ou probabilisable

Avec le principe de précaution on prend une attitude dictée par la prise en compte

d’un risque qui n’est pas connu mais seulement pressenti, il s’agit d’un risque qui

n’est même pas probabilisable 287.

Plus d’une quinzaine de textes internationaux ont, depuis une quinzaine d’années

adopté le principe de précaution. La plupart relèvaient au départ de la soft law (non

contraignant) mais le principe de précaution est en train d’acquérir une force

juridique incontestable en droit communautaire et dans les ordres juridiques internes.

Ce qui lui donne cette force c’est peut-être son extension aux domaines de la santé.

A cet égard, on peut se demander si le principe de précaution n’est pas en train de

devenir un principe général de gestion des situations de crise touchant la santé

publique288.

287Voy. G. MARTIN, “Précaution et évolution du droit”, DALLOZ, 1995. 288Gaelle Bossis : Le principe de précaution au niveau international et communautaire. Revue Droit de l’environnement, n 90, Juillet/août 2001.

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Section 1 - Le principe de précaution en droit int ernational

§ 1 – La formalisation du principe

La déclaration de Rio sur l’environnement et le développement du 14 juin 1992

énonce, dans son principe 15 :

“Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être

largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque, de

dommages graves et irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne

doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures

effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement”.

Les instruments de droit international de l’environnement qui préconisent de ne pas

différer les mesures à prendre, même si on ne mesure pas totalement les risques,

sont en définitive plutôt rares.

On peut citer à cet égard le Protocole de Carthagène289 du 29 janvier 2000 sur la

prévention des risques biotechnologiques, pris en application de la Convention sur la

diversité biologique290.

289 Le Protocole s’intitule «de Carthagène» et non «de Montréal» dans la mesure où il aurait dû être signé à Carthagène en Colombie, mais les négociations échouèrent (voy. J.F. NEURAY, Droit de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.464, note (2). En fait, c’est le « groupe de Miami » comprenant le Canada, l’Argentine, l’Australie, le Chili et l’Uruguay – soutenu par les Etats-Unis qui n’ayant pas signé la Convention de Rio sur la diversité biologique, n’est pas partie au Protocole de Carthagène –, soit le plus importants exportateurs de semences transgéniques, qui a fait échouer les négociations à Carthagène. 290 Sur cette question, voy. F.HAUMONT, Le régime juridique des organismes génétiquement modifiés, ronéo, Forum de l’environnement, Antibes, 9 février 2002, 29 p. ; F. HAUMONT – M. de RUYVER, « Les organismes génétiquement modifiés », R.P.D.B., v° Urbanisme et environnement, Bruylant, Bruxelles, 2007, n° 1983 et s.

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L’objectif du Protocole de Carthagène est, dans l’approche du principe de précaution

consacré par le Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le

développement, «de contribuer à assurer à un degré adéquat de protection pour le

transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger des organismes vivants modifiés

résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur

la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu

également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l’accent

sur les mouvements transfrontières» (art. 1er).

Le Protocole de Carthagène organise une procédure d’accord préalable pour les

transferts d’O.V.M. (organismes vivants modifiés) et autorise les Etats parties au

Protocole à fonder leur refus d’autorisation sur le principe de précaution291. La

difficulté vient du fait que les principaux pays exportateurs d’OGM (Etats-Unis

notamment) ne l’ont pas signé.

Du coup, on en revient aux règles de l’accord général sur les tarifs et le commerce

(le GATT) de l’OMC dont l’article XXb autorise les Etats à déroger de plein droit aux

règles du libre-échange pour faire prévaloir « la protection de la santé et de la vie

des personnes ou des animaux ou la préservation des végétaux ».292

Dans ce cadre, des mesures de précaution peuvent être prises sur le fondement de

l’article XX b , si elles ne constituent :

- ni un moyen de discrimination arbitraire,ou injustifiable entre les pays,

- ni une restriction déguisée au commerce

- et si elles sont nécessaires à la protection de la vie et de la santé.

291 Art. 10 et 11. « l’absence de certitude scientifique due à l’insuffisance des informations et des connaissances scientifiques pertinentes concernant l’étendue des effets défavorables potentiels d’un organisme vivant modifié sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique dans la Partie importatrice, compte tenu également des risques pour la santé humaine, n’empêche pas cette Partie, de prendre comme il convient une décision concernant l’importation de l’organisme vivant modifié (…) pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels ». 292 Voyez A.C. Chaumont, L’objectif de DD de l’OMC, l’harmattan 2008.

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Cette disposition du GATT permet donc aux Etats de prendre des mesures

restrictives lorsque ces mesures sont effectivement destinées à protéger la santé des

personnes, des animaux ou des végétaux.

Avec le temps, l’exception de l’article XX est apparue trop large et l’idée d’un accord

plus précis s’est peu à peu imposée.

Pris en application de l’article XX, b) du GATT293, l'accord sur les mesures sanitaires

et phytosanitaires (dit accord SPS), entré en vigueur le 1er janv. 1995, permet

désormais à un Etat d’adopter provisoirement des mesures sanitaires même en cas

de preuves scientifiques insuffisantes dans la mesure où il dispose de

renseignements pertinents (art. 5.7)294.

§ 2 – La jurisprudence

La jurisprudence internationale est nettement moins affirmative comme l’illustrent

quelques exemples :

A – La Cour internationale de justice

Incontestablement, la CIJ se montre encore réticente à valider le principe de

précaution. On peut citer à titre d’exemple plusieurs arrêts en ce sens :

- Cour internationale de justice, 22 septembre 1995, Nouvelle Zélande c/France

: dans l’affaire des essais nucléaires français de 1995, la CIJ a éludé

pour des motifs de procédure le grief développé par la Nouvelle Zélande

293 Sur cet accord, voyez http://www.fao.org/docrep/003/x7354f/x7354f02.htm 294 "Dans le cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres membres. Dans de telles circonstances, les Membres s'efforceront d'obtenir des renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable."

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qui s’appuyait sur le principe de précaution pour demander l’arrêt des

essais nucléaires français. (RGDIP, 1997-2, p. 447).

- Cour internationale de justice, 25 septembre 1997, Gabcikovo-Nagymaros

Hongrie c/ Slovaquie : la Hongrie soulevait des risques écologiques à

très longs termes pour ne pas respecter ses obligations en ce qui

concerne la construction de barrages hydrauliques sur le Danube

prévues en vertu d’un traité entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie. La

Cour n’a pas suivi la position de la Hongrie estimant que « le péril

allégué par la Hongrie s’inscrivait dans le long terme et, élément plus

important, demeurait incertain » (RGDIP, 1998, p. 85).

- CIJ, 20 avril 2010, Urugay c/ Argentine, usine de pâte à papier.(RJE 4/2010,

p. 606).

Dans le cadre de ce différend, l’Argentine considérait que la responsabilité de

l’Uruguay devait être engagée pour violation d’obligations lui incombant au titre du

statut du fleuve Uruguay. La Cour déboute la requérante de ses demandes relatives

au respect de l’environnement mais deux apports de l’arrêt doivent être salués : la

consécration en droit international de l’obligation d’évaluer l’impact d’un tel projet sur

l’environnement et la précision apportée au régime préventif de l’interdiction de

causer un dommage à l’environnement d’un autre Etat.

Convention baleinière internationale La convention baleinière internationale de

Washington, adoptée le 2 décembre 1946 et complétée par un protocole du 19

novembre 1956 ( Conv. intern. 2 déc. 1946, publiée par D. n° 48-2044, 31 déc. 1948

: JO, 26 sept. Prot. 19 nov. 1956, publié par D. n° 58-877, 15 sept. 1958 : JO, 26

sept.), a pour objet de limiter les prélèvements commerciaux de certaines espèces

de cétacés dont les effectifs sont réduits.

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Les décisions de limitation ou d'interdiction sont prises par la Commission baleinière

internationale (CBI) qui a notamment pour rôle de permettre la protection totale de

certaines espèces (baleine bleue, baleine à bosse), désigner des vastes zones

protégées ou sanctuaires pour les baleines, limiter le nombre et la taille des baleines

pouvant être chassées (hors moratoire), fixer les saisons d'ouverture et de fermeture

des campagnes de chasse et délimiter les territoires de chasse et interdire la capture

de baleineaux et de femelles accompagnées de baleineaux.

Le moratoire sur la chasse à la baleine, décidé dès 1982 par les instances de la CBI,

a été mis en oeuvre depuis 1986 pour une durée indéterminée. La France y a

toujours apporté son soutien, compte tenu de la surexploitation dont fait l'objet ces

espèces, de la faiblesse de leur effectif et de leur taux de reproduction. Cependant,

certains pays s'y sont rapidement opposés, en maintenant, soit des chasses

commerciales (Norvège et Islande), soit des chasses dites « scientifiques » (Japon,

Islande, et depuis 2012, Corée du Sud) qui n'ont en fait pour but que d'alimenter la

restauration de luxe. La Convention autorise également certains pays à pratiquer une

chasse dite « arborigène » ou de « subsistance » pour certains États : États-Unis

(Alaska), Russie (Sibérie), Danemark (Groënland), Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

Lors de la 59e session de la CBI, tenue à Anchorage (Alaska) du 28 au 31 mai 2007,

plusieurs résolutions favorables à la conservation des baleines ont été adoptées,

notamment concernant la condamnation du programme de chasse scientifique du

Japon (JARPA), les relations entre la CBI et la CITES ou l'utilisation non létale des

baleines (whale-watching). Une résolution sur les quotas de chasse aborigène a été

adoptée, notamment au profit du Groënland. La chasse côtière revendiquée par le

Japon a par ailleurs été repoussée. Enfin, une proposition visant à créer un

sanctuaire baleinier a été adoptée ( Communiqué de presse du ministère des affaires

étrangères, 31 mai 2007).

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Lors de la 64e session tenue à Panama en 2012, ce projet de sanctuaire pour les

cétacés dans l'Atlantique Sud a toutefois échoué [deux sanctuaires existent

actuellement dans l'Océan indien (depuis 1979) et en Antarctique (en 1994)].

Toutefois, les membres de la Commission baleinière ont refusé au Danemark

l'augmentation de ses quotas de chasse pour les peuples indigènes du Groënland :

ainsi, ce pays se verra retirer son autorisation de chasse dès début 2013, ces quotas

n'étant pas renouvelés. Deux groupes de travail ont été mis en place : l'un pour

étudier la possibilité de donner aux Nations unies un rôle plus important dans la lutte

contre la chasse à la baleine et l'autre pour analyser l'impact de la pollution sonore

en mer et des explorations sismiques pétrolières et gazières off shore sur les

cétacés.

trois États refusent de mettre fin à la pêche à la baleine : la Norvège (1 000

baleines de Minke prélevées en 2010), l'Islande (148 rorquals communs et 60

baleines de Minke prélevés en 2010), ainsi que le Japon qui revendique une « pêche

scientifique » (172 baleines prélevées en 2010), mais qui est dans les faits pratiquée

à des fins purement commerciales (sources : R. Boughriet, Polémique autour de la

reprise de la pêche japonaise à la baleine, Actu environnement, 14 déc. 2011).

La Commission européenne demande l'interdiction de la chasse aux cétacés à des

fins scientifiques et le ferme respect du moratoire de cette chasse dans le cadre de

la convention baleinière internationale (CBI). Elle souligne que les efforts employés

par l'Union européenne pour préserver ces espèces ne peuvent aboutir que si

l'interdiction est bien respectée ( Communication de la Commission n° COM (2007)

823 final, 19 déc. 2007 : non publiée au JOUE Prop. Déc. du Conseil n° COM (2007)

821 final, 19 déc. 2007 : non publiée au JOUE).

( CIJ, 31 mars 2014, aff. 148). La Cour internationale de justice, saisie par l'Australie,

a estimé que les permis spéciaux autorisant, à des fins de recherche scientifique, la

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mise à mort, la capture et le traitement de rorquals communs, de baleines à bosse et

de petits rorquals de l'Antarctique, sont contraires à la convention baleinière,

notamment du fait de l'ampleur des recours aux méthodes létales (objectif de 850

petits rorquals, 50 rorquals communs et 50 baleines à bosse) étaient contraires aux

objectifs de la convention. Il en est de même de la réglementation de la chasse à la

baleine pour ce qui est de la mise à mort, de la capture et du traitement de rorquals

communs dans le « sanctuaire de l'océan Austral ». La Cour ordonne par

conséquent au Japon qu'il révoque tout permis, autorisation ou licence déjà délivré et

s'abstienne d'accorder tout nouveau permis au titre de ce programme

35 États, dont 28 de l'UE ont demandé que l'Islande mette fin à la chasse à la

baleine et qu'elle adhère au plus vite au moratoire décrété en 1986.

B. L’Organe de règlement des différends de l’OMC (Organe d’appel des

règlements des différends de l’Organisation mondiale du commerce),

- O.R.D. de l’O.M.C. 16 janvier 1998 , Canada et U.S.A. c/ U.E. Aff. N° 26.

Mesures concernant les viandes et les produits carnés

Aux USA et au Canada, les hormones sont en vente libre et il est de pratique

courante de les administrer aux animaux destinés à l’alimentation humaine.

L’Europe s’est opposée à l’importation de viandes aux hormones en

provenance de ces pays en application de l’accord sur les mesures sanitaires et

phytosanitaires (accord SPS) qui a pour objet de promouvoir une harmonisation

des mesures de protection de la santé humaine, animale et végétale.

L’ O.M.C. a refusé l’application du principe de précaution au motif que

l’identification du risque de présence d’hormones dans la viande est une

condition pour pouvoir prendre des mesures restrictives. L’ O.M.C. a estimé

que l’Union européenne ne démontrait pas ce risque.

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162

Si l’on suit la jurisprudence de l’ O.M.C, cela signifie que jamais le principe de

précaution ne peut servir de base à une mesure restrictive aux importations : une

mesure restreignant les échanges commerciaux doit reposer, selon l’O.M.C., sur des

risques dûment évalués et non pas sur les incertitudes inhérentes à la recherche

scientifique.

L’organe d’appel de l’OMC a confirmé cette position le 30 octobre 1998 à propos

d’une décision d’embargo prononcée par l’Australie sur le saumon canadien en

raison des risques de maladies infectieuses.

Et le 22 février 1999 au sujet de mesures restrictives prises par le japon pour

l’importation de certains produits agricoles (fruits et noix potentiellement hôtes du

carpocapse qui est un vers qui attaque les fruitiers).

En revanche, un rapport de l’OMC du 18 septembre 2000, confirmé par l’organe

d’appel le 12 mars 2001, a abouti à interdire l’amiante.

En l’espèce, l’affaire opposait le Canada à l’union européenne et la France. L’ORD

donne raison à l’Europe et à la France en interdisant le produit au regard du fait que

« les preuves scientifiques de la carcinogèneité sont claires, volumineuses et

confirmées à plusieurs reprises par diverses organisations internationales au point

d’être pratiquement accablantes » ( § 63).

C – La CEDH

La jurisprudence a évolué. Les premières décisions ont repoussé le principe de

précaution, concernant notamment les centrales nucléaires.

- Commission CEDH 4 déc. 1995 TAUIRA et 18 autres C/ la France

La seule invocation des risques inhérents à l'utilisation de l'énergie nucléaire, tant

civile que militaire, ne suffit pas pour permettre aux requérants de se prétendre

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163

victimes d'une violation de la Convention, bon nombre d'activités humaines étant

génératrices de risques.

Il faut qu'ils puissent prétendre, de manière défendable et circonstanciée, que faute

de précautions suffisantes prises par les autorités, le degré de probabilité de

survenance d'un dommage est tel qu'il puisse être considéré comme constitutif d'une

violation de la convention, à condition que l'acte critiqué n'ait pas des répercussions

trop lointaines (Cour eur. D.H., arret Soering du 7 juillet 1989, série A n° 161, p. 33,

par. 85).

-C.E.D.H., 26 août 1997, Balmer-Schafroth c/Suisse : les requérants invoquaient le

droit d’obtenir une protection adéquate de leur intégrité physique contre les risques

engendrés par l’utilisation de l’énergie nucléaire, reconnu par le droit suisse. La Cour

européenne des Droits de l’Homme a considéré que le risque soulevé par le

plaignant découlant du permis autorisant la prolongation de l’exploitation d’une

centrale nucléaire était trop ténu et lointain. La Cour demande donc la

démonstration d’un degré de probabilité important.

Dans le même sens CEDH, aff ATHANASSOGLOU ET AUTRES c. SUISSE, 6 avril

2000, n° 27644/95.

Mais les choses ont récemment évolué avec l’affaire Tatar jugée le 27 janvier 2009.

- CEDH, 27 janvier 2009, Tatar c./Roumanie

La cour EDH, fait expressément et longuement référence au principe de précaution

en renvoyant aux instruments de l’Union européenne qui l’on consacré (notamment

la communication du 2 février 2000) et la jurisprudence de la CJCE, notamment dans

l’affaire de la vache folle295.

La CEDH fait application du principe de précaution qui « recommande aux États de

ne pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir

295 (CJCE, 5 mai 1998, Royaume Uni/Commission, Aff C-180/96, Rec. I-2265 et CJCE, 5 mai 1998, National Farmer’s Union, C-157/96, Rec. I-2211).

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164

un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement en l’absence de

certitude scientifique où technique ».

Il n’y a plus de doute sur le fait que le principe de précaution a désormais intégré la

jurisprudence de le CEDH.

D - Le tribunal du droit de la mer

Le 27 août 1999, le Tribunal du droit de la mer de Hambourg avait été sollicité pour

prononcer des mesures conservatoires, à la demande de l’Australie et de la

Nouvelle-Zélande, pour empêcher le Japon de continuer à procéder à des pêches

des thons à nageoire bleue dépassant les quotas alloués. Bien que faisant droit à

cette demande, le Tribunal ne dit mot sur l’argument, pourtant étayé par les Etats

requérants, fondé sur le principe de précaution296.

Section 2 Le droit de l’Union européenne

§ 1 – La formalisation du principe

Si l’article 191, § 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

mentionne le principe de précaution, force est de constater que, pendant des

années, seules quelques directives faisaient explicitement référence à ce principe297.

Aujourd’hui, la référence au principe de précaution tend à se généraliser.

296 TDM, 27 août 1999. http://www.itlos.org/case_documents/2001/document_fr_116.pdf 297 Ce fut le cas notamment de : - La directive 80/68/CEE du 17 décembre 1979 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses ; - La directive 75/442/CEE relative aux déchets ; - La directive 90/219/CEE modifiée par la directive 98/81/CE (utilisation confinée des OGM) (3e considérant) et la directive 2001/18/CE (dissémination volontaire d’OGM) (art. 1er).

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165

La Commission européenne a publié le 2 février 2000 une communication sur le

recours au principe de précaution298 dans laquelle elle énonce que le principe de

précaution repose sur trois éléments:

- l’évaluation du risque

- la gestion du risque

- et la communication sur le risque.

§ 2 – La jurisprudence

La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes est en

revanche favorable au principe de précaution sachant que la santé humaine reste le

terrain privilégié de son application.

A - Dans le domaine de la santé

CJCE 5 mai 1998 (C 180/96 et C 157/96).

A la suite de la crise de la vache folle, un embargo avait été décidé par l’Union

européenne sur la viande bovine britanique. Dans un 1er temps, le Royaume Uni

avait demandé, en référé, la suspension provisoire de cette mesure. Prononcée le 12

juillet 1996, l’ordonnance rendue par la Cour ne fait pas droit à la requête au motif

que : « la maladie de Creutzfled-Jacob et plus particulièrement la variante

découverte récemment n’est encore qu’imparfaitement connue des scientifiques,

mais son caractère mortel a été rappelé au cours de l’audience (…).

Vu le fait que l’explication la plus probable de cette maladie mortelle est une

exposition à l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine), aucune hésitation n’est

permise. Tout en admettant les difficultés d’ordre économique et social engendrées

au Royaume Uni par la décision de la Commission, la Cour ne fait que reconnaître

l’importance prépondérante à accorder à la protection de la santé ».

298 COM(2000) 1 final.

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166

Les deux arrêts rendus sur le fond le 5 mai 1998 sont encore plus nets : “lorsque des

incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des

personnes, les institutions peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à

attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées”.

Pour autant la Cour de justice veille au respect du principe de proportionnalité299 et

vérifie que le principe de précaution ne soit pas invoqué de manière abusive pour

contourner les règles de libre circulation des marchandises. C’est d’ailleurs sur la

base de ce principe de proportionnalité que l’Union européenne a décidé, dès le 1er

août 1999, une levée de l’embargo contre la viande britannique, conditionnée au

respect de certaines procédures.

Estimant ces garanties insuffisantes sur la base d’un avis de l’Agence française de

sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), le gouvernement français estimait ne pas

être en mesure de lever l’embargo ce qui lui a valu une condamnation par la Cour de

justice (CJCE 13 décembre 2001, C-1/00).

On notera également que le tribunal de 1ère instancea eu l’occasion d’affirmer pour

sa part, en 2002, dans une affaire concernant un retrait d’autorisations de mise sur le

marché d’un médicament que : « Le principe de précaution peut être défini comme

un principe général du droit communautaire imposant aux autorités compétentes de

prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour

la santé publique, la sécurité et l’environnement, en faisant prévaloir les exigences

liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques . (Artegodan du 26

novembre 2002, (T.P.I.C.E., AGF. T. 74/2000),

299 : “il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés”.

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167

Dans tous ces cas, une connaissance scientifique minimale du risque est nécessaire.

Dans un arrêt Pfizer Animal Health (TPICE, 11 sept. 2002, Pfizet animal Health), le

tribunal énonce « qu’aucune mesure préventive ne saurait valablement être motivée

par une approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples

suppositions scientifiquement non encore vérifiées ».300

B - Dans la matière purement environnementale.

Les décisions sont plus rares.

Dans le domaine de la pêche

CJCE 24 nov. 1993 (aff.C 405-92 )

En l’espèce, il s’agissait d’apprécier la validité d’un règlement communautaire pris

sur le fondement de l’article 39 du traité relatif à la politique de la pêche et interdisant

l’utilisation de filets maillants dérivant supérieurs à 2,5 kM de longeur. Les experts

étaient partagés sur leur impact.

La cour de justice souligne que “les mesures de conservation des ressources de

pêche ne doivent pas être pleintement conformes aux avis scientifiques et que

l’absence ou le caractère non concluant d’un tel avis ne doit pas empêcher le Conseil

d’adopter les mesures qu’il juge indispensables pour réaliser les objectifs de la

politique commune de la pêche”.

Natura 2000

300 Cf également : TPICE, 16 juillet 1998, T 199/96, huiles solaires à l’essence de Bergamote TPICE, 11 sept. 2002, Pfizet animal Health ;aff. T-13/99, point 143 TPICE, 11 sept. 2002, Alpharma Inc c/conseil, AGF. T.70/99 TPICE du 21 octobre 2003, Solvay T. 392/02 ; CJCE, 24 oct. 2002, Walter Hanh, aff. C-121/00 CJUE, 22 décembre 2010, C‑77/09, Gowan Comércio Internacional e Serviços Lda contre Ministero della Salute, CJUE, 8 juillet 2010, C‑343/09, Afton Chemical Limited contre Secretary of State for Transport,

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168

CJCE 2 août 1993, Commission c/ Espagne :

La Cour a condamné le Royaume d’Espagne pour la suppression d’une zone

humide, en violation d’une directive 79/409 relative aux oiseaux sauvages (Marismas

de Santona) et ceci nonobstant la fait que la destruction de la zone n’a pas entraîné

une diminution du nombre d’oiseaux protégés.

La Cour estime en effet qu’il y avait une obligation avant même qu’un risque de

disparition d’une espèce protégée se soit concrétisé. En d’autres termes, l’Espagne

ne pouvait détruire cette zone humide en application du principe de précaution.

Il faut signaler en outre que, désormais, la Cour de justice applique

systématiquement le principe de précaution dans le cadre de l’évaluation des

incidences sur les sites Natura 2000.

« L’article 6, § 3, de la directive «habitats» subordonne l’exigence d’une évaluation

appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet à la condition qu’il y ait une

probabilité ou un risque qu’il affecte le site concerné de manière significative.

Compte tenu, en particulier, du principe de précaution, un tel risque existe dès lors

qu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, que ledit plan ou projet

affecte le site concerné de manière significative ».

(CJUE, 26 mai 2011, Commision c/ Belgique, C‑538/09, point 39, voir également les

CJCE, 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging,

Commission/Royaume-Uni, C-6/04, point 54, ainsi que du 13 décembre 2007,

Commission/Irlande, C-418/04, , point 226).

OGM.

Voir Monsanto, 8 septembre 2011, C-58/10

Section 3 - Le principe de précaution en droit int erne

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169

Voyez notamment Principe de précaution et dynamique d’innovation, Conseil

économique, social et environnemental, Etude du CESE, n° 2013-30 (disponible sur

www.lecese.fr).

§ 1 – La formalisation du principe

Dans la législation française, l'expression « principe de précaution » a été employée

pour la première fois dans la loi dite Barnier n° 9 5-101 du 2 février 1995. Il figure

aujourd’hui à l’article L110-1 du code de l’environnement.

Selon cet article, les politiques de l’environnement s’inspirent de certains principes

au nombre desquels figure le principe de précaution.

Art. L. 110-1 C.e. : Celui-ci est défini comme :

1º Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des

connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption

de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages

graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;

Cette définition se rapproche de celle retenue par la conférence de Rio

Le principe de précaution s'adresse donc à des situations particulières et nécessite

deux conditions cumulatives comme nous l’avons vu :

1. « l'absence de certitudes »

2. et l'existence d'un « risque de dommages graves

et irréversibles ».

L'article L. 110-2301 du Code de l'environnement, pour sa part, souligne qu’ « Il est du

devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de

l'environnement ».

301 Art. L. 110-2 : Les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain et contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de

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170

Si la valeur normative du principe a pu paraître incertaine, l’incorporation principe de

précaution dans la Charte de l’Environnement, est d’une toute autre portée.

Désormais intégré au bloc de constitutionnalité, le principe peut être soumis au

contrôle du juge constitutionnel302.

Quant à la définition retenue à l’article 5 de la Charte, elle supprime la référence à la

notion de “coût économiquement acceptable” et impose aux pouvoirs publics, outre

l’adoption de “mesures provisoires et proportionnées”, la mise en œuvre de

“procédures d’évaluation des risques” :

“ Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des

connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible

l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de

précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures

d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin

de parer à la réalisation du dommage”.

Rappelons également que le Conseil Constitutionnel, dans l’affaire Michel Z (cf infra)

a mis une obligation de vigilance à la charge de toutes les personnes, (tant publiques

que privées). Cette obligation de vigilance inclut également l’obligation de prendre

les précautions nécessaires pour éviter la réalisation des dommages qui pourraient

résulter de leur activité.

§ 2 – La jurisprudence

l'environnement. Les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se conformer aux mêmes exigences. 302 décision 2005-514 DC du 28 avril 2005

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171

En droit interne, on constate que la jurisprudence, petit à petit, fait référence à la

notion de principe de précaution. Le conseil d’Etat a rendu une série d’arrêt

reconnaissant la valeur normative du principe de précaution.

A. En relation avec la santé

Le principe de précaution a été invoqué à l’égard de certains produits. Si les

juridictions ne se sont pas tout de suite placées sur le terrain de la précaution, celle-

ci soutend les condamnations.

Sang contaminé

Dans l’affaire du sang contaminé, le Conseil d’Etat le 9 avril 1993 a reconnu que

l’Etat commet une faute de nature à engager sa responsabilité s’il tarde à interdire la

délivrance des produits sanguins non chauffés et que ce retard est à l’origine de

contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins.

Amiante

CE 3 mars 2004, n° 241153

Dans l'affaire de l'amiante, le Conseil d'Etat ne se place pas sur le terrain du principe

de précaution. Il faut dire que le danger lié à l'exposition aux poussières d'amiantes

est identifié depuis longtemps (dès le début du 20è siècle un inspecteur du travail

l'avait relevé dans un rapport d'inspection) et que, s'agissant d'un risque connu et

identifié, c'est une manque au devoir de prévention qui est explicitement sanctionné.

Cependant, il faut relever que pour condamner l'Etat, le Conseil d'Etat approuve les

premiers juges d'avoir retenu comme élément à charge le fait "qu'aucune étude n'a

été entreprise avant 1995 pour déterminer précisément les dangers que présentaient

pour les travailleurs les produits contenant de l'amiante alors pourtant que le

caractère hautement cancérigène de cette substance avait été confirmé à plusieurs

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172

reprises et que le nombre de maladies professionnelles et de décès liés à l'exposition

à l'amiante ne cessait d'augmenter depuis le milieu des années cinquante".

Faut-il y voir là les germes d'actions futures en responsabilités lorsque l'autorité

publique n'aura pas entrepris des études sur la réalité d'un danger ?

Périmètre de protection d’un captage d’eau

CE, 4 janvier 1995, n° 94967.

Dans le cadre d’une affaire ROSSI, jugée le 4 janvier 1995, à propos d’un périmètre

de protection de captage d’eau, le Conseil d’Etat confirme la décision des juges de

première instance qui avaient annulé l’ arrêté de Déclaration d’Utilité Publique de la

construction d’une voie autoroutière, au motif que la zone de protection était

insuffisante.

Pour le CE, le fait que “le test d’infiltration à la fluorescence n’ait pas permis de

confirmer les risques ainsi que le fait que le rapport hydrologique n’ait pas estimé

que le périmètre de protection rapproché était insuffisant ne sont pas de nature à

démontrer à eux seul l’absence de nécessité d’élargir le périmètre de protection

rapprochée afin de garantir la qualité des eaux”.

Alimentation

Dans le cadre d’une affaire Sté Pro-Nat, le 24 février 1999 (n°192465), le conseil

d’Etat confirme l’interdiction de l’utilisation de tissus ou liquides d’origine bovine

présentant des risques de contamination, dans les aliments pour bébés, « eu égard

aux mesures de précaution qui s'imposent en matière de santé publique »303.

303 "Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que de nouvelles données scientifiques font état d'une possible transmission de l'agent de l'E.S.B. au mouton ; qu'en outre, comme l'a relevé notamment le comité d'experts sur les encéphalopathies subaiguës sponfigormes transmissibles, si la "transmission placentaire" de l'agent de l'E.S.B. ne semble pas être constatée à ce jour, il n'est pas possible cependant de conclure avec certitude sur ce point ; qu'en décidant au vu de ces éléments, et eu égard aux mesures de précaution qui s'imposent en matière de santé publique, d'édicter les interdictions faisant l'objet du décret attaqué, qui s'appliquent à des aliments destinés à des enfants en bas âge ainsi qu'à des compléments alimentaires qui peuvent contenir de s quantités élevées des tissus en cause, le Premier ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation"

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173

Dans un arrêt du 6 décembre 1999, Syndicat national du commerce extérieur et

des produits congelés, le Conseil d’Etat confirme le retrait et la destruction de

poisson congelé. Le CE observe que les perches du Nil pêchées dans le lac

Victoria, contaminées par des pesticides ont entrainé 87 intoxications dont 12

mortelles, que « la traçabiité des lots n’était pas assurée ; qu’il n’était pas davantage

possible de vérifier, même en procédant à l’analyse d’échantillons que la totalité des

produits stockés étaient exempts de contamination et auraient pu être remis sur le

marché sans risque pour la santé humaine. Par suite, les auteurs de l’arrêté attaché

« n’ont pas, eu égard aux mesures de précaution qui s’imposent en matière de santé

publique, adopté une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques

pour la santé que présentaient les produits en cause ».

OGM

CE 25 septembre 1998 , n° 194348

L'association Greenpeace-France demandait le sursis à exécution d'un arrêté du 5

février 1998 ayant permis l'inscription de trois variétés de maïs transgénique au

catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.

Si le Conseil d'Etat n'avait pas à se prononcer sur le fond, il devait néanmoins

apprécier s'il existait un moyen sérieux d'annulation.

En accueillant expressément le principe de précaution comme un moyen qui

« paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'arrêté

attaqué », le Conseil d'Etat accepte son invocabilité directe304.

Il décide donc de surseoir à l’exécution de la vente de semences de maïs

génétiquement modifié (C.E., 11 dec. 1998, Greenpeace France, n° 194348 195511

195576 195611 195612 ) et pose sa question préjudicielle à la CJCE :

304 (CE 25 septembre 1998, Association Greenpeace France c/ Ministère de l'agriculture et de la pêche, n° 194348 , Concl. M. Stahl. Voir pour les commentaires : Joël Andriantsimbazovina, « Le CE et le principe de précaution : L'affaire du maïs transgénique », Dr. adm., juin 1999, p. 4 et s. ; Martine Remond-Gouilloud, « Les OGM au Conseil d'Etat : Commentaire de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 25 septembre 1998 », G.P., 22-23 janvier 1999, p. 13 (texte de l'arrêt p. 23).

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174

« 1°) Les dispositions précitées de la directive n° 90/220 doivent-elles être

interprétées en ce sens que, si après transmission à la Commission des

communautés européennes d'une demande de mise sur le marché d'un organisme

génétiquement modifié, aucun Etat membre n'a émis d'objection (…) ou si la

Commission des communautés européennes a pris une "décision favorable" (…),

l'autorité compétente qui a transmis la demande, avec avis favorable, à la

Commission est tenue de délivrer le "consentement écrit" permettant la mise sur le

marché du produit, ou cette autorité conserve-t-elle un pouvoir d'appréciation lui

permettant de ne pas donner un tel consentement ?

2°) La décision du 23 janvier 1997 de la Commission des communautés

européennes, aux termes de laquelle "les autorités françaises autorisent la mise sur

le marché du produit ... notifié par Ciba-Geigy Limited", doit-elle être interprétée

comme obligeant le gouvernement français à délivrer son "consentement écrit" ? Ces

questions sont renvoyées à la Cour de Justice des Communautés européennes. »

La directive 90/220/CEE du Conseil du 23 avril 1990, relative à la dissémination des

OGM dans l’environnement, (devenue la directive 2001/18/CE) organise une

procédure d’autorisation assez complexe de mise sur le marché des OGM. La

directive a été prise sur le fondement de l’article 100 A ancien favorisant le

rapprochement des législations en vue de réaliser le marché intérieur.

La demande (notification) est introduite auprès d’une autorité nationale et en cas

d’avis favorable de celle-ci, l’instruction se poursuit à l’échelon communautaire,

faisant intervenir les autres Etats membres, la Commission, et éventuellement un

comité ou la Conseil.

Quand une décision favorable est prise par la Commission ou le Conseil, il revient à

l’autorité nationale de donner son consentement par écrit. La dissémination est alors

autorisée sur tout le marché de la Communauté.

A ce dernier stade de la procédure, quel est le pouvoir d’appréciation dont dispose

encore l’autorité nationale, la compétence est-elle liée ? Telle était l’une des

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questions posées à la Cour de justice par le Conseil d’Etat français saisi d’un

recours contre l’autorisation donnée par le ministre de l’agriculture et de la pêche à la

société Novartis Seeds.

Pour la Cour, l’examen du texte permet de répondre que la compétence est liée,

l’autorité nationale est obligée de délivrer l’autorisation de mise sur le marché. En

effet, la procédure elle-même respecte le principe de précaution puisque, tout au

long de celle-ci, les autorités nationales peuvent intervenir. En outre, l’article 16 de la

directive permet de limiter ou d’interdire, à titre provisoire, l’utilisation ou la vente d’un

produit qui a fait l’objet d’un consentement mais dont il a des raisons valables de

considérer qu’il présente un risque pour la santé humaine ou l’environnement.

