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Droit des Sûretés Réforme mise en place par l’ordonnance du 23 Mars 2006 , qui a introduit dans le Code Civil un titre VI relatif aux sûretés. + Introduction de la fiducie, qui peut être utilisée comme une sûreté par la loi du 19 Février 2007, modifiée par la loi du 4 Août 2008 – LME . + Ordonnance du 12 Mai 2009 modifiant les dispositions de l’ordonnance de 2006. Pourquoi cette effervescence en droit des sûretés ? L’une des raisons est que le droit des sûretés est alimenté par la pratique, entraînant une réaction du législateur. Le fait de consentir une sûreté est un acte grave. Le fait de s’engager comme caution engage son patrimoine personnel. Quand une personne consent une hypothèque, cela diminue la valeur du bien sur lequel l’hypothèque est consentie. Cette gravité de la matière nécessite une intervention du législateur face au renouveau de la matière. De plus, le droit des sûretés est une matière extrêmement importante, que l’on peut pressentir dès l’énoncé de la définition de la sûreté : « Une sûreté, c’est une garantie fournie par une personne ou établie par la loi pour l’exécution d’une obligation », ou encore « la sûreté est une disposition destinée à garantir le paiement d’une dette à l’échéance malgré l’insolvabilité du débiteur ». Dans ces deux définitions, on retrouve le terme d’obligation. Le droit des sûretés touche donc de près au droit des obligations. La sûreté, c’est ce qui garantit que l’obligation [de sommes d’argent] sera exécutée. Ce qui garantit, dans les faits, que le contrat sera exécuté, que le débiteur payera la somme d’argent, c’est l’existence des sûretés. Pour comprendre l’importance des sûretés, il faut prendre conscience de la situation extrêmement précaire du créancier qui aurait consenti une créance sans prendre le soin de se faire consentir une sûreté en échange. C’est ce qu’on appelle un créancier chirographaire. Lorsqu’une personne nous doit de l’argent, il y a deux choses qui menacent notre recouvrement, c’est éventuellement la mauvaise foi du débiteur (il ne veut pas nous payer), ou encore son insolvabilité (il ne peut pas nous payer). Contre la mauvaise volonté du mauvais payeur, le créancier dispose d’une solution assez évidente, c’est la première des sûretés, c'est-à-dire le droit de gage général sur le patrimoine du débiteur. Au terme de l’article 2284 du Code Civil , quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir. Droit des Sûretés – M. Chantebout – M1 – S2 Page 1

Droit des Sûretés

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Droit des Sûretés

Réforme mise en place par l’ordonnance du 23 Mars 2006, qui a introduit dans le Code Civil un titre VI relatif aux sûretés. + Introduction de la fiducie, qui peut être utilisée comme une sûreté par la loi du 19 Février 2007, modifiée par la loi du 4 Août 2008 – LME. + Ordonnance du 12 Mai 2009 modifiant les dispositions de l’ordonnance de 2006.

Pourquoi cette effervescence en droit des sûretés ? L’une des raisons est que le droit des sûretés est alimenté par la pratique, entraînant une réaction du législateur. Le fait de consentir une sûreté est un acte grave.Le fait de s’engager comme caution engage son patrimoine personnel.Quand une personne consent une hypothèque, cela diminue la valeur du bien sur lequel l’hypothèque est consentie.

Cette gravité de la matière nécessite une intervention du législateur face au renouveau de la matière.

De plus, le droit des sûretés est une matière extrêmement importante, que l’on peut pressentir dès l’énoncé de la définition de la sûreté :« Une sûreté, c’est une garantie fournie par une personne ou établie par la loi pour l’exécution d’une obligation », ou encore « la sûreté est une disposition destinée à garantir le paiement d’une dette à l’échéance malgré l’insolvabilité du débiteur ».

Dans ces deux définitions, on retrouve le terme d’obligation. Le droit des sûretés touche donc de près au droit des obligations. La sûreté, c’est ce qui garantit que l’obligation [de sommes d’argent] sera exécutée.

Ce qui garantit, dans les faits, que le contrat sera exécuté, que le débiteur payera la somme d’argent, c’est l’existence des sûretés. Pour comprendre l’importance des sûretés, il faut prendre conscience de la situation extrêmement précaire du créancier qui aurait consenti une créance sans prendre le soin de se faire consentir une sûreté en échange. C’est ce qu’on appelle un créancier chirographaire.

Lorsqu’une personne nous doit de l’argent, il y a deux choses qui menacent notre recouvrement, c’est éventuellement la mauvaise foi du débiteur (il ne veut pas nous payer), ou encore son insolvabilité (il ne peut pas nous payer).

Contre la mauvaise volonté du mauvais payeur, le créancier dispose d’une solution assez évidente, c’est la première des sûretés, c'est-à-dire le droit de gage général sur le patrimoine du débiteur. Au terme de l’article 2284 du Code Civil, quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir.

Cet article signifie que si notre débiteur ne veut pas nous payer spontanément, on peut agir en justice contre lui pour le faire condamner à nous payer, ce par la saisie de ses biens. On sera payés sur le prix de la vente aux enchères des biens du débiteur. Cette situation est régie par la matière des voies d’exécution.

Cette garantie que constituent les voies d’exécution est complètement illusoire face à un autre danger de non-remboursement que représente l’insolvabilité du débiteur. Son passif l’emporte sur son actif.

Exemple : Je vous dois 100 000€. Mon patrimoine représente 100 000€.Si je ne vous paye pas, vous allez saisir mon patrimoine à hauteur de 100 000€.Par contre, si j’ai un autre créancier à qui je dois 200 000€, il va y avoir concurrence entre les deux créanciers, qui va avoir pour conséquence que l’un d’entre eux, voir les deux ne vont pas être remboursés intégralement.

Cette situation est régie par l’article 2285 du Code Civil , et ainsi, les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers et le prix s’en distribue entre eux par contribution à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.

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Le prix s’en distribue entre eux par contribution (marc franc), c'est-à-dire que chacun des créanciers concurrents dans la saisie, bénéficie de la possibilité d’être payé proportionnellement au montant de sa créance. Avec notre exemple, vous êtes créanciers d’un tiers, vous pouvez donc saisir un tiers de mon patrimoine, et vous perdez 66 000 euros dans l’affaire.En tant que créancier, on va donc être extrêmement perdant dans l’affaire.

C’est une situation optimiste, car dans une réelle situation d’insolvabilité de l’entreprise, celle-ci va être placée en liquidation judiciaire, et les créanciers nantis –ceux qui bénéficient d’une sûreté- touchent en moyenne 12% du montant de leurs créances, et ce à la clôture de la liquidation (qui peut prendre plus de 10 ans).Le créancier chirographaire d’une entreprise en liquidation peut rayer sa créance, il ne touchera rien.

Pour éviter d’être dans cette situation de créancier chirographaire, il faut trouver des garanties qui vont assurer au créancier qu’il va être payé. Sinon, aucune personne n’accepterait jamais de prêter de l’argent, causant ainsi la mort du crédit (et donc pas d’économie moderne).Du côté de la production de l’économie, aucune PME n’est viable si elle n’a pas le soutien de sa banque. Aucune entreprise ne peut investir sans avoir recours à l’emprunt.Du côté de la consommation, le prêt à la consommation est une figure courante. Même pour les ménages qui ont des moyens conséquents, il est impossible de faire une acquisition immobilière.

Pour mesurer l’importance des sûretés dans l’économie, songez à la crise actuelle (crise des subprimes). Le contexte économique est celui d’une hausse continuelle de l’immobilier au cours des années 1990, et dans les années 2000 sur le marché américain.

Dans le cadre de cette hausse de l’immobilier, on a une incitation de l’Etat américain à réaliser the american dream c'est-à-dire l’acquisition de sa maison. Les Etats américains en stimulant ce rêve, vont ouvrir ce rêve à tout le monde, y compris des gens qui ne sont pas solvables (no jobs, no income, no assets).

Les banques vont avoir un raisonnement manquant de bons sens : elles se sont dit que nous étions dans le cadre d’une hausse permanente. Elles pensaient pouvoir prêter 100 000 dollars à des gens insolvables parce qu’on va se faire consentir une hypothèque, c'est-à-dire le droit préférentiel de saisie de la maison, et on est certains de se faire payer via le système de l’hypothèque. Tout ceci fonctionne très bien jusqu’au jour où les gens ne peuvent faire face aux échéances, et les banques commencent à saisir beaucoup trop de maisons.

Beaucoup de maisons se trouvent sur le marché de l’immobilier, qui se retourne alors : l’offre de maisons est supérieure à la demande, le prix baisse. Les hypothèques ont donc moins d’intérêt. Il y a donc eu une crise des sûretés, des hypothèques.

Comment garantir qu’une somme prêtée sera remboursée ? Il y a deux types de réponses qui constituent les deux grands types de sûretés :Suppléer l’insolvabilité du débiteur par l’engagement d’un tiers qui s’oblige à payer si le débiteur ne paye pas. Autrement dit, si le débiteur est insolvable, alors quelqu’un d’autre payera à sa place. C’est la substitution de personne. Ce sont les sûretés personnelles (cautionnement, garanties autonomes).

Bénéficier d’un droit spécifique sur les biens du débiteur. Si le créancier décide de saisir son débiteur, il s’arrange pour être payé le premier, et les autres passeront après s’il reste quelque chose à saisir. Ce sont les sûretés réelles (hypothèse, nantissement, gage…).

L’article 2285 du Code Civil nous dit que le prix des biens du débiteur se distribue entre les créanciers par contribution, à moins qu’il n’y ait des causes légitimes de préférence. On va utiliser deux mécanismes : Créer un rang de préférence, ou créer un droit exclusif du créancier sur certains biens, ce quelque soit le montant de notre créance. Le problème, c’est que ce droit de préférence risque lui-même d’être insuffisant parce que me sachant insolvable, je peux être tenté d’organiser mon insolvabilité.

Fraude paulienne

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Donner ou vendre à très vil prix son actif à un tiers de confiance (femme, frère), ce qui fait que je garde ma maison, et mon créancier n’aura rien à saisir.L’action paulienne permet de suivre un bien issu du patrimoine du débiteur dans n’importe quel autre patrimoine (droit de suite).

Garantir aux créanciers un droit de suite permettant de saisir le bien du débiteur même si ce bien n’est plus dans le patrimoine du débiteur et qu’il est sorti du patrimoine sans fraude.

On demande cinq qualités à une sûreté :La sûreté est efficace pour le créancier. Elle doit effectivement garantir que le créancier sera payé.La sûreté est d’une mise en place simple et peu coûteuse pour le créancier et le débiteur.La sûreté est adaptée à la dette garantie.La sûreté permet de ne pas épuiser le débit du créditeur.La sûreté doit être une réalisation simple, rapide et peu onéreuse.

Aucune sûreté n’arrive à réunir ces cinq qualités. En général, les sûretés personnelles sont simples, et n’affectent pas le crédit du débiteur.Le problème, c’est qu’elles ne sont pas toujours très efficaces (réduire le risque d’insolvabilité), mais que se passe-t-il si le deuxième débiteur est insolvable ? Deuxième cause d’inefficacité, il y a une très forte tendance de la jurisprudence et du législateur à protéger la caution, particulièrement lorsque c’est une caution personne physique-profane.

Inversement, les sûretés réelles sont efficaces (le bien peut cependant perdre de la valeur), mais la création d’une sûreté réelle est couteuse (Acte notarié + publication). Ensuite, la saisie des biens fonctionne par une procédure longue et coûteuse (Autorisation du juge + vente aux enchères). Certains mécanismes comme les procédures collectives viennent fausser le jeu des sûretés, puisque l’ordre de préférence des créanciers sera modifié.

Certaines garanties sont impossibles, comme garantir le loyer payé par son locataire. Ensuite certaines sûretés sont possibles, mais peuvent ne pas être opportunes pour des raisons économiques Par exemple, une entreprise achète des machines pour accroître sa production et ses revenus. Peut-on lui conseiller de faire garantir l’emprunt par un gage (c'est-à-dire la remise des machines entre les mains de la banque) ?

Si le contrat lie les parties, ce n’est que parce qu’il existe des sûretés, que cette force obligatoire est effective, et qu’on peut en assurer l’exécution. On perçoit la fragilité de ces sûretés et de prendre en compte certains éléments purement matériels.

Revoir le chapitre sur la subrogation.

Partie I – Les sûretés personnelles

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C’est l’adjonction à l’obligation principale d’un engagement qui est pris par un garant, et qui permet aux créanciers (le bénéficiaire) d’agir contre le garant. Le garant, qui s’est engagé pour autrui, va disposer contre le débiteur dont il rembourse la dette, d’un recours subrogatoire.

Ces sûretés personnelles sont de deux types : Soit le garant s’engage à remplir la prestation du débiteur principal, la sûreté est accessoire.Soit le garant s’est engagé de manière autonome, il s’engage à payer le créancier, mais pas à la même prestation que le débiteur principal, la sûreté sera dit non-accessoire.

Titre I – La garantie accessoire, le cautionnement

Le cautionnement est un contrat (On ne parle pas de dépôt de garantie).Le cautionnement est un contrat unilatéral par lequel une personne appelée caution s’engage au profit d’un bénéficiaire à exécuter l’obligation du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

Je vous emprunte 1 000€, si je ne paye pas, un tiers s’engage à payer à ma place la somme que je vous dois.

Le trait principal du cautionnement, c’est le caractère accessoire. Celui-ci explique une grande partie du régime du cautionnement. La caution s’engage à payer la dette d’autrui, et ne s’engage à payer que parce que le débiteur principal s’est lui-même engagé.

D’un point de vue économique, cela signifie que la caution ne peut pas devoir plus que le débiteur principal, et d’un point de vue juridique, cela signifie que si la dette est annulée, alors le cautionnement sera lui-même annulé ou éteint.

Ensuite, le cautionnement est un contrat unilatéral. La personne qui s’engage en tant que caution devient débitrice du créancier, mais ne bénéficie en retour d’aucune créance. La caution se met en danger, ce qui conduit la jurisprudence à protéger la caution et à la surprotéger pour qu’elle puisse se libérer de son engagement + Loi Dutreil de 2003.

Chapitre I – Les caractères du cautionnement

Le cautionnement est un contrat entre la caution et le créancier. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un contrat entre la caution et le débiteur. Néanmoins, ce contrat entre la caution et le créancier repose sur une relation tripartite : un premier contrat entre le créancier et le débiteur, et un second contrat entre le créancier (le bénéficiaire) et la caution.Cela n’a de sens que s’il existe une dette préalable entre le débiteur et le créancier.Le cautionnement a un caractère accessoire par rapport au contrat principal.

Dès lors que la caution devient solvens (elle paye la dette d’autrui), elle disposera contre le débiteur d’un recours fondé sur la subrogation (article 1251 3° du Code Civil).

Section I – Le caractère accessoire du cautionnement

La caution est une personne qui s’engage à payer la dette d’autrui.Son obligation est donc subordonnée par rapport au contrat principal, la dette préexistante.Son obligation est également subsidiaire par rapport à l’obligation du débiteur principal.

§1 – La subordination de la dette de la caution à la date du débiteur principal

La place du caractère accessoire du cautionnement

Ce caractère est fondamental, c’est de l’essence même du cautionnement.Si une sûreté personnelle n’est pas accessoire par rapport à une obligation principale, alors cela n’est pas et ne peut pas être un cautionnement.Ce caractère accessoire est d’ordre public, et à ce titre toute stipulation contraire ou faisant échec indirectement au caractère accessoire du cautionnement est réputée non écrite.

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Cela signifie que la validité du cautionnement et l’étendue du cautionnement s’apprécient par rapport au contrat principal. Ce caractère accessoire va avoir trois effets principaux :Posé à l’article 2289 du Code Civil, au terme duquel le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. Posé à l’article 2290 du Code Civil, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, il ne peut être contracté sous des conditions plus onéreuses.Posé à l’article 2313 du Code Civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette.

L’effet du caractère accessoire du cautionnement, l’opposabilité des exceptions

Le principe d’opposabilité des exceptions veut que si le débiteur principal peut opposer une exception à son obligation de payer, alors la caution peut opposer ses exceptions au créancier, que ces exceptions soient relatives à la validité, à l’étendue, ou aux modalités de l’obligation principale.

L’opposabilité des exceptions tenant à l’existence même de l’obligation principale (validité)

Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.Si la dette principale n’existe pas ou plus, alors le débiteur ne doit rien et de ce fait la caution elle-même qui s’est engagée à payer la dette du débiteur, ne doit rien.

Cela arrive soit parce que la dette du débiteur principal est nulle, soit elle est éteinte.

La nullité du contrat principal

Si la dette du contrat principal est nulle, alors le cautionnement lui-même sera en général nul. Exception, l’article 2289 alinéa 2 du Code Civil, la caution ne peut opposer les exceptions strictement personnelles au débiteur principal. On retrouve cette idée dans l’article 2313 alinéa 2 du Code Civil.

L’exception strictement personnelle, c’est l’incapacité du débiteur.

Autrement dit, si le débiteur principal dit au créancier que la dette est nulle parce que le contrat est nul pour vice du consentement, la caution devrait pouvoir s’en prévaloir. Mais le Code Civil prévoit expressément que la caution ne pourra, si jamais le débiteur mineur ou incapable se prévaut de cette exception, alors la caution ne peut pas opposer l’incapacité du débiteur et devra quand même payer.

Le législateur a prévu cette exception, parce qu’on a voulu permettre aux incapables d’emprunter de l’argent. On favorise un cautionnement efficace.

On a une conception restrictive de cette exception d’incapacité.La caution ne peut pas se prévaloir de l’incapacité du débiteur, seulement si elle savait que le débiteur était incapable. Si la caution ignore qu’elle cautionne la dette d’un mineur, alors elle peut se prévaloir de l’exception.

Par ailleurs, l’incapacité visée n’est que celle visée par le Code Civil, c'est-à-dire la minorité ou incapacité des majeurs. Le fait qu’un dirigeant n’ait pas les pouvoirs de signer un contrat n’est pas une cause d’incapacité.

Il faudra également faire une distinction selon quel a caution se prévaut d’une nullité déjà constatée en justice, ou qu’elle argue d’une nullité non-encore constatée en justice.La caution refuse de payer le créancier, parce que la dette principale a déjà été annuléePas de problème, la caution peut toujours invoquer toute cause de nullité, sauf l’incapacité, puisque la justice a déjà constaté que l’obligation principale était nulle.

Il y a une cause de nullité du contrat principal, mais le débiteur ne l’a pas fait constater

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La caution peut-elle refuser de payer le créancier en lui disant que l’obligation principale est nulle ? La réponse va dépendre de s’il s’agit d’une nullité relative ou d’une nullité absolue.Si c’est une nullité absolue, la caution peut invoquer l’exception de nullité.

Si c’est une nullité relative, un arrêt de la Chambre Mixte de la Cour de Cassation du 8 Juin 2007 a jugé que si l’obligation principale est entachée de nullité pour dol mais que celui-ci n’a pas encore été constaté en justice, la caution ne peut pas invoquer l’exception de nullité, car celle-ci ne protège que le seul débiteur conformément au régime des nullités relatives.C’est un arrêt extrêmement critiquable au niveau des contrats spéciaux, car cela ne tient pas compte de l’article 2289 du Code Civil si le contrat n’est pas valable, la caution ne devrait pas l’être. De plus, cela protège l’auteur du dol.On peut appliquer cette solution à toutes les nullités relatives.

L’extinction du contrat principal

La caution appelée par le créancier refuse de payer le créancier parce que l’obligation principale n’existe plus car elle est éteinte. Cette défense de la caution sera valable, et ce quelque soit la cause d’extinction de l’obligation principale (article 1234 du Code Civil).

Il existe d’autres modalités d’extinction qui ne donnent pas satisfaction au créancier. C’est le cas lorsque le débiteur est en cessation des paiements, en faillite. A ce moment là, le créancier doit inscrire sa créance au passif de la liquidation. S’il ne procède pas à cette inscription, alors sa créance est éteinte.

C’est une règle qui n’existe plus aujourd’hui, elle a été abrogée à compter du 1 er Janvier 2006 . Nous allons quand même en parler, car énormément de faillites suivent encore cette règle.Le débiteur est placé en liquidation judiciaire, et le créancier n’a pas inscrit sa créance au passif de la liquidation. Le créancier peut-il s’adresser à la caution ?Le défaut d’inscription de la créance est-il une cause d’extinction de l’obligation ou une cause strictement personnelle ? Normalement, on pourrait penser que le cautionnement a pour but même de prévenir le créancier contre l’insolvabilité du débiteur, et donc contre la faillite. Dès lors, le défaut d’inscription de la créance contre le débiteur principal ne peut profiter à la caution.

Pourtant, la Cour de Cassation a jugé que la caution pouvait se prévaloir de ce défaut d’inscription dans un arrêt Com – 17 Juin 1990. Pourquoi cette faveur faite à la caution ? Cette idée s’explique par le fait que la caution, une fois qu’elle a payé le créancier, dispose d’un recours subrogatoire contre le débiteur principal. Mais à partir du moment où elle est subrogée dans les droits du créancier, et que le créancier a laissé s’éteindre ses propres droits (défaut d’inscription), alors la caution se retrouverait subrogée dans des droits éteints. La Cour de Cassation a estimé que la caution n’avait pas à souffrir de la négligence de la caution principale, et peut donc se prévaloir du défaut d’inscription de la créance au passif de la liquidation.

Si la caution a déjà été condamnée à payer en justice, mais que par la suite, il y a une cause d’extinction de la dette principale qui apparaît, malgré sa condamnation, la caution peut se prévaloir de la cause d’extinction postérieure à sa condamnation.

Toutes les causes d’extinction de la dette principale peuvent être opposées au créancier par la caution.

Quand on s’engage à payer la dette d’autrui, on ne peut pas s’engager à payer plus que le débiteur principal.

L’opposabilité des exceptions tenant à l’étendue de l’obligation principale

Au terme de l’article 2290 du Code Civil, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni contracter des conditions plus onéreuses. Toutefois, le cautionnement qui excède la dette ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses n’est pas nul, il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale.La dette principale du débiteur forme un plafond, et la caution ne peut pas devoir davantage que le débiteur principal, c'est-à-dire sa dette et les intérêts.

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Si jamais la caution s’est engagée à payer plus que le débiteur principal, son cautionnement n’est pas nul. Le juge va se contenter de ramener son engagement à ce que devait le débiteur principal.

L’article 1244-1 du Code Civil prévoit que le juge peut réduire le taux d’intérêt dans une mesure qui ne peut pas être inférieure au taux légal. Dans ce cas là, la caution elle-même bénéficiera de la réduction du taux d’intérêt.

Exception : En pratique, en cas de redressement judiciaire, le juge peut suspendre le cours des intérêts dus par l’entreprise. Normalement, la caution bénéficie de cette réduction, mais lorsque la caution est le dirigeant de l’entreprise et qu’il a retardé l’ouverture du règlement judiciaire de l’entreprise, alors il ne bénéficie pas de la réduction du taux d’intérêt.On veut encourager les chefs d’entreprise à recourir aux procédures collectives.

L’opposabilité des exceptions tenant aux modalités et aux délais affectant l’obligation principale

Les modalités d’une obligation sont le terme et la condition.Terme, évènement futur et certain dont dépend l’exigibilité de l’obligation.Condition, évènement futur et incertain dont dépend l’existence même de l’obligation.La condition affecte l’existence même de l’obligation principale, tant que la condition n’est pas remplie, le débiteur principal ne doit rien, donc la caution ne doit rien non plus.Par contre, le terme retarde seulement l’exigibilité de la dette, tant que la dette n’est pas exigible, on ne peut pas demander à la caution de payer la dette.

Il arrive que la condition soit réputée accomplie ou que le juge prononce une déchéance du terme. Ce sera notamment le cas lorsque le débiteur est en liquidation judiciaire ou lorsque le débiteur n’exécute pas ses propres obligations.

La déchéance du terme n’est pas opposable à la caution, c'est-à-dire que lorsque la caution s’est engagée à payer, il y avait un terme dans l’obligation principale, celui-ci tombe, mais il tombe en raison d’un mauvais comportement du débiteur principal. La caution peut donc continuer à se prévaloir du terme prévu initialement, même s’il est déchu. La caution n’a pas à souffrir des fautes du débiteur.

Un délai de grâce peut également être accordé par le créancier ou par le juge.S’il est accordé par le créancier, alors la caution peut s’en prévaloir.Inversement, s’il est accordé par le juge, sur le fondement de l’article 1244 du Code Civil, ce délai de grâce ne bénéficie pas à la caution.

Pourquoi cette distinction ? Lorsque le créancier consent un délai de grâce au débiteur, il lui fait une faveur, et la caution n’a pas à souffrir de la faveur faite au débiteur. Inversement, lorsque c’est le juge qui impose ce délai de grâce au créancier, celui-ci subit ce délai de grâce, et le créancier n’a pas à subir complètement les faveurs faites au débiteur par le juge, et pourra à ce titre se retourner contre la caution.

En matière de procédure collective, des délais peuvent être accordés à l’entreprise (débiteur principal) à l’occasion de l’ouverture d’une procédure. Le fait que la caution puisse se prévaloir de ce délai dépend de la nature de la procédure ouverte.S’il s’agit d’un plan de conciliation, les cautions peuvent se prévaloir du délai accordé à l’entreprise.S’il s’agit d’un plan de sauvegarde, seules les cautions personnes physiques peuvent se prévaloir du délai. S’il s’agit d’un plan de redressement judiciaire, les cautions ne peuvent pas se prévaloir du délai accordé à l’entreprise.

Pourquoi cette distinction ? Un plan de conciliation, cela s’ouvre à l’occasion d’une entreprise qui est en difficultés mais qui n’est pas encore en cessation des paiements. C’est une procédure amiable, qui s’arrête par contrat entre le débiteur et les créanciers, qui vont accorder des délais de paiement, des réductions de dettes…

Un plan de sauvegarde, cela concerne les entreprises qui sont en difficulté plus graves, elles ne sont pas encore en état de cessation des paiements, mais le seront à brève échéance. Le plan de sauvegarde va être arrêté par

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jugement, et le juge va arrêter un plan destiné à faciliter la réorganisation de l’entreprise, ayant pour but de maintenir son activité, l’emploi et apurer le passif.Les délais sont imposés aux créanciers, et ceux-ci ne peuvent se les voir imposer par les cautions, sauf si elles sont personnes physiques.

Le plan de redressement est arrêté par jugement, concernant les entreprises qui sont en cessation des paiements. L’entreprise continue son activité, mais est dirigée par un administrateur judiciaire.Les délais sont imposés par le juge au créancier, donc ceux-ci peuvent se retourner contre les cautions qui ne bénéficient pas du délai accordé.

Au-delà du caractère accessoire du cautionnement qui permet systématiquement à la caution de se prévaloir des exceptions opposées par le débiteur principal, l’autre grand caractère du cautionnement, c’est son caractère subsidiaire.

§2 – Une dette subsidiaire

Cela signifie que la caution n’est tenue qu’en cas de défaillance du débiteur principal.Si le débiteur principal paye, la caution n’a pas à payer.On retrouve cette idée à l’article 2288 du Code Civil « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Maintenant, que signifie si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ? Suffit-il que le débiteur ne paye pas ? Faut-il prouver que le débiteur est insolvable ?Cela dépend de la nature du cautionnement qui peut être simple ou solidaire.

La situation du cautionnement simple

Dans le cadre d’un cautionnement simple, la caution n’est tenue de payer que si le débiteur est insolvable, c'est-à-dire qu’il n’a plus un sou pour payer son créancier.La caution simple va jouir de deux moyens de défense.

Le bénéfice de discussion

Il est posé par l’article 2298 du Code Civil qui prévoit que la caution simple n’est obligée envers le créancier qu’à défaut du débiteur qui doit être préalablement discuté dans ses biens.Discuté, c'est-à-dire poursuivi.

La caution simple peut contraindre le créancier à agir d’abord en justice contre le débiteur principal et à faire saisir ses biens. Une fois cela fait, si les biens du débiteur sont insuffisants pour entièrement rembourser la dette, le créancier pourra agir contre la caution.

Les conditions du bénéfice de discussion

Le législateur se montre très rigoureux à l’égard de la caution, et pose des conditions strictes pour la mise en œuvre de ce bénéfice. Elles sont posées aux articles 2099 et 2300 du Code Civil, aux termes desquels le créancier n’est obligé de discuter le débiteur principal que lorsque la caution le requiert sur les premières poursuites dirigées contre elle.

L’article 2300 du Code Civil continue en disant que la caution requérant la discussion doit indiquer les biens du débiteur principal, et doit avancer les deniers suffisants pour faire la discussion (= lancer les poursuites judiciaires).

Le principe est donc que la caution doit payer quand le débiteur ne paye pas. On lui accorde une petite protection avec ce bénéfice de discussion, mais dans ce cas là, la caution doit elle-même collaborer (financièrement et intellectuellement) à la poursuite du débiteur principal.Il existe deux autres conditions qui ne sont pas indiquées par les articles.

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Première condition, le bénéfice de discussion ne peut être invoqué que par la caution simple, et non par la caution solidaire (ou réelle, lorsqu’une personne s’engage en tant que caution en mettant un bien en gage pour garantir la dette d’autrui).

Deuxième condition, la caution ne peut pas invoquer le bénéfice de discussion lorsqu’elle y a renoncé. Il est extrêmement fréquent que le créancier exige que le caution renonce au bénéfice de discussion et de division.

Les effets du bénéfice de discussion

La caution a rempli les conditions, et à ce moment là, les poursuites engagées contre la caution vont être suspendues et le créancier ne pourra les reprendre qu’une fois qu’il aura procédé à la vente forcée des biens du débiteur et que les sommes retirées de cette vente s’avèrent insuffisantes pour régler la totalité de la dette.

Si les sommes sont suffisantes, la caution est libérée.

Le bénéfice de division

Cela n’est pas systématique.Il faut qu’il y ait pluralité de caution. Dans ce cas là, la caution simple peut invoquer le bénéfice de division. Le cautionnement est en principe un acte civil, et ne sont pas en principe pas solidaires sauf si elles l’ont stipulé expressément.Les cofidéjuceurs (les co-cautions) sont débiteurs conjoints, c'est-à-dire par parts viriles.

Première condition, le bénéfice de division ne sera accordé que s’il est invoqué par la caution, et avant toute défense au fond. Ce bénéfice de division ne peut être invoqué que pour des cautions solvables.

Deuxième condition, ce bénéfice de division ne bénéficie qu’aux cautions simples, et ne marche pas pour les cautions solidaires ou réelles.

Enfin, il ne faut pas avoir renoncé à ce bénéfice.

La situation du cautionnement solidaire

Le cautionnement solidaire est devenu le cautionnement le plus fréquent. Le bénéfice de discussion et de division réduisent l’efficacité du cautionnement, les créanciers exigent donc que les cautions soient donc solidaires.

Trois types de solidarité

Les cautions sont solidaires entre elles

Si les cautions sont solidaires entre elles, chacune va pouvoir être poursuivi pour la totalité de la dette, mais elles ne perdent que le bénéfice de division (et non celui de discussion).

Les cautions sont solidaires à l’égard du seul débiteur principal

Elles perdent le bénéfice de discussion, mais pas le bénéfice de division.

Les cautions sont solidaires entre elles et à l’égard du débiteur principal

Elles perdent les deux bénéfices.

Formation des cautionnements solidaires

La solidarité ne se présume pas, la solidarité doit être expressément stipulée. L’acte de cautionnement doit faire expressément référence à la volonté des cautions d’être engagée solidairement.

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Comment savoir si le type de solidarité n’est pas écrit ? La question sera soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, échappant à la Cour de Cassation. Lorsque la caution ne s’est pas engagée en même temps que les autres, la mention de la solidarité n’a lieu qu’à l’égard du débiteur principal. En revanche, lorsque toutes les cautions se sont engagées en même temps et dans le même acte, alors elles ont entendues être solidaires à la fois entre elles et à l’égard du débiteur principal.

Cela sera de même dans le cas du cautionnement commercial (les actes de commerce lient les codébiteurs de façon solidaire). Qu’est ce qu’un cautionnement commercial ? Ce n’est pas le cautionnement de tout acte de commerce. C’est un acte par nature civil, et il ne deviendra commercial que dans trois cas :S’il est commercial par la forme.Exemple : Il prend la forme d’un aval, ou c’est le cautionnement d’une lettre de change.Lorsqu’il consiste en soit en une opération de commerce.Exemple : Le cautionnement donné par un établissement de crédit.Lorsqu’il est donné par un dirigeant d’une entreprise ou un associé-majoritaire de celle-ci pour le compte de son entreprise.

La loi va interdire le cautionnement solidaire dans certains cas, et notamment lorsqu’une personne physique s’engage en tant que caution au profit d’un professionnel, et à la condition que le montant du cautionnement soit indéterminé (L. 341-5 du Code de la Consommation).

Section II – Le recours dont dispose la caution

La caution s’engage à payer la dette d’autrui, elle paye une dette qui n’est pas la sienne, mais elle n’est pas débiteur définitif. Après son paiement, elle va bénéficier de recours contre le débiteur, et contre ses éventuels cofidéjuceurs.

Sous-Section I – Les recours de la caution contre le débiteur principal

La caution bénéficie contre le débiteur principal de deux recours, intervenant après le paiement par la caution, mais il existe aussi un recours qui intervient avant que la caution ait payé.

§1 – Les recours postérieurs au paiement

Ce sont les plus fréquents, et ils ont une double nature : Le recours personnel, fondé sur l’article 2305 du Code CivilLe recours subrogatoire, fondé sur l’article 1251 3° du Code Civil Il peut exercer simultanément, conjointement les deux recours. Cela lui permet de cumuler les avantages des recours. Ils sont soumis à une règle commune, et à des règles distinctes.

Les règles communes des recours

La caution doit avoir payé la dette. Il n’est pas nécessaire qu’elle l’ait payée dans son intégralité. Si elle n’a payé que partiellement, elle ne peut se retourner contre le débiteur qu’à concurrence du paiement effectivement effectué.Il y a déchéance des deux recours, quand la caution a renoncé aux recours, ou quand il y a eu cautionnement de la dette d’un incapable.

