59
LES PRINCIPAUX APPORTS DE LA RÉFORME DU DROIT DES SÛRETÉS

Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

LES PRINCIPAUX APPORTS DE LARÉFORME DU DROIT DES SÛRETÉS

Page 2: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit dessûretés ne révolutionne pas la matière.

Elle comporte néanmoins un certain nombre d'innovations qui intéresseront lesspécialistes du droit des procédures collectives (elles entreront en vigueur, pourl'essentiel, le 1er janvier 2022).

Tout en favorisant la dématérialisation de la constitution des sûretés (C.civ., art.1175 nouveau), l'ordonnance modifie de manière substantielle les règlesrégissant les suretés pour autrui et les sûretés pour soi-même.

Page 3: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

I. La réforme des sûretés pour autrui

A. S'agissant des sûretés pour autrui, les innovations concernentessentiellement le cautionnement, le législateur ayant étonnamment renoncé àdétailler le régime des autres sûretés personnelles ou à consacrer des principescommuns à toutes les sûretés personnelles, voire à toutes les sûretés.

Page 4: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Pour l'essentiel, l'ordonnance refond en profondeur les dispositions relatives auxmentions manuscrites et à l'obligation d'information de la caution après laconclusion du contrat (C. civ., art. 2302 et 2303 nouveaux).

Elle instaure un devoir général de mise en garde des créanciers professionnels auprofit des cautions personnes physiques lorsque l'engagement du débiteur estinadapté à ses capacités financières (C. civ., art. 2299 nouveau) et revient sur lasanction du cautionnement disproportionné aux "revenus et au patrimoine" de lacaution, en retenant, plutôt qu'une déchéance totale sauf cas de retour à meilleurefortune (V.C. consom., art. 2299), ce qui est loin de constituer une sanction dissuasive.

Quant au bénéfice de subrogation, il est cantonné par la précision que "la caution nepeut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté" (C. civ.,art. 2314 nouveau).

Page 5: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Afin de "contredire certaines solutions jurisprudentielles vues comme sourcesd'insécurité juridique" (selon le rapport au Président de la République), l'ordonnanceréécrit le texte relatif à l'opposabilité des exceptions par la caution.

Le principe devient que "la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions,personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur...)" (C. civ., art.2298,al. 1, nouveau, qui entend renverser les solutions retenues dans plusieurs arrêts,notamment: Cass. ch. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602: JurisData n°2007-039197.-Cass.com., 22 mai 2007, n°06-12.196: JurisData n°2007-038960.-Cass.com., 22 nov. 2007, n°6-18.079 : JurisData n°2007-041657.- Cass. com., 13 oct. 2015, n°14-19.734: JurisData n°2015-022385- Cass. 1re civ., 20 janv. 1998, n°96-10.433: JurisData n° 1998-000330).

Page 6: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Par exception à ce principe, le texte précise : "Toutefois la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dontbénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spécialecontraire" (c. civ., art. 2298, al. 2, nouveau, qui est présenté par le Rapport précité comme"globalement conforme u droit positif").

Cette dernière règle, d'interprétation stricte, a vocation à permettre de combler leslacunes des textes spéciaux, notamment du Code de commerce.

Sa mise en oeuvre suscitera néanmoins des difficultés compte tenu du caractèreSIbyllin de la référence aux mesures "dont bénéficie le débiteur en conséquence desa défaillance" et aux résultats déroutants auxquels le texte paraît conduire.

Page 7: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

B. Au-delà du cautionnement, l'ordonnance apporte une pierre à l'appréhensionde la "sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers" (pour reprendre uneformule jurisprudentielle : Cass. ch. mixte, 2 déc. 2005, n°03-18.210: Jurisdata n° 2005-031111, qui repousse l'expression "cautionnement réel").

Contrairement à l'avant-projet qui l'a inspirée (Avant-projet de réforme du droitdes sûretés, art. 2291), l'ordonnance du 15 septembre 2021 ne fait pas de cettesûreté un "cautionnement " à proprement parler.

Page 8: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Néanmoins, le régime de la figure se rapproche de celui du cautionnement, puisquele nouvel article 2325 lui rend applicable, outre les règles de la sûreté réelleconsidérée (V. infra, II), les dispositions des articles 2299, 2302 à 2305-1, 2308 à 2312et 2314" c'est à dire les règles relatives au devoir de mise en garde, à l'obligationd'information, au bénéfice de discussion, aux recours après paiement et au bénéficede subrogation (ne sont en revanche pas concernés les textes relatifs à laproportionnalité, au bénéfice de discussion au "reste à vivre", à l'extinction de lasûreté et, de manière plus étonnante, à l'opposabilité des exceptions par le garant).

Ces dispositions ont vocation à tarir le débat sur la nature juridique de la figure,encore que l'analyse retenue se trouve singulièrement atténuée, voiremaladroitement contredite, par l'autre ordonnance du même jour ayant plusspécifiquement trait aux procédures collectives (Ord. n° 2021-1193, 15 sept.2021portant modification du livre VI du Code de commerce, présentée in Act. proc. coll. 2021,n°17).

Page 9: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

II. La réforme des sûretés pour soi-même

A. L'ordonnance n°2021-1192 affecte également les sûretés accordées par ledébiteur lui-même, en particulier les sûretés dites "préférentielles".