Pour la Cour, « “le respect du principe de précaution trouve son expression, d’une

part, dans l’obligation du notifiant, prévue à l’article 11, paragraphe 6, de la directive

90/220, d’informer immédiatement l’autorité compétente de nouveaux éléments

d’information au sujet des risques que présente le produit pour la santé humaine ou

l’environnement ainsi que dans l’obligation de l’autorité compétente, prévue à l’article

12, paragraphe 4, d’en informer immédiatement la Commission et les autres Etats

membres et, d’autre part, dans la faculté de tout Etat membre, prévue à l’article 16

de cette directive, de limiter ou d’interdire, à titre provisoire, l’utilisation et/ou la vente

sur son territoire d’un produit qui a fait l’objet d’un consentement dont il a des raisons

valables de considérer qu’il présente un risque pour la santé humaine ou

l’environnement”.

Dans un arrêt du 21 mars 2000 Association Greenpeace c. France,. C-6/99, la Cour

de justice a estimé que les procédures communautaires contenues dans les

directives OGM permettaient de respecter le principe de précaution et que les Etats

étaient dès lors obligés de se soumettre aux conclusions de ces procédures305.

305 La directive 90/220/CEE du Conseil du 23 avril 1990, relative à la dissémination des OGM dans l’environnement, (devenue la directive 2001/18/CE) organise une procédure d’autorisation assez complexe de mise sur le marché des OGM. La directive a été prise sur le fondement de l’article 100 A ancien favorisant le rapprochement des législations en vue de réaliser le marché intérieur.

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A la suite de cela, le Conseil d’Etat a été saisi par plusieurs associations qui

contestaient la régularité d'autorisations de mise en culture d'une variété de maïs

transgénique.

Prenant acte de la décision communautaire du 21 mars 2000, le Conseil d'Etat ne

relève aucune violation du principe de précaution dès lors "que les autorités

communautaires ont examiné les risques liés aux semences en cause après

consultation de comités scientifiques placés auprès d'elles". (CE 22 novembre 2000

n° 194348 195511 195576 195611 195612 ; Voyez aussi CE 1 octobre 2001 n°

225008).

Il n'est pas étonnant dans ces conditions que les arrêtés municipaux interdisant la

culture d'OGM sur le territoire de certaines communes aient été systématiquement

annulés.

La demande (notification) est introduire auprès d’une autorité nationale et en cas d’avis favorable de celle-ci, l’instruction se poursuit à l’échelon communautaire, faisant intervenir les autres Etats membres, la Commission, et éventuellement un comité ou la Conseil. Quand une décision favorable est prise par la Commission ou le Conseil, il revient à l’autorité nationale de donner son consentement par écrit. La dissémination est alors autorisée sur tout le marché de la Communauté. A ce dernier stade de la procédure, quel est le pouvoir d’appréciation dont dispose encore l’autorité nationale, la compétence est-elle liée ? Telle était l’une des questions posées à la Cour de justice par le Conseil d’Etat français saisi d’un recours contre l’autorisation donnée par le ministre de l’agriculture et de la pêche à la société Novartis Seeds. Pour la Cour, l’examen du texte permet de répondre que la compétence est liée, l’autorité nationale est obligée de délivrer l’autorisation de mise sur le marché. En effet, la procédure elle-même respecte le principe de précaution puisque, tout au long de celle-ci, les autorités nationales peuvent intervenir. En outre, l’article 16 de la directive permet de limiter ou d’interdire, à titre provisoire, l’utilisation ou la vente d’un produit qui a fait l’objet d’un consentement mais dont il a des raisons valables de considérer qu’il présente un risque pour la santé humaine ou l’environnement. Pour la Cour, « “le respect du principe de précaution trouve son expression, d’une part, dans l’obligation du notifiant, prévue à l’article 11, paragraphe 6, de la directive 90/220, d’informer immédiatement l’autorité compétente de nouveaux éléments d’information au sujet des risques que présente le produit pour la santé humaine ou l’environnement ainsi que dans l’obligation de l’autorité compétente, prévue à l’article 12, paragraphe 4, d’en informer immédiatement la Commission et les autres Etats membres et, d’autre part, dans la faculté de tout Etat membre, prévue à l’article 16 de cette directive, de limiter ou d’interdire, à titre provisoire, l’utilisation et/ou la vente sur son territoire d’un produit qui a fait l’objet d’un consentement dont il a des raisons valables de considérer qu’il présente un risque pour la santé humaine ou l’environnement”.

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Tel est le cas non seulement des arrêtés posant une interdiction générale de culture

d’OGM, mais également de ceux qui limitent cette interdiction à un périmètre de

protection de cultures biologiques.

C'est ce qu'a par exemple jugé le Tribunal administratif de Toulouse le 18 janvier 2005306 : le maire ne

peut s'immiscer dans le pouvoir de police spécial appartenant au ministère de l'agriculture qu'en cas

de danger grave ou imminent au sens des dispositions de l'article L2212-4 du Code général des

collectivités territoriales307.

Dans un arrêt du 1er aout 2013 ( CE, 1er aout 2013, Association générale des

producteurs de maïs, n° 358103, 358615 et 359078) le Conseil d’Etat a estimé que

le ministre de l’agriculture avait commis une erreur manifeste d’appréciation en

suspendant la mise en culture du maïs MON 810, suite à l’avis du 8 décembre de

l’autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) alors qu’il ne résulte pas de

cet avis que le mais présente un risque pour l’environnement. Le CE considère que

les conditions posées par le règlement n° 1829/2003 du 22 septembre 2003

concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux contenant des

OGM pour la prise de mesures conservatoires par un Etat membre ne sont pas

remplies.

AZF.Engrais au nitrate d'ammonium

CE 25 octobre 2004 , n°251930

A la suite de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, un arrêté ministériel avait

suspendu pour un an la commercialisation d'engrais contenant plus de 28% d'azote

provenant de nitrate d'ammonium.

306 n°042388, Jurisclasseur - Droit administratif mai 2005 307 Pour sa part, le Tribunal administratif de Pau (TA Pau 6 avril 2005, Journal des accidents et catastrophes n°55 juin 2005, avait annulé une délibération par laquelle un conseil général, opposé à tous les essais et à toutes les cultures d'OGM, invitait les maires du département à prendre des arrêtés d'interdiction et leur proposait une assistance dans l'hypothèse de recours contentieux. Mais, le Conseil d’Etat a jugé dans un arrêt du 30 décembre 2009 (req. 308514) à que la délibération par laquelle l’organe délibérant d’une collectivité émet un vœux ne constitue pas un acte faisant grief et n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge pour excès Comm. J.M. Février, Droit de l’environnement, n° 17 6, février /mars 2010, pp. 106-108.

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Le conseil d'Etat annule cet arrêté en relevant notamment :

- " qu'en se fondant sur l'existence d'un danger grave et immédiat pour prendre la

mesure attaquée, plus de dix-huit mois après l'avis de la commission des substances

explosives mentionné ci-dessus et plus d'un an après l'accident de Toulouse, les

ministres compétents ont fait une appréciation manifestement erronée des risques

présentés par les engrais concernés".

On notera qu’en revanche, la responsabilité de l’Etat a été retenue dans l’affaire AZF

pour carence de ses services (CAA Bordeaux, 24 janv. 2013, M. et Mme Molin, n°

10BX02881).

« que ces carences des services de l'Etat, qui, malgré les pouvoirs que leur

confèrent les textes cités au point 3, n'ont pas détecté ou se sont abstenus de

sanctionner des défaillances visibles et prolongées de l'exploitant du site, source de

risques majeurs dans une zone de forte densité urbaine, sont fautives ; qu'elles sont

de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat ;

Considérant que l'État ne peut, pour s'exonérer de sa responsabilité née de ses

propres carences à identifier ou sanctionner des défaillances détectables, durables

et d'incidence très grave dans l'exploitation d'installations classées pour la protection

de l'environnement qu'il a autorisées, se prévaloir de l'existence même des fautes de

cette nature imputables à cet exploitant, dès lors que son action aurait dû

précisément avoir pour objet et pour effet d'éviter qu'elles ne soient commises ».

Arrêt finalement cassé

AZF : le Conseil d'État juge que l'État n'a pas com mis de carence fautive

On se souvient que dans l’affaire AZF, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a,

le 24 janvier 2013 conclu à la responsabilité de l'Etat en jugeant notamment qu'il y

avait eu carence fautive de ses services qui n'avaient pas détecté ou s'étaient

abstenus de sanctionner des défaillances visibles et prolongées de l'exploitant du

site, source de risques majeurs dans une zone de forte densité urbaine. Annulant les

arrêts d'appel, le Conseil d'État règle l'affaire au fond et rejette les demandes

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indemnitaires des requérants, estimant notamment qu’il appartient aux services de

l’Etat chargés du contrôle des installations classées « d'adapter la fréquence et la

nature de ses visites à la nature, à la dangerosité et à la taille de ces installations ;

qu'il leur revient, enfin, de tenir compte, dans l'exercice de cette mission de contrôle,

des indications dont ils disposent sur les facteurs de risques particuliers affectant les

installations ou sur d'éventuels manquements commis par l'exploitant ».

CE, 17 déc. 2014, n°s 367202, 367203

Dr. env. 2014, n° 230, p. 10.

Médicaments homéopatiques

Dans une affaire Mme Germain du 30 juin 1999 (n° 202814), le Conseil d’Etat

valide une interdition de commercialisation de médicaments homéopathiques

fabriqués à partir de souches d'origine humaine “compte tenu des précautions qui

s’imposent en matière de protection de la santé publique” 308:

Huiles solaires

(CE 31 mars 2003, N° 188833)

Un fabricant d'huile solaire à l'essence de bergamote avait intenté un recours devant

les juridictions nationales en recherchant la responsabilité de l'Etat pour publication

au journal officiel de l'avis de la Commission de la sécurité des consommateurs

émettant un doute sur l'innocuité du produit.

308 "Considérant qu'en estimant, compte tenu des précautions qui s'imposent en matière de protection de la santé publique, que la prescription, l'importation, la fabrication, la préparation, la distribution en gros, le conditionnement, l'exploitation, la mise sur le marché, la publicité, la délivrance au détail, à titre gratuit ou onéreux, et l'utilisation des médicaments homéopathiques ci-dessus mentionnés et des souches servant à leur fabrication, devaient être interdits, eu égard au risque de transmission de virus conventionnels et d'agents pathologiques non conventionnels présenté par les produits biologiques d'origine humaine dont il s'agit, l'auteur de l'arrêté du 28 octobre 1998 n'a pas entaché sa décision d'une appréciation manifestement erronée, au regard des dispositions de l'article L. 665-15-1 du code de la santé publique".

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Dans un premier temps, la Cour administrative d'appel de Paris avait fait droit à

cette demande indemnitaire et condamné l'Etat à verser plus de 23 000 000 francs.

Le conseil d'Etat annule cette condamnation en considérant que l'Etat n'a pas

commis de faute compte tenu des "connaissances scientifiques de l'époque" 309.

Jouets en PVC souple

Le conseil d'Etat, le 28 juillet 2000 (CE n° 212115 212135) a rejeté le recours en

annulation contre un arrêté interdisant l'utilisation de certaines substances – les

phatlates - dans la fabrication de produits de puériculture et de jouets pour enfants. Il

confirme donc l’interdiction310.

309 :-"de nombreuses études et publications scientifiques ont, à partir de 1981, fait état de risques pour la santé des consommateurs engendrés par les produits solaires contenant des psoralènes et notamment du 5-MOP (...) - "ces faits justifiaient que la commission de la sécurité des consommateurs se saisisse de cette question" et "qu'en recommandant l'interdiction de tels produits, cette commission, en l'état des connaissances scientifiques de l'époque, n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat". - "d'ailleurs, à la suite de plusieurs demandes d'organismes et de personnalités scientifiques et sanitaires français et étrangers, une directive du Conseil des communautés européennes du 10 juillet 1995, toujours en vigueur, a limité la présence des psoralènes et notamment du 5-MOP à un niveau très bas, très nettement inférieur aux teneurs des mêmes substances dans les produits B". 310 Le Conseil d'Etat relève :"qu'il ressort des pièces du dossier que plusieurs évaluations scientifiques récentes concernant les phtalates "Di-éthyl-hexyl phtalate (DEHP)" et "Di-iso-nonyl phtalate (DINP)" qui sont ajoutés au polychlorure de vinyle (P.V.C.) pour rendre le plastique souple ont conclu aux effets nuisibles de ces deux substances sur la santé des jeunes enfants, essentiellement par migration des phtalates dans la salive lors de la mise en bouche prolongée des jouets et des articles de puériculture fabriqués en P.V.C. souple, et sur le caractère potentiellement dangereux de quatre autres phtalates ;"qu'en estimant, compte tenu des mesures de précaution qui s'imposent en matière de protection de la santé publique, que la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché des "jouets et articles de puériculture destinés à être mis en bouche par des enfants de moins de trois ans, notamment les anneaux de dentition, les hochets de puériculture, fabriqués en P.V.C. souple" contenant les substances incriminées, devaient être suspendues pour une durée d'un an et lesdits articles retirés du marché, eu égard au risque que présente la migration des phtalates dans la salive des enfants de moins de trois ans, les auteurs de l'arrêté attaqué n'ont pas fait une appréciation manifestement inexacte de la gravité du danger présenté par les jouets et les articles de puériculture contenant ces substances pour la santé des jeunes enfants, non plus que de son caractère immédiat (...) ;"que la mesure édictée n'est pas disproportionnée au regard des risques que représentent les produits considérés pour la santé des jeunes consommateurs".

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Rayonnements, Antennes de téléphonie mobile

Voir CE, 20 mars 2013, Assoc. Robin des bois, n° 34 4321, a propos des compteurs

électriques à rayonnement.

Il y a lieu de distinguer la position du juge administratif et celle du juge judiciaire

• Le juge administratif

Dès 2002, le Conseil d’Etat a montré son hostilité à l’application du principe de

précaution en matière de téléphonie mobile.(CE 22 août 2002 n° 245 622 , 245623,

2456324, 245 625, 245 626 et 245 627)

Dans un arrêt du 22 août 2002, il était saisi d’une affaire dans laquelle les maires de

deux communes du Sud-est s'opposaient à l'implantation d'antennes de téléphonie

mobile.

Saisi en référé par la société SFR d'une requête de suspension de cette décision de

refus, le Conseil d'Etat fait droit à la demande de SFR en se fondant :

- d’une part, sur l’existence d’un rapport d’expert remis en janvier 2001 au ministre

de la santé faisant état de l’absence de risque pour la santé des populations311 ;

- d’autre part, « l'intérêt qui s'attache à la couverture du territoire par le réseau de

téléphonie mobile »312.

En l’espèce, les maires des communes concernées étaient tenus, sous astreinte,

d'instruire les demandes de permis de construire dans un délai de 15 jours.

311 "que le rapport établi par un groupe d'experts et remis au directeur général de la santé au mois de janvier 2001 ne retenait pas l'hypothèse de risques pour la santé résultant des installations de base et précisait que les mesures de précaution préconisées, qui ne devaient pas être comprises comme validant l'existence de ces risques, étaient seulement destinées à rassurer la population" ; 312 "qu'eu égard, d'une part, à l'intérêt qui s'attache à la couverture du territoire par le réseau de téléphonie mobile et, d'autre part, aux intérêts de la SOCIETE SFR, résultant notamment des autorisations qui lui ont été délivrées, et en l'absence de risques sérieux prouvés pour la santé publique, l'urgence justifie la suspension de la décision attaquée".

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182

De manière générale, les cours administratives d’appel ont donc suivi cette position

et n’ont pas soutenu les maires qui s’opposaient à la pose de ces antennes.

On peut citer à titre d’exemple, un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon

rendu en 2004 (CAA Lyon 17 juin 2004 n°02LYO2333).

Invoquant le principe de précaution, le maire de Dijon avait interdit l'implantation

d'une station de radiofréquences de téléphonie mobile dans un rayon de moins de

100 mètres d'une zone sensible.

La Cour administrative de Lyon considère que le maire a commis une erreur

manifeste d'appréciation dès lors :

- "qu'en l'état des connaissances scientifiques, il n'apparaît pas que les installations

de téléphonie mobile auraient des effets dits non thermiques dangereux pour la

santé publique et que dans la limite de ces seuils, aucune des études réalisées ne

met en évidence l'existence de dangers avérés pour l'organisme humain" ;

- "que si lesdites études formulent des conseils de prudence en ce qui concerne les

effets thermiques susceptibles d'être provoqués par les champs électromagnétiques

émis par les téléphones portables, elles écartent tout risque de cette nature pour les

populations situées dans le faisceau des antennes des stations de radiofréquences".

Cette position sera confortée dans l’affaire Bouygues jugée par le Conseil d’Etat le

20 avril 2005 (CE 20 avril 2005 N° 248233 aff. Bou ygues télécom).

Dans cette affaire, une association locale d'administrés attaquait la décision du maire

d'une commune de laisser implanter une antenne de téléphonie mobile sur le

territoire de la commune.

Leur requête avait été rejetée en première instance mais la Cour administrative

d'appel de Marseille donne tort au maire qui "en ne s'opposant pas à ces travaux, a

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méconnu le principe de précaution alors énoncé à l'article L. 200-1 du code rural et

désormais repris à l'article L. 110-1 du code de l'environnement".

Le conseil d'Etat infirme, en 2005, la décision des juges d'appel en considérant pour

sa part que le principe de précaution, qui relève de la branche du droit de

l’environnement, n’est pas applicable au droit de l’urbanisme313.

Mais l’adoption de la Charte de l’environnement rendait intenable cette position et le

Conseil d’Etat reviendra sur ses positions dans un arrêt du 19 juillet 2010 (n°

328687, l'ASSOCIATION DU QUARTIER LES HAUTS DE CHOISEUL) pour confirmer que le

principe de précaution doit bien être pris en compte lors des autorisations délivrées

en application du droit de l’urbanisme314.

Ce qui n’empêche pas le CE d’estimer, dans cette affaire, que La méconnaissance

du principe de précaution n’est pas rapportée315.

L’intérêt supplémentaire de la décision est de préciser que les dispositions de la

Charte relatives au principe de précaution « n’appellent pas de dispositions

législatives ou règlementaires en précisant les modalités de mise en œuvre », ce qui

évidemment est de nature à en conforter l’invocabilité.

Par cette série d’arrêts ultérieurs, en 2011 (CE, 26 octobre 2011, Société française

de radiotéléphonie, n° 341767 ; CE, 26 octobre 2011 , Commune de Saint Denis, n°

313313 : CE 20 avril 2005, 248233, ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que doit prendre en compte l'autorité administrative lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme" et "que le moyen tiré de ce que le maire de Cagnes-sur-Mer aurait dû s'opposer, sur le fondement du principe de précaution, aux travaux déclarés par la SOCIETE BOUYGUES TELECOM, doit être écarté". 314 La haute assemblée considère qu' « en estimant que le principe de précaution tel qu'il est énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement ne peut être pris en compte par l'autorité administrative lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit ». 315 « il ne ressort pas des pièces du dossier que, en l'état des connaissances scientifiques sur les risques pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes de relais de téléphonie mobile, le maire de la commune d'Amboise ait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ».

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326492 ; CE, 26 octobre 2011, Commune de Pernnes-Mirabeau, n° 32990) ) le

Conseil d’Etat a sonné le glas des arrêtés municipaux réglementant l’implantation

des antennes de téléphonie mobile.

La haute juridiction ne manque jamais de rappeler que le législateur a organisé une

police spéciale des communications électroniques confiée à l'Etat et qu’il appartient

au seul ministre en charge de ces communications et aux instances désignées à cet

effet (ARCEP et ANFR), de déterminer les modalités d'implantation des stations

radioélectriques sur l'ensemble du territoire et de veiller à la limitation de l'exposition

du public aux champs électromagnétiques et à la protection de la santé publique.

Le Conseil d’Etat estime que « si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général

des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre les mesures de police

générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité

publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale

conférés aux autorités de l'Etat, adopter sur le territoire de la commune une

réglementation portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile et

destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes ».

S’agissant de l’application du principe de précaution, la circonstance que les valeurs

limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau

national ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le

principe de précaution n'habilite pas davantage les maires à adopter une

réglementation locale portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie

mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces

antennes.

La jurisprudence est devenue constante à cet égard.

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Dans un arrêt du 30 janvier 2012 (CE, 30 janv. 2012, Sté Orange France, n° 344992,

AJDA 2012, 183, note R. Grand et Droit de l’environnement, n° 209, février 2013, p.

79), il était encore question de l’opposition du maire de Noisy-le-Grand à

l’implantation d’une antenne Orange.

Le Conseil d’Etat rappelle que les ispositions de la Charte de l’environnement

s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines

de compétence respectifs ; qu'au demeurant, l'article R. 111-15 du code de

l'urbanisme316 prévoit que le permis de construire doit respecter les préoccupations

définies par l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui se réfère au principe de

précaution Mais « s'il appartient, dès lors, à l'autorité administrative compétente de

prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une

autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions

de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas(…) de refuser

légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments

circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des

risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus ».

L’arrêt du Conseil d’Etat du 8 octobre 2012, (Commune de Lunel, n° 342423) est

plus nuancé. Le TA avait jugé que la circonstance, à la supposer établie, que les

champs radioélectriques émis par les relais de téléphonie mobile porteraient atteinte

à la santé humaine, n'était pas de nature à faire regarder les dispositions de l'article 5

de la Charte comme ayant été méconnues. L’arrêt est censuré par le Conseil d’Etat.

le principe de précaution s'applique aux activités qui affectent l'environnement dans

des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées.

316 :« Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. »

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Le 26 décembre 2012, (Commune de Saint Pierre D’Irube, n° 352117), le Conseil

d’Etat confirme l’incompétence des maires en ce qui concerne les antennes. Si le

maire peut être informé , à sa demande, de l’état des installations radioélectriques

exploitées sur le territoire de sa commune, et si les Art. L 2221-1 et L. 2212-2 du

CGCT habilitent le maire à prendre des mesures de police générale, celui-ci ne

saurait, sans porter atteinte aux pouvoir de police spéciale conférés aux autorités de

l’Etat, prendre sur le territoire de sa commune , une décision relative à l’implantation

d’une antenne relais de téléphonie mobile317.

CE 21 octobre 2013, Orange France, n° 360481

Le CE annule la décision par laquelle un maire a fait opposition à la déclaration de

travaux déposée pour la réalisation d’une antenne de téléphonie mobile sur un

immeuble. En l’espèce, une école et deux crêches se situaient dans un rayon de 100

mètres autour de l’antenne et le maire invoquait le principe de précaution.

Dr env. 2014, n° 220, pp. 68. Com. M. Trémeur.

CA Chambéry, 23 janv. 2014, n° 13/01570

L'implantation d'une antenne relais, régulièrement autorisée, sur un terrain n'appartenant pas

au requérant ne porte pas directement atteinte à son droit de propriété et par conséquent ne

constitue pas une voie de fait. Le juge judiciaire n'est pas compétent.

« Attendu que la prétention des époux M., n'a aucun rapport avec la qualité d'usager de ce

service public, mais se fonde principalement sur le trouble, qualifié d'anormal, que leur cause

l'ouvrage public en altérant la vue sur le paysage, depuis leur habitation ; qu'ils invoquent en

conséquence un dommage résultant directement de l'existence et de l'implantation de

l'ouvrage public dont ils demandent le déplacement ;

Qu'en conséquence, seul le juge administratif est compétent pour apprécier le bien fondé de

cette prétention » ;

317 Droit de l’environnement, n° 21°, Mars 2013, p. 8 8.

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187

Principe de précaution et antennes de téléphonie mo bile

La contestation portait sur l’installation d’une antenne de téléphonie mobile sur le toit

d’un hôtel parisien. Les requérants reprochaient au tribunal administratif de n’avoir

pas fait droit à leur requête par laquelle ils contestaient l’absence d’opposition du

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maire à la déclaration préalable d’Orange. Manifestement, pour le Conseil d’Etat, la

connaissance scientifique, en son état actuel ne permet pas de fonder une telle

opposition. Il estime qu’en « l'état des connaissances scientifiques sur les risques

pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques

émis par les antennes relais de téléphonie mobile », le maire de Paris n’a pas

commis d’erreur manifeste d’appréciation.

En ce qui concerne l’appréciation du principe de précaution, « s'il appartient à

l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution,

énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement et auquel se réfère l'article L.

110-1 du code de l'environnement, lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une

autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions

de l'article 5 de la Charte ne permettent pas, indépendamment des procédures

d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles,

le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autres autorités publiques dans leur

domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation

d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés sur l'existence, en l'état des

connaissances scientifiques, de risques, même incertains, de nature à justifier un tel

refus d'autorisation ».

CE, 27 août 2014, n° 364525

• Le juge judiciaire 318

Dans le même temps, certains juridictions civiles faisaient entrer le principe de

précaution dans la théorie des troubles de voisinage à propos des antennes de

téléphonie mobile.

318 Voyez G. Viney, « Le contentieux des antennes relais », Reccueil Dalloz, 20 juin 2013, n° 22, p. 1489.

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CA de Versailles le 4 février 2009 (R. G. No 08 / 08775 ;S. A. BOUYGUES

TELECOM C / Eric X....).

En l’espèce, la société Bouygues avait obtenu l’autorisation d’implanter dans une

commune de Tassin-la-demi-lune, une station de radiotéléphonie mobile composée

d'un pylône en béton prenant la forme d'un arbre, de 19 mètres de haut, support

d'antennes et d'armoires techniques.

Les voisins avaient obtenu devant le TGI de Nanterre, l’enlèvement des installations

d’émission réception. La Cour d’appel va suivre les premiers juges. Elle estime que

le respect des prescriptions légales et règlementaires de l’opérateur n’exclut pas

l’existence d’un trouble319 et que le risque d’un dommage peut être constitutif d’un

trouble anormal320

Elle va ordonner le démantèlement de l’antenne et octroyer des dommages et

intérêts au titre du préjudice d’angoisse 7 000 €.

Saisie à son tour, la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 3 février 2011,n° 09-06433

Assoc. RESPEM c/ Sa Bouygues télécom. Com. Dr.env. n° 187, fév 2011, p. 44.) va

confirmer la compétence du juge judiciaire, estimant que les antennes relais ne sont

pas des ouvrages publics. Elle énonce toutefois que l’indétermination du risque en

l’espèce ne permet pas de caractériser un trouble de voisinage.

La Cour de cassation semble hésiter dans un arrêt du 18 mai 2011 (Cass. Civ. 3ème,

18 mai 2011 n° 10.17.645, le GAEC (Droit de l’envir onnement, n° 195, novembre

2011, p. 325).

En l’espèce, un éleveur le GAEC D.., qui exploitait un élevage sur des terrains et des

bâtiments lui appartenant situés sous ou à proximité d'une ligne à très haute tension,

avait assigné EDF, devenu la SA Réseau Transport Electricité (RTE), en

indemnisation des préjudices matériels et économiques subis à raison des

problèmes sanitaires rencontrés par les animaux de son élevage.

319 Dans le même sens, Cass. Civ. 3e, 12 oct. 2005 ; Cass. Civ. 3e, 24 oct. 1990. 320 Dans le même sens Cass. Civ. 2e, 24 fév. 2005 et Cass. Civ. 2e, 10 juin 2004.

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La Cour de cassation énonce que « qu'ayant énoncé à bon droit que la charte de

l'environnement et le principe de précaution ne remettaient pas en cause les règles

selon lesquelles il appartenait à celui qui sollicitait l'indemnisation du dommage à

l'encontre du titulaire de la servitude d'établir que ce préjudice était la conséquence

directe et certaine de celui-ci et que cette démonstration, sans exiger une preuve

scientifique, pouvait résulter de présomptions graves, précises, fiables et

concordantes, la cour d'appel, qui a relevé que des éléments sérieux divergents et

contraires s'opposaient aux indices existant quant à l'incidence possible des courants

électromagnétiques sur l'état des élevage de sorte qu'il subsistait des incertitudes

notables sur cette incidence et qui a analysé les circonstances de fait dans

lesquelles le dommage s'était produit, a pu retenir, sans inverser la charge de la

preuve, que, compte tenu de l'ensemble des explications et données fournies,

l'existence d'un lien de causalité n'était pas suffisamment caractérisée et en a

exactement déduit que les demandes d'indemnisation du GAEC ne devaient pas être

admises ».

Saisie en septembre 2011, la Cour d’appel de Montpellier n’hésite pas ordonner pour

sa part le démantèlement de l’antenne litigieuse (CA Montpellier, 15 septembre

2011, Monsieur Pascal Bobillot et autresc/ SA Société Française de Radiotéléphone

SFR, n° 10/04612).

La Cour d’appel constate en tout état de cause que « la société SFR a fait naître

chez les demandeurs la crainte légitime qu'en demeurant dans leur habitation, ils

courent et font courir à leurs enfants un risque sanitaire particulièrement grave si

celui-ci devait se réaliser, dès lors qu'au regard des développements qui précèdent, il

n'existe aucune garantie d'absence d'un tel risque.

Une telle crainte constitue un trouble manifeste et un danger imminent que seul le

démantèlement de la station relais est en mesure de faire cesser. Il convient en

conséquence de faire droit à la demande des appelants ».

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Finalement, le tribunal des conflits finira par confirmer la compétence du juge

adminstratif dans deux arrêts :

-T. confl., 14 mai 2012, n° C-3844 P, Brillaxis et a. c/ Sté Orange France et a.

- et T. confl., 15 oct. 2012, n°C- 3875, Krieg c/ Sté Bouygues.

Le juge administratif est compétent pour connaître des actions tendant à obtenir

l'enlèvement ou le déplacement d'une antenne relais régulièrement autorisée pour

des raisons de santé publique. , qu’elle soit implantée sur une propriété privée ou sur

le domaine public,

Le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire

substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative et prive d'effet

les autorisations qu'elle a délivrées. Il ne peut donc pas être compétent pour

connaître d'une telle action

Par suite, la Cour de cassation a suivi cette solution (Sté Orange France c/ Rinckel et

a. Cass. 1re civ., 17 oct. 2012, n° 11-19.259, n° 1 119, Sté Orange France c/ Allier)

Cass. 1re civ., 17 oct. 2012, n° 10-26.854, no 1116 : Le juge judiciaire reste

compétent pour connaître de l’indemnisation du préjudice321

« Le juge judiciaire reste cependant compétent, sous réserve d'une éventuelle

question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de

communications électroniques à des usagers ou à des tiers aux fins d'indemnisation

des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station

radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public ».

« Attendu qu'ayant exactement énoncé que le litige n'était pas relatif à l'occupation

du domaine public hertzien de l'Etat par les opérateurs de téléphonie mobile et que

les antennes-relais ne constituaient pas des ouvrages publics, la cour d'appel, qui a

retenu que Mme X... n'excipait d'aucun manquement de la part de la société Orange

321 Com. G. Mondello, Droit de l’environnement, n° 215 , septembre 2013, p. 300.

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192

aux normes administratives notamment de l'ARCEP ou de l'ANFR et que ses

demandes avaient pour finalité non pas de contrarier ou de remettre en cause le

fonctionnement des antennes-relais dont elle ne demandait ni l'interruption

d'émission ni le déplacement ou le démantèlement mais d'assurer sa protection

personnelle et la réparation de son préjudice, a ainsi légalement justifié sa

décision ».

Dans une affaire jugée le 16 janvier 2013 (Cass. 1ère civ, 16 janvier 2013, 11-27.529),

une association de défense de l’environnement et quatre-vingt trois riverains avaient,

sur le fondement du trouble anormal de voisinage, fait assigner la Société(SFR) aux

fins d'obtenir, d'une part, le démantèlement du pylône destiné à supporter une

antenne de radiotéléphonie mobile, d'autre part, l'indemnisation du préjudice,

notamment esthétique, causé par l'implantation de cette antenne.

Pour dire la juridiction judiciaire compétente pour connaître de la demande de

démantèlement de l'antenne de radiotéléphonie mobile mise en place par la société

SFR, la Cour d’appel avait retenu que cette demande tendait simplement à voir

interdire l'installation d'une antenne-relais à proximité immédiate du domicile des

requérants pour la voir déplacer vers un autre lieu. Elle n'était donc pas de nature à

priver d'effet les autorisations administratives obtenues pour l'utilisation du domaine

public hertzien, mais avait seulement pour objet de voir ordonner des aménagements

propres à éviter la survenance de troubles anormaux du voisinage. L’arrêt est cassé

par la Cour de cassation….

( Voyez aussi Cass. 1re civ., 13 déc. 2012, n° 10- 12.094, Barrier et a. c/ Sté SFR

Cass. 1re civ., 13 déc. 2012, n° 10-24.559, Sté Or ange France et a. c/ Amicale CNL

de Château-Thierry et a. Cass. 1re civ., 13 déc. 2012, n° 10-18.838, Cne de

Château-Thierry c/ Sté Orange France ; ; Cass. Civ. 3ème, 19 dec 2012,n° 11-23566 ;

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Cass. Civ. 1ère, 16 janvier 2013, n° 11-27529.) le juge judiciaire n'est pas compétent

pour faire déplacer une antenne vers un autre lieu même si ces aménagements sont

destinés à éviter la survenance de troubles anormaux du voisinage ( Cass. 1re civ.,

16 janv. 2013, n° 11-27.529).

B – En relation avec l’environnement

La mise en œuvre du principe de précaution pour des questions purement

environnementales est moins fréquente.

Insecticide Gaucho

CE 29 décembre 1999 n° 206687 207303 ppe précaution : OUI)

En l’espèce, l’insecticide Gaucho pour la culture du Tourneso avait fait l’objet d’un

arrêté le retirant du marché en raison du risque pour les abeilles. Le CE était saisi

d'une requête en annulation de cet arrêté, par le producteur d’insecticide.

Le Conseil d'Etat va débouter les requérants en se basant sur les précautions qui

s’imposent, cette fois ci «en matière d’environnement ».

En revanche s'agissant des cultures de maïs et de betterave, le ministre de

l'agriculture avait refusé de retirer du marché l'insecticide Gaucho. Sa décision est

cette fois attaquée par l'Union nationale de l'apiculture.

Le conseil d'Etat, se livrant à une appréciation au cas par cas, distingue le cas du

maïs de celui de la betterave. Il laisse l’insecticide de la betterave sur le marché mais

pas celui du maÏs. (CE 9 octobre 2002 N° 233876 , p our la betterave et CE 22 juillet

2004 n° 269104 pour le mais )

Chasse aux oiseaux de passages, aux gibiers d'eau et au... loup

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Les associations de protection de l'environnement invoquent régulièrement "le

principe de précaution constitutionnellement garanti" pour contester, en référé, les

dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux de passages et aux gibiers d'eau.

Le Conseil d'Etat accueille l’argument mais procède à des distinctions au cas par

cas. Dans un arrêt du CE 3 août 2005 n°283104, par exemple, il distingue le cas des

limicoles (petits échassiers) pour lesquels le principe de précaution ne s'oppose pas

à l'ouverture anticipée de la chasse du cas des canards qui compte tenu "des

données scientifiques actuellement disponibles (...) sont encore, au mois d'août, en

période de reproduction ou de dépendance".

Dans une espèce similaire, le Conseil d'Etat (CE 30 mars 2005 n° 249066 ) avait

refusé de se prononcer sur le moyen tiré de manquement au principe de précaution

dès lors que le requérant ne précisait pas suffisamment en quoi le principe aurait été

violé.

En tout état de cause l'introduction du principe de précaution dans la Constitution ne

semble pas avoir eu d'influence sur la méthode d'analyse du Conseil d'Etat. C'est

toujours par une étude circonstanciée de l'espèce, prenant en compte les données

scientifiques disponibles, que le Conseil contrôle si l'autorité publique n'a pas commis

d'erreur manifeste d'appréciation.

C'est à la même appréciation à laquelle s'est livrée le Conseil d'Etat dans plusieurs

affaires concernant l'autorisation donnée pour des prélèvements de loups (CE 30

mars 2005 271216, CE 10 juin 2005 n°280890 et CE 21 juillet 2005 n°281856

Pollution de rivière

(CAA Nancy 21 mars 2005 n°00NC00733 )

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195

La Province de la Hollande septentrionale et la ville d'Amsterdam demandaient à

l'Etat français une indemnisation du préjudice causé par "le retard mis à diminuer les

rejets de sel dans le Rhin provenant des Mines de Potasse d'Alsace" ayant entraîné,

selon les requérants, un surcoût d'exploitation et de maintenance provoqué par une

corrosion plus rapide des réseaux de distribution.