La caution perdra ses recours en cas de liquidation judiciaire prononcée contre le débiteur, l’article L. 622-21 du Code de Commerce prévoit l’arrêt des poursuites individuelles pour toutes les dettes antérieures à l’ouverture de la procédure collective.

Surtout, la caution perd ses recours lorsqu’elle commet une négligence, il en existe deux cas énumérés à l’article 2308 du Code Civil : La caution paye la dette, mais n’avertit pas le débiteur qu’elle a payé.Lorsque la dette principale n’était pas due car éteinte, et que la caution l’a payée sans être poursuivie et sans avertir le débiteur principal, le débiteur principal ne lui devra rien (Il lui reste un recours sur la répétition de l’indu).

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Les recours seront dirigés contre le débiteur principal.Que se passe-t-il lorsqu’il y a plusieurs débiteurs principaux, solidairement tenus, et que la caution les a tous cautionnés ? La caution peut se retourner contre un seul pour le tout, puisque ceux-ci sont solidaires. Si elle n’a cautionné qu’un seul débiteur, elle ne pourra se retourner que contre lui (fondement personnel), et contre tous les autres (fondement subrogatoire).Article 2307 du Code Civil.

Les règles propres à chaque recours

Les règles propres au recours subrogatoire

La caution va se retrouver dans le cas de la personne qui a payé pour autrui, alors qu’elle était tenue pour autrui et intéressée à la dette. Les conditions de l’article 1251 3° du Code Civil sont remplies et la caution est subrogée de plein droit dans les droits du créancier.

InconvénientsQuand on est subrogé, on ne l’est qu’à concurrence de ce que l’on a payé au créancier.Lorsque le créancier n’a pas été entièrement payé par la caution, la caution bénéficie quand même d’un recours subrogatoire à hauteur de ce qu’elle a payé, mais le créancier reste privilégié pour ce qu’il reste à payer par rapport à la caution qui agit sur le fondement de la caution.

AvantageL’avantage principale, c’est qu’en matière de subrogation, la personne subrogée dans les droits du créancier bénéficie de tous les accessoires de la créance, et notamment des sûretés.La caution pourra bénéficier de la sûreté réelle, ce qui lui donne une garantie de paiement.

Les règles propres au recours personnel

Ce recours personnel est fondé sur l’idée du mandat tacite.La caution va s’être acquittée d’une obligation que le débiteur lui a demandé d’assumer. A partir du moment où elle agit en tant que représentant du débiteur, elle bénéficie d’un recours personnel qui lui permet de demander plus que ce qu’elle a versé au créancier principal. Elle peut ainsi obtenir le remboursement de tous les frais que le cautionnement aura occasionné (dette, intérêts, frais de justice…).

AvantageCela permet de percevoir la totalité de ce qu’on aura déboursé, que ca ait été versé ou non au créancier.

InconvénientOn ne bénéficie pas des sûretés.

La caution est favorisée, car elle peut combiner les deux recours, et agir à la fois sur le fondement subrogatoire pour la dette, et pour le surplus sur le recours personnel.

§2 – Le recours avant le paiement

C’est un recours ouvert à titre exceptionnel, et on peut se demander au nom de quoi la caution qui n’a pas payé un centime au créancier disposerait d’un recours contre le débiteur. De toute évidence, il ne peut pas s’agir de subrogation puisque celle-ci implique par définition, un paiement.

Il s’agit donc d’un recours de nature personnel et de nature préventive.En principe, ce recours ne vise pas à obtenir un paiement de la part du débiteur, mais ce recours a pour objectif de permettre à la caution de bénéficier du statut de créancier du débiteur, et ce avant même de devenir créancier par son paiement.

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Les conditions de ce recours avant paiement

Il est exceptionnel, il survient dans six cas. Les cinq premiers étant donnés à l’article 2309 du Code Civil, et le dernier à l’article 2316 du Code Civil. Pour résumer ces cas, on s’aperçoit qu’il y a deux grands cas de figure :Le cas dans lequel le débiteur est devenu insolvable, et la caution est poursuivi.Le cas dans lequel la caution, pour une raison ou pour une autre, est engagée pour un temps supérieur à ce qu’elle avait prévu dans son engagement.

La faillite du débiteur est le cas le plus courant.Dans ce cas là, deux règles s’appliquent :L’extinction des poursuites individuelles.En cas de procédure collective, les procédures individuelles sont suspendues. Tous les créanciers, ensemble, poursuivent le débiteur. L’obligation d’inscrire sa créance dans le cadre de la procédure collective sous peine de déchéance de la créance.

La caution risque de se trouver dans la situation dans laquelle elle est condamnée à payer mais elle ne pourra se retourner contre le débiteur, car au moment d’inscrire sa créance du fait de la subrogation, il sera trop tard : on aura distribué les actifs du débiteur, et le délai d’inscription sera forclos. On doit donc reconnaître à la caution, dès qu’elle est poursuivie, la possibilité d’être reconnue comme créancier du débiteur, alors même qu’elle n’a pas encore payé.

Les effets du recours avant paiement

Le but de ce recours avant paiement n’est pas d’obtenir un remboursement de la part du débiteur, la caution n’a encore rien payé, mais elle va se faire reconnaître le statut de créancier à titre anticipé avec un certain nombre d’effets :Inscrire sa créance dans le cadre d’une procédure collective.

Appeler le débiteur en garantie. Si la caution est poursuivie, elle peut forcer le débiteur à se joindre à l’instance afin que ceux-ci soient condamnés tout deux au paiement. Cela évite des délais et des frais de poursuite.

Demander la constitution d’éventuelles sûretés, voir d’une provision.Ces sûretés auront pour but de garantir qu’il restera quelque chose pour que la caution se fasse payer lors de ces recours subrogatoires et/ou personnels.

Elle pourra éventuellement faire jouer l’action oblique, qui permet d’agir contre le débiteur du débiteur pour réintégrer certains biens du débiteur dans son patrimoine pour améliorer son droit de gage sur le patrimoine du débiteur.Le recours avant paiement n’a pas pour but d’obtenir le paiement non-versé, néanmoins la jurisprudence a admis que cela pouvait permettre à la caution de percevoir des indemnités fondées sur le risque. Dans un arrêt Com – 21 Janvier 2003, la Cour de Cassation a reconnu qu’avant même d’avoir payé, la caution, qui dispose contre le débiteur d’une créance personnelle, peut agir contre celui-ci bien que celui-soit poursuivi par le créancier…

Ici, la caution qui agit avant d’avoir payé ne peut se prévaloir que d’un préjudice éventuel.La jurisprudence a fait preuve de lucidité en estimant que bien qu’il s’agisse d’un préjudice éventuel, les chances pour la caution de payer étaient telles, qu’il s’agissait d’un préjudice presque certain même s’il était futur.

La caution bénéficie donc de plusieurs recours contre le débiteur, mais la caution peut encore se retourner contre d’autres garants du débiteur.

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Sous-Section II – Les recours de la caution contre les autres garants du débiteur

Le recours contre les autres garants du débiteur n’est pas systématiquement ouvert, puisqu’il faut que d’autres garants existent. Il arrive très fréquemment que la caution ne soit pas le seul garant, la seule sûreté personnelle qui existe pour garantir une dette.Dans la plupart des cas, plus la dette est élevée, plus les créanciers vont demander de sûretés, et éventuellement de cautions.

Les autres garants, contre lesquels un recours pourra être exercé sont de deux types :D’autres cautions de la même dette, les cofidéjuceurs.Les sous-cautions.

Dans tous les cas, ce sont des recours qui sont exclusivement après paiement.

§1 – Le recours contre les cofidéjuceurs

Ce sont les autres cautions d’une même dette. Ce recours contre les cofidéjuceurs va présenter une différence majeure avec le recours contre le débiteur (pour la totalité de ce qui a été payé). Ce recours contre les cofidéjuceurs n’est que partiel. On ne peut pas obtenir la totalité de ce qu’on a payé.

La caution s’est engagée à payer la dette d’autrui, et donc lorsqu’elle a payé plus que sa part et qu’elle agit contre les autres cautions, toutes sont sur le même plan. La caution qui a payé, a payé sa dette, et quelque chose en plus. Elle se fera rembourser du trop-payé.

Ce recours présente un point commun avec le recours contre le débiteur principal, il est lui aussi à la fois personnel ou subrogatoire. Cette fois ci la subrogation se fait directement sur le fondement de l’article 1251 3° du Code Civil, et le recours personnel est prévu à l’article 2310 du Code Civil. Ce texte donne les conditions du recours, et terminent quant aux montants du recours.

Les conditions du recours

L’article 2310 du Code Civil nous dit que la caution qui a acquitté la dette, mais il ne s’agit pas d’avoir payé spontanément, le créancier doit avoir réclamé en justice ce paiement à la caution qui s’en acquitte.

Lorsqu’une caution paye sa propre dette, et seulement sa propre dette, alors elle ne peut pas se retourner contre les autres cautions, il faut donc qu’elle ait payé plus que sa dette pour se retourner contre les cofidéjuceurs sans pour autant avoir nécessairement payé la totalité de la dette du débiteur.

Si la caution est déchue de son recours vis-à-vis du débiteur, elle est également déchue vis-à-vis des cofidéjuceurs.

Le recours doit être exercé contre des cofidéjuceurs, c'est-à-dire des gens tenus de la même dette.Si le débiteur principal a plusieurs cautions, mais que celles-ci sont respectivement tenues d’autres dettes différentes, alors on ne peut pas agir contre elles, puisqu’on n’est pas tenu avec d’autres au sens de l’article 1251 3° du Code Civil.

On peut agir contre les cofidéjuceurs, même s’il ne s’agit pas de cautions solidaires.

Le montant du recours contre les cofidéjuceurs

L’article 2310 du Code Civil nous indique que la caution qui a acquitté la dette à un recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion.Soit les cautions sont engagées pour le même montant, et on répartit la dette par parts viriles, c'est-à-dire par le nombre de cautions.Soit les cautions ne se sont pas engagées pour le même montant, et on répartira la dette en fonction de la proportion de chacune d’entre elles dans leur engagement initial.

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§2 – Le recours contre les sous-cautions

Qu’est ce qu’une sous-caution

Il arrive qu’une personne n’accepte de s’engager en tant que caution qu’à la condition que le débiteur fournisse une sous-caution, c'est-à-dire quelqu’un qui va garantir son recours en remboursement.

Il ne s’agit pas d’un cautionnement solidaire, puisque la sous-caution ne garantit pas la dette principale, elle garantit le recours en remboursement. Dans ce cas là, la caution va payer le créancier principal et se retourne contre le débiteur, si le débiteur ne paye pas ou n’est pas en mesure de payer, alors la caution solvens peut se retourner contre la sous-caution.

Comment s’exerce ce recours ?

La caution solvens n’était pas tenue ni avec ni pour la sous-caution. Ce n’est donc pas un recours subrogatoire. C’est donc un recours de nature purement personnel. Il ne donnera pas lieu à transmission des sûretés mais pourra être exercé pour la totalité des sommes déboursées à l’occasion de l’action en paiement.

Chapitre II – La formation du cautionnement

Le cautionnement est toujours un contrat.L’expression « cautionnement légal » ne veut pas dire que la loi force quelqu’un a être caution, cela signifie seulement que de temps en temps, la loi ou un jugement peut obliger un débiteur à fournir/à trouver une caution.

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Section I – La nécessité d’un consentement de la caution

C’est un contrat, et la première condition de formation d’un contrat, c’est l’existence du consentement des deux parties. Celles-ci doivent toutes deux consentir : la caution et le créancier.C’est le consentement de la caution qui va concentre les difficultés, car le cautionnement est un contrat unilatéral qui justifie que l’on impose certaines protections au consentement de la caution, et ce au travers de conditions de forme et de fond spécifiques au cautionnement.

§1 – Les conditions de forme

En principe, le cautionnement est un contrat consensuel, c'est-à-dire qu’en principe il se forme par le simple échange des volontés. Les règles de forme ne sont prescrites, requises qu’à titre de preuve mais la loi et la jurisprudence ont dans un certain nombre de cas (qui tendent à devenir majoritaires) certaines règles de forme sous peine de nullité du cautionnement.

Le formalisme probatoire

C’est un contrat unilatéral, en ce sens qu’il ne profite qu’au créancier. La caution seule est engagée, elle ne reçoit rien. Ce qui explique que le consensualisme du contrat sera tempéré par des règles de preuve assez strictes, puisque la loi exige que le consentement soit exprimé expressément, et ensuite on ne peut rapporter la preuve du cautionnement que par des mentions obligatoires figurant dans l’acte de cautionnement.

Un engagement express

Le consentement ne se présume pas, il doit être express. On ne peut l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Un engagement univoque

Un cautionnement expressément stipulé. Cela ne signifie pas qu’il soit indispensable que le terme cautionnement soit utilisé. Certaines expressions sont synonymes comme l’aval.Il faut que l’engagement de la caution à garantir la dette d’autrui, et ce unilatéralement, résulte de façon certaine des termes du contrat. A la moindre équivoque, la validité du cautionnement sera remise en cause.

De toute évidence, le comportement ne peut pas exprimer le consentement de la caution. On ne pourra pas davantage faire jouer des présomptions à partir de faits ou d’indices. Il faudra une expression au moins verbale du cautionnement. Le silence a fortiori ne peut valoir consentement de la caution.

Ces règles ne sont pour l’instant que des règles de preuve, et non des règles de fond. Cependant, même, en matière commerciale (preuve libre), on va requérir un cautionnement express, et non pas un cautionnement qui pourrait être déduit d’un cautionnement de fait.

Il faut encore désigner de façon suffisamment précise la dette qui est visée, et qui est autrui.Dans la pratique, il y aura donc toujours un écrit qui désignera la dette, et le débiteur.A défaut de ces mentions, l’acte de cautionnement sera un écrit imparfait et il ne pourra donc servir que de commencement de preuve par écrit.

Une règle d’interprétation stricte de l’engagement de la caution

L’article 2292 du Code Civil nous dit qu’on ne peut pas étendre le cautionnement au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. On va donc interpréter strictement les stipulations contractuelles, et particulièrement toute stipulation relative à l’étendue de l’engagement de la caution.

A la moindre ambigüité, cela sera interprété au profit de la caution, en défaveur du créancier.

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L’article 2293 alinéa 1 du Code Civil prévoit que le cautionnement indéfini s’étend à tous les accessoires de la dette. C’est une question relative à l’objet du cautionnement.

Des mentions obligatoires au titre des règles de preuve

Ce sont des règles que l’on connaît déjà en matière d’engagement unilatéral. La preuve d’un acte commercial ou d’un acte inférieur à 1 500€ s’apporte à tout moyen, cela est parfaitement vrai en matière de cautionnement. Pour le cautionnement civil d’une dette supérieure à 1 500€, on applique simultanément l’article 1341 du Code Civil qui demande un écrit portant la signature des parties, et l’article 1326 du Code Civil, le contrat unilatéral doit être constaté dans un titre comportant la signature de celui qui souscrit ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (en cas de différence, ce sont les lettres qui gagnent).

La jurisprudence était très sévère sur ce point.Dans les années 1980, pour protéger les cautions, elle avait estimé que le défaut d’une seule mention compromettait la régularité de l’acte. Aujourd’hui, la jurisprudence est un peu revenue sur cette conception extrêmement protectrice des cautions, qui finissaient par être de mauvaise foi. Maintenant, le manquement d’une des mentions suffit pour avoir un commencement de preuve par écrit, rendant la preuve par témoin admissible.

De plus, dans la mesure où les commerçants connaissent la portée de leurs engagements, le défaut de ces mentions ne peut plus être soulevé pour se dégager de ces engagements.

Comment faire lorsqu’il s’agit d’un cautionnement indéterminé ? L’inscription du montant en chiffres et en lettres n’est donc pas possible. Dans ce cas là, la mention portée par la caution elle-même doit exprimer de façon non équivoque la connaissance par la caution de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte.

Le formalisme ad valitatem

Dans certains cas, la loi a imposé un formalisme à peine de nullité du contrat de cautionnement, et pourquoi imposer ce formalisme de protection ? On a constaté des situations dramatiques de certaines cautions profanes, c'est-à-dire des personnes qui s’engageaient sans avoir la moindre connaissance juridique ou commerciale, et qui pensait que leur signature voulait juste dire qu’ils constataient la moralité du débiteur.

Il faut que les gens qui s’engagent comme caution aient bien compris qu’elles s’engagent à payer la dette d’autrui, c’est donc un formalisme informatif. Il faut vérifier qu’elles aient bien lu ce qu’elles signent, et donc on va leur faire écrire. On va donc mettre en place des mentions obligatoires qui devront être écrites en toutes lettres par les cautions.

Ces règles ne concernent que les cautions personnes physiques, réputées profanes, c'est-à-dire ignorant la portée de leurs engagements. Elles sont écartées lorsque le cautionnement est passé devant un notaire, qui a pour rôle principal de conseiller les parties et de les informer sur la portée de leur engagement.

Ces cas, dans lesquels le formalisme est prescrit à peine de nullité, concernent la plupart des cas dans lesquels une personne physique doit se porter caution. On aboutit en pratique à faire du cautionnement par les personnes physiques un contrat solennel.

Leur cas est visé à l’article L. 303-8 du Code de la Consommation, c’est également le cas des cautionnements souscrits par des personnes physiques et garantissant des prêts dont le bénéficiaire est professionnel, à l’article L. 341-2 du Code de la Consommation, qui résulte de la loi Dutreil de 2002.

Trois conditions sont nécessaires à l’application de ces textes :La caution doit être une personne physique.L’acte cautionné est un emprunt.L’acte cautionné est souscrit par un consommateur ou le créancier est professionnel.

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Cependant, un arrêt Civ. 9 Juillet 2009 estime que cette expression de « professionnel » ne signifie pas forcément un professionnel du crédit, mais vise celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou de l’une de ses activités professionnelles.On élargit donc le champ d’application des articles du Code de la Consommation. Désormais, il suffit qu’on soit confronté à une créance née du fait de l’activité professionnelle.

La loi prévoit expressément une formule qui doit être recopiée dans laquelle la caution déclare « En me portant caution de X, dans la limite de Y couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échant des pénalités de retard pour la durée de …., je m’engage à rembourser au prêter… ».Cette formule doit être recopiée à la main par la caution, ce à peine de nullité du cautionnement.

Cette formule permet à la caution de mesure la portée de son engagement, mais surtout cette somme aboutit finalement à une limitation du cautionnement puisque la formule qui ne peut être modifiée, pose une limite financière et temporelle du cautionnement.

Si la caution s’engage en tant que caution solidaire, il faut prévoir une autre mention manuscrite, prévue à l’article L. 313-8 du Code de la Consommation.Ces formules existent encore en matière de garantie d’un bail d’habitation, c'est-à-dire la caution des loyers, requise par l’article 22 de la loi du 6 Juillet 1989. Cette fois ci, la formule est libre mais doit indiquer de manière non équivoque l’engagement pris par la caution.

Ce formalisme est-il efficace ? Cela n’a jamais dissuadé personne de se porter caution, mais cela permet aux créanciers de se prévaloir de leur propre bonne foi. Alors que la plupart des cautions signent pour rendre service sans avoir réellement la volonté de payer.

§2 – Les conditions de fond du consentement de la caution

Il faut la rencontre de deux volontés concordantes. IL ne faut pas oublier que l cautionnement est un contrat conclu seulement entre la caution et le créancier, même si c’est une opération juridique à trois personnes.Le contrat cautionnement sera valablement formé entre le seul créancier et la caution. Il n’est absolument pas nécessaire que le débiteur consente au contrat de cautionnement.Ce contrat peut d’ailleurs être formé à son insu.

La forme de contrat peut être viciée par plusieurs mécanismes.Ce n’est jamais le créancier qui est en est victime, car il n’a pas d’obligation.Quelque soit le vice du consentement invoqué, cela sera toujours la caution qui pourra l’invoquer.

L’erreur en matière de cautionnement

L’erreur ne sera un vice du consentement que lorsqu’elle porte sur l’objet même de la convention, ou sur l’une de ses qualités substantielles.En matière de cautionnement, l’objet du contrat, c’est le paiement de la dette d’autrui.

Est-ce que la caution qui tente de faire annuler l’acte de cautionnement, peut invoquer une erreur sur la nature même de son engagement ? Peut-elle soulever l’argument selon lequel elle n’a pas compris en quoi consistait son engagement ?

Pendant longtemps, la jurisprudence a accueilli cet argument en soumettant la preuve du consentement à des formalités particulières, c'est-à-dire qu’il fallait qu’une partie, pour se porter caution, indique précisément qu’elle a compris ce à quoi elle s’engageait. Or les cas où la loi prévoit expressément ce formalisme, l’argument était totalement inopérant : la partie s’engage et si elle nous dit qu’elle n’a pas compris son engagement, ce serait une erreur obstacle mais inexcusable.

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On trouve deux autres types d’erreur ne portant pas sur l’objet même du contrat de cautionnement, mais sur la solvabilité du débiteur ou de la caution :La solvabilité de la cautionCertaines cautions ont invoqué une erreur sur leur propre solvabilité, en espérant se dégager de leur engagement. Evidemment, en droit commun des obligations, c’est un argument sur la valeur de son engagement, et l’erreur sur la valeur est inopérante. L’argument ne sera donc pas retenu.

On ne peut se prévaloir d’une erreur sur sa solvabilité, mais la caution peut quant même la soulever, mais pas au titre de l’erreur. Aux termes de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation, la caution peut invoquer le caractère disproportionné de son engagement par rapport à son patrimoine et ses revenus. Elle peut le faire à condition d’être une personne physique, et ne peut le faire que vis-à-vis d’un créancier professionnel.

A la lecture de ce texte, deux observations :La caution peut donc se prévaloir de son insolvabilité ou tout du moins du caractère disproportionné de son engagement vis-à-vis de ses moyens, mais il ne s’agit pas d’une erreur.Soit on s’engage parce qu’on a commis une erreur, et on n’est pas protégé.Soit on s’engage en sachant parfaitement qu’on n’a pas les moyens, et à ce titre là, on est de mauvaise foi. Malgré ma mauvaise foi, ce texte me protège, car on estime que le créancier qui accepte lui-même un engagement manifestement disproportionné est lui-même de mauvaise foi, et que si on arbitre entre deux mauvaises fois, c’est la caution qui sera protégée.

La sanction d’une erreur sur la solvabilité devrait être la nullité du consentement. Aux termes de ce texte, il est dit que le professionnel ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement. C’est donc une déchéance du droit engagé. C’est une véritable déchéance, c'est-à-dire que le créancier ne peut pas se prévaloir du cautionnement.Il y a tout de même une réserve : la fin de cet article prévoit donc que lorsque la caution au moment où elle est appelée retrouve les moyens de faire face à son engagement, alors il n’y a pas de déchéance.

Que se passe-t-il si la caution s’est engagée, et qu’à ce moment là elle pouvait y faire face, et qu’au moment de faire face au paiement, elle s’est appauvrie ? Il n’y aura pas de déchéance.

Ce sont des conditions ratione personae, c'est-à-dire qu’il faut que la caution soit une personne physique, et le créancier un professionnel. Est-ce que ces personnes physiques doivent être profanes et est-ce que le professionnel doit l’être du crédit ? Réponses négatives dans les deux cas, les juges ont adopté une conception extensive de ce texte, puisqu’on l’applique même aux cautionnements commerciaux lorsque la personne physique qui l’invoque est un dirigeant de société. De plus, dès lors qu’une dette est née dans le cadre de l’exercice d’une profession, alors ce texte est applicable.

Le champ d’application est donc très vaste, et cette protection exceptionnelle de la caution est donc très souvent invoquée, et accueillie par les tribunaux.

Enfin, condition de fond du texte, c’est la disproportion entre l’engagement de la caution et ses moyens, au regard de ses revenus et de son patrimoine. La jurisprudence a estimé qu’un cautionnement de 20 000€ était disproportionné pour une personne gagnant 1 500€ et remboursant déjà un emprunt (avec lequel elle s’est créé un patrimoine pourtant).

La solvabilité du débiteurPremière hypothèse, la caution invoque la solvabilité future du débiter (Il ne croyait pas que le débiteur deviendrait insolvable). Cet argument est totalement irrecevable.Deuxième hypothèse, la caution s’est trompée sur la solvabilité du débiteur au moment de l’engagement.A nouveau, cet argument est inopérant puisqu’il s’agirait d’une erreur sur la valeur de l’engagement. Par contre, au titre du dol, cela pourra être pris en compte.

Peut-on invoquer l’erreur sur une autre des qualités substantielles du débiteur, à part sa solvabilité ? Je cautionne une dette car je pensais être associé majoritaire d’une société, et il s’avère que ce n’est pas le cas. Je cautionne la dette de mon fils, et il s’avère que ce n’est pas mon fils.Ce sont des obstacles qui tiennent du droit commun des obligations.

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Elles sont acceptées exceptionnellement, et seulement si elles portent sur la personne même du cocontractant. Or, en cautionnement, le cocontractant, c’est le créancier. On ne peut donc se prévaloir d’une erreur sur les qualités substantielles du débiteur pour faire annuler le contrat de cautionnement.

L’erreur ne peut donc presque jamais être invoquée. Toutefois, elle redeviendra opérante lorsqu’elle sera provoquée par un dol.

Le dol en matière de cautionnement

Cela est constitué par une manœuvre frauduleuse du créancier ou du débiteur, sachant qu’un simple mensonge ou qu’une omission (réticence dolosive) peuvent suffire à constituer un dol.En matière de cautionnement, on va avoir deux hypothèses quant à l’auteur du dol.

Première hypothèse, le dol commis par le débiteur qui afin de se faire consentir un crédit ou un contrat d’une quelconque nature, viendrait persuader fallacieusement la caution de sa solvabilité.Le dol est une cause de nullité mais seulement lorsqu’elle est pratiquée par le cocontractant, et donc par le créancier. Le dol du tiers est sanctionné par des dommages et intérêts, et non par la nullité (sous la réserve de la complicité du créancier). La caution peut demander des dommages et intérêts, mais cela risque d’être considérablement efficace, puisque par hypothèse, lorsque la caution est appelée elle tente de faire annuler son engagement, et le débiteur est donc insolvable, qui n’a donc pas les moyens de nous indemniser.

Deuxième hypothèse¸ le dol est commis par le créancier.IL n’y a plus d’obstacle, car le dol émane du créancier. Lorsque celui-ci est une personne physique, on va demander une manœuvre dolosive.Lorsque c’est une banque, on va se contenter d’une réticence dolosive : la banque n’informe pas la caution de la situation financière définitivement compromise du débiteur par exemple (Civ. 1 ère – 9 Juillet 1996 et Civ. 1 ère – 1 er Décembre 1998).

Plus largement, l’obligation de contracter de bonne foi va interdire à un créancier de rechercher une caution une fois que le débiteur est devenu insolvable. Le cautionnement est une garantie contre un risque d’insolvabilité futur du débiteur, il ne vise pas à trouver un débiteur pour une dette avérée. Cela n’interdit pas complètement de rechercher un autre débiteur pour faire face à l’insolvabilité du premier débiteur (délégation).

Globalement, on va aboutir pour le créancier à un véritable d’information, au moins lorsque le créancier est une banque. Ce devoir d’information sur la situation du débiteur ne pèse que sur le créancier qui connaît la situation financière du débiteur, ce qui est nécessairement le cas des banques (Arrêts Naoum – Com 2002 : « La responsabilité d’une banque ne peut être engagée par les cautions qui n’ont jamais prétendu ni démontré que la banque avait des informations qu’eux-mêmes auraient ignoré… » et arrêt Maqueron).

Section II – La capacité de la caution

Le cautionnement requiert la capacité de la partie qui s’oblige. A nouveau, il s’agit de la capacité de la partie qui s’oblige, contrat unilatéral. En principe, seule la capacité de la caution est requise. On peut s’engager en tant que caution à l’égard d’un créancier mineur ou incapable.

Les mineurs et les incapables majeurs ne peuvent se porter caution, puisqu’en général, ils ne peuvent contracter qu’avec l’assistance de leurs représentants, tuteurs ou curateurs. Peuvent-ils se porter caution avec l’assistance de leurs représentants ?Cela est particulièrement douteux, puisque de façon générale, les mineurs et les majeurs protégés ne peuvent pas souscrire d’engagements unilatéraux. Qu’en est-il de la capacité au sens pouvoir donné à une personne d’engager le patrimoine d’une autre ?Première hypothèse, les dirigeants sociauxDeuxième hypothèse, les époux.

§1 – Les pouvoirs des dirigeants sociaux

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Un dirigeant de société peut-il engager l’entreprise qu’il dirige comme caution ? Il existe une hypothèse dans laquelle la question ne se pose pas, ce lorsque l’activité même de l’entreprise consiste notamment à se porter caution, comme les banques.

Pour les autres sociétés, dans la mesure où le cautionnement est un acte unilatéral, par lequel la caution est seule à s’engager, les dirigeants sociaux ne peuvent normalement engager les sociétés comme caution, car on ne peut y voir un acte de gestion courante (dans le fait de se porter caution).

Deux conditions pour qu’il y ait quand même cautionnement :Le cautionnement entre dans l’objet social.Le dirigeant qui engage la société soit autorisé par les autres associés. A défaut d’autorisation, le cautionnement sera inopposable à la société.

Un dirigeant peut-il faire cautionner ses propres dettes par la société qu’il dirige ? Non, ce cautionnement est nul et ce d’ordre public. Cela peut même constituer une infraction pénale, c'est-à-dire l’abus du crédit de la société.

§2 – Les pouvoirs des époux

Le droit de gage des créanciers va s’exercer sur le patrimoine commun des créanciers. Si l’un des deux s’engage comme caution, le danger est qu’il engage les biens du couple tout entier. Pour éviter cette situation, le Code Civil à l’article 1415 prévoit qu’un époux commun en biens se portant caution, n’engage que ses seuls biens propres et ses revenus à lui et non le patrimoine du couple.Ce sauf si l’autre époux a donné expressément son cautionnement.

Section III – L’objet du cautionnement

Quel est l’objet du cautionnement ? C’est la dette du débiteur principal.Le cautionnement ne sera valable que sur une dette existante, mais on va voir que la caution peut aussi être engagée à des conditions moins rigoureuses que le débiteur principal.

Les dettes susceptibles d’être cautionnées Toute obligation est normalement susceptible d’être cautionnée, qu’elle soit certaine ou incertaine pourvu qu’elle soit valable. Il n’est pas nécessaire que la dette existe au moment où le cautionnement est consenti.De ce fait, s’il est absolument nécessaire que la dette soit valable, rien n’interdit de cautionner une dette future ou éventuelle. La dette n’existe pas encore, mais elle peut exister.

L’étendue du cautionnement

Aux termes de l’article 2290 du Code Civil, le cautionnement ne peut excéder la dette du débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. Sinon, cela sera sanctionné par la réduction du cautionnement au montant de la dette principale (celle-ci fixe un plafond de l’engagement de la caution).

On a également vu que le législateur prévoit quelques fois l’obligation pour la caution d’indiquer un montant maximum de l’engagement.

Au-delà de ces deux limites, l’étendue de l’engagement de la caution va dépendre de la convention des parties, et il n’est pas nécessaire que cet engagement soit strictement déterminé.

Le cautionnement indéfini

Le cautionnement est appelé indéfini, lorsque la caution s’engage purement et simplement ce que doit le débiteur. Dans ce cas, la limite du cautionnement, c’est la dette principale.Il faut y rajouter les accessoires de la dette.

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La dette principale

Dans le cadre du cautionnement indéfini, la dette principale va fixer la limite de l’engagement de la caution. Ce montant maximum de l’engagement peut être indéterminé. C’est un cautionnement omnibus, on s’engage à payer toutes les éventuelles dettes futures du débiteur.Il y a toutefois une limite à l’engagement de la caution, si jamais la dette du débiteur principal évolue par une convention postérieure au cautionnement, les modifications ne sont pas opposables à la caution.

Les accessoires à la dette principale

L’article 2293 du Code Civil prévoit que le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et…Le cautionnement demande à peine de nullité un engagement express de la caution, et pourtant on lui impose là de couvrir les accessoires de la dette, même si elle ne s’est pas expressément engagée à les couvrir. Cette règle est défavorable à la caution, mais ce n’est qu’une présomption, et ce n’est pas d’ordre public.

On va y trouver les intérêts du capital, mais également les indemnités prévues par le contrat en cas d’inexécution. Si jamais, il y a des indemnités non-prévues par le contrat, à ce moment là, la caution n’y est pas tenue. Cela ne constitue pas un accessoire de la dette principale.

Le cautionnement défini

Prévue à l’article 2290 alinéa 2 du Code Civil qui prévoit que le cautionnement peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses. Il est parfaitement admis, voir obligatoire dans certaines conditions, que le cautionnement soit limité.Les limites peuvent porter sur le montant de la dette, la durée du cautionnement, ou toute autre modalité prévue par le contrat. C’est la liberté contractuelle qui prévaut. On parle donc de cautionnement défini, mais il n’est pas partiel.Le cautionnement défini comporte une limite propre, stipulée et qui permet à la caution de savoir dès son engagement, combien elle devra payer si elle est appelée. Dans le cadre d’un cautionnement défini, le plafond indiqué par la caution va constituer la limite absolue à laquelle on n’ajoute pas les accessoires de la dette. La loi va encourager les cautionnements définis, et va même de temps en temps les imposer, ce dans l’idée de protection de la caution.L’article L. 341-5 du Code de la Consommation si la caution est physique ou donnée par un professionnel, alors le cautionnement est soit indéfini soit solidaire. Toute stipulation contraire est réputé contraire. On veut donc encourager le créancier à demander un cautionnement défini.

La loi va même interdire quelques fois le cautionnement indéfini.La loi Dutreil avait imposé un formalisme dans certains cautionnements.Dans le cadre de cette formule, il existe une double limite du montant et de la durée.

Aujourd’hui, du fait de ces restrictions, le cautionnement indéfini ne sera plus possible que dans certains cas : soit s’il est passé devant notaire, soit lorsque le cautionnement est donné par une personne morale, ou encore lorsqu’il est passé par une personne physique, il faut que le créancier soit un non-professionnel.