Pour ce qui les concerne, la réforme procède notamment à la suppression d'uncertain nombre de sûretés ou régimes spéciaux : gage commercial, gage del'outillage et du matériel, gage de stocks, gage de véhicules automobiles (pourlesquels une règle particulière de publicité demeure), certains warrant (pétroliers,hôteliers, etc.), hypothèques légales (frais de fournitures de subsistance, la plupartdes hypothèques légales entre époux etc.) et privilèges (frais de dernière maladie,créances des victimes d'un accident, etc.).

Page 10: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Les sûretés qui échappent à cette abrogation massive font l'objet d'une cure dejouvence : abandon de la nullité du nantissement de fonds de commerce non publiédans les 30 jours (C. com., art. L. 142-4, nouveau), simplification de la constitution dessûretés réelles par une personne morale ( C. civ., art. 2326, nouveau, qui généralise larègle de l'article 1844-2 du Code civil), précision que les frais de justice ne sont privilégiésque "sous la condition qu'ils aient profité au créancier auquel le privilège est opposé"(C. civ. art. 2331, nouveau inspiré de Cass. com., 17 nov. 1970: Bull. civ. IV, n°305),limitation du privilège du bailleur d'immeuble aux biens appartenant au locataire (C.civ., art. 2332 nouveau), facilitation de la vente des biens gagés "lorsque le gage estconstitué en garantie d'une dette professionnelle" (C. civ., art. 2346 nouveau),transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales nonrétroactives (C. civ., art. 2402 nouveau), pleine admission de l'hypothèque de biens àvenir (C. civ., art. 2419 nouveau), efficacité à l'égard des créanciers hypothécaires dugage de meuble immobilisé par destination (C. civ., art. 2419 nouveau), opposabilité parle tiers détenteur de toutes les exceptions appartenant au débiteur "comme lepourrait une caution" (C. civ., art. 2455 nouveau) etc.

Page 11: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

On notera également, l'annonce par le Rapport au Président de la République de laprochaine "mise en place par décret d'un registre unique des sûretés mobilières" - quidevrait faciliter la tâche des professionnels souhaitant connaître les sûretés publiéessur les biens d'un débiteur.

De manière plus énigmatique, tout en déclarant que les nantissements ne confèrentpas de droit de rétention (C. civ., art. 2355 nouveau, inspiré de Cass. com., 26 nov.2013,n°12-27.390: JurisData n°2013-027323), l'ordonnance accorde paradoxalement un teldroit au créancier garanti par un nantissement de créance (C.civ., art.2363 nouveau)-sans que l'on comprenne comment celui-ci a vocation à être exercé sur un bien quidemeure incorporel.

Ce droit de rétention supposant néanmoins la notification du nantissement, laquestion reste posée de savoir si celle-ci peut intervenir après le jugement d'ouvertured'une procédure collective.

Page 12: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

B. La réforme des sûretés réelles affecte également les sûretés dites "exclusives". A ce titre, l'ordonnance renverse la jurisprudence de la Cour de cassation quiempêchait le sous acquéreur d'un bien vendu sous réserve de propriété d'opposerau réservataire les exceptions issues de sa propre dette (Cass. com., 13 oct. 2015,n°14-19.734: JurisData n°2015-022385- Cass. 1re civ., 5 juin 2007, n°05-21.349:JurisData n° 2007-039239. - Cass. com., 18 janv. 2011, n°07-14.181: JurisData n°2011-000535).

Il pourra désormais "opposer au créancier les exceptions inhérentes à la detteainsi que les exceptions nées de ses rapports avec le débiteur avant qu'il ait euconnaissance du report." (C. civ., art.2372 nouveau, inspiré des articles 1324 et 1346-5relatifs aux opérations sur créance).

Page 13: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Le fonctionnement de la "fiducie à titre de garantie" se trouve également assoupli:non seulement sa constitution ne suppose plus l'évaluation du bien (C. civ., art. 282-2 et 2488-2 nouveaux), mais son dénouement se trouve parfait par la précision que"si le fiduciaire ne trouve pas d'acquéreur au prix fixé par expert, il peut vendre lebien ou led roit au prix qu'il estime, sous sa responsabilité, correspondre à savaleur" (C. civ., art. 2372-3 et 2488-3 nouveaux).

Page 14: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

En marge de cette sûreté, l'ordonnance accueille également deux nouvelles sûretésfiduciaires : la "cession de somme d'argent à titre de garantie" (C. civ., art. 2374 à2374-6 nouveaux) et la "cession de créance à titre de garantie" (C. civ., art. 2373 à 2373-3 nouveaux).

La première, offre un cadre légal plus précis à la pratique du "dépôt de garantie". Quant à la seconde, son introduction vise à briser la jurisprudence de la Cour decassation qui était défavorable à l'admission de la cession de créance à titre degarantie en droit commun (Cass. com., 19 déc. 2006, n°05-16.395: JurisData n°2006-036663.-Cass. com., 26 mai 2010, n°09-13.388: JurisData n°2010-007246).

Nul doute que nombreux seront les créanciers qui pratiqueront cette nouvelle sûretédont l'efficacité, annoncée, risque de compromettre les chances de sauvetage denombreuses entreprises (V. cependant, pour les créances nées postérieurement aujugement d'ouverture, C. com., art. L. 622-21, IV, nouveau).

Page 15: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Procédure de sortie de criseLe cadre juridique L'article 13 de la loi n°2021-689 du 31 mai 2021, relative à la gestion de sortie de crise, ainstauré une une procédure de traitement de sortie de crise destinée aux entreprises detaille relativement modeste qui fonctionnaient de façon satisfaisante avant la criseéconomique.

