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La cession de créance et la cession de dette – Oct. 2006 Par Aude Guiroudou Master Pratiques Juridiques et Judiciaires Promotion 2006-2007 – Nîmes L’obligation est avant tout un lien de droit entre deux personnes. Pendant longtemps cette dimension a été la seule prise en compte par le droit. Tout changement de sujet actif ou passif d’un tel lien de droit paraissait impossible puisqu’il entraînait une rupture du lien. Il était seulement admis, dans le cadre de la continuation de la personne du défunt, la transmission active et passive à titre universel mais pour la cession entre vifs cela a été plus difficile. Le Droit Romain est passé par des voies détournées afin d’admettre la cession d’une créance. En effet il a crée la novation par changement de créancier. Il s’agissait de procéder à l’extinction de l’obligation existante et à la création d’une obligation nouvelle au profit du nouveau créancier. Mais il y avait des effets indésirables comme la disparition des sûretés assorties à la créance. Les Romains ont imaginé aussi de passer par un mandat avec dispense de rendre compte qui était appelé « procuratio in rem suam ». Mais son inconvénient était d’être révocable et de devenir caduc en cas de décès du mandant avant son exécution. Au fur et mesure l’idée de cession fut reconnue mais en y ajoutant certaines spécificité du à sa particularité comme la notification au débiteur lui enjoignant de payer à l’échéance au cessionnaire afin que le débiteur ne reste pas étranger à la convention et que par conséquent il s’acquitte de sa dette entre les mains du cédant plutôt que du cessionnaire. Dans l’Ancien droit cette notification tenait lieu de « traditio » qui correspondait à la remise matériel de la chose et donc au transfert de propriété car à cette époque la vente n’était pas par elle-même translative de propriété. Le caractère cessible des créances fut définitivement reconnu par le Code civil avec toutes ces spécificités comme l’opposabilité au débiteur (tiers au contrat de cession) par la signification. Seules certaines variétés particulières de cessions sont dispensées de ce formalisme tel que les titres négociables et la cession fiduciaire des créances professionnelles. Mais toute cette évolution ne concerne que la cession de créance puisque le droit positif émet certaines réticences quant à la cession de dette qui n’est pas la simple symétrie de la

Droit des obligations, La Cession de Créance Et La Cession de Dette

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Droit des obligations, article sur la Cession de Créance Et La Cession de Dette

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La cession de créance et la cession de dette – Oct.

2006

Par Aude Guiroudou – Master Pratiques Juridiques et

Judiciaires

Promotion 2006-2007 – Nîmes

L’obligation est avant tout un lien de droit entre deux

personnes. Pendant longtemps cette dimension a été la seule

prise en compte par le droit. Tout changement de sujet actif ou

passif d’un tel lien de droit paraissait impossible puisqu’il

entraînait une rupture du lien.

Il était seulement admis, dans le cadre de la continuation de la

personne du défunt, la transmission active et passive à titre

universel mais pour la cession entre vifs cela a été plus

difficile.

Le Droit Romain est passé par des voies détournées afin

d’admettre la cession d’une créance. En effet il a crée la

novation par changement de créancier. Il s’agissait de procéder

à l’extinction de l’obligation existante et à la création d’une

obligation nouvelle au profit du nouveau créancier. Mais il y

avait des effets indésirables comme la disparition des sûretés

assorties à la créance.

Les Romains ont imaginé aussi de passer par un mandat avec

dispense de rendre compte qui était appelé « procuratio in rem

suam ». Mais son inconvénient était d’être révocable et de

devenir caduc en cas de décès du mandant avant son exécution.

Au fur et mesure l’idée de cession fut reconnue mais en y

ajoutant certaines spécificité du à sa particularité comme la

notification au débiteur lui enjoignant de payer à l’échéance au

cessionnaire afin que le débiteur ne reste pas étranger à la

convention et que par conséquent il s’acquitte de sa dette entre

les mains du cédant plutôt que du cessionnaire.

Dans l’Ancien droit cette notification tenait lieu de « traditio »

qui correspondait à la remise matériel de la chose et donc au

transfert de propriété car à cette époque la vente n’était pas par

elle-même translative de propriété.