Invoquant le principe de précaution, ils estimaient que celui-ci induit une inversion de

charge de la preuve et que c'est à l'Etat français de démontrer l'innocuité de ces

rejets.

Les requérants obtiennent gain de cause devant le tribunal de Strasbourg qui

condamne l'Etat français à leur verser plus de 20 000 000 Francs.

Si la Cour administrative d'appel de Nancy, ne se prononce pas expressément sur le

principe de précaution, elle considère que le tribunal "a commis une erreur de droit

en faisant supporter au défendeur la charge de la preuve de l'absence de lien de

causalité entre les dommages allégués et les déversements litigieux". On peut ainsi

implicitement déduire de cet arrêt que le principe de précaution n'entraîne pas de

renversement de charge de la preuve.

Chapitre 4 – Le principe pollueur-payeur

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196

Pendant longtemps, les sociétés industrielles ont véhiculé l’idée selon laquelle la

nature constituait à la fois un gigantesque réservoir de ressources et un dépotoir

naturel des excès de son exploitation.

L’idée était que la nature pourrait toujours se régénérer d’elle-même, soit

immédiatement, soit dans l’avenir. La dégradation de l’environnement apparaissait

non seulement comme un mal nécessaire mais également comme un mal effaçable.

Dans ce modèle, tout est considéré comme indemnisable, réparable, compensable :

ce qui a été pollué peut être assaini, ce qui a été détruit peut être restauré... La

réparation des dommages s’impose d’emblée comme un paradigme.

Ce premier modèle s’expose bien entendu à la critique dans la mesure où il revient à

dire : on pollue d’abord, on dépollue ensuite. Peu à peu cette vision angélique a

reculé et les pouvoirs publics se sont efforcés de trouver d’autres solutions.

Section 1 – Les origines du principe

Au départ, le principe PP est l’application d’une règle économique : la règle des

externalités, développée par l’économiste anglais Pigou (The economics of Welfare,

Londres, MacMillan, 2e ed. 1924).

Lorsque la production ou la consommation d’un bien ou d’un service cause un

dommage à l’environnement, il y a une externalité. Cette externalité est négative dès

lors que le dommage n’est pas pris en compte dans le prix de revient du produit ou le

coût du service.

Pigou prend l’exemple des incendies provoqués dans les champs par les escarbilles

des locomotives qui constituent une externalité négative

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197

Il faut donc “internaliser” les externalités, c’est-à-dire intégrer les coûts

environnementaux dans les prix des produits ou des services afin d’éviter un

“enrichissement sans cause”.

Dans son exemple, Pigou propose que soit imposée, aux compagnies de chemin de

fer, une taxe égale aux risques de dommages infligés à l’agriculture.

Dans cette logique, l’application du principe PP conduit à lutter contre la gratuité en

faisant en sorte que le pollueur prenne en compte -internalise- les coûts de

l’utilisation ou de la détérioration des ressources environnementales.

En d’autres termes, son objectif est de donner un “signal prix” de manière à ce que

l’environnement se trouve pleinement intégré dans la sphère marchande de

l’économie.

Cela étant, le principe PP ne saurait en aucune manière se confondre avec le

principe juridique de responsabilité. Le principe PP ne préjuge en aucune manière

de la désignation du pollueur, pas plus qu’il n’en donne une définition. Ce n’est pas

nécessairement le “responsable” qui paie le coût des dommages car “internalisation”

ne signifie pas “prise en charge” mais “prise en compte”.

Le principe PP ne constitue donc pas un principe juridique d’équité (cf. J.P. Barde,

économie et politique de l’environnement, PUF 1991, p.211).

Formellement, le principe PP apparaît pour la 1ère fois à l’OCDE dans une

recommandation du 26 mai 1972 sur « les principes directeurs relatifs aux aspects

économiques des politiques de l’environnement sur le plan international ». Celle-ci

préconise que les gouvernements définissent leur politique en matière

d’environnement suivant les principes dont la liste est fournie en annexe. (C (72)128

final, OCDE 1972).

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198

En 1972, le principe PP est conçu pour mettre à la charge du secteur privé les

« coûts de prévention et de lutte contre la pollution » tout en « évitant les distorsions

dans le commerce et les investissements internationaux ». Il s’agit tout simplement

d’éviter que les pouvoirs publics ne subventionnent les mesures de prévention des

pollutions.

C’est la raison pour laquelle le pollueur doit donc “se voir imputer les dépenses

relatives aux mesures arrêtées par les pouvoirs publics pour que l’environnement

soit dans un état acceptable”.

Par suite, le principe PP a été élargi à d’autres coûts.

- La première extension a eu lieu à la fin des années 1980. Dans une déclaration

adoptée le 5 juillet 1989322, l’OCDE a reconnu que le principe PP était également

applicable aux pollutions d’origine accidentelles liées aux substances dangereuses.

Les mesures de lutte contre ces pollutions (nettoyage) devaient donc être imputées à

leurs auteurs, que ces mesures soient prises par eux-mêmes ou par les pouvoirs

publics.

- la seconde extension a consisté à étendre le principe PP aux coûts des

“dommages” causés par la pollution, les dommages étant cette fois ci entendus

comme des dommages chroniques. Au cours des années 1990, il a en effet été

affirmé que le principe PP devait être un principe d’internalisation total (C(90)177

(final), OCDE 1991).

Selon les ministres de l’environnement de l’OCDE, il convient de “veiller à ce que le

prix des ressources naturelles reflète, dans toute la mesure du possible, les

véritables coûts environnementaux et sociaux de la production, de la consommation

et de la rareté de ces ressources”.

322 (89) 88 (final) OCDE 1989)

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199

Section 2 – La consécration du principe dans les t extes

En droit international, le principe PP est repris dans la déclaration de Rio (ppe 16)

qui proclame que “les autorités nationales doivent s’efforcer de promouvoir

l’internalisation des coûts de protection de l’environnement et l’utilisation

d’instruments économiques compte tenu de l’idée que c’est le pollueur qui doit, en

principe, assumer le coût de la pollution, en ayant en vue l’intérêt du public et sans

fausser le jeu du commerce international et de l’investissement”.

Mais surtout, le principe PP est énoncé dans de multiples conventions ;

-Convention de Londres du 15 février 1972 sur la prévention de la pollution

des mers résultant de l’immersion des déchets,

-Convention de Londres du 30 novembre 1990 sur la préparation, la lutte et la

coopération en matière de pollution par les hydrocarbures,

-Convention de Lugano du 8 mars 1993 sur la responsabilité civile résultant de

l’exercice d’activités dangereuses pour l’environnement,

-la convention de Rotterdam sur la protection du Rhin .

En droit de l’UE, le principe PP s’est peu à peu imposé comme un des piliers de la

politique de l’environnement. Le ppe PP recevra finalement ses lettres de noblesse

lors de son insertion dans le traité par l’acte unique européen323.

323 On le trouve pour la première fois dans le 1er programme d’action en matière d’environnement (1973-1976). Les modalités d’application de ce principe sont précisées dans une recommandation 75/439/Euratom/CECA/CEE du 3 mars 1975 relative à l’imputation des coûts et à l’intervention des pouvoirs publics en matière d’environnement. (JO n° L 19 du 25 juillet 1975). Dans le second programme (1977-1981), il a été défini comme un instrument d’harmonisation du marché commun dont l’objet est d’interdire l’octroi de subventions aux pollueurs si celle-ci créent des distorsions importantes dans les échanges communautaires ; Dans le troisième (1982-1986) il a plutôt un rôle d’incitant pour réduire la pollution et promouvoir les technologies propres ;

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200

En droit français , le principe PP est défini à l’article L. 110-1 du Code de

l’environnement comme le principe selon lequel “les frais résultant des mesures de

prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être

supportés par le pollueur”.

Le principe pollueur payeur est par ailleurs présent dans la Charte de

l’environnement : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages

qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. (Art. 4) ».

Nous verrons ultérieurement quelles sont ces conditions.

Le 4ème programme (1987 -1992) a reconnu que le principe devait conduire à la mise en place d’un système de responsabilité étendue pour les dommages causés à l’environnement ainsi qu’à l’adoption d’instruments économiques ; idée d’ailleurs reprise par les programmes suivants.

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201

Section 3 -. Les fonctions du principe PP

Selon la doctrine324, le principe PP peut remplir 4 fonctions.

1 ) Fonction de régulation concurrentielle

Dès le début des années 70, l’OCDE a nettement lié le principe PP avec la

prohibition des aides publiques pour financer les investissements anti-pollution afin

de ne pas fausser la concurrence. L’idée est qu’une entreprise ne pourrait bénéficier

d’une aide d’Etat pour se mettre en conformité à la législation environnementale.

Des exceptions n’ont été autorisées que de manière très restrictive et moyennant

des conditions particulières.

2) Fonction redistributive

Les pollueurs doivent rétrocéder, via les taxes, une partie de leurs bénéfices aux

pouvoirs publics qui les emploient ensuite dans la lutte contre les pollutions.

Il convient d’être attentif à l’effet pervers d’un tel mécanisme : je paie, donc je pollue,

ce qui ferait du principe pollueur-payeur le principe payeur-pollueur.

3) Fonction préventive

Le principe vise à inciter le pollueur à prendre lui-même les mesures

nécessaires pour réduire sa pollution.

Cette fonction préventive doit être combinée avec la fonction redistributive

pour imposer des redevances plus élevées que le coût des mesures de prévention :

324 De Sadeleer, Les Principes Du Pollueur-Payeur, De Prevention Et De Precaution - Essai Sur La Genèse Et La Portée Juridique De Quelques Principes Du Droit De L'environnement, Bruyland.

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202

cela incitera le pollueur à prendre les mesures préventives plutôt qu’à payer la

redevance pour pouvoir polluer.

En d’autres termes, l’objectif est de mener une politique de réduction des pollutions

en incitant les pollueurs à réduire leurs émissions au lieu de se contenter de verser

des redevances.

4) Fonction curative

Quelle que soit la qualité des mesures d’ordre préventif, il subsistera toujours des

dommages. Il parait donc opportun que le principe PP puisse garantir la prise en

charge des dommages résiduels qui tirent leur origine de l’existence même des

seuils établis par les autorités.

La responsabilité civile constitue à cet égard le terreau idéal pour favoriser l’éclosion

de la dimension curative du principe. Le livre vert sur la responsabilité civile

considérait à cet égard que “la responsabilité civile met en jeu le principe PP

puisqu’elle permet de faire payer par l’auteur de la pollution le coût des dommages

qui en résultent”.

La directive 2004/35 du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce

qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux

consacre le principe en énonçant que la directive « a pour objet d’établir un cadre de

responsabilité fondé sur le principe du ‘pollueur-payeur’ en vue de prévenir et de

réparer les dommages environnementaux ».

Section 4 - La concrétisation du principe pollueur payeur

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203

La fiscalité 325 constitue l’un des modes les plus classiques de la concrétisation de ce

principe sachant qu’une politique fiscale poursuit en fait plusieurs objectifs :

- Obtenir la prise en charge par le pollueur de sa quote part dans le coût de la

politique environnementale ;

- et inciter les citoyens à adopter des comportements plus favorables envers

l’environnement.

§ 1 – Les choix préalables des politiques fiscales

Les politiques fiscales supposent que l’on fasse des choix et il est parfois difficile

d’appréhender certaines notions. La première question qui se pose est celle de

savoir qui est le pollueur et ensuite qui doit payer. Cette recherche révèle l’ambiguité

des deux termes.

A – L’ambiguité des termes pollueur et payeur.

• Le pollueur

La doctrine a défini le « pollueur » comme « celui qui dégrade directement ou

indirectement l’environnement ou crée les conditions aboutissant à sa dégradation

(…) »326 .

Cela suppose que l’on s’interroge sur la notion de dégradation. A cet égard, deux

thèses s’opposent.

- Selon la première, il y a pollution uniquement lorsqu’il y a émission de

substances au-delà du seuil réglementaire imposé par une norme

(règlement, autorisation administrative). Dans ce cas, tant que les seuils

établis par les autorités sont respectés, l’émetteur échappe à l’application

du principe PP.

325 Voyez Droit de l’environnement, numéro spécial, janvier 2010 326 J.F. Neuray, Droit de l’environnement, Bruylant, 2001 .

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204

- L’autre thèse est fondée sur le fait qu’il y aurait pollution dès qu’il y a un

dommage écologique, même si ce dommage est autorisé. Dans ce cas, le

pollueur est tenu de supporter toutes les conséquences de la pollution,

indépendament du fait qu’il a respecté scrupuleusement les mesures

édictées par la puissance publique.

En outre, se pose la question de savoir si l’existence d’un dommage est nécessaire

pour que le principe PP puisse s’appliquer ou bien si le simple risque d’une

dégradation suffit.

S’agissant du choix du pollueur

Le pollueur est en principe la personne qui cause la pollution mais cette personne

n’est pas toujours aisée à déterminer.

Pour être efficace, on peut avroir tendance à se tourner vers celui qui joue un rôle

prépondérant dans la production de la pollution.

• Le payeur

Le pollueur identifié, il va devoir payer. Deux solutions sont envisageables :

- soit un transfert des ressources financières du pollueur vers les

pouvoirs publics en charge de la décontamination (ex ADEME, agence

de l’environnement et de la maitrise de l’énergie).

- soit la prise en charge directe du dommage causé par le pollueur.

En ce qui concerne le montant du paiement, on peut concevoir le principe de

manière étroite ou large. De manière étroite, on peut concevoir la prise en charge

financière comme devant couvrir uniquement les dépenses liées aux mesures

préventives et curatives mises en place par les pouvoirs publics.

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205

Pris au sens large le principe du PP devrait se traduire par une internalisation

complète. En plus des mesure de prévention et de lutte contre la pollution, il couvre

ainsi la totalité du dommage écologique.

Dans l’affaire de l’Erika, la Cour d’appel de paris (CA, Paris, 30 mars 2010, p. 427,

n° 08/02278) a distingué plusieurs chefs de préjudi ces réparables résultant de la

pollution327 :

-le préjudice matériel, lié aux activités de dépollution,

-le préjudice économique, qui s’entend de la perte de revenus et de gains en raison

de la pollution

- le préjudice moral qui recouvre aussi bien le trouble de jouissance que l’atteinte à la

réputation ou à l’image de marque.

- mais surtout le préjudice écologique, qui lui, est entendu comme « toute atteinte

non négligeable à l’environnement naturel, à savoir, notamment, l’air, l’atmosphère,

l’eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et

l’interaction entre ces éléments, qui est sans répercussion sur un intérêt humain

particulier mais affecte un intérêt collectif légitime ».

La Cour de cassation a confirmé dans son arrêt du 25 septembre 2012 (n° 3439) que

la Cour d’appel a bien justifié l’allocation des indemnités propres à réparer le

préjudice écologique consistant en l’atteinte directe ou indirecte portée à

l’environnement et découlant de l’infraction.

La question du calcul de la valeur de la ressource environnementale n’est pas

résoluée pour autant. Quel prix donner à l’air, à l’eau, aux plantes ?

327 L’affaire de l’Erika, jugée d’abord le 16 janvier 2008 par le tribunal correctionnel de Paris (Agathe VAN LANG, « Affaire de l’Erika : la consécration du préjudice écologique par le juge judiciaire », A.J.D.A. 2008.17.934; Karine LE COUVIOUR, « Après l’Erika : réformer d’urgence le régime international de responsabilité et d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures », J.C.P. G. 2008.I.126; Malik MEMLOUK, « Préjudice écologique “pur” : du mirage à l’impasse », Bulletin du droit de l’environnement industriel 2008.16.33).

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206

La logique est aujourd’hui également de réflechir en terme de services

écosystémiques, c’est-à-dire en termes de services rendus par les écosystème.

La difficulté s’accroit encore lorsque la question de l’indemnisation porte sur les

interactions entre les éléments naturels. Pour les sciences de la nature, le dommage

écologique se caractérise bien plus par la rupture des équilibres que par des pertes

causés à des éléments déterminés, et partant, quantifiables.

B - La détermination du redevable

Il est généralement admis que le principe PP implique l’instauration d’un régime de

redevances par lequel les pollueurs contribuent au financement de la politique

publique de protection de l’environnement.

Cela ne va pas sans poser un certain nombre de questions au regard

- de l’identification du redevable de la redevance,

- de la détermination de l’assiette de la redevance

- de l’affectation du produit.

1°) S’agissant de l’identification du redevable

Il n’est pas toujours évident de savoir qui doit payer sur base du principe

pollueur-payeur.

Les exemples sont là pour illustrer la difficulté qu’il y a à identifier le redevable

“idéal” :

- pollution au CO2 par gaz d’échappement. Qui doit être le redevable:

- le fabricant du véhicule ?

- le producteur de carburant ?

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207

- le propriétaire du véhicule ?

- les déchets d’emballages :

- le producteur d’emballages ?

- le distributeur du produit emballé ?

- le consommateur ?

- le collecteur ou éliminateur des emballages ?

L’idéal est d’identifier l’agent le plus en amont possible et de remonter à l’agent

économique qui est à la source de la nuisance.

En tant que premier maillon de la chaîne, c’est donc en principe le producteur du

produit polluant qui devrait être considéré comme le pollueur.

Dans l’exemple de la pollution par le CO2 des gaz d’échappement, le pollueur serait

le producteur du véhicule car il est le mieux placé pour réduire les émissions. Il en

irait de même du producteur d’emballages.

C’est d’ailleurs bien la ratio legis de l’article L.151-1 du Code de l’environnement

relatif à la taxe générale sur les activités polluantes qui renvoie aux articles 266

sexies à 266 terdecies, 268 ter et 285 sexies du code des douanes.

La taxe vise :

- soit l’exploitant (exploitant d’installation de stockage de déchets,

exploitant d’installation classée, exploitant d’aéronef ).

- soit la personne qui assure la première livraison d’un produit après sa

fabrication nationale ou l’importateur (produits de lavage produits

antiparasitaires par exemple)

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208

Il faut noter que dans la plupart des cas, le payeur de la redevance ou de la taxe

écologique tentera de répercuter son montant sur le prix au consommateur. Il ne

pourra le faire que pour autant, bien entendu, que le marché le lui permette.

2°) S’agissant de l’assiette de la redevance

La redevance ayant essentiellement une fonction redistributive, elle doit être

proportionnelle à la pollution émise.

Cela est évidemment extrêmement difficile dans la mesure où le coût de la

dépollution est parfois difficilement mesurable. L’autorité qui impose la taxe doit

prendre en compte la somme que représentent les charges collectives d’élimination

de la pollution.

Cela n’est pas toujours facile. Dans le domaine des déchets ménagers par exemple,

si l'on applique une taxe forfaitaire par ménage, il s'agit manifestement d'une

traduction imparfaite du principe pollueur-payeur dans la mesure où il peut exister

une grande disparité entre la quantité de déchets ménagers produits par un

célibataire ou une famille nombreuse328.

On pourrait prévoir l'établissement d'une taxe sur les déchets ménagers calculée en

fonction du nombre d'occupants par d'habitation. Ce qui est déjà plus équitable. A cet

égard, la redevance par sac poubelle traduit certainement plus fidèlement le principe

pollueur-payeur, encore que la charge polluante peut varier le cas échéant de

manière importante entre deux sacs poubelle329.

328 C'est ainsi que la Cour d'arbitrage belge a considéré, à propos de l'établissement d'une taxe

forfaitaire par ménage pour les déchets ménagers que l'imposition de la taxe appliquait imparfaitement le principe pollueur-payeur, mais qu'elle ne résultait cependant pas d'une appréciation déraisonnable du législateur (C.A., n° 41/93, 3 juin 1993).

329 Imaginons un sac poubelle d'un ménage traditionnel et celui d'un photographe, par exemple.

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209

En France, cette taxe est assiste sur la taxe foncière sur les propriétés bâties330 et

l’on a souligné le caractère injuste de cette taxe (Question écrite N° 10766 du

27/01/2003 avec réponse posée par M. François Loncle (Groupe Socialiste et la

réponse du Ministère de: Ecologie - Publiée dans le JO AN du 15/09/2003 page

7112). De nombreux contribuables et élus locaux dénoncent l'injustice des modalités

de calcul de cette taxe et souhaiteraient que l’on trouve d’autres modalités de calcul

(la taxe d’habitation par exemple).

3°) S’agissant de l’affectation du produit de la ta xe

Les textes n’indiquent pas si les montants perçus doivent être affectés à un fonds

spécial dont l’objet serait de financer la politique de l’environnement où s’ils doivent

être versés au budget général de l’Etat.

En France, la fiscalité environnementale bénéficie pour partie aux dépenses de

protection de l’environnement. Par exemple l’augmentation de la taxation des

pesticides finance le plan éco-phyto 2018, l’accroissement de la TGAP finance

notamment un plan d’investissement des collectivités locales dans les équipements

de prévention et de recyclage des déchets. (source, Voyez site Min. env. « 2010 La

fiscalité environnementale prend son essor »).

§ 2- Les différentes taxes en France

Il faut distinguer 2 catégories :

1) Les taxes proprement dites, qui sont des prélèvements obligatoires sans

contrepartie et dont l’assiette est un produit polluant.

C’est le cas par exemple de la taxe sur les activités polluantes (TGAP), basée sur

les émissions vers l’air ou les pesticides et de la TIPP.

330 Base s’imposition égale à la moitié de la valeur locative cadastrale. Cette dernière représente le niveau de loyer annuel potentiel que la propriété produirait si elle été louée.

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210

2) Les redevances qui couvrent des coûts pour services environnementaux,

principalement dans les domaines de l’eau et des déchets.

Il existe à l’heure actuelle une cinquantaine de taxes ou redevances réunissant une

recette de l’ordre de 50 Milliards d’euros331.

La fiscalité écologique peut être scindée en plusieurs parties.

- La fiscalité de l’énergie et des transports est importante notamment parce

qu’elle inclut la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), qui

représente près de 25 md d’€.

- Les redevances pour services rendus permettent, de leur côté, de financer

des mesures contribuant à limiter la pollution.

Elles sont particulièrement utilisées dans le service de l’eau et du traitement et de la

collecte des déchets.

- les écotaxes

C’est ce que l’on appelle la taxe générale sur les activités polluantes qui regroupe

différentes taxes (sur les déchets, la pollution atmosphérique, les installations

classées, les lessives, etc.

331 Rapport du Conseil des Impôts de 2005, intitulé « fiscalité et environnement » XXIIIème rapport.au Pdt de la République

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211

Le champ d'application de la taxe générale sur les activités polluantes est fixé par

l’art. L. 151-1 du C. env. qui renvoie au code des douanes (art. 266 sixies).

Voyez également le Livre blanc sur le financement de la transition écologique, nov

2013, Dir. Gén. Du Trésor. Commissariat Général du Dév. Dur.

Chapitre 5 – Le principe d’intégration

Ce principe figure à l’article 11 du Traité sur le fonctionnement de l’Union

européenne :

« Les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la

définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l'Union, en particulier afin

de promouvoir le développement durable ».

Section 1- Les fondements du principe d’intégration

Le principe d’intégration des préoccupations environnementales dans les autres

politiques se retrouve aussi bien en droit international qu’en droit européen ou droit

national332.

§ 1 - Au niveau international

332 Voy. not. C. LONDON, « L’émergence du principe d’intégration » in Les principes généraux du droit de l’environnement, Droit de l’environnement, n° sp écial, juillet-août 2001, pp. 139-143 ; F. HAUMONT, » « L’intégration des préoccupations environnementales dans les autres politiques : une nouvelle logique politico-administrative » in Administration, gouvernance et décisions publiques, L’Harmattan, Paris, 2004, pp. 411 à 430 ; C. LONDON, « L’intégration de l’environnement dans les politiques communautaires », BDEI, 2006, n° 6.

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212

Dès 1972, lors de la première Conférence de Stockholm, la Déclaration du 13 juin

1972 sur l’environnement énumérait vingt-cinq principes dont le treizième333 était

consacré à l’intégration.

Lors de la deuxième Conférence des Nations-Unies sur l’environnement et le

développement, qui s’est tenue à Rio de Janeiro, la Déclaration du 13 juin 1992, qui

énonce vingt-sept principes, mentionne comme principe n° 4 que :

« Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement

doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être

considérée isolément ».

L’adoption de l’Agenda 21 à Rio consacre également ce principe puisque le chapitre

8 est intégralement consacré à l’ «intégration du processus de prise de décision sur

l’environnement et le développement». Ce chapitre identifie une série d’actions à

entreprendre et de moyens d’exécution en vue d’assurer, autant que faire se peut, ce

principe d’intégration des préoccupations environnementales dans les autres

politiques.

Même si ces textes ne constituent des textes juridiquement contraignants, il n’en

demeure pas moins qu’ils ont influencé considérablement les mentalités. Dans ce

contexte, tous ces principes, en ce compris le principe d’intégration sous-tendent,

depuis lors, de nombreux autres textes au niveau international.

C’est le cas de la Charte mondiale de la nature334 . C’est le cas encore de la

Convention-Cadre sur les changements climatiques du 9 mai 1992335 qui mentionne

333 « Afin de rationaliser la gestion des ressources et ainsi d’améliorer l’environnement, les Etats devraient adopter une conception intégrée et coordonnée de leur planification de développement, de façon que leur développement soit compatible avec la nécessité de protéger et d’améliorer l’environnement dans l’intérêt de leur population ». 334 A titre d’exemple, on peut mentionner l’article 7 de la Charte Mondiale de la Nature, adoptée par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 28 octobre 1982, qui mentionne que :« Dans la

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213

que toutes les parties (…) :« tiennent compte, dans la mesure du possible, des

considérations liées aux changements climatiques dans leurs politiques et actions

sociales, économiques et environnementales ( …)»336.

On retrouve encore cette préoccupation dans la politique menée par l’OCDE, en

particulier dans sa stratégie de l’environnement pour les dix premières années du

XXIème siècle, et fondée, notamment, sur l’intégration des axes économique, social

et environnemental du développement durable337.

Enfin, dans le Préambule des accords de Marrakech créant l’Organisation

mondiale du Commerce (OMC), les Parties reconnaissent l’importance de la prise en

compte des enjeux environnementaux dans la mondialisation du commerce338,

même si la jurisprudence de l’Organe de règlements des Différends (ORD) n’est

guère convaincante à ce sujet339.

planification et l’exécution des activités de développement socio-économique, il sera dûment tenu compte du fait que la conservation de la nature fait partie intégrante de ces activités ». 335 On le trouve également dans la Convention-Cadre sur les changements climatiques du 9 mai 1992 qui mentionne que toutes les parties (…) :« tiennent compte, dans la mesure du possible, des considérations liées aux changements climatiques dans leurs politiques et actions sociales, économiques et environnementales et utilisent des méthodes appropriées, par exemple, des études d’impact, formulées et définies sur le plan national, pour réduire au minimum les effets – préjudiciables à l’économie, à la santé publique et à la qualité de l’environnement – des projets ou mesures qu’elles entreprennent en vue d’atténuer les changements climatiques ou de s’y adapter » (art. 4, 1, f) 336 Ceci est à l’origine d’une réflexion sur les déplacés environnementaux qui devraient être de plus en plus nombreux en raison du réchauffement de la planète. Voyez le projet de convention relative au statut international des déplacés environnementaux REDE 2008, pp. 375-406. 337 OCDE, «Stratégie de l’environnement de l’OCDE pour les dix premières années du vingt et unième siècle», adopté par le Ministre de l’Environnement de l’OCDE le 16 mai 2001 ; OCDE, «Stratégies de développement durable», 2001, 88 p. et Examen de la mise en œuvre de la stratégie, 29 et 20 Mars 2012 (http://www.oecd.org/fr/env/50032427.pdf) 338 Les Parties reconnaissent que« leurs rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d’un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l’accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services, tout en permettant l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préserver l’environnement et de renforcer les moyens d’y parvenir d’une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique » 339 Sur cette question, voyez M.-P. LANFRANCHI, « L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC – Le principe de non-discrimination entre produits similaires » in Droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et protection de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2003, pp. 76-107 ; « Le principe d’intégration : l’Organisation mondiale du

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214

§ 2- Au niveau européen

A – Les fondements juridiques

Même si les institutions européennes se sont préoccupées des questions

environnementales dès la fin des années ’60, il faudra attendre, comme nous l’avons

vu, l’adoption de l’Acte Unique européen pour que le Traité de Rome ainsi modifié

reconnaisse une compétence formelle des autorités européennes dans le domaine

de l’environnement.

L’Acte unique européen, entré en vigueur le 1er juillet 1987, prévoyait,à l’article 130R,

§ 2 que :

« Les exigences en matière de protection de l’environnement sont une

composante des autres politiques de la Communauté ».

Le Traité sur l’Union européenne, adopté le 7 février 1992 à Maastricht, a modifié

l’énoncé de ce principe comme suit :

« Les exigences en matière de protection de l’environnement doivent être

intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la

Communauté ».

Par suite, le Traité d’Amsterdam de 1997 a classé le principe d’intégration dans les

principes de base du Traité, plus précisément à l’article 6 en vue de promouvoir un

développement durable340.

Cela fait apparaître la volonté de donner à ce principe d’intégration valeur de principe

général du droit communautaire, à l’instar, comme nous l’avons vu, du principe de commerce et la protection de l’environnement » in Outils économiques et outils juridiques pour la protection de l’environnement. 340 « Les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l’article 3, en particulier, afin de promouvoir le développement durable ».

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215

précaution qui a vocation à s’appliquer dans toutes les politiques de l’Union

européenne341.

Le Traité de Nice de décembre 2000 et la Charte des droits fondamentaux de l’Union

européenne confirmeront l’importance de ce principe, avec l’article 37 de la Charte342

libellé comme suit343 :

« Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa

qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés

conformément aux principes de développement durable ».

Avec le Traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009, c’est dorénavant

l’article 11 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui devient le siège

du principe d’intégration344.

B – Les traductions stratégiques : le processus de Cardiff 345

Au début des années 90, on assiste à la mise en place d’une stratégie en vue

d’obtenir, au sein des institutions de l’Union européenne, des résultats concrets pour

l’intégration des préoccupations environnementales dans des secteurs qui portent

particulièrement atteinte à l’environnement.

341Cela ne signifie pas pour autant que, en présence d’intérêt divergent, la priorité doive nécessairement être donnée à la protection de l’environnement Cfr., par exemple, N. de SADELEER, Le droit communautaire et les déchets, Bruylant-LGDJ, Bruxelles-Paris, 1995, pp. 77 et s.; D. GERADIN, « Droit européen de la concurrence et protection de l’environnement » in Droit commercial, droit des sociétés et environnement : questions d’actualité, Amén.-Env., n° spéc. 1999, pp. 44 et s. 342 – que l’on retrouve tel quel dans le projet de Constitution pour l’Europe à l’article II-37 - 343 Sur cette question, voy. N. de SADELEER, « La protection de l’environnement – L’environnement dans le projet de Constitution pour l’Europe : l’écologie inoffensive » in Une Constitution pour l’Europe, Larcier, Bruxelles, 2004, pp. 367- 393. 344 Qii reprend le libellé du Traité d’Amsterdam Le mot « Union » se substitue au mot « Communauté ». 345 On se réfèrera avec intérêt au document de travail de la Commission « Intégration des considérations environnementales dans les autres politiques – bilan du processus de Cardiff » (COM(2004) 394 final – 1er juin 2004).

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216

Une des premières actions concrètes sera la modification par la Commission de son

organigramme en vue de créer, dans les directions générales (notamment celles de

l’agriculture, le transport et l’énergie) des unités administratives chargées des

aspects environnementaux.

(voyez également les lettres de cadrage du 1er ministre aux différents ministres dans

le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route vers la transition écologique).

Mais c’est surtout le Conseil européen de Cardiff de 1998346 qui a posé les bases

d’une action coordonnée en matière d’intégration des exigences environnementales

dans les politiques de l’Union347.

Cette action, connue sous le nom de « processus de Cardiff » vise à ce que toutes

les instances et services de l’Union européenne adoptent une stratégie en ce sens.

Toutefois, et même si la Cour de justice n’est pas insensible au principe

d’intégration348, il reste du chemin à parcourir pour que les mentalités changent au

sein des Directions Générales de la Commission autre que la DG environnement et

même des organes juridictionnels de l’Union européenne.

A titre d’exemple, on peut citer la position de la Commission concernant l’analyse de

la compatibilité de l’octroi d’une aide d’Etat349 au marché commun. En l’espèce, il

s’agissait d’une aide accordée par l’Etat autrichien pour construire un complexe

hôtelier. Les requérants énonçaient notamment que le projet n’avait pas fait l’objet

d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement au titre de la directive 85/337

et que dès lors, l’aide devait être déclarée illégale. La Commission énonce que si la

346 L’ initiative vient en decembre1997 du Premier Ministre suédois lors Conseil européen du Luxembourg . 347 Communication de la Commission au Conseil européen, Partenariat d’intégration – une stratégie pour intégrer l’environnement dans les politiques de l’Union européenne, COM(98)333. 348 A titre d’exemple, CJCE, 17 septembre 2002, C-513/99, Concordia Bus Finland Oy ; CJCE, 13 septembre 2005, C-176/03, Commission c. Conseil, pt 42 à propos de la compétence du Conseil d’adopter la décision-cadre 2003/80/JAI du Conseil du 27 janvier 2003 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Voyez égal. CJCE, 23 octobre 2007, C-440/05. 349 TCE, 13 janvier 2004, T-158/99, ThermenhotelStoiserFranzGes et crts c. Commission, p.159 .

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217

violation de ladite directive peut être soulevée, c’est dans le cadre d’une procédure

en constatation de manquement mais que cela ne saurait constituer une difficulté

sérieuse au titre de l’appréciation par la Commission de la compatibilité de l’aide

litigieuse avec le marché commun350.

Dans le même esprit, on peut citer le litige qui a longuement opposé la Commission

et l’Autriche à propos d’une interdiction de circuler pour certains poids lourds

(camions de plus de 7,5 tonnes transportant certaines marchandises) dans la vallée

de l’Inn en application du droit autrichien transposant les directives 96/62 et 1999/30

sur la qualité de l’air ambiant.

La Commission estimait que cette interdiction entravait manifestement la libre

prestation de services dans le domaine du transport des marchandises ainsi que la

libre circulation des marchandises351. La Cour sanctionne l’Autriche qui n’a pas

examiné l’existence même de solutions alternatives (transport ferroviaire) avant de

prendre une décision aussi radicale.

Suite à l’arrêt de la Cour de justice de 2005, l’Autriche a adopté de nouvelles

mesures qui ont été sanctionnées à nouveau par la Cour en 2011, celle-ci

considérant que notamment la limitation de vitesse sur autoroute aurait pu constituer

une alternative comme source de diminution des rejets polluants352.

§ 3- Au niveau national

L’évolution du droit international et du droit européen se répercute

nécessairement sur les droits nationaux.

350 Point 159. 351 Prés. CJCE, 2 octobre 2003, C-320/03/R, Commission c. Autriche ; voy. égal. Prés. CJCE, 27 avril 2004. Ces décisions furent confirmées au fond par la Cour (CJCE, 15 novembre 2005, C-320/03). 352 CJUE, 21 décembre 2011, C-28/09, Commission c. Autriche : SIBONY, Anne-Lise, LIEVEN, Sophie « Arrêt « Commission c. Autriche » : la lutte contre la pollution aux prises avec la libre circulation des marchandises ». In J.D.E., mars 2012, n° 187, pp. 80-82

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Le 1er mars 2005, la France adoptait la Charte de l’environnement dont l’article 6

est libellé comme suit :

« Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A

cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement,

le développement économique et le progrès social ».