La limitation peut porter sur un montant mais aussi sur la durée.En principe, lorsqu’il existe un terme prévu à la caution, cela couvre les dettes nées avant le terme mais ce quelque soit la date de leur exigibilité. Si la dette est née antérieurement au terme, il doit la couvrir.

Est-ce que l’administrateur de sa société pourrait prétendre que, depuis qu’il a quitté ses fonctions, le cautionnement est devenu dépourvu de cause car s’était engagé que parce qu’il était administrateur.

Section IV – La cause de la caution

Cela correspond à la question : dans quel but avez-vous accepté d’assumer votre obligation ?

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En matière de cautionnement, on est dans un engagement unilatéral. La réponse doit être recherchée ailleurs que dans le simple contrat de cautionnement lui-même. Cela trouve sa cause soit dans le rapport caution-débiteur, soit débiteur-créancier. Face à ces deux hypothèses, la jurisprudence n’en retient qu’une seule, elle a toujours refusé d’admettre qu’on puisse se prévaloir des exceptions tirées du rapport entre la caution et le débiteur.

Si jamais une personne s’est engagée comme caution de sa femme, et au moment où elle est appelée, et qu’elle dit que la cause a disparu parce que j’ai divorcé, alors cet argument est inopposable. Selon la théorie de la cause, ses exceptions relèvent de simples motifs personnels à la caution, donc on ne peut se prévaloir sauf si ceux-ci sont entrés dans le champ contractuel.Cette solution est constante depuis l’arrêt Lempereur Com – 8 Novembre 1972.

Chapitre III – L’extinction du cautionnement

Une cause s’engage, et ne devra payer que si le débiteur ne paye pas. La situation normale du contrat, c’est quand même que le débiteur paye. Très souvent, la caution s’engage en tant que caution, mais dans l’espoir de ne jamais être appelée et de ne jamais avoir payé.Néanmoins, elle attend avec une relative impatience sa libération, qui comme pour tout autre contrat, viendra de l’extinction de son obligation.

Le Code Civil lui-même consacre un chapitre à l’extinction du cautionnement, aux articles 2311 et suivants. Ce n’est pas la liste exhaustive, il faudra notamment aller regarder le Droit des Entreprises en Difficulté. Le cautionnement s’éteint par l’extinction de l’obligation principale (par voie accessoire)Le cautionnement peut aussi s’éteindre directement pour des causes propres au contrat de cautionnement, c'est-à-dire l’extinction par voie principale.

Section I – L’extinction par voie accessoire

L’extinction de l’obligation principale, de la dette du débiteur à l’égard du créancier entraîne l’extinction du cautionnement. Les causes de l’extinction sont prévues à l’article 1264 du Code Civil : ce sont la dation en paiement, la prescription, la remise de la dette, la novation, la compensation, le créancier renonçant à une partie de sa créance. Il existe aussi des renonces forcées de dette ordonnées par le tribunal en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, particulièrement pour ceux ouverts avant le 1er Janvier 2006 : le défaut d’inscription de la créance entraîne extinction de la dette lors de la procédure collective.

Le contrat de cautionnement s’éteint systématiquement en cas d’extinction de l’obligation principale, et ce quelles que soit les causes d’extinction de l’obligation principale. Ce principe est posé par l’article 2313 du Code Civil en vertu duquel al caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui appartiennent à la dette.Cette solution est en principe valable quelle que soit la cause d’extinction de l’obligation principale, mais quelques fois, il est nécessaire de préciser certaines limites à ce principe, et certaines faveurs faites à la caution permettant d’aller encore plus loin.

Les limites du principe posé à l’article 2313 du Code Civil

Certaines limites s’imposent par paiement et par remise de dette.

Les limites en cas d’extinction de la dette principale par paiement

Normalement, le paiement éteindra l’obligation du débiteur principal, mais n’éteindra le cautionnement, que si le paiement est intégral, et est fait par le débiteur.

Que se passe-t-il lorsque le paiement est partiel ? Il n’y a pas d’extinction du cautionnement.Que se passe-t-il lorsqu’il y a paiement partiel, et caution partiel ? Le débiteur doit 150 000€, et la caution ne s’est engagée que pour 50 000€. Le débiteur paye 100 000€. La caution est-elle libérée ? La Chambre Commerciale, dans un arrêt du 28 Janvier 1997, les paiements partiels fait par le débiteur principal s’imputent d’abord sur la portion non-cautionnée de la dette. La caution n’est donc pas libérée. Il n’y aura pas extinction

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du cautionnement, mais il reste possibilité pour la caution d’avoir réglé sa situation par une convention contraire (Je m’engage partiellement et si jamais une partie de la dette est payé, alors je serai libéré).

Ensuite, il faut que le paiement soit fait par le débiteur principal. Aux termes de l’article 1238 du Code Civil, il est possible que quelqu’un d’autre que le débiteur paye. Dans ce cas la, la caution est-elle libérée ? Non, celui qui paye la dette d »autrui est souvent subrogé dans les droits du créancier, c'est-à-dire que le solvens va devenir le nouveau créancier du débiteur principal. La subrogation entraîne passation de la créance et de ses accessoires, et donc des sûretés.

L’extinction de la dette principale a eu lieu par remise de dette

Il faut distinguer deux hypothèses, en fonction de ce que la remise de dette est accordée spontanément ou non.La remise de dette est accordée spontanément, et la caution en bénéficie.Dans l’hypothèse d’une procédure collective ou de surendettement, la remise de dette est ordonnée par le tribunal, et la caution n’en profite pas.

Les faveurs faites à la caution

La situation de la caution sera plus favorable que celle du débiteur principal dans trois cas :Premièrement, si le débiteur principal néglige de se prévaloir d’une cause d’extinction, la caution peut le faire. Cette règle est posée à l’article 1294 du Code Civil aux termes duquel la caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal. La caution peut le faire même si le débiteur ne l’a pas demandé, ce car la compensation légale se fait de plein droit.C’est une règle très favorable à la caution puisque la possibilité de se prévaloir de la compensation ouverte par autrui, n’est pas possible pour les codébiteurs solidaires.

On va lui permettre de se prévaloir des causes d’extinction de l’obligation principale, même si celles-ci sont apparues après que la caution a été définitivement condamnée. Exemple : Le débiteur ne paye pas, la caution est appelée à payer, et condamnée à payer. A ce moment là, le débiteur paye. La caution pourra dire qu’elle a certes été condamnée à payer, mais le créancier a été payé, il sera donc remboursé.

La dation en paiement va éteindre le cautionnement même si le créancier est évincé du bien qui est donné en paiement, selon l’article 2315 du Code Civil.On a donné en paiement un bien au créancier, qui sera revendiqué par un autre. D’un point de vue juridique et temporel, le créancier a été payé à un moment.

Par contre, pour le débiteur, le paiement ne sera pas valable.

Section II – L’extinction par voie principale

Le cautionnement est un contrat accessoire, mais c’est aussi un contrat à part entière qui va s’éteindre en soi pour les mêmes causes que tout autre contrat. On va pouvoir rechercher l’extinction du contrat de cautionnement lui-même indépendamment de l’extinction de l’obligation principale.Le cautionnement est un contrat spécial et présentent des notes d’extinction qui lui sont propres.

§1 – Le mode d’extinction tenant au droit commun

L’idée est que l’étendue de l’engagement de la caution diffère en fonction de ce que la dette est présente ou future : Lorsqu’on cautionne une dette présente, on connaît à peu près le montant que je vais devoir payer en tant que caution si je suis appelée. C’est l’obligation de règlement.

Lorsqu’on cautionne une dette future, dans le cadre d’un cautionnement indéterminé, dans ce cas là, l’étendue de la dette en tant que caution demeure inconnue. L’étendue de cette obligation indéterminée quant à une

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dette future va finalement dépendre de la personnalité du débiteur et des liens débiteur-caution-créancier. L’intuiti personae va jouer un rôle dans l’extinction du cautionnement. C’est l’obligation de couverture.

Exemple : je cautionne de manière indéterminée le découvert bancaire de quelqu’un d’autre. Le montant de la dette en tant que caution va dépendre de la personnalité du débiteur (si la personne est dépensière…).

Il faut également prendre en compte la question des liens entre le débiteur et la caution. Ces liens permettent éventuellement à la caution de contrôler l’étendue de la dette du débiteur principal. Par exemple, si je suis chef d’entreprise de l’entreprise que je cautionne, les dettes de cette entreprise sont contractées par moi-même en qualité de chef d’entreprise.

L’extinction de l’obligation de règlement

Les causes d’extinction de l’obligation de règlement

Ce sont les causes d’extinction de n’importe quel autre contrat. La caution pourra s’en prévaloir à titre principal du paiement, de la dation en paiement, de la novation… C’est au niveau des effets que se produisent certaines particularités.

Les effets de l’extinction de l’obligation de règlement

Les effets sont différents pour le débiteur principal et les cofidéjuceurs (c'est-à-dire les autres cautions).

Les effets de l’extinction de l’obligation de règlement pour le débiteur principal

L’extinction du cautionnement n’entraîne pas extinction de l’obligation principale.Si le cautionnement s’éteint pour des raisons propres au cautionnement, le débiteur reste débiteur du créancier. Par contre, si le cautionnement s’éteint par paiement du créancier à la caution, alors la caution est subrogée dans les droits du créancier, et le débiteur principal n’est pas libéré : il devient créancier de la caution (recours personnel et recours subrogatoire).

S’il y a remise de dette, à nouveau, le débiteur n’est pas libéré (Article 1287 du Code Civil).

Ensuite, quant à la question de la compensation, la caution elle-même devient créancière du créancier. Normalement, il devrait y avoir compensation entre ce que doit le créancier et la caution.Le débiteur principal peut-il dire que le créancier a été payé par la caution ? Le débiteur principal ne peut se prévaloir de la compensation si la caution devient créancière du créancier, mais si la caution fait jouer elle-même la compensation, alors le débiteur sera libéré mais ce qu’à l’égard du créancier. Il deviendra à nouveau débiteur de la caution.

Les effets de l’extinction de l’obligation de règlement pour les cofidéjuceurs (les autres cautions)

Le principe, c’est que la libération d’une des cautions pour l’une quelconque des causes d’extinction prévues à l’article 1234 du Code Civil ne libère pas les autres cautions.Lorsque ces causes de libération d’une des cautions opère satisfaction partielle du créancier, alors la dette des autres cautions, des cofidéjuceurs sera diminuée d’autant. Si jamais, on a une remise de dette envers la caution (le créancier renonce à une partie de sa dette à l’égard d’une caution), et que cette remise de dette s’accompagne d’un paiement partiel, les cofidéjuceurs sont libérés à hauteur du paiement partiel, mais ne sont pas libérés à hauteur de la remise de dette (Article 1288 du Code Civil).

L’extinction de l’obligation de couverture

On l’a vu l’obligation de couverture, c’est le cautionnement indéterminé (sans limite propre) d’une dette future. Normalement, on accorde ce type de cautionnement que dans le cadre d’un intuiti personae très prononcé. Je n’accepterai de cautionner une dette future pour un montant indéterminé que si j’ai des liens très étroits avec le débiteur.

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Ce type de cautionnement intervient le plus souvent pour des dettes à caractère successif comme le cautionnement d’un loyer, d’un découvert bancaire ou d’un compte-courant.Ce caractère successif et l’intuiti personae vont produire des effets aussi bien sur les causes que sur les effets de l’extinction du cautionnement de couverture.

On va accorder à la caution une faculté de résiliation et ensuite on va quelquefois tenir compte des changements des relations entre les parties à l’opération de cautionnement.

Les causes de l’extinction de l’obligation de couverture

La faculté de résiliation unilatérale

En matière d’obligation de couverture, il y a une faculté de résiliation unilatérale lorsque le cautionnement indéterminé de dette future est à durée indéterminée. Cette résiliation devra également être notifiée au créancier, la plupart du temps, selon des formes prévues par la convention des parties (lettre RAR, acte d’huissier).La jurisprudence qui reconnaît que cette faculté de résiliation est une faveur extrêmement à la caution, va être extrêmement sévère avec les formes requises, et refuse de donner fait aux résiliations qui n’ont pas scrupuleusement respecté les formes prévues par les parties.

S’il existe d’autres cautions, la résiliation de dette future doit également leur être notifié.Si jamais la caution qui résilie ne respecte pas son obligation de notification aux autres cofidéjuceurs, la caution engage sa responsabilité.

Une influence de la modification de la relation entre les parties sur l’extinction de l’obligation de couverture

Lorsqu’on a un cautionnement illimité d’une dette future, c’est en raison des liens étroits qu’ont les parties. On va tenir compte de ce fait en admettant quelques fois que la modification des relations intervienne comme cause d’extinction de l’obligation de couverture.

Décès de la cautionSon engagement de caution est-il transmis à ses héritiers ? Pour l’obligation de règlement, pas de problème.Pour l’obligation de couverture, aux termes de l’article 2294 du Code Civil¸ les engagements des cautions passent aux héritiers, mais la jurisprudence a admis que pour les obligations de couverture, le cautionnement des dettes qui n’étaient pas nées à la dette du décès n’est pas transmis aux héritiers.Par contre, les héritiers restent cautions des dettes nées antérieurement au décès.Cette spécificité résulte d’un arrêt Com – 29 Juin 1982.

Changement dans les relations entre la caution et le débiteurUne personne s’engage de manière indéterminée à cautionner les dettes futures seulement dans le cas où elle peut contrôler ces dettes futures : le dirigeant d’une entreprise.La caution démissionne, ou est évincée de son rôle de dirigeant de la société. Les époux divorcent. A ce moment là, ils n’ont plus la capacité.

Normalement, on devrait admettre que la perte de cette position de contrôle sur la dette principale constitue un terme extinctif, tacite de l’obligation de couverture. Cela a souvent été plaidé, et il existe des arguments d’équité en faveur de cette solution mais la jurisprudence le refuse.

Globalement, la jurisprudence refuse de tenir compte des relations entre le débiteur et la caution en matière de nullité ou d’extinction du cautionnement. Il faut juste penser à mieux rédiger les conventions : Je suis caution indéterminée des dettes futures de l’entreprise, tant que je suis dirigeant. On pourra donc se prévaloir de sa démission.

Changement de créancierLorsqu’on s’engage en tant que caution, c’est aussi en considération de la personne du créancier.Il peut y avoir cas de fusion de créancier (entreprises qui fusionnent), la jurisprudence admet quelques fois l’extinction du cautionnement lorsque le créancier fusionne ou est absorbé par une autre personne morale.

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Cela est admis de façon très rare.

Est-ce qu’on pourrait envisager le cas d’un changement de débiteur ? Le débiteur fusionne ou est absorbé. L’entreprise par fusion ou absorption n’est plus la personne morale que j’ai cautionnée. Dans ce cas là, il y a extinction de l’obligation de couverture.

Est-ce qu’on peut se prévaloir d’un changement des caractères essentiels du débiteur ? Lorsque ceux-ci ont tendance à accroître le passif ou à diminuer le passif ? J’ai cautionné une société civile, et celle-ci devient SARL. Les créanciers d’une société civile peuvent se retourner contre les associés, et ne se retourneront vers la caution que si les associés eux-mêmes sont insolvables. Traditionnellement, la jurisprudence s’est prononcée en sens contraire.

Les effets de l’extinction de l’obligation de couverture

La résiliation unilatérale dont la possibilité est donnée à la cautionCette résiliation unilatérale du cautionnement ne produira des effets que pour l’avenir, c'est-à-dire qu’elle ne prendra effet que pour les dettes qui ne sont pas encore nées au moment de la résiliation. Toutes les dettes nées entre l’engagement du contrat et la résiliation sont encore valables.De même, en matière d’extinction pour cause de changement de débiteur ou changement de créancier, ou en cas de décès.

Au-delà de ces hypothèses spécifiques au cautionnement indéterminé d’une dette future, il y a d’autres causes d’extinction de l’obligation de la caution.

§2 – Les modes d’extinction propres au contrat de cautionnement, relevant souvent de la faute du créancier

Le cautionnement est un contrat unilatéral. En principe, la caution n’a aucun droit vis-à-vis du créancier, et corrélativement, le créancier ne devrait avoir aucune obligation vis-à-vis de la caution, mais cette règle subit des assouplissements considérables en faveur de la caution, puisqu’on sait que la plupart du temps la caution s’engage mais en considération des recours qu’elle pourra exercer contre le débiteur. Le problème, c’est que souvent l’efficacité de ces recours contre le débiteur dépend de l’attitude du créancier qui peut aggraver l’insolvabilité du débiteur. Lorsque la faute du créancier va mettre en péril les changes de la caution d’exercer ses recours subrogatoires ou personnels, cette faute du créancier va intervenir comme faute d’extinction du cautionnement.

Les hypothèses de déchéance du cautionnement et les cas dans lesquels la responsabilité du créancier aboutira au même résultat que l’extinction d’un cautionnement.

La faute du créancier cause d’extinction du cautionnement

La caution ne s’engage que parce qu’elle pourra après son paiement exercer des recours contre le débiteur.Le recours le plus sur d’un point de vue juridique est le recours subrogatoire qui va transmettre à la caution les sûretés. Cela n’est efficace et n’a d’intérêt que si le débiteur reste solvable, et donc à la condition que les sûretés dont la créance était assortie soit maintenue. Or, il arrive que les sûretés dont la créance est assortie disparaisse, par la faute du créancier.

Dans ce cas là, la caution sera déchargée de ses obligations. Cette règle est posée à l’article 2314 du Code Civil. La caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèque, et privilèges de créancier ne peut plus par le fait de ce créancier s’opéré en faveur de la caution. C’est une règle d’ordre public.

Les conditions (cumulatives)

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La jurisprudence manque de cohérence parfois, avec une volonté de protégé la caution en admettant que ces conditions sont remplies. Une autre jurisprudence voulant ne pas entamer l’efficacité du cautionnement, limite ces conditions. L’interprétation de la jurisprudence est donc difficile à connaître quant à l’application de ces conditions.

L’existence de sûretés (droits, hypothèses, et privilèges) antérieure à l’engagement de la caution

De toute évidence, la première condition, c’est qu’il ait existé des droits, privilèges et hypothèques dont la caution aurait pu se prévaloir par le biais de la subrogation et qui ont disparu par sa faute.

Qu’est ce qu’un droit ? La jurisprudence l’interprète dans un premier temps, comme toute prérogative qui donne au créancier un avantage supérieure au seuil droit de gage général des créanciers.Cela inclut toutes les sûretés de toute nature, mais également tous les avantages qui vont lui permettre de faciliter le recouvrement de la créance, et qui seraient transmissibles à la caution par la subrogation. Cette jurisprudence a admis que l’action en résolution du contrat principal par le créancier constitue un droit au sens de l’article 2394 du Code Civil. L’interprétation est donc large.

Cependant, le simple fait que le droit de gage général du créancier sur le patrimoine du débiteur est amoindri, et ne permet pas à la caution de se prévaloir de l’exception du défaut de subrogation.Afin de maintenir le droit de gage général du créancier sur le patrimoine du débiteur, celui-ci pourrait exercer l’action oblique. La caution peut-elle s’en prévaloir ? La jurisprudence a refusé on ne peut pas reprocher au créancier d’avoir laissé le débiteur se prévaloir de soutiens abusifs.

Il existe une condition qui est rajoutée au texte dans tous les cas : il faut une condition d’antériorité des sûretés à l’engagement de la caution. Les sûretés doivent avoir existé avant qu’elle ne s’engage en tant que caution.Deux tempéraments : La caution peut opposer au créancier un défaut de constitution des sûretés qui n’existaient pas au moment de l’engagement, mais le créancier avait promis de les constituer.La caution peut opposer au créancier le défaut de constitution des sûretés auxquelles elle pouvait légitimement s’attendre (jurisprudence casuistique).

Si le créancier fait savoir à la caution qu’il ne constituera aucune autre sûreté, la caution ne pourra s’en prévaloir.

Les sûretés doivent être perdues par la faute exclusive du créancier

Cette condition se divise en deux conditions :Les sûretés doivent avoir été perduesL’exception ne peut jouer que lorsque les suretés ont été perdues. Il existe deux hypothèses de perte des suretés.Une disparition juridique, pure et simpleLa sûreté existait et n’existe plus. Ainsi le débiteur a consenti à une hypothèque en plus du cautionnement, et le créancier n’a pas procédé à l’inscription de l’hypothèque. L’hypothèque n’a donc aucune efficacité juridique, d’où perte de la sûreté au sens de l’exception de subrogation.

La jurisprudence va retenir une conception extrêmement large des droits, privilèges et hypothèques

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On peut retenir une perte économique des droits, privilèges et hypothèques. Un créancier s’est vu confié un bien en gage, et l’a laissé dépérir.

Cette perte des sûretés a été causée par la faute exclusive du créancierL’article 2314 du Code Civil nous nous parle d’une perte par le fait du créancier, mais la jurisprudence a précisé que le fait était nécessairement fautif, et c’est à la caution qu’il appartient d’apporter la preuve du fait du créancier et du caractère fautif.La jurisprudence estime que le simple fait de ne pas avoir fait jouer une simple faculté dont le créancier disposait est fautive Chambre Mixte – 17 Novembre 2006 : « Le créancier qui, dans le même temps, se garantir par un cautionnement et constitue une sureté provisoire s’oblige envers la caution à rendre cette sureté définitive ».

Le créancier sera fautif lorsqu’il n’exerce pas ses facultés dès lors que cette abstention se fait au détriment de la caution. On a donc aujourd’hui véritablement un devoir imposé au créancier de préserver l’intérêt de la caution, et ce sous peine d’extinction de la créance.

De ce fait, la règle va être adoucie par le fait que la perte de la sureté doit résulter de la faute du créancier, mais de sa faute exclusive. Le créancier pourra écarter l’exception du dépôt de subrogation, même si sa faute est prouvée, en apportant la preuve que la sûreté a également été perdue du fait d’un fait extérieur.

La perte de ces sûretés doit causer un préjudice à la caution

Dernière condition, il faut que la perte de ces suretés ait causé un préjudice à la caution.A nouveau, l’idée est que la caution reproche au créancier de l’empêcher par sa faute d’exercer son recours subrogatoire contre le débiteur, mais encore faut-il que ce recours subrogatoire ait pu être efficace.Si la sureté qui existait, perdue du fait du créancier, ne cause pas de préjudice à la caution, car c’est une sureté inefficace, à ce moment là, la caution ne peut se plaindre d’avoir perdu un recours subrogatoire, qui ne lui aurait pas été ouvert de toutes les manières.

Exemple : Un cautionnement + une hypothèque.Si jamais le bien hypothéqué n’a aucune valeur, on peut perdre la sureté puisque celle-ci est inefficace.

De même, si une sureté est perdue mais qu’il existe d’autres suretés qui elles sont maintenues, l’exception de subrogation ne peut pas jouer. On perd une sureté mais le débiteur reste solvable, ou il le redevient (héritage), alors la caution pourra efficacement faire jouer son recours subrogatoire, et ne subit donc aucun préjudice.

Il faut donc un préjudice du fait de la perte de la sureté.

Par exception au droit commun, ce n’est pas à la caution qu’il incombe d’apporter la preuve de l’existence du préjudice. Dès lors qu’une sureté a été perdue, le préjudice est présumé, et ce sera au créancier de démontrer que la caution n’a subi aucun préjudice, et qu’elle peut exercer efficacement son recours subrogatoire.

A nouveau, dans la mesure où il faut qu’il existe un préjudice, la décharge de la caution (l’extinction du cautionnement) ne jouera qu’à hauteur du préjudice effectivement subi par la caution, c'est-à-dire à la hauteur de l’impossibilité de faire jouer le recours subrogatoire.

Exemple : Une dette de 100 000€, cautionnée dans sa totalité, et le créancier dispose d’un gage sur une voiture valant 50 000€. La voiture est détruite. La déchéance de la caution n’est que de 50 000€, pour le reste, elle n’avait pas de sureté, elle reste donc tenue à hauteur de 50 000€.

L’exception de défaut de subrogation emprunte une partie de son régime au droit de la responsabilité, ce qui explique que ce soit d’ordre public. Toute convention contraire est réputée non écrite (loi du 1 er Mars 2004 ).

Les déchéances du cautionnement

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Outre l’exception du défaut de subrogation, le créancier va perdre le bénéfice du cautionnement par déchéance. Les devoirs imposés au créancier par le législateur emportent déchéance totale ou partielle du cautionnement si le créancier ne les respecte pas.

Déchéance, cela veut dire que le créancier ne peut plus se prévaloir du cautionnement. Ces devoirs du créancier que le législateur a édicté, sont au nombre de deux :

Informer la caution

On a déjà vu qu’en matière de cautionnement, il y avait un grand danger pour la caution profane qui n’était pas consciente de la nature et de la portée de son engagement. Elle est donc protégée par un formalisme informatif. Ce formalisme n’a lieu qu’au bénéfice des cautions, personnes physiques, car celles-ci sont réputées profanes.

On trouve deux autres obligations d’information. L’expérience a montré que de nombreuses cautions s’engagent pour une longue durée, et qu’il leur arrivait d’oublier purement et simplement qu’elles s’étaient engagées. Le problème de cet oubli, c’est que la caution va redécouvrir le montant de son engagement, et le montant de l’engagement au moment où elle est appelée en garantie (elle n’a pris aucune mesure qui lui permette de faire face à son engagement pendant ce temps là). Pour éviter cette situation, le législateur a imposé certaines obligations à certains créanciers et à certains créanciers. Il faut rappeler tous les ans l’existence même du cautionnement, et le montant de l’engagement.

Obligation d’informer la caution de l’évolution de la dette : Certains créanciers sont tenus d’informer tous les ans la caution de l’existence et de l’évolution de la dette principale. Le problème, c’est que le législateur a procédé par extension successive du nombre de créanciers et du nombre de débiteurs auxquels cela ca s’applique :Il y a obligation pour les créanciers établissements de crédit d’informer les cautions lorsque la dette principale est un concours financiers consenti à une entreprise. La sanction prévue par cet article 313-22 du Code Monétaire et Financier c’est la déchéance des intérêts échus depuis la dernière information. Cette règle d’obligation d’information va être étendue par la loi Madelin de 1994.Cela est étendu à tous les créanciers lorsqu’il s’agit d’un cautionnement indéfini et que la dette est la dette professionnelle d’un entrepreneur individuel (artisan, commerçant…).Nouvelle extension en 1998, qui va rajouter un alinéa à l’article 2293 du Code Civil, la même règle s’applique à tous les cautionnements indéfinis consentis par des personnes physiques.La loi Dutreil de 2003, à l’article 341-6 du Code de la Consommation, la même règle s’applique à tous les cautionnements définis ou indéfinis consentis par des personnes physiques avec un créancier professionnel.

Obligation d’informer la caution de la défaillance du débiteur : Dans les mêmes cas, et aux mêmes conditions, le créancier va devoir prévenir la caution de tous les incidents de paiement et ce sous peine de déchéance des intérêts échus.L’intérêt étant de permettre à la caution d’intervenir auprès du débiteur, et notamment d’exercer son recours avant paiement (se faire reconnaître le statut de créancier).

Interdiction de se prévaloir d’un cautionnement excessif

Voir supra.

Encore une faute peut être analysée comme une extinction du cautionnement, c’est la responsabilité du créancier.

La responsabilité du créancier

D’un point de vue économique, en tant que moyen de défense, pour s’opposer à son paiement, la caution va engager la responsabilité du créancier, et cela sera revendiqué au titre d’une mesure d’extinction du cautionnement quand elle sera appelée à payer.Elle dira que cela lui cause un préjudice, causé par une faute du créancier : il ne l’a pas prévenue à temps.

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1147 du Code Civil, responsabilité contractuelle.La caution va alors réclamer des dommages et intérêts qui correspondent à la somme qu’elle doit payer au créancier. Entre les deux, va s’opérer une compensation (modalité d’extinction de l’obligation).

Pour cela, il faut que certaines conditions soient réunies :La faute consistera notamment à laisser s’aggraver la situation de la caution, c’est l’idée que le créancier est le seul bénéficiaire du contrat de cautionnement, et donc il y a une obligation de bonne foi renforcée, un véritable devoir de loyauté vis-à-vis de la caution lui interdisant de laisser la situation de la caution s’aggraver. Un préjudice.

La faute du créancier

C’est une faute de nature contractuelle, mais il ne faut pas oublier que le contrat de cautionnement s’inscrit dans une relation triangulaire puisqu’elle suppose l’existence d’une dette principale. La faute du créancier peut résulter d’une faute aussi bien vis-à-vis de la caution, que vis-à-vis du débiteur.

La faute du créancier vis-à-vis de la caution

C’est une faute contractuelle qui consistera en la violation de trois types différents de devoirs que le créancier aurait du remplir :Devoir d’informationLe créancier aurait l’obligation de transmettre à la caution une information compréhensible.Cet argument a été admis par la jurisprudence dans les cas dans lesquels la jurisprudence admet la réticence dolosive sur la situation financière du débiteur. Il y a une obligation contractuelle de bonne foi qui interdit au créancier de rechercher une caution une fois le débiteur insolvable.La réticence n’est dolosive que lorsqu’il existe un devoir d’information.

Ce devoir d’information du créancier vis-à-vis de la caution va existe particulièrement à l’encontre des banques à l’égard de la caution personne physique, avec pour précision que si la dette cautionnée est celle d’une entreprise, le devoir d’information ne joue pas au profit de la caution des dirigeants de cette entreprise.Cette responsabilité résulte d’une évolution jurisprudentielle avec les arrêts Macron de 1997 et Naoum de 2002. A l’époque, pour les mêmes faits, l’obligation d’information n’a pas joué.

La Cour de Cassation va rejeter le pourvoir, au regard des faits, en raison de l’énormité de la somme garantie par une personne physique, et dans des circonstances exclusives de toute bonne foi de la banque, cette dernière a commis une faute en demandant un tel cautionnement n’ayant rien à voir avec les revenus ou le patrimoine de la caution.

Pourquoi ne se sont-ils pas prévalus de la déchéance du fait de la disproportion ? Parce qu’on est en 1997, cela n’a existé qu’en 2003.

Dans l’arrêt Naoum Com - 8 Octobre 2002, il s’agit d’une opération immobilière avec deux dirigeants de société qui cautionnent à hauteur de 23 millions alors qu’ils ne bénéficient eux-mêmes que d’un revenu de 30 000F. Les cautions sont appelées et invoquent avec la jurisprudence Macron, la responsabilité de la banque pour s’opposer au paiement.La Cour d’Appel rejette leurs prétentions dans la mesure que si l’opération immobilière avait réussi, ils auraient gagné des sommes leur permettant de faire face en tant que caution. La disproportion ne peut donc jouer.

La Cour de Cassation a rejeté leur pourvoi au motif que la responsabilité d’une banque ne peut être engagée par des cautions qui n’ont jamais prétendu ni démontré que la banque aurait eu des informations sur leur patrimoine, leur faculté de remboursement qu’elles-mêmes auraient ignoré

Lorsque la banque dispose d’informations sur le patrimoine, le revenu ou les facultés de remboursement dont la caution ne dispose pas, alors on peut faire jouer la responsabilité de la banque. Ce devoir d’information dont la violation entraîne la responsabilité de la banque à hauteur du montant de l’engagement de la caution incombe aux banques, seulement à la condition qu’elles disposent effectivement d’informations dont les cautions ne disposent pas.

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Ce devoir d’information ne profitera pas à la caution qui va pouvoir connaître elle-même la situation financière du débiteur, ce sera toujours le cas du dirigeant d’entreprise. Dans un arrêt du 17 Décembre 2003, la Cour écarte la responsabilité du banquier vis-à-vis du dirigeant. Pour la caution femme du dirigeant, la Cour considère que la banque est responsable car la femme ne connaissait pas les informations nécessaires.

RésuméLe simple cautionnement disproportionné or les cas visés par la loi Dutreil, ne suffit pas à engager la responsabilité du créancier. Il faut en plus un manquement à une obligation d’information sur la situation du débiteur, qui ne pèse que sur les banques et établissements de crédit, ne profitant pas aux cautions qui sont en mesure de connaître la situation financière du débiteur.

Devoir de conseil et de mise en gardeDans certains arrêts, la jurisprudence fait peser sur le créancier un véritable devoir de conseil et de mise en garde, différant de l’obligation d’information. Cette dernière porte simplement sur la disproportion entre les moyens de la caution et son engagement.Le devoir de conseil fait peser sur le créancier un devoir d’avertir la caution sur les risques propres à l’opération cautionnée. Autrement dit le créancier doit dire à la caution que l’opération garantie est risquée, que le débiteur risque d’être insolvable et que dès lors son engagement a de fortes chances d’arriver.

Ce devoir de mise en garde incombe aux professionnels du crédit, et seulement vis-à-vis des cautions qui ne sont pas averties en fait des risques propres à l’opération cautionnée.Comment savoir si on est dans le cadre d’une caution avertie ou non-avertie ? La jurisprudence est extrêmement casuistique.

Un commerçant va pouvoir être une caution non-avertie, s’il s’agit d’une opération complexe qui n’intervient pas son domaine de spécialité. Inversement, une personne physique peut être considérée comme une caution avertie si elle dispose en fait des connaissances économiques juridiques lui permettant d’apprécier les risques de l’opération (dans un arrêt Com – 3 Mai 2006).

La faute du créancier vis-à-vis du débiteur

Il existe deux hypothèses soulevées par des cautions pour échapper à leur engagement :La faute commise par le créancier en accordant au débiteur un soutien abusif (continuant à lui prêter).Le débiteur va continuer son activité au lieu de la cesser, sa dette gonfle, et la caution devrait payer davantage.Les autres créanciers du débiteur peuvent ou pouvaient se prévaloir avant la loi NRE du préjudice que cela leur causait. Les cautions peuvent-elles le faire ? La réponse de la jurisprudence est plutôt négative.L’idée est que la caution bénéficie de l’exception de défaut de subrogation, mais on a vu au titre de cette exception qu’on ne pouvait pas la faire jouer lorsque la faute du créancier était juste due à une diminution du droit de gage général de la caution sur le patrimoine du débiter (ce n’est pas la perte d’une sureté).

La faute commise par le créancier en retirant brusquement le soutien.