Cette procédure s'adresse aux entreprises dotées d'une comptabilité fiable et qui, bienqu'en cessation des paiements, sont néanmoins en mesure de payer leurs créancessalariales. Le modèle est celui de la procédure de redressement judiciaire mais avec une initiativeréservée au chef d'entreprise et une période d'observation ne devant pas excéder 3 mois.Le débiteur doit être en mesure de présenter un projet de plan assurant la pérennité deson entreprise dans ce délai.

Ouverture de la procédure et période d'observation

Page 16: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Dans cette procédure, le débiteur doit réaliser un inventaire de ses biens (sauf dispensedu tribunal) et dresser la liste de ses dettes en début de procédure.

Un seul mandataire de justice est désigné, exerçant les fonctions de mandataire judiciaireet d'administrateur (avec au plus une fonction de surveillance). Un bilan d'étape est réalisé au plus tard dans les 2 mois du jugement d'ouverture. Les règles sur les revendications sont écartées et le régime général des contrats en coursn'est repris que pour en faciliter le maintien. Le processus de vérification du passif passe par un signalement de ses dettes par ledébiteur au mandataire de justice désigné.

Seules les créances ainsi listées sont susceptibles de subir des délais de paiement dans lecadre du plan (à l'exception des créances de salaire, des créances alimentaires, des créancesdélictuelles et des petites créances, V. L. n°2021-689, 31 mai 2021, art. 13, IV, B). Plusieurs point restaient à préciser par voie réglementaire, ce à quoi s'emploient deuxdécrets du 16 octobre 2021.

Page 17: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Les textes

Le décret n°2021-1355 confirme d'abord les plafond qui avaient été pressentis.Sont concernées les entreprises dont le total de bilan n'excède pas 3 millionsd'euros à la date de clôture du dernier exercice comptable et dont l'effectifn'excède pas 20 salariés à la date du jugement d'ouverture.

Pour ce qui est de l'élaboration du plan , ce même décret effectue un renvoi auxtextes gouvernant le règlement des créances publiques, tout en réservant aumandataire désigné le soin de saisir la commission des chefs des services financiers(D. n° 2021-1355, 16 oct. 2021, art. 4).

Page 18: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Le décret n°2021-1354 édicte pour sa part un certain nombre de dispositionsspécifiques à la procédure de traitement de sortie de crise (D. n°2021-1354, 16 oct.2021, art. 1er à 24); il détaille les dispositions réglementaires des titres 2 et 3 du livreVI du Code de commerce qui s'appliquent à cette procédure (D. n°2021-1354, 16 oct.2021, art. 25 à 26) et fixe les règles relatives aux voies de recours (D. n° 2021-1354, 16oct. 2021, art. 27 à 33) et aux émoluments du mandataire de justice désigné danscette procédure (D. n° 2021-1354, 16 oct. 2021, art. 34 à 42).

Il liste tout d'abord les pièces que le débiteur doit présenter au soutien de sademande (D. n° 2021-1354, 16 oct. 2021, art. 1er).

Aux documents accompagnant classiquement un dépôt de bilan, le texte ajoute uncompte de résultat prévisionnel, une justification ou attestation du paiement descréances salariales antérieures au jugement d'ouverture et le détail des créances àrecouvrer et des dettes exigibles dans les 30 jours de la demande.

Page 19: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Le décret prévoit aussi, lorsque les comptes du débiteur ne sont pas certifiés par uncommissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable, la possible désignation parle tribunal d'un organe chargé de contrôler leur qualité.Il précise également le formalisme du jugement d'ouverture et sa notification.

L'article 6 du même décret impose au débiteur de déposer la liste de ses créanciers augreffe dans les 10 jours de l'ouverture de la procédure ; il complète par ailleurs lesindications que ce dernier doit fournir pour chacune de ses dettes qu'il signale. Le texte précise aussi le contrôle annoncé par la loi devant être réalisé sur la liste descréances. Il s'agit d'un contrôle du mandataire désigné au vu des documents comptables del'entreprise.

Page 20: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Les créanciers recevront du mandataire l'extrait de la liste les concernant, par LRAR oupar le biais du portail électronique mis en place par le CNAJMJ (D. n° 2021-1354, 16 oct.2021, art. 7). Ils auront un mois pour actualiser leur créance ou pour contester auprès dumandataire le montant signalé par le débiteur, le point de départ de ce délai étant laplus tardive des deux dates suivantes: celle de la publication du jugement d'ouvertureau BODACC ou celle de la communication faite par le mandataire au créancier. Le juge commissaire tranchera les contestations, sur saisine du mandataire, dudébiteur ou du créancier.Le décret n'est pas plus précis sur ce point mais il indique que les recours applicablescontre l'ordonnance du juge commissaire seront portés devant le tribunal de laprocédure collective (D. n° 2021-1354, 16 oct. 2021, art. 25, II, renvoyant à C. com., art. R.621-21).

Page 21: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Quant aux créances non signalées par le débiteur et dont le mandataire désignéaurait néanmoins connaissance, le mandataire doit inviter le créancier concerné, s'ilpeut l'identifier, à préciser les caractéristiques de sa créance; il informe sans délai lejuge commissaire des omissions du débiteur de nature à remettre en cause laqualité des comptes ou à compromettre la continuité de l'exploitation. Est également rappelé la possibilité pour le mandataire de renoncer au baild'exploitation, permettant à tout intéressé de demander au juge commissaire leconstat de la résiliation du bail, la créance de dommages et intérêts du bailleur étantalors portée sur la liste des créances établie par le débiteur (D. n°2021-1354, 16 oct.2021, art. 9).