Section 2 - Les instruments de concrétisation du pr incipe d’intégration

Il existe de multiples instruments susceptibles de concrétiser le principe

d’intégration des préoccupations environnementales dans les autres politiques. On

peut les classer en deux catégories : des instruments coercitifs (hard law) et des

instruments plus incitatifs (soft law).

§ 1- Les instruments coercitifs

Parmi les instruments coercitifs, on retiendra essentiellement les obligations

législatives ou réglementaires d’une part, et, d’autre part, l’éco-conditionnalité.

A - Les obligations législatives ou réglementaires

Une des manières efficaces d’imposer aux acteurs publics et privés d’intégrer les

préoccupations environnementales dans leurs politiques, consiste à les obliger à

respecter un certain nombre de règles de fond et de procédure qui vont dans ce

sens.

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219

Dans ce cadre, on peut noter l’adoption de documents de planification

coercitifs353. Il est évident que lorsqu’un Etat se dote de plans locaux d’urbanisme

(PLU) à valeur réglementaire, les projets publics ou privés ne pourront être autorisés

que s’ils sont conformes aux prescriptions de ces documents.

Dès l’instant où ceux-ci intègrent la protection de l’environnement, notamment, en

affectant une partie non négligeable du territoire à des fonctions de conservation de

la nature, ou en y interdisant toute construction, on oblige les acteurs publics et

privés à respecter ces prescriptions.

On retrouve évidemment le même processus par l’adoption de périmètres de

protection, qu’il s’agisse de périmètres de protection de la nature, de périmètres de

protection de zones de captage d’eau ou d’autres périmètres de nature similaire.

Un autre type d’obligation que l’on peut imposer aux acteurs publics et privés en

vue de les obliger à intégrer les préoccupations environnementales dans leurs

projets consiste à leur imposer de réaliser une évaluation de l’impact

environnemental de leurs projets et, le cas échéant, une analyse des risques pour la

santé354.

C’est ce qui a justifié le développement des évaluations préalables des

incidences environnementales des projets, à trois niveaux :

- au niveau du droit international, avec la convention d’Espoo de 1991 sur

l’évaluation l’impact sur l’environnement (EIE) dans un contexte transfrontière.

353 Voy. sur cette question, not. D. DEHARBE, « Planification réglementaire et approche intégrée » in Les principes généraux du droit de l’environnement, Droit de l’environnement, n° spécial, juillet-août 2001, pp. 144-147. 354 Voyez P. STEICHEN, « Le risque, facteur de mutation de la décision publique », Actes du colloque de Rabat mars 2003, L’Harmattan, Paris, 2004; R. ROMI, « Droit de la santé, droit de l’environnement : intégrations croisées » in Les principes généraux du droit de l’environnement, Droit de l’environnement, n° spécial, juillet-août 2001, pp. 148-150.

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220

-au niveau du droit européen

* avec la directive 2011/92 du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des

incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement qui exige qu’il soit

procédé à une évaluation des incidences pour tous les projets susceptibles d’avoir

une incidence notable sur l’environnement.

* avec la direction 2001/42 du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des

incidences de certains plans et programmes sur l'environnement

- ou au niveau national, avec les études d’impact des projets sur l’environnement,

codifiées aux articles L. 512-1 et R 512-1 pour les établissements industriels

(installations classées) L. 122-1 et R 122-1 et suivants pour les autres projets355.

La même démarche existe pour les plans et programmes. (Art. L. 122-4 à L. 122-11

et. R. 122-17 à R. 122-24 du Code de l’env. et Art. L. 121-10 à L. 121-15 à R. 121-14

à R. 121-17 du Code de l’urb.)

B- L’éco-conditionnalité

L’éco-conditionnalité consiste à conditionner l’octroi d’aides de toute nature au

respect de la réglementation environnementale et à l’amélioration de la protection de

l’environnement356.

355 Ainsi par exemple, toutes les installations industrielles soumises à autorisation (dites ICPE) doivent produire obligatoirement une étude d’impact lorsqu’elles sollicitent de la part du préfet une autorisation d’exploiter. Ces études portent sur plusieurs points. Il s’agit tout d’abord d’analyser l’état initial du site, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels (…) ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet. L’étude d’impact présente les mesures prévues pour supprimer, réduire et si possible compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement. Ce qui paraît en tout cas évident, c’est qu’en obligeant, préalablement à la prise de décision autorisant tel ou tel projet, à évaluer l’impact environnemental de ce projet, on incite chaque promoteur à réfléchir à l’impact environnemental global de son projet. Dès l’instant où un promoteur envisage un projet, on peut imaginer qu’il est prêt à amender celui-ci pour tenir compte des impacts environnementaux si cette démarche est de nature à lui permettre d’obtenir les autorisations requises.

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221

Pendant longtemps, des aides ont été octroyées sans contrepartie

environnementale : alors que les pouvoirs publics aidaient de manière substantielle

certaines activités –agricoles surtout- , il n’était pas exigé en contrepartie, un respect

minimum la réglementation environnementale357.

Aujourd’hui, les autorités publiques358 qui octroient des aides ont compris qu’elles

étaient en position d’exiger que le bénéficiaire s’engage à respecter la

réglementation environnementale359 et à améliorer ses performances dans ce

domaine360.

356 Sur cette question, voyez notamment A.VANDERVORST, « Contenu et portée du concept de conditionnalité environnementale : vers un nouvel instrument au service du droit de l’environnement ? », REDE, 2000, pp. 129-151. 357 Sur cette question, voyez notamment C.H. BORN, « La conservation de la biodiversité dans la politique agricole commune », Cahiers de droit européen, 2001, pp. 341-401 ; 358 « Les transports, un axe moteur de développement régional : http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/panorama/pdf/mag18/mag18_fr.pdf 359 C’est ce que prévoit expressément, à titre d’exemple, l’article 12 du Règlement (CE) n° 1260/1999 du 21 juin 1999 portant disposition générale sur les Fonds structurels, qui est l’un des instruments financiers destiné à assurer la cohésion économique et sociale de l’Union : « Les opérations faisant l'objet d'un financement par les Fonds ou d'un financement de la BEI (banque européenne d’investissement) ou d'un autre instrument financier doivent être conformes aux dispositions du traité et des actes arrêtées en vertu de celui-ci, ainsi qu'aux politiques et actions communautaires, y compris celles concernant les règles de concurrence, la passation des marchés publics, la protection et l'amélioration de l'environnement, l'élimination des inégalités, et la promotion de l'égalité, entre les hommes et les femmes ». 360 On peut également mentionner l’article 3 du Règlement (CE) n° 1259/1999 du 17 mai 1999 établissant des règles communes pour le régime de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune. Ce régime, qui s'applique aux paiements directement octroyés aux agriculteurs, fixe des exigences en matière de protection de l’environnement qui peuvent consister dans des exigences environnementales générales ou spécifiques. Il s’agissait seulement d’une faculté. Ce sont surtout les dispositions du rglt cadre 1782/2003 et son règlement d’application 796/2004 qui précisent les modalités de l’éco conditionnalité. On peut également citer l’article 7 du Règlement (CE) n° 2236/1995 du 18 septembre 1995 déterminant les règles générales pour l’octroi d’un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens

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222

Dans ce contexte, on peut signaler, en droit de l’Union, le refus de l’octroi de fonds

européens au Portugal pour la construction d’une autoroute en Algarve exécutée

sans évaluation environnementale préalable361.

On peut encore signaler le refus de prêt de la Banque européenne d’investissement

pour la construction d’un barrage en Ethiopie, en raison raisons des incidences sur la

sécurité alimentaire dans certaines régions.

La « stratégie » de la Commission vis-à-vis des Etats membres nettement en retard

dans la désignation des sites Natura 2000 est également une illustration de l’éco-

conditionnalité : la Commission a coupé l’accès aux Fonds structurels tant que la liste

des sites n’était pas notifiée à la Commission.

En France l’éco conditionnalité est appliquée en matière agricole depuis 2001.

En France, la conditionnalité des aides agricoles relève d’un décret n° 2004-1429 du

23 décembre 2004 relatif aux exigences réglementaires en matière de gestion des

exploitations et aux bonnes conditions agricoles et environnementales conditionnant

la perception de certaines mesures de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant

le code rural362.

361 Cité par J.-F. NEURAY, Droit de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 91. 362 I. DOUSSAN, « L’environnement et la réforme de la PAC adoptée le 26 juin 2003 », Dr. Env., sept. 2003, pp. 157-158 ; I. DOUSSAN, « Brèves réflexions sur la ‘conditionnalité’ des aides agricoles et les ‘bonnes pratiques agricoles et environnementales’ », Dr. Env., mars 2005, p.46-48 ; I. DOUSSAN, « La conditionnalité des aides agricoles : continuité ou innovation » in Conservation de la biodiversité et politique agricole commune de l’Union européenne , La Documentation française, Paris, 2007, pp. 179-193.

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La réforme ‘PAC 2014-2020’ devrait entraîner une modification des règles actuelles ;

Notamment, chaque exploitation devra respecter en 2015 un taux de surface d’intérêt

écologique363 de 5% de sa surface arable pour bénéficier des aides.

§ 2- Les incitants

Parmi les instruments de soft law en vue de concrétiser le principe d’intégration,

on relèvera les efforts réalisés en vue d’un changement culturel, les incitants

financiers ou les clauses contractuelles auxquels les pouvoirs publics peuvent

recourir.

A. Les changements culturels

Une des façons de concrétiser le principe d’intégration consiste à modifier les

mentalités des acteurs économiques pour les convaincre de l’importance des

exigences de la protection de l’environnement.

Différentes politiques internationales, européennes ou nationales insistent dans

ce contexte sur l’importance de la sensibilisation aux problèmes environnementaux

et la formation des citoyens et des acteurs à cet égard364. Ainsi dans la stratégie

française de développement durable 2003-2008, le premier axe est celui du citoyen,

acteur du développement durable.

363 Les SIE comporteront les haies ou bandes boisées, les arbres isolés, alignés ou en groupe, les bandes tampons et les bordures de champs, les mares, les fossés et les murs traditionnels en pierre et les terrasses, ainsi que les bandes d’hectares bordant les forêts (si elles ont une largeur minimum d’un mètre). Des règles précises sur les dimensions de ces éléments ont été définies. Les hectares en agroforesterie qui reçoivent ou ont reçu une aide au titre du 2ème pilier de la PAC et les terres en jachères font aussi partie des SIE. Elles comporteront aussi les taillis à courte rotation sans utilisation d’engrais minéraux ni de produits phytopharmaceutiques, ainsi que les cultures dérobées ou à couverture végétale implantées entre le 1er juillet 2015 et le 1er octobre 2015 par ensemencement d’un mélange. La liste précise des essences et des espèces éligibles a été fixée. Les surfaces portant des plantes fixant l’azote feront partie des SIE. Pour des raisons de simplicité et éviter des contrôles lourds supplémentaires, aucune exigence de pratique particulière sur ces surfaces ne sera ajoutée. La liste des cultures possibles a été arrêtée. Elle comprend notamment le pois, la féverole, les lupins, la luzerne, le soja, les trèfles et le sainfoin. 364 A titre d’exemple, voyez la stratégie française de l’environnement.

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On notera également le développement de guides de bonne pratique

environnementale. C’est le cas notamment dans le domaine agricole où l’on se rend

compte que l’on peut peut-être obtenir des résultats plus performants auprès des

agriculteurs en les convainquant de l’intérêt, pour eux, de respecter l’environnement

plutôt qu’en leur imposant sans explication le respect des réglementations auxquelles

ils sont presque par principe hostiles.

Au plan international, l’ONU a élaboré de nombreux codes de bonne conduite,

notamment dans le domaine de l’agriculture et de la pêche365

En France, un guide de bonnes pratiques agricoles est à disposition des

agriculteurs366.

Ce type de bonnes pratiques tend à se généraliser.

B. Les incitants financiers

Une autre technique pour inciter les acteurs à intégrer les préoccupations

environnementales dans leurs actions consiste à octroyer des aides spécifiques à la

protection de l’environnement.

Il ne s’agit plus ici de conditionner l’octroi d’aides au respect de l’environnement,

mais d’aider directement les entreprises à améliorer leurs performances

environnementales367.

365Bonnes pratiques : Gestion des systèmes de production végétale, Gestion des systèmes de production animale , Maladies et ravageurs des animaux et des plantes , Nutrition et protection du consommateur , Gestion et conservation des forêts , Gestion et conservation des pêches et de l’aquaculture 366 Le Code national des bonnes pratiques agricoles mentionné à l'article 2 du décret du 27 août 1993 susvisé figure en annexe de l’arrêté 22 novembre 1993 relatif au code de bonnes pratiques agricoles. 367 La CJCE a eu l’occasion de préciser que l’objectif de protection environnementale poursuivi par un Etat membre lors de l’institution d’une écotaxe ne saurait permettre d’échapper à la qualification d’aide d’Etat (CJCE, 22 déc. 2008, British Aggregates Associations, aff. C 487/06). Pour un exemple d’aides ne violant pas ces règles, CJCE, 26 sept. 2002, C.351/98, Espagne c/Commission.

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a) Les aides d’Etat

En principe, les aides d’État sont interdites dans l’UE car elles pourraient fausser le

jeu de la concurrence dans le marché intérieur. C’est la raison pour laquelle l’article

107, § 1, du TFUE énonce le principe d’interdiction des aides d’État.

Mais l’article 107, § 2 et 3, du traité énonce les cas dans lesquels ces aides peuvent

être compatibles avec le marché intérieur.

C’est le cas de certaines aides d’Etat destinées à faciliter le développement de

certaines activités économiques, dès lors qu’elles n’altèrent pas les conditions des

échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

La Commission avait préalablement, le 1er avril 2008368, publié des « lignes

directrices concernant les aides d’Etat à la protec tion de l’environnement » .

Ces lignes directrices énonçaient des critères relatifs à l’appréciation des aides d’Etat

dans 12 domaines différents369 .

dont :

- l’amélioration des performances environnementales au-delà des normes

obligatoires de l’UE

- les aides à l’adaptation anticipée des futures normes communautaires ;

- les aides aux études environnementales ;

368 Lignes directrices concernant les aides d’Etat à la protection de l’environnement (2008/C 82/01 ; JOUE 1er avril 2008) qui ont remplacé l’Encadrement communautaire des aides d’Etat pour la protection de l’environnement (2001/C37/03 ; JOCE 3 févr. 2001). L’ Encadrement communautaire des aides d’Etat pour la protection de l’environnement (2001 C 37/03) du 3 février 2001 définissait dans quelles mesures et sous quelles conditions des aides d’Etat peuvent s’avérer nécessaires pour assurer la protection de l’environnement sans avoir des effets disproportionnés sur la concurrence. Le texte couvrait initialement la période du 1er janvier 2000 à la fin 2007. 369 La France a, pour sa part, communiqué à la Commission, le 6 mars 2008 qu’elle entendait utiliser la plupart de ces aides dans des proportions qu’elle explicite. Par exemple, les aides à l’adaptation à de nouvelles normes communautaires sont réservées aux PME et limitées à 15 % des coûts éligibles. Les aides à la délocalisation sont de 30 % des coûts éligibles, voire 40 % pour les PME

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- les aides en faveur des économies d’énergie ;

- les aides en faveur de la réhabilitation des sites contaminés.

- les aides à la relocalisation d’entreprises pour des raisons environnementales

impérieuses (CJCE 8 nov 2001, C-143/99, CJCE 13 mars 2001, C 379-98).

En réalité, une grande partie de ces aides a servi a promouvoir les énergies

renouvelables.

La Commission en a pris acte et a adopté, en avril 2014, de nouvelles règles sur les

aides d’Etat en matière de protection de l’environnment et de l’énergie qui sont

essentiellement concentrées sur les énergies : Communication de la Commission

Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à

l’énergie pour la période 2014-2020 (2014/C 200/01).

On y trouve notamment :

- Aides en faveur de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ;

- Aides en faveur de l’utilisation efficace des ressources et, en particulier, aides

à la gestion des déchets ;

- Aides au captage et au stockage du carbone (CSC)

- Aides en faveur des infrastructures énergétiques

- Aides en faveur du changement d’implantation de certaines entreprises

b) Les marchés publics

Parmi les autres incitants financiers, on peut mentionner aussi l’incitant

indirect que constitue la prise en compte d’aspects environnementaux dans le cadre

des marchés publics 370.

370 Voyez la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. (Cette directive abroge la directive 93/36/CE sur les marchés publics de fournitures, la directive 92/50/CE sur les marchés

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227

Auparavant, le choix de l’adjudicataire devait être motivé par l’offre la moins

chère ou la plus intéressante sur la base de critères bien précis. Or, on assiste,

depuis environ une dizaine d’années, à une évolution intéressante dans la mesure où

l’on s’oriente vers la prise en compte de critères environnementaux pour estimer ce

qui peut constituer une offre la plus intéressante371.

C’est ainsi que la Commission européenne avait présenté le 28 novembre 2001 une

première communication interprétative sur les possibilités d’intégrer des

considérations environnementales dans les marchés publics372.

La Cour de Justice des Communautés européennes a rendu le 17 septembre

2002373, un arrêt à propos des bus de la Ville d’Helsinki en se fondant sur l’article 6

(11 aujourd’hui) du Traité, c’est-à-dire sur le principe d’intégration des

préoccupations environnementales.

La cour a considéré que le droit européen des marchés publics n’excluait pas

la possibilité, pour le pouvoir adjudicateur d’un marché, d’utiliser les critères relatifs à

la protection de l’environnement dans le cadre de l’appréciation de l’offre

économiquement la plus avantageuse.

La Cour limite néanmoins cette possibilité puisqu’elle exige :

- que les critères environnementaux soient liés à l’objet du marché (dans le cas des

bus de la Ville d’Helsinki, il s’agissait de la performance environnementale des bus) ;

- que ces critères ne confèrent pas à l’adjudicateur une liberté inconditionnelle de

choix ;

publics de services, la directive 93/37/CE sur les marchés publics de travaux avec effet au 31 janvier 2006). 371 P.THIEL, « Les clauses environnementales dans les marchés publics », Amén.-Env., 2003, p.63 et s. 372 COM/2001/0566 final 373 CJCE, 17 septembre 2002, C-513/99, Concordia Bus Finland Oy, obs. F. HAUMONT et P. STEICHEN, Etudes Foncières, n° 101, janvier-février 2003, p. 41.

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228

- que ces critères soient expressément mentionnés dans le cahier des charges ou

dans l’avis de marché et qu’ils respectent les principes fondamentaux du droit

communautaire et notamment, le principe de non-discrimination.

Un arrêt postérieur dans le domaine de la fourniture d’électricité a confirmé la possibilité de prendre en

compte, à certaines conditions, des critères environnementaux pour l’attribution d’un marché public374.

Cette évolution jurisprudentielle s’est traduite ultérieurement par l’adoption de

deux directives européennes375 :

- la directive 2004/2017376 sur la passation des marchés publics dans les

secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux

et la directive 2004/2018 sur la passation des marchés publics377 de travaux,

de fournitures et de services.

Celles-ci viennent d’être abrogées et remplacées par deux directives :

- La directive 2014/24 sur la passation des marchés publics378 et

- La directive 2014/25 relative à la passation de marchés par des entités

opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des

services postaux379.

En particulier, les marchés publics contribueront davantage à la mise en œuvre des

politiques environnementales, d’insertion sociale et d’innovation. En particulier, les

374 CJCE, 4 décembre 2003, C-448/01, EVN et Wienstrom G mbH, obs. F. HAUMONT et P. STEICHEN, Etudes Foncières, n° 108, mars-avril 2004 , p. 40. 375 C. London, UE, les marchés passent au ver, BDEI, n° 3, 2003. 376 Directive 2004/17/CE du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux . 377 Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (cf. l’article 53 mentionnant expressément les caractéristiques environnementales de l’offre liées à l’objet du marché). 378 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE 379 Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.

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229

pouvoirs publics pourront choisir en fonction du meilleur coût du cycle de vie des

biens offerts : dans ce cadre, l’empreinte C02 des produits pourra être déterminante.

Il en ira de même pour le processus de production des travaux, services et

fournitures achetés: celui intégrant le plus de personnes vulnérables ou

désavantagées ou utilisant des substances non toxiques pourra être déterminant

dans le choix de l’entreprise.

Voyez également le guide publié par la Commission européenne en 2011 « Acheter

vert : un manuel sur les marchés publics écologiques »380 ainsi que la communication

interprétative relative à des marchés publics pour un environnement meilleur381.

La législation française va dans le même sens. Ainsi, les prestations qui font

l’objet d’un marché peuvent inclure des caractérist iques environnementales

(art. 6 CMP382).

De même, les conditions d’exécution du marché « peuvent comporter des

éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs

de développement durable en conciliant développement économique, protection et

mise en valeur de l'environnement et progrès social » (art. 14 CMP).

Enfin, pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la

plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde sur une pluralité de critères qui

380 http://ec.europa.eu/environment/gpp/pdf/buying_green_handbook_fr.pdf. 381 (COM(2008) 400 final). http://ec.europa.eu/environment/gpp/pdf/buying_green_handbook_fr.pdf. 382 Art. 6-I. - Les prestations qui font l'objet d'un marché ou d'un accord-cadre sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : 1° Soit par référence à des normes ou à d'autres do cuments équivalents accessibles aux candidats, notamment des agréments techniques ou d'autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation ; 2° Soit en termes de performances ou d'exigences fo nctionnelles. Celles-ci sont suffisamment précises pour permettre aux candidats de connaître exactement l'objet du marché et au pouvoir adjudicateur d'attribuer le marché. Elles peuvent inclure des caractéristiques environnementales.(…)

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230

incluent notamment les performances en matière de protection de

l'environnement383.

(Pour une application, voyez not. CE, 15 fev. 2013, n° 363921, Société Derichebourg

polyurbaine).

Il est évident que dès l’instant où le pouvoir adjudicateur d’un marché peut tenir

compte de l’intérêt environnemental de l’offre présentée, on peut s’attendre à ce que

tous les soumissionnaires intègrent les préoccupations environnementales dans leur

offre, ce qui est évidemment un bon moyen de concrétiser ce principe d’intégration.

Chapitre 6 – Le principe d’information et de partic ipation

Une véritable lame de fond internationale a généralisé l’idée selon laquelle la

décision environnementale doit être prise de manière transparente et démocratique.

383 O. Schmitt, La commande publique et le développement durable , Gaz. Pal. 17-18 juin 2005, ; MP Lavoillotte, L’environnement dans le nouveau Code des marchés publics, AJDA, 8 nov. 2004, p. 7.

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231

Section 1 : Droit à l’information et participation du public en droit international

et en droit de l’UE

La déclaration de stockolm de 1972 réclamait en son temps, à l’article 19, une

information éducative sur la nécessité de protéger l’environnement.

Le principe 10 de la déclaration de Rio de 1992384 sur l’environnement et le

développement reconnait le droit à l’information qui se décline en 3 facettes :

- l’accès à l’information environnementale385 ;

- la participation à la prise de décision;

- l’accès à la justice.

On retrouve également ce principe :

- dans des recommandations de l’OCDE (ex participation à la décision en matière

d’accidents liés aux substances dangereuses -1988386- ou l’information comme

instrument de responsabilité et de participation -1998387),

384 “La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris des informations relatives aux substances et activités dangereuses dans la communauté, et avoir la possibilité de participer au processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, y compris à des sanctions et réparations, doit être assuré”. 385 Pour une approche générale, voy. Ch. LARSEN (éd.), « Dix ans d’accès à l’information en matière d’environnement en droit international, européen et interne : bilan et perspectives », Bruylant, Bruxelles, 2003, 240p. 386 Décision-Recommandation du Conseil, en date du 8 juillet 1988, concernant la communication d'informations au public et la participation du public au processus de prise de décision visant les mesures de prévention et d'intervention applicables aux accidents liés aux substances dangereuses [C(88)85(Final)] ;

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- dans les textes de l’Organisation Mondiale de la Santé : “chaque citoyen a le droit

d’être informé et consulté sur les plans, décisions et activités susceptibles d’affecter

à la fois l’environnement et la santé et de participer au processus de décision”. -1989

Quelle est la finalité des mécanismes de droit à l’information et de participation ?

Pour certains auteurs, l’information et la participation doivent contribuer à rendre la

décision plus efficace et donc plus facilement applicable par rapport à l’objectif

global de rationalité écologique incluant les exigences du développement durable388.

§ 1- La Convention d’Aarhus et directive 2003/04 du 28 janvier 2003 concernant

l’accès du public à l’information en matière d’envi ronnement

Le 25 juin 1998 était approuvée à Aarhus la « Convention sur l’accès à l’information,

la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière

d’environnement », sous l’égide de la Commission Economique pour l’Europe de

l’Organisation des Nations Unies389.

La convention a été signée par une quarantaine d’ Etats d’Europe et d’Amérique du

Nord (l’Union européenne en fait partie) et est entrée en vigueur le 31 octobre 2001.

Elle a été approuvée par la France le 28 février 2002 (loi n° 2002-85) et publiée par

387 Recommandation du Conseil sur l'information environnementale, 3 avril 1998 - C(98)67/FINAL 388 M. Prieur (RJE numéro spécial sur le droit à l’information) 389La Commission économique pour l’Europe de l’ONU regroupe 55 Etats d’Europe, d’Asie centrale et de transcaucasie ainsi que les Etats Unis et le Canada. Sur la base d’un mandat qui trouve son origine dans lé réunion de novembre 1989 à Sophia de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, qui souhaitait favoriser la prévention et la résolution pacifique des litiges internationaux nés de problèmes environnementaux, elle a préparé l’adoption de plusieurs conventions et notamment, outre la Convention signée à Espoo (sc infra) le 25 février 1991, sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, la convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux adoptée le 17 mars 1992 à Helsinki.

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233

le décret n° 2002-1187 du 12 septembre 2002. Elle e st entrée en vigueur le 6

octobre 2002.

La Convention d’Aarhus est largement inspirée des instruments existants et

notamment la directive 90/313 du 7 juin 1990 “concernant la liberté d'accès à

l'information en matière d'environnement”. Cette dernière a été abrogée le 14 février

2005 et remplacée par la directive 2003/4/CE.

La directive de 1990 ne contenait pas d’obligation générale de divulguer les données

importantes en matière d’environnement. Il était seulement prévu que les “les Etats

membres prennent les mesures nécessaires pour fournir au public des informations

générales sur l’état de l’environnement”, ce qui restait très vague.

La nouvelle directive 2003/4 énonce que son objectif est « de garantir le droit d’accès

aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour

leur compte et de fixer les conditions de base et les modalités pratiques de son

exercice » (art. 1er).

Sur ce point, l’article 5 de la convention d’Aarhus commande également aux parties

de mettre à la disposition du public les informations qu’elles détiennent, et

notamment de publier la législation et les rapports sur l’environnement sous forme de

fichiers électroniques.

La Convention d’Aarhus prévoit que les parties doivent faire en sorte que les

fonctionnaires apportent leur concours au public qui cherche à avoir accès à des

informations sur l’environnement (art. 5, b ii).

La directive s’est alignée sur cette exigence et demande aux Etats membres de

veiller à ce que les fonctionnaires soient tenus d’aider le public à accéder aux

informations recherchées. (art. 3.5.)

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234

L’ article 5.1. de la Convention d’Aarhus impose en outre une information rapide et

adéquate en cas de menace imminente pour la santé ou l’environnement, qu’elle

soit imputable à l’activité humaine ou à une cause naturelle.

Cette obligation apparaît également dans la nouvelle directive de l’Union « Les Etats

membres prennent les mesures nécessaires pour que soient diffusées

immédiatement et sans retard, en cas de menace imminente pour la santé humaine

et pour l’environnement résultant d’activités humaines et de causes naturelles, toutes

les informations détenues par les autorités publiques (…) et qui pourraient permettre

à la population susceptible d’être affectée de prendre des mesures pour prévenir ou

atténuer le dommage lié à la menace en question » (art. 7, § 4).

En rapport avec le droit de la consommation, l’article 7, § 8 de la Convention

d’aarhus prévoit que “chaque partie met au point des mécanismes dans le but de

faire en sorte que les informations suffisantes sur les produits soient mises à la

disposition du public de manière à permettre aux consommateurs de faire des choix

écologiques en toute connaissance de cause”.

§ 1- Les informations visées

Les informations visées sont similaires dans les deux textes :

L’expression “information sur l’environnement” vise :

“toute information disponible, sous forme écrite, visuelle, sonore, ou électronique ou

autre forme matérielle concernant :

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235

-L’état des éléments de l’environnement tels que l’air, l’ eau, le sol, les terres, les

paysages et les sites naturels y compris les biotopes humides, les zones côtières

et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les OGM, ainsi

que les interactions entre ces éléments

-Des facteurs tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnement ou les

déchets (y compris radioactifs) les émissions, les déversements et autres rejets

dans l’environnement qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les

élements de l’environnement ;

-Les mesures (y compris les mesures admistratives) telles que les politiques, les

dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords

environnementaux et les activités suceptibles d’avoir des incidence sur les

éléments de l’environnement et les facteurs (…)

-Les rapports sur l’application de la législation environnementale ;

-Les analyses coût/avantage et autres analyses économiques (…) ;

-L’état de la santé humaine, la sécurité, y compris le cas échéant la

contamination de la chaîne alimentaire et les conditions de vie des personnes,

les sites culturels et les constructions (…).

Une donnée ne doit pas nécessairement être l’oeuvre ou la propriété de

l’administration pour être communicable ; il suffit qu’elle la détienne, à quelque titre

que ce soit, ce qui la rend, dans les limites fixées par la directive ou la convention

« disponible ». Cette précision est importante, notamment pour les divers documents

déposés à l’appui de demandes d’autorisations.

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236

§ 2 - Les autorités publiques

Dans la même perspective les autorités publiques concernées ne sont pas

uniquement celles qui sont compétentes en matière d’environnement mais toutes

celles qui détiennent des informations qui y sont relatives, à l’exception cependant

des pouvoirs judiciaires ou législatifs. (article 2.2 de la Convention et 2.2. de la

directive).

§ 3 - Les restrictions au libre accès

La directive et la Convention d’Aarhus contiennent une série d’exceptions au principe

du libre accès, mais ces dérogations sont d’interprétation stricte. La Convention et la

directive le précisent expressement (article 4 § 4 Conv. et 4.1 dir.).

Une demande d’information peut être refusée si :

-l’autorité à laquelle la demande a été adressée n’est pas en possession des

informations demandées ; (l’autorité peut rediriger la demande et en informer

l’administré)

-la demande est manifestement abusive

-elle est trop générale

-elle porte sur les documents en cours d’élaboration ou inachevés

-elle concerne des communications internes des autorités publiques

En outre, une demande d’informations peut être rejetée lorsque la divulgation des

informations porterait atteinte :

-à la confidentialité des délibérations des autorités publiques390

390 La confidentialité doit être prévue en droit. Cette condition peut être considérée comme remplie du fait de l'existence d'une règle qui prévoit, de manière générale, que la confidentialité des délibérations des autorités publiques constitue un motif de refus d'accès à des informations environnementales détenues par celles-ci, pour autant que le droit national détermine clairement la notion de

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-aux relations internationales, à la sécurité publique ou à la défense nationale

-à la bonne marche de la justice

-à la protection de toute personne ayant fourni des informations sur une base

volontaire sans y être contraint

-à la protection de l’environnement auquel se rapportent ces informations telles

que la localisation d’espèces rares.

-au secret commercial ou industriel, y compris la propriété intellectuelle

- la confidentialité des données à caractère personnel

Il va sans dire que l’utilisation abusive des exceptions pourrait priver la convention

ou la directive de son efficacité. La directive précise par exemple que pour

l’interprétation des restrictions, il sera tenu compte de l’intérêt que présenterait pour

le public la diffusion de l’information et qu’il sera procédé à une mise en balance

entre l’intérêt public servi par la divulgation et l’intérêt servi par le refus de divulguer.

La Cour de justice a estimé que la dérogation qui vise les institutions agissant dans

l’exercice de leurs fonctions s’appliquait aux Ministères qui participent à une

procédure législative, jusqu’à la cloture de celle-ci (CJUE 14 fev. 2012, C-204/09,

AJDA 2012, 995). En revanche les ministères doivent accorder l’accès aux

informations environnementales détenues dans le cadre de l’élaboration d’un

règlement (CJUE, 18 juillet 2013, Deutsche Umwelthilfe, aff. C.. 515/11)

§ 4 - Les garanties d’accès

- Il n’est pas requis de démontrer l’existence d’un intérêt pour obtenir une

information (art. 4, § 1, a de la convention et défintion du « demandeur dans

la directive : toute personne physique ou morale qui demande des

informations environnementales , art. 2, § 5). délibérations, ce qu'il appartient au juge national de rechercher ( CJUE, 14 févr. 2012, C-204/09, Flachglas Torgau).

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D’autres aspects des deux instruments viennent au secours des administrés.

- les informations seront communiquées toutes les fois qu’il sera possible de

séparer les données confidentielles de celles qui ne le sont pas ;

- la réponse à la demande d’information doit être faite dans les meilleurs délais

et au plus tard dans le délai d’un mois (article 4. 2 de la convention et art.

3.2.a de la directive). Le délai peut être porté à deux mois si la demande est

complexe (le demandeur en est informé dans le mois du dépôt de sa

demande).

- les frais qui peuvent être réclamés doivent être raisonnables (art. 4 § 8 de la

Convention et 5 de la directive) ;

- les informations pertinentes et actualisées sur l’état de l’environnement

doivent être mises régulièrement à la disposition du public (art. 5 de la

Convention). La directive précise même que les rapports sur l’état de

l’environnement doivent être publiés au plus tard tous les 4 ans.

La directive devait être transposée au plus tard le 14 avril 2005.

S’agissant du coût des procédures, la CJUE a eu l’occasion de préciser ce qu’il fallait

entendre par « cout non prohibitif » en ce qui concerne les procédures juridicaires en

matière d’environnement (CJUE, 11 avr. 2013, aff. C-260/11, Edwards et

Pallikaropoulos, BDEI, 2013, N° 47, p. 45, obs. C. Smits et V. Noël ; Europe, 2013,

N° 6, p. 39, note A. Bouveresse).

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(CJUE, 8 mars 2011, aff. C-240/09, Lesoochranárske zoskupenie VLK c/

Ministerstvo životného prostredia Slovenskej republiky391).

§ 5 - Les Responsabilités

Ces exigences auront pour effet d’élargir le champ de la responsabilité de

l’administration toutes les fois où un refus injustifié de divulgation, une diffusion

tardive ou la production de renseignements inexacts ou incomplets seront à l’origine

d’un dommage.

Section 2 . Droit à l’information en droit interne

Outre le texte de base de 1978, une série de lois sectorielles ont ouvert la possibilité

pour les citoyens d’accéder à l’information dans le domaine de

l’environnement.

§ 1 – L’information en droit administratif général

Le texte de base est la loi 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée (le 19 mai 2011)

« portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le

public « modifié par une loi du 12 avril 2000 sur la liberté d’accès aux documents

administratifs.

391 Jugé que « L’article 9, paragraphe 3, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, est dépourvu d’effet direct en droit de l’Union. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi d’interpréter, dans toute la mesure du possible, le droit procédural relatif aux conditions devant être réunies pour exercer un recours administratif ou juridictionnel conformément tant aux objectifs de l’article 9, paragraphe 3, de cette convention qu’à celui de protection juridictionnelle effective des droits conférés par le droit de l’Union, afin de permettre à une organisation de défense de l’environnement, (…) de contester devant une juridiction une décision prise à l’issue d’une procédure administrative susceptible d’être contraire au droit de l’Union de l’environnement. »

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Celle-ci est mis en œuvre par un décret n°2005-1755 du 30 décembre 2005

« relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des

informations publiques, pris pour l'application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ».

Les recours (article 20)

La loi de 1978 modifiée a institué un organisme, la commission d’accès aux

documents administratifs (CADA) dont le rôle est de garantir le respect de ce droit à

l’information en indiquant au détenteur de l’information, sur recours des administrés,

ce qui est communicable et ce qui ne l’est pas.