Le caractère cessible des créances fut définitivement reconnu

par le Code civil avec toutes ces spécificités comme

l’opposabilité au débiteur (tiers au contrat de cession) par la

signification. Seules certaines variétés particulières de cessions

sont dispensées de ce formalisme tel que les titres négociables

et la cession fiduciaire des créances professionnelles.

Mais toute cette évolution ne concerne que la cession de

créance puisque le droit positif émet certaines réticences quant

à la cession de dette qui n’est pas la simple symétrie de la

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cession de créance. En effet s’il parait indifférent pour un

débiteur de payer à tel créancier plutôt qu’un autre, il n’en

n’est pas de même pour un créancier s’il change de débiteur.

Cependant même si le droit positif pose une réserve de principe

quant à la cession de dette, cette dernière n’est pourtant pas

interdite et les techniques juridiques ne manquent pas.

Il est donc important de traiter chacune de ces deux opérations

afin d’en comprendre clairement le mécanisme juridique. Il

sera judicieux d’étudier tout d’abord la cession de créance (I)

qui est aujourd’hui devenue une opération commune même si

elle reste complexe, puis la cession de dette (II) qui est une

opération particulière admise avec des réserves.

I/ LA CESSION DE CREANCE :

La cession de créance est une convention ou un créancier (le

cédant) cède à un tiers (le cessionnaire) ces droits et actions

contre son débiteur (le débiteur cédé).

La créance est ici considérée comme un bien, une

marchandise, la cession de créance peut donc être considérée

comme une forme particulière de vente. Elle est d’ailleurs dans

le chapitre du Code civil traitant de la vente.

La cession de créance est un moyen pour le créancier de

mobiliser sa créance et donc d’en percevoir sa contre valeur par

anticipation, il peut la vendre, la donner, la léguer, échanger ou

encore en faire un apport en société. Elle peut aussi avoir pour

finalité l’extinction d’une dette et constituer un moyen de

paiement (cas particulier de dation en paiement). Elle peut

aussi être constitutive d’une sûreté comme par exemple la

cession de garantie de la loi Dailly.

Il existe différentes formes de cession, la cession de droit

commun (A) réglementé par le Code civil et qui a comme

terme générique la cession de créance, puis les cessions de

créances simplifiées (B) caractérisée par un formalisme moins

rigide.

A/ Cession de créance de droit commun :

Afin d’étudier clairement cette cession de créance il convient

de voir les conditions (1) et les effets (2).

1) les conditions de la cession de créance de droit

commun :

Il a été vu ci-dessus que la cession de créance pouvait être

comparée à la vente donc comme pour cette dernière il est

important de voir les conditions de validité de cette cession

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entre les parties (a) puis dans les rapports entre les parties et les

tiers (b).

a) les conditions de la cession de créance entre

les parties :

La cession de créance est avant tout un contrat ou les parties

sont le cédant et le cessionnaire. Ce contrat est soumis au droit

commun des obligations et il doit donc respecter les conditions

de validités liées au consentement, à l’objet, la cause et la

capacité. Il n’y aucune formalité requise pour sa validité entre

les parties et le droit commun de la preuve1 s’applique à la

cession de créance.

En ce qui concerne la créance, celle-ci doit être cessible. En

principe toute créance quelle qu’en soit la nature, l’objet ou les

modalités peut être cédée en totalité ou en partie. Même la

possibilité d’un litige relatif à son existence ou à sa validité

n’est pas un obstacle.

La créance doit être certaine mais peut être futur si elle est

déterminable au moment où elle prend naissance2.L’acte de

cession doit contenir tous les éléments qui permettent de

déterminer la créance lorsqu ‘elle naît.

Mais il existe des créances incessibles :

- La créance alimentaire d’origine légale ou judiciaire

telles que les pensions alimentaire et certaines

prestations sociales comme les allocations familiales,

du fait de leur caractère personnel.

- Les créances de salaire et de traitements car les salariés

ne peuvent céder l’intégralité de leurs salaires à une

tierce personne (montant déclaré par la loi comme

insaisissable3), ceci vaut aussi pour les substituts de

salaire et pension de retraite.

Par contre une créance de somme d’argent peut faire l’objet

d’une cession comme les loyers.