Page 22: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

La consultation des créanciers pour l'élaboration du plan est également aménagée.le délai de 30 jours imparti aux créanciers pour répondre aux demandes d'effortsformulées par le mandataire désigné (C. com., art. L. 626-5) peut être réduit à 15jours sur décision du juge commissaire.

Quant au montant maximum des créances insusceptibles de faire l'objet de remisesou de délais, le décret le fixe par renvoi à l'article R. 626-34 du Code de commerce (D.n° 2021-1354, 16 oct. 2021, art. 26, III), soit actuellement 500 €.

Page 23: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'impact

On se bornera ici à quelques observations sur le processus d'établissement dupassif.

Se confirme ici la volonté d'une procédure extrêmement rapide. Le processus est inversé puisque les créanciers n'ont pas à déclarer leurs créances. Le débiteur a tout intérêt à n'omettre aucune de ses dettes puisque les créanciersnon signalés ne subiront plus la discipline collective une fois la procédure achevée :le plan ne peut en effet affecter les créances antérieures que si elles ont étésignalées par le débiteur. C'est au créancier de réagir s'il entend contester les indications du débiteurrelatives au montant ou (et) à la nature de sa créance. Que penser de cette nouvelle logique et de sa mise en oeuvre?

Page 24: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'avertissement adressé au créancier par le mandataire désigné doit, certes,indiquer les modalités et délais de contestation, mais il ne mentionne nullement lesconséquences d'une absence de contestation dans les délais. Or, ces conséquences sont redoutables puisqu'une fois le délai écoulé sansréaction du créancier, la créance sera traitée dans le plan telle qu'elle a été signaléepar le débiteur.Apparaît en germe une sorte "d'autorité de la chose signalée", sur laquelle il auraitété bon, à notre sens, d'alerter le créancier.On observera également qu'aucun mécanisme de relevé de forclusion n'estenvisagé par les textes. Pareillement, aucune augmentation à raison des distances n'est prévue, les textesconnus étant à notre avis inapplicables (CPC, art. 643 et 645. - C. com., art. 622-24).

Page 25: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Enfin, rien n'est dit sur le sort des avertissements adressés aux créanciers à uneadresse erronée (celle indiquée par le débiteur).Sur ce point, il faudra sans doute appliquer les dispositions de l'article 668 du Codede procédure civile, lequel énonce que la date d'une notification par voie postale "est,à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de clui à qui elle estfaite, la date de réception de la lettre".C'est à dire que si l'adresse du créancier signalée par le débiteur est erronée, il faudraconsidérer que la notification n'aura pas été faite à l'égard du créancier qui n'aurapas reçu la lettre (Comp. cass. 2e civ., 25 janv. 2007, n° 04-20.318: JurisData n°2007-037178; Procédures 2007, comm. 105, obs. R. Perrot). Il en résultera que ce créancier sera toujours dans les délais pour contester lesénonciations du débiteur relatives à sa créance. Cela devrait au moins inciter les débiteurs à fournir des indications précises aumandataire désigné.

Page 26: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

On peine par ailleurs à comprendre la portée des dispositions de l'article 8 du décret,qui invite le mandataire désigné à contacter le créancier non signalé par le débiteur,pour lui demander des précisions sur sa créance.S'agit-il d'incorporer cette créance à la liste établie par le débiteur pour la soumettreaux dispositions du plan? Si telle est la volonté des rédacteurs du décret, il aurait été bon de le dire clairement.Ce serait d'ailleurs contraire, à notre sens, à l'esprit du texte de loi qui commande dene soumettre au plan que les créances signalées par le débiteur. Pour l'indemnité due au bailleur subissant la résiliation de son bail, l'article 9 dudécret est un peu plus clair puisqu'il précise que la créance de dommages et intérêtsdu bailleur est portée par le mandataire désigné sur la liste des créances établie parle débiteur. Elle sera donc a priori soumise aux dispositions du plan. Mais le texte donne aussi le sentiment que c'est le mandataire désigné qui procède àl'évaluation de cette créance, ce qui est pour le moins curieux.

Page 27: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

On regrettera enfin que le texte ne désigne pas précisément qui, du créancier, dudébiteur ou du mandataire désigné, doit saisir le juge commissaire de la contestationformulée par le créancier, et qu'il ne précise pas non plus les conséquences d'uneabsence de saisine de ce juge dans les délais.

Pareillement, le choix de porter les recours contre les ordonnances du jugecommissaire devant le tribunal de la procédure collective plutôt que devant la courd'appel suscite l'interrogation. S'il s'agit de gagner du temps, on risque fort d'être déçu puisque, avec ce schéma devoies de recours, il sera encore possible de former appel du jugement statuant sur lerecours formé contre l'ordonnance du juge commissaire (Cass. com., 7 févr. 2012, n°10-26.164 : JurisData n° 2012-001693).

Page 28: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Cessation des paiements - action en report

L'article L. 631-8, alinéa 2, du Code de commerce disposant que la date de cessationdes paiements peut être reportée une ou plusieurs fois, il s'en déduit que l'existenced'une décision d'irrecevabilité ou de rejet d'une demande de report de la date decessation des paiements ne fait pas obstacle à l'introduction d'une nouvelledemande fondée sur ce texte.