En cas de refus implicite ou de difficultés à obtenir communication d’un document,

l’administré peut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA).

Le décret du 30 décembre 2005 précise que le silence gardé pendant plus d'un mois

par une autorité compétente, saisie d'une demande de communication de documents

vaut décision de refus (art. 17).

Contre la décision de refus ou le silence de l’administration , l’administré peut, après

avis de la CADA, qui constitue un préalable obligatoire, introduire un recours devant

le Tribunal administratif.

Le droit à l’information est considéré comme une garantie fondamentale au titre de

l’article 34 de la constitution (CE 29 avril 2002, M. Ullmann, AJDA, n° 9, 2002, p.

691).

Dans 3 arrêts du 17 avril 2013 (n° 342372, 344924, 337194), le Conseil d’Etat a,

d’une part, s’agissant des organismes de droit privé chargés d’une mission de

service public, restreint la notion de document administratif à ceux qui ont un lien

direct avec cette mission, d’autre part, étendu le bénéfice de la protection de la vie

privée aux personnes morales, et enfin, limité aux personnes directement

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241

concernées la communication des documents comportant des éléments relatifs à

celle-ci (B. Delaunay, AJDA n° 33/2013, 7 octobre 2 013, p. 1921).

§ 2 -L’information en droit de l’environnement

1°) L’information générale

L’article L. 110-1 du Code de l’env. 392 consacre les principes d’information et de

participation en ces terme :

4° Le principe d’information {est le principe} sel on lequel toute personne a le droit

d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités

publiques ;

5° Le principe de participation {est le principe} e n vertu duquel toute personne est

informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement

dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en

considération par l'autorité compétente.

Le code de l’environnement énonce que l’accès à l’information en matière

environnementale se réalise dans les conditions définies par la loi de 1978 (art. L.

124-1 du C.env.)

L’article L. 124-2 du C. env. détermine les informations environnementales qui sont

communicables393, dans le délai d’un mois, voire deux (art. R. 124-1 C. env °) . Ce

392 modifié récemment par la loi 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement 393 « Est considérée comme information relative à l'environnement (…) quel qu'en soit le support, qui a pour objet :

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242

sont celles qui ont été identifiées par la convention d’Aarhus et la directive

communautaire.

Est considérée comme information relative à l'environnement au sens du

présent chapitre toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a

pour objet :

1° L'état des éléments de l'environnement, notammen t l'air, l'atmosphère,

l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou

marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces

éléments ;

2° Les décisions, les activités et les facteurs, no tamment les substances,

l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les

déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état

des éléments visés au 1° ;

3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les c onditions de vie des

personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils

sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des

décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ;

4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que le s hypothèses

économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ;

1° L'état des éléments de l'environnement, notammen t l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2° Les décisions, les activités et les facteurs, no tamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1° ; 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les c onditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que le s hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement.

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243

5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur

l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à

l'environnement.

En particulier, les restrictions de l’article 6 de la loi de 1978 (secret des délibérations

du gouvernement , défense nationale, sûreté de l’Etat, sécurité publique, monnaie et

crédit public etc…) sont d’application en environnement (art. L. 124-4 C. env.).

L’autorité peut en outre refuser l’accès à des informations dont l’accès porterait

atteinte à :

-l’environnement auquel elles se rapportent ;

-aux intérêts d’un tiers qui a fourni une information sans y être juridiquement

contraint et qui ne consent pas à sa divulgation (inspiré de la directive et de la

convention d’Aarhus) (art. L. 124-4).

Par ailleurs, l’information peut être refusée dans 3 cas de figure :

- La demande porte sur des documents en cours d'élaboration ;

- L’administration ne détient pas les documents

- La demande est formulée de manière trop générale

B- L’information sectorielle

L’articulation n’est pas toujours évidente entre les régimes généraux et sectoriels.

C’est la raison pour laquelle la CADA a demandé une clarification des régimes

spéciaux dans son rapport d’activité 2012.

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244

a) Dans le domaine des déchets 394

L’article L. 125-1 énonce que toute personne a le droit d’être informée sur les

effets préjudiciables pour la santé de l’homme et l’environnement du ramassage, du

transport, du traitement, du stockage et du dépôt des déchets ainsi que sur les

mesures prises pour prévenir ou compenser ces effets.

c) Dans le domaine de la dissémination volontaire des O.G.M. (L.125-

3)

394Cf not Décret n 93-1410 du 29 décembre 1993 fixant les modalités d’exercice du droit à l’information en matière de déchets prévues à l’article 3-1 de la loi du 15 juillet 1975.

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245

- Toute personne a le droit d’être informée sur les effets de la

dissémination des OGM (à charge des pouvoirs publics et du détenteur

de l’autorisation)

d) Dans le domaine de l’air (L.125-4)

- Il existe une obligation d’information à charge de l’Etat. : “le droit à

l’information sur la qualité de l’air et ses effets sur la santé et

l’environnement est reconnu à chacun sur l’ensemble du territoire.”

Ce droit s’exerce selon les modalités de la loi sur l’air du 30 décembre

1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (C. Env., art. L.220-1

et s.).

Celle-ci prévoit notamment la mise en place d’un dispositif de surveillance de la

qualité de l’air sur l’ensemble du territoire. Le public est informé, de manière

périodique, des résultats des études et des mesures de surveillance. Il est informé de

manière urgente du dépassement ou du risque de dépassement des seuils d’alerte

fixés par décret395.

Dans l'affaire Tchernobyl, le directeur du Service central de protection contre les

rayonnements ionisants (SCPRI) était poursuivi devant le juge pénal. La cour de

cassation confirme l’arrêt des juges d’appel qui « après avoir relevé qu'à ce jour, il

n'a pas été constaté, en France, une augmentation significative des cancers de la

thyroïde, retient que, compte-tenu de l'impossibilité de déterminer la dose d'iode

ingérée par chaque malade, il est, en l'état des connaissances scientifiques actuelles,

impossible d'établir un lien de causalité certain entre les pathologies constatées et les

retombées du panache radioactif de Tchernobyl ».

395Décret n98-360 6 mai 1998 relatif à la surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé et sur l’environnement, aux objectifs de qualité de l’air, aux seuils d’alerte et aux valeurs limites.

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246

Le délit de tromperie, qui suppose l'existence d'un contrat, ne pouvait pas non plus

être constitué, cette information d'ordre général ayant été délivrée en dehors de tout

lien contractuel (Cass. crim., 20 nov. 2012, no 11-87.531, no 6238 FS - P + B).

d) Dans le domaine des risques majeurs technologiques ou naturels

prévisibles (L.125-2 et R 125-9 et svts)

Les citoyens ont le droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont

soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les

concernent.

En matière d’information préventive, l’Etat joue un rôle majeur puisque le préfet arrête

annuellement la liste des communes concernées par le dispositif règlementaire

d’information prévention. Il s’agit des communes où existe notamment un plan

particulier d’intervention (risque technologique) ou un plan de prévention des risques

naturels ou miniers (art. R. 125-10 C. env.)

Le préfet met à jour le dossier départemental des risques majeurs (DDRM).

L’Etat participe aussi à l’information des acquéreurs et des locataires.

C’est en effet la loi du 30 juillet 2003 qui a renforcé, par l’introduction d’un article L.

125-5 dans le Code de l’environnement396, l’obligation d’information pour les

acquéreurs – ou locataires - de biens immobiliers situés dans des zones couvertes

par un plan de prévention des risques naturels ou technologiques.

396 Disposition mise en œuvre par un décret n° 2005-13 4 du 15 février 2005 relatif à l’information des acquéreurs et des locataires de biens immobiliers sur les risques naturels et technologiques majeurs (JO 17 fév. 2005).

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247

Un état des risques devra donc être annexé à toute transaction immobilière, vente ou

location intéressant des biens situés dans ces zones sauf pour les baux ruraux qui

sont soumis à une information réduite.397 A défaut, l’acquéreur ou le locataire

pourront poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du

prix.

e) Dans le domaine des sols

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme

rénové (dite ALUR) a créé tout d’abord un véritable droit à l’information sur la

pollution des sols

Cette information existait auparavant par le biais de deux bases de données. D’une

part, BASOL, fichier national des sites pollués appelant une action des pouvoirs

publics à titre préventif ou curatif et, d’autre part, BASIAS qui identifie les sites sur

lesquels des activités industrielles ont été conduites.

Les nouveaux secteurs d’information sur les sols (SIS) « comprennent les terrains où

la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement

d'usage, la réalisation d'études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour

préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l'environnement » (art. L.

125-6-I C. env.)..

Dans ces secteurs délimités par l’Etat, des précautions devront être prises, sous

forme de mesures de gestion, pour assurer la compatibilité entre le nouvel usage et la

nature du sol. Les SIS seront annexés aux documents d’urbanisme.

397 La loi Warsmann du 22 mars 2012 prévoit que, par exception, cette obligation d’information ne s’applique pas aux baux ruraux, ni aux contrats de mise à disposition d’une parcelle par un preneur au profit d’une groupement agricole d’exploitation en commun (art. L. 125-VII, C. env. ; art. L. 323-14 et L. 411-37 du Code rural).

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248

C - Les informations environnementales imposées aux entreprises

a) Obligation d’information pour les baux conclus o u renouvelés portant sur

des locaux de plus de 2 000 mètres carrés à usage d e bureaux ou de

commerces (art. L 125-9 C. env.)

Ces baux à partir de 2000 m² doivent comporter une annexe environnementale dont

le contenu est précisé dans le décret n° 2012-517 d u 19 avril 2012 relatif à l'annexe

environnementale mentionnée à l'article L. 125-9 du code de l’environnement398. Cela

vise notamment les consommations d’énergie, d’eau, la production des déchets.

La loi prévoit notamment que le preneur et le bailleur se communiquent mutuellement

toutes informations utiles relatives aux consommations énergétiques des locaux

loués.

b) Le reporting environnemental

Les obligations d’information environnementale imposées aux entreprises se sont

accrues ces 15 dernières années.

Le principe d’information a été profondément modifié avec la loi n° 2001-420 du 15

mai 2001 sur les Nouvelles régulations économiques.

L'article L. 225-102-1, al. 5, du Code de commerce, issu de l'article 116 de la loi

NRE399, est en effet venu préciser les conditions dans lesquelles le rapport de

398 Les dispositions du décret s'appliquent : ― à compter du 1er janvier 2012, aux baux conclus ou renouvelés à partir de cette date ; ― à compter du 14 juillet 2013, aux baux en cours. Le contenu de l’annexe figure dans code de la construction et de l'habitation aux articles R. 136-1 à R. 136-3. 399 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les Nouvelles régulations économiques.

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249

gestion élaboré par les sociétés cotées devait inclure des informations sociales et

environnementales.

Art. L 225-100 C. com. « Ce rapport comprend une analyse objective et exhaustive

de l'évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société,

notamment de sa situation d'endettement, au regard du volume et de la complexité

des affaires. Dans la mesure nécessaire à la compréhension de l'évolution des

affaires, des résultats ou de la situation de la société et indépendamment des

indicateurs clés de performance de nature financière devant être insérés dans le

rapport en vertu d'autres dispositions du présent code, l'analyse comporte le cas

échéant des indicateurs clés de performance de natu re non financière ayant

trait à l'activité spécifique de la société, notamm ent des informations relatives

aux questions d'environnement et de personnel.

Cette obligation de transparence a été étendue aux sociétés non cotées avec la loi

grenelle 2 à partir d’un certain chiffre d’affaire et d’un certain nombre de salariés

(précisés par décret) (art. L 225-102-1 C.com).

Ce chiffre issu d’un décret n°2012-557 du 24 avril 2012 reste élevé :

Article R225-104 C. com. : Les seuils prévus au sixième alinéa de l'article L. 225-102-

1 sont fixés à 100 millions d'euros pour le total du bilan, à 100 millions d'euros pour

le montant net du chiffre d'affaires et à 500 pour le nombre moyen de salariés

permanents employés au cours de l'exercice.

Désormais, le rapport doit également indiquer, outre les informations sur la manière

dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de

son activité « ses engagements sociétaux en faveur du développemen t

durable » (art. R. 225-105 du C. com).

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250

Cette liste des informations à fournir figure à l’article R 225-105-1 du Code du

commerce400.

Les informations à fournir en matière environnementales ont trait :

2° Informations environnementales :

a) Politique générale en matière environnementale :

-l'organisation de la société pour prendre en compte les questions environnementales et, le cas échéant, les démarches d'évaluation ou de certification en matière d'environnement ;

-les actions de formation et d'information des salariés menées en matière de protection de l'environnement ;

-les moyens consacrés à la prévention des risques environnementaux et des pollutions ;

b) Pollution et gestion des déchets :

-les mesures de prévention, de réduction ou de réparation de rejets dans l'air, l'eau et le sol affectant gravement l'environnement ;

-les mesures de prévention, de recyclage et d'élimination des déchets ;

-la prise en compte des nuisances sonores et de toute autre forme de pollution spécifique à une activité ;

c) Utilisation durable des ressources :

-la consommation d'eau et l'approvisionnement en eau en fonction des contraintes locales ;

-la consommation de matières premières et les mesures prises pour améliorer l'efficacité dans leur utilisation ;

-la consommation d'énergie, les mesures prises pour améliorer l'efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables ;

d) Changement climatique :

400 Art. 148-3 du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales.

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251

-les rejets de gaz à effet de serre ;

e) Protection de la biodiversité :

-les mesures prises pour préserver ou développer la biodiversité ;

3° Informations relatives aux engagements sociétaux en faveur du développement durable :

a) Impact territorial, économique et social de l'activité de la société :

-en matière d'emploi et de développement régional ;

-sur les populations riveraines ou locales ;

Les sanctions du non respect de cette obligation d'information sont celles applicables

au rapport de gestion en général. Les délibérations prises par les assemblées

générales en l'absence de rapport de gestion peuvent être annulées401.

Le fait de ne pas soumettre à l’approbation générale de l’assemblée le rapport de

gestion dans les six mois de la clôture de l'exercice constitue pour le président et les

administrateurs de la société un délit puni d'un emprisonnement de six mois et d'une

amende de 9.000 €402.

En revanche, l'absence dans le rapport d'une ou plusieurs informations qui doivent y

figurer ne paraît pas devoir entraîner la nullité de l'assemblée, ni la responsabilité

pénale des administrateurs403, mais seulement leur responsabilité civile404. Enfin, il a

401 Articles L. 225-100 et L. 225-121 du Code de commerce. 402 Article L. 242-10 du Code de commerce. 403 J.-Cl. Sociétés Traité, Fasc. 136-40, no 32. 404 André Sobczak, L'obligation de publier des informations sociales et environnementales dans le rapport annuel de gestion : une lecture critique de la loi NRE et de son décret d'application, JCP, Éd. E, no 14 du 3 avril 2003, p. 598.

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252

été soutenu que l'inclusion d'informations erronées en matière environnementale

dans le rapport de gestion pourrait constituer une publicité mensongère405.

A. Sandrin-Deforge, Reporting environnemental : du régime « NRE au régime

Grenelle 2 », BDEI 2012, n° 40 du 07/2012/

M. Kohler, De nouvelles obligations pour les sociétés non cotées en matière de

publication d’informations environnementales, sociales et sociétales Dr. Env.

n° 208, janv. 2013, p. 29

Aude SOLVEIG EPSTEIN thèse : L’information environnementale

communiquée par l’entreprise , Nice, nov. 2014.

Conclusions

L’accès à l’information constitue une avancée importante du droit de l’environnement.

Car recevoir l’information donne la connaissance sans laquelle l’action est difficile.

405 Article 1.3.1 de l'avis, no 00-01 du Conseil national de la comptabilité (CNC) du 20 avril 2000 et article 312-1.1 du plan comptable général (PCG) tel que modifié par le règlement no 00-06 du Comité de la réglementation comptable..

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253

La convention d’Aarhus et la directive de 1990 ainsi que les mesures qui la

transposent ont considérablement modifié l’attitude des pouvoirs publics qui ne

peuvent plus retenir l’information. Concrètement, cela permet, dès que l’on sait que

tel ou tel document existe, de se le procurer.

Titre V - Les responsabilités en matière d’environn ement

Il existe différents types de responsabilité en matière environnementale,

- Administrative

- Pénale

- Civile

- Environnementale

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254

Chapitre 1 : Sanctions administratives

Le recours aux sanctions administratives est utilisé pour assurer le respect des lois

de police administrative, par exemple la loi sur les installations classées ou la loi sur

les déchets.

Ces sanctions sont mises en œuvre par « l’autorité administrative compétente »

lorsque l’exploitant ne respecte pas la règlementation administrative. Il peut s’agir du

préfet par exemple pour les ICPE et du maire pour les déchets.

Les sanctions figurent à l’article L 171-8 du Code de l’environnement :

Il peut s’agir :

-de la consignation d’une somme répondant du montant des travaux à réaliser.

Laquelle somme est restituée au fur et à mesure de l’exécution des travaux.

- de faire procéder d’office aux travaux aux frais du responsable ;

- de suspendre le fonctionnement de l’installation jusqu’à l’exécution complète des

conditions imposées

- d’une amende d’un montant maximum de 15 000 euros.

Ces sanctions administratives sont indépendantes des poursuites pénales avec

lesquelles elles peuvent se cumuler.

Chapitre 2 – Les sanctions pénales

La responsabilité pénale met en jeu les rapports entre l’Etat et celui qui transgresse

ses ordres ou ses interdits. Seul l’Etat a le droit de punir, y compris pour des atteintes

à l’environnement.

Section 1 – Au plan international

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255

Au niveau régional, le conseil de l’Europe a adopté, le 4 novembre 1998, une

Convention sur La protection de l’environnement par le droit pénal.

En vertu de cette convention, chaque Partie adopte les mesures appropriées pour

qualifier d'infractions pénales ou d'infractions administratives, passibles de sanctions

ou d'autres mesures, en vertu de son droit interne, un certain nombre de

comportements lorsqu'ils sont commis intentionnellement ou par négligence.

Cela vise :

- le rejet, l'émission ou l'introduction illicites d'une quantité de substances ou de

radiations ionisantes dans l'atmosphère, le sol ou les eaux ;

- le fait de causer du bruit de manière illicite;

- l'élimination, le traitement, le stockage, le transport, l'exportation ou l'importation

illicites de déchets;

- l'exploitation illicite d'une usine;

- la fabrication, le traitement, l'utilisation, le transport, l'exportation ou l'importation

illicites de matières nucléaires, d'autres substances radioactives ou de produits

chimiques dangereux;

-. le fait de provoquer de manière illicite des altérations nuisibles dans les éléments

naturels d'un parc national, d'une réserve naturelle, d'une zone de conservation de

l'eau ou d'autres zones protégées;

-. la possession, la capture, l'endommagement, la mise à mort ou le commerce

illicites d'espèces protégées de la flore et de la faune sauvages.

Les parties doivent prendre les mesures appropriées pour rendre les infractions

visées passibles de sanctions pénales. Ces sanctions doivent tenir compte du degré

de gravité de l’atteinte.

Cela peut être des mesures d'emprisonnement, des sanctions pécuniaires ou la

remise en l'état de l'environnement.

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256

La convention vise expressément la mise en œuvre de la responsabilité des

personnes morales pour les infractions visées lorsqu’elles ont été commises par leurs

organes ou représentants.

Cette convention n’est à ce jour pas encore entrée en vigueur. 13 Etats ont signé la

Convention mais seule l’Italie l’a ratifiée.

Section 2 – Au plan de l’UE

La directive 2008/99/CE du 19 novembre 2008 harmonise les législations des Etats

membres relatives aux infractions pénales en matière d’environnement.

Cette directive vise à contraindre les États membres à sanctionner pénalement

certains comportements qui constituent des atteintes graves à l’environnement. Ce

seuil minimal d’harmonisation permet une meilleure application du droit de

l’environnement, conformément à l’objectif de protection de l’environnement prévu par

le traité.

Quels sont les comportements sanctionnés ?

La directive demande aux États membres d’incriminer les comportements illicites

dans le domaine de la protection de l’environnement à partir du moment où ils sont

commis intentionnellement ou par négligence grave .

Cela vise :

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257

- le rejet illicite dans l’atmosphère, le sol ou les eaux, de matières ou de radiations

ionisantes causant ou susceptibles de causer la mort ou de graves lésions à des

personnes, ou une dégradation substantielle de l’environnement;

- la collecte, le transport, la transformation ou l’élimination illicite de déchets

causant ou susceptibles de causer la mort ou de graves lésions à des personnes, ou

une dégradation substantielle de l’environnement;

- le transfert illicite de déchets portant sur une quantité non négligeable;

- l’exploitation illicite d’une usine dans laquelle une activité dangereuse est

exercée ou des substances ou préparations dangereuses sont stockées ou utilisées,

causant ou susceptible de causer la mort ou de graves lésions à des personnes, ou

une dégradation substantielle de l’environnement;

- la fabrication , le traitement, le stockage, l’utilisation, le transport, l’exportation ou

l’importation ou l’élimination illicites de matières nucléaires ou d’autres

substances radioactives dangereuses, causant ou susceptibles de causer la mort ou

de graves lésions à des personnes, ou une dégradation substantielle de

l’environnement;

- la mise à mort, la destruction, la possession, la c apture ou le commerce

illicites d'espèces animales et végétales protégées ;

- la dégradation illicite d'un habitat protégé ;

- le commerce ou l’utilisation illicite de substances appauvrissant la couche d'ozone.

Les États membres doivent en outre s’assurer que l'acte d'incitation à commettre un

acte incriminé ou la complicité soit également punissables.

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258

Les sanctions prévues.

Les sanctions pénales doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Il

appartient aux Etats membres de les fixer.

Les États membres doivent en outre prévoir la responsabilité pénale des personnes

morales.

Il faut que les infractions ont été commises pour leur compte par toute personne

disposant d’un pouvoir de direction, agissant pour son compte, soit en tant qu’organe

ou représentant (art. 6).

Section 3 – Au plan interne

Par principe, la responsabilité pénale ne peut être engagée que lorsqu’un acte

déterminé et prohibé par un texte est commis par une personne choisissant librement

de le commettre.

§ 1 – les éléments constitutifs de l’infraction

L’infraction suppose donc la réunion de trois éléments constitutifs :

- l’élément matériel qu’est l’acte lui-même,

- l’élément moral relatif à la volonté de l’auteur de l’acte,

- et l’élément légal, c’est-à-dire l’existence d’un texte réprimant l’acte.

L’élément matériel

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259

L’élément matériel, c’est l’acte répréhensible en tant que tel. L’infraction suppose en

effet la réalisation d’un évènement suscité par le comportement d’un individu.

On distingue plusieurs catégories d’infractions et notamment les Infractions

instantanées et les infractions continues.

La différence tient à la durée de l’infraction. Les infractions continues sont constituées

par une action ou une omission qui se prolonge dans le temps : le dépôt illicite de

déchets est une infraction continue par exemple.

L’élément moral

Pour ce qui concerne les contraventions, l’élément intentionnel est indifférent.

Par exemple, le non-respect d’une obligation d’information est sanctionné en lui-

même, sans qu’aucune atteinte n’ait été faite aux intérêts protégés par la loi.

Pour ce qui concerne les délits, depuis l’entrée en vigueur de l’article 121-3 du

nouveau Code pénal, les délits matériels ont disparu. Il n’y a point de crime ou de délit

sans intention de le commettre.

Ne demeurent donc, en principe, que les délits intentionnels ou dits de négligence406.

En ce qui concerne l’élément, légal , il existe plusieurs catégories d’infractions qui

sont mentionnées dans le Code.

Les sanctions pénales figurent aux articles L. 173-1 à 173-4 C. env.

406 Toutefois, le juge a affirmé dès 1994 que « la seule constatation de la violation en connaissance de

cause d’une prescription légale ou règlementaire implique, de la part de son auteur, l’intention coupable

exigée par l’article 121-3, Alinéa 1er du Code pénal » (Cass. Crim. 25 mai 1994, n° 93-85158.).

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260

Par exemple, l’exploitation d’une installation classée sans autorisation est punie d’1 an

d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (art. L. 173-1 C. env.). Le fait de

continuer à exploiter une installation en violation d’une décision de fermeture d’une

installation est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

Le fait de faire obstacle aux fonctions des fonctionnaires est puni de 6 mois

d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. (art. L 173-4 C. env.)

En cas de condamnation, le tribunal peut :

1°) Prononcer l’arrêt ou la suspension de l’activit é, pour une durée qui ne peut

excéder un an

2°) Ordonner la remise en état des lieux et la répa ration des dommages (assortie

d’une astreinte journalière de 3000 € pendant 3 mois au plus).

Le tribunal peut décider que ces mesures seront exécutées d'office aux frais de

l'exploitant. Il peut dans ce cas ordonner la consignation par l'exploitant entre les

mains d'un comptable public d'une somme répondant du montant des travaux à

réaliser.

Le tribunal peut en outre, prononcer des peines complémentaires (art.173-7) :

-L’affichage de la décision

- la confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction

- l’interdiction d’exercer une activité professionnelle pendant 5 ans au plus.

L’art. L. 173-8 C. env. renvoie au Code pénal pour ce qui concerne la responsabilité

pénale des personnes morales : « Les personnes morales peuvent être reconnues

pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal.

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261

Les sanctions sont variées : outre une amende, les personnes morales sont passibles

de peines complémentaires et notamment, au titre de l’article 131-9 du Code pénal

de:

- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou

de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les

faits incriminés ;

- L'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au

plus ;

- L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à

une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux

négociations sur un marché réglementé ;

- La peine de confiscation, dans les conditions et selon les modalités prévues à

l'article 131-21 ;

- L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse

écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ;

Il y a peu de délit général d’atteinte à l’environnement en droit de l’environnement. Le

droit pénal de l’environnement est plutôt conçu comme un auxiliaire de la police

administrative.

A cet égard le délit de pollution des eaux constitue une exception.

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262

§ 2 – L’exemple du délit de pollution des eaux

L’article L. 432-2 du Code de l’environnement (anc. art. L. 232-2 Code rural) punit “le

fait de jeter, déverser ou laisser écouler dans les eaux (mentionnées à l'article L. 431-

3), directement ou indirectement, des substances quelconques dont l'action ou les

réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur

alimentaire ».

L’art. L. 432-2 du Code de l’environnement- était, jusqu’à la loi de 1992 sur l’eau, le

texte le plus utilisé par le juge pour lutter contre la pollution, mais s’intéressant

uniquement à la vie et à la santé des poissons. Il réprimait, à l’origine le fait de jeter

dans les eaux des drogues ou appâts de nature à enivrer le poisson ou à le détruire et

visait une pratique pour le moins contestable de la pêche.

La sanction est une amende est de 18 000 € et/ou un emprisonnement de 2 ans. Le

tribunal peut en outre ordonner la publication d’un extrait du jugement aux frais de

l’auteur de l’infraction.

Depuis la loi sur l’eau de 1992, la santé de l’homme de l’homme a été également prise

en considération, par le biais de l’article L. 216-6 du C. env.

Les commentateurs de la loi sur l’eau de 1992 ont insisté sur le caractère très large de

l’incrimination définie à l’art. L. 216-6 C. env.

L’art. L 216-6 C. env. permet de sanctionner de fait de :

« - jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux (…) directement ou

indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions :

- entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des

dommages à la flore ou à la faune ( à l'exception des dommages visés aux articles L.

218-73 et L. 432-2),

- ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ;

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263

- ou des limitations d'usage des zones de baignade.

La sanction est plus forte : 75 000 euros d’amende et/ou deux ans de prison. On

signalera également que le tribunal peut imposer au condamné de procéder à la

restauration du milieu aquatique (art L 216-6, 2ème alinéa).

La rédaction de l’article de la loi sur l’eau règle le conflit possible avec le code rural,

en excluant de son champ d’application des déversements dont l’action, ou la réaction

ont entraîné une atteinte à la vie piscicole.

La Cour d’appel d’Angers a ainsi considéré, dans un arrêt du 12 décembre 1996, dans

une affaire où les prévenus étaient poursuivis sur le fondement des deux textes, qu’en

l’absence de preuve d’une atteinte à la vie piscicole, seul l’art. 22 (L. 216-6 C. env.) de

la loi du 3 janvier 1992 était applicable (Droit de l’env. 1998, n°55 p. 7, chr. P.

Mistretta).

Notons toutefois qu’au titre de la loi de 1992, si l’opération de rejet a été autorisée

par arrêté (préfectoral en général, par exemple au titre de la loi sur l’eau ou des

ICPE), les dispositions de cet alinéa ne s’appliquent que si les prescriptions de cet

arrêt n’ont pas été respectées.

La protection du milieu est donc dorénavant plus complète Ainsi, l’article L. 432-2 du

Code de l’environnement- conserve t-il son but initial qui est la protection de la seule

ressource piscicole, à l’exclusion notamment d’autres espèces animales. Ainsi les

juges refusaient-il de sanctionner les dommages causés à des vaches venant

s’abreuver à une rivière polluée. Une solution comparable avait été retenue pour des

castors (TC Evreux, 13 janvier 1977 ; RJE 1978, note Littmann-Martin).

Voyez Cass. Crim. 24 janv. 2012, n° 11.84522. RJ E 4/2012 p. 728. Délit de pollution

des eaux et ( Cass. crim., 12 juin 2012, n° 11-83.6 57.à propos de la condamnation de

de la CCI de la Réunion a été condamnée à 50 000 euros d'amende délictuelle, 3 000

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264

euros d'amende contraventionnelle pour déversement par personne morale de

substances nuisibles dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer).

Voir Erika, Cass. crim. 25 sep. 2012, SA Total, n° 3439, RJE 3/2013, p . 457, com.

MP Camproux Duffrène et D. Guihal.

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265

Chapitre 3 – La responsabilité civile

La responsabilité civile est le droit des rapports entre une victime et celui qui a causé

le dommage dont elle se plaint. Il s’agit d’un outil juridico-financier permettant de

mettre d’abord à la charge du responsable d’un dommage les dépenses liées à sa

réparation.

Il faut préciser que la responsabilité civile ne poursuit pas uniquement un objectif

indemnitaire dans le domaine de la protection de l’environnement. Grâce à une

meilleure définition des responsabilités éventuelles, ses mécanismes contribuent à

orienter les comportements des acteurs qui exercent des activités à risque : les

pollueurs potentiels seront d’autant plus enclins à éviter de provoquer les dommages

qu’ils savent par avance qu’ils auront à en répondre financièrement. C’est la fonction

préventive de la responsabilité civile.

Il convient de distinguer deux types de dommage à l’environnement,

-les dommages de pollution qui sont subis par des patrimoines identifiables et

particuliers ;

- et les dommages écologiques proprement dits subis par le milieu naturel dans ses

éléments inappropriés et inappropriables qui affectant l’équilibre écologique en tant

que patrimoine collectif407.

En ce qui concerne les dommages affectant un patrimoine identifiable, la

responsabilité pour trouble anormal de voisinage, qualifiée de « droit commun de la

responsabilité pour fait de pollution » par certains auteurs408, a toujours fonctionné en

407 B. DE CONINCK, Le préjudice écologique, in in Les responsabilités environnementales dans l’espace européen, sous la direction de G. VINEY et B. DUBUISSON, Schulthess, Bruylant, L.G.D.J. 2006, p. 184. 408 F. CABALLERO, Essai sur la notion juridique de nuisance, LGDJ 1981, n° 141.

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266

prenant en compte les nuisances causées au milieu naturel ou artificiel qui compose

l’environnement de l’homme409.

Elle n’est pas la seule. La responsabilité du fait des choses a pu également saisir

certaines situations impliquant le gardien de la chose. Enfin, l’apport de la

responsabilité pour faute ne doit pas être négligé.

Section 1 – La responsabilité pour faute

Traditionnellement, le droit procède de deux manières pour assurer la régulation des

comportements sociaux :

- tantôt il prescrit des obligations déterminées,

- tantôt il attribue aux sujets de droit le soin de déterminer leur conduite de façon

à ne pas infliger aux tiers des dommages indus, en confiant aux juges la tâche

de discerner après coup s’ils l’ont fait.

Dans le domaine de la protection de l’environnement, innombrables sont les textes

qui règlementent le comportement des agents économiques. Ainsi, le législateur

français a indirectement facilité l’action des victimes sur ce fondement « en tissant un

réseau de plus en plus serré d’interdictions et d’obligations dont la violation peut être

imputée à une faute »410.

Parmi les textes prescrivant des obligations, certains sont assortis de sanctions

pénales. Ceux-ci sont assurément impératifs et engendrent des devoirs dont la

méconnaissance permet d’établir la faute civile. La multiplication des incriminations

pénales en droit de l’environnement est ainsi un facteur d’extension de la

responsabilité civile pour faute.

409 Ce que M. Drago traduit en écrivant que « le dommage écologique est celui causé aux personnes et aux choses par le milieu dans lequel elles vivent »M. DRAGO, Préface à l’ouvrage de P. GIROD, « La réparation du dommage écologique », L.G.D.J. 1974. 410 P. BRUN, Les fondements de la responsabilité », in Les responsabilités environnementales dans l’espace européen, point de vue franco-belge, sous la direction de G. Viney et B. Dubuisson, Bruylant, 2006, p. 9.

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267

Comme le relève P. Brun « le choix d’une action est d’autant moins aléatoire pour la

victime que le droit positif actuel prend ses distances avec le fameux principe

d’identité des fautes pénales et civiles, et que le défaut de la première n’exclut pas la

constatation de la seconde »411.

Cela étant, il n’est pas nécessaire qu’un texte soit assorti d’une sanction pénale pour

être impératif. La jurisprudence n’hésite pas à qualifier de « faute » le non-respect

des prescriptions de toute nature, même non assorties de sanctions.

A propos de l’exploitation d’un centre de destruction de déchets industriels, le juge

condamne une société pour des faits remontant à une vingtaine d’années en arrière,

arguant du fait que la société a eu un comportement « inacceptable ». Pour le juge,

« cette carence de la société se contentant d’entasser dans la carrière les divers

déchets sans les traiter constitue un comportement fautif » au sens de l’article

1382412.

La Cour de Cassation le 16 mars 2005413 a relevé que l’absence de remise en état

constitue une faute au sens de l’article 1382 du Code civil414 .Il en est de même dans

un arrêt du 9 septembre 2009 (Cass. 3 ème civ. n° 08-13050 ).

Mais c’est assurément sur le terrain de la responsabilité pour risque que les réponses

juridiques sont les plus prometteuses.

§ 2 – La responsabilité sans faute

411 P. BRUN, p. 8. 412 TGI Senlis, 11 juin 1991, ANRED c/Sté Rodanet, n° 465. 413 Cass. 3ème civ., 16 mars 2005, Sté Norsk Hydro Azote, pourvoi n° 03-17875. 414 F.G. TREBULLE, Du recours de l’acquéreur d’un site industriel non remis en état par le dernier exploitant, BDEI n° 2/2004, p.26.

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268

Les décisions ayant admis la responsabilité de plein droit se sont fondées soit sur la

théorie des troubles anormaux de voisinage, soit sur les responsabilités du fait des

choses.

A - Les troubles anormaux de voisinage

Dès lors que les inconvénients de voisinage excèdent ceux qui doivent être

normalement tolérés, la jurisprudence condamne le responsable, indépendamment

de toute faute de sa part. C’est en se coulant dans une jurisprudence vieille de 150

ans (Cass.27 nov. 1844 D 1845-1-13), mais encore largement utilisée de nos jours

que les tribunaux ont pu appréhender avec succès un certain nombre de situations

dommageables trouvant leur source dans une pollution.

L’idée est que la vie en société impose qu’on supporte certains inconvénients

normaux de voisinage. Autrement dit, il y a des pollutions et nuisances admissibles

jusqu’à un certain seuil qui varie selon les lieux et les quartiers.

Deux failles dans le système : la question du seuil et celle de la préoccupation.