La responsabilité du créancier vis-à-vis de la caution concernant un soutien abusif ou un retrait brusque ne peut pas être invoquée par la caution au titre d’une faute commise vis-à-vis du débiteur.

Un préjudice

La caution doit, au titre du droit commun, apporter la preuve d’un préjudice qu’elle a subi.La nature de ce préjudice est que celui-ci ne constitue pas en soit de faire face à son engagement. La nature du préjudice subi, c’est la perte d’une change de ne pas s’engager, ou encore le fait de n’avoir pas pris les précautions qu’elle aurait du mettre en œuvre si elle n’avait pas été bien informée ou été mise en garde.

Le montant du préjudice subi par la caution ne devrait pas correspondre au montant de son engagement en tant que caution mais seulement au montant du préjudice avéré. Par faveur, certains arrêts admettent une compensation totale.

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Titre II – Les autres suretés personnelles (les garanties non-accessoires)

Depuis une trentaine d’années, la pratique a développé de nouvelles suretés personnelles, dont certains cas permettent d’atteindre des buts spécifiques que le cautionnement n’aurait pu satisfaire, mais aussi pour éviter les contraintes du cautionnement dans d’autres cas.

La jurisprudence a consacré dans un premier temps ces autres suretés, avant qu’il y ait une consécration législative lors de l’ordonnance du 23 Mars 2006. Ces suretés personnes nouvelles ont été intégrées au Code Civil.

Chapitre I – Quelles sont ces nouvelles suretés personnelles intégrées dans le Code Civil ?

Ce sont des mécanismes issus de la pratique des affaires, on y trouve les garanties autonomes et les lettres d’intention. On a eu une consécration législative de ces mécanismes, mais les dispositions du Code Civil relatives aux garanties à première demande et aux lettres d’intention sont succinctes, on y trouve des définitions.Le régime a quant à lui été consacré par la jurisprudence avant même la consécration de ces pratiques.

Section I – Garanties autonomes

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C’est une sureté personnelle dans laquelle le garant va s’engager de manière indépendante, non accessoire, autonome par rapport au débiteur principal de sorte que le garant ne pourra pas opposer au créancier les exceptions que le débiteur pourrait faire valoir. C’est donc différent du cautionnement.L’article 2321 du Code Civil consacre cette idée, en nous disant que c’est « l’engagement par lequel le garant s’oblige en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme, soit à première demande, soit suivant les modalités convenues ».

Il y a donc plusieurs variétés de garanties autonomes, la garantie à première demande, mais également la garantie documentaire, et la garantie à première demande justifiée.

Le Code Civil ne donne qu’un seul article, qui est complété par deux articles du Code de la Consommation, introduits par l’ordonnance du 23 Mars 2006.

Il faut donc revenir à son origine. C’est une invention de la pratique internationale qui s’étend à la garantie d’opérations internes. Elles sont donc nées de la pratique du commerce international vers la fin des années 1970.

A l’origine, on avait une entreprise étrangère ou un Etat étranger qui voulait construire une usine clefs en main, et un groupe française propose de le faire, mais pour être sur d’avoir quelqu’un qui va correctement exécuter le contrat, l’entreprise étrangère va demander à son futur cocontractant français de lui donner des garanties. La garantie de donner suite à son offre, de bonne exécution, et éventuellement de restitution d’acompte si pour une raison ou pour une autre le marché n’est pas passé alors que l’entreprise aura versé un acompte.

La méthode la plus efficace serait le dépôt de garantie. Afin d’assurer que l’on s’acquittera de nos propres obligations, on remettra à nos propres cocontractants une somme qu’il conservera si on ne s’exécute pas. On immobilise ainsi des fonds qui peuvent être considérables.

Lorsqu’on verse ce défaut de garantie, on immobilise des fonds qui doivent être considérables, et on peut ne pas disposer des sommes requises ou on peut en disposer, mais les remettre par un tiers, constitue une immobilisation du fonds qui me serait préjudiciable.Pour remplacer ce dépôt de garantie, c'est-à-dire cette somme que l’on remet à son cocontractant ? On va demander à une banque, non pas de remettre les fonds, mais de s’engager à remettre les fonds et ce sur simple demande du créancier. On a bien le remplacement d’une sûreté réelle (le dépôt de garantie) par une sûreté personnelle (la banque s’engage à remettre les fonds).

L’avantage, c’est que le débiteur n’a pas besoin de débourser cette somme, il va juste devoir rémunérer une banque, et s’engager à rembourser la banque si la garantie est demandée.Le créancier a l’avantage d’avoir un débiteur solvable, et surtout cela lui donne une garantie efficace puisque la banque lui remettra les fonds sans aucune discussion.

Ce mécanisme était assez fréquent dans la pratique anglo-saxonne, notamment vis-à-vis des pays du Golfe. Ce mécanisme a été reconnu comme valable par la jurisprudence française dans un arrêt Com – 20 Décembre 1982. Petit à petit, on a commencé à utiliser ces garanties autonomes dans le cadre des affaires internes, mais le plus souvent, dans le cadre de la garantie d’une obligation de faire, notamment pour les marchés de fourniture ou de travaux.

Au-delà de sa consécration par la jurisprudence, on a en trouvé des illustrations dans le Code des Marchés Publics, à l’article 102.

Cela répond donc vraiment au schéma du cautionnement, on a un débiteur appelé « le donneur d’ordres » qui demande à la banque de payer si le créancier le demande. On a un garant, celui qui s’engage à payer cette somme, et dans la pratique, ce sont très souvent des banques, qui s’engagent envers le cocontractant appelé « le bénéficiaire » à lui payer une certaine somme d’argent et ce, si le bénéficiaire le demande au garant.

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La différence avec le cautionnement, c’est que le garant s’engage à titre autonome, à titre non-accessoire, ce qui fait qu’il ne pourra opposer aucune exception qu’elle soit tirée du rapport donneur d’ordres-bénéficiaire ou du rapport donneur d’ordres-garant. Le garant paye sans pouvoir contester le bien fondé de ce paiement.

Dès lors que le bénéficiaire de la garantie demande le paiement, le garant doit payer, et ce même si le donneur d’ordres s’y oppose, et même si celui-ci fait valoir qu’il s’est acquitté de son obligation. Il devra d’abord payer, puis plaider ensuite. Ce qui crée l’autonomie, ce ne sont pas nécessairement ses modalités d’exécution, mais l’objet même de la garantie.

C’est cette règle fondamentale d’autonomie de la garantie par rapport au contrat principal qui donne son nom à la garantie. La lecture de l’article 2321 du Code Civil nous indique qu’il peut y avoir une garantie autonome sans pour autant que ce soit une garantie à première demande.

Ce qui va créer l’autonomie de la garantie autonome, ce ne sont pas ses modalités d’exécution, mais l’objet de la garantie. Dans le cautionnement, la caution s’oblige à payer la dette du débiteur principal, Alors que dans la garantie autonome, le garant ne s’oblige pas à exécuter l’obligation de quelqu’un d’autre, mais à payer une somme en garantie de cette obligation. L’idée, c’est évidemment d’en faire une garantie efficace, mais évidemment, ce schéma est largement dérogatoire par rapport au cautionnement (mesures protectrices de la caution), cela nous conduit à nous interroger sur la validité de ce mécanisme, ainsi que sur ses critères, et enfin ses effets.

§1 – Les conditions de validité de la garantie autonome

Cette validité du principe même du recours à une garantie autonome peut sembler largement problématique, avec des objections quant à sa validité.

Est-ce qu’on ne peut pas estimer qu’il s’agit là d’une dérogation illicite (et donc nul) au caractère accessoire du cautionnement ? Cette objection a été très largement contournée puisque la doctrine et la jurisprudence ont admis que la garantie autonome est une sûreté sui generis qui n’a pas à obéir aux règles relatives au cautionnement. Principe de la liberté contractuelle.

Ensuite, si on contourne le caractère accessoire du cautionnement, c’est afin d’échapper aux mesures impératives d’ordre public de la caution, l’ensemble du mécanisme serait alors contraire à l’ordre public ou frauduleux. Mais ce mécanisme est également proche de la délégation puisque le débiteur demande à un tiers d’exécuter son obligation à sa place, c’est parfaitement licite.

On peut se demander si les garanties autonomes ne sont pas incompatibles avec l’article 1131 du Code Civil qui exige que tout contrat ait une cause puisqu’il n’y a aucune objection qui peut opposée au paiement par le garant. Le garant va être tenu de payer, même si le débiteur apporte la preuve qu’il ne doit rien.Cela en fait un contrat dépourvu de cause et donc un contrat nul.Il y a eu tout un débat doctrinal sur ce point, et en fait, cette cause existe dans le contrat principal comme on le voit dans l’article 2321 du Code Civil qui nous parle d’une garantie « donnée en considération d’une obligation souscrite par un tiers ». L’engagement du garant va être temporairement détaché du contrat principal afin d’assurer la rigueur. Par contre, cette cause va réapparaître à nouveau.

Cette garantie autonome se rapproche des actes abstraits, actes détachés de leurs causes.La cause existe (contrat principal) mais le garant s’interdit de se prévaloir de toute exception tirée sur le contrat.

Au-delà de ces objections, et de leurs réfutations, la Cour de Cassation a admis la validité des garanties autonomes à partir de deux arrêts du 20 Décembre 1982 – Com. Dans ces arrêts, elle considère que ce sont des suretés distinctes du cautionnement. Cette consécration jurisprudentielle a été transposée en consécration législative avec l’article 2321 du Code Civil.

Si le mécanisme ne pose plus de problème, il existe encore des conditions de fond, avec des conditions de forme du droit commun.

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Les conditions de fond à la validité de la garantie autonome

Consacrée à l’article 2321 du Code Civil.A priori, pour répondre à la réalité économique de la garantie autonome, on aurait pu imaginer que cela aurait été inséré dans le Code de Commerce.

Les dettes pouvant être garanties

L’article 2321 du Code Civil ne limite pas la garantie autonome à la matière internationale, ni aux dettes commerciales. Dans la pratique, la garantie autonome concerne avant tout des obligations de faire/de ne pas faire, mais il n’y a pas non plus de limites posées. On peut donc garantir une obligation de donner par une garantie autonome.

En matière de dettes, il n’y a que deux limites posées :En matière de bail d’habitation à l’article 22-1-1 à la loi du 6 Juillet 1989 par l’ordonnance de 2006. La garantie autonome ne peut être souscrire qu’en lieu et place du dépôt de garantie et dans la limite du montant prévu pour celui-ci.Bailleur, je ne peux pas demander à ce que le paiement des loyers soit garanti par une garantie autonome. Le dépôt de garantie (Appartement restitué en bon état – 1 mois de loyer maximum) peut être remplacé par une garantie autonome.

Introduite par l’ordonnance de 2006 à l’article L. 313-10-1 du Code de la Consommation, aux termes duquel il est interdit d’utiliser des garanties autonomes à l’occasion de crédits consentis aux particuliers et réglementés par le Code de la Consommation. Seul le cautionnement sera admis.

Les personnes qui peuvent se porter garants

A nouveau, l’article 2321 du Code Civil ne semble pas apporter de restrictions : il n’est pas nécessaire d’être commerçant, ou d’être une personne morale. Les personnes physiques peuvent se porter garants autonomes.

Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, la garantie doit respecter les règles relatives aux garanties données par les sociétés. Pour une SA, il faudra l’autorisation du Conseil d’Administration, sauf si c’est l’objet social de la société.

Lorsque la garantie est donnée par une personne physique, on va réclamer les mêmes règles qu’en cautionnement (Pas de mineur ou de majeur incapable, et article 1415 du Code Civil autorisation de l’autre époux nécessaire).

La Cour de Cassation essaye de créer un régime primaire de l’ensemble des sûretés personnelles. Au-delà de ces conditions de fond, il n’y a pas vraiment de conditions de forme, ce qui est une importante différence avec le cautionnement.

Les conditions de forme à la validité de la garantie autonome

En la matière, la naissance et la validité de l’engagement du garant n’est subordonné à aucune forme particulière, et aucune des règles spécifiques du contrat de cautionnement n’ont cours en matière de garantie autonome.

Aucune condition de forme ad validitatem, par contre les mentions manuscrites de l’article 1326 du Code Civil au titre de preuve restent requises, mais à nouveau, cette règle est en pratique peu important puisque les mentions sont requises en matière civile à titre de preuve. Dans la pratique, la garantie autonome est surtout donnée en matière commerciale, et entre commerçants, la preuve se fait par tout moyen.

§2 – La qualification de la garantie autonome

Le schéma de la garantie autonome est proche de celui de cautionnement, sûreté réelle.

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De ce fait, les garants sont souvent tentés d’échapper à leur engagement en tant que garant en essayant de faire requalifier le contrat afin de bénéficier des règles protectrices du cautionnement.

La question de la qualification de garantie autonome est une question cruciale. La difficulté tient au fait que l’article 2321 du Code Civil ne propose pas de critères qui permettent de dissiper tous les doutes quant aux critères qui permettraient de distinguer de façon certaine le cautionnement de la garantie autonome.La distinction entre les deux va s’avérer particulièrement délicate, et va être source inépuisable de contentieux, qui ont donné lieu à une jurisprudence éclairante.

La jurisprudence a retenu deux critères cumulatifs pour retenir qu’une garantie est autonome et non un cautionnement : Le garant doit s’engager clairement à payer de manière autonome, c'est-à-dire sans référence à la dette du débiteur principal. Cela ne veut pas dire que la simple présence d’une référence au contrat principal exclut en soit la qualification de garantie autonome Arrêt Com – 18 Mai 1999. Ce qui est important, c’est que le garant ne doit pas avoir la possibilité de discuter le bien-fondé de la demande. Autrement dit, à partir du moment où le garant s’engage que le débiteur soit défaillant ou pas, alors c’est une garantie autonome. Ce premier critère a été posé par Com – 2 Juillet 2005.

Il faut que le garant s’engage à payer une somme fixe déterminée dans son engagement lui-même, dans la garantie, il ne s’engage pas à payer la dette du débiteur principal. Il va payer sa propre dette. Il ne dépend pas du contrat principal.

Par rapport au cautionnement, la garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige à verser une somme, sans référence au contrat principal.Ce critère a été dégagé par un arrêt Com – 13 Décembre 1994, dans lequel la Cour estime qu’on est en présence d’un cautionnement dès lors que le garant s’engage à payer la somme due par le débiteur principal, et ce même à première demande.

Dans la pratique, il faut que le montant même du par le garant soit déterminé par le contrat de garantie. Si on fait référence au contrat principal, alors il s’agira d’un cautionnement.Ce qui fait que finalement, ce critère va rendre l’utilisation de la garantie à première demande particulièrement délicate pour la garantie de crédit, dans laquelle pour déterminer la somme garantie, on doit faire référence au contrat principal.

Dès lors que cela est requalifié en cautionnement, tout le régime du cautionnement est applicable, avec les mesures d’ordre public. Inversement, si les deux critères sont présents, alors il s’agira d’une créance autonome.

§3 – Les effets de la garantie autonome

Les obligations du garant

Le grand principe, en la matière, c’est l’autonomie de l’obligation du garant.

Principe

En vertu du principe de l’autonomie de l’obligation du garant, son obligation n’est pas liée à celle du débiteur garanti, même si la garantie autonome trouve sa cause dans l’obligation principale, le garant ne s’oblige pas à exécuter l’obligation du débiteur principal. Il s’engage à payer une somme déterminée qui peut être différente du montant du par le débiteur principal.Il y aura une différence de montant et de nature. La garantie elle-même sera une obligation de payer une somme d’argent.

Ce principe d’autonomie a des conséquences sur les effets de la garantie d’autonome.

Conséquences du principe

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Quatre conséquences :L’inopposabilité des exceptionsL’idée, c’est que le garant est tenu de payer dès lors que sont remplies les simples conditions formelles de mise en œuvre de la garantie, prévues dans le contrat de garantie entre le garant et le bénéficiaire.

Quelles sont ces modalités ? Il peut s’agir de l’introduction d’un document établissant que le débiteur principal n’a pas exécuté son obligation, mais cela peut aussi être une simple demande comme un coup de téléphone, ou un courrier par lequel le bénéficiaire demande au garant de lui payer sa ga rantie, et ce sans avoir à apporter aucun élément de justification.

Dès lors que ces conditions formelles sont remplies, le garant va devoir payer sans pouvoir opposer aucune exception ni tenant au rapport entre le bénéficiaire et le donneur d’ordres, ni les exceptions relatives au rapport entre le donneur d’ordres et le garant.

Même si le débiteur a déjà payé, même si le donneur d’ordre fait savoir qu’il n’a pas exécuté son contrat mais cela est du à un cas de force majeur, même si le débiteur appelle le donneur d’ordres pour lui dire que l’obligation principale est nulle ou éteinte ou que l’inexécution est due à une faute du bénéficiaire…. Le garant devra payer.

Limites à cette inopposabilité

En matière d’abus ou de fraude manifeste, la jurisprudence va être plutôt restrictive dans la mesure où on va estimer qu’il y a abus manifeste de l’appel de la garantie dans le seul cas où le bénéficiaire n’a manifestement aucun droit, c'est-à-dire que l’absence de droit des bénéficiaires à appeler la garantie doit apparaître de façon évidente et immédiate, sans qu’il soit besoin de se livrer à une quelconque recherche pour établir cet abus.

Il y aura ce caractère manifeste de l’abus, si l’absence de droits du bénéficiaire résulte d’une pièce incontestable, comme la preuve d’un jugement établissant la nullité ou la résolution du contrat, ou un écrit émanant du bénéficiaire reconnaissant que le contrat a été bien exécuté.Le juge refusera absolument tout débat devant lui visant à faire bloquer le paiement de la garantie, pour établir l’absence de droits du bénéficiaire.

L’article 2321 alinéa 3 du Code Civil apporte également la limite de la fraude, c'est-à-dire une collusion entre le bénéficiaire et le donneur d’ordres, escroquerie dirigée contre le garant. Si jamais la banque s’a perçoit quel’ensemble de l’opération est fictive, alors elle peut refuser de payer.

Au-delà de ces deux limites prévues par le texte, on va en admettre d’autres qui vont être liées au respect de l’ordre public, avec trois cas de figure envisageables : L’ordre public économique, et plus précisément l’ouverture d’une procédure collective contre le donneur d’ordres. En matière de cautionnement, l’ouverture d’une procédure collective pouvait donner lieu à certains blocages du cautionnement. Dans les mêmes cas, les garants autonomes peuvent objecter des mêmes exceptions que la caution lorsque le débiteur est placé en procédure collective.

Opposabilité des exceptions tenant à la nullité du contrat pour immoralité du contrat principal en cas d’illicéité ou d’immoralité du contrat principal.Le législateur lui-même reconnaîtrait qu’il faut donner effet à un contrat contraire à l’ordre public. Quant à l’ordre public de direction. C’est le cas dans lequel le bénéficiaire est soumis à un embargo, et le paiement de la garantie est bloqué.

Inopposabilité de l’ensemble des moyens de défense que pouvait soulever la cautionParmi ces moyens de défense, on avait vu que la caution pouvait se prévaloir de l’exception de défaut de subrogation, ou encore d’une violation par le créancier de son obligation d’information.En matière de garantie autonome, ces exceptions ne peuvent pas être soulevées.

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Sort de la garantie en cas de transmission de la créanceQue se passe-t-il si jamais la créance principale est cédée ? Est-ce que la garantie autonome est cédée avec lui ? En raison de son caractère autonome, l’article 2321 du Code Civil prévoit spécifiquement dans son alinéa 4 que la garantie autonome ne suit pas l’obligation principale. Cela joue en faveur du garant.

Attention, cette règle est effectivement guidée par l’article 2321 alinéa 4 du Code Civil, mais ce n’est pas une règle d’ordre public, et on peut stipuler le contraire.

Extinction de l’obligation du garantIl n’y a pas d’extinction par voie accessoire. On ne peut pas invoquer la nullité ou l’extinction de la dette principale. Le garant ne sera libéré que si le bénéficiaire lui donne une décharge.

Ils ne sont pas engagés ad vitam eternam ? Le garant autonome s’est engagé jusqu’au 1 Janvier 2012. Qu’est ce qui empêche le bénéficiaire de la garantie de lui dire « Prorogez jusqu’en 2013 sinon je vous appelle en garantie » ? Dans la pratique, le bénéficiaire peut exercer un chantage à la prorogation. L’unique cause d’extinction est donc la décharge accordée par le bénéficiaire au garant.

Les recours des acteurs de la garantie dont ils disposent après le paiement

Il faut distinguer le recours du garant, et le recours du donneur d’ordres.

Le recours du garant

Il peut être exercé contre le donneur d’ordres, mais également contre un contre garant.

Contre le donneur d’ordres

Ce recours n’est pas envisagé par l’article 2321 du Code Civil.En principe, ce recours peut être fondé sur la subrogation légale prévue à l’article 1231 3° du Code Civil, mais attention ce recours est prévu lorsqu’on paye la dette d’autrui. Or à la différence de la caution, le garant qui s’est engagé de manière autonome, ne paye pas la dette d’autrui mais paye sa propre dette.Malgré tout, la jurisprudence a admis que lorsque quelqu’un a payé sa propre dette, mais libère, alors le solvens peut se retourner contre le donneur d’ordres.

Que se passe-t-il si le donneur d’ordres n’était pas effectivement débiteur ? S’il y a eu appel abusif de la garantie ? C’est toute la difficulté du mécanisme de la subrogation, qui transmet au subrogé les droits du créancier, or si le débiteur n’est plus débiteur (il a exécuté son obligation), le créancier ne peut pas transmettre plus de droits qu’il n’en a, et ne transmet donc rien au garant, qui ne peut pas faire valoir la subrogation.

Le garant se retrouve donc coincé, il doit payer le bénéficiaire sans pouvoir lui opposer d’exceptions, mais au moment où il va se retourner contre le donneur d’ordres, celui-ci pourra lui objecter que ce recours ne peut pas fonctionner. Pour éviter de se retrouver coincé dans ce genre de situation, on a recours au contrat, et dans la pratique, dans la plupart des cas, le garant va avoir intérêt à exercer contre le donneur d’ordres un recours personnel fondé sur le contrat.

Cela permet donc au garant de récupérer ce qu’il a versé au bénéficiaire, même si le bénéficiaire a appelé la garantie de manière abusive. Est-ce que le garant qui a payé peut exercer un recours contre le bénéficiaire ? La réponse est négative. Même si le bénéficiaire a appelé le garant de manière abusive, le garant ne peut pas se retourner contre le bénéficiaire Com – 4 Juillet 2006.

Contre un éventuel contre-garant

On a vu que les garanties autonomes étaient nées dans la pratique internationale, et dans cette pratique, dans la plupart des cas, le mécanisme fait intervenir un garant et un contre-garant chacun situé dans le pays du donneur d’ordres, et dans le pays du bénéficiaire.

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Il y a une garantie de premier rang qui est donnée par exemple dans le pays du bénéficiaire. Cela lui permet de faire jouer la garantie en appelant la banque se situant sur son territoire. On a également une banque contre garante, garante de second rang, située dans le pays du donneur d’ordres.

Lorsque le garant de premier rang est appelé, il va pouvoir se retourner contre le garant de second rang. Cela permet aux bénéficiaires et donneurs d’ordres de s’adresser à des banques de leurs propres pays, on assigne au niveau national, sans avoir à se poser de question de compétence du juge, ou de loi applicable.

L’inconvénient de ce mécanisme, c’est que pour le donneur d’ordre, il se retrouve dans une situation inconfortable, car s’il doit bloquer la garantie, il doit agir en référé à l’étranger, ce qui dans la pratique s’avère difficile à mettre en œuvre. Il sera difficile de paralyser la garantie à première demande, et même lorsque cette garantie est débloquée par la justice, les banques ont tendance à payer.

Les recours du donneur d’ordres (le débiteur principal)

Celui-ci peut être amené à rembourser le garant, sur le fondement de la subrogation, mais évidemment, si jamais, il le rembourse alors qu’il n’a pas exécuté son obligation vis-à-vis du bénéficiaire, il n’a aucun recours car l’appel de la garantie était justifié ».

Que se passe-t-il si le donneur d’ordres a exécuté son obligation, et que le garant a payé à tort la garantie à première demande ? Le garant s’est par la suite fait rembourser par le donneur d’ordres sur le fondement de la subrogation. Le donneur d’ordres n’était donc pas vraiment débiteur. bBLANCCet article 2038 du Code Civil n’existe pas en matière de garantie autonome, on va donc devoir distinguer deux situations :La situation dans laquelle le garant a payé, alors que le donneur d’ordre n’était pas débiteur mais il n’a pas tenté de bloquer la garantie.Dans ce cas, le donneur d’ordre ayant remboursé le garant va disposer d’un recours contre le bénéficiaire puisqu’au final, c’est lui qui a payé le bénéficiaire indirectement, fondé sur la répétition de l’indu ou encore l’enrichissement sans cause. En la matière, pour exercer ce recours, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’un abus manifeste de l’appel de la garantie, mais la preuve d’un indu objectif. La situation dans laquelle le garant a payé, alors qu’il apparaissait de manière manifeste que le bénéficiaire était sans droit. Malgré ce blocage, la banque a payé.Dans ce cas là, le garant n’aurait pas du payer, et s’il le fait, il perd son recours contre le donneur d’ordre. Dans la pratique, il n’a pas besoin d’exercer des recours contre le donneur d’ordres (comptes), et la banque va donc débiter les comptes du montant payé.Dans ce cas là, le donneur d’ordres dispose d’un recours contre le garant qui a payé indûment. Ce recours est fondé cette fois ci sur la responsabilité contractuelle de la banque, du garant à l’égard du donneur d’ordres Civ. 1 ère – 30 Mars 2010 .

Au-delà de ces mécanismes complexes, mais néanmoins efficaces, il existe d’autres sûretés personnelles consacrées par le Code Civil.

Section II – Les lettres d’intention

L’article 2322 du Code Civil nous en donne la définition, et aux termes de cet article, la lettre d’intention est l’engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier.

Cette lettre d’intention consacrée à l’article 2322 du Code Civil est une création de la pratique, développée dans le contexte des groupes de société. Une filiale demande un crédit à une banque, et le cocontractant de la filiale (la banque) va demander à la filiale de lui fournir une garantie personnelle émanant de la société-mère. La société-mère peut apporter une garantie plus efficace en se portant caution, mais le rapport de force peut lui permettre de refuser un engagement si rigoureux, et se contenter d’une lettre d’intention par laquelle elle s’engage à soutenir sa filiale, afin que celle-ci satisfasse ses obligations.

Cette pratique de l’utilisation de la lettre d’intention comme sûreté a été consacrée par le législateur à l’article 2322 du Code Civil, et la lettre d’intention est seulement définie à cet article. Rien n’est dit sur son régime.

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§1 – La nature juridique de la lettre d’intention

C’est une définition très vague donnée dans le Code Civil, et la nature juridique de la lettre d’intention va finalement dépendre des termes employés par l’émetteur, celui qui émet la lettre d’intention.Il y a une immense diversité de l’engagement de l’émetteur.Quelques soient les termes employés et l’étendue de l’engagement de l’émetteur, on trouve un point commun, c’est une garantie de nature indemnitaire.

La diversité des lettres d’intention

Il n’est pas possible de donner de la lettre d’intention une analyse unique, tout dépend des circonstances.Dans certains cas, la lettre d’intention va seulement contenir une promesse morale, qui sera sans effet contraignant d’un point de vue juridique à l’égard de l’émetteur. Il y a aura quand même un petit effet contraignant : elle engage sa crédibilité en droit des affaires.

Dans la plupart des cas, la lettre d’intention va faire naître un véritable engagement juridique, mais cet engagement contraignant peut lui-même avoir une portée variable des termes employés :L’émetteur de la lettre intitule son engagement « lettre d’intention » mais s’engage à payer à la place du débiteur. C’est donc purement et simplement un cautionnement. Le juge requalifiera la lettre d’intention en cautionnement.

S’il s’agit d’une vraie lettre d’intention, l’émetteur de la lettre d’intention ne s’engage pas à payer mais à faire ou à ne pas faire quelque chose pour que le débiteur puisse payer : faire en sorte que le débiteur puisse satisfaire ses obligations, apporter des capitaux au débiteur, ne pas retirer sa participation dans la filiale. L’émetteur ne s’engage pas à payer la dette de sa filiale, mais à soutenir sa filiale, sous peine de dommages et intérêts.

En termes d’obligation de faire ou de ne pas faire, il y a également une diversité : il peut s’engager sur une obligation de moyens ou sur la base d’une obligation de résultat.On peut également retrouver une obligation de comportement, c'est-à-dire qu’il s’abstient d’effectuer tel acte ou qu’il fera un acte, sans pour autant promettre que le débiteur paiera (Il augmentera le capital, mais cela ne veut pas dire que le débiteur pourra faire face à ses obligations).

Lorsqu’il promet un résultat, la lettre d’intention va s’analyser comme une promesse de porte-fort, dans laquelle il s’engage à ce que le tiers exécute le contrat. Tout dépend donc des termes employés par l’émetteur de la lettre.

En la matière, la jurisprudence estime que son obligation est d’une faible intensité, et va donc analyser les termes de son engagement avec sévérité.

Dans cette diversité des lettres d’intention, on retrouve un caractère unitaire, le caractère indemnitaire

L’unité des lettres d’intention : leur caractère indemnitaire

L’engagement de l’émetteur n’est pas de payer la lettre d’autrui, mais de faire quelque chose sous peine de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat, appelé garantie indemnitaire.A partir du moment où l’émetteur ne respecte pas ses engagements, il sera tenu de sa propre dette, et non pas de la dette d’autrui. Les dommages et intérêts constitueront donc la dette personnelle de l’émetteur.

On se demande donc si l’engagement de l’émetteur a un caractère accessoire ou un caractère autonome ? La validité de la lettre d’intention dépend-t-elle de l’existence de l’obligation principale ? La réponse est positive, il y a un caractère accessoire à la lettre d’intentions malgré le fait que celui-ci soit tenu de sa propre dette, et non pas de la dette du débiteur principal. L’obligation principale doit donc exister.

§2 – Le régime juridique de la lettre d’intention

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La conclusion de la garantie par la lettre d’intention

La capacité de l’émetteur

La capacité d’un époux d’engager le patrimoine commun du couple sans l’autorisation de son conjoint ? De prime abord, l’article 1415 du Code Civil ne vise que le cautionnement, mais la Cour de Cassation a transposé cette règle aux garanties autonomes. On considère que oui.

La capacité des dirigeants de société à engager la société sans l’autorisation du Conseil d’Administration ? L’article L. 225-35 du Code de Commerce vise toutes les garanties données par les SA. Mais à ce sujet, il va falloir distinguer en fonction de ce que la lettre d’intention a été émise avant ou après la réforme du 23 Mars 2006 : Avant la réforme, la Cour de Cassation a longtemps hésité sur cette question et se demandait s’il fallait appliquer la nécessaire autorisation du CA à toutes les lettres d’intention ou seulement faisant naître une obligation de résultat. Pour l’instant, la Cour de Cassation semble considérer qu’un dirigeant de société ne peut engager la société qu’avec l’autorisation du Conseil d’Administration pour les seules lettres d’intention emportant une obligation de résultat quant au paiement de la dette.Après la réforme, les lettres d’intention sont rangées parmi les sûretés personnelles. A ce titre, on peut penser qu’elles sont toutes incluses dans l’article L. 225-35 du Code de Commerce, donc les lettres d’intention nécessiteront l’autorisation du CA.

Les formes requises

Aucune condition de forme n’est requise par le texte de l’article 2322 du Code Civil.On va appliquer le droit commun des contrats, c'est-à-dire que les lettres d’intention ne sont pas soumises au formalisme applicable en matière de cautionnement. Par contre, on peut se demander si les lettres d’intention sont soumises au formalisme de l’article 1326 du Code Civil. Lorsqu’on a une obligation unilatérale, les sommes que le débiteur s’engage à verser doivent être apposées par le débiteur lui-même.

Maintenant, en la matière, on est le plus souvent face à une obligation de faire ou de ne pas faire, et non pas d’une somme d’argent, en principe l’article 1326 devrait être inapplicable, mais si l’obligation de faire porte sur une somme d’argent, alors on appliquera l’article.[Majorité des cas sont commerciaux, avec preuve libre].

Les effets de la lettre d’intention

On a vu que la lettre d’intention était utilisée sur une sûreté, mais basée sur une responsabilité contractuelle.

L’opposabilité des exceptions

A nouveau, les exceptions tiennent à la nullité ou à l’extinction de l’obligation principale.

L’opposabilité des exceptions tenant à la nullité de l’obligation principale

Sur la question de savoir si la lettre d’intention présentait un caractère accessoire, on a répondu positivement.La cause de l’engagement de l’émetteur réside donc dans le contrat principal. La nullité du contrat principal devrait entraîner la nullité de la lettre d’intention qui perd sa cause.

Il faut résoudre une difficulté qui est qu’en cas de nullité de l’obligation principale, chacune de s parties vont devoir restituer ce qu’elles ont perçu du fait du contrat. L’émetteur de la garantie doit-il garantir les restitutions ? La question n’a pas été tranchée par la jurisprudence.En raisonnant par analogie, on appliquerait la solution du cautionnement, et l’émetteur est tenu de garantir les restitutions en cas de nullité de son engagement. Cela s’applique également à la résolution du contrat principal.

L’opposabilité des exceptions tenant à l’extinction de l’obligation principale

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Ce sont les mécanismes de la responsabilité contractuelle qui vont permettre d’opposer l’extinction de l’obligation principale au créancier. Si l’obligation principale est éteinte pour une cause donnant satisfaction au créancier, l’émetteur sera totalement libéré même s’il ne s’est pas acquitté de son obligation. Il engage sa responsabilité ce qui implique que le créancier subit un préjudice, mais si l’obligation principale a été exécutée, le créancier ne subit aucun préjudice.

Si l’obligation principale s’éteint pour une cause ne satisfaisant pas le créancier, il y a quand même quelque chose qui pourrait bloquer la responsabilité de l’émetteur, c’est l’absence d’un lien de causalité entre l’extinction de la créance et la non-exécution de la part de l’émetteur.