Page 29: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Créances antérieures - déclaration au passif

Selon l'article L. 622-24, alinéa 2, du Code de commerce dans sa rédaction issue del'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, le créancier peut ratifier la déclarationfaite en son nom jusqu'à que le juge statue sur l'admission de la créance et aucuneforme particulière n'est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite. Justifie sa décision d'admission au passif la cour d'appel qui constate que la sociétécréancière a, dans ses conclusions d'appel signées et notifiées par son avocat,demandé l'admission de sa créance, ce dont il résulte qu'elle a nécessairement ratifiéla déclaration de créance faite en son nom.

Page 30: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Créances antérieures - admission au passif

Il résulte des articles L.624-2 et R. 624-5 du Code de commerce, le premier dans sarédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 et le second danssa rédaction antérieure à celle issue du décret du 30 juin 2014, que le jugecommissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse, renvoie les partiesà mieux se pourvoir et invite les parties, sans désigner laquelle, à saisir le jugecompétent pour trancher cette contestation, reste compétent, une fois lacontestation tranchée ou la forclusion acquise pour statuer sur la créance déclarée,en l'admettant ou en la rejetant.

Page 31: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

En cas de forclusion, l'admission ou le rejet de la créance déclarée dépend dupoint de savoir quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent, seule cettepartie devant, dans le cadre de la procédure de vérification et d'admission descréances, supporter les conséquences de l'absence de saisine de ce juge.

Par conséquent, lorsque la déclaration du créancier comporte plusieurs postes decréance, le juge commissaire doit déterminer, pour chacun d'eux, quelle partieavait intérêt à saisir le juge compétent pour trancher la contestation et doit, dèslors, supporter les conséquences de sa carence, afin de décider, pour chaqueposte, s'il y a lieu de le rejeter ou de l'admettre.

Page 32: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Il résulte des articles L. 622-24, alinéa 4, du Code de commerce et L.244-9 du Codede la sécurité sociale, qui n'ont pas, au moment de leur déclaration, fait l'objet d'untitre exécutoire, constitué par une contrainte, ne peuvent être admises qu'à titreprovisionnel pour leur montant déclaré, à charge pour l'organisme créancierd'établir définitivement sa créance, à peine de forclusion, dans le délai fixé par letribunal, en application de l'article L.624-1 du Code de commerce, pourl'établissement de la liste des créances déclarées.

Page 33: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Viole ces textes la cour d'appel qui, pour admettre à titre définitif la créance del'URSSAF pour son montant déclaré, relève qu'à l'appui de sa demanded'admission l'URSSAF a transmis au mandataire judiciaire un bordereau dedéclaration de créances faisant état de cotisations sociales restant dues et que lasociété débitrice ne fait valoir aucune contestation sérieuse. Il appartenait à la cour de constater qu'une contrainte avait été décernée etsignifiée ou notifiée à la société redevables, dans le délai imparti au mandatairejudiciaire pour la vérification du passif, la contrainte pouvant seule constituer letitre exécutoire permettant l'admission définitive de la créance de cotisationssociales.

Page 34: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Arrêt des poursuites individuelles

Une cour d'appel retient exactement qu'une banque ayant accordé à deuxparticuliers un prêt garanti par une hypothèque conventionnelle sur un immeubleleur appartenant, faisant ultérieurement l'objet d'un apport en société, n'est pas lacréancière de ladite société mais qu'elle dispose d'un droit réel sur l'immeuble dontses débiteurs étaient les propriétaires. Il en résulte que la saisie de l'immeuble, qui ne tend pas à obtenir la condamnationde la société mise en liquidation judiciaire à un paiement mais à la mise en oeuvred'un droit de suite entre les mains de la société qui a reçu l'immeuble, n'entre pasdans le champ de l'arrêt des voies d'exécution, tel qu'il est prévu par l'article L. 622-21, II du Code de commerce.

Page 35: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Cautions et coobligés

La cour de cassation casse, pour violation des articles 1206 du Code civil dans sarédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 2241 et 2245 du Code civil et L.622-24 du Code de commerce, un arrêt de cour d'appel qui a déclaré prescrite la créanced'une banque à l'encontre d'un codébiteur personne physique solidaire in bonis, l'autrecodébiteur ayant fait l'objet d'un redressement puis d'une liquidation judiciaires. Pour la cour d'appel, la déclaration de créance au passif du redressement le 13 février2009 avait interrompu la prescription à l'égard du codébiteur in bonis, mais un nouveaudélai de 2 ans était reparti à la suite du jugement de liquidation en date du 20 février2009, car depuis ce jugement, la banque n'était pas dans l'impossibilité d'agir contre ledébiteur.

Sort de l'entreprise, des dirigeants et des tiers

Page 36: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

La Cour de cassation rappelle une règle constante: "il résulte de ces textes que ladéclaration de créance au passif de la procédure collective de l'un des codébiteurssolidaires, demeurés maître de leurs biens, et que cet effet interruptif se prolonge pourchacun d'eux jusqu'à la clôture de la procédure collective", clôture qui n'était pasintervenue au moment où le juge statuait sur la demande de la banque. Ce effet interruptif se produit même si la banque n'est pas dans l'impossibilité d'agircontre le codébiteur.