La difficulté de déterminer le seuil à partir duquel le dommage sera considéré comme

anormal est constante. En effet « entre la pollution et les sources traditionnelles

d’incommodité, il y a plus qu’une différence de degrés. La spécificité de celle-ci par

rapport à celle-là est liée à l’ampleur des conséquences dommageables, mais aussi à

leur caractère irréversible »415.

La seconde difficulté a trait au principe de l’antériorité l’article L. 112.16 du Code de la

construction et de l’habitation, que le Conseil constitutionnel a validé dans l’affaire

Michel Z (cf. Supra). Ainsi, se trouvent privés du droit d’accès à la justice, les voisins

d’une installation polluante lorsqu’ils se sont installations dans le voisinage de l’usine

alors qu’elle fonctionnait déjà. 415 P. GIROD, La réparation du dommage écologique, LGDJ, 1974, p. 179.

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269

Cela étant, l’antériorité ne saurait pas non plus tout justifier. La cour de cassation a

ainsi eu l’occasion d’affirmer que « les riverains (d’une zone industrielle) sont tenus

de supporter les inconvénients normaux résultant d’un tel voisinage, mais non ceux

causés par l’inobservation ou l’observation tardive par un industriel des obligations

mises à sa charge par l’administration dans l’intérêt public »416.

De même, ne donne pas de base légale à sa décision et voit son arrêt cassé une

cour d'appel qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si l'exploitant

n'avait pas procédé à une extension de son élevage en 2004 et modifié en 2007 les

conditions de son exploitation ( Cass. 3e civ., 3 oct. 2012, n° 11-22.377, Faure).

De fait, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage a été appliquée pour la

réparation de préjudices pouvant résulter de l’émission de fumées417, bruit418,

odeurs419, etc… La jurisprudence va même jusqu’à considérer que le

« bouleversement de l’environnement », autrement dit l’atteinte à son esthétique,

occasionnée par l’exploitation d’une carrière420 ou l’implantation de bâtiments421

puisse constituer un préjudice pour les riverains, susceptible d’être réparé sur ce

fondement.

On peut également signaler un arrêt du 24 fév. 2005 (Cass. civ. 2ème, 04.10.362). En

l'espèce, une exploitante agricole a été condamnée pour avoir causé des troubles

anormaux de voisinage en raison, d'une part, de l'entreposage de meules de pailles à

l'intérieur et à l'extérieur d'une grange située à la limite de la propriété voisine,

exposant ainsi l'immeuble d'habitation voisin à un risque indéniable d'incendie et,

d'autre part, en raison du dépôt prolongé de matériels usagés et hors d'usage (une

caravane, des machines...) à proximité de celui-ci, pour gêne esthétique anormale.

416 Cass. civ. 27 mai 1975, D. 1976, note G. Viney 417 Cass. 2eme, 30 janv. 1985, bull.civ. II, n° 24, 418 Cass.éème civ. 11 mai 1966, D. 1966, p. 473 419 Cass. civ. 3ème, 24 oct. 1990, Bull. Civ. III, n0 205., 420 Cass. civ. 2ème, 29 nov. 1995, bull. Civ. II, 298. 421 Cass. civ. 3ème, 9 mai 2001, Rev. Dr. Rural, 2002, p. 229, obs. G. MEMETEAU

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270

La Cour d'appel suivie par la Cour de cassation condamne l'exploitante à des

dommages et intérêts et à la suppression sous astreinte, de tout stockage de

paille et de matériel à moins de vingt-cinq mètres de la limite séparative des deux

propriétés.

La solution est singulière non seulement dans son fondement, dans la mesure où

elle retient le trouble anormal de voisinage dans un cas où il y a un simple risque

de dommage, mais également parce qu'elle consacre, semble-t-il, pour la

première fois, comme trouble de voisinage , un cas de gêne esthétique anormale.

Il semble donc que la Cour de cassation a fait une application singulière de cette

théorie au point de procéder à son extension à certains égards422.

(Voyez également CA Paris, 21 nov. 2003, SNPE (AJDA, 2004, jp. 1304, Com.

Trébulle).

Les Troubles de voisinage peuvent entrainer la cessation d’activité. Dans une espèce

où il était fait grief à la Cour d’appel, statuant en référé d’avoir ordonné l’arrêt de

l’activité d’une centrale à béton exercée par deux sociétés dans un quartier

d’Aubagne, la Cour de cassation confirme l’arrêt de l’exploitation : « Attendu qu'ayant

relevé que les attestations produites faisaient état de graves nuisances, que des

constats d'huissier établissaient l'importance des dépôts de ciment et graviers

maculant l'environnement immédiat du restaurant et celle des nuages de poussières

provoqués par le passage des camions et que la police municipale avait relevé de

nombreuses infractions de voirie, la cour d'appel statuant en référé, qui a

justement retenu que les sociétés exploitantes de l a centrale à béton devaient

répondre des conséquences d'une exploitation gravem ent préjudiciable aux

intérêts des tiers, a pu déduire de ses constatatio ns, abstraction faite d'un motif

surabondant relatif à l'existence d'un dommage imminent pour la pérennité de la

société Pito, que les conditions d'exploitation de la centrale cr éaient pour cette

422 Marie-Andrée RAKOTOVAHINY, LPA, 01 juin 2006 n° 10 9, P. 16 -

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271

société des nuisances excédant les inconvénients no rmaux du voisinage et que

le trouble causé justifiait que soit ordonné l'arrê t de l'exploitation » .

Cass. 3e civ., 14 janv. 2014, n° 13-10.167

B. La responsabilité du fait des choses

La responsabilité peut également être fondée sur la garde de la chose comme en

attestent plusieurs arrêts.

La Cour d’appel de Toulouse avait, le 12 décembre 1991, déjà admis la

responsabilité d’une compagnie pétrolière à la suite d’une pollution souterraine

causée par une fuite de carburant. La cour a considéré que la compagnie Elf, en sa

qualité de propriétaire et de gardienne de la cuve disposait des pouvoirs de direction

et de contrôle sur la chose et notamment du pouvoir d’en contrôler les éventuelles

réparations.(CA Toulouse, 12 dec 1991, Lloyd Continental c. elf France).

Un arrêt ultérieur rendu par la Cour d’appel de Versailles,(3e ch.) le 25 novembre.

2010, (n° 09/04888, Popihn c/ Cne de Vanves) 423 confirme cette approche.

En l’espèce, une infiltration de fioul avait pollué le parc d’une commune. La Cour

d’appel estime que peut ainsi être reconnu responsable l'exploitant d'une installation

classée qui disposait d'un pouvoir de maîtrise des cuves de fioul ayant généré une

pollution d’un lac appartenant à la commune et qui n'est pas en mesure d'établir

l'existence d'une cause exonératoire présentant les caractères de la force majeure :

« Considérant que Mme Yvonne P., propriétaire et gardienne des cuves, voit sa

responsabilité engagée en application de l'article 1384 du code civil ainsi que l'ont

retenu les premiers juges » énonce la Cour d’appel.

423 Voyez également CA Nîmes, ch. civ., 12 avr. 2012, n 10/03890, SCI Junoflomie et a. c/ Sarl Joprochim).

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272

La Cour de cassation a pu considérer que la société Métaleurop était gardienne des

particules de plomb rejetées dans l’atmosphère empêchant l’exploitation normale des

parcelles agricoles alentours (Cass. 25 mai 2013, n° 91 17276).

De même, la Cour de cassation (2e civ. 13 sept. 2012, n° C 11-19.941) a retenu la

responsabilité du gardien des produits qui s’étaient déversés depuis un camion

citerne sur la chaussée et qui avaient pollué la nappe phréatique.

Chapitre 3 – La responsabilité environnementale 424 :

Section 1 – La directive 2004/35

Cela faisait déjà plusieurs années que l’Union européenne cherchait à adopter un

régime de responsabilité spécifique pour les dommages causés à l’environnement.

C’est ainsi qu’à la fin des années 1980, elle avait établi une proposition de directive

concernant la responsabilité civile pour les dommages causés par les déchets,

régime de responsabilité objective canalisé sur le producteur de déchets » 425. La

proposition ne sera jamais suivie d’effet.

La Commission européenne ne s’est pas découragée pour autant et a publié, en

1993, un Livre Vert, sur la réparation des dommages causés à l’environnement426.

Les rédacteurs de ce Livre Vert avaient déjà relevé les limites de l’approche civiliste

en ces termes : « la mise en œuvre de l’objectif recherché, à savoir le rétablissement

complet d’un milieu naturel endommagé, risque de soulever les limites de la

responsabilité civile, lesquelles conduisent à s’interroger sur l’éventuelle

424 Voyez I. Doussan, Le droit de la responsabilité civile français à l’épreuve de la « responsabilité environnementale » instaurée par la Directive du 21 avril 2004, Petites Affiches, 25 Août 2006, n° 169 , p. 3-14 425 Cf. P. RENAUDIERE, E., Aménagement-Environnement, 1990, numéro spécial, p. 35-43. 426 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen et au Comité économique et social du 14 mai 1993 : COM(93) 47 final.

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273

complémentarité des concepts juridiques utilisés dans d’autres branches du droit

comme le droit public ».

Cette recherche de complémentarité sera menée dans le cadre du Livre Blanc de

2000 et débouchera en 2004 sur la directive 2004/35/CE sur la responsabilité

environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages

environnementaux427.

La directive sur la responsabilité environnementale a choisi de se concentrer sur les

seuls dommages écologiques et « ne s’applique pas aux dommages corporels, aux

dommages aux biens privés, ni aux pertes économiques et n’affecte pas les droits

résultant de ces catégories de dommages ».

L’idée n’est pas de substituer l’action en réparation du dommage écologique aux

actions existantes mais plutôt de combler les vides juridiques de nos législations qui

ne permettent pas l’indemnisation du préjudice écologique.

La directive 2004/35 est fondée sur le principe Pollueur-payeur. L’article 1er de la

directive énonce que celle-ci « a pour objet d’établir un cadre de responsabilité fondé

sur le principe du ‘pollueur-payeur’ en vue de prévenir et de réparer les dommages

environnementaux ».

La directive repose sur un mécanisme de mise en jeu de la responsabilité articulé

autour de plusieurs éléments dont la réunion permet le déclenchement de la

réparation. La première composante réside dans la désignation des activités

susceptibles d’engendrer le dommage. La seconde réside dans la détermination des

ressources susceptibles d’être affectées par le dommage.

Le système, a priori séduisant, est largement érodé par les multiples dérogations qui

en limitent sérieusement l’efficacité.

427 JO UE 30 avril 2004, L 143/56 .

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274

Voyez CJUE, 9 mars 2010, ERG spa et a, aff. C 378/08, RJE 2010, p. 503, note

Steichen.

Section 2 - La responsabilité environnementale en F rance

Voyez le dossier spécial « Mieux réparer le dommage environnemental »,

Environnement et développement durable, Lexis Nexis, n° 7, juillet 2012

La directive a été transposée par une loi n° 2009/4 68 du 1er août 2008 et son décret

d’application n° 2009/468 du 23 avril 2009.

Depuis le 1er août 2008, doivent donc être «prévenus ou réparés, en application du

principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, les dommages

causés à l'environnement par l'activité d'un exploitant »428 (art. L. 160-1).

§ 1 – La mise en jeu de la responsabilité des pollu eurs

Le régime mis en place par la loi du 1er août 2008 ne vise qu’à la réparation des

dommages écologiques causés par des professionnels, à l’exclusion des dommages

causés aux personnes et aux biens.

Cela signifie, d’une part, que les dommages causés à l’environnement par des

particuliers ne pourront pas être saisis par ce biais.

Cela signifie, d’autre part, que la loi ne régit que le dommage écologique. Les parties

privées n’ont donc aucun droit à indemnisation par l’application du régime de la

responsabilité environnementale. La loi le dit clairement : « Une personne victime

d'un préjudice résultant d'un dommage à l’environnement ne peut en demander

réparation sur le fondement du présent titre ».(art. L. 160-2 C. env.) 428 Art. L. 160-1 C.env.

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275

Il s’agit de réparer le dommage écologique et rien que le dommage écologique.

A. Quelle est l’étendue de la responsabilité ?

Le déclenchement de la responsabilité résulte de la conjonction de deux facteurs :

une activité professionnelle et un dommage à l’environnement.

1. Les activités professionnelles

La loi distingue deux catégories de professionnels :

- ceux qui exercent une activité à risque

- et les autres professionnels.

Ceux qui exercent une activité à risque devront prendre des mesures de prévention et

de réparation indépendamment de toute faute de leur part.

Les activités visées en France figurent à l’article R. 162-1 C. Elles sont d’abord

identifiées par référence à la réglementation communautaire protectrice de la santé

humaine et de l’environnement. Le texte renvoie en effet directement aux activités qui

figurent à l’annexe III de la directive 2004/35.

Celle-ci renvoie notemment à la directive n° 2010/7 5 du 24 novembre 2010 relative

aux émissions industrielles (IED) qui classe les activités à risque sont classées en six

catégories :

- industries d’activités énergétiques,

- production et transformation des métaux, industrie minérale,

- industrie chimique,

- gestion des déchets

- et autres activités (comme l’élevage intensif).

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276

Ce sont grosso modo les activités soumises à autorisation en vertu de la législation

sur les installations classées pour la protection de l’environnement.

- Sont visées également toutes les activités liées aux déchets régies par le titre IV du

livre V du Code de l’env. ainsi que les mouvements transfrontaliers de déchets (12°)

ou encore la gestion des déchets de l’industrie extractive (direc. 2006/21 du 15 mars

2006).

En revanche, sont exclues les opérations d’épandage des boues de stations

d’épuration, à des fins agricoles.

- D’autres opérations sont visées comme notamment les rejets soumis à autorisation

préalables de substances dangereuses dans les eaux de surface ou souterraines,

- la fabrication, l’utilisation (…) le rejet dans l’environnement de produits chimiques,

phytopharmaceutiques et biocides,

- le transport de marchandises dangereuses,

- l’utilisation confinée et la mise sur le marché des OGM, etc.

La liste n’est pas simple…. pour les activités à risque. Qu’en est-il des autres ?

Les professions réputées non dangereuses échappent-elles à toute obligation au titre

de la responsabilité environnementale ?

Le législateur ne l’a pas souhaité mais il a restreint de champ de la responsabilité des

autres professionnels. Ceux-ci n’engageront leur responsabilité que s’ils ont commis

un acte dommageable fautif ayant des répercussions sur les habitats et les espèces

protégés. (art. L. 162-1 C. env.).

En résumé, les professions dites non dangereuses ne seront tenues de prévenir ou

de réparer le dommage qu’à deux conditions :

- que ce dommage touche un habitat ou une espèce protégée ;

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277

- que l’exploitant de l’activité ait commis une faute.

L’activité professionnelle doit avoir causé un dommage à l’environnement.

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278

2. Un dommage à l’environnement

La notion d’environnement est complexe et il convenait donc d’en préciser la portée.

La loi identifie trois types de ressources à protéger : (Art. L. 161-1)

- l’eau

- le sol

- la biodiversité qui est désignée sous le terme d’ « habitats et d’espèces

protégés ». Il s’agit de celle qui est protégée en droit de l’Union

o au titre de la directive 92 / 43 / CEE du Conseil, du 21 mai 1992,

concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune

et de la flore sauvages,

o et de la directive 79 / 409 / CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant

la conservation des oiseaux sauvages.

On sait qu’en application de ces deux textes, les Etats ont dû constituer des

zones de protection qui forment aujourd’hui le réseau Natura 2000.

Le dommage est défini comme « une détérioration directe ou indirecte mesurable »

d’une ressource naturelle ou d’un service écologique.

Les services écologiques, sont les fonctions assurées par les ressources naturelles

- au bénéfice du public : les eaux de baignade par exemple

- ou d’une autre ressource naturelle : la présence de saumon Atlantique ou de

truite fario est nécessaire au bon déroulement du cycle de vie de la moule

perlière, les branchies du poisson-hôte étant un passage obligé).

• Pour les ressources, cette détérioration doit présenter un caractère de gravité :

1. Pour les sols, Il faut qu’elle crée un risque d’atteinte grave à la santé

humaine. Ce risque s’apprécie au moment de la manifestation du dommage au

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279

regard des caractéristiques du sol et de la nature des contaminants (art. L.

161-1 et R 161-1)

2- pour les eaux, il faut que la détérioration affecte gravement l’état écologique,

chimique ou quantitatif de l’eau. (art. 161-1 et R. 161-2)

3- pour la biodiversité, il faut qu’elle affecte gravement le maintien ou le

rétablissement dans un état de conservation des habitats ou des espèces. Les

dommages seront toujours qualifiés de graves s’ils portent atteinte à la santé

humaine ( R. 161-4).

A partir d’un état de conservation dit favorable défini à l’art. R 161-3), on va examiner

si les espèces ou les espaces ont subi des atteintes significatives.

• Quant aux services écologiques, il suffit qu’ils soient simplement affectés.

Afin de visualiser correctement le champ d’application de ce régime de responsabilité

environnementale, il convient encore d’en cerner les limites.

B – Les limites de la responsabilité

La prévention et la réparation du dommage à l’environnement est limitée, dans les

faits, par les de nombreuses dérogations (art. L. 161-2.)

Celles-ci sont de multiples sortes.

a) Les exclusions

Les limitations à caractère temporel

En principe, les pollutions historiques se trouvent de facto exclues du système

puisque la loi ne s’applique pas aux évènements survenus avant le 20 avril 2007 (art.

L 161-5)

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280

Sont également exclus les dommages lorsque plus de trente ans se seront écoulés

depuis le fait générateur du dommage (Art. L. 161-4).

Les conflits, les phénomènes exceptionnels

Les autres causes d’exonération sont très classiques : il s’agit des conflits armés,

guerres civiles, insurrections auxquels il faut ajouter les phénomènes naturels de

nature exceptionnelle, inévitable et irrésistible (art. L. 161-2, 1° à 4°).

Exclusion de dommages déjà appréhendés par des conventions internationales

La loi ne s’applique pas non plus à certains types de dommages qui sont déjà

couverts par des conventions internationales et le Code renvoie aux annexes IV et V

de la directive 2004/35429 (art. L. 161-2, 5 et 6°).

Les exclusions résultant du lien de causalité

La loi n’a pas non plus vocation à s’appliquer à la pollution diffuse sauf si un lien de

causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants est établi par

l’autorité administrative compétente (art. L. 161-2, 7°)

b) Les exonérations financières

Au-delà de ces restrictions, le droit français a repris le système des exonérations

financière. C’est-à-dire que le responsable est désigné mais qu’il est financièrement

exonéré de la réparation.

429 Il s’agit de la réparation des dommages de pollution causés par le déversement d’hydrocarbures en mer et les dommages à l’environnement causés par les accidents nucléaires. Les conventions intègrent aujourd’hui la réparation du dommage écologique. D’autres conventions sont citées dans la loi - comme par exemple la convention ‘sur la responsabilité civile pour les dommages causés au cours du transport de marchandises dangereuses par route, rail et bateau de navigation intérieure ou la convention sur le transport par mer de substances nocives- mais comme elles n’ont pas été ratifiées par la France, leur régime ne se substitue pas, pour l’instant, à celui de la responsabilité environnementale.

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281

Rappelons que la directive a prévu deux cas d’exonération financière, pour lesquels

les Etats ont le loisir d’opter ou pas. La première concernait le respect d’une

autorisation administrative. La France ne l’a pas retenu.

La deuxième cause d’exonération, pour laquelle cette fois ci la France a opté, est le

risque de développement (art. L. 162-23). L’exploitant ne sera pas tenu de supporter

la réparation financière du dommage à l’environnement « s’il apporte la preuve

- qu’il n’a pas commis de faute ou de négligence,

- et le dommage à l'environnement résulte d'une émission, d'une activité ou,

dans le cadre d'une activité, de tout mode d'utilisation d'un produit qui n'étaient

pas considérés comme susceptibles de causer des dommages à

l'environnement au regard de l'état des connaissances scientifiques et

techniques au moment du fait générateur du dommage ».

Ainsi, l’exclusion du ‘risque développement’ ne pourra-t-elle jouer, à notre sens, que

si l’exploitant s’est donné les moyens d’acquérir la connaissance indispensable à la

prévention des risques. A défaut, il sera tenu d’assurer la réparation des dommages

causés à l’environnement.

Une fois le champ d’application de la responsabilité environnementale défini, la

réparation peut s’opérer.

§ 2 - La mise en œuvre de la prévention et de la réparati on des dommages

environnementaux

La mise en œuvre de la prévention et de la réparation des dommages passe,

- premièrement par la détermination des objectifs à atteindre (A)

- et deuxièmement par la répartition des rôles entre les différents acteurs

concernés (B)

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A – La détermination des objectifs de la réparati on

La loi distingue différents objectifs de réparation en considération de la nature de la

ressource.

Pour l’eau et la biodiversité, il y a trois types de réparation: la réparation primaire, la

réparation complémentaire et la réparation compensatoire (art. L. 162-9). Ces

objectifs de réparation sont tout à fait nouveaux dans notre droit.

-La réparation primaire vise à remettre en état du patrimoine écologique dans son

état initial et peut être obtenue au moyen d’actions spécifiques ou par le biais de la

régénération naturelle.

- La réparation complémentaire n’est entreprise que si la première n’aboutit pas.

L’objectif est de fournir un niveau de ressources naturelles ou de services

comparable à celui qui a été endommagé, y compris, éventuellement, sur un autre

site.

- La réparation compensatoire enfin vise à compenser les pertes intermédiaires, soit

par des améliorations sur le site lui-même soit sur un autre site.

Le choix de l’option de réparation, évaluée à l’aide des meilleures technologies

disponibles, sera effectué en tenant compte d’une série de critères, notamment

économiques, sanitaires, sociaux et environnementaux430.

Pour ce qui concerne les sols, la loi prévoit que les mesures de réparation doivent

permettre de supprimer tout risque d'atteinte grave à la santé humaine par référence

à l’usage du site, usage apprécié en fonction des documents d’urbanisme en vigueur

au moment de la réalisation du dommage. (art. L. 162-8 et R 162-9) 431.

430 Ces critères figurent dans le 1. de l’annexe II de la directive 2004/35/CE auxquels renvoie le décret d’application (art. R. 162.10). 431 La loi énonce qu’il est tenu compte de l'usage du site, apprécié notamment en fonction des documents d'urbanisme en vigueur au moment de la réalisation du dommage ou à défaut, en fonction

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283

Lorsque le site s’inscrit dans le cadre d’une procédure au titre des installations classés, l’usage peut

s’en trouver modifié en considération de l’usage déterminé dans l’arrêté d’autorisation ou

d’enregistrement (art. R. 512-30), par concertation ou à la demande de la commune (art. R. 512-46-

20, R 512-39-2 , R 512-46-26-).

Conservant à l’esprit le coût de la réhabilitation, le législateur a tenu à préciser, pour les dommages

affectant les sols, qu’ « une option de régénération naturelle, (dans laquelle aucune intervention

humaine dans le processus de rétablissement n’a lieu), doit être envisagée ». Espérons que cette

« régénération naturelle », assimilable à une absence d’action, ne sera pas privilégiée outre mesure. (L

162-9).

§ 4 – Les obligations respectives des acteurs de la prévention et de la

réparation

Incontestablement, les acteurs principaux de la prévention et de la réparation des

dommages à l’environnement sont le préfet et l’exploitant, ce qui renforce ici le

caractère administratif du régime. Toutefois, celui-ci, poursuit un objectif civiliste de

réparation puisqu’il s’agit d’obtenir, principalement, la remise en état du patrimoine

environnemental.

1. Les acteurs principaux

Nous examinerons successivement les obligations de l’exploitant et celles de

l’autorité compétente.

de l’usage du sol au moment du dommage (art. L. 162-8). Le décret d’application a prévu qu’il pouvait en aller différemment si une installation classée est dans le processus de fermeture de son site (art. R. 162-9). . Dans ce cas, il est renvoyé à la loi sur les installations classées qui prévoit qu’un changement d’usage peut être proposé par la collectivité territoriale et validé par le préfet (art. R. 512-30 ou R. 512-75).

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284

a. L’exploitant

Il y a une certaine gradation dans les obligations de l’exploitant. Celui-ci a d’abord

l’obligation de prévenir les dommages à l’environnement. La loi prévoit qu’en cas de

menace imminente de dommage, il doit prendre sans délai et à ses frais les mesures

de prévention. Si la menace persiste, il doit en informer l’administration (art. L. 162-13

et R. 162-6-1). L’obligation d’information est renforcée par le pouvoir donné aux

agents de contrôle de pénétrer sur le site et de se faire communiquer tous

renseignements (art. L. 162-13).

Pour réaliser concrètement les travaux de prévention et donc pour pénétrer sur des

terrains privés l’exploitant peut conclure avec les propriétaires concernés des

conventions amiables. A défaut ou en cas d’urgence, l’autorisation peut lui être

donnée par le président du TGI (art. L. 162-5)

L’exploitant a également une obligation de réparation des dommages, mais cette

obligation se réalise sous le contrôle de l’autorité administrative, c’est-à-dire du préfet

(art. R. 162-2).

Bien entendu, l’exploitant supporte entièrement les frais liés aux mesures de

prévention et de réparation, sachant que si un dommage a plusieurs causes, le coût

des mesures de prévention ou de réparation est réparti par le préfet entre les

exploitants à concurrence de leur participation au dommage (art. L. 162-18). La loi n’a

donc pas prévu de responsabilité solidaire entre les exploitants.

b. Le préfet

La mission du préfet est d’abord de superviser la mise en œuvre de la réparation, en

orientant le choix des mesures de réparation. Elle est aussi d’user de la contrainte

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285

administrative si nécessaire. Elle est également de gérer les éventuelles défections

de l’exploitant.

1°) Le préfet détermine les mesures de prévention e t de réparation

Le préfet dispose de pouvoirs importants dans l’application du régime de

responsabilité environnementale :

- Il a d’abord, on l’a vu, l’obligation d’évaluer l’étendue du dommage à

l’environnement et peut, pour se faire, demander à l’exploitant d’effectuer sa propre

évaluation. (L 162-6)

- Si plusieurs dommages se sont produits simultanément, le préfet est habilité à

donner un ordre de priorité à leur prise en charge (art. R. 162-15).

- Mais surtout, le préfet a le pouvoir de déterminer les mesures de réparation

appropriées (art. L. 162-7) sur proposition de l’exploitant (R. 162-11) et après avoir

sollicité l’avis des collectivités ou des associations concernées (L. 162-10 et R. 162-

12).

Le projet d’arrêté concernant les mesures de réparation sera communiqué

préalablement au CODERST (conseil départemental de l'environnement et des

risques sanitaires) et à la commission départementale de la nature, des paysages et

des sites (art. R. 162-13)

Des dispositions ont été prises pour régler la question des interventions sur les propriétés privées

affectées par les dommages. Le préfet peut, si l’étendue des dommages et le nombre de propriétaires

affectés le justifie (art. L. 162-12) :

- appliquer d’office la loi du 29 décembre 1982, sur les dommages causés à la propriété privée

par l'exécution de travaux publics,

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- instituer des servitudes d’utilité publique (indemnisables si elles entraînent un préjudice direct,

matériel et certain) sur les terrains affectés par les mesures de réparation. Ces servitudes

peuvent se traduire par une limitation ou une interdiction de l’usage du sol ou du sous-sol.

- Demander que les travaux, voire l’acquisition du terrain soient déclarés d’utilité publique

2°) Le préfet exerce un pouvoir de police administr ative (relayé par la sanction

pénale)

Le préfet dispose également d’un pouvoir de police administrative quasiment

équivalent à celui dont il dispose en matière d’installations classées, ce qui lui confère

notamment, après mise en demeure, la possibilité d’ordonner l’exécution d’office des

travaux ou la consignation d’une somme répondant du montant des travaux, (art. L.

162-14 qui renvoie au nouvel article L. 171-8).

Le non-respect de la mise en demeure est sanctionné pénalement par une peine de 2

ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.(art. L. 173-2-II).

3°) Le préfet peut exercer un pouvoir de substitut ion

En cas d’urgence ou de danger grave, le préfet pourra toujours se substituer à

l’exploitant défaillant (art. L. 162-16), avec la possibilité de recouvrer les coûts

pendant 5 ans.

Ce n’est pas vraiment la logique du système. La loi a prévu que les collectivités

locales, les associations, les fondations, les syndicats ou les propriétaires des biens

affectés pourront toujours proposer de prendre eux-mêmes les mesures de

prévention ou de réparation, à charge pour eux de réclamer le remboursement des

dépenses effectuées (L. 162-20).

2. Les acteurs secondaires

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287

La loi prévoit que les associations de protection de l’environnement ainsi que toute

personne touchée ou risquant d’être touchée par un dommage, qui disposent

d’éléments sérieux, peuvent en informer l’autorité administrative compétente et lui

demander de mettre en œuvre les mesures de réparation (R. 164-1).

Lorsque la demande lui paraît révéler l’existence d’un tel dommage, l’autorité

administrative compétente recueille les observations de l’exploitant concerné et, le

cas échéant, l’invite à se conformer aux dispositions des articles L. 162-8 et suivants.

Dans tous les cas, l’autorité administrative compétente informe le requérant de la

suite donnée à sa demande (Art. R. 164-2).

En définitive, le système communautaire a eu le mérite d’introduire, dans les ordres

juridiques internes, le concept de dommage écologique. En empruntant au droit privé

et au droit public, pour la mise en œuvre de la réparation des dommages, le système

s’inscrit dans le sillon du droit économique qui transcende ces clivages depuis des

décennies. Pour autant, le mécanisme proposé ne pourra constituer un progrès que

s’il vient en complément des solutions déjà adoptées par les Etats membres,

notamment en matière d’actions associatives.

Pour le reste, il est certain que les modalités de la réparation, telles qu’elles sont

définies par la loi, ne manqueront pas d’inspirer l’ensemble du système judiciaire.

Les ajustements du système, qui devront probablement passer par la mise en place

d’un mécanisme d’assurance obligatoire, constitueront les prochains défis de l’Europe

qui s’est engagée dans la voie du développement durable.

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288

Section 3. Les perspectives de la prévention et de la réparation du dommage

écologique en dehors de la LRE

La spécificité du dommage écologique, qui consiste en une atteinte au milieu naturel,

aurait pu se heurter aux caractères requis du dommage réparable, à savoir que le

dommage soit certain, personnel et direct.

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289

Dans ce que l’on appelle le dommage écologique pur, c’est surtout le caractère

personnel qui entraîne des difficultés. Comme le relève P. Jourdain, normalement,

c’est la victime d’un dommage qui a intérêt à en demander réparation. Or ici nulle

victime ne dispose de la personnalité juridique. « Le dommage écologique

n’atteignant que la nature, c’est-à-dire des res communes ou des res nullius, en tout

cas des choses non appropriées, aucun sujet de droit ne peut se prévaloir d’un intérêt

personnel. (…) A cela on ajoute parfois que l’intérêt lésé n’a aucune valeur

marchande en raison de l’absence d’appropriation des éléments naturels» .

Cela étant, l’obstacle a, peu ou prou, été dépassé devant l’ensemble des juridictions.

Pour le dommage environnementale, c’est par le biais du préjudice moral que les

juridictions civiles ont par exemple contourné l’obstacle du préjudice collectif et il y a

fort à parier que la référence à cette notion n’est pas prête de s’éteindre

La Cour des appels correctionnel de Nouméa a, le 17 avril 2012, déclaré la société Vale Nouvelle-Calédonie SAS (la société Vale) coupable de ne pas avoir pris les précautions nécessaires pour éviter le déversement ou l'immersion dans les zones maritimes ou terrestres de substances de nature à porter atteinte à la santé publique, ainsi qu'à la faune et à la flore sous-marine (en l'occurrence de l'acide sulfurique). La société Viale a été condamnée au paiement d’une amende de 3750 euros mais la Cour des appels a également accueilli les constitutions de parties civiles de plusieurs associations et a renvoyé l'affaire à une audience qui s’est tenue le 25 février 2014. En premier lieu, Cour admet la recevabilité des actions des associations contestée par l’entreprise : « toutes sont fondées à demander réparation du “préjudice écologique pur“, lequel consiste en l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement découlant de l'infraction (Cass. Crim., 25 septembre 2012, n° 10-82.938, Bulletin criminel 2012, n° 198). Sur la réparation des préjudices causés à l'environnement (ou “préjudice écologique pur“), la Cour constate que « la société Vale admet un impact important mais de courte durée sur une surface d'environ 2 ha ; que le dommage, même s'il n'a pas été irréversible, a été grave ; qu'ainsi se trouve admis dans les propres écritures de l'industriel, et établi par les rapports

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produits, l'existence d'un préjudice grave causé à l'environnement ou préjudice écologique pur limité dans le temps comme dans l'espace, mais qui n'en est pas moins indemnisable (…) ». La Cour constate dans un second temps que les associations se prévalent également d'un préjudice causé à l'homme qui «s'entend de l'ensemble des préjudices collectifs et individuels résultant pour l'homme d'un dommage environnemental ou de la menace imminente d'un dommage environnemental ». Entrent dans cette catégorie les atteintes aux services écologiques ainsi que les atteintes à la mission de protection de l'environnement. Ainsi, les associations peuvent, pour l'appréciation de leur préjudice personnel, se prévaloir de l'impact sur l'ensemble du milieu naturel concerné (coraux compris) ». Elle condamne la société à allouer à chacune des associations le somme de six millions de francs CFP « au titre de la réparation des «atteintes à la mission de protection de l'environnement», improprement qualifié de «préjudice moral» écologique par les associations ». CA Nouméa, CA corr., 25 févr. 2014, n° 11/00187 G. J. Martin et L. Neyret, Préjudice écologique : première application de l'Eco-nomenclature, note sous CA Nouméa, 25 févr. 2014, n° 2010/556, Dalloz n° 11, 20 mars 2014 ; Nomenclature des préjudices environnementaux, LGDJ, avr. 2012.

Section 4 – La participation du public en France : Sous section 1 - Les enquêtes publiques Les enquêtes publiques trouvent leur origine dans les enquêtes dites de « commodo » et « incommodo » qui étaient destinées à apprécier les conséquences de l'implantation d'établissements industriels sur le voisinage.

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L'enquête publique a pour objet d'informer le public et de recueillir ses appréciations, suggestions et contre-propositions. Les observations et propositions recueillies au cours de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. (art.L. 123-1 C. env.) Les enquêtes dites « Bouchardeau », du Code de l’environnement, sont aujourd'hui les plus fréquentes et les plus intéressantes pour le public. Il y en a environ 10 000 à 15 000 par an, mais aucun recensement n'en est fait. Environ la moitié de ces enquêtes concerne des documents d'urbanisme, notamment les plans locaux d'urbanisme (PLU) des communes ; un quart concerne des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ; le dernier quart est relatif à des projets divers : grands travaux de routes, autoroutes, TGV, aérodromes. Ce sont ces projets qui suscitent les plus fortes polémiques. La réforme des enquêtes publiques, issue de la loi Grenelle 2, a consisté à regrouper les nombreuses enquêtes existantes (180 réparties en 6 grandes familles) en deux catégories principales :

- l'enquête d'utilité publique classique régie par le code de l'expropriation ( C. expr., art. L. 11-1)

- et l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement du code de l'environnement, dite enquête « Bouchardeau » ( C. envir., art. L. 123-1).

Plusieurs facteurs rendaient nécessaire la réforme. Le premier était la nécessité d'adapter le droit français aux contraintes du droit international et communautaire et, en premier lieu, à la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (approuvée par la loi n°2002-285 du 28 février 2002 et publiée Décr. n° 2002-1187 du 12 sept. 2002 ). L'article 6 de la convention d’Aarhus dispose notamment que, d'une part, le public doit pouvoir participer « effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement » et, d'autre part, que « chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence »432. Ces principes se rapprochent aussi de ceux qui résultent de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 dont l'article 6 § 4 prévoit qu'à « un stade précoce de la procédure, le public

432 Le Conseil d'Etat a certes considéré que ces dispositions ne sont pas d'effet direct (CE 28 déc. 2005, Syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence, req. n° 277128, AJDA 2006. 1664, note B. Delaunay) mais la convention ayant été ratifiée par la France, celle-ci devait faire évoluer sa législation de manière à mettre en oeuvre ces principes.