Quant à sa fonction indemnitaire de la garantie

Celui qui n’exécute pas ce à quoi il s’était obligé, engage sa responsabilité contractuelle.A partir du moment où il engage sa responsabilité contractuelle, il y a trois conditions :

Une inexécution fautive

En matière d’établissement de la faute, tout dépend de s’il s’agit d’une obligation de moyen ou de résultat.Si la lettre d’intention est une obligation de moyens, alors le créancier va devoir apporter la preuve

que son inexécution est fautive. Il ne suffit pas que le débiteur principal ne rembourse pas, il faut encore que l’émetteur n’ait pas fait ce qu’il s’était obligé à faire, et ce en commettant une faute, dont le créancier doit apporter la preuve.

S’il s’agit d’une obligation de comportement, alors le créancier va devoir apporter la preuve que le comportement était promis, et si c’est un résultat, la seule non-action suffit. L’émetteur sera fautif dans l’inexécution du contrat.

Un préjudice réparable

L’idée fondamentale de la garantie par lettre d’intention, c’est que l’émetteur ne s‘est pas engagé à payer à la place du débiteur. La responsabilité sera limitée au seul préjudice prévisible au moment de la formation du contrat. De ce fait, le préjudice réparable peut être différent du montant de la dette principale.En général, il sera équivalent ou inférieur. Surtout, le préjudice peut être supérieur au montant de la dette principale.

Un lien de causalité

Il faut un lien de causalité entre l’inexécution fautive de l’émetteur et la défaillance du débiteur principal. On va pouvoir tirer des moyens de défense de l’absence de causalité. Si l’émetteur ne s’exécute pas, et que le débiteur principal est dans une situation, où même si l’émetteur s’était exécuté, cela n’aurait rien changé, alors l’émetteur n’engage plus sa responsabilité.

Les causes d’exonération de la responsabilité contractuelle

On est en matière de responsabilité contractuelle, la question cruciale concerne les causes d’exonération du responsable. Si jamais l’émetteur de la garantie s’est engagé sur un résultat, alors le droit commun des obligations de la responsabilité contractuelle nous dit qu’il ne sera libéré qu’en cas de force majeure.La doctrine nous dit que, cas de force majeure, ce sont le fait de risquer sa propre faillite pour l’émetteur s’il exécute son obligation, ainsi que la faute du créancier qui constituera une cause d’exonération partielle.Par contre si l’émetteur s’est engagé sur une obligation de moyen, il pourra s’exonérer totalement en apportant la preuve de son absence de faute dans l’exécution de son obligation.

Quant à sa nature de sûreté

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Une lettre d’intention intervient sur le mécanisme de la responsabilité contractuelle, mais c’est quand même une sûreté. L’émetteur va-t-il bénéficier des règles de protection des cautions comme l’exception de défaut de subrogation ou encore le manquement du créancier à son obligation d’information ?Il n’y a pas de réponse certaine en jurisprudence à ces questions.

Sur l’obligation d’information du créancier à l’égard de l’émetteur de la garantie, on trouve deux objections pratiques :Les lettres d’intention sont le plus souvent données par des personnes morales au profit d’autres personnes morales qui ne sont pas débitrices d’un devoir d’information.Lorsqu’il s’agit de rapports société-mère/filiale, en matière de défaut d’information du créancier au garant, le créancier pourrait objecter qu’à priori une société-mère connaît mieux la situation économique de sa filiale que le créancier lui-même.

Sur l’exception du défaut de subrogation, la question est plus pertinente.Il y a des arguments pour que l’émetteur puisse se prévaloir de l’exception de subrogation, et d’autres qui sont contre : C’est une exception prévue pour le cautionnement, et ne devrait sortir de son champ d’application.Cependant, par analogie, a fortiori, on devrait admettre que l’émetteur de la lettre d’intention peut se prévaloir de cette exception du défaut de subrogation.Le problème est que cette exception implique que le garant qui a engagé sa responsabilité vis-à-vis du créancier puisse se retourner contre le débiteur sur le fondement de la subrogation. On n’est pas certain que ce recours subrogatoire existe.

Chapitre II – D’autres suretés personnelles non-encore reconnues par le Code Civil – Les sûretés innommées

Ce sont des mécanismes existants, auxquels le Code Civil n’a pas donné à l’origine la qualification de sûretés. La liberté contractuelle a son rôle à jouer en sûretés, puisque lettre d’intention et garantie autonome ont trouvé leur origine dans la pratique, et à ce titre, le principe de liberté contractuelle permet aux parties d’imaginer toute sorte de montage pour faire garantir par un tiers la dette d’un débiteur. C’est le principe des sûretés personnelles.On peut largement inventer ces mécanismes.

A l’origine, lettre d’intention et garantie à première demande sont apparues sans aucune support textuel. De manière toute aussi inventive, rien ne nous empêche d’utiliser un mécanisme juridique qui existe et de le détourner de sa finalité première pour en faire une sûreté.Il y a une limite au principe de liberté contractuelle : il faudra éviter que la technique utilisée soit utilisée dans le seul but d’éviter d’appliquer les règles impératives du cautionnement. Le danger, c’est que le juge requalifie le mécanisme détourné en cautionnement, ou alors qu’il lui applique par analogie les règles édictées pour le cautionnement.

Parmi les mécanismes que l’on trouve dans la pratique, on observe dans la réalité du marché qu’il y a des techniques qui sont soit des mécanismes relevant du droit des obligations, soit une technique reposant sur un contrat spécial destinée d’habitude à couvrir un risque (assurance).

Section I – L’utilisation comme sûreté des mécanismes généraux du droit des obligations

§1 – La promesse de porte-fort

C’est un mécanisme qui est prévu à l’article 1120 du Code Civil. La promesse de porte-fort consiste à promettre le fait d’un tiers. Cela n’engage pas le tiers, par contre le promettant engage sa responsabilité personnelle si le tiers ne s’exécute pas.

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La promesse de porte-fort vise habituellement la conclusion d’un contrat : celui qui s’est porté-fort promet qu’un tiers va s’engager, c'est-à-dire qu’il conclura le contrat. Le texte de l’article 1120 du Code Civil est assez vaste et rien n’interdit de promettre non pas l’engagement du tiers, mais l’exécution du contrat par le tiers.

Cette situation va se distinguer du cautionnement, puisque le promettant sera tenu d’une dette qui est sa dette personnelle. Il promet d’indemniser si le débiteur ne paye pas.

Dans un arrêt Com – 13 Décembre 2005, la Cour de Cassation a validé cette utilisation de la promesse de porte-fort comme sûreté, mais de manière un peu curieuse, la Cour va estimer que ce mécanisme a un caractère accessoire, ce qui finalement va le rapprocher d’un cautionnement. On n’avait pas vraiment besoin de cet arrêt pour valider ce mécanisme, puisque lorsqu’on s’engage d’une lettre d’intention avec une obligation de résultat, cela peut s’analyser en une promesse de porte-fort, même si le mécanisme ne s’en réclame pas explicitement.

§2 – La délégation

La délégation est un mécanisme prévu par l’article 1275 du Code Civil, et dans lequel une personne, le déléguant va demander à un autre, délégué de s’engager envers une troisième que l’on va appeler le délégataire. Normalement, le déléguant est débiteur du délégataire, et si le délégué accepte de s’engager envers le délégataire, c’est parce qu’il est lui-même débiteur du déléguant.C’est la situation courante, mais ce n’est pas obligatoire : le délégué peut s’engager librement, même s’il n’est pas débiteur.

Cette délégation connaît de multiples utilisations.On l’a envisagé comme une modalité de transfert de créances.Dans notre hypothèse où le déléguant sera débiteur du délégataire, la délégation pourra être utilisée comme une sûreté personnelle, et c’est à ce titre qu’elle nous intéresse.

Normalement, sauf stipulation contraire, la délégation n’opère pas novation de la dette. Le déléguant qui trouve un délégué, reste donc débiteur du délégataire/créancier. Nous sommes donc dans le cadre d’une délégation imparfaite. Cela permet de rajouter un nouveau débiteur, le délégué au débiteur originaire qui est le déléguant. Le créancier va se retrouver avec deux débiteurs.

Le délégué ne pourra opposer aucune exception au créancier/délégataire. Il est directement lié au créancier, il passe directement un contrat avec le délégataire. Il ne peut donc tirer aucune exception de son propre rapport avec le déléguant puisque la validité de la délégation n’implique pas que le délégué soit le débiteur du déléguant (On peut s’engager à payer la dette d’autrui).

Concrètement, imaginons une banque qui veut prêter une somme d’argent à une entreprise.Normalement, elle va demander au dirigeant de l’entreprise de garantir cette dette, mais pour une raison X ou Y, elle ne veut pas se contenter d’un cautionnement. Pour utiliser la délégation, elle va directement prêter l’argent au dirigeant lui-même, qui va prêter cette somme à l’entreprise en lui demande de s’engager elle aussi à rembourser le prêt.

La banque pourra demander le remboursement à chacun d’entre eux, sans qu’il puisse tirer aucune exception de leurs rapports entre eux (Je ne suis plus dirigeant de l’entreprise).Ils pourront tirer des exceptions tirés de leurs rapports directs (Le prêt est nul).Autre avantage, chacun des nouveaux débiteurs va devoir payer la banque sans subsidiarité, c'est-à-dire sans avoir à prouver la défaillance de l’autre. Ils sont tous deux débiteurs.

Ce qui est intéressant dans ce mécanisme, c’est puisqu’il repose sur un mécanisme dans le Code Civil, on ne peut mettre en cause sa validité, mais il faut faire attention à ce que le juge ne le requalifie pas en cautionnement (Volonté d’échapper aux règles d’ordre public).

§3 – L’engagement solidaire du codébiteur non-intéressé à la dette

Le mécanisme de la solidarité

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La solidarité emporte obligation à la totalité de la dette pour chaque débiteur.Cette solidarité va pouvoir servir de sûreté personnelle avec un mécanisme proche du cautionnement. On va pouvoir tourner l’inconvénient du cautionnement en demandant à un garant de s’engager solidairement, mais sans subsidiarité, c'est-à-dire que le garant va devenir débiteur mais sur le même plan que le débiteur principal.

Le but de ce mécanisme est de contourner les règles protectrices de la caution, mais ce mécanisme est parfaitement valable puisque prévu à l’article 1216 du Code Civil « Si l’affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l’un des coobligés solidairement, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions ».

C’est le cas de la cession du bail commercial. Le locataire, preneur dans un bail commercial peut librement céder son bail sans accord du bailleur. Le danger pour le bailleur, c’est qu’il risque de se trouver avec un nouveau locataire insolvable. Lorsque le locataire vend à un nouveau commerçant, il veut être payé pour la cession du bail, et peu importe si le locataire a les moyens de payer le propriétaire.Pour y parer, le propriétaire va demander au locataire cédant de s’engager solidairement à payer les loyers du nouveau locataire. L’ancien locataire n’est plus intéressé à la dette vis-à-vis du créancier/propriétaire, il n’est plus partie au contrat de location, mais il va rester débiteur solidaire des loyers.

C’est aussi le cas pour les personnes cherchant un logement. Le propriétaire sait parfaitement qu’en tant qu’étudiant, on n’a probablement pas les revenus pour payer les loyers. Ce seront les parents qui aideront à payer le loyer. Plutôt que de leur demander de s’engager comme caution, on va leur demander de s’engager directement comme codébiteur solidaire, mais non-intéressé à la dette dans la mesure où ce ne sont pas eux qui sont les occupants du studio.

Le régime de l’engagement sans intéressement à la dette

Cette solidarité passive met en place un système dans lequel le garant devient débiteur, et il ne devient pas lui-même créancier du débiteur originaire sauf stipulation contraire. En effet, il est juste débiteur du créancier, mais il ne devient pas créancier.

Ils sont débiteurs vis-à-vis du créancier, et doivent donc payer le loyer ce directement. Par contre, vis-à-vis du codébiteur, le codébiteur non-intéressé à la dette se retrouve dans la situation d’une caution. Il va donc avoir une double relation : caution vis-à-vis du débiteur, et codébiteur vis-à-vis du créancier.

Le rapport codébiteur solidaire vis-à-vis du créancier

Il doit payer, mais il n’a aucun droit tiré du contrat (Il est non-intéressé à la dette).Dire qu’il est codébiteur, cela veut dire qu’il n’agit pas en tant que caution. Le créancier n’a donc pas besoin d’établir la défaillance du débiteur. Le propriétaire demandera directement à nos parents de payer.Vis-à-vis du créancier, tout se passe comme dans un contrat normal, dont le garant serait le débiteur principal. D’ailleurs, le garant est débiteur principal, puisqu’il est débiteur solidaire.

On va donc appliquer les règles de la solidarité. Aux termes de l’article 1208 du Code Civil, le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions, qui résultent de la nature de l’obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs.Il ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles à quelques uns des autres codébiteurs.

Le codébiteur solidaire non-intéressé à la dette n’est pas une caution, il est un débiteur sur le même plan que le débiteur principal. De ce fait, normalement, il ne peut pas opposer les exceptions qui sont propres à la caution, mais il va pouvoir se prévaloir de toutes les exceptions que lui donne sa qualité de débiteur unilatéral.

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Peut-il se prévaloir des déchéances pour défaut d’information de la caution ? Par principe non puisque le débiteur n’est pas caution.

Le codébiteur SA peut-il opposer l’absence d’autorisation donnée par le CA ? Oui, puisque l’article 225-35 alinéa 4 du Code de Commerce prévoit que les SA ne sont pas tenues par les garanties (au sens large), données par leurs garants, si elles ne sont pas données par le CA. Cela touche toutes les garanties.

Le codébiteur marié sous le régime de la communauté des biens peut-il opposer l’absence d’autorisation donnée à son conjoint au titre de l’article 1415 du Code Civil ? C’est propre au cautionnement, mais la jurisprudence en a une conception extensive. Il est probable que la Cour de Cassation estime que pour qu’une personne mariée puisse s’engager sue le fondement de la solidarité, il faille recueillir l’autorisation du conjoint, sous peine de limiter l’engagement à ses biens propres.

La responsabilité du créancier pour disproportion de son engagement par rapport à ses revenus ? Cela est spécifique au cautionnement pour la déchéance prévue par la loi Dutreil. Le codébiteur est un codébiteur principal, et en tant que cocontractant du créancier, il ne peut s’en prévaloir (sinon ce serait de la lésion), mais en sa qualité de garant, il est probable qu’il puisse tirer des arguments en disant qu’il est comme la caution.Il n’y a pas de réponse jurisprudentielle.

Les relations entre le codébiteur principal et le garant codébiteur solidaire non-intéressé à la dette

Vis-à-vis du codébiteur principal, le codébiteur non-intéressé à la dette est caution. Cela est expressément prévu à l’alinéa 2 de l’article 1216 du Code Civil. Après le paiement, le codébiteur non-intéressé à la dette dispose vis-à-vis du débiteur principal des recours de la caution. Il bénéficie donc du recours subrogatoire, et du recours personnel, ce pour la totalité de la dette.

Section II – Le contrat spécial d’assurance utilisé comme sûreté

Utilisation très courante, notamment pour les prêts immobiliers.Cela permet de garantir les risques liés au crédit. Cela apparaît à travers deux types d’assurance assez différents : l’assurance-crédit, et l’assurance-incapacité qui vient s’ajouter à un contrat de crédit.

§1 – L’assurance-crédit

Le mécanisme général de l’assurance-crédit

L’assurance-crédit est un contrat passé entre le créancier et un assureur.Aux termes de ce contrat, l’assureur s’engage moyennant le paiement de primes à indemniser le créancier des pertes que le créancier pourrait subir du fait du non-paiement de ses créances, ou de l’insolvabilité de son débiteur.

Ce mécanisme va se distinguer du cautionnement dans la mesure où l’engagement de l’assureur est un engagement principal qui n’est pas unilatéral puisqu’il trouve une contrepartie dans le versement de primes que lui verse le créancier.

L’objet de ce contrat, c’est de couvrir le risquer de non-paiement de la dette. C’est donc radicalement différent du cautionnement, qui est un contrat accessoire, en principe à titre gratuit. Pour pouvoir distinguer clairement, il va falloir s’intéresser à plusieurs formes d’assurance-crédit :

L’assurance-cautionnement

L’assurance s’engage à payer le créancier à l’échéance si le débiteur principal ne le fait pas. En réalité, dans ce cas là, on est vraiment dans le cadre d’un cautionnement mais qui sera rémunéré par le créancier.

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Ce type d’opérations a été beaucoup utilisé dans les années 1970, donnant lieu à un véritable conflit entre les banques et les compagnies d’assurance. Un accord avait été passé dans lequel les banques se réservaient l’exclusivité du cautionnement mais ce type d’accord est apparu comme un véritable partage de marché. Depuis 1973, avec une condamnation par la Cour de Justice des Communautés Européennes, les compagnies d’assurance ont retrouvé le droit de pratique ce genre d’opérations.

Ce mécanisme permet à l’assureur de disposer des recours de la caution contre le débiteur principal (Surtout du recours subrogatoire fondé sur l’article 1251 3° du Code Civil).

L’assurance-insolvabilité

C’est une opération qui va se distinguer plus nettement du cautionnement, puisque l’assureur ne s’engage qu’à couvrir l’insolvabilité avérée. Dans ce type de contrat, en général, l’assureur s’engage non pas à payer chaque échéance, mais la totalité de la créance, et ce, contre la totalité de ses débiteurs.C’est une créance extrêmement risquée pour l’assureur, et dans la pratique, l’assureur va refuser certaines créances.

Dans ce type de contrat, l’assureur ne peut pas se prévaloir des recours de la caution, et normalement il ne devrait pas pouvoir se prévaloir de la subrogation puisqu’il a payé sa propre dette. Il ne peut pas dire qu’il a libéré le débiteur principal, puisqu’en payant sa propre dette, il ne paye pas la dette du débiteur principal mais une dette de nature indemnitaire. Théoriquement, la subrogation lui est donc fermée.Une loi spécifique de 1972 est cependant intervenue, et l’assureur dispose d’un recours subrogatoire contre l’auteur du sinistre, même si le mécanisme de l’article 1251 3° du Code Civil ne fonctionne pas.

Ces mécanismes d’assurance sont particulièrement utilisés en matière de commerce extérieur.

L’utilisation particulière de l’assurance-crédit dans le domaine du commerce extérieur (Coface) Il y a donc un organisme français qui est la compagnie français d’assurance pour le commerce extérieure (COFACE) qui a pour but de favoriser l’exportation par les entreprises françaises, et afin de ne pas dissuader les entrepreneurs français d’aller chercher des marchés étrangers, la COFACE couvre les risques spécifiques liés à l’exportation (garanties du risque de change, mais surtout en cas de non-paiement par le client étranger).

Les risques garantis par la COFACE dans le cadre de l’assurance-crédit sont conçus pour inciter les entreprises françaises à exporter, et donc la couverture des risques sera plus large qu’en matière d’assurance-crédit interne. La COFACE va couvrir avec la garantie de l’Etat les risques d’inexécution par le débiteur situé à l’étranger, même si ceux-ci sont dus à la force majeure.

§2 – L’assurance-incapacité (décès ou invalidité)

Le débiter perd son emploi, ou décède. Ce risque est garanti par une assurance propre, qu’on appelle une assurance-décès ou assurance-invalidité.

Il est extrêmement fréquent que lorsqu’un particulier emprunte de l’argent à une banque, il s’engage à rembourser sur ses revenus. La banque demande à ce que l’emprunteur souscrive une assurance destinée à couvrir à rembourser le prêt si jamais le débiteur décède ou si jamais il est victime d’une incapacité de travail. Il arrive même que certaines assurances couvrent le cas de chômage.

L’emprunteur, ou les héritiers de l’emprunteur vont avoir un bénéfice économique certain du fait de cette opération puisqu’ils vont se trouver libérés d’une dette, que quelqu’un d’autre va payer à leur place, et ce sans recours possible.

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Dans le cadre du crédit consenti à une entreprise, l’extinction de la dette présente pour le débiteur ou ses héritiers un inconvénient fiscal. Pour l’entreprise, c’est un enrichissement de l’actif net, qui sera taxé. Il en est de même en matière successorale.

En général, en plus de ce contrat d’assurance, il y aura en général une cession de créance anticipée. Les héritiers vont directement vendre leur créance future à la banque, et celle-ci peut directement demander le paiement. Cela évite le risque fiscal.

Partie II – Les sûretés réelles

On va essayer d’être certain qu’on sera payé en priorité sur les biens du débiteur. On va affecter un des biens du débiteur à la garantie du créancier.Comment se faire attribuer cette affection d’un bien ? Cela va résulter d’un contrat entre le créancier et le débiteur, mais cette affectation peut aussi être l’œuvre de la loi, ou du juge qui vont transférer un droit réel sur un bien ou sur un ensemble de biens du débiteur. Ce droit réel va venir s’ajouter au droit de gage général que le créancier détient sur le patrimoine du débiteur.

C’est un droit réel transmis au créancier.Un droit réel, ce sont les droits dont une personne dispose sur une chose, et en principe il s’agit de la propriété, de l’usufruit, ou encore du droit d’usage. Les sûretés réelles ne transfèrent pas en principe ces droits réels principaux. Traditionnellement, ce qui est transmis, c’est un droit réel accessoire, c'est-à-dire un droit abstrait ne transmettent pas au créancier la chose, ni même son utilité économique. Cela lui transmet seulement les attributs juridiques de la chose, c'est-à-dire un droit de préférence lui permettant d’être payé avant les autres créanciers en cas de vente forcée du bien, ainsi qu’un droit de suite permettant de saisir le bien du débiteur dans n’importe quelle main, même si ce bien a été revendu, donné, aliéné par le débiteur.

Ce droit a considérablement évolué sous l’influence de la pratique, et à cause des différentes réformes, dont la réforme du Droit des Entreprises en Difficulté qui va venir perturber le droit de préférence des sûretés réelles.Les sûretés réelles ont ainsi perdu de leur efficacité, puisque la réforme de 1985 essaye de sacrifier les créanciers, quelque soient les sûretés détenues au profit d’une espèce de tentative de sauvetage de l’entreprise et de ses emplois, qui s’avère dans la pratique souvent illusoire.

Il faut également prendre en compte la réforme opérée par l’ordonnance du 23 Mars 2006.

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On a donc un renouveau des sûretés réelles. Ces sûretés réelles traditionnelles existent encore, mais d’autres sont apparues, qui ne vont pas toujours conférer un droit réel d’une même intensité. On a l’idée que l’affectation d’un bien au paiement privilégié d’un créancier peut s’opérer de manière indirecte. On crée une sûreté qui n’accorde pas au créancier de droit particulier, mais qui va permettre de paralyser les sûretés des autres créanciers.

D’autres sûretés vont intervenir, dans lesquelles le créancier se retrouve investi d’un droit exclusif sur un bien du débiteur. Lui seul pourra saisir ce bien. On voit la renaissance moderne et assez paradoxale de la plus ancienne des sûretés qui était la réserve de propriété.

Titre I – L’affectation indirecte d’un bien au créancier par la restriction des droits du débiteur ou des droits des tiers

Lorsque les créanciers sont en concours, la répartition des biens des débiteurs dépendra de la sûreté que chacun détient sur les biens. Il faut trouver un moyen d’empêcher les autres créanciers de faire jouer leur sûreté sur un bien appartenant au débiteur. Cette restriction du droit d’agir des autres créanciers sur le patrimoine du débiteur, peut intervenir par l’effet de la loi, d’un contrat entre le débiteur et le créancier.

Chapitre I – Le droit de rétention

C’est le droit de nuire aux autres créanciers et sur le débiteur.A supposer un créancier qui va détenir une chose qui appartient à son débiteur, c’est le cas du garagiste qui a effectué une réparation sur la voiture du débiteur et qui n’a pas encore restitué la voiture au débiteur. Ce créancier va pouvoir retenir, c'est-à-dire refuser de restituer la voiture, la chose détenue, et ce jusqu’à ce qu’il soit payé.

L’intérêt d’un tel droit, c’est qu’il constitue un moyen de pression efficace sur le débiteur lui-même, dès lors qu’il a besoin de la chose retenue.

L’intérêt principal de ce mécanisme en tant que sûreté, c’est qu’il est opposable aux tiers, c'est-à-dire dans l’optique du droit des sûretés, qu’il est opposable aux autres créanciers.Si les autres créanciers veulent pouvoir saisir ce bien, ils vont devoir désintéresser le créancier rétenteur.Cette opposabilité du droit de rétention est particulièrement intéressante dans la mesure où elle est maintenue même en cas de procédure collective ouverte contre le débiteur.

Face à un tel droit relativement paradoxal, on va s’intéresser à la nature juridique du droit de rétention, et celle-ci reste discutée. Dans une analyse assez classique, la Cour de Cassation a considéré qu’à partir du moment où le droit de rétention était opposable aux tiers, c’est qu’il s’agissait d’un droit sur la chose Civ. 1 ère - 7 Janvier 1992, réaffirmé par Com – 3 Mai 2006.L’opposabilité aux tiers n’est pas une caractéristique des seuls droits réels, et est inexact parce que le rétenteur n’a aucune autre prérogative que son droit de rétention, et à ce titre, n’a pas les autres prérogatives caractéristiques des sûretés réelles. Il ne peut pas se servir de la chose, il n’a pas le droit d’en tirer profit…

Le droit de rétention s’analyse comme une simple modalité de l’obligation de rétention. Tant qu’il n’est pas payé, son droit est reporté. Ce report jusqu’à ce qu’il ait été payé fait l’intérêt de l’efficacité du droit de rétention.

Le droit de rétention n’a pas été analysé comme une véritable sûreté par la jurisprudence et par le législateur.Même si c’est une garantie, ce n’est pas une véritable sûreté Com – 20 Mai 1997. Analyse qui a été consacrée par le législateur, puisqu’on va voir que le législateur n’a pas situé le droit de rétention dans les sûretés, mais dans les dispositions préliminaires du titre IV.

Avant la réforme de 2006, il n’y avait pas de droit de rétention général, mais des droits de rétention particuliers qui existaient dans certains cas, au profit de certains créanciers nommés, dans des textes particuliers.

Quels sont les cas où le droit de rétention apparaît comme une garantie autonome ?

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Les cas dans lesquels le droit de rétention a été consacré au profit de certains créanciers sont donnés à l’article 1612 du Code Civil, au profit du vendeur impayé, qui a le droit de ne pas donner la chose. L’article 1948 du Code Civil a consacré un droit de retenir la chose déposée pour le dépositaire, et ce jusqu’à ce qu’on lui verse la totalité des sommes dont il est créancier en vertu du contrat de dépôt.L’article 545 du Code Civil qui pose la nécessité du versement préalable de l’indemnité en cas d’expropriation.

Ces trois cas n’étaient-ils pas limitatifs ? C’est une question que l’on s’est posé pendant longtemps.Pourquoi cette limitation ? Le droit de rétention est considéré comme un moyen de justice privé, et qui devrait à ce titre rester exceptionnel. Surtout, ce droit de rétention aboutit indirectement à conférer à un créancier une situation de préférence extrêmement efficace, causant une rupture de l’égalité entre les créanciers, ce qui peut se faire qu’en vertu d’une sûreté, ce que n’est pas le droit de rétention.

Malgré l’hostilité de la doctrine, la jurisprudence a reconnu assez rapidement un droit de rétention même en dehors des cas prévus par ces textes. Ce droit de rétention a été consacré par l’ordonnance du 23 Mars 2006 faisant entrer le mécanisme à l’article 2286 du Code Civil, intégré au sein des textes préliminaires du livre IV, c'est-à-dire juste après le droit de gage général.

Ce texte est relativement sommaire dans la mesure où il énumère les cas dans lequel un créancier peut se voir reconnaître un droit de rétention. Il en pose les conditions.C’est la jurisprudence qui en a déduit les effets.

Section I – Les conditions du droit de rétention

Elles sont posées de façon générale par l’article 2286 du Code Civil, aux termes duquel, peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose :Celui a qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance.Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer.Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose.Celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession.Le droit de rétention s’opère par le dessaisissement volontaire.

Ces conditions restrictives résultaient de la jurisprudence antérieure. Elles portent sur le caractère de la créance, la chose retenue, mais surtout, il faut qu’il existe entre la créance et la détention de la chose un lien de connexité.

§1 – Les caractères de la créance

On peut faire jouer le droit de rétention pour garantir une créance contractuelle, extracontractuelle. Peu importe sa nature : somme d’argent ou plus exceptionnellement d’une obligation de faire ou de ne pas faire.On s’attend à ce que la créance soit certaine (établie au moins dans son principe) et qu’elle soit exigible, mais une incertitude existe sur la condition de liquidité de la créance.

La créance ne doit pas être assortie d’un terme non-échu. Si le débiteur est associé à un terme, et que le créancier utilise son droit de rétention pour faire tomber le terme, alors il agirait de mauvaise foi, et commettrait une faute contractuelle, punie de dommages et intérêts.

Pour la liquidité, c’est le fait de savoir combien le débiteur doit.Il n’est pas certain que cette condition soit exigée. On peut exercer un droit de rétention à partir du moment où on est certain d’être créancier, même si on ignore le montant de la créance.Au-delà des conditions relatives à la créance, il en existe relatives à la détention de la chose.

§2 – La chose retenue

Les choses pouvant être retenues

Le but est de gêner le débiteur en ne lui restituant pas une chose dont il est propriétaire.

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Dans l’immense majorité des cas, le droit de rétention s’exerce sur un bien corporel. La mainmise physique du rétenteur permet de nuire au débiteur. La condition n’est cependant pas posée par le texte.Il n’est pas exclu de faire jouer ce droit sur un bien incorporel. A partir du moment où on peut bloquer un bien incorporel, et empêcher le débiteur d’y avoir accès, alors ce sera efficace, comme un établissement de crédit bloquant le solde du compte d’un client (Com – 7 Avril 1998).

Rien n’interdit de le faire jouer à l’encontre d’un immeuble.Surtout, peu importe la valeur de la chose. Le droit de rétention va pouvoir porter sur une chose sans aucune valeur marchande à partir du moment où la privation de cette chose s’avère gênante pour le débiteur. C’est le cas des documents comptables détenus par le comptable, la carte grise d’un véhicule… Ils n’ont aucune valeur, mais le fait de les conserver gêne le débiteur.

Si on exerce son droit de rétention sans aucune valeur marchande, cela n’a pas beaucoup d’intérêt pour les autres créanciers. En théorie, le droit de rétention peut encore porter sur une somme d’argent, mais plutôt que de faire jouer le droit de rétention, il faudrait plutôt faire jouer la compensation entre la somme d’argent et la créance.

Il existe une restriction non-posée par le texte, résultant de la jurisprudence antérieure. Le droit de rétention ne peut porter que sur des choses dans le commerce (hors organes humaines par exemple).

Autre précision, il n’est pas nécessaire que la chose retenue soit la propriété du débiteur. En vertu de l’opposabilité aux tiers, on peut exercer le droit de rétention même si le débiteur n’est pas propriétaire (Civ. 1 ère – 7 Février 1992 ).

Pourquoi cette possibilité d’opposer le droit de rétention au propriétaire non-débiteur ? Cela s’explique par le fait que le droit de rétention est opposable à tous, erga omnes.

Les conditions relatives à la détention

Cette détention doit être effective, et elle doit être régulière.

Une détention effective

Elle ne sera efficace que si le rétenteur a la maîtrise de la chose, la chose ne doit donc pas être dans les mains du débiteur. Attention, l’exigence de cette détention effective appelle deux commentaires :La détention n’est pas la possession. Le rétenteur ne se comporte pas comme un possesseur.Il ne dispose donc de rien d’autre sur ce bien que du droit de rétention. Cette détention implique qu’il en ait la maîtrise, mais cela n’implique pas qu’il soit entre ses mains à lui. On peut donc placer un bien sous séquestre. Il peut y avoir un rétenteur fictif, et un rétenteur matériel.

Une détention régulière

On ne reconnaît pas de droit de rétention à un créancier s’étant procuré la chose par la force ou par la fraude.Si par exemple, je suis créancier chirographaire, et que mon débiteur ne me paye pas, m’introduire chez lui ne marche pas.

Dans cette condition de régularité de la détention, on va exiger que le rétenteur soit de bonne foi. Attention, la bonne foi du rétenteur n’est pas la bonne foi du possesseur au sens de l’article 550 du Code Civil. Cela implique juste que l’origine de la détention ne soit pas frauduleuse.

§3 – Un lien de connexité entre la créance et la détention de la chose

C’est la condition la plus restrictive.Même si on a crée un mécanisme général du droit de rétention, il n’a jamais été question de reconnaître ce droit à tous les créanciers détenant une chose appartenant à un débiteur. Avant la réforme de 2006, la

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jurisprudence posait une exigence de connexité entre la créance et la détention de la chose, ou entre la créance et la chose elle-même.

Ces deux types de connexité sont maintenus par l’article 2286 du Code Civil, qui rajoute un autre cas de connexité, qu’est la connexité conventionnelle.

La connexité juridique

Existence d’un lien entre la détention de la chose et la créance.Il y a connexité juridique lorsque le rétenteur se trouve créancier, et détenteur en vertu d’un même rapport juridique. La créance et la rétention ont la même origine, comme un contrat, un quasi-contrat, Elle est posée à l’article 2286 2°du Code Civil.

La connexité matérielle

Il y a un lien entre la détention et la chose.On aura connexité matérielle lorsque la créance se rattache à la chose elle-même. La créance est née de la chose. Par exemple, le rétenteur a engagé des dépenses sur la chose, ou encore la chose a causé un dommage au rétenteur. C’est envisagé par l’article 2286 3° du Code Civil.

Dans la plupart des cas, on a une connexité juridique et une connexité matérielle. Le garagiste bénéficie d’une connexité juridique puisque la détention et la créance sont nées en même temps, en vertu du même contrat de réparation, mais il y a une connexité matérielle, puisqu’il a exercé des travaux sur la chose.Ce cumul n’est pas nécessaire.

La connexité conventionnelle

Lorsque les conditions de connexité matérielle ou juridique ne sont pas remplies, est-il possible de faire naître artificiellement cette connexité par contrat ? Cela a été admis par l’article 2286 1° du Code Civil aux termes duquel, peut se prévaloir d’une rétention sur la chose, celui a qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance. (Le gage existe, mais il faut publier cela, et cela coute cher).L’intérêt de la création est d’échapper au paiement des droits de constitution d’un gage, mais cela permet également de remettre un bien qui n’a aucun rapport avec le contrat.