Les parties peuvent aussi prévoir des clauses d’incessibilité

dans leur contrat qui interdirait la cession de créance. Mais

qu’en est-il de cette clause d’incessibilité ? Est-elle admise ?

L’acceptation de cette clause est discutée par la doctrine mais

la solution est donnée le plus souvent par la loi4 qui valide ou

pas cette clause.

1 Cf. art 1341 du Code civil. 2 Cf. Cass. civ. 1°, mars 2001, Bull. civ. I, n°76 : Des créances futures ou

éventuelles peuvent faire l’objet d’un contrat, sous la réserve de leur

suffisante identification. 3 Cf. art L145-2 du Code du travail. 4 Cf. art L416-1 du Code rural et art L442-6 II c) du Code de commerce qui

interdisent toute clause d’incessibilité. Par contre en droit des sociétés

l’incessibilité est une nécessité et ces clauses sont admises art L621-19 du

Code de commerce.

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b) Les conditions de la cession de créance dans

les rapports entre les parties et les tiers :

La cession de créance peut être opposable aux tiers selon

l’article 1690 du Code civil5. Cette opposabilité est

subordonnée aux formalités précisées dans ce même article qui

sont de deux ordres :

- La signification au débiteur cédé de la cession par le

cessionnaire qui ce fait par acte d’huissier. La

jurisprudence a précisé que les notifications faites dans

la même forme et faisant mention de la cession pouvait

être assimilées à la signification tel que l’assignation6,

le commandement aux fins de saisie7.

- L’acceptation de la cession par le débiteur cédé dans un

acte authentique.

Par contre les formalités sont inutiles entre les parties à la

cession.

L’article 1690 du Code civil permet d’informer les tiers a la

cession, le débiteur cédé en premier lieu mais aussi d’autre

personne comme par exemple un autre cessionnaire ou les

créanciers chirographaires du cédant

Le débiteur cédé : si il y a défaut des formalités de l’article

1690 du Code civil celui-ci peut ignorer la cession et continuer

de payer le créancier initial (le cédant). La cession ne faisant

naître aucun droit contre lui, elle lui est indifférente. Jusqu’à la

signification ou l’acceptation la cession n’a d’effet qu’entre les

parties. Le débiteur cédé est tenu de payer le créancier cédant si

celui-ci réclame la créance même s’il est informé de la

cession8. Il peut en revanche refuser de payer le cessionnaire

mais la jurisprudence admet que le cessionnaire peut exigé

paiement du cédé, dés lors que ce paiement ne fait grief ni au

débiteur cédé, ni à d’autre tiers9. Cette jurisprudence expose le

débiteur cédé à payer sa dette deux fois mais en réalité le

paiement au cédant ou au cessionnaire serait opposable au

cessionnaire ou au cédant.

L’article 1691 du Code civil précise que si le débiteur a payé

sa dette au cédant avant que le cédant ou le cessionnaire lui ait

signifié le transport de la dette, le débiteur sera valablement

libéré.

5 Cf. art 1690 du Code civil « Le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers

que par la signification du transport faite au débiteur.

Néanmoins le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du

transport faite par le débiteur dans un acte authentique. » 6 Cf. com. 18 février 1969, D.1969.354. 7 Cf. civ.2°, 4 janvier 1974, Bull. civ, n°3. 8 Cf. civ.3°, 12 juin 1985, Bull. civ, n°95. 9 Cf. civ.3°, 26 février 1986, JCP 1986.II.20607, note B. Petit.

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Enfin après l’accomplissement de l’une des formalité de

l’article 1690 du Code civil le cédé devient débiteur du

cessionnaire et n’a plus de compte à rendre au cédant.

Les autres tiers à la cession : Il s’agit ici des créanciers du

cédant ou du deuxième cessionnaire de la même créance.

Pour les autres cessionnaires le conflit est réglé comme en

matière de publicité foncière c'est-à-dire au profit de celui qui a

accomplie en premier les formalités de l’article 1690 du code

civil10

.

Pour les créanciers du cédant il faut exclure les créanciers

ordinaires à qui la cession est individuellement opposable11

et

les ayants cause à titre universel du cédant (co-représentant de

la personne du cédant). Mais elle vise les ayants cause à titre

particulier qui sont des personnes ayant acquis du cédant un

droit de créance (créanciers saisissants, créanciers en cas de

faillite). Si les formalités de l’article 1690 du Code civil ne

sont pas réalisées la cession de créance leur est inopposable car

pour eux cette créance est toujours dans le patrimoine de leur

co-contractant et il ne pourront donc pas prendre des mesure

conservatoire.