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concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement ». Le deuxième facteur prend en compte le fait que le droit du public à l'information et à la participation a été constitutionnalisé par l'article 7 de la Charte de l'environnement du 1 mars 2005 qui dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». De cette disposition, le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur les OGM (décis. n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, AJDA 2008. 1614, note O. Dord) a tiré la conséquence que « l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement [et donc l'art. 7] a une valeur constitutionnelle » et s'impose « aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif ». Dans l'arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat du 3 octobre 2008, Commune d'Annecy433 le Conseil d'Etat ne se contente pas dire que « les principes d'accès aux informations et de participation du public » ont valeur constitutionnelle. Il considère que la Charte, en disposant que ces principes s'exerçent « dans les conditions et limites définies par la loi» a « réservé au législateur le soin de préciser les conditions et les limites » dans lesquelles doivent s'exercer ces droits. En conséquence « depuis la date d'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 1 mars 2005, une disposition réglementaire ne peut intervenir dans le champ d'application de l'article 7 de la Charte de l'environnement que pour l'application de dispositions législatives (…)».434 Cela signifie que les dispositions régissant l’information et la participation du public sont principalement de la compétence du législateur, le pouvoir réglementaire n'ayant qu'un rôle d’application. Désormais l' enquête publique est du domaine exclusif de la loi dès lors qu'il s'agit d'y définir les conditions et les limites de mise en oeuvre du principe de participation La loi Grenelle 2 a procèdé à une réécriture complète des articles L. 123-1 et suivants du code de l'environnement en exposant plus clairement l'objet de l'enquête ( C. envir., art. L. 123-1). Celle-ci a pour objet essentiel « d'assurer l'information et la participation du public ainsi que

433 (req. n° 297931, RJ envir. 2009. 85, concl. Y. Aguila et note X. Braud ; AJDA 2008. 2166, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; RFDA 2008. 1147, concl. Y. Aguila et 1158, note L. Janicot) 434 , notamment parmi celles qui figurent dans le code de l'environnement et le code de l'urbanisme, que celles-ci soient postérieures à cette date ou antérieures, sous réserve, alors, qu'elles ne soient pas incompatibles avec les exigences de la Charte

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la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement ». Un dévret du 29 décembre 2011 est venu compléter les dispositons législatives. § 1 – Le champ d’application des enquêtes publiques

Aux termes de l’art. L. 123-2, II C. env., doivent faire l'objet d'une enquête publique préalablement à leur adoption :

1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagem ents exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une étude d'impact en application de l'article L. 122-1

à l'exception :

– des projets de création d'une zone d'aménagement concerté ;

– des projets de caractère temporaire ou de faible importance dont la liste est établie par décret en Conseil d'État (Cf art. R. 123-1).

Le décret (art. R. 123-1 C. env.) a précisé qu’étaient visées aussi bien les opérations soumises à études d’impact d’office que celles soumises après un examen au cas par cas.

2° Les plans, schémas, programmes et autres documen ts de planification soumis à une évaluation environnementale 435 , soit au titre du Code de l’environnement (art. 122-4 à L. 122-11), soit au titre du Code de l’urbanisme (art. L. 121-10 à L. 121-15).

3° Les projets de création de zones naturelles (projets de … parc national, parc naturel marin, charte d’un parc national, inscription ou classement de sites, réserve naturelle)436. On notera que Natura 2000 n’y figure pas….

435 en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du Code de l'environnement, ou des articles L. 121-10 à L. 121-15 du Code de l'urbanisme, pour lesquels une enquête publique est requise en application des législations en vigueur ; 436 3° Les projets de création d'un parc national, d'un parc naturel marin, les projets de charte d'un parc national ou d'un parc naturel régional, les projets d'inscription ou de classement de sites et les projets de classement en réserve naturelle et de détermination de leur périmètre de protection mentionnés au livre III du présent code ;

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4° Eventuellement, d’autres documents d’urbanisme et autres projets, plans et programmes soumis à enquête publique par des dispositions particulières437.On pourrait viser ici des opérations et des plans qui ont des effets sur l'environnement mais qui, parfois au prix d'une interprétation restrictive des directives communautaires, ont été dispensés d'étude d'impact ou d'évaluation environnementale : c'est le cas notamment pour les plans locaux d'urbanisme.

Le décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011 (art. R. 123-1 C. env.) est venu soustraire aux enquêtes publiques des opérations, en raison de leur caractère temporaire ou de leur faible importance, ou parce qu’ils relèvent de la défense nationale, ou parce qu’il s’agit de travaux d’entretien, de maintenance et de grosses réparations. Tous les projets qui font l’objet d’une étude d’impact (même au cas par cas) sont soumis à enquête publique. Art. R 123-1 I.-Pour l'application du 1° du I de l'article L. 123-2, font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements soumis de façon systématique à la réalisation d'une étude d'impact en application des II et III de l'article R. 122-2 et ceux qui, à l'issue de l'examen au cas par cas prévu au même article, sont soumis à la réalisation d'une telle étude. L’article R. 123 -1 II fixe un certain nombre d’exceptions. (création de ZAC par exemple). § 2 – La procédure des enquêtes publiques

a) modalités de l’enquête publique Les textes (art. L. 123-3 – L. 123-19 du C. env.) détaillent les procédures qui vont de la simple mise à disposition d'un dossier en mairie à la nomination d'un commissaire enquêteur ou d'une commission d'enquête qui tient des permanences pour accueillir le public et des réunions publiques. La véritable enquête publique L'enquête publique est ouverte et organisée par l'autorité compétente pour prendre la décision pour laquelle l’enquête est organisée (art. L. 123-3 C. env. et R. 123-3). (arrête municipal pour un PLU, arrêté préfectoral pour une ICPE)

437 4° Les autres documents d'urbanisme et les décisions portant sur des travaux, ouvrages, aménagements, plans, schémas et programmes soumises par les dispositions particulières qui leur sont applicables à une enquête publique dans les conditions du présent chapitre.

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Comme auparavant, les commissaires sont inscrits sur une liste d’aptitude. L’enquête est conduite par un Commissaire enquêteur ou une commission d’enquête désignés par le Président du Tribunal administratif ou un magistrat délégué. Le commissaire enquêteur doit signaler les éventuels conflits d’intérêts (art. R. 123-4 C. env.). Le commissaire enquêteur peut demander au président du TA d’être assisté par un expert dont le coût est à la charge du maître de l’ouvrage. Il reste également possible de recourir à une enquête ‘unique’ lorsqu’un projet est soumis à plusieurs enquêtes. Le dossier comporte alors les éléments exigés au titre de chacune des enquêtes. (Art. L. 123-6 C. env) La durée de l’enquête ne peut être inférieure à 30 jours, prorogeable 30 jours. (avant, c’était 15) (art. L. 123-9 C. env. et R. 123-6) Le public est informé au moins quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête de toute une série d’informations notamment de la décision susceptible d’être adoptée et de l’existence d’une étude d’impact, les lieux de consultation du dossier (art. L. 123-10 C. env. et R. 123-9)438. Le dossier d'enquête publique comprend, outre l’évaluation environnementale ou l'étude d'impact, lorsqu'elle est requise, les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Il comprend également une note de présentation non technique. (L. 123-12 C. env. et R. 123-8) Si le dossier a fait l’objet d’une procédure de débat public, le bilan de cette procédure est joint. b) Le déroulement de l’enquête (L. 123-13 C. env.)

438 L’information porte sur : - l'objet de l'enquête ; - les décisions susceptibles d’être adoptées ainsi que les autorités compétentes pour statuer. - l’identitié du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d'enquête, de la date d'ouverture, du lieu de l'enquête, de sa durée et de ses modalités ; - de l'existence d'une évaluation environnementale, d'une étude d'impact ou, à défaut, d'un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l'objet de l'enquête, et du lieu où ces documents peuvent être consultés ;

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. ― Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête conduit l'enquête de manière à permettre au public de disposer d'une information complète sur le projet, et de présenter ses observations et même propositions. La participation du public peut s'effectuer, soit par consignation sur un registre d’enquête.Le décret prévoit désormais que le public pourra adresser des remarques - le cas échéant - par voie électronique à une adresse indiquée dans le dossier d’enquête publique.( Art. L. 123-10 et art. R 123-13). En vertu du décret du 2011-2021 du 29 décembre 2011, les projets, plans et programmes devant faire l'objet d'une communication au public par voie électronique sont ceux relatifs : 1° Aux installations nucléaires de base faisant l'objet d'une enquête publique relative à une autorisation de création ou une autorisation de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement, ou une autorisation d'arrêt définitif et de passage en phase de surveillance, ou une modification d'une de ces autorisations en application des I, II, V et VI de l'article 29 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ; 2° Aux équipements et installations mentionnés au deuxième alinéa du V de l'article 28 de la loi du 13 juin 2006 susmentionnée faisant l'objet d'une demande d'autorisation ; 3° Aux travaux de création de routes, d'autoroutes ou de voies rapides soumis à étude d'impact ; 4° Aux créations de voies ferrées soumises à étude d'impact ; 5° Aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux ; 6° Aux plans départementaux et interdépartementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilé ; 7° Au plan d'élimination des déchets ménagers d'Ile-de-France ; 8° Aux installations de stockage de déchets soumises à autorisation ; 9° Aux installations de traitement des déchets soumises à autorisation ; 10° Aux schémas départementaux des carrières ; 11° Aux exploitations de carrières soumises à autorisation ; 12° Aux chartes de parcs naturels régionaux et nationaux ; 13° Aux schémas régionaux de cohérence écologique. Les dispositions de l'article 1er sont applicables aux projets, plans et programmes dont l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête publique est publié à compter du 1er juin 2012. II. ― Pendant l'enquête, le commissaire enquêteur peut recevoir le maître d'ouvrage de l'opération soumise à l'enquête publique à la demande de ce dernier.

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Il peut en outre (art. L. 123-13): ― recevoir toute information et, s'il estime que des documents sont utiles à la bonne information du public, demander au maître d'ouvrage de communiquer ces documents au public ; ― visiter les lieux concernés, à l'exception des lieux d'habitation, après en avoir informé au préalable les propriétaires et les occupants ; ― entendre toutes les personnes concernées par le projet, plan ou programme qui en font la demande et convoquer toutes les personnes dont il juge l'audition utile ; ― organiser, sous sa présidence, toute réunion d'information et d'échange avec le public en présence du maître d'ouvrage. A la demande du commissaire enquêteur et lorsque les spécificités de l'enquête l’exigent, un expert peut être désigné pour assister le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête. Le coût de cette expertise est à la charge du responsable du projet. (art. L. 123-13). c) La modification du projet Il s’agit là d’une procédure tout à fait intéressante qui permettra de faire gagner un temps précieux aux opérateurs économiques.

- à l’initiative du maître d’ouvrage

La loi Grenelle II a prévu que durant l'enquête publique, si le responsable du plan ou du projet estime nécessaire de le modifier substantiellement, il peut demander une suspension pendant 6 mois maximum. Cette possibilité de suspension ne peut être utilisée qu'une seule fois. (art. L. 123-14 C. env.). Le projet est alors (re) transmis pour avis aux autorités compétentes. Le public est averti. L’enquête peut être prolongée d’un mois à la reprise de l’enquête publique.

- au vu des conclusions du commissaire enquêteur

Le commissaire enquêteur rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. Il doit apprécier les avantages et inconvénients de l'opération et indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui

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déterminent le sens de cet avis. Le rapport avec ses conclusions de l'enquête est adressé au préfet, dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai d'enquête fixé dans l'arrêté du préfet ( C. expr., art. R**. 11-10).

sur un exemple d'appréciation de la motivation du commissaire en quêteur, voir ( CAA Versailles, 2e ch., 4 mai 2012, n° 10VE00510, SNC Thiboudes Bonomées et a.). Au vu des conclusions du commissaire enquêteur, le responsable peut être amené à modifier le plan ou projet de manière notable. Il peut alors demander à l'autorité organisatrice d'ouvrir une enquête complémentaire portant sur les avantages et inconvénients de ces modifications pour le projet et pour l'environnement. Avant l’ouverture de l’enquête complémentaire, le nouveau projet est transmis pour avis à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement. Comme auparavant, en vertu de l’article L. 123-16 du C. env., le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci. Il fait également droit à toute demande de suspension d'une décision prise sans que l'enquête publique requise par le présent chapitre ait eu lieu. Les projets mis à l’enquête doivent avoir été entrepris dans un délai de 5 ans.

c) Clôture de l’enquête A l’issue de l’enquête publique, le commissaire enquêteur doit rédiger, dans les 8 jours, de manière « séparée » un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et des conclusions « motivées » précisant si elles sont faborables ou non à l’opération (art. R. 123-8). Le non respect du délai n’entâche pas la procédure d’irrégularité (CE, 8 janv. 1992, n° 111665). Le responsable du projet dispose d’un délai de 15 jours pour y répondre. f) la mise à disposition du public A côté de l’enquête publique, il existe une « mise à disposition » qui concerne les projets qui ne sont pas soumis à enquête publique ou à une autre procédure de participation définie par la loi.

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Les articles L. 122-1-1 (pour les projets) et L. 122-8 (pour les plans) définissent, à peu près dans les mêmes termes, les conditions dans lesquelles est organisée cette procédure. La mise à disposition est effectuée par le maître d'ouvrage (public ou privé) s'il s'agit d'un projet de travaux soumis à étude d'impact ou par la personne responsable du projet de plan ou programme soumis à évaluation environnementale. La loi fixe quelques lignes directrices mais laisse à l'auteur du projet le soin de définir les modalités de cette mise à disposition. En gros, l'information du public doit être donnée huit jours au moins avant le début de la période de mise à disposition. Cette information doit comprendre l'évaluation environnementale du projet, l'indication des personnes compétentes pour prendre la décision et de celles qui peuvent donner des renseignements au public, les avis donnés par les autorités administratives s'ils sont obligatoirement requis ce qui comprend, notamment, l'avis de l'autorité administrative environnementale. La mise à disposition elle-même, doit être préalable à la décision et avoir une durée minimale de quinze jours. Elle doit être conçue de manière à permettre au public de faire valoir ses observations et propositions qui devront être prises en considération tant par le pétitionnaire que le maître d'ouvrage et l'autorité compétente pour prendre la décision. Bien que simplifiée, la mise à disposition doit donc remplir la double fonction d'information et de participation du public qui est à la base de toutes ces procédures de mise en oeuvre du principe de participation. La différence avec l' enquête publique reste toutefois évidente : la mise à disposition ne comporte pas de débat ; elle n'est pas placée sous l'autorité de ce médiateur que peut être le commissaire enquêteur. Par contre, ses effets contentieux sont les mêmes puisque l'article L. 123-16 dispose que le juge administratif des référés doit faire droit à toute demande de suspension d'une décision prise en l'absence de mise à disposition de l'évaluation environnementale.

Contentieux

un commissaire enquêteur qui n'a pas examiné l'ense mble des registres tenus à la disposition du

public dans les mairies durant l'enquête publique e t qui se borne à relever, dans ses

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conclusions, « l'importance des besoins en terme de production d'énergie électrique », « la

modestie du projet d'installation de cinq éoliennes » et le fait que le projet de la

pétitionnaire « entre dans le champ d'application d es dispositions du code de l'environnement

», alors qu'il était saisi d'observations d'une ass ociation contestant de façon développée le

choix du site d'implantation du projet, n'a pas suf fisamment motivé son avis ( CAA Douai, 1re

ch., 9 avr. 2014, n° 12DA01458).

Chapitre 3 – L’accès à la justice

Section 1 - Le droit à un recours effectif en droit international

Le droit international associe généralement, comme composantes du droit à l’environnement, l’information, la participation, et l’accès aux voies de recours. Il est évident que la consultation des citoyens resterait largement lettre morte s’il ne leur était pas permis de contester la décision finale et de soutenir que leur opinion a été ignorée par l’administration.

On sait que l’art. 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit un recours effectif devant une “instance nationale” à toute personne dont les droits et libertés reconnus par la Convention auraient été violés. Le troisième paragraphe de l’article 9 de la Convention d’Aarhus prévoit que les administrés doivent pouvoir engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions des particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. Sans viser expressément notamment les associations de protection de l’environnement, l’ esprit de la Convention d’Aarhus ne les exclut évidemment pas. Si l’égalité dans l’accès aux tribunaux figure dans de nombreux traités sous la forme de l’interdiction des discriminations, rares sont en revanche les dispositions qui prévoient l’intervention active de la puissance publique pour aider les plus démunis. A cet égard, l’article 9 § 5 de la convention d’Aarhus prévoit que “chaque partie veille à ce que le public soit informé de la possibilité qui lui est donnée d’engager des procédures de recours administratif ou judiciaire, et envisage la mise en place de mécanismes appropriés d’assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l’accès à la justice”.

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La Convention de Lugano du 21 juin 1993 sur la responsabilité civile résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, du Conseil de l’Europe confère quant à elle des drois intéressants aux associations mais nous savons qu’elle est actuellement bloquée faute de signatures439. § 2 – En droit communautaire A – Le droit d’action dans la directive 2011/92 sur les études d’incidence des projets et dans la directive 96/61 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution La directive 2003/35 du 26 mai 2003 prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes et modifiant la directive 85/337 sur l’évaluation des incidences des projets sur l’environnement (devenue 2011/92) et la directive 96/61 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution (devenue 2008/1/CE du 15/01/08) est à l’origine d’une évolution des droits de recours. Elle fait obligation aux Etats de veiller à ce que le public concerné : puisse former un recours devant une instance juridictionnelle (ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi), pour contester la légalité des décisions relatives à la participation du public.(art. 10 bis pour la directrive 85/337 et 15 bis pour la directive 96/61) Le public concerné est celui :

- Ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon - Qui peut faire valoir une atteinte à un droit

Il appartiendra aux Etats membres de déterminer à quel stade les actes pourront être contestés.

439 L’article 18 prévoit que “toute association ou fondation qui, conformément à ses statuts, a pour objet la protection de l’environnement (et qui satisfait à toute autre condition supplémentaire imposée par le droit interne de la partie où la demande est faite) peut, à tout moment, demander : a) l’interdiction d’une activité dangereuse illicite qui constitue une menace sérieuse de dommage à l’environnement; b) une injonction à l’exploitant pour que celui-ci prenne des dispositions de nature à prévenir un événement ou un dommage; c) une injonction à l’exploitant pour que celui-ci prenne, après événement, des dispositions de nature à prévenir un dommage; d) une injonction à l’exploitant pour qu’il prenne des mesures de remise en état.

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Il leur appartiendra également de déterminer ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice. A cette fin, l’intérêt de toute ONG, entrant dans la définition du « public» ou du « public concerné » (440) est réputé être un intérêt suffisant pour agir. Les ONG sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l’objet d’une atteinte441. Les procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d’un coût non prohibitif. Les Etats membres devront informer le public sur l’accès au voies de recours administratif et juridictionnel. Pour une application, voyez CJUE, 12 mai 2011, aff. C. 115/09, Bund für Umwelt und

Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen eV contre Bezirksregierung Arnsberg (demande de décision préjudicielle formée par l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (Allemagne) : Etudes foncières, juillet-août 2011, n° 152, p. 46, F. Haumont et P. Steichen. En droit allemand, l’accès à la justice est limité aux personnes dont les droits sont directement affectés par une décision, ce qui bloque considérablement l’action associative en matière environnementale. Ainsi, « en pratique, les ONG allemandes ne peuvent donc pas demander – et les juridictions allemandes ne peuvent pas effectuer – un contrôle d’un acte administratif au motif qu’il viole une disposition protégeant l’environnement en soi ». (conclusions du commissaire du gouvernement). A l’origine de la question préjudicielle, l’irrecevabilité de principe du recours d’une association allemande contre une décision administrative ayant autorisé la construction et l’exploitation d’une centrale électrique de charbon et la compatibilité de cette position avec la directive la directive 85/337/CEE du Conseil et plus spécifiquement son article 10 relatif au droit de recours. Rappelant la source internationale que constitue la Convention d’Aarhus pour l’accès à la justice, la Cour énonce que, quelle que soit l’option d’un État membre quant au critère de

440 Le « Public » est défini comme une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la pratique nationales, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes. L e « public concerné » est le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les procédures décisionnelles en matière d’environnement ou qui a un intérêt à faire valoir dans ce cadre ; aux fins de la présente définition, les ONG qui oeuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt. 441 Ce droit d’action n’exclut pas l’exercice d’autres recours devant une autorité administrative.

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recevabilité d’un recours, les associations de protection de l’environnement sont en droit, conformément à l’article 10 bis de la directive 85/337, de former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, actes ou omissions visés audit article. La Cour en conclut qu’une ONG qui œuvre en faveur de la protection de l’environnement tire de la directive 85/337/CEE, dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision d’autorisation d’un projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, le droit de se prévaloir en justice du non respect de l’évaluation spécifique Natura 2000, quand bien même le droit national ne lui permettrait pas une telle action. On remarquera qu’en revanche, la CJUE a, dans un arrêt du 8 mars 2011 (C-240/09), dénié un effet direct à l’article 9 § 3 de la Convention d’Aarhus, selon lequel « chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement ». Convention d’Aarhus. Accès à la justice en matière d’environnement. Notion de ‘coût non prohibitif’ des procédures juridictionnelles CJUE 11 avril 2013, Edwards e. a., aff. C-260/11 AJDE n° 20/2013, 10 juin 2013, p. 1162. La demande portait sur la conformité avec le droit de l’Union de la décision de la House of Lords condamnant les requérants aux dépens pour la somme de 90 000 livres sterling, après qu’ils eurent été déboutés de leur demande d’annulation d’un permis d’exploiter une cimenterie, délivrée par l’Agence de l’environnement. La Cour énonce notamment que l’exigence selon laquelle la procédure judiciaire ne doit pas avoir un coût prohibitif, prévue aux articles 10 bis, cinquième alinéa, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, et 15 bis, cinquième alinéa, de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, telles que modifiées par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, implique que les personnes qui y sont visées ne soient pas empêchées de former ou de poursuivre un recours juridictionnel entrant dans le champ d’application de ces articles à cause de la charge financière qui pourrait en résulter ». En particulier pour fonder son appréciation, « le juge national ne saurait se fonder uniquement sur la situation économique de l’intéressé, mais doit également procéder à une analyse objective du montant des dépens. Par ailleurs, il peut tenir compte de la situation des parties en cause, des chances raisonnables de succès du demandeur, de la gravité de l’enjeu pour celui-ci et pour la protection de l’environnement, de la complexité du droit et de la procédure applicables, du caractère éventuellement téméraire du recours à ses différents stades ainsi que de l’existence

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d’un système national d’aide juridictionnelle ou d’un régime de protection en matière de dépens ». Section 2 - Le droit de recours en droit français

Il faut souligner le rôle que les associations de protection de l’environnement ont joué et jouent encore dans le cadre de la politique de l’environnement et, corollairement, sur le droit de l’environnement. En France, elles sont entre 10.000 et 40.000. Certaines ont un rôle général et entendent intervenir soit sur l’ensemble du pays, soit sur une région relativement importante, soit au contraire, il s’agit d’associations ponctuelles en rapport avec un objet précis, souvent un projet contre lequel elles entendent lutter. L’action en justice des associations est codifiée aux articles L 142-1 et svts du Code de l’env.Elle est ouverte aux associations agréés 442

1) L’agrément Voyez La réforme de l’agrément du 12 Juillet 2011, des objectifs louables, une occasion manquée. RJE 1/2012, p. 63 et suiv. Pour pouvoir être agréée, une association de protection de l’environnement doit avoir cet objectif de protection dans son objet social. Elle doit exister depuis trois ans au moins (C. env., art. L.141-1, al.1er). Elle doit aussi répondre à des conditions de représentativité (art. R. 252-2 du Code rural).

- Conditions exigées pour l’agrément des associations. La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est complétée par un article 25-1 qui précise les 3 conditions que doit remplir une association pour obtenir un agrément :

- - répondre à un intérêt général - Présenter un mode de fonctionnement démocratique - Respecter des règles de nature à garantir la transparence financière.

Ces critères s’ajoutent aux conditions spécifiques requises pour la délivrance de chaque agrément et fixées par la loi ou les règlements pour les associations agréer de protection de l’environnement (art. L 141-1 et R 141-2 C. env.). Toute association qui s’est vu délivrer un agrément est réputée remplir ces 3 critères

442 Et de pêche (L. 433-2)

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pendant une durée de ans. Les conditions d’application de ces dispositions seront définies par décret (art. L 123).

L’agrément s’obtient au terme d’une procédure de demande et d’instruction de celle-ci (art. R. 252-5 à R. 252-17 du Code rural). 2) Effets de l’agrément a) La participation aux organes consultatifs (art. L.141-2 C.e.) b) L’action civile Les associations peuvent se constituer partie civile devant les juridictions répressives. En vertu de l’article L.142-2, les associations qui ont l’agrément peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de l’environnement (...) et ses textes d’application. c) Recevabilité des recours devant les juridictions administratives (L.142-1) Toute association ayant pour objet la protection de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives. Toute association agrée justifie d’un intérêt à agir contre toute décision ayant un rapport direct avec son objet statutaire et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l’agrément. Jugé que la notion de “tout ou partie” du territoire pour lequel l‘association bénéficie de l’agrément, n’exclut pas nécessairement le droit d’agir contre un projet très local (C.E., 8 février 1999, Féd. des Assoc. de protection de l’environnement et de la nature des Côtes d’Armor, n° 176779). Alors que les juridictions de l'ordre judiciaire tendent à une plus grande reconnaissance du préjudice écologique pur (v. nos 67 et s.), reconnaissance d'ailleurs amplifiée depuis la décision rendue par la Cour de cassation dans le cadre de l'affaire de l'Erika ( Cass. crim., 25 sept. 2012, n° 10-82.938, n° 3439) les juridictions administratives sont encore frileuses sur le sujet, et les jurisprudences reconnaissant l'existence et l'indemnisation d'un préjudice écologique pur sont très rares. Il semblerait toutefois, que, pour ces juridictions, le critère de pertes financières soit un élément fondamental à la justification du préjudice écologique.

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En ce sens, deux jurisprudences méritent être citées. Ainsi, dans une première affaire, la cour d'appel de Lyon a accepté d'indemniser le dommage écologique propre d'une association résultant de la mortalité de poissons d'un cours d'eau, dans la mesure où cette dernière démontrait avoir participé financièrement à des actions de réintroduction de poissons ou de restauration de frayères ( CAA Lyon, 1re ch., 23 avr. 2009, no 07LY02634, Assoc. Club mouche saumon Allier et a.). Dans une seconde affaire, le tribunal administratif d'Amiens a pour sa part refusé de reconnaître et d'indemniser le préjudice écologique de la fédération de la Somme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, résultant de la perte de richesse biologique d'un cours d'eau pollué, la fédération ne démontrant pas de manière précise et quantifiée, ses pertes financières personnelles engendrées par la pollution. Pour le tribunal, « quelle que soit la valeur scientifique des calculs produits au soutien de la requête, la perte de richesse biologique du cours d'eau pollué ne saurait en elle-même ouvrir droit à réparation, dès lors qu'elle [la fédération] ne se prévaut d'aucun préjudice personnel et direct ». Pour refuser la demande d'indemnisation du préjudice écologique, le tribunal soulève qu'aucune mortalité de poissons spécifiquement liée à l'événement, ni aucune perte financière n'est établie par la fédération. Pour obtenir indemnisation de ce préjudice, la fédération aurait donc dû démontrer que la pollution l'avait directement exposée à des frais d'alevinage ou de réalevinage des cours d'eaux, à des pertes de droits de pêche qu'elle ne pourra pas percevoir, ainsi qu'à des frais liés aux actions de surveillance ou de protection du domaine piscicole ( TA Amiens, 4e ch., 21 févr. 2012, no 1000282, Féd. de la Somme pour la pêche et la protection du milieu aquatique). Sur l’intérêt à agir L'article R. 514-3-1 du code de l'environnement confère à deux catégories de personnes clairement identifiées un intérêt à déférer à la juridiction administrative les décisions soumises au plein contentieux spécial des installations classées. Il s'agit : — des « demandeurs ou exploitants » ; — des « tiers », lesquels sont définis strictement par le texte. Sont visées les « personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients et des dangers que le fonctionnement des installations présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ». En d'autres termes, l'intérêt invoqué par le tiers requérant doit être en lien avec la défense des « intérêts protégés » par la législation relative aux installations classées. En application de ces dispositions, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en

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cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux (CE, 13 juill. 2012, n° 339592, Sté Moulins Soufflet et a.). Dès lors qu'aucun article des statuts d'une association ne prévoit l'autorisation d'agir en justice et qu'aucune assemblée n'a été convoquée pour voter une telle autorisation, l'action en justice de l'association doit être rejetée. Cette solution doit être retenue même si l'objet du litige entre dans son objet social ( CA Grenoble, 1re ch. civ., 23 avr. 2012, no 07/04625, Girard c/ Assoc. Source le Clos Notion d'intérêt à agir des associations de protection de l'environnement et objet statutaire Pour que le recours de l'association soit recevable, celle-ci doit encore justifier d'un intérêt, direct, personnel et certain, à obtenir l'annulation de la décision contestée. Ce qui implique que l'exécution de la décision contestée doit impérativement léser les intérêts de l'association. Cette lésion d'intérêts s'apprécie quasi exclusivement au regard des statuts de l'association, et principalement de son objet statutaire. Les activités effectives de l'association sont indifférentes. Ainsi, une association familiale qui aurait étendu ses activités effectives, mais non son objet statutaire, à des actions de protection de l'environnement, est irrecevable à contester une décision portant atteinte à l'environnement ( CAA Nantes, 17 févr. 1999, no 97NT00158, Assoc. familiale de Douvres-la-Délivrande). L'association n'est pas tenue de rapporter la preuve d'un préjudice direct, certain et personnel comme en droit commun. Ce régime dérogatoire de la responsabilité civile conduit à apprécier de façon extensive le dommage de l'association agréée et à prendre en compte les risques d'atteinte à l'environnement, la constatation d'un dommage avéré au milieu naturel n'est pas une condition exigée. La réalisation d'un dommage accroît simplement l'étendue du champ indemnitaire ( CA Nîmes, 14 sept. 2012, no 12/00633, Molines et a. c/ Assoc. France Nature Environnement). CE, 25 juillet 2013, Association de défense du patrimoine naturel à Plourin, n° 355745 « Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 141-1 et L. 142-1 du code de l'environnement que les associations de protection de l'environnement titulaires d'un agrément attribué dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État justifient d'un intérêt à agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément, dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ; que l'Association de défense du patrimoine naturel

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à Plourin soutient qu'en ne précisant pas ainsi lui-même les conditions dans lesquelles est attribué l'agrément et en soumettant la recevabilité des actions en justice engagées par des associations de protection de l'environnement à un tel agrément délivré par une autorité administrative, le législateur n'aurait pas exercé pleinement la compétence qui lui est confiée par l'article 7 de la Charte de l'environnement et aurait méconnu le droit des associations de protection de l'environnement de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement garanti par l'article 7 de la Charte, le principe d'égalité devant la loi, le droit à un recours effectif, la séparation des pouvoirs et le principe d'indépendance des juridictions ; que toutefois, d'une part, les dispositions législatives contestées, relatives au régime d'agrément des associations de protection de l'environnement, n'entrant pas dans le champ des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement, ces dernières ne peuvent être utilement invoquées ; que, d'autre part, l'article L. 142-1 du code de l'environnement ne conditionne pas la recevabilité des actions en justice des associations de protection de l'environnement à la délivrance d'un agrément par l'autorité administrative, mais se limite à reconnaître une présomption d'intérêt à agir pour contester certaines décisions administratives au bénéfice des associations de protection de l'environnement qui en sont titulaires ; que cette disposition ne fait pas obstacle à ce que les associations non agréées puissent engager des instances devant les mêmes juridictions si elles justifient, comme tout requérant, d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour agir ; que par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; » Lors de la contestation d'un défrichement, il a été admis qu'une association avait intérêt à agir car selon ses statuts, elle exerce une action de protection des milieux naturels sur l'ensemble des bassins versants de la Loire et de la Seine, et qu'un ruisseau alimenté par les ruissellements d'un bois, objet du défrichement, se jette en aval dans l'Yonne, qui coule dans le bassin-versant de la Seine ( TA Dijon, 1re ch., 13 mars 2014, n° 1201089). la seule circonstance que l'objet d'une association ne précise pas de ressort géographique, ne permet pas au juge d'en déduire que l'association a un champ d'action national et qu'elle n'est donc pas recevable à demander l'annulation d'actes administratifs ayant des effets exclusivement locaux ( CE, 17 mars 2014, n° 354596).

une société a été condamnée à une amende contraventionnelle pour exploitation non conforme d'une installation classée ayant entraîné une pollution atmosphérique étendue. Une association s'est constituée partie civile devant le tribunal de police en réclamant la condamnation de la société à lui verser 4 000 euros au titre de son préjudice. Le juge a estimé que cette association ne justifie pas d'une action spécifique lui ayant occasionné un coût particulier en relation avec l'infraction reprochée, seul le préjudice moral doit être réparé. Il fixe les dommages et intérêts à 1 euro ( T. pol. Rouen, 3 avr. 2014, n° 2014/43).

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Section 2 : Indemnisation du préjudice écologique « pur » par le juge judiciaire 67 Notion de préjudice écologique pur Peu à peu, et sous l'influence de la doctrine la notion de préjudice écologique dit « pur » a émergé. Cette nouvelle conception du préjudice écologique, qui s'affranchit de la vision anthropocentrique décrite au numéro 64 prend en compte le dommage causé au milieu lui-même, indépendamment de toute répercussion sur les activités humaines. Selon le professeur Prieur, une distinction doit donc être opérée entre : « les dommages de pollution qui seraient subis par des patrimoines identifiables et particuliers et les dommages écologiques proprement dits subis par le milieu naturel dans ses éléments inappropriés et inappropriables et affectant l'équilibre biologique en tant que patrimoine collectif » (M. Prieur, Droit de l'environnement, Dalloz, 1984). La Cour de cassation dans le cadre de l'affaire du naufrage de l'Erika, l'a pour sa part tout simplement défini comme étant « l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement » ( Cass. crim., 25 sept. 2012, no 10-82.938, no 3439 FP - P + B + R + I). La réparation du préjudice écologique ainsi entendue doit donc englober toute dégradation d'un élément naturel qu'il soit appropriable ou non. L'environnement devient ainsi l'objet direct de la protection sans qu'il y ait besoin de constater des incidences spécifiques sur l'homme. 68 Réparation des atteintes à l'environnement par le biais du préjudice moral ou matériel de certaines catégories de personnes Dans un premier temps, la jurisprudence judiciaire s'est montrée très réticente à l'égard de la notion de préjudice écologique « pur ». Le juge judiciaire se heurtait ainsi au caractère collectif du préjudice ainsi invoqué. L'environnement étant par définition inappropriable, la démonstration d'un préjudice direct et personnel s'avérait plus que délicate. Pour autant, le juge judiciaire n'est pas resté complètement hermétique à toute démarche d'indemnisation des préjudices liés aux atteintes à l'environnement. C'est ainsi qu'il a, en particulier, reconnu, pour certaines catégories de personnes, la possibilité d'obtenir une indemnisation du fait de telles atteintes. Dès 1982, la Cour de cassation estimait qu'une association de défense de l'environnement chargée de la protection des oiseaux subissait un préjudice moral direct et personnel en liaison

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avec le but et l'objet de ses activités à la suite de la mort d'un rapace protégé ( Cass. 1re civ., 16 nov. 1982, no 81-15.550, CORA c/ ACCA de St Martial). En application de cette décision et à la suite de l'adoption des dispositions de l'article L. 142-1 du code de l'environnement qui permettent aux associations de défense de l'environnement d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs, ces dernières peuvent donc prétendre à une indemnisation du préjudice entraînant la lésion des intérêts collectifs décrits dans leurs statuts. A cet égard, la cour d'appel de Nîmes a notamment considéré que la seule atteinte aux intérêts collectifs définis par les statuts de l'association de protection de l'environnement par une ou plusieurs infractions suffit à caractériser le préjudice moral indirect de celle-ci pour voir sa demande accueillie sur le fondement des dispositions de l'article L. 142-2 du code de l'environnement et ce sans que ladite association ne soit tenue de rapporter la preuve d'un préjudice direct, certain et personnel comme en droit commun ( CA Nîmes, 14 sept. 2012, no 12/00633, Molines et a. c/ Assoc. France Nature Environnement). Outre les associations de défense de l'environnement, le juge judiciaire a également reconnu à certains organismes de droit public, assumant en application de l'article L. 132-1 du code de l'environnement, une mission de défense de l'intérêt collectif concernant la protection de l'environnement (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, Office national de l'eau et des milieux aquatiques, agences de l'eau, Office national de la chasse et de la faune sauvage et le Centre des monuments nationaux) ou encore aux parcs naturels régionaux ainsi qu'aux fédérations de chasse et de pêche, le droit à bénéficier d'une indemnisation liée à une atteinte à l'environnement. A de rares exceptions près, les indemnisations versées, dans le cadre de ce courant jurisprudentiel sont sans commune mesure avec la réalité des atteintes à l'environnement constatées et présentent un caractère forfaitaire. Sous cet angle, la démarche mise en œuvre par le juge judiciaire ne conduisait pas « à proprement parler » à une réparation du préjudice écologique pur. Bibliographie : M. Boutonnet et L. Neyret, Préjudice moral et atteintes à l'environnement, Dalloz no 15, 15 avr. 2010. 69 Vers la réparation du préjudice écologique pur ?