Section II – Le régime du droit de rétention

§1 – Les effets du droit de rétention

Malgré la réforme, la jurisprudence antérieure reste applicable. Il faut ajouter certains textes relatifs aux procédures collectives. Le droit de rétention produit ses effets vis-à-vis du débiteur mais il produit également des effets vis-à-vis des tiers.

Les effets vis-à-vis du débiteur

Cela permet de retenir la chose jusqu’au paiement complet, intégral. C’est donc un droit indivisible.

Un droit indivisible

La chose retenue garantit la totalité de la dette. Le créancier va pouvoir refuser de se dessaisir de la chose, même en cas de paiement partiel. S’il y a pluralité des débiteurs, le créancier peut conserver cette chose jusqu’au paiement intégral, il n’est pas tenu de la diviser pour le débiteur qui s’est acquitté de cette dette.

Un droit discrétionnaire

Cela signifie que dès lors que les conditions vues, le débiteur peut exercer son droit de rétention sans qu’on puisse lui reprocher de le faire même en cas d’abus, de disproportion manifester. Même si le refus du

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rétenteur de restituer s’avère gênant pour le débiteur et que sa créance s’avère dérisoire, et que le bien retenu a une valeur considérable.Il n’y aura jamais d’abus dans le fait d’exercer une gêne. L’abus n’est pas fautif, ce selon un arrêt Civ. 17 Juin 1969, où un expert-comptable, exerçait son droit de rétention sur les documents comptables de l’entreprise alors même que celle-ci est ainsi empêchée de faire ses déclarations fiscales.

Le droit s’exerce sans proportion, dont on ne peut pas faire jouer l’article 22 de la loi du 9 Juillet 1971, relative aux procédures d’exécution.

La première hypothèse, lorsque le débiteur paye, le créancier est tenu de restituer la chose.La deuxième hypothèse, lorsque le débiteur ne paye pas. Le créancier peut restituer la chose si elle est encombrante, mais il perd son droit de rétention (Article 2286 du Code Civil « se perd par le dessaisissement volontaire »).Le créancier peut engager une procédure de saisie, or cela est considéré comme un dessaisissement. En cas de saisie, il perd son droit de rétention, et devient créancier chirographaire. L’intérêt du créancier sera d’attendre que d’autres créanciers engagent une saisie.

Si le débiteur est en procédure collective, le droit de rétention est opposable aux autres créanciers.

Les effets vis-à-vis des tiers

Les ayants-cause du débiteur

Le droit de rétention est opposable aux tiers, même s’ils ne sont pas créanciers de la dette.

Exemple : une personne vend sa voiture, et avant la livraison, décide de la faire réparer. Le vendeur ne paye pas la réparation. Le garagiste peut opposer son droit de rétention même si c’est après la vente, et avant la livraison. L’acquéreur, non-débiteur qui paye pour désintéresser le créancier aura un recours sur le fondement « de in rem verso » ou la gestion d’affaires.

Les créanciers du même débiteur

Opposable à tous, mêmes aux créanciers qui bénéficient d’une sûreté réelle sur le bien retenu. Cette opposabilité à tous n’est subordonnée à aucune publicité.

En dehors des procédures collectives

C’est la situation la plus intéressante : un créancier tente de faire saisir la chose. Le rétenteur peut faire obstacle à la saisie/au prix de vente de la chose. Le rétenteur va obliger les autres créanciers à le payer pour qu’il rende la chose. A la condition que le bien ait une valeur économique supérieure à la créance des autres créanciers.

En présence de procédures collectives

Théoriquement, pour un créancier, le fait que le débiteur soit mis en procédure collective, c’est la catastrophe : il a très peu de chances de se voir régler la totalité de sa dette.En cas de mise en faillite du débiteur, le rétenteur va se retrouver dans une situation ultra privilégiée.

Le débiteur fait l’objet d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaireLa procédure est collective, on interdit les poursuites individuelles.Il existe une exception à l’article L. 622-7 du Code de Commerce, qui prévoit que le juge-commissaire peut autoriser le débiteur ou l’administrateur judiciaire à payer des créances antérieures pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue lorsque cela est justifié par la poursuite de l’activité.Lorsqu’une entreprise est en faillite, aucun créancier n’est payé sauf le créancier rétenteur, qui détient une chose que l’on doit récupérer pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise.

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La loi elle-même donne un droit particulier à une catégorie de créancier.

Cette solution dérogatoire et extrêmement favorable ne s’applique pas au droit de rétention fictif et dématérialisé (Article L. 622-7 alinéa 2 du Code de Commerce prévoit que cela est inopposable).

Le débiteur fait l’objet d’une liquidation judiciaireOn ne maintient pas l’activité de l’entreprise. On va essayer de vendre les biens du débiteur pour permettre l’apurement du passif. Dans ce cas là, l’article L. 642-20-1 du Code de Commerce va carrément institutionnaliser le chantage à la saisie du rétenteur. Aux termes de ce texte, le liquidateur autorisé par le juge-commissaire peut, en payant la dette, retirer les biens en gages ou la chose retenue.

A défaut de retrait, le liquidateur pourra faire procéder à la vente, même si le rétenteur n’est pas d’accord, mais celui-ci va conserver son droit de rétention sur le prix de vente. Aux termes de l’article L. 642-20-1 du Code de Commerce, le droit de rétention est de plein droit, et doit porter sur le prix.C’est l’institution d’un droit de préférence au profit du rétenteur.

Paradoxalement, alors que l’ouverture d’une procédure collective contre le débiteur est une mauvaise nouvelle pour les créanciers, celui exerçant un droit de rétention voit ses droits majorés. Cela n’est applicable qu’aux meubles de l’entreprise, et non aux immeubles.

A l’origine, le droit de rétention n’était donc qu’un simple moyen de pression. Par les adjonctions de droit, le droit de rétention est devenu une véritable sûreté réelle, puisqu’on y adjoint un droit de préférence sur le prix de vente de la chose retenue. On peut même se demander si, du fait de son droit de préférence ultraprioritaire et opposable à tous, n’est pas en situation d’exclusivité ? Il est le seul à pouvoir être payé sur un bien du débiteur, et l’exclusivité cessera lorsqu’il aura été intégralement payé.

§2 – L’extinction du droit de rétention

Le droit de rétention s’éteint par voie accessoire, et par voie principale.

L’extinction par voie accessoire

Le droit de rétention est un accessoire de la créance.Le droit de rétention va s’éteindre avec la créance pour toutes les causes d’extinction de la créance, prévues à l’article 1234 du Code Civil. Par contre, en cas de nullité ou en cas de résolution du contrat en vertu duquel la créance existe, il y aura suite à cette nullité, une obligation de restitution de ce que les parties ont reçu en vertu de ce contrat. Le droit de rétention est maintenu pour garantir les restitutions qui sont constitutives à l’annulation ou à la résolution du contrat.

L’extinction par voie principale

Le principe est que l’extinction par voie principale a lieu en cas de renonciation au droit de rétention, mais également en cas de remise volontaire de la chose (Article 2286 du Code Civil).Le créancier qui se dessaisit volontairement de la chose, ne peut plus exercer son droit de rétention même si on lui confie à nouveau cette chose à une autre occasion.

Lorsqu’on exerce un droit de rétention dans le cadre de contrats successifs portant sur une même chose, le rétenteur a rendu la chose qu’il détenait, et en vertu d’un contrat ultérieur, on lui remet la même chose. Il ne pourra prétendre exercer son droit de rétention que pour le paiement du dernier contrat.

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Si je confie plusieurs fois à un même garagiste ma voiture, s’il me rend ma voiture sans que j’ai tout payé. Si je lui rapporte, il ne pourra garder ma voiture que pour la dernière réparation. Si je lui paye la dernière réparation mais pas les autres, il ne pourra quand même pas garder ma voiture.Il s’expose même à des poursuites pour abus de confiance.

En matière de dessaisissement, toute forme volontaire viendra mettre fin au droit de rétention. Or, le cas de la liquidation judiciaire, il n’a aucune préférence sur le prix de vente.En cas de dessaisissement involontaire, il n’y a pas de perte de ce droit de rétention, et si le débiteur ou toute autre personne venait voler la chose ou au moins la récupérer de force, le créancier peut agir en restitution comme s’il était propriétaire.

Il faut envisager le cas de la perte ou de la destruction de la chose retenue.Dans ce cas là, le détenteur ne bénéficiera d’aucun droit sur les indemnités des assurances, à la différence des autres titulaires de sûretés réelles.

C’est une sûreté efficace, par la fonction de gêne qu’elle permet. Le rétenteur va donc se trouver dans une situation dans laquelle il est quasiment certain d’être payé, au moins si la chose qu’il détient a une valeur supérieure à sa propre créance.

(Un avocat ne pourra exercer un droit de rétention sur les pièces d’un dossier. C’est contraire à la déontologie, et au libre-accès à la justice).

Chapitre II – « Les sûretés négatives », interdisant au débiteur de créer d’autres sûretés

Ces sûretés n’ont aucune consécration jurisprudentielle, et n’ont pas été envisagées par la réforme de Mars 2006. On en trouve cependant d’origine conventionnelle.On peut également y trouver quelques allusions dans la loi elle-même.

§1 – « Les sûretés négatives », d’origine conventionnelle

Cette notion est assez mal définie.Cela désigne l’ensemble des clauses ou stipulations conventionnelles, qui viseraient à limiter les prérogatives du débiteur sur certains de ses biens. Le but est de protéger le créancier contre la vente des biens ou d’interdire au débiteur de constituer d’autres sûretés sur ses biens.

Le créancier dispose de son droit de gage général sur le patrimoine du débiteur. Le but de la sûreté négative est d’interdire au débiteur de modifier son patrimoine, de le préserver.

Par exemple, je prête de l’argent à quelqu’un. Celui-ci ne m’accorde pas de sûretés, mais je vais demander dans le contrat de prêt, à ce qu’il y ait une clause qui dise que tant qu’il ne m’a pas payé, il ne peut vendre sa maison, ou consentir une hypothèque sur sa maison.Ainsi, si je saisis sa maison, il y aura toujours de l’argent, et il n’y aura pas un autre créancier qui passera avant moi.

Dans l’immense majorité des cas, ce n’est qu’une clause d’un contrat faisant naître des obligations personnelles à la charge du débiteur, limitant l’efficacité de ces sûretés.

L’efficacité limitée des « sûretés négatives », la création d’obligations personnelles à la charge du débiteur

Le débiteur va souscrire quelques engagements complémentaires visant à la préservation du droit de gage général du créancier sur son patrimoine.

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Dans la pratique, on trouve les clauses visant le créancier à surveiller l’évolution du patrimoine du débiteur, des interdictions d’aliéner un bien ou un ensemble de biens, l’interdiction de constituer une hypothèque sur les immeubles du débiteur, l’interdiction faite au débiteur d’emprunter une somme d’argent à un autre établissement de crédit que son créancier, l’interdiction de donner l’immeuble en location (un immeuble loué vaut moins qu’un immeuble loué).

L’idée est de garantir un droit exclusif, et de protéger le patrimoine du débiteur (il est encore assez riche).

Pour la clause dans laquelle un établissement de crédit interdit au débiteur d’emprunter à un autre établissement de crédit par la suite, le but est de surveiller l’endettement du débiteur pour éviter de voir apparaître un nouveau créancier. Si le débiteur ne contracte pas de nouveaux emprunts, il n’y aura pas de nouveaux créanciers en concurrence sur le patrimoine.Ces stipulations qui viennent limiter l’usage d’une personne sur ses propres biens sont licites. Cependant, ces sûretés négatives sont d’une efficacité tout à fait limitée. En effet, la sanction de leur violation est l’engagement de la responsabilité contractuelle des débiteurs. Il s’est engagé à une obligation de ne pas faire, il fait… Cela se résout en dommages et intérêts.

A nouveau, les sûretés sont faites pour garantir l’insolvabilité du débiteur… Où le débiteur va-t-il trouver l’argent pour payer les dommages et intérêts ?

Une chose est très utile, et parfois stipulée : en cas de violation d’une des clauses, le débiteur perd le bénéfice du terme. Il y a déchéance du terme, et je devrai payer tout de suite.

Il faudrait rendre ces clauses opposables aux tiers.

Limitation des droits réels du débiteur

L’idée serait de limiter par contrat, les droits réels du débiter, car ceux-ci sont opposables aux tiers. Si jamais un débiteur s’est interdit de vendre un bien, qu’il le vend quand même, la sanction ne serait plus simplement des dommages et intérêts, mais la nullité de la vente ou du moins l’inopposabilité de la vente par l’acquéreur au créancier. Il y aurait donc création d’un droit de suite.

Cela existe au cas par cas. L’article 900-1 du Code Civil permet les clauses d’inaliénabilité. Dans ce cas là, quand un bien est frappé conventionnellement d’inaliénabilité, cela est opposable à l’acquéreur, mais cet article 900-1 du Code Civil a été créé dans le cadre des contrats de disposition d’un bien à titre gratuit, et non comme une sûreté.

Peut-on transposer cet article aux sûretés ?La réponse n’est pas certaine. Cette clause d’inaliénabilité est encadrée par le droit. Le bénéficiaire de la donation peut faire tomber la clause d’inaliénabilité en justifiant d’un intérêt supérieur à celui de l’inaliénabilité.Si on arrive quand même à obtenir la nullité de la vente, le bien sera réintégré dans le patrimoine du débiteur, mais qui pourra être saisi par tous les créanciers du débiteur.Même si ca marche d’un point de vue juridique, économiquement, cela ne sera pas intéressant.

Autre limite à l’efficacité d’une telle clause, en matière immobilière, cela serait inopposable à l’acquéreur de bonne foi (En cas de meubles, possession [de bonne foi] vaut titre).

§2 – Les sûretés négatives, d’origine légale

Il existe un certain nombre de cas dans lesquels les créanciers n’ont aucun droit particulier sur tel ou tel bien. Il n’a que son droit de gage général, mais il est quand même dans une situation de faveur, parce que certains biens du débiteur sont soustraits aux poursuites des autres créanciers, du fait de la loi.

Le cas des biens insaisissables

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Aucun créancier ne peut le saisir, mais cette insaisissabilité du bien peut être levée au profit d’un créancier.Par exemple, les biens nécessaires à la vie quotidienne, au travail du débiteur sont insaisissables normalement, mais le vendeur de ces biens peut les saisir (Article 14-4 de la loi du 9 Juillet 1991, régissant les procédures civiles d’exécution).

Les pensions alimentairesLa fraction insaisissable du salaire sur laquelle personne ne peut venir saisir, sauf le créancier des pensions alimentaires.

L’exclusivité lorsqu’un créancier exerce l’action paulienneDans ce cas là, cela permet de faire déclarer une vente inopposable au seul créancier qui exerce l’action paulienne. Pour les autres créanciers, l’aliénation du bien reste valable.

Titre II – Les sûretés réelles traditionnelles, l’affectation d’un bien au créancier par l’octroi d’un droit préférentiel

D’un point de vue historique, c’est l’origine même des sûretés réelles. Le droit réel qui était transmis ou conservé par le créancier était purement et simplement la propriété, tant qu’il n’était pas intégralement payé. Ce que l’on va étudier ici constitue en volume les sûretés les plus importantes.

Ces sûretés sont soumises à des règlementations différentes selon que le bien sur lequel porte la sûreté est un meuble ou un immeuble. L’une des raisons justifiant cette distinction tient au fait que, pour pouvoir être opposable aux tiers, le droit de préférence et le droit de suite doivent être publiés. Or, la publicité de ces sûretés ne se fait pas de la même manière en fonction de ce que le bien est un meuble ou un immeuble.

Leur mode de fonctionnement normal, dans tous les cas, va être considérablement affectée, et leur efficacité réduite en cas d’exercice d’une procédure collective contre le débiteur. Le créancier devra tout d’abord présenter sa créance, ainsi que sa sûreté. L’apparition d’une procédure collective va faire naître d’autres sûretés au profit de certaines catégories de créanciers, comme le super-privilège des salaires.

Sous-Titre I – Les sûretés qui portent sur la totalité de l’actif (les privilèges pleinement généraux)

Selon l’article 2324 du Code Civil, le privilège est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier, d’être préféré aux autres créanciers même hypothécaires. On va appeler privilège pleinement général, le privilège portant sur l’ensemble des actifs du débiteur, actifs mobiliers et immobiliers.

Cette application « privilège pleinement général » est donné par opposition aux privilèges ne portant que sur les meubles (Article 2231 du Code Civil), et aux meubles (Article 2375 du Code Civil).

SI le législateur lui-même a crée cette distinction, c’est pour interdire dans la plupart des cas la conclusion par contre d’un privilège pleinement général, c'est-à-dire d’une sûreté portant sur la totalité de l’actif.Pourquoi interdire en général la création d’une sûreté portant sur la totalité de l’actif ?On trouve d’abord la volonté de protéger le débiteur lui-même, car s’il consent une sûreté sur la totalité de son actif, il diminue considérablement son crédit.Ensuite, on a voulu protéger les créanciers eux-mêmes en leur garantissant que lorsqu’ils prêtent de l’argent, ils pourront trouver une sûreté, qui ne sera pas primée par un créancier ultérieur.

Pourtant, on va parler de privilèges pleinement généraux parce que ce privilège portant sur la totalité de l’actif est reconnu par la loi pour certaines catégories de créanciers.

Chapitre I – La notion des privilèges pleinement généraux

Si on reprend la définition donnée plus haut, on s’aperçoit que cette définition souligne quatre traits principaux. :

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La source du privilège est toujours nécessairement légale. Il ne peut pas y avoir de privilèges créés par contrat, ni par décision judiciaire.La qualité de la créance. La loi veut assurer la protection de certains créanciers (salariés, Trésor Public), dont la loi veut assurer leur paiement. Ils sont occultes, par exemple ils sont opposables aux autres créanciers même s’ils ne sont pas publiés.Le droit de préférence. Il sera payé par priorité sur le prix de vente des biens saisis, mais il sera tenu comme les autres par le principe de subsidiarité (saisir d’abord sur les meubles, puis les immeubles si insuffisant).

En principe, il n’y a pas de droit de suite.L’acquéreur d’un bien meuble sera protégé par l’article 2276 du Code Civil (bonne foi). L’acquéreur ne peut pas se voir opposer cela (publicité nécessaire). En général, les privilèges pleinement généraux sont très efficaces car ils portent sur l’ensemble des biens du débiteur.

Chapitre II – L’application des privilèges pleinement généraux

La loi accorde un privilège pleinement général à plusieurs créanciers en raison de la qualité de leur créance. L’ordre est régi par la loi.

Section I – Les créances bénéficiant d’un privilège pleinement général

Cela concerne deux créances depuis la réforme de 1995, mais la réforme des procédures collectives en a rajouté deux en cas d’ouverture de procédures collectives.

§1 – Les privilèges pleinement généraux de droit commun

Les frais de justice

Si un créancier fait bloquer un bien ou le fait vendre, afin de récompenser le service rendu aux autres créanciers, on va d’abord s’assurer que pour les frais engagés pour la conservation des biens, et pour la saisie, il bénéficiera d’un privilège pour se faire rembourser les frais de justice.Ce privilège est prévu à l’article 2231 du Code Civil, aux termes duquel il existe un privilège général sur les meubles, et l’article 2375 du Code Civil prévoit que cette même créance est protégée par un privilège pour les immeubles.

Cela ne vaut que pour le remboursement des frais de justice.On compte tous les frais ayant permis la conservation ou la liquidation des biens du débiteur, même lorsqu’ils n’ont pas une nature judiciaire (frais d’huissier, honoraires à un administrateur judiciaire, séquestre, expertise…).

Le privilège ne vaut que si ces frais ont été utilisés et engagés dans l’intérêt des autres créanciers.

Les salaires et assimilés

La loi accorde une protection particulière aux salariés. Ils ont un privilège pleinement général sur l’ensemble des biens du débiteur (entreprise), pour être payé avant les autres créanciers.La notion doit être comprise de façon extensive (salaires, congés payés, primes, indemnités de licenciement dues au salarié licencié…).

On trouve une autre garantie donnée au profit des salariés, l’ensemble des créances sont également couvertes par l’AGS (Association pour la Garantie des Salaires). On va y assimiler les rémunérations des droits d’auteur, les cachets d’artiste.

En cas de procédure collective, le paiement des salaires bénéficie en outre d’un super privilège.

§2 – Les privilèges pleinement généraux des procédures collectives

Cela ne fait pas disparaître les privilèges évoqués plus haut.

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On rajoute deux autres privilèges, avec l’ouverture d’une procédure collective.

Le super privilège des salaires

Ils passent avant tous les autres créanciers.Cela concerne les deux derniers mois de salaire. Ils doivent en plus être payés immédiatement (à terme, tous les mois), sans qu’il soit nécessaire d’attendre la vérification des créances.

Le créancier qui soutient l’entreprise en difficulté

Ils soutiennent l’entreprise après le prononcé d’une ouverture de procédure collective.Le réflexe normal des créanciers est de ne plus lui prêter d’argent, car les chances de recouvrement sont faibles, et plus largement de ne plus contracter avec elle.

La volonté du législateur est d’essayer de sauver l’entreprise, et pour cela, celle-ci doit continuer son activité. L’entreprise va avoir besoin de crédits supplémentaires, de délais, et qu’elle trouve à acheter des fournitures à des fournisseurs. Comment inciter de nouveaux prêteurs/fournisseurs à passer des contrats avec l’entreprise et lui prêter de l’argent ? On va garantir que ceux-ci n’ont pas à craindre les autres créanciers, dans la mesure où ils seront payés en premier, et ce sur l’ensemble du patrimoine du débiteur.

Il existe ce privilège pleinement général ouvert aux nouveaux créanciers, dont la créance est postérieure au jugement d’ouverture. Ces privilèges sont prévus à l’article L. 622-16, L. 641-13 du Code de Commerce, qu’on appelle notammentLe privilège de conciliation, pour ceux qui acceptent de continuer à soutenir l’entreprise (nouveau délai, nouveaux crédits).Le privilège de la procédure pour les créanciers de l’article 40 (L. 641-13 du Code de Commerce), postérieurs au jugement d’ouverture.

Attention, l’existence de ce privilège n’existe qu’à la condition que la créance ait été utile à l’activité, au maintient de l’activité de l’entreprise. Surtout, une des garanties n’est pas une sûreté, ces créanciers postérieurs à la procédure de conciliation/jugement d’ouverture d’une procédure collective ne sont pas soumis à la règle de suspension des poursuites individuelles.

Autre limite, le privilège de conciliation ne sera opposable aux autres créanciers qu’à l’a condition d’avoir été déclarés lors d’une éventuelle procédure de liquidation de l’entreprise.

Section II – Le rang des créanciers privilégiés

Les créanciers sont payés par préférence.Ce rang est fixé par la loi. On va créer une hiérarchie au sein de ces privilèges.

§1 – Hors le cas d’une procédure collective

On paye d’abord :Les frais de justice,Les privilèges mobiliers généraux qui n’ont pas de réels intérêts pratiques, Les salaires des 6 derniers mois.

§2 – Dans le cadre d’une procédure collective

Il y a quatre privilèges. Les articles L. 622-17, et L. 641-13 du Code de Commerce fixent ce rang :Super privilège des salairesPrivilège des frais de justice nés à l’occasion de la procédure collectivePrivilège de conciliation et privilège de la procédurePrivilège ordinaire des salaires des 6 derniers mois couverts par l’AGSLes autres créanciers suivant leur rang.

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Dans la pratique, on observe que le créancier rétenteur de la chose sera généralement payé le premier, avant même le super privilège des salaires.Si l’entreprise finit par être liquidée, les créanciers pourvus de sûretés réelles spéciales passent avant les créanciers qui bénéficient d’un privilège de procédure.Les salaires et les créanciers qui bénéficient du privilège de procédure sont payés à l’échéance.

Sous-Titre II – Les sûretés mobilières

Elles résultent soit de la loi, soit d’un contrat (gage, nantissement).

Chapitre I – Les privilèges mobiliers

Section I – Les privilèges mobiliers généraux

§1 – Les privilèges de droit privé

Ces privilèges mobiliers généraux sont énumérés à l’article 2331 du Code Civil qui en dresse une liste, et donne un ordre de préférence. Cela concerne surtout les personnes physiques.

Le privilège des frais funéraires

C’est un privilège qui existe en raison de la qualité de la créance.Le législateur veut assurer que tout le monde a le droit à des funérailles, mais ce privilège ne porte que sur les meubles de la succession et non ceux des héritiers.

Le privilège des frais de la dernière maladie

Le législateur a voulu que les médecins soignent tout le monde.Le médecin a un privilège sur les biens lors de la dernière maladie (même s’il guérit). C’est archaïque de nos jours, car on trouve la sécurité sociale.Le privilège des fournitures de subsistance

C’est pour assurer les besoins élémentaires (aliments, vêtements, électricité, gaz…), à la condition qu’ils soient indispensables à la vie du débiteur. C’est assez limité, car généralement on paye au comptant.

§2 – Les privilèges mobiliers généraux bénéficiant à certains créanciers en raison de leur mission de service public

Ces deux privilèges garantissent des sommes importantes. Généralement, une fois qu’ils sont payés, il ne reste quasiment rien aux autres créanciers. C’est pour cela qu’ils essayent d’avoir un droit de rétention ou une clause d’exclusivité.

Le privilège du Trésor

L’article 2327 du Code Civil énonce ce privilège du Trésor mais renvoie au CGI. Ces privilèges sont nombreux :Privilège des contributions et taxes directes assimiléesPrivilège des taxes sur le chiffre d’affairesPrivilège des droits d’enregistrement et de timbre.

En raison du danger que ce privilège représente pour les autres créanciers, il n’est opposable que s’il est publié dans les 9 mois. A défaut, il n’est pas opposable sauf si le débiteur fait l’objet d’une procédure collective.

Ce privilège ne s’impose que si quatre conditions sont remplies :Le contribuable doit être éligible à l’ouverture d’une procédure collective. Si le débiteur est un contribuable personne physique, il n’y a pas d’obligation de publicité.Il faut que le contribuable encoure une majoration pour son retard de paiement.L’arriéré fiscal doit représenter au moins un semestre d’impôt.

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Les sommes dues doivent excéder 1 500€.

Si une de ces conditions n’est pas remplie, il n’y a pas d’obligation de publication, et le privilège reste opposable malgré le défaut de publication.

Le privilège de la Sécurité Sociale

Il est prévu aux articles L. 233-4 et suivants du Code de la Sécurité Sociale. C’est un privilège sur l’ensemble des meubles du débiteur pour toutes les cotisations qui peuvent être dues pendant un an à compter de leur échéance.

Cela doit également être publié selon les mêmes conditions que pour le privilège fiscal. A défaut de publication, le privilège est inopposable que le débiteur fasse ou non l’objet d’une procédure collective.

Section II – Les privilèges mobiliers spéciaux

Ils portent sur un ou certains meubles du débiteur. L’article 2332 du Code Civil dresse une liste, mais il existe d’autres dispositions éparses. Ces privilèges mobiliers spéciaux sont importants, car certains confèrent un droit de suite au créancier.Selon la classification doctrinale, certains sont fondés sur l’idée de gage tacite justifié par l’introduction d’une valeur dans le patrimoine du débiteur ou fondé sur l’idée de conservation d’un élément du patrimoine.

§1 –Les privilèges mobiliers spéciaux fondés sur l’idée de gage tacite

Ces privilèges sont accordés à des personnes qui sont entrées en possession d’un meuble appartenant à leur débiteur. On estime qu’il y a alors un gage tacite conclut entre le créancier et le débiteur.

Le privilège du bailleur d’immeuble

Il est prévu à l’article 2332 1° du Code Civil. L’idée est que le bailleur d’immeuble bénéficie d’un gage indirect sur les meubles placés par le débiteur dans les lieux loués. Le preneur a accepté de les confier en gage indirect au preneur. Très souvent invoqué car cela bénéficie à tous les bailleurs et tous les propriétaires d’immeuble.

Peu importe la nature du bail (commercial, civil, rural…). Cela ne concerne pas le crédit bail.

Cela concerne toutes les sommes qui découlent de l’occupation des lieux (loyers, indemnités d’occupation, charges, dommages et intérêts pour dégradations)

Si le locataire ne fait pas l’objet d’une procédure collective. Le privilège porte alors sur les loyers échus pour 5 ans et à échoir. En cas de procédure collective, le privilège ne garantie que les sommes dues pour les 2 années avant le jugement d’ouverture.

Le privilège porte sur tout ce qui garnit la maison ou la ferme : Meubles meublants (article 1752 du Code Civil vient conforter ce gage puisqu’il faut un minimum de meubles pour garantir les loyers). Même s’ils n’appartiennent pas au locataire (meubles empruntés). Présomption de mauvaise foi pour les professions de réparateur (garagiste, horloger...) Atif mobilier Matériel d’équipement, stocks… pour les baux commerciaux.

Le bailleur peut saisir les biens situés dans l’appartement, même lorsqu’ils n’appartiennent pas au locataire. Le bailleur va devenir possesseur des meubles meublants, à la condition que la possession (de l’article 2276 du Code Civil) soit faite de bonne foi. Il devra donc ignorer légitimement que ces meubles appartiennent à autrui.

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La jurisprudence est assez sévère avec le bailleur, puisqu’elle apprécie la mauvaise foi au moment de la mise en possession, et il existe certaines présomptions : on va déduire la mauvaise foi du bailleur lorsque celui-ci exercer son privilège sur des biens dont la profession du locataire indiquent qu’ils ne lui appartiennent pas. (Locataire horloger, le bailleur ne peut pas saisir toutes les montres qui ont été déposées en réparation).

Pour les baux ruraux, le privilège est plus large puisqu’il peut s’exercer sur les instruments d’exploitation qui ne se trouvent pas dans les lieux loués.

Au-delà de cette assiette qui est assez large, on trouve la règle que cette assiette est protégée par la loi.Normalement, et outre le terrain agricole, ce privilège ne s’exerce que pour les biens se trouvant dans les lieux loués au moment de la saisie. Cependant, le bailleur dispose de certaines prérogatives pour empêcher la sortie des meubles, et même pour récupérer les meubles donnés en location.

Cette protection n’a lieu que si les meubles restants à l’intérieur sont insuffisants pour garantir cette créance. Il existe deux voies :Le bailleur dispose de la saisie conservatoire pour s’opposer à la sortie frauduleuse des meubles (Cela n’est possible que s’il n’y a plus assez de meubles dans les lieux pour garantir sa créance). Il y aura saisie des biens, mais on va les laisser entre les mains du locataire. Les biens sont saisis entre les mains du locataire. A partir du moment où cela a été constaté, il ne peut plus les en faire sortir, sinon il y a détournement de gage, c'est-à-dire une infraction pénale prévue par l’article 314-6 du Code Pénal punie par 3 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende.

Il peut récupérer les meubles au moyen d’une action en revendication selon l’article 2332 1° alinéa 5 du Code Civil. Cela s’opère par la voie de la saisie-appréhension (article 56 de la loi du 9 Juillet 1991). Il faut que les meubles aient quitté les lieux loués, et ce même s’ils ont été vendus à des tiers, et même s’ils sont acquéreurs de bonne foi. On trouve donc une espèce de droit de suite accordée aux bailleurs d’immeubles. Les délais sont brefs : 15 jours après la vente pour les locations urbaines, et 40 jours après la vente pour les locations rurales.

Cela donne un droit de préférence qui s’exerce sur le prix des meubles et sur l’indemnité d’assurance (si les meubles sont détruits.

Souvent, les bailleurs ne vont pas se contenter de ce privilège et vont assortir leur créance d’autres garanties (cautionnement ou garantie à première demande).

Autres privilèges

C'est par exemple le privilège de l'hôtelier (bailleur temporaire), qui bénéficie d'un privilège sur les biens introduits dans son établissement par son voyageur pour les frais d'hôtel et de restauration.On peut se demander s'il ne bénéficie pas d'un droit de rétention sur les bagages.

Plus important en pratique et en valeur, on a le privilège du transporteur, à l'article L.133-7 du Code de Commerce, pour les transports terrestres et aériens. Cela comprend le prix du transport et ses accessoires, c'est-à-dire tout ce qui va concerner les frais de chargement, de stockage, les droits de douane, et tous les frais engagés dans l'intérêt de la marchandise. Le transporteur bénéficie d'un droit sur l'ensemble des marchandises, même si elles appartiennent à un tiers. Cela est soumis à la condition de la bonne foi.

On peut se demander s’il n’existe pas un droit de rétention à son égard.Le transporteur se trouve effectivement dans cette situation. Sa créance est certaine, exigible, juridiquement connexe par rapport à la détention.

Quel est l’intérêt de combiner les deux ? Le droit de rétention sera perdu par dessaisissement, et en cas de saisie, cela équivaut à un dessaisissement volontaire. S’il perd son droit de rétention, il bénéficie d’un privilège lui permettant d’être payé en priorité.

§2 – Un privilège fondé sur l’idée de l’introduction d’une valeur dans le patrimoine du débiteur.

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Le créancier a participé à l’enrichissement du débiteur (il a accru son patrimoine), a servi les autres créanciers en augmentant le droit de gage général. En échange de cette augmentation, on va accorder au créancier un privilège.

Les privilèges fondés sur l’introduction d’une valeur vont être accordés à des créanciers dont la créance sera la contrepartie d’un enrichissement procuré au débiteur. L’enrichissement du débiteur va profiter à tous les autres créanciers, et ceux-ci vont pouvoir améliorer leur droit de gage général sur le patrimoine du débiteur.Il semble donc équitable que ce créancier soit payé par priorité sur le bien dont le patrimoine du débiteur a été enrichi.

On trouve par exemple le patrimoine du vendeur de meubles, article 2332 4° du Code Civil. Quelle est la situation du vendeur de meubles qui les vend à crédit ? La vente transfère immédiatement la propriété, même si le prix n’a pas été payé. Le vendeur va donc être dans une situation fragile puisqu’il n’est plus propriétaire et ne peut donc faire jouer l’action en revendication.D’autres créanciers vont vouloir saisir ce bien dans le patrimoine du débiteur.Le danger est que le vendeur ne puisse même plus exercer une saisie sur le meuble vendu.