En revanche si ces formalités sont réalisées, les ayant cause ne

pourront plus exercer de droit sur la créance qui a été transférée

dans le patrimoine du cessionnaire. Il existera donc un conflit

de droit entre le cessionnaire et les créanciers du cédant qui ce

réglera suivant les droits du créancier. En effet un créancier

nanti aura la priorité su le cessionnaire si le nantissement est

constitué avant l’accomplissement des formalités de l’article

1690 du Code civil, par contre un créancier qui réalise une

saisie attribution ne pourra l’emporter sur cette créance face au

cessionnaire une fois les formalités de l’article 1690

accomplies.

Quant aux créanciers chirographaires du cédant, la cession de

créance leurs est inopposable si les formalités de l’article 1690

n’ont pas été respectées12

. En revanche, l’absence de

signification de la cession de créance au débiteur principal

n’affectant pas l’existence de la dette ne libère pas la caution

solidaire qui à elle-même reçu signification de cette cession de

créance13

.

2) Les effets de la cession de créance de droit commun :

a) le transfert de créance :

La cession de la créance entraîne le transfert de la créance et de

la qualité de créancier. En même temps qu’est transmis la

10 Cf. com. 19 mars 1980: Bull. civ. IV, n°137. 11 Cf. art 2092 et 2093 du Code civil. 12 Cf. Cass. Ass. Plén. 14 févr. 1975: D. 1975, p.349; Gaz. Pal. 1975, 1, p.

342, note Brault. 13 Cf. Cass. 1° civ, 4 mars 2003: Bull. civ. I n° 61

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créance, les accessoires de celle-ci le sont aussi14

tels que les

sûretés, les actions en justice, les intérêts et les garanties qui

peuvent renforcer l’efficacité de la créance.

Mais la cession nouvelle ne donne pas plus de droit au

cessionnaire que ceux conféré au cédant par application du

principe d’opposabilité des exceptions (Nemo plus juris). Les

nullités et vice affectant l’obligation cédée demeurent (nullité,

rescision, prescription, compensation…).

Selon l’article 1295 du Code civil, alinéa 1°, le débiteur qui a

accepté la cession ne peut plus opposer au cessionnaire les

opérations qu’il eût pu opposer au créancier cédant (débiteur

originel). Si il accepte la cession c’est qu’il a renoncé à ces

opérations.

Par contre selon l’alinéa 2 de ce même article, si l’opération est

née antérieurement à la signification de la cession, celle-ci peut

être opposable au cessionnaire.

Il y a aussi transmission de la clause compromissoire si elle

existée dans le contrat initial car le cessionnaire est investi de

toutes les prérogatives du cédant15

.

b) La cession de créance pose des obligations à la

charge du cédant :

Il est tenu de l’existence de la créance16

et il supporte la charge

de la preuve de la créance cédée17

. Cette obligation de garantie

se limite à l’existence de la créance et aux garanties attachées.

Enfin il n’a pas l’obligation de garantir la solvabilité du

débiteur18

.

Les parties peuvent limiter (clause d’acquisition à ses risques et

périls19

) ou moins étendre la garantie s’il le désir. Ils peuvent

aussi la renforcer20

.

c) La cession de créance litigieuse :

L’article 1699 du Code civil traite des créances litigieuses

c'est-à-dire lorsqu’une procédure relative à leur existence ou

leur validité est engagée au jour de la cession selon l’article

14 Cf. art 1692 du Code civil « La vente ou cession d’une créance comprend

les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. » 15 Cf. Cass. 1° civ. 5 janvier 1999 : Bull. civ. I, n°1 « La clause

compromissoire s’impose au cessionnaire puisqu’elle lui a été transmise

avec la créance. » 16 Cf. art 1693 du Code civil. 17 Cf. Cass.com, 29 mars 1994 : Bull.civ.IV, n°126. 18 Cf. art 1694 du Code civil. 19 Cf. art 1629 du Code civil. 20 Cf. art 1695 du Code civil « lorsqu’il a promis la garantie de la solvabilité

du débiteur, cette promesse ne s’étend que de la solvabilité actuelle et ne

s’étend pas au temps à venir, si le cédant ne l’a expressément stipulé. »

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1700 du Code civil. Pour la jurisprudence la contestation doit

être antérieure à la cession21

et elle doit porter sur un élément

essentiel du droit et non sur une modalité accessoire de ce

droit22

.