Page 37: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'article L.622-28 du Code de commerce autorise le créancier à pratiquer contre desgarants des mesures conservatoires pour préserver leurs droits, malgré la suspensiondes poursuites dont les cautions personnes physiques peuvent bénéficier pendant lapériode d'observation. Mais ce texte entre en contradiction avec l'article R. 511-7 du Code des procédures civilesd'exécution qui exige, à peine de caducité de ces mesures, d'introduire dans le mois uneaction pour obtenir un titre exécutoire, action en principe bloquée depuis le jugementd'ouverture.

Page 38: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

La cour de cassation a autorisé cette action, mais, elle en déduit une suspension du titreexécutoire.Elle en tire également une conséquence importante reprise dans la décision du 8septembre 2021 "en conséquence, l'obtention d'un tel titre ne peut être subordonnée àl'exigibilité de la créance contre la caution". La cour d'appel avait rejeté la demande d'une banque, qui avait été autorisée à inscrireune hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de la caution, visant à obtenir ce titre,au motif qu'elle n'était pas exigible. L'arrêt est logiquement cassé pour violation des articles L.622-28 applicable auredressement par renvoi de l'article L.631-14 du Code de commerce et des articles. L.511-4 et R.511-7 du Code des procédures civiles d'exécution. La solution contraire aurait poureffet de rendre caduque l'hypothèse provisoire.

Page 39: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Dirigeants

Le cadre juridiqueLe caractère très étalé dans le temps des opérations de cession de titres, allant del'élaboration de protocoles d'accord jusqu'à d'éventuelles opérations de révision deprix ou de mise en oeuvre de garanties de passif, maintient parfois un lien juridiquedurable fait d'obligations réciproques entre cédants et cessionnaires. La bonne exécution de ces dernières est parfois contrariée par la défaillanceéconomique de l'une ou l'autre des parties, ce risque étant encore accentué en casde cession d'entreprise, laquelle fragilise souvent les équilibres sur lesquels sefonde l'activité sociétaire.

Page 40: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Il n'est donc pas rare que le cédant tente, malgré la procédure collective à laquelle estsoumis le cessionnaire, d'obtenir de ce dernier le paiement de la partie non acquittée duprix de cession, voire l'exécution l'exécution par équivalent, sous la forme de dommage-intérêts, d'engagements qui n'ont pu être tenus par son cocontractant défaillant.En la matière, la Cour de cassation a fréquemment l'occasion de rappeler que laprocédure collective demeure une procédure d'ordre et qu'à ce titre, les actions tendant àla répartition d'un préjudice collectivement subi par les créanciers, de même que lesactions en responsabilité exercées contre les dirigeants dont les fautes de gestion ontconcouru à l'insuffisance d'actif, relèvent en principe du monopole des mandatairesjudicaires et sont irrecevables dès lors qu'elles sont exercées par des créanciers agissantisolément.

Page 41: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Ces derniers ne recouvrent en effet leur droit d'agir que lorsqu'ils parviennent à établir lecaractère personnel et distinct du préjudice dont ils demandent réparation et, lorsquel'action vise un dirigeant social et émane d'un tiers à la société défaillante, le caractèreséparable des fonctions de la faute à l'origine du préjudice. Bien que ces actions, fréquemment intentées, n'aient que rarement l'occasion deprospérer, la Cour de cassation admet néanmoins, depuis quelques années, que la pertede rémunérations attendues du créancier, dès lors qu'elles sont distinctes du préjudicerésultant de l'absence de paiement complet du prix de la cession de titres, peut constituerun préjudice personnel et distinct dont il faut ordonner réparation à la demande ducréancier déçu, en dérogation au principe du monopole des mandataires judicaires.

Page 42: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'espèce

En l'espèce, trois consorts ont cédé à une société tierce les titres qu'ils détenaientdans une société familiale. Peu de temps après, la société cessionnaire a été placée en redressement puis enliquidation judicaires. Par suite, les consorts cédants ont, sur le fondement de l'article L.225-251 du Codede commerce, agi en responsabilité civile contre les dirigeants de la sociétécessionnaire, afin de demander la réparation de divers préjudices, matériels etmoraux, résulatnt, entre autres, du défaut de paiement par la cessionnaire du soldeet des compléments du prix de cession des titres sociaux et de la perte financièrerésultant des missions d'accompagnement non effectuées par l'un des cédants,malgré les engagements du cessionnaire au moment de la cession.

Page 43: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Les juges du fond, tant en première instance qu'en appel, ont rejeté en bloc cesprétentions indemnitaires, en les déclarant irrecevables, faute de pouvoirdistinguer les préjudices des demandeurs du préjudice collectif subi par lescréanciers que la cessation des paiements a privé de leur gage commun. Les consorts évincés ont par la suite formé un pourvoi en cassation, en arguant ducaractère distinct et personnel de leurs préjudices invoqués, lesquels devaient,selon eux, se distinguer du préjudice collectif des créanciers en ce qu'ils présententune certaine unicité, eux seuls ayant cédé leur entreprise sans pouvoir bénéficier,en raison du comportement des dirigeants poursuivis, d'une quelconquecontrepartie.

Page 44: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Dans son arrêt en date du 8 septembre 2021, la chambre commerciale de la Cour decassation a confirmé l'arrêt d'appel en chacun de ses points, à l'exception d'un seul.

La haute juridiction rappelle en effet que la recevabilité d'une action en responsabilitépersonnelle engagée par un créancier contre les dirigeants d'une société en procédurecollective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée àl'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'unefaute du dirigeant séparable de ses fonction.