On lui accorde donc un privilège sur ce meuble.Le régime lié en fait une sûreté assez peu efficace, le vendeur va donc disposer d’autres garanties.Une personne se trouve dans une situation particulière qui est le vendeur du fonds de commerce, qui bénéficie d’un privilège bien plus important.

Le régime du privilège

Les créances garanties

Ce privilège est reconnu dans toutes ventes de meubles, que ceux-ci soient corporels ou incorporels.Par assimilation, on va étendre le privilège du vendeur de meubles pour le contrat d’échange, si jamais une soulte (une contrepartie) doit être versée. Le privilège porte sur le prix et sur tous les accessoires, c'est-à-dire les frais de livraison, d’établissement du contrat… Par contre, il ne couvre pas les domaines et intérêts qui sont dus en cas de non-paiement.

L’assiette du privilège

Elle est constituée par le bien vendu, avec ses accessoires. Il existe des conditions relatives à la chose vendue : elle doit être restée en l’état de vente, c'est-à-dire qu’elle n’a pas été transformée, elle doit être encore identifiable chez l’acquéreur.De même, comme le privilège ne s’exerce que sur les meubles, on peut penser que le privilège ne s’exerce pas lorsque le bien a été incorporé dans un immeuble.

Les effets du privilège

Le vendeur va bénéficier d’une préférence sur le prix de la chose vendue, mais ce droit de préférence ne s’exerce qu’après le privilège du bailleur, et d’autres privilèges.Cela rend donc un privilège assez peu efficace.

Est-ce qu’il bénéficie d’un droit de suite sur la chose vendue ? Si l’acquéreur de la chose a vendu cette chose, alors le vendeur va pouvoir bénéficier d’une procédure de saisie-revendication, mais il ne disposera pas de droit de suite contre le sous-acquéreur de bonne foi, c'est-à-dire celui qui ignorait que la chose n’avait pas encore été payée.

Par contre, si jamais, le sous-acquéreur n’a pas encore réglé le débiteur, le premier vendeur va pouvoir exercer son privilège sur la partie du prix qui reste à payer.

La disparition du privilège

En cas de transformation de la chose, ou si le débiteur a revendu la chose au comptant.

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Le privilège disparaîtra également si le débiteur fait l’objet d’une procédure collective.Les vendeurs postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective sont des créanciers qui bénéficieront du privilège de conciliation.

Les autres garanties

Première garantie du vendeur en cas de vente au comptant, le vendeur a le droit de refuser de livrer la chose tant qu’il n’a pas été payé, selon l’article 1612 du Code Civil, et si le vendeur ne lui a pas accordé un droit de paiement.

Deuxième garantie du vendeur, le vendeur bénéficie-t-il d’un droit de rétention ? Pour bénéficier de ce droit, la créance doit être certaine et liquide. Elle est ici certaine, liquide (le montant de la créance est déterminé). La détention du rétenteur doit être régulière. A nouveau, c’est le cas ici (le vendeur est l’ancien propriétaire). Il faut enfin une connexité, remplie par le fait que le vendeur détient la chose en vertu du contrat qui fonde la créance.

Ensuite, le vendeur qui a livré la chose et n’a pas été payé ne dispose plus de son droit de rétention, mais il dispose encore d’une action en revendication, qu’il peut exercer dans les 8 jours suivant la vente. Cette revendication ne lui permettrait pas de retrouver la propriété de cette chose, mais lui permettra de retrouver la détention de celle-ci, retrouvant ainsi la possibilité d’exercer son droit de rétention sur la chose.

Troisième protection du vendeur, il va pouvoir demander la résolution de la vente ou faire jouer la clause résolutoire qui prévoit une résolution de plein droit en cas de non-paiement. Il retrouvera ainsi la propriété de la chose. Le bien échappera ainsi aux poursuites des autres créanciers.

Le problème de cette action résolutoire est qu’elle s’éteint au moment où elle est le plus utile au créancier, c'est-à-dire au moment où le débiteur est placé en procédure collective.

Le régime spécifique du vendeur du fonds de commerce

Le fonds de commerce est un meuble, mais le vendeur de fonds de commerce bénéficie d’un privilège particulier régi par les articles L. 141-5 et suivants du Code de Commerce.Les conditions d’existence de ce privilège sont les meubles que le privilège du vendeur du meuble, mais en plus il faut inscrire ce privilège au greffe du tribunal de commerce.

Par contre, les effets du privilège du vendeur de fonds de commerce sont infiniment plus favorables au vendeur que le privilège de droit commun. Ce privilège du vendeur du fonds de commerce peut s’exercer même si l’acheteur du fonds de commerce est soumis à une procédure collective, et le titulaire du privilège va bénéficier d’un droit de suite qui va lui permettre de saisir le fonds de commerce entre les mains d’un sous-acquéreur selon l’article L. 143-12 du Code de Commerce.

Ces privilèges du vendeur (meubles simples ou fonds de commerce) sont justifiés par l’idée que le vendeur introduit un bien dans le patrimoine du débiteur. Une autre situation est très proche, la conservation d’un bien.

§3 – Le privilège du conservateur

Cela est prévu par l’article 2332 3° du Code Civil.Le conservateur a engagé des frais qui s’avèrent utiles pour les autres créanciers, contribuant à la préservation de leur droit de gage général.

Les créances garanties

Cela garantir le paiement des frais engagés par toute personne qui engage des frais pour la conservation des meubles du débiteur, qu’ils soient corporels ou incorporels.La créance résulte des frais de conservation, c'est-à-dire les réels frais de conservation, et non d’amélioration de la chose (conception restrictive de la jurisprudence).

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Dans un arrêt Com – 18 Mai 1963, la jurisprudence a estimé que l’installateur d’une radio sur un navire ne bénéficie pas du privilège du conservateur, car son intervention rend l’utilisation du bateau plus rentable, mais cela n’empêche pas que le bateau périsse, coule.

Par contre, dans un arrêt Com – 9 Octobre 1984, la Cour a estimé que lorsque l’installation de cet appareil de radio a permis le sauvetage du navire, l’installateur bénéficie du privilège du conservateur.

L’assiette du privilège

Cela porte sur la chose conservée, et uniquement sur celle-ci.Cela va au-delà du simple bien. L’installateur de radio bénéficiera sur l’ensemble du navire, et pas seulement sur la radio.

Sur les effets de ce privilège, il va conférer un droit de préférence sur le prix de vente du bien conservé, mais il ne transfère pas de droit de suite. Le conservateur peut réclamer à l’acquéreur le paiement des frais. Il va également bénéficier d’un droit de priorité sur l’indemnité d’assurance éventuellement versée au débiteur en cas de destruction de la chose.

En outre, ce privilège pourrait éventuellement être assorti d’un droit de rétention si la conservation est fondée sur un cas de connexité matérielle.

Section III – Le classement des privilèges immobiliers

Non-vu.

Chapitre II – Les sûretés mobilières d’origine conventionnelle

Ordonnance de 23 Mars 2006.

Section I – Le gage

Défini à l’article 2333 du Code Civil, aux termes duquel le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier, ou un ensemble de biens mobiliers corporels présents ou futurs.

On voit apparaître les caractères principaux du gage :- C’est une convention, qui naît par contrat.

- Cette convention peut être envisagée que dans le cadre d’une relation créanciers-débiteurs, c’est une relation accessoire.

- Cette sûreté est incluse dans le Code Civil, le gage est donc par nature civil, même s’il est particulièrement adopté aux gages commerciaux. Il existe un gage commercial visé à l’article L. 521-1 du Code de Commerce. La qualification civile/commerciale du gage ne dépend pas du bien donné en gage ou de la qualité des parties mais de la nature de la dette garantie. Le régime des deux gages est totalement le même, sauf quant à la compétence et le principe de liberté de la preuve.

- Le gage s’exerce sur un bien mobilier.

On trouve un certain silence dans la définition.Avant la réforme de 2006, le gage impliquait nécessairement la dépossession du bien meuble mis en gage pour sa constitution. Il existe désormais un gage sans dépossession.Cette idée de remise de la chose fait que le gage est de très loin la sûreté la plus ancienne.

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Le droit de priorité qui constitue aujourd’hui le centre du gage est apparu ensuite, quand les sûretés ont évolué. A cette époque où le gage impliquait nécessairement une dépossession, cette idée de priver le débiteur d’un de ses biens a fait que le législateur a perçu le gage avec une grande méfiance. En effet, on y voyait largement un instrument d’exploitation de la misère des pauvres par les usuriers.

Autre raison de méfiance du législateur, le gage avec dépossession présente des inconvénients à la fois pour le débiteur (celui-ci est naturellement privé de la jouissance d’un de ses biens), et pour le créancier (celui-ci se voit remettre un bien qui peut être encombrant, et donc il va devoir assurer la protection).

Sous-Section I – Le droit commun du gage

§1 – La formation du gage

A) Les conditions de fond

Conclu entre un créancier appelé gagiste, et un débiteur appelé constituant.

1. Relatives au constituant

La première idée, c’est qu’en cas de défaut de paiement, le créancier-gagiste va pouvoir faire vendre la chose du débiteur, chose remise en gage. Il va également pouvoir se la faire attribuer. Quand on crée un gage sur un bien, on menace donc sa propre propriété.

A partir du moment où le gage crée une menace sur la propriété, avec un transfert de propriété à la clef, alors il va falloir que le constituant/débiteur ait la capacité d’aliéner le bien mis en gage.Pour pouvoir aliéner, il faut pouvoir être propriétaire de la chose.

a) La capacité d’aliéner

Un mineur, ou encore un incapable majeur ne peuvent normalement constituer de gages, sauf contreseing de leur tuteur, et ce à peine de nullité relative indépendamment de la bonne foi du créancier.

b) Pour pouvoir aliéner quelque chose, il faut être propriétaire du bien donné en gage

La définition nous dit que le gage peut porter sur une chose future. Une chose future n’est pas encore susceptible de propriété au moment de la constitution du gage, et dans ce cas là, la qualité de propriétaire ne sera pas demandée.

La réforme du 23 Mars 2006 a introduit dans le Code Civil un article 2335 aux termes duquel « le gage de la chose d’autrui est nul ». A nouveau, il s’agit d’une nullité relative, puisque de protection.A la différence de ce qui concerne les incapacités, la jurisprudence antérieure à la réforme avait estimé que lorsque le gagiste était de bonne foi, était protégée par l’article 2276 du Code Civil.

La nullité du gage est-elle opposable ? La nullité du gage de la chose d’autrui devrait s’interpréter comme la nullité de la vente de la chose d’autrui, et donc comme nullité relative. Dans ce cas là, seules les parties au contrat peuvent l’invoquer. Seul le créancier/gagiste peut invoquer la nullité, et il n’a aucun intérêt à invoquer cette nullité.

Le créancier gagiste dispose d’un droit de rétention sur la chose, en plus de son droit de préférence. Ce droit de rétention est opposable au propriétaire de la chose retenue même si celui-ci n’est pas le débiteur du créancier.Le gage de la chose d’autrui est nul en théorie, mais cela risque de rester lettre morte.

Toujours dans l’idée d’être propriétaire, est-ce qu’un propriétaire indivisaire peut donner la chose en gage ? A nouveau, la prohibition du gage de la chose d’autrui s’y oppose. En principe, on ne peut donner en gage un bien indivi qu’avec accord de l’indivision (de tous les indivis).

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2. Relatives à la créance garantie

L’idée est qu’une sûreté est par principe accessoire. Le gage subit ce système, ce qui fait que la nullité de la créance ou l’extinction de celle-ci entraîne la nullité ou l’extinction du gage. Spécificité, aux termes de l’article 2333 alinéa 2 du Code Civil, les créances garanties doivent être présentes ou futures. Dans ce dernier cas, la créance doit être déterminable.

a) La créance est présente, elle naît en même temps que l’exécution du gage

Pas de difficultés.

b) La créance est future, mais préexistante

J’ai déjà prêté de l’argent, et je viens par la suite demander de constituer une sûreté.Une petite difficulté naît : c’est l’intervention des procédures collectives.Aux termes de l’article L. 632-1 6° du Code de Commerce, le gage d’une créance préexistante ne peut pas être constitué après la cessation des paiements, ce à peine de nullité.

3. Relatives à la chose donnée en garantie

Le gage est une sûreté mobilière.Par définition, le bien donné en garantie est un meuble. Il doit s’agir d’un meuble corporel.Si c’est sur quelque chose d’autre, il ne peut pas s’agir d’un gage.

L’article 2333 du Code Civil admet désormais que le gage puisse porter sur un ensemble de biens mobiliers, et il admet que l’on puisse ouvrir une créance future, mais également que le bien puisse être futur au moment de la formation du gage.

Lorsque le bien naîtra, alors il naîtra automatiquement grevé d’un gage.Le bien doit nécessairement pouvoir être aliéné.

Le Code Civil va prévoir de manière spécifique certaines règles applicables au gage, avec dépossession de choses de genre (par opposition aux choses fongibles). Le danger est que si l’on remet au créancier une chose de genre, une chose fongible, celui-ci risque de la confondre avec les choses du même genre qu’il a chez lui.

L’article 2341 du Code Civil prévoit que lorsque le gage avec dépossession s’exerce sur des choses fongibles, le créancier doit tenir le bien mis en gage séparé des choses de même nature qui lui appartiennent.A défaut, le constituant pourra réclamer la restitution du bien placé en gage.

B) Les conditions de forme

Il y a une transformation profonde du contrat de gage, puisqu’avant la réforme de 2006, le gage entrainait obligatoirement la dépossession. C’était donc un contrat réel, formé au moment de la remise du bien grevé au créancier/gagiste. Il y avait une autre règle, qui voulait que le gage ne soit opposable aux autres créanciers qu’en cas d’enregistrement au Tribunal de Commerce.

Cela a été modifié par la réforme de 2006. Désormais, le gage n’est plus un contrat réel (puisqu’il peut y avoir des gages sans dépossession), il implique dorénavant la rédaction d’un écrit devenant un écrit solennel.

Aux termes de l’article 2336 du Code Civil, le gage est parfait par l’établissement d’un écrit comprenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature.Cette exigence d’un écrit pour la formation du contrat est prescrite à peine de nullité. A contrario si l’écrit n’est pas établi, le gage n’est pas formé.

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Pourquoi cette règle ? A nouveau, le but est d’éviter la fraude, la collusion entre le gagiste et le constituant qui consisterait à essayer de soustraire aux autres créanciers un des biens sur lequel il serait tenté de venir se payer, en remplaçant un bien de faible valeur sur lequel a été constitué le gage, par un bien d’une valeur plus grande.

Quant à l’opposabilité, il y a deux conditions alternatives pour que le gage soit opposable :- Il y a soit la dépossession.- Il y a soit la publicité.

Cette règle est posée à l’article 2337 du Code Civil.

Comment choisir ? Chacune des deux options ont des inconvénients. - Soit le gagiste va devoir conserver la chose (encombrante), et le débiteur en perd l’usage.- S’il y a publicité, alors cela crée une publicité de l’endettement.

Pour que le gage soit rendu opposable par la possession, la possession doit être effective, apparente et permanente :

- Effective, c'est-à-dire qu’il y a nécessairement dépossession du débiteur. Cela n’implique pas nécessairement mise en position du créancier, dans la mesure où le gage peut être exercé par la remise du bien entre les mains d’un tiers (Entiercement).

- Apparente, c'est-à-dire publique aux yeux des autres créanciers. - Permanente, c'est-à-dire que le créancier perdra l’opposabilité du gage si jamais il remet la chose au

débiteur. C’est juste l’opposabilité aux tiers qui sera perdu en cas de restitution du bien donné en gage au débiteur.

Pour la publicité, il devra y avoir publication du gage sur un registre du Tribunal de Commerce du domicile du constituant. C’est au créancier qu’il appartient de procéder à cette publication, et concrètement, il doit remettre un des originaux du contrat écrit au greffe, et deux bordereaux mentionnant la dette garantie, et les biens mis en gage.

Une fois le gage inscrit selon cette formalité, l’opposabilité aux tiers prend effet à la date de l’inscription pour une durée de 5 ans.

C’est le créancier qui publie qui l’emporte, ce malgré le droit de rétention d’un autre créancier (dépossession). Ce sera inopposable au créancier gagiste.

§2 – Les effets du gage

A) Les obligations des parties

1. Les obligations du créancier-gagiste

Lorsque le gage est constitué sans dépossession mais par voie de publicité, le créancier n’a aucune obligation. En cas de gage avec dépossession, le créancier a qui on remet la chose, à aux termes de l’article 2344 du Code Civil le devoir de la conserver et de la restituer en cas de paiement.Bien que le gage soit une menace sur la propriété, le constituant reste propriétaire de cette chose. Le gagiste doit respecter cette propriété dans ces deux obligations.

a) Le devoir de conservation de la chose

S’il engage des frais de conservation, ils ne sont pas mis à la charge du gagiste, mais à la charge du constituant.Cette obligation de conservation de la chose n’est qu’une obligation de moyen, et non de résultat. Si la chose se dégrade, le créancier-gagiste engagera sa responsabilité que si le débiteur prouve que le gagiste a commis une faute dans la conservation.

Si la faute est légère, alors la sanction sera faite de dommages et intérêts que le gagiste devra au débiteur par compensation avec une partie de la créance.Si la faute du créancier est plus grave, alors le débiteur a le droit à la restitution de la chose.

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Pour assurer la bonne conservation du gage, on va éviter que celui-ci se détériore par l’usure, et on va donc interdire au créancier d’utiliser la chose mise en gage. Cela résulte de la jurisprudence et particulièrement d’un arrêt Com – 12 Juillet 2005.

Il a le droit d’en recueillir les fruits de la chose remise. Il est même le seul à pouvoir percevoir ces fruits, puisque le débiteur en a perdu ses droits. Cela n’est pas gratuit dans la mesure où les produits/fruits de la chose vont venir en déduction de la somme due par le débiteur/constituant.

b) Le devoir de restitution de la chose en cas de paiement

N’a rien dit de spécifique.Voir plus haut.

2. Les obligations du débiteur-constituant

On est dans l’hypothèse d’un gage sans dépossession.Le danger pour le créancier gagiste est la destruction de la chose qu’il ne peut pas empêcher car le bien n’est pas sous son contrôle. Il y a une obligation de conservation de la chose restée entre les mains du débiteur. Le créancier va disposer d’une option :

- Il peut demander la déchéance du terme. Sa créance est menacée du fait de la destruction du bien, donc payez moi immédiatement. Moyen de pression intéressant.

- Il peut demander le complément du gage, c'est-à-dire que le débiteur va devoir reconstituer le gage et ce à hauteur du dommage causé.

B) Les droits du créancier gagiste

Cela n’existe qu’en cas de défaut de paiement. En cas de défaut de paiement, le créancier va avoir le droit de réaliser sa sûreté. S’il choisit de ne pas réaliser sa sûreté, il a une alternative.En cas de dépossession, il dispose également d’un droit de rétention. S’il n’y a pas de dépossession, il dispose alors d’un droit de suite.

1. Le droit de réaliser sa sûreté, le gage

- C’est un droit, c'est-à-dire que ce n’est pas une obligation. C’est une faculté discrétionnaire.Le créancier gagiste va pouvoir se faire payer comme les autres créanciers sur le patrimoine du débiteur. Il n’est pas tenu de faire vendre spécifiquement le bien placé en gage.Il y a une obligation de réaliser le gage, vis-à-vis de la caution éventuelle qui viendrait garantir la même dette. Si jamais le gagiste veut faire jouer la caution, il doit réaliser son gage préalablement. A défaut, la caution pourrait soulever l’exception de défaut de subrogation.

Il existe trois voies possibles :

a) La vente forcée du gage (aux enchères)

L’article 2346 du Code Civil disposition impérative d’ordre public, que l’on ne peut écarter par les parties.La vente forcée doit être autorisée en justice. Le juge peut choisir d’accorder au débiteur un délai.

De plus, la vente forcée se déroule obligatoirement aux enchères publiques, en faisant jouer librement l’offre et la demande (+ interdiction des clauses de voies barrées).

Une fois que la vente a eu lieu, le gagiste dispose d’un droit de préférence. Le problème c’est que le rang du gagiste est assez médiocre. Pour éviter d’être primé par les autres créanciers, le gagiste a intérêt à ne pas faire vendre le bien aux enchères publiques.

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b) L’attribution judiciaire du gage en pleine propriété

Faire jouer son droit de rétention jusqu’à l’attribution.Cette faculté autorise le créancier à demander que la chose qui lui a été remise en gage soit attribuée en pleine propriété. Avant d’autoriser, le juge va vérifier que le gage est valable, mais c’est tout. Le juge ne peut pas refuser l’attribution judiciaire si le gagiste la demande, ce même si le but de cette attribution est de faire échec aux autres créanciers de rang supérieurs.

Le danger est que le gagiste pourrait se faire attribuer un bien d’une valeur supérieure à sa créance. L’autre danger est que le gagiste n’a une chose que d’une valeur inférieure à celle de sa créance. Pour le reste de sa créance, c’est un créancier chirographaire.C’est le jugement lui-même qui va déterminer la valeur de la chose.

On a une perturbation par les procédures collectives puisqu’en cas de procédure collective, il n’y a pas la possibilité de se faire attribuer la chose en pleine propriété, puisqu’il faut un jugement, une action en justice… Comme d’habitude, il y a suspension des poursuites individuelles.

Cette attribution en pleine propriété peut encore se faire par l’effet d’un pacte commissoire.

c) L’exécution forcée du pacte commissoire

Une clause dans le contrat constitutif du gage permet que les parties prévoient l’attribution en pleine propriété du bien en cas de non-paiement.Pendant longtemps, cela a été interdit au même titre que la clause de voie barrée. Cela est dorénavant toléré, mais la clause de voie barrée est toujours interdite.

Désormais, ces pactes sont autorisés par l’article 2348 du Code Civil, avec deux exceptions importantes :- Le cas du gage consistant en un crédit à la consommation ou un crédit-immobilier.- Lorsque le débiteur fait l’objet d’une procédure collective.

§3 – L’extinction du gage

Comme les autres sûretés, le gage va s’éteindre par voie accessoire, avec l’extinction de la créance garantie ou par voie principale. Dans tous les cas, l’extinction du gage donne lieu à la restitution du bien placé en gage entre les mains du gagiste.

Par voie accessoire, c'est-à-dire que le gage va s’éteindre avec l’extinction de la créance principale, de la créance le garantissant. Le gage est indivisible, donc le gage ne saurait être éteint que s’il y a extinction de la totalité de la créance selon l’article 2349 du Code Civil.Cette extinction du gage interviendra pour toutes les causes d’extinction de la créance principale, avec une exception, celle de la prescription de la créance, puisque le gage va interrompre la prescription d’une créance.

En cas d’extinction de la créance par annulation de celle-ci, les parties doivent restituer ce qu’elles ont reçu en vertu du contrat, le gage continue-t-il à garantir la restitution ? On trouve une jurisprudence fluctuante sur ce point, même si la logique réclamerait que le gage vienne garantir les restitutions consécutives à l’annulation ou à la résolution de la créance.

Par voie principale, c'est-à-dire que le gage lui-même s’éteint tout seul.Cela interviendra notamment en cas de destruction de la chose, mais dans ce cas là, il y a cet effet habituel de la subrogation réelle. Lorsque le bien garantissant la créance est détruit, la sûreté est maintenue sur les indemnités d’assurance.

On trouve aussi une extinction par voie principale, si le gagiste manque à son obligation de conserver la chose, selon l’article 1344 alinéa 1 er du Code Civil, et le gage pourra également s’éteindre en cas de renonciation du créancier-gagiste.

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Sous-Section II – Les gages spéciaux en fonction des biens sur lequel ils s’exercent

Il existe des règles particulières pour un certain nombre de biens, pour lesquels la dépossession n’est pas envisageable matériellement, ou dans lesquels la possession est matériellement possible mais déconseillée par le législateur.C’est le cas notamment pour le gage automobile, mais également pour les éléments du fonds de commerce.

§1 – Le gage automobile

Il y a une relative incertitude.Il faut établir une distinction : On peut parfaitement gager son automobile en soit, et c’était le droit commun du gage qui s’appliquait. Maintenant, il existe un gage spécial automobile qui concerne seulement les créances du vendeur d’automobiles ou pour le crédit accordé pour l’achat d’une automobile, et ce gage existe de plein droit. Il suffit de le publier.

Il découle de ce gage un droit de rétention fictif. Ce droit de gage est inscrit sur un registre de la préfecture. Cette inscription à la Préfecture est valable 5 ans, renouvelable.Lorsque le véhicule fait l’objet d’un droit de rétention par un autre créancier, qui dispose lui d’un droit de rétention effectif, le gagiste sur automobile peut se le voir opposer. Le gagiste automobile dispose d’un droit de suite opposable à l’acquéreur, même de bonne foi. Il possède également un droit de préférence sur le droit de vente, s’il prend l’initiative de la vente forcée.

L’inscription du gage sur les registres de la Préfecture va paralyser l’exercice d’une possession utile. Le créancier gagiste sur automobile dispose encore d’un droit de préférence sur la vente, même si son rang est relativement médiocre. Il a encore la possibilité de demander l’attribution judiciaire du véhicule. Petit détail, on tolère ici la vente amiable du véhicule, si celle-ci sont toutefois faite à l’initiative du débiteur et non pas du créancier. Il y a également la possibilité de placer en gage, y compris sans dépossession en vertu du droit commun. Les règles ont été modifiées par l’ordonnance de 2006. Cela devait intervenir suite à un décret qui n’a pas encore été publié. Pour l’instant, un véhicule peut également être placé en gage. §2 – Le gage commercial (des éléments du fonds de commerce)

L’article 2354 du Code Civil va renvoyer à des dispositions particulières en matière commerciale.Pourquoi des dispositions particulières ? L’idée est que, dans le droit du gage antérieur à la réforme de 2006, le gage impliquait la dépossession. Or, cette idée de dépossession des biens d’une entreprise est particulièrement peu adaptée à la situation du débiteur commerçant (La plupart du temps, les actifs que l’on peut placer en gage sont ses outils de production, ou ses stocks…).

Le législateur a voulu décourager tout gage avec dépossession en matière commerciale, en créant un droit spécifique du gage commercial n’impliquant pas la dépossession et permettant aux commerçants débiteurs à disposer des biens placés en gage, avec même la possibilité de les aliéner dans certains cas.

A) Des règles générales concernant toutes les formes de gage commercial

Qu’est ce qu’un gage commercial ? On a vu que le gage, comme toute autre sûreté, est par nature accessoire.Lorsque le gage est consenti par un commerçant pour son activité, ou lorsqu’il garantit une dette née d’un acte de commerce, alors le gage est commercial. Ce peu importe les qualités des parties selon l’article L. 521 du Code de Commerce.

Première règle particulièreLe gage civil est un acte solennel qui implique nécessairement la rédaction d’un écrit, et ce à peine de nullité. Cet écrit, pour des raisons de souplesse commerciale, n’est pas en principe nécessaire en matière commerciale, sauf exceptions.

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Deuxième règle particulièreLa validité du gage n’implique pas la dépossession du débiteur.

Troisième règle particulièreLa réalisation du gage est beaucoup plus facile en matière commerciale qu’en matière civile.Normalement, la réalisation du gage en matière civile est la vente du bien, avec paiement au gagiste avec droit de préférence, mais cette vente aux enchères suit une procédure de saisie.En matière commerciale, il n’y a pas besoin d’une autorisation judiciaire, il suffira au créancier-gagiste de notifier à son débiteur qu’il est défaillant et qu’il a l’intention de procéder à la vente du bien selon l’article L. 521-3 du Code de Commerce.

B) Le nantissement de l’outillage et du matériel

Le législateur est hostile à ce genre de gage, car cela gêne la production. Il a donc mis en place des règles particulières permettant de percevoir cette hostilité à ce nantissement.

1. Les règles de constitution du nantissement de l’outillage et du matériel

Première règle restrictiveEn matière de gage du matériel, celui-ci ne peut garantir que des créances connexes au matériel.Seul le vendeur du matériel ou le prêteur des sommes destinées à l’acquisition de ce matériel peuvent devenir gagistes.

Deuxième règle restrictiveCe nantissement ne peut porter que sur des biens professionnels, à la condition qu’aucune loi spéciale ne prévoit un gage spécifique.

Troisième règle restrictiveIl n’y a pas de dépossession, et donc on va faire constater l’existence du gage par un écrit.Cet écrit doit exister à peine de nullité. Cet écrit doit également être publié dans un registre spécial du Tribunal de Commerce, et ce à nouveau à peine de nullité.

2. Les effets du nantissement de l’outillage et du matériel

A partir du moment où c’est un gage sans dépossession, il n’y a pas de droit de rétention.Par contre, il va transmettre au gagiste un droit de préférence sur le prix du bien, placé juste devant le privilège du Trésor, du fisc et de la Sécurité Social (bon rang). Normalement, il n’y a pas de droit de suite (Ce qui est assez étrange, car du coup à quoi sert la publication ?)

Il y a également la possibilité d’une attribution judiciaire du bien en pleine propriété au gagiste. Cette solution a longtemps été débattue, la solution retenue a été celle de l’attribution judiciaire dans un arrêt d’Assemblée Plénière du 26 Octobre 1984.

Globalement, le nantissement du matériel n’est pas forcément une bonne idée.En outre, le législateur ne l’encourage pas.

C) Le gage commercial relatif aux stocks

A nouveau, le législateur n’y est pas tout à fait favorable.

1. Les conditions de formation du gage des stocks

a) Sur le fond

Il est réservé aux créanciers établissements de crédit.Il est réservé aux débiteurs constituant dans le cadre de son activité professionnelle.

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Le débiteur constituant doit être propriétaire des stocks, à défaut le gage fonctionne quand même, mais le gagiste ne pourrait l’opposer au vrai propriétaireLes biens gagés portent sur les stocks, qu’il s’agisse des matières premières ou de produits finis, quelque soit l’état des stocks, mais un stock circule par définition… Le débiteur va transformer la matière première en produit fini puis les vendre. Alors le créancier n’a plus rien dans son gage. Ce qui est intéressant, c’est que le gage porte sur l’ensemble du stock, avec cette idée que le stock circule et se renouvelle.

b) Sur la forme

Il ne peut pas y avoir de dépossession, mais e, échange le débiteur va devoir maintenir la valeur de ses stocks.C’est un contrat formaliste, avec un écrit comportant 7 mentions (à peine de nullité à chaque fois).Ensuite, cet écrit doit être publié, inscrit dans un registre du Tribunal de Commerce, à nouveau sous peine de nullité.

2. Les effets du gage des stocks

Comme il n’y a pas de dépossession et de remise du stock entre les mains du créancier, le gagiste n’a aucune obligation. Par contre, c’est au débiteur qui conserve la maîtrise de ses stocks qu’il appartient de conserver ceux-ci, avec obligation d’assurer son stock.Le stock peut également circuler, ceci à la condition que le stock se soit renouvelé et que le débiteur s’engage à ne pas diminuer la valeur de son stock. On tolère une fluctuation de 20% quant à la valeur des stocks du débiteur.

Si la valeur diminue de plus de 20%, le créancier a une option : soit il demande le rétablissement à bref délai de la valeur, soit il demande le remboursement immédiat des sommes correspondant à son gage.

La clause de voie barrée est toujours interditeLe pacte-commissoire l’est également.Le créancier conserve la possibilité de demander l’attribution judiciaire du stock. IL n’y a pas de droit de suite, mais il y a un droit de préférence en cas de vente forcée des stocks.

Section II – Le nantissement de meubles incorporels

Selon l’article 2355 alinéa 1 du Code Civil, le nantissement est l’affectation en garantie d’une obligation d’un meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels présent ou futur.L’alinéa 2 nous dit que le nantissement est conventionnel ou judiciaire.

§1 – Le nantissement de créance

Le débiteur avait lui-même des débiteurs.Le nantissement de créance prévoit que si le débiteur constituant ne paye pas, alors ce sont ses propres débiteurs qui paieront directement le créancier. Ceci est très proche d’une sûreté personnelle.D’un point de vue juridique, cela n’a strictement rien à voir… Le créancier n’a pas de droits personnels sur le débiteur, mais un droit réel sur les paiements du débiteur. De plus, le nantissement de créance ne crée aucun lien de droit, il n’y a pas de contrat existant entre le créancier et le débiteur.

A) La constitution du nantissement de créance

1. L’assiette du nantissement de créance

Cela peut porter sur une seule créance ou un ensemble de créances, ainsi que sur le solde positif d’un compte dans la mesure où cela s’analyse comme une créance.Les créances peuvent être présentes, mais également futures, voir éventuelles (déconseillé).

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2. Les conditions de validité du nantissement de créance

Selon l’article 2356 du Code Civil, il faut un écrit à peine de nullité, en faisant un contrat solennel.Cet écrit créant le nantissement de créance doit désigner aussi bien la créance garantie, que la créance donnée en garantie. L’écrit doit permettre de déterminer la créance (son individualisation), si celle-ci est future.

3. Les conditions d’opposabilité du nantissement de créance

La réforme de 2006 a considérablement simplifié l’opposabilité aux tiers.Aux termes de l’article 2361 du Code Civil, le nantissement est opposable aux tiers, dès sa constitution, sans signification. Il a date certaine à la date de sa constitution.

Cela ne concerne pas tous les tiers.Un tiers est dans une situation particulière, c’est le débiteur du débiteur. Cela ne lui est opposable que s’il a participé à l’acte (Acte ratifié par trois personnes). L’acte prendra alors effet à la date de la notification. Sinon, seul le constituant reçoit le paiement de part de son propre débiteur comme avant, mais une fois que c’est notifié, le débiteur du débiteur doit payer directement le créancier.

B) Les effets du nantissement de créance Le créancier dispose du droit de faire réaliser la créance en cas de non-paiementLa réalisation par vente aux enchères n’a pas de sens pour une créance.Il y aura attribution par la voie du pacte commissoire, mais ce pacte doit être interdit si le constituant ou le débiteur-constituant se trouve en liquidation judiciaire.Comment arriver à la réalisation du gage ? On peut alors se faire attribuer la créance en pleine propriété par voie judiciaire. Cette attribution judiciaire reste possible même si le constituant fait l’objet d’une procédure collective. Le créancier nanti deviendra alors le seul créancier de la créance, et lui seul pourra être payé. De ce fait, le créancier dispose non pas d’un droit de préférence, mais d’un droit exclusif.

Il y a quand même une difficulté dans ce fonctionnement : le créancier nanti peut recevoir des paiements du débiteur du débiteur avant même que la dette du constituant ne soit arrivée à échéance.SI la créance garantie est arrivée à échéance, l’article 2364 du Code Civil prévoit que le créancier nanti conserve les créances garanties sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité à les recevoir.

§2 – Certains nantissements spéciaux

A) Le nantissement du fonds de commerce

Meuble incorporel dans son ensemble.Il s’agit d’une universalité, c'est-à-dire quelque chose qui recouvre un ensemble de biens, et cela comprend l’ensemble des éléments nécessaires à l’activité de l’entreprise.Deux difficultés particulières :

- Le fonds de commerce en lui-même est un meuble incorporel, mais il peut contenir aussi bien des meubles incorporels, que des meubles corporels.

- Le fonds de commerce est quelque chose qui peu avoir une valeur considérable, n’a d’intérêt pour le créancier que si le fonds a une valeur. Or, la valeur du fonds de commerce dépend de la prospérité de son propriétaire. A partir du moment où on place le fonds comme sûreté, une sûreté n’a d’intérêt qu’en cas d’insolvabilité du débiteur… Si le débiteur est insolvable, le fonds n’a plus beaucoup de valeur.

Le nantissement du fonds de commerce est prévu à l’article L. 141-2 du Code de Commerce, sans prévoir de dépossession car on veut maintenir l’activité de l’entreprise.

1. La constitution du nantissement du fonds de commerce

A peine de nullité, il doit être constitué par un écrit enregistré au greffe du Tribunal de Commerce du ressort dans lequel le fonds de commerce est situé, sous peine de nullité.

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2. Les effets du nantissement du fonds de commerce

Cela donne un droit de suite au créancier nanti, et un droit de préférence sur le prix de vente forcée du fonds de commerce.

Que se passe-t-il en cas de conflit avec les gagistes sur des éléments corporels qui composent le fonds de commerce ? On distingue deux situations :

- Le fonds de commerce peut être nanti pour son ensemble ou seulement pour ses éléments incorporels. SI le nantissement ne le prévoit pas, il y a présomption selon laquelle on n’a voulu nantir que les éléments incorporels, écartant ainsi le risque de conflit.

- Si l’acte constitutif du nantissement prévoit spécifiquement que le nantissement porte sur la totalité du fonds de commerce y compris les éléments corporels, à ce moment là le conflit sera réglé par la date d’inscription du gage et du nantissement au registre du Tribunal de Commerce.Si inscrits le même jour, ils se paieront par contribution sur les éléments corporels, c'est-à-dire selon le droit commun des procédures civiles d’exécution.

Cela ne confère pas de droit de rétention au créancier, et surtout il n’y a pas d’attribution judiciaire possible du fonds de commerce. Cette prohibition est prévue à l’article L. 142-1 alinéa 2 du Code de Commerce, parce qu’en cas d’attribution, cela impliquerait que le créancier soit commerçant et qu’en plus il ait l’intention d’exercer l’activité de son débiteur.

B) Le nantissement de comptes-titres

Nous ne verrons pas ce B).

Sous-Titre III – Les sûretés immobilières

Ces sûretés immobilières prévues à l’article 2373 du Code Civil.

Section I – L’hypothèque légale

Elle n’implique pas la dépossession de l’immeuble.Prévue aux articles 2393 du Code Civil.

§1 – Les principaux caractères de l’hypothèque

A) Un droit réel

L’hypothèque est un droit réel sur les immeubles.Le droit réel du débiteur est la plupart du temps la propriété. Normalement, cas de figure classique, le débiteur est propriétaire de l’immeuble, mais on peut hypothéquer un démembrement d’une propriété.Les droits réels du créancier seront évidemment le droit de préférence et le droit de suite.

B) Un droit réel immobilier

Il n’existe pas d’hypothèques sur les meubles, avec deux exceptions toutefois :- Les hypothèques sur navires.- Les hypothèques sur aéronefs.

C) Un droit réel accessoire

L’existence de l’hypothèque implique nécessairement l’existence d’une créance qui doit être valide.Désormais, l’hypothèse de l’hypothèque rechargeable tend un peu à modifier cela.A partir du moment où l’hypothèque est un droit accessoire, elle est nécessairement transmise avec la créance.

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D) Un droit indivisible

Prévue à l’article 2392 du Code Civil aux termes duquel l’hypothèque est de sa nature indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ses immeubles.

Cela va avoir quatre conséquences :- Si la créance elle-même est divisée, alors l’hypothèque va subsister entre les mains de chaque

nouveau créancier. Ils se retrouvent tous hypothécaires.- Si l’immeuble est lui-même divisé (les héritiers héritent de l’immeuble en indivision), l’hypothèque est

maintenue à l’égard de tous les nouveaux propriétaires.- Si la dette est divisée, l’hypothèque va également être maintenue même dans l’hypothèse où la dette

sera divisée entre tous les héritiers du débiteur, mais que seul un des héritiers hérite de l’immeuble. Cette règle est posée à l’article 1221 alinéa 3 du Code Civil.

- Si il y a plusieurs immeubles qui sont hypothéqués pour une seule et même dette, et que la valeur de chacun d’eux suffirait à régler la dette, le créancier pourra choisir quel immeuble il pourra saisir.

On conçoit que l’hypothèque est un acte particulièrement grave pour le débiteur, puisqu’on fait perdre de la valeur à l’immeuble. Sa constitution est donc soumise à des règles particulières et à un formalisme assez lourd.

E) Sans dépossession du débiteur

§2 – La constitution de l’hypothèque

A) Les conditions particulières de forme

C’est l’un des très rares contrats qui doit nécessairement être passé à peine de nullité, non seulement par écrit mais également par acte notarié (mariage, donation, hypothèque, et subrogation conventionnelle par la volonté du débiteur).Pourquoi choisir ce formalisme particulier ? C’est justement en raison de la gravité de cet acte, qui nécessite l’intervention d’un notaire.

Au-delà de cette condition de validité, il existe une condition d’opposabilité qu’est la publication de l’hypothèque dans le registre de la conservation des hypothèques.

1. Un acte notarié

La nécessite à peine de nullité de l’hypothèque, d’un acte notarié est prévue à l’article 2116 du Code Civil.

a) Un contrat solennel

Pour que l’hypothèque soit publiée, il faut nécessairement passer par un acte authentique, mais surtout, il va falloir protéger le débiteur contre la tentation de concéder des hypothèques.L’hypothèque va faire perdre une valeur considérable à l’immeuble, et ensuite l’hypothèque en raison de ce droit de suite et du droit de préférence, va risquer d’aboutir à l’aliénation de l’immeuble.L’acte notarié sera donc précédé des conseils du notaire.

Sans acte notarié, il y aura une nullité absolue.

b) Les mentions de l’acte notarié

L’hypothèque est une sûreté régie par un principe de double spécialité :- Une spécialité de bien grevé.- Une spécialité de la créance garantie.

L’acte notarié doit porter mention de la créance garantie et du bien grevé.L’acte authentique va également devoir spécifier la créance, on doit donc obligatoirement individualiser la créance hypothécaire, mais également préciser la cause de la créance.L’article 1421 du Code Civil prévoit que la cause de la créance doit être précisée dans l’acte, ainsi que son montant.

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Une précision toutefois, il y a une relative souplesse, il suffit d’indiquer le capital de la créance. Il n’est pas nécessaire que les intérêts soient spécifiés, ils sont couverts de plein droit par l’hypothèque dans la limite de trois ans.

La réforme de 2006 a apporté une nouveauté. Désormais, l’hypothèque peut porter sur une créance future. Celle-ci sera difficile à décrire dans son montant, mais il suffit pour que la mention soit valable que la créance future soit déterminable. L’hypothèque doit pouvoir être affectée à des créances autres que celles mentionnées dans l’acte.On trouve désormais l’hypothèque rechargeable, qui implique qu’on puisse affecter l’hypothèque a une créance qui n’a pas encore été prévue au moment où l’hypothèque a été constituée.

2. Une publication nécessaire

La publicité de l’hypothèque n’est pas prévue à peine de nullité, mais à peine d’inopposabilité aux tiers.Cela reste fondamental. Une hypothèque non-opposable aux tiers ne sert strictement à rien. Cette publicité se fait par inscription sur le registre de la conservation des hypothèques au lieu de situation de l’immeuble grevé. Cette inscription va devoir comporter les mêmes mentions que l’acte notarié constitutif de l’hypothèque, mais cela doit également comporter des éventuelles clauses d’indexation de la créance, donc le but est de permettre à tous les autres créanciers de consulter le registre, afin de connaître les charges exactes pesant sur cet immeuble.

Cette inscription est fondamentale, ainsi que sa date, puisque c’est la date de publication de l’hypothèque qui conditionne son rang. Il est possible d’hypothéquer plusieurs fois un même immeuble, mais dans ce cas là, c’est le premier qui a inscrit son hypothèque qui l’emportera peu importe l’antériorité de sa dette.Le créancier a donc tout à fait intérêt à inscrire son hypothèque, mais quatre difficultés peuvent intervenir, interdisant l’inscription de l’hypothèque :

- La publication de l’aliénation de l’immeuble.- La publication d’un commandement de saisie sur l’immeuble.- L’ouverture d’une procédure collective contre le débiteur (ou une procédure de surendettement

contre un particulier).- L’acceptation de la succession du débiteur décédé et que son héritier accepte sa succession à

concurrence de l’actif net.

A partir du moment où quelqu’un consent une hypothèque, il n’est plus totalement maître de son immeuble. L’idée est qu’il perd au moins partiellement la capacité d’aliéner l’immeuble. De ce fait, en raison de cette limitation des droits du constituant sur le bien hypothéqué, on voit le caractère fondamental du rôle du notaire, qui va également procéder à l’inscription. Cela peut constituer une garantie à la fois pour le débiteur et le créancier puisque le notaire engage sa responsabilité vis-à-vis des deux parties (comme un manquement au devoir d’information). L’hypothèque reste donc chère puisqu’on a les frais notariaux, et les frais d’inscription.

B) Les conditions particulières de fond

Conditionnant la validité de l’hypothèque, sont relatives au constituant, à la créance, et au bien hypothéqué.

1. Les conditions relatives au constituant

Il n’est pas nécessaire que le constituant soit le débiteur.Par contre, il existe une condition indispensable, le constituant doit être le titulaire du droit réel sur lequel il constitue une hypothèque. En général, il est propriétaire, ou doit au moins être usufruitier.Ensuite, le constituant doit avoir la capacité d’aliéner l’immeuble, puisque l’hypothèque risque d’aboutir à l’aliénation.

a) Titulaire de droits réels

A défaut, il y aura nullité absolue.L’hypothèque consentie par un propriétaire indivi, que se passe-t-il ? La réponse de principe est positive, l’hypothèque est valable au moins au moment de sa constitution.

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Par contre, si je constitue une hypothèque sur un bien indivi, sans le consentement des autres propriétaires indivis, que se passe-t-il au moment où l’hypothèque pourrait éventuellement être réalisée ? Tout dépendra de la situation de l’immeuble au moment du partage. Si le bien m’est attribué, l’hypothèque sera valable et rétroactivement validé. Si l’immeuble ne m’est pas attribué, l’hypothèque ne sera pas valable, et sera rétroactivement anéantie.

Si ce partage n’a toujours pas eu lieu, l’hypothèque reste valable.

b) Capacité d’aliéner l’immeuble

Cela invite très fortement le créancier à venir saisir le bien hypothéqué.La capacité d’aliéner un immeuble est relative aux mêmes problèmes que pour le cautionnement (époux, dirigeant).

Au niveau de la capacité des dirigeants sociaux, il n’appartient pas normalement au pouvoir normal de gestion d’un dirigeant social d’aliéner, de vendre, de consentir une hypothèque sur les actifs immobilisés (Autorisation du Conseil d’Administration).Le dirigeant pourra donc le faire que s’il a reçu ce pouvoir spécial.S’il le fait sans autorisation du Conseil d’Administration, il est très probable que le créancier de bonne foi puisse quand même s’en prévaloir au moment de la théorie de l’apparence.

De même lorsqu’un des époux hypothèque un bien commun du patrimoine du couple, il ne peut le faire qu’avec l’accord de son époux. Mais jamais le bien lui est propre mais qu’il s’agit du logement familial, il faudra l’accord de l’époux. A défaut de ces accords, c’est la nullité de l’hypothèque, qui sera seulement relative et qui ne pourra donc être invoquée que par le débiteur.

2. Les conditions relatives à la créance

C’est là qu’on va étudier cette innovation importante introduite par la réforme de 2006 qu’est l’hypothèque rechargeable. Aux termes de l’article 1421 du Code Civil¸ la créance peut être future. L’hypothèque n’est pas nécessairement affectée à la garantie des créances spécialement mentionnées dans l’acte constitutif. Cela va donc donner lieu à la création d’hypothèques rechargeables.

a) La garantie d’une créance future

On peut désormais garantir des créances futures, mais il faut dans ce cas que le montant de cette créance soit au moins déterminable, et il faut encore que la nature même de cette créance ait été prévue dans l’acte constitutif. Par exemple, je prévois d’emprunter 100 000€, et pour cette créance future, je vais constituer une hypothèque. Je ne pourrai pas utiliser cette hypothèque pour autre chose qu’un emprunt ou pour un montant supérieur à 100 000€.

Ensuite, une règle particulière en cas d’hypothèque, c’est que lorsque l’hypothèque pour créance future est à durée indéterminée, alors le constituant va pouvoir résilier l’hypothèque à tout moment, avec juste un préavis de 3 mois, et cette résiliation ne joue que pour l’avenir, elle continue à couvrir les dettes, créances nées antérieurement à la résiliation.

b) Le mécanisme de l’hypothèque rechargeable

La volonté du législateur était de faire qu’on allait pouvoir réutiliser l’hypothèque déjà constitué, afin de permettre au débiteur d’économiser le coût déjà dépensé pour la constitution de l’hypothèque. Ce mécanisme est prévu à l’article 2422 du Code Civil. Comment cela fonctionne-t-il ? Je constitue une hypothèque pour une créance présente, et je dépense mon argent, mais dans l’acte constitutif avec une clause expresse, je vais me réserver le droit d’affecter l’hypothèque à la garantie d’une autre créance future.Cette clause expresse doit également être publiée en même temps que l’hypothèque, et avec le montant maximum pour lequel le chargement va pouvoir avoir lieu.

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Cette hypothèse va pouvoir jouer même si mon créancier antérieur n’a pas été intégralement payé.L’intérêt pour le nouveau créancier, c’est que sa créance est garantie à la date de publication de la première hypothèque. Le premier créancier continue à primer par rapport au créancier rechargé.

Comment cela fonctionne-t-il en pratique ? Imaginez que j’emprunte 300 000€ pour un appartement du même prix. Je les garantis par une hypothèque rechargeable. Je commence à rembourser mon emprunt, la créance de mon premier créancier diminue donc (je rembourse 30 000€, je peux donc recharger 30 000€ en garantissant envers un deuxième créancier).

Il n’est pas possible de recharger l’hypothèque en profitant de l’augmentation de la valeur de l’immeuble.

3. Les conditions relatives au bien hypothéqué

On hypothèque le plus souvent le droit de propriété de l’immeuble, mais il est possible d’hypothéquer d’autres droits réels comme les démembrements de la propriété. L’hypothèque est immobilière, on ne peut donc hypothéquer que des immeubles.

Qu’en est-il des immeubles par destination ? Ils pourront faire l’objet d’hypothèques.On peut également hypothéquer des immeubles présents, ainsi que futurs à la condition que les immeubles présents soient suffisants pour garantir la créance garantie.

§3 – Les effets de l’hypothèque

A) Les droits et obligations des créanciers et des constituants de l’hypothèque parties

Les droits et obligations du débiteur dépendent principalement de ce que le créancier est payé ou non. Tant que le débiteur paye son créancier, alors il va conserver tous ses droits sur l’immeuble. Par contre, en cas de non paiement, le créancier peut faire réaliser l’hypothèque.

1. La non-réalisation de l’hypothèque

Le débiteur paye.Le débiteur conserve totalement la maîtrise de l’immeuble, il a la totalité de ses prérogatives de propriétaire, mais à partir du moment où la valeur de son bien est la garantie du créancier, le débiteur consentant une hypothèque s’interdit de procéder à tout acte faisant perdre de la valeur à l’immeuble hypothéqué.Tous les baux qui constitueraient des actes d’aliénation vont devenir inopposables au créancier hypothécaire, car ce sont des actes faisant perdre de la valeur au bien.

Le débiteur conserve ses droits de propriétaire, et peut donc même aliéner la chose (consentir d’autres droits réels), mais les contrats transmissifs de droits réels à d’autres personnes que le créancier sont inopposables au créancier, puisque celui-ci dispose d’un droit de suite et d’un droit de préférence sur l’immeuble.

2. La réalisation de l’hypothèque

Le débiteur a cessé de payer. Cela n’est possible qu’en cas de non-paiement. Le débiteur est défaillant. Il existe trois modes de réalisation de l’hypothèque :

- La saisie-immobilière. Avant la réforme de 2006, seule la saisie-immobilière existait.Le créancier hypothécaire reste soumis au principe de subsidiarité, il doit d’abord saisir les meubles, et s’ils sont insuffisants, il pourra saisir un immeuble. S’il y a plusieurs immeubles, il faut d’abord saisir l’immeuble hypothéqué, puis les autres.A nouveau, la saisie-immobilière va être une procédure coûteuse, et longue.

On va commencer par un commandement de payer, adressé au débiteur, et cela doit être publié à la conservation des hypothèques. La situation de l’immeuble devient alors indisponible.

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Ensuite, le juge soit ordonne la vente forcée, mais chose particulière à l’hypothèque, il peut ordonner la vente amiable organisée soit par le créancier soit par le constituant. Le prix minimum sera fixé par le juge, à dire d’expert.

- L’attribution judiciaire de la propriété de l’immeuble. Prévue par l’article 2458 du Code Civil, et le créancier hypothécaire impayé peut demander en justice que l’immeuble lui demeure en paiement. Exception, cette faculté ne lui est toutefois pas offerte si l’immeuble constitue la résidence principale du débiteur.

- L’attribution conventionnelle par le pacte-commissoire. Désormais, le pacte-commissoire a été autorisé. Toutefois, cette clause est sans effet sur l’immeuble constituant la résidence principale du débiteur.Attention, risque de fraude, la valeur de l’immeuble doit être déterminée à titre d’expert.L’ouverture d’une procédure collective fausse cette possibilité.

Comme en matière de gage, la clause de voie barrée est interdite.

B) Les rapports entre créancier hypothécaire et les tiers

Les tiers sont les autres créanciers.

1. Le rapport entre le créancier hypothécaire et les autres créanciers L’hypothèque confère un droit de préférence sur le prix de l’immeuble et sur les fruits qu’il a produit depuis le commandement de saisie. Si le bien est détruit le droit de préférence s’exerce sur l’indemnité d’assurance et le droit de préférence va s’exercer pour le montant de la dette tel qu’il est stipulé dans l’acte notarié et publié. Et s’exerce de plein droit sur trois annuités. On peut obtenir une extension du droit de préférence sur plus de 3 annuité, mais il faut une mention spéciale, publiée et que le débiteur y consente.

a) Conflit entre plusieurs créanciers hypothécaires Si on a plusieurs créanciers qui ont constitués plusieurs hypothèques sur le même bien, le conflit se résout par la date d’inscription de l’hypothèque.Si on a une hypothèque rechargée, elle est supposée inscrite au jour de sa constitution et non à la date de la seconde dette.Si plusieurs hypothèques sont inscrites le même jour on donnera préférence à la dette la plus ancienne.

b) Conflit entre un créancier hypothécaire et des créanciers bénéficiant d’un privilège sur l’immeuble

Normalement les privilégiés passent avant l’hypothécaire. Mais on a vu qu’il y a un moyen pour le créancier hypothécaire de passer outre l’avantage en demandant l’attribution en pleine propriété. L’article 2424 alinéa 2 du Code Civil prévoit qu’il est possible pour le créancier privilégié de cédé son antériorité, son rang de préférence à un créancier hypothécaire.Mais quel est l’intérêt ? On peut y trouver un avantage si l’endettement garanti par l’hypothèque va être consenti pour améliorer la valeur du bien. Ex : vente d’un terrain immobilier, il va être privilégié.

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2. Les rapports entre le créancier hypothécaire et les éventuels acquéreurs A l’égard des tiers acquéreurs, l’hypothèque inscrite confie au créancier hypothécaire un droit de suite, qui lui permet de faire saisir le bien hypothéqué entre quelques mains qu’elles se trouvent. Pour pouvoir être opposable aux tiers l’hypothèque doit avoir été inscrite avant l’aliénation.La bonne ou la mauvaise foi de l’acquéreur n’a aucun effet.

Le créancier n’a pas été réglé par son débiteur, il pourra exercer son droit de suite en faisant saisir le bien hypothéqué entre les mains de l’acquéreur.On va un peu au delà, avec l’article 2462 du Code Civil, le détenteur demeure par cet effet des inscriptions, obligé à toutes les dettes hypothécaires. Le créancier hypothécaire va diligenter une saisie immobilière, il adresse à l’acquéreur, un commandement de payer.

- L’acquéreur va pouvoir opposer toutes les exceptions que le débiteur originel pouvait opposer, la créance est nulle ou annulée.

- Ou bien il peut payer la dette, il peut y avoir intérêt lorsqu’il n’a pas encore payé le prix de vente au débiteur. Dans ce cas là il sera subrogé dans les droits du créancier hypothécaire, il bénéfice de la créance car vient de la payée et de l’hypothèque, il va devenir le créancier du débiteur, diminué de ce qu’il a payé au débiteur.

- Dans une troisième possibilité il peut délaisser le bien, il laisse faire la saisie immobilière, il touchera l’éventuel reliquat du prix de vente.

- Il peut se laisser exproprier mais il pourra exercer un recours en remboursement contre le vendeur ainsi que l’action en garantie d’éviction.

Pour éviter ce droit de suite, il a été mis en place la purge de l’hypothèque. Si jamais elle n’existait pas personne n’accepterais jamais d’acheter un bien hypothéqué. L’idée que l’on trouve ici, c’est que si jamais l’immeuble est vendu par le débiteur au prix du marché, il n’y a pas de fraude de sa part à redouté, au lieu d’exercer son droit de suite, il doit exercer son droit préférence sur le prix de vente. L’idée est que le créancier doit exercer son droit de préférence, et on va permettre à l’acquéreur de purger son hypothèque en payant le prix au créancier du débiteur.

- Vente forcée du bien : lorsqu’ y a vente sur saisie immobilière, la vente emporte purge de plein droit.En cas de vente aux enchères le prix est réputé être le prix du marché, il ne peut pas y avoir de fraudes.

- Vente amiable : le débiteur vend le bien hypothéqué, on a une procédure de purge réalisée par l’acquéreur, le notaire de l’acquéreur va notifier la vente au créanciers hypothécaires.Et il propose de verser une partie du prix de vente correspondant à leur créance moyennant renonciation à l’hypothèque. Si le prix de vente est correct les créanciers ont intérêt à accepter.

Dans la pratique cette procédure de purge à l’amiable, lors de la vente les créanciers sont présents et transmettent l’immeuble libre de toute charge en renonçant à l’hypothèque. Mais difficulté lorsque leurs dettes ne serait pas encore exigible à la date à laquelle l’immeuble est vendu. Lors de la constitution de l’hypothèque on va insérer dans le contrat, dans l’acte notarié une clause qui rend exigible la dette en cas d’aliénation de l’immeuble. Dès lors que l’immeuble est vendu alors le terme tombe. Les créanciers peuvent refuser cette purge, si le prix n’est pas assez élevé par exemple. Dans le cas ou il refuse à la purge de l’hypothèque, ils doivent nécessairement procéder dans les 40 jours de la notification de la vente à la vente forcée du bien et doivent se porter enchérisseur de ce même bien à un montant de 10% supérieur à celui proposé par l’acquéreur.S’il procède ainsi la première vente va être anéantie rétroactivement. Cette procédure de purge, ne purge que l’hypothèque, elle n’éteint pas forcement la dette du débiteur. La purge de l’hypothèque peut ne purger que l’hypothèque et non les dettes.

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§4 – La transmission et l’extinction de l’hypothèque L’hypothèque est une sureté, les suretés sont par nature accessoire, l’extinction dès la transmission aura lieu par voie accessoire ou principale.

A) La transmission de l’hypothèque Elle est prévue aux articles 2424 et suivants du Code Civil, l’hypothèque est transmise de plein droit avec la créance garantie. Quelque soit les modalités de transmission de la créance, l’hypothèque qui est l’accessoire de la créance est transmise avec elle.En cas de cession de l’hypothèque, la cession donne lieu à l’inscription d’une mention particulière en marge du registre de la conservation des hypothèques.

B) L’extinction de l’hypothèque Il peut y avoir deux objets distincts

1. L’extinction de l’inscription hypothécaire Elle peut avoir lieu par péremption ou par radiation. L’inscription seule est éteinte mais l’hypothèque subsiste, elle est inopposable aux tiers. Le créancier pourra l’inscrire à nouveau mais s’il s’agit d’une réinscription, l’hypothèque ne prendra effet qu’à la date de sa réinscription (date cruciale dans les rangs de préférence).

a) La péremption

L’hypothèque est limitée dans le temps, elle n’est pas éternelle, elle va s’Eteindre au bout d’un certain délai, fixé par le créancier lui même à l’inscription de l’hypothèque. L’article 2334 du Code Civil lui impose des maximas.Si la dette est à durée déterminée, l’hypothèque ne peu pas avoir une durée supérieure à celle de la dette plus un an. Si la durée de la dette est de 50 ans, on ne peut pas avoir une hypothèque supérieure à 50 ans. Si on a une dette à durée indéterminée ou une hypothèque rechargeable, l’hypothèque peut alors être inscrite pour une durée max de 50 ans. Si au bout de la durée de l’hypothèque le créancier n’a toujours pas été payé il a la possibilité de renouveler l’hypothèque qui prendra effet à la date de l’hypothèque originel (conservera son rang).

b) La radiation de l’inscription

- La radiation volontaire : Le créancier accepte de radier l’inscription. Cette radiation est définitive, ni renouvellement ni réinscription mais cette radiation peut être partielle.Cette radiation a lieur devant notaire (parallélisme des formes) sous le contrôle du conservateur des hypothèques. L’acte s’appel une main levé de l’hypothèque.

- La radiation sur décision judiciaire : Le débiteur peut aller voir le juge et ordonner que le juge procède à la main levée de l’hypothèque.

2. L’extinction du droit hypothécaire Ce n’est pas simplement l’inscription qui disparait mais l’hypothèque tout entière, les causes d’extinction sont énuméré par l’article 2288 du Code Civil ainsi que si l’immeuble est détruit (prime d’assurance versée au créancier sans qu’aucune exceptions ne lui soit opposer).

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Cinq cas :- L’extinction de l’obligation principale :

En vertu du caractère accessoire de l’hypothèque, elle va s’éteindre en même temps que la dette garantie.Exception : l’hypothèque survit lorsqu’on a prévu qu’elle serait rechargeable.Si jamais la dette principale s’éteint en cas de nullité ou résolution du contrat principale, l’hypothèque survit pour garantir les restitutions. Si l’acte extinctif de la dette principale est annulé ou résolu, l’hypothèque va être rétroactivement reconstituée et prendra effet à la date de sa première inscription.

- La renonciation du créancier à l’hypothèque. - La purge de l’hypothèque. - La prescription de l’action pour le paiement de la créance principale. - La faculté de résiliation unilatérale en cas d’hypothèque future et indéterminée, unilatérale du

débiteur.

Section II – Le gage immobilier (antichrèse) Fonctionne un peu comme l’hypothèque sauf qu’il y a dépossession.Prévue aux articles 2387 et suivants du Code Civil. Emprunte à la fois au gage immobilier, implique la dépossession du débiteur et à l’hypothèque car les règles de fonctionnement sont les même. Sureté qui opère avec dépossession, ca en fait donc une sureté très peu utilisé en principe.Car le débiteur lorsqu’il se voit déposséder devient souvent SDF et pour le créancier, obligation d’entretenir la chose en gage. Ni les débiteurs ni les créanciers n’acceptent de se garantir par un gage immobilier. En matière de constitution, avant la réforme de 2006, c’était un contrat réel, qui s’opérait par la remise du bien au créancier. Depuis 2006 c’est devenu un contrat solennel, à peine de nullité doit être constitué par un acte notarié e à peine d’inopposabilité aux tiers doit être publié. L’article 2387 du Code Civil nous dit que ce gage emporte dépossession de l’immeuble. Est ce que pour autant ce n’est plus un contrat réel ? Effet du gage : le créancier doit entretenir l’immeuble, il peut donner à bail l’immeuble et en percevoir les fruits.Antichrèse bail : le débiteur est dépossédé de son immeuble, va louer son propre immeuble à son créancier. Dans ce cas là le créancier touche des loyers de la part de son débiteur.Résolution du gage : vente forcée ou pacte commissoire ou attribution judiciaire. Article 2392 avec deux causes d’extinction, article non limitatif on pourrait rajouter les 5 causes de l’hypothèque :- l’extinction de l’obligation principale qui doit être totalement éteinte.- Restitution anticipée de l’immeuble au débiteur Chapitre II – Les sûretés immobilières légales

Section I - Les hypothèques légales

Existent au profit de certains créanciers qui sont des avis du débiteur dans une situation ou ils ne pourraient pas moralement demander une hypothèque (époux ou mineur). La loi prévoit dans cette hypothèse la possibilité d’inscrire une hypothèque :- Il faut qu’il existe une créance- Et que cette créance apparaisse menacéeCelle dont le juge assortira une décision de condamnation.Dans ce cas là les hypothèques sont légales, sans l’accord du débiteur et le juge va autoriser aux conditions qu’on a vu, va autoriser le créancier à inscrire une hypothèque qui existe dans la loi mais pas dans le contrat.

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Section II – Les privilèges immobiliers spéciaux

Il y a deux privilèges pleinement généraux : celui des salaires et des frais de justice, ce sont des privilèges immobiliers, ils portent sur les immeubles.Il existe des privilèges immobiliers spéciaux, qui portent sur certains immeubles. Ces privilèges tiennent d’avantages des hypothèques légales, mais à un rang largement préférable.Ils sont constitués sans dépossession.Ils doivent être inscrits à peine d’inopposabilité (ce qui les rapproche des hypothèques), en respectant le principe de double spécialité de la créance et de l’assiette.Comme une hypothèque les privilèges immobiliers spéciaux vont faire naître un droit de préférence, un droit de suite, ou un privilège de pleine propriété. Les privilèges immobiliers spéciaux seront transmissibles avec la créance.

Ils résultent du fait qu’en matière de privilège immobilier spécial, le rang n’est pas déterminé par la date d’inscription bénéfice d’un rang plus préférable, cela va le rattacher plus aux privilèges qu’aux hypothèques. Le privilège prend effet au jour de la naissance de la créance. Il y a une obligation d’inscrire le privilège dans les deux mois de la naissance de la créance. Si ce n’Est pas le cas l’inscription est toujours possible mais le privilège donnera le rang d’une simple hypothèque qui prendra effet à sa simple inscription. Qui sont les créanciers privilégiés, article 2374 du Code Civil avec 9 créanciers :

- Lorsque quelqu’un vend un immeuble, il dispose d’un privilège sur cet immeuble pour le prix de l’immeuble.

- Le prêteur de deniers pour acheter l’immeuble.- Les architectes.- Ceux qui ont prêté des deniers pour faire construire.

§1 – Le privilège du vendeur d’immeuble Ce privilège existe au jour de la cession d’immeuble pour tous les contrats qui entrainent transfert de propriété de l’immeuble. Le privilège du vendeur existe même si le contrat n’est pas une vente. Ce privilège vient garantir le prix, soulte, rente viagère, mais intervient également pour garantir les accessoires du prix ou de la soulte comme par ex les intérêts ou les frais de l’acte si mis à la charge du vendeur. En cas de résolution du contrat de vente ou d’échange les dommages et intérêts dus ne sont pas couverts par le privilège. Le privilège s’exerce sur l’immeuble vendu ou échangé et les accessoires de l’immeuble y compris les éventuelles améliorations que l’acquéreur à apporter à l’immeuble. Le privilège ne sera opposable aux tiers que s’il est inscrit (2 mois). Dans le cadre de ces 2 mois le privilège va rétroagir à la date de l’acte.Si jamais le privilège n’est pas inscrit dans le délai de 2 mois et que des tiers ont acquis des droits sur l’immeuble qu’ils ont publiés. A partir du moment où le vendeur n’a pas inscrit son privilège et que d’autres personnes ont inscrit leurs propres droit, le vendeur qui n’a pas inscrit son privilège va perdre son droit d’agir en résolution de la vente.Cette inscription du privilège ne peut pas non plus intervenir lorsque les évènements de nature à empêcher l’inscription de l’hypothèque frappent l’immeuble, en cas de revente, de saisie ou autre. §2 – Le privilège de prêteur de deniers Cela existe toujours en pratique, cela couvre les créances liées au prêt de somme d’argent pour l’acquisition d’un immeuble. Le privilège va exister à condition que les sommes prêtées soient destinée à faire l’acquisition d’un bien immobilier. Il faut que l’origine et la destination des fonds ait été constaté dans un acte authentique. Il fat faire enregistré l’acte de prêt d’argent dans un acte notarié qui prévoit directement l’origine et la destination des fonds.Ce privilège doit être publié dans les mêmes conditions que le vendeur d’immeuble.

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§3 – Le classement des privilèges immobiliers

Hypothèse où on a un conflit sur un immeuble entre plusieurs titulaires de suretés, tous sur un immeuble.

A) Le conflit entre privilèges immobiliers spéciaux et généraux

Article 2