B/ Les cessions de créance simplifiées :

Le formalisme de l’article 1690 ne correspondant pas au besoin

de rapidité et de simplicité de la pratique, surtout en droit

commercial, d’autres cessions de créance sont nées tels que les

titres négociables (1) et les créances professionnelles par

bordereau (2).

1) Les titres négociables :

Certaines créances sont constatées dans des titres dits

négociables, qui sont transmis plus facilement.

La pratique des affaires leurs à donnée naissances et a permis

par ce type de cession de créance une forte protection du

titulaire et une efficacité accrue.

En effet le titulaire du titre ne peut ce voir opposer par le

débiteur les exceptions dont celui-ci aurai pu ce prévaloir

contre le cédant mais rien ne s’oppose à l’application de

l’article 1690 du Code civil.

De plus les garanties du cédant sont souvent plus fortes

puisque par exemple les endosseurs successifs d’un effet de

commerce sont de plein droit solidaires du paiement au profit

du bénéficiaire de l’endos23

.

Il existe plusieurs formes de titre négociable :

a) Le titre nominatif :

Ici le droit de créance est constaté par une inscription au nom

du créancier sur un registre tenu par le débiteur et la cession du

titre ce fait par voie de transfert du nom du cédant au nom du

cessionnaire.

b) Le titre au porteur :

Le droit de créance est incorporé dans le titre, les personnes ne

sont pas nommément désignées. Leur mode de négociation est

la tradition c'est-à-dire la remise du titre entre les mains du

cessionnaire. Ce passage d’une main à l’autre suffit pour

caractériser la cession.

21 Cf. Cass. com. 15 janvier 2002: Bull. civ. IV, n° 10. 22 Cf. Cass. com. 26 février 2002: Bull. civ. IV, n°41. 23 Cf. art. L.511-10 C. com.

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Le droit civil l’admet sauf texte contraire comme par exemple

la loi n° 75-519 du 15 juin 1976 qui prohibe les « grosses au

porteur ».

c) Le titre à ordre :

Le bénéficiaire du titre est désigné à la suite d’une mention

spécifique (« veuillez payer à l’ordre de … »). C’est une

technique très utilisée en droit commercial, droit maritime et en

droit des assurance24

.

Les principaux titres à ordre sont les effets de commerce tels

que la lettre de change, et le billet à ordre.

Pour transmettre le titre il faut réaliser un endossement c'est-à-

dire la signature au dos du titre par le cédant. Mais il existe des

régimes dérogatoires comme pour les valeurs mobilières

(actions, obligation…) qui sont dématérialisées et se négocient

donc par ordre de virement de compte à compte.

2) Les créances professionnelles :

La loi du 2 janvier 1981, modifiée par la loi bancaire du 24

janvier 1984, dite loi Dailly a créé une nouvelle forme

simplifiée de cession de créances professionnelles afin de

faciliter le crédit aux entreprises. Elle a instituée le bordereau

Dailly qui permet à une entreprise de céder à sa banque ses

créances sur ces clients afin d’obtenir du crédit ou de céder ces

créances à titre de nantissement pour garantir un crédit, tout ça

sans avoir à respecter les formalités de l’article 1690 du Code

civil.

Cette loi est aujourd’hui codifiée à l’article L.313-23 et

suivants du Code monétaire et financier.

Cette technique permet de pallier aux rigidités de formalités de

l’article 1690 du Code civil ainsi que le coût de fabrication et

de manipulation devenu trop lourd pour les banques des effets

de commerce.

La cession de créance est constatée par un bordereau

comportant quelques mentions obligatoires, signé par le cédant.

La remise de ce bordereau entraîne le transfert des créances

entre les parties. La cession prend effet immédiatement entre

les parties et devient opposable aux tiers à la date du

bordereau25

. De plus le porteur bénéficie du principe de

l’inopposabilité des exceptions.

La cession du bordereau Dailly doit respecter certaines

conditions relatives à sa validité et ces effets sont assez

spécifiques.

24 Cf. C. assur, art L. 112-5. 25 Cf. art. L.313-27 C. mon. et fi.

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a) les conditions du bordereau Dally :

1/ conditions de forme :

Cette cession doit comporter certaines mentions énumérées aux

articles L.313-23, alinéa 3 et L.313-25 du Code monétaire et

financier. Le bordereau doit être écrit sinon il sera impossible

de respecter les exigences de ces mentions obligatoires.

Le bordereau Dailly ne respectant pas ce formalisme vaut

cession ou nantissement de créance valable entre les parties

mais est inopposable aux tiers.

De même si il n’est pas signé celui-ci n’à aucune valeur sauf

celle d’un projet d’acte. La date doit aussi être précisée car la

cession ou le nantissement prend effet entre les parties et est

opposable aux tiers à cette date26

.

Le bordereau doit aussi comporter le nom et la dénomination

sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire27

.

Enfin le bordereau de cession ne comportant pas la bonne

dénomination et où l’une des mentions obligatoires fait défaut

ne vaut pas acte de cession et ne peut être invoqué pour

demander paiement au débiteur28

.

2/ conditions de fond :

Celles-ci sont différentes selon qu’il s’agit de céder ou de

nantir des créances professionnelles ou des créances

financières :

- La cession ou le nantissement de créances

professionnelles :

Selon l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier toutes

créances peuvent être transmises par voie de bordereau Dailly,

il suffit que le cédant soit titulaire d’une créance.

Il faut que la créance soit professionnelle (caractère élargi par

la réforme du 24 janvier 1984), c'est-à-dire qu’il s’agisse d’une

dette professionnelle ou le créancier et le débiteur sont eux-

mêmes professionnels.

La créance doit être liquide et exigible mais elle peut aussi

résulter d’un acte déjà intervenu ou à intervenir dont le

montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés.

Les créances cédées peuvent être recouvrables à l’encontre de

plusieurs tiers.

Enfin le domaine des créance pouvant être incluse dans un

bordereau Dailly n’est pas limité mais l’établissement de

fausses factures est un faux en écriture de commerce et sa

26 Cf. art. L.313-27 du Code monétaire et financier. 27 Cf. Cass. com. 23 oct. 2001: Bull. civ. IV, n°172; D.2001, act. Jurispr. P.

3430, obs. A. Lienhard; D. 2002, somm. p. 2046, obs. J. Lemée. 28 Cf. Cass.com. 11 janvier 2000: Bull. civ. IV, n°141.

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production en vu d’obtenir un crédit est une escroquerie pour

le Code pénal.

- La cession de créances financières :

Il s’agit d’un acte qui permet de constater les créances résultant

de crédit à court terme consentis par une banque ou un

établissement de crédit ce qui permettra à cette banque ou cet

établissement de crédit d’obtenir un refinancement c'est-à-dire

d’obtenir des liquidités sur la foi de ce document.

Attention ici il ne s’agit pas d’effet de commerce29

.

b) Les effets du bordereau Dally :

1/ Les effets de la cession ou du nantissement de créances

professionnelles :

Depuis la loi de 1984, le constituant du bordereau Dally et le

cédant sont garants solidaires du paiement des créances

professionnelles cédées ou nanties30

.

Les sûretés attachées aux créances cédées ou nanties sont

transférées au cessionnaire, y compris les clauses de réserves

de propriété. L’article L.313-24, alinéa 2 du Code monétaire et

financier dispose que sauf convention contraire, le signataire

de l’acte de cession est garant solidaire du paiement des

créances cédées, ce dont il résulte qu’en l’absence de collusion

frauduleuse entre le cessionnaire et le cédant, la dette n’a pas

une nature délictuelle31

.

La cession de créance ou le nantissement est opposable au tiers

à la date portée sur le titre.

Le débiteur à la possibilité de régler le cédant et ce dernier doit

recouvrer la créance puis en assurer le règlement au

cessionnaire en tant que mandataire du cessionnaire.

Le cédant ayant la qualité de mandataire n’assume aucune

obligation de garantie mise à part celles de l’existence de la

créance et de la solvabilité du cédé.

Le cessionnaire peut notifier la cession ou le nantissement au

débiteur cédé et exiger un second paiement s’il règle le

créancier d’origine (La Cour de cassation semble allez dan ce

sens et donner ces prérogatives au banquier bénéficiaire du

bordereau).

Cette cession empêche la compensation des créances non

connexes postérieures à la notification32

d’où l’importance de

celle-ci.

Par contre la notification au débiteur ne crée aucune obligation

à sa charge et il n’est pas privé du droit d’opposer une

exception ou encore de nier la réalité de la créance. Le seul

moyen pour le cessionnaire afin d’éviter ces risques et de faire

29 Cf. Cass. com. 15 déc. 1992 : Bull. civ. IV, n° 408. 30 Cf. art. L. 313-24 du Code monétaire et financier. 31 Cf. Cass. com. 22 janvier 2002: Bull. civ. IV, n°16. 32 Cf. Cass. com. 26 avril 1994: Bull.civ. IV, n°152.

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accepter le nantissement ou la cession par le débiteur cédé.

Cette acceptation à lieu par écrit dans les formalités de l’article

L.313-29 du Code monétaire et financier et si il est exprès et

régulier, le débiteur ne pourra plus opposer les exceptions

fondées sur se rapports personnels avec le signataire du

bordereau.

2/ Les effets de la cession de créances financières :

Ce type de cession permet d’obtenir un refinancement qui peut

ce faire de deux manières :

A l’aide du titre de mobilisation (billet à ordre ou lettre de

change comme support des créances professionnelles

regroupées sur le bordereau). Le transfert des créance est

subordonné à la mise à disposition du bordereau constatant ces

créances puis ces dernières sont transmises par tout moyen à

l’organisme de refinancement.

Le refinancement peut aussi ce faire à l’aide d’un acte de

cession de créance financières ce qui permet au banquier de

mobiliser des crédits à court terme car l’acte de cession est la

matérialisation des créances que la banque détient sur son

client professionnel.

II/ LA CESSION DE DETTE :

La cession de dette permet au cédant de transmettre au

cessionnaire une ou plusieurs dettes avec tous leurs

accessoires. Jusqu’ici cette opération apparaît comme le simple

reflet de la cession de créance. Pourtant cette cession pose des

difficultés puisque si le fait de changer de créancier importe

peu, le fait de changer de débiteur est plus discutable contenu

de sa qualité, de ses activité ou encore de son patrimoine.

De plus aucun texte, Code civil y compris, ne prévoit la

possibilité d’une cession de dette ce qui démontre la réserve de

principe du droit positif quant à cette opération (A). Mais

comme tout principe celui-ci peut être écarté (B).

A/ La réserve de principe :

La réserve émise par le droit positif ce fait vis-à-vis de la

substitution des débiteurs (1), pourtant il existe plusieurs

variétés de cession de dette (2).

1) la substitution du débiteur :

La cession de dette paraît discutable dans le sens ou on ne voit

pas quel est l’intérêt du cessionnaire d’assumer la dette du

cédant. De plus la substitution de débiteur que provoque cette

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cession peut être un danger pour le créancier cédé puisque le

nouveau débiteur peut ne pas avoir les mêmes garanties.

Enfin il ne faut pas négliger les dangers de fraudes, ainsi que le

manque d’information du créancier et comment imposer à

celui-ci un nouveau débiteur sans son accord.

Mais la cession de dette à un intérêt pratique comme dans les

opérations de crédit où le nouvel acquéreur d’un immeuble

peut récupérer le prêt restant à courir de celui qui vend

l’immeuble.

D’ailleurs il existe plusieurs variétés de dette.

2) Les variétés de cession de dette :

Il existe plusieurs variétés de cession de dette :

La cession de dette imparfaite : un nouveau débiteur est ajouté

à l’ancien. Le créancier dispose donc de deux débiteurs, un à

titre principal (le cessionnaire) et l’autre à titre secondaire (le

cédant).

La cession de dette parfaite : le nouveau débiteur vient

remplacer l’ancien. Ici le créancier doit accepter ce

remplacement.

La cession de dette plus que parfaite : le créancier n’a pas à

consentir au changement de débiteur car celui-ci s’opère de par

la loi.

L’existence de ces différentes variétés démontre bien que la

réserve de principe a été dépassée.

B/ Le dépassement du principe :

La loi et le contrat (1) ainsi que certaines techniques originales

(2) ont démontré la nécessité de la cession de dette et ont mis à

mal la réserve de principe sur cette opération.

1) Le dépassement résultant de la loi et du contrat :

Dans la cession d’un bail commercial régit par le code de

commerce celui-ci entraîne la cession de créance ainsi que la

cession de dette et interdit au bailleur de s’opposer à cette

cession. Donc ici la loi autorise de manière sous jacente la

cession de dette mais si certains auteurs pensent que cette

analyse n’est pas correcte puisque la cession de bail est avant

tout une cession de contrat qui est une opération singulière et

autonome.

Dans un contrat rien n’interdit aux parties de convenir à une

cession de dette par des accords particuliers, la seule obligation

afin que la cession soit parfaite étant de prévenir le créancier

cédé et d’obtenir son consentement à l’acte.

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La cession de dette imparfaite est aussi admise33

.

2) Le dépassement résultant du recours à des techniques

originales :

Il existe plusieurs types de techniques comme l’indication de

paiement, la délégation ainsi que la stipulation pour autrui.

Pour l’indication de paiement, le débiteur indique simplement à

son créancier qu’une tierce personne paiera pour son compte34

.

Le créancier ne peut en principe s’y opposer et il n’a aucun

droit contre le tiers. Quant au débiteur il n’est pas libéré de sa

dette tant que le paiement n’est pas intervenu dans son

intégralité.

La délégation est une opération tripartite par laquelle un

débiteur, appelé le délégant, va donner l’ordre à son propre

débiteur, le délégué, de régler pour lui son créancier, le

délégataire35

. Il faut un engagement du délégué mais celui-ci

peut être tacite.

La délégation permet un paiement anticipé ou la constitution

d’une garantie.

L’exemple type de délégation est le paiement par carte

bancaire.

La délégation n’opère pas le transfert de la créance mais créée

une obligation nouvelle et autonome entre le délégué (tiers) et

le délégataire (créancier) et non cession de dette. Le créancier à

donc deux débiteurs, le délégué et le déléguant. Du fait que la

délégation créée une obligation nouvelle et autonome, il y a

inopposabilité des exceptions36

.

La délégation peut être parfaite et imparfaite, elle sera

imparfaite lorsque le débiteur originaire est toujours engagé

envers le créancier malgré la délégation et elle sera parfaite

lorsque le délégataire renonce à son droit contre le délégant

(débiteur originaire) et accepte de ne conserver pour seul

débiteur le délégué.

Enfin la stipulation pou autrui est la convention par laquelle, le

débiteur (stipulant) peut obtenir de son cocontractant

(promettant) l’engagement de payer sa dette au créancier (tiers

bénéficiaire). Comme les deux hypothèses précédentes il ne

s’agit pas d’une véritable cession de dette puisqu’il s’agit d’une

obligation nouvelle entre le promettant et le tiers bénéficiaire

33 Cf. TGI Strasbourg, 24 mars : D. 1973, p 16. 34 Cf. art. 1277, al. 1° du Code civil. 35 Cf. art. 1275 du Code civil. 36 Cf. Cass. com. 22 avr. 1997: Bull. civ.IV, n° 98; Defrénois 1997, p.1002,

note D. Mazeaud.

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et celle-ci n’est pas assortie des sûretés qui garantissent la dette

initial.

Ces différentes techniques sont-elles alors de véritables

cessions de dettes, puisque la réticence vis-à-vis de ce

mécanisme dénature ces pratiques en tant que cession de dette.

La cession de créance et la cession de dette sont des opérations

importantes de transmission de l’obligation mais il ne faut pas

oublier l’étude de la subrogation personnelle.

ANNEXES :

- « Droit des obligations » régime général, 3° édition de

Philippe Delebecque et Frédéric- jérôme Pansier,

Objectif Droit, Litec.

- « Droit civil les obligation » Précis Dalloz de François

Terré, Philippe Simler et Yves Lequette.

- « Droit des obligations » cours, Dalloz, de Rémy

Cabrillac.