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1o Reconnaissance d'un préjudice écologique indépendamment du préjudice moral et matériel Confrontées à une invitation de plus en plus pressante de la doctrine à mettre en œuvre une réparation effective du préjudice écologique « pur », mais également sous l'impulsion de l'adoption de textes tels que la Charte constitutionnelle de l'environnement ou encore la directive 2004/35/CE, certaines juridictions judiciaires ont récemment opté en faveur de solutions plus audacieuses. Ainsi, dans une décision du 4 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Narbonne a expressément réparé le préjudice environnemental subi par le parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée indépendamment de l'indemnisation octroyée à ce parc au titre du préjudice matériel et moral ( TGI Narbonne, 4 oct. 2007, no 935/07, Assoc. ECCLA et a.). Le Tribunal reconnaît ainsi l'existence d'un préjudice écologique individualisé, indépendamment du préjudice moral et matériel subi par la victime. 2o Reconnaissance officielle du préjudice écologique pur dans le cadre de l'affaire de l'Erika a) Jugement rendu en première instance Le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 janvier 2008 concernant l'affaire de l'Erika retient également approche du préjudice écologique individualisé, indépendamment du préjudice moral et matériel subi par la victime ( T. corr. Paris, 11e ch., 16 janv. 2008, no 9934895010, Savarese et a. c/ Conseil général de Loire-Atlantique et a.). Concrètement, le tribunal a octroyé une somme de 1 015 066 euros au département du Morbihan et une somme de 300 000 euros à la Ligue de protection des oiseaux au titre du préjudice résultant des atteintes à l'environnement causées par le naufrage de l'Erika, et ce, indépendamment des préjudices matériel et moral subis par ces plaignants. Salué comme consacrant pour la première fois, la réparation du préjudice écologique « pur », ce jugement n'est toutefois pas dénué d'ambiguïté et il reste possible de s'interroger sur le point de savoir s'il permet d'appréhender correctement la réparation des dommages causés à la nature. Il n'en demeure pas moins que ces décisions traduisent une volonté affichée du juge judiciaire de permettre une meilleure indemnisation du préjudice écologique « pur ». L'articulation d'une telle démarche avec celle envisagée par la loi no 2008-757 du 1er août 2008 qui vise également la réparation des dommages à l'environnement n'est toutefois pas sans soulever certaines interrogations. b) Décision rendue en appel

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Le jugement rendu en première instance a été confirmé et aggravé, mardi 30 mars, par la cour d'appel de Paris ( CA Paris, Pôle 4 chambre 11, 30 mars 2010, no 08/02278, Clemente et a. c/ Conseil général de la Vendée et a.). Elle a en effet confirmé la responsabilité de l'ensemble des acteurs impliqués dans le naufrage du pétrolier l'Erika : soit l'armateur, le gestionnaire, la société de classification et l'affréteur du navire (Total). En revanche, selon la cour d'appel, Total est délié de toute responsabilité civile en application de la convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. La cour ayant cette fois estimé que Total était le véritable affréteur de l'Erika, cela place la compagnie sous la protection de cette convention, qui interdit la mise en cause d'un affréteur, sauf en cas de faute inexcusable du propriétaire. Or une telle faute n'a pas été retenue par la cour. Ce qui aboutit à cet arrêt paradoxal où Total est responsable mais pas coupable. c) Confirmation partielle par la Cour de cassation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel L'affaire a subi un ultime rebondissement lors de l'audience organisée devant la Cour de cassation le 24 mai 2012, l'avocat général soutenant que la loi française du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires (L. no 83-583, 5 juill. 1983 : JO, 6 juill.), sur laquelle se sont appuyés les juges d'appel pour motiver leur décision, ne pouvait pas s'appliquer car elle n'était pas conforme aux conventions internationales signées par la France. Selon lui, seule la loi du pavillon, la loi maltaise en l'occurrence devait s'appliquer en l'espèce. En ce qui concerne, le préjudice écologique, bien qu'il ait été reconnu et indemnisé en appel, l'avocat général considérait en outre qu'il était certes réel mais non indemnisable au regard des conventions internationales de 1969 et 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. La Cour de cassation a rendu sa décision le 25 septembre 2012 ( Cass. crim., 25 sept. 2012, no 10-82.938, no 3439 FP - P + B + R + I) et, pour le plus grand soulagement des parties civiles, n'a pas suivi les réquisitions de l'avocat général. En effet, la Cour a considéré que plusieurs dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer portant sur la protection et la préservation du milieu marin justifiaient l'exercice par la France de sa compétence juridictionnelle, pour sanctionner un rejet involontaire d'hydrocarbure dans cette zone par un navire étranger entraînant un dommage grave dans sa mer territoriale et sur son littoral. Toutes les condamnations pénales prononcées par la cour d'appel le 30 mars 2010, dont celles de la compagnie pétrolière française Total ont été confirmées par la Cour de cassation. En ce qui concerne l'action civile, la Cour a toutefois décidé que l'ensemble des intervenants à l'acte de transport poursuivis devant le juge pénal et ayant commis une faute de témérité pouvaient voir leur responsabilité civile recherchée pour l'ensemble des catégories de

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dommages retenus par la cour d'appel, sur le fondement de la Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dont le juge répressif pouvait faire application. La Chambre criminelle a en conséquence été plus loin que la cour d'appel et a retenu également la responsabilité civile de l'affréteur Total, qui avait, à tort, bénéficié d'une immunité de responsabilité. Le groupe a donc été condamné à réparer les conséquences du dommage solidairement avec ses coprévenus d'ores et déjà condamnés par la cour d'appel. Cette décision a le mérite de reconnaître officiellement l'indemnisation du préjudice écologique pur, qualifié par la Cour comme étant « l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement ». En effet, si la Cour avait suivi les conclusions de l'avocat général, les indemnisations accordées au titre du préjudice écologique, indépendamment de tout dommage économique, auraient été remises en cause et une cassation totale aurait signifié l'impunité pour les pollueurs. les ministres chargés de l'écologie et des transports ont salué cette décision. Concernant le préjudice écologique, les ministres ont indiqué que cette notion dégagée par la Cour de cassation devait être intégrée dans le dispositif législatif. A cet égard, une mission confiée à un comité de juristes spécialistes du droit de l'environnement sera mise sur pied dans les prochains jours ( Communiqué de presse du ministère de l'Écologie, 26 sept. 2012). Bibliographie : M. Boutonnet L'arrêt Erika, vers la réparation intégrale des préjudices résultant des atteintes à l'environnement ? Envir. no 7, juill. 2010. M.-P. Camproux-Duffrène L'évaluation du préjudice écologique par le juge judiciaire Dr. envir. no 183, oct. 2010. C. Huglo Erika : éclairage sur la reconnaissance et la réparation du préjudice écologique Environnement et technique, no 29, mai 2010. S. Mabile Premières considérations sur le préjudice écologique : la décision d'appel dans l'affaire de l'Erika Note sous CA Paris, 31 mars 2010, Dr. envir. no 178, mai 2010. Philippe Delebecque L'arrêt «Erika» : un grand arrêt de droit pénal, de droit maritime ou de droit civil ? Recueil Dalloz no40, 22 nov. 2012. Laurent Neyret Le préjudice écologique : un levier pour la réforme du droit des obligations Recueil Dalloz no40, 22 nov. 2012. Valérie Ravit, Olivier Sutterlin Réflexions sur le destin du préjudice écologique « pur » Recueil Dalloz no 40, 22 nov. 2012. 70

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Nomenclature des préjudices environnementaux En 2006 la Cour de cassation a accueilli un groupe de travail sur la réparation des atteintes à l'environnement qui a mis en évidence un nombre important de décisions de justice favorables à une prise en compte étendue des conséquences du dommage environnemental. De ce constat, est née une nomenclature des préjudices environnementaux, laquelle s'inscrit dans une triple perspective de prévention, de réparation et de sanction. Au-delà de la classification qu'elle propose, la nomenclature permet à tous les acteurs impliqués dans le traitement d'un dommage environnemental de disposer d'un vocabulaire commun reposant sur des définitions partagées, afin de faciliter et d'accélérer le dialogue entre les différents intervenants de l'action environnementale (administrations, avocats, assureurs, magistrats, experts, etc.), en amont et en aval du risque, dans un cadre contentieux ou non. Cette nomenclature repose sur une classification bipartite des conséquences préjudiciables à l'environnement (préjudices causés à l'environnement, d'une part, et préjudices causés à l'homme, d'autre part), ne doit en aucune façon être confondue avec un barème d'indemnisation. La nomenclature consacre donc l'autonomie des préjudices causés à l'environnement qu'elle définit comme l'ensemble des « atteintes causées aux écosystèmes dans leur composition, leurs structures et/ou leur fonctionnement (…) au-delà et indépendamment de leurs répercussions sur les intérêts humains ». Afin d'évaluer l'application de la nomenclature sur le terrain, un Observatoire devrait prochainement être créé. Une circulaire pourrait par ailleurs l'officialiser, telle que l'a été la nomenclature Dintilhac sur les préjudices corporels. Bibliographie : L. Neyret et G. J. Martin Nomenclature des préjudices environnementaux LGDJ, avr. 2012. 71 Inscription du préjudice écologique dans le code civil La reconnaissance du préjudice écologique au sein du droit français a franchi une nouvelle étape le 23 mai 2012, avec la proposition de loi visant à inscrire le préjudice écologique dans le code civil. Le texte propose d'insérer un article 1382-1 dans le code civil donnant un fondement juridique incontestable au préjudice écologique et à son indemnisation. Il ne s'agit en aucun cas de judiciariser à l'excès la vie économique, mais de garantir une meilleure sécurité juridique en même temps qu'une protection efficace de l'environnement qui, comme le rappelle l'article L. 110-1 du code de l'environnement, constitue « le patrimoine commun de la Nation » ( Proposition de loi Sénat no 546, 23 mai 2012).

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Chapitre 2 Rôle du juge judiciaire après la loi no 2008-757 du 1er août 2008 72 Responsabilité environnementale et responsabilité civile A ce stade, il est naturellement particulièrement difficile de prédire comment le mécanisme prévu par la loi no 2008-757 du 1er août 2008 et celui de la responsabilité civile traditionnelle pourront s'articuler. Il peut être néanmoins intéressant d'essayer de dresser, à grands traits, un tableau permettant d'appréhender les territoires respectifs de chacun de ces mécanismes. Section 1 : Territoires réservés 73 Dommages à l'environnement entraînant des répercussions sur les activités humaines Lorsqu'il s'agira d'obtenir la réparation non du préjudice écologique « pur » mais des préjudices matériels ou moraux nés d'un dommage à l'environnement, le droit de la responsabilité civile traditionnelle trouvera naturellement à s'appliquer. En effet, ainsi qu'il a été rappelé, la loi no 2008-757 du 1er août 2008 ne concerne que le dommage spécifiquement causé à l'environnement sans qu'il ne soit porté atteinte par ricochet à des intérêts d'ordre privé. A cet égard, le considérant no 14 de la directive 2004/35/CE précise que le texte ne s'applique pas aux dommages corporels, aux dommages aux biens privés, ni aux pertes économiques et n'affecte pas les droits résultant de ces catégories de dommages. 74 Dommages non couverts par la loi no 2008-757 du 1er août 2008 Ainsi qu'il ressort des développements ci-dessus, la loi no 2008-757 du 1er août 2008 est loin de couvrir l'ensemble des dommages causés à la nature. De nombreuses exclusions sont prévues en raison de la nature des activités exercées, de leur soumission à une convention internationale, de la date du fait générateur du dommage, de leur gravité, etc. Dans ce domaine encore, il est donc possible de penser que le juge judiciaire pourra sur ce terrain faire application des règles de responsabilité civile.

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75 Dommages couverts par la loi no 2008-757 du 1er août 2008 En principe, dans le cadre des dommages couverts par la loi no 2008-757 du 1er août 2008, il ne devrait plus être possible d'obtenir devant le juge judiciaire l'indemnisation du préjudice écologique « pur » dans la mesure où le dommage aura déjà fait l'objet d'une réparation en nature, sauf à admettre que le dommage à l'environnement puisse être réparé deux fois. Certains auteurs se sont clairement exprimés en ce sens. Ainsi, le professeur Trébulle souligne : « il semble que si la responsabilité de droit commun a toujours vocation à permettre la réparation de tous les dommages exclus du champ de la directive, en revanche, il ne soit plus possible d'ordonner, dans le cadre du droit commun, la réparation de ceux des préjudices écologiques purs qui sont visés par la loi » (v. F.-G. Trébulle, cité en Bibliographie ci-dessous). A cet égard, il ne serait pas absurde d'estimer que la transposition de la directive 2004/35/CE puisse conduire à recentrer l'action du juge judiciaire vers l'indemnisation du préjudice moral découlant d'une atteinte à l'environnement. Pour autant, toute intervention du juge judiciaire dans le champ des dommages couverts par la loi no 2008-757 du 1er août 2008 ne saurait être a priori exclue. Bibliographie : F.-G. Trébulle La loi du 1er août 2008 relative environnementale et le droit privé BDEI 11/2008. Section 2 : Zones de conflit potentiel Intervention à titre complémentaire du juge judiciaire Les mesures de réparation mises en œuvre dans le cadre de la loi no 2008-757 du 1er août 2008 n'ont pas nécessairement pour objectif la réparation intégrale du dommage à l'environnement. Ainsi, en matière de dommages aux sols, l'objectif des mesures de réparation vise à éliminer tout risque d'incidence négative grave sur la santé humaine. Dès lors, le juge judiciaire pourrait rester compétent pour la part du dommage non réparée dans le cadre du régime de police administrative créé par la loi. Cette intervention complémentaire du juge judiciaire a été expressément envisagée dans le cadre des travaux préparatoires de la loi (A. Gest, Rapp. Sénat no 916, ann. I, 19 juin 2008).

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Divergences quant à l'appréciation de la gravité du dommage à l'environnement Pour être réparés dans le cadre de la loi 2008-757 du 1er août 2008, les dommages à l'environnement (dommage aux sols, aux eaux, aux habitats et espèces protégés) doivent nécessairement présenter un caractère de gravité suffisant. A cet égard, il n'est donc pas exclu que le juge judiciaire et l'autorité administrative compétente se livrent à une appréciation suffisante du seuil de gravité au risque d'engendrer ainsi un conflit entre le droit de la responsabilité civile et la police administrative des dommages à l'environnement. Précisément, le juge judiciaire, saisi d'une demande de réparation d'un dommage à l'environnement, pourrait estimer qu'un tel dommage ne présente pas un caractère grave et estimer qu'une demande peut donner lieu à une indemnisation sur les bases des règles de droit commun de la responsabilité civile. Dans le même temps, l'autorité administrative compétente pourrait considérer que le seuil de gravité est atteint et qu'il convient de mettre en œuvre les mesures prescrites par la loi no 2008-757 du 1er août 2008. La personne, responsable du dommage serait alors recherchée tant sur le fondement du régime instauré par la loi que sur celui de la responsabilité civile traditionnelle. Si les quelques exemples ci-dessus mentionnés sont loin de présenter un caractère exhaustif, ils permettent toutefois de mesurer les risques qu'impliquera, en terme de sécurité juridique, une mauvaise articulation du mécanisme prévu par la loi no 2008-757 du 1er août 2008 avec les règles traditionnelles de la responsabilité civile. d) L’association agréée peut agir en réparation devant toute juridiction si elle est mandatée par au moins deux personnes subissant un dommage personnel. Le mandat ne peut être sollicité par l’association (art. L.142-3)443.

Jurisprudence

Cass. Civ. 8 juin 2011, Société Alvéa, n° 10-15500

La société Alvéa exploite des dépôts de produits pétroliers qui constituent une installation classée. Au cours d'une inspection effectuée en février 2006, la DRIRE a relevé des non conformités aux prescriptions techniques de l'arrêté préfectoral relatives à la prévention des

443Cf not décret 96-625 du 9 juillet 1996 relatif aux actions en représentation conjointe des associations agréées pour la protection de l’environnement.

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pollutions des sols et des eaux, à la prévention des risques d'incendie, d'explosion et à la limitation de leurs effets. A la suite d'un arrêté de mise en demeure datant de mai 2006, la société Alvéa, qui a restructuré son exploitation, a démantelé les cuvettes de rétention et les installations non conformes. Toutefois, en septembre 2007 les associations France nature environnement et Sources et rivières du Limousin ont fait assigner la société Alvéa, sur le fondement de l'article L.142-2 du code de l'environnement, pour obtenir réparation du préjudice moral qu'elles ont subi du fait de l'atteinte portée par ces infractions aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre. La Cour de Cassation considère que la Cour d’appel « a exactement déduit que le non respect

des dispositions de l'arrêté préfectoral pris au ti tre de la réglementation des installations

classées, en ce qu'il était de nature à créer un ri sque de pollution majeure pour

l'environnement, et notamment pour les eaux et les sols, portait atteinte aux intérêts

collectifs que les associations avaient pour objet de défendre ». Selon la Cour, cette seule

atteinte suffit à caractériser le préjudice moral i ndirect des associations que l'article

L.142-2 du code de l'environnement permet de répare r.

Mais surtout la circonstance que l'infraction ait c essé à la date de l'assignation demeure sans

conséquence sur l'intérêt des associations à agir p our obtenir la réparation intégrale du

préjudice subi que la Cour d’appel a souverainement fixé, en fonction non pas de la gravité des

fautes de la société Alvéa mais de l'importance et de la durée des défauts de conformité des

installations.

Seule une illégalité qui porte une atteinte spéciale et caractérisée à une association de protection de l’environnement peut ouvrir droit à réparation (CAA Marseille, 14 avril 2011, MA01897, Dr.env. n° 192, p. 208) Nécessité pour une association de protection de l’environnement d’avoir un intérêt à agir actuel (CA Rouen, 31 mars 2011, Esso Raffinage c/ FNE , n° 1002214 (Dr env. n° 192, p. 208 et comm B. Steinmetz. Dr. Env. n° 200, avr. 2012, pp. 132-134). Travaux au cœur d’un parc. Assèchement d’une zone humide. Les prévenus qui avaient asseché une zone humide avaient été reconnus coup.ables de toutes les infractions qui leur étaient reprochées (sauf une). L’assoc. FNE a interjeté appel néanmoins. FNE fondait son action sur l’art. L. 142-2 C ; env.. La CA énonce que « cette

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disposition institue un régime dérogatoire au droit commun de la resp. civi. Délictuelle de l’art. 1382 C. civ. Puisque cette disposition autorise une assoc. Agrée (…) d’obtenir la raparation non seulmenet de son pré »judice direct mais indirect. (…) Dès lors la seule atteinte aux intérêts collectifs définis par les statuts de l’assoc. (…) suffit à caractériser le préjudice moral indirect de celle-ci pour voir sa demande de réparation accueillie sans que la dite assoc soit tenue de rapporter la preuve d’un préjudice direct, certain et personnel. Ce régime dérogatoire conduit à apprécier de facon extensive le dommage de l’assoc. et à prendre en compte les risques d’atteinte à l’env. que les infractions commises ont créé ou créent pour l’envir., qu’ainsi la constatation d’un dommage avéré au milieu naturel n’est pas une condition exigée pour faire prospérer la demande. La réalisaiton d’un dommage accroit simplement le champ indemnitaire. L’assoc FNE étaitn ainsi bien fondée à réparer l’intégralité de son préjudice. CA Nimes, 14 sept. 2012, Molines et ROuvières Le non-respect des dispositions d’un l'arrêté préfectoral est de nature à créer un risque de pollution majeur pour l'environnement. Ainsi, le préjudice moral indirect aux intérêts collectifs que l'association a pour objet de défendre est caractérisé ( CA Metz, 3e ch., 26 janv. 2012, no 08/02461, SA Lorraine matériel ferroviaire c/ Assoc. France Nature Environnement et a.)

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Dernièrement est apparue un autre type de responsabilité au niveau

communautaire : la responsabilité environnementale.

Chapitre 1 – La responsabilité administrative

Pouvoirs de police générale du maire

Obligation pour le maire de faire usage de son pouvoir de police générale pour faire cesser les nuisances En l’espèce, le maire de la commune refusait implicitement de faire usage des pouvoirs de police de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales pour, à la demande du voisinage, faire cesser les nuisances nées de la présence d'un dépôt de matériaux combustibles et plastiques, de plusieurs véhicules à l'état d'épave, et de l'installation irrégulière de caravanes et de mobile homes. Après avoir constaté que le maire avait été alerté du risque de pollution des sols et du risque d’incendie, le juge confirme que le maire doit faire usage de ses pouvoirs de police pour faire cesser ces nuisances. CAA Bordeaux, 6e ch., 16 janv. 2014, n° 13BX00105

Section 1 – La directive n° 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité

environnementale en ce qui concerne la prévention e t la réparation des

dommages environnementaux 444

444 Sur cette directive, voyez notamment B. DROBENKO, Responsabilité en matière d’environnement, in Répertoire Dalloz, Responsabilité de la puissance publique, septembre 2009, 25 p. ; C. JARLIER- M.-A. GAUTIER-SICARI, « La directive sur la responsabilité environnementale : originalités et incohérences d’un régime juridique novateur », BDEI, n° 4, 2004, pp. 10-18 ; L. KRÄMER, « Directive 2004/35 on environmental liability and environmental principles », TMA, 2005, pp. 131-134 ; M. MOREAU, « La nouvelle directive européenne sur la responsabilité environnementale », Mouv. Com., 2005, pp. 418-421 ; C. PIROTTE, «La directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale : premiers commentaires » in Les responsabilités environnementales dans l’espace européen, Schulthess-Bruylant-L.G.D.J., Bruxelles, 2006, pp. 655-730 ; N. de SADELEER, « La directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale : avancée ou recul pour le droit de l’environnement des Etats membres , ibidem, pp. 731-777 ; M. PRIEUR, « La responsabilité environnementale en droit communautaire », REDE, 2004, pp. 129-141 ; P. STEICHEN, « La directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et de la réparation

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§ 1 - La détermination des activités susceptibles d ’engendrer le dommage

La directive vise 2 catégories d’activités professionnelles, les activités

professionnelles à risque et les autres activités professionnelles.

Les activités professionnelles sont définies comme « toute activité exercée dans le

cadre d’une activité économique, d’une affaire ou d’une entreprise, indépendamment

de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif ».

a) Les dommages causés par les activités profession nelles à risque

Les activités « à risque » sont les activités qui sont mentionnées à l’annexe III de la

directive 2004/35 et qui sont réglementées au plan communautaire.

Sont visées les activités économiques obligatoirement soumises à autorisation en

vertu de la directive n° 2010/75 du 24 novembre 201 0 relative aux émissions

industrielles (« IED ») 445. Il s’agit en particulier de toutes les activités énumérées à

annexe I de cette dernière446 .

Cela vise donc les industries d’activités énergétiques, la production et transformation

des métaux, industrie minérale, l’industrie chimique, la gestion des déchets et autres

activités diverses (comme le traitement de la pate à papier, l’élevage intensif, les

stations d’épuration autonomes de ces activités).

Les activités liées aux déchets retiennent particulièrement l’attention. Outre les

opérations d’élimination des déchets déjà visés par la directive IED, la directive sur la

responsabilité environnementale étend la responsabilité objective aux opérations de

des dommages environnementaux : un droit de compromis pour une responsabilité nouvelle », Aménagement-Environnement, n° spécial 2004, pp. 109 -127. 445 Directive 96/61/CE du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution (dite IPPC), devenue la directive n° 200 8/1/CE du 15/01/08 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution. 446

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gestion des déchets dangereux et non dangereux, incluant le ramassage, le

transport, la valorisation et l’élimination des déchets.

D’autres opérations sont visées comme notamment les rejets, soumis à permis, de

substances dangereuses dans les eaux de surface ou souterraines, la fabrication,

l’utilisation (…) et le rejet dans l’environnement de produits chimiques,

phytopharmaceutiques et biocides, le transport de marchandises dangereuses,

l’utilisation des OGM, le rejets de substances polluantes dans l’air par certaines

installations industrielles, etc .

L’ensemble de ces activités étant réglementé au plan communautaire, l’objectif visé

est d’améliorer l’application des règles de transposition dans chacun des Etats

membre.

Outre le caractère nécessairement arbitraire lié à la délimitation des seuils des

activités dangereuses, les difficultés liées à la détermination exacte des activités

concernées ne doivent pas être négligées. De plus, toutes les activités portant

atteinte au milieu naturel ne figurent pas nécessairement dans la catégorie des

activités dangereuses.

La directive s’applique non seulement « aux dommages causés à l’environnement par

l’une des activités professionnelles énumérées à l’annexe III mais également « à la

menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités ». En

intégrant la menace imminente des dommages à l’environnement, le législateur

communautaire s’est donné les moyens d’introduire un élément direct de prévention

dans le système de responsabilité environnementale.

b) Les dommages causés par les autres activités pro fessionnelles

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La directive s’applique également « aux dommages causés aux espèces et habitats

naturels protégés, par l’une des activités professionnelles autres que celles

énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages, lorsque

l’exploitant a commis une faute ou une négligence ».

La directive instaure un système de responsabilité pour tout acte ou omission causant

un dommage à la biodiversité protégée au plan communautaire ou national, ou

susceptible de causer un tel dommage, à partir du moment où cet acte ou omission

est considéré comme fautif.

A la différence de la situation précédente, il n’est pas nécessaire que les activités

soient réglementées au plan communautaire. Il importe peu également que leur

dangerosité soit établie. En revanche, seules les activités exercées à titre

professionnel sont concernées.

§ 2 – Un système de responsabilité limité par les exclusions et les dérogations

Une première limitation du champ d’application de la directive réside dans un certain

nombre d’exclusions générales. Mais c’est surtout à travers les mécanismes

dérogatoires offerts à la libre appréciation des Etats que le régime de responsabilité

trouve ses véritables limites.

La toute première exclusion est d’ordre temporel. La directive ne s’applique pas

- Aux dommages survenus avant la date d’entrée en vigueur de la directive, soit

le 30 avril 2007 ;

- Aux dommages survenus après cette date, lorsqu’ils résultent d’une activité qui

a été exercée et menée à son terme avant cette date ;

- Aux dommages lorsque plus de 30 ans se sont écoulés depuis l’émission,

l’évènement ou l’incident ayant donné lieu au dommage.

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La directive exclut de son champ d’application les dommages résultant de situations

déjà saisies par une série de conventions internationales. Il s’agit notamment des

conventions relatives aux dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, du

transport de marchandises dangereuses (annexe IV) et des conventions touchant le

domaine nucléaire (annexe V).

Une seconde catégorie d’exclusion est traditionnelle et touche aux conflits armés,

hostilités, guerre civile . Sont également exclues les activités menées dans l’intérêt de

la sécurité internationale ou de la défense nationale. La pollution des sites militaires

restera donc à l’écart du système.

La directive tient également hors de son champ d’application les risques ou

dommages résultant de phénomènes naturels « de nature exceptionnelle, inévitable

et irrésistible » ainsi que les activités dont l’unique objet est d’assurer la protection

contre les catastrophes naturelles.

La troisième catégorie réside dans l’exclusion des dommages ou des menaces

imminentes de dommages causés par une pollution à caractère diffus, lorsqu’il est

impossible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des

différents exploitants. La jurisprudence a toutefois limité la restriction.

La Cour de justice a eu l’occasion de préciser, dans un arrêt du 9 mars 2010447, ERG

qu « une règlementation d’un Etat membre peut prévoir que l’autorité compétente a la

faculté d’imposer des mesures de réparation des dommages en présumant un lien de

causalité entre la pollution constatée et les activités de l’exploitant ou des exploitants,

et ce en raison de la proximité des installations de ces derniers avec la pollution ».

447 CJCE, 9 mars 2010, ERG, C 6 378/08, C 379/98 et C 380/08, comm. P. STEICHEN, RJ.E 3/2010, p 503.

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En outre, l’article 8 de la directive confère aux Etats la faculté de prévoir que les

exploitants ne sont pas responsables s’ils respectent leur autorisation ou bien si le

risque était inconnu à l’époque où l’activité a eu lieu.

La première option permet d’alléger le système de la responsabilité objective par un

mécanisme d’autorisation exonératoire. Le mécanisme opère à deux conditions :

l’exploitant doit apporter la preuve qu’il n’a pas commis de faute ou de négligence

fautive et, de surcroît qu’il respecte toutes les conditions de son autorisation.

La deuxième cause d’exonération est liée au risque de développement448 et est

laissée à la libre appréciation des Etats, leur permettra d’exonérer l’exploitant « s’il

apporte la preuve qu’il n’a pas commis de faute ou de négligence, et que le dommage

est dû à une émission ou une activité ou tout mode d’utilisation d’un produit dans le

cadre d’une activité dont l’exploitant prouve qu’elle n’était pas considérée comme

susceptible de causer des dommage à l’environnement au regard de l’état des

connaissances scientifiques et techniques au moment où l’émission ou l’activité a eu

lieu » .

Les auteurs qualifient de « risque développement » celui que le fabriquant ne pouvait

connaître au moment de la mise de son produit sur le marché compte tenu des

données de la science . Pour F. Ewald « Le caractère le plus neuf du risque de

développement réside dans le fait d’avoir à prendre en considération une

transformation dans la connaissance, dans la conscience, dans la perception qui

transforme la réalité » .

448 La question du risque développement n’est pas inconnue du droit communautaire. En effet, la directive n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relativ e à la responsabilité du fait des produits défectueux, qui instaure un système de responsabilité objective du producteur, en raison du défaut de son produit, contient le même système d’exonération, permettant d’écarter la responsabilité du producteur s’il prouve « que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit ne lui a pas permis de déceler l’existence du défaut » .

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L’exclusion ne pourra jouer, à notre sens que si l’exploitant s’est donné les moyens

d’acquérir la connaissance indispensable à la prévention des risques. A défaut, il sera

tenu d’assurer la réparation des dommages causés à l’environnement.

§ 3 - La mise en œuvre de la réparation des dommag es environnementaux

La mise en œuvre de la prévention et de la réparation des dommages passe, d’une

part, par la détermination de la nature des ressources à protéger et, d’autre part, par

la détermination de la personne habilitée à exercer cette protection.

A – La remise en état du patrimoine écologique

Le dommage environnemental est l’une des notions les plus difficiles à cerner, d’une

part au regard du caractère imprécis de la notion d’environnement et, d’autre part, au

regard de la particularité de ce type dommage. La directive, contournant cet obstacle,

crée sa propre définition du dommage entendu comme une « modification négative

mesurable d’une ressource naturelle ou une détérioration mesurable d’un service lié à

des ressources naturelles, qui peut survenir de manière directe ou indirecte » .

La directive détermine ensuite, à partir de la notion de « dommage environnemental»,

les composantes visées par le système.

1°) Il s’agit d’aborde des dommages causés aux espè ces et habitats naturels

protégés en vertu des directives « Oiseaux » et « Habitats ».

Il s’agit de zones écologiques qui font en France l’objet d’un arrêté de désignation de

la part du Ministre de l’Environnement, en qualité de Zone de Protection Spéciale

pour les oiseaux sauvages (qui représentent actuellement 2, 2 % du territoire) et de

Zone Spéciale de Conservation pour les habitats et les espèces (actuellement 7, 7 %

du territoire) au titre du réseau Natura 2000.

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Il pourra s’agir également d’autres zones désignées par les Etats à des fins de

protections équivalentes. Le dommage doit avoir affecté gravement l’état de

conservation favorable des habitats ou espèces.

2°) Entrent également dans le champ d’application d e la directive les dommages

affectant les eaux, « à savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative

l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux

concernées, tels que définis dans la directive 2000/60/CE » .

3°) Sont enfin concernés « les dommages affectant l es sols, à savoir toute

contamination des sols qui engendre un risque d’incidence négative sur la santé

humaine du fait de l’introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de

substances, préparations, organismes ou micro-organismes ».

Si la pollution de l’air n’est pas expressément mentionnée dans le corps de la

directive, son préambule énonce que « les dommages environnementaux

comprennent également les dommages causés par des éléments présents dans l’air,

dans la mesure où ils peuvent causer des dommages aux eaux, aux sols ou aux

espèces et habitats naturels protégés ». C’est donc la retombée des différentes

particules présentes dans l’air qui permettra le déclenchement du système de

responsabilité environnementale.

Dans tous les cas, la restauration devrait viser à restaurer, réhabiliter ou remplacer

les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés dans les

conditions fixées à l’annexe II. Si de longs développements sont consacrés aux

modes de réparation des habitats ou espèces et à la ressource en eau, les modalités

de réparation des sols pollués sont très succinctes.

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Pour les premiers, la remise en état initial de l’environnement peut prendre trois

formes, la réparation primaire, complémentaire et compensatoire.

La réparation primaire, dont l’objectif est la remise en état du patrimoine écologique

atteint, peut être obtenue au moyen d’actions spécifiques ou par le biais de la

régénération naturelle.

La réparation complémentaire n’est entreprise que si la première n’a pas lieu.

L’objectif est de fournir un niveau de ressources naturelles ou de services

comparable à celui qui a été endommagé, y compris, éventuellement, sur un autre

site.

La réparation compensatoire enfin vise à compenser les pertes provisoires en

attendant la régénération, soit par des améliorations sur le site lui-même soit sur un

autre site. Le choix de l’option de réparation, évaluée à l’aide des meilleures

technologies disponibles, sera effectué en tenant compte d’une série de critères,

notamment économiques, sanitaires, sociaux et environnementaux.

Pour ce qui concerne les sols, la directive communautaire, prévoit que les objectifs de

réparation doivent tendre à ce que les sols, « compte tenu de leur utilisation actuelle

ou prévue pour l’avenir au moment où les dommages sont survenus, ne présentent

plus de risque grave d’incidence négative sur la santé humaine ».

Une procédure d’évaluation des risques permettra d’apprécier la dangerosité

potentielle du site. L’utilisation du site actuelle ou prévue sera déterminée en fonction

des règles d’affectation des sols ou, le cas échéant, de la nature de la zone et de son

potentiel de développement.

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