Page 45: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Selon elle, en ayant déclaré irrecevable l'action en responsabilité des consorts cédants, aumotif que le préjudice invoqué par l'un des demandeurs au titre de missionsd'accompagnement non effectuées n'était pas distinct de celui des autres créanciers, lesjuges du fond ont privé leur décision de base légale, pour n'avoir pas recherché si la perte,pour l'avenir, des rémunérations que le cédant aurait pu percevoir au titre del'accomplissement de cette mission prévue par la convention de cession des partssociales, ne constituait pas un préjudice dont la réparation était étrangère à lareconstitution du gage commun des créanciers et si elle n'échappait pas ainsi aumonopole d'action du liquidateur.La chambre commerciale prononce donc, sur ce point seulement, la cassation de l'arrêtd'appel.

Page 46: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'impact

La solution ici consacrée n'est pas inédite. A plusieurs reprises déjà, la Cour de cassation a eu l'occasion de considérer commeun préjudice individuel et distinct celui résultant de la perte d'une chance depercevoir pour l'avenir, une rémunération promise.En l'espèce, il ne s'agissait pas de reprocher aux dirigeants les fautes ayantcontribué à la déconfiture du groupement, mais plus spécifiquement le non-respectdes engagements contractuels pris à l'égard du cédant au moment de la cession departs, préjudice ne découlant pas, à proprement parler de l'insolvabilité de lasociété, préjudice qui aurait pû faire naître un contentieux à part entière y comprisen l'absence de procédure collective et peut être plus important encore, préjudicerésultant de la perte de revenus pour l'avenir, à distinguer du passif de la sociétédéfaillante, figé par l'effet réel de la procédure.

Page 47: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

On comprend donc sans peine qu'il puisse y avoir en l'occurrence, dérogation aumonopole du mandataire en charge de la défense de l'intérêt collectif des créanciersseulement.La présente décision pour classique qu'elle apparaisse désormais, appelle néanmoinsdeux observations.

Premièrement, si la Cour de cassation invite la cour de renvoi à vérifier que la perte dechance de percevoir des rémunérations au titre des missions d'accompagnement quin'ont pas été confiées par les dirigeants de la société faillie constitue effectivement unpréjudice distinct dont les créanciers seraient autorisés à réclamer réparation, ellerappelle au passage qu'en tant que tiers au groupement, les créanciers demandeursdevront, une fois l'étape de la recevabilité franchie, établir, pour obtenir la mise en jeu dela responsabilité civile personnelle des dirigeants, que ces derniers ont commis une fauteséparable des fonctions.

Page 48: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Selon une jurisprudence qui ne varie plus guère, cette dernière ne peut être caractériséequ'en présence d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité manifestementincompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.

Sur ce point, le doute peut être permis : confier des missions d'accompagnementrémunérées au cédant des titres sociaux qui ont permis aux cessionnaires de prendre lecontrôle de la société, aurait, dans une certaine mesure, conduit à mettre à la charge de lasociété cible le paiement indirect d'une partie du prix des titres sociaux.

Page 49: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Cette pratique, contestable en soi, n'est malgré tout pas surprenante lorsque l'on sait quele reclassement des anciens dirigeants ou associés peut constituer un élément importantde négociation lors des opérations de cession de contrôle.En ne confiant pas les missions d'accompagnement promises, au moment où ils ont prisla tête d'une société qui s'est rapidement trouvée en situation de difficulté financière, lesdirigeants ici poursuivis n'ont assurément pas commis de faute de gestion ayantcontribué à l'insuffisance d'actif, mais il ne parait pas plus clairement établi qu'ils aientcommis une faute séparable des fonctions, au sens donné à cett notion par lajurisprudence. Il conviendra, sur ce point, d'être attentif à la décision de la cour de renvoi mais aussi à lajurisprudence à venir en la matière.

Page 50: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Deuxièmement, cette reconnaissance d'un préjudice distinct dont l'action en réparationest ouverte à certains créanciers seulement du groupement failli interroge, à nouveau,sur le caractère difficilement maîtrisable, à terme de cette jurisprudence. Une nouvelle fois, la cour de cassation accueille les actions de ceux que la survenance dela procédure collective, ainsi que son issue prévisible ont privé d'une situation sociale,d'une perspective de revenus.

Si la logique du critère du caractère collectif ou individuel du préjudice dont la réparationest demandée est incontestable, si la distinction entre les pertes financières passées etles pertes à venir, pour justifier que ces dernières soient attraites ou non par l'effet réelde la procédure, sont tout à fait compréhensibles, il faudra prendre garde, dans les faits,de ne pas ménager trop de voies d'entrée aux créanciers qui pourraient se prévaloird'une perte de chance d'obtenir une rémunération future de la part du groupementdéfaillant, tant cette catégorie est, en définitive susceptible de s'élargir dès lors que lesrelations d'affaires avec le débiteur ou ses dirigeants se sont étalées dans le temps.

Page 51: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Procédure

Une cour d'appel énonce exactement que le recours à la lettre recommandée avecdemande d'avis de réception prévu par l'article R. 631-4 du Code de commerce, auquelrenvoie l'article R.653-2 du même code, comme mode de convocation du dirigeantpoursuivi par le ministère public en vue du prononcé de sanctions personnelles, n'estpas prescrit à peine de nullité et qu'une convocation par un acte d'huissier de justice,auquel est jointe la requête du procureur de la République, constitue un mode desaisine régulier du tribunal.

Compétence, procédure et voies de recours

Page 52: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Le cadre juridique

On sait que le non-respect des engagements du plan est sanctionné par la résolution decelui-ci, sans qu'il en résulte automatiquement l'ouverture d'une procédure collective.Seule la caractérisation de la cessation des paiements pendant l'exécution du planjustifie l'ouverture d'une nouvelle procédure collective.Nombreuses sont encore les décisions censurées pour avoir ouvert une nouvelleprocédure collective sans caractériser la cessation des paiements, sur la seuleobservation du non-respect des engagements du plan.

Page 53: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Les deux sortes de sanctions peuvent être sollicitées par un créancier, le commissaire àl'exécution du plan ou le ministère public. Le parquet doit être entendu.Il s'agit là de règles de procédure dont le non respect peut justifier l'annulation de ladécision rendue.L'annulation des jugements passe nécessairement par le canal des voies de recours.Rappelons au sujet de l'appel-nullité, qu'il entraîne un effet dévolutif, de sorte que lacour d'appel qui annule un jugement frappé d'appel à raison d'un vice de procédure estnéanmoins appelée à statuer sur le fond du litige.

Page 54: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'espèce

Le commissaire à l'exécution d'un plan de redressement en sollicite la résolution, sanspour autant demander l'ouverture d'une nouvelle procédure collective.Statuant sans entendre le ministère public, le tribunal fait droit à sa demande et ouvre la liquidation judiciaire du débiteur, ce qui ne lui était pas demandé.Un appel nullité est formé par le débiteur, lequel prospère puisque la cour d'appelannule le jugement en raison de l'absence d'audition du ministère public. La cour aborde néanmoins le fond du litige et dans ce contexte, le commissaire àl'exécution sollicite cette fois, outre la résolution du plan, l'ouverture d'une liquidationjudiciaire. Constatant la cessation des paiements, la cour d'appel fait droit aux deux demandes etprononce donc la résolution du plan et la liquidation judiciaire du débiteur.

Page 55: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Dans son pourvoi en cassation, le débiteur soutient d'abord que le tribunal a excédé sespouvoirs en prononçant la liquidation judiciaire qui ne lui était pas demandée; il y voitune forme de saisine d'office prohibée et reproche à la cour de ne pas avoir sanctionnéce comportement.Le débiteur reproche également à la cour d'avoir examiné le fond du litige : l'irrégularitédu jugement tenait à la saisine des premiers juges, ce qui devait conduire à écarterl'effet dévolutif de l'appel nullité.Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation répond que le tribunal a été valablementsaisi par une assignation régulière tendant à la résolution du plan.Le vice du premier jugement consistait seulement à avoir accordé quelque chose quin'était pas demandé (la liquidation judiciaire).Cet ultra petita n'affectant pas la saisine du premier juge, il en résulte que l'effetdévolutif devait jouer.Dès lors, la cour d'appel a justement décidé d'examiner la demande de liquidationjudiciaire formulée devant elle par le commissaire à l'exécution du plan et ce, sans sesaisir d'office;

Page 56: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

L'impact

La qualification d'excès de pouvoir, soutenue par le débiteur, pour qualifier l'erreur dupremier juge, était ici sans incidence; la Cour de cassation n'entre d'ailleurs pas danscette discussion. Il ne s'agissait pas de restaurer une voie de recours fermée par le législateur mais desavoir si l'irrégularité commise en première instance empêchait l'appel nullité deproduire son effet dévolutif. Le vice de procédure affectait-il l'introduction de l'instance? En ce cas, c'est une annulation pure et simple qui devait être prononcée.

Page 57: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

On ne peut qu'approuver la Cour de cassation en ce qu'elle estime que l'introduction del'instance n'était pas ici viciée : un ultra petita ne constitue pas un vice touchant àl'introduction de l'instance ou à la saisine du juge. C'est un vice qui apparaît dans la dernière phrase du procès, à savoir l'élaboration de ladécision de justice. Un réexamen du litige, tel que présenté au tribunal, s'imposait donc logiquement à lacour d'appel, au regard des règles classiques de l'appel-nullité.En revanche, on peut s'interroger sur la demande de liquidation judiciaire formulée enappel par le commissaire à l'exécution du plan.

Page 58: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

Les demandes nouvelles sont irrecevables en instance d'appel. A la réflexion, on peut sans doute écarter l'objection. Le principe d'interdiction des demandes nouvelles supporte en effet un certain nombred'exceptions. Sans doute serait-il audacieux de soutenir que la demande de liquidation judiciaire tendaux mêmes fins que la demande de résolution du plan (CPC, art.565) ou qu'elle enconstitue l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ce qui suffirait àrendre recevable cette demande même formulée pour la première fois en instanced'appel.

Page 59: Les principaux apports de la réforme du droit des sûretés

En revanche, l'article 564 du Code de procédure civile fournit lui-même une pistejustifiant la recevabilité de la demande de liquidation judiciaire. Dès lors qu'elle s'appuie sur la révélation d'un fait, en l'occurrence la cessation despaiements, la demande nouvelle devient recevable. L'exception nous semble ici, aisément applicable. Sous réserve du respect du principe de la contradiction, l'appel, en tant que voied'achèvement des litiges, répond parfaitement à la nécessité de tenir compte desréalités économiques.

Nous sommes à votre disposition pour toutes questions complémentaires. Vous pouveznous écrire à : [email protected]://www.yitcko-avocats.com/contactez-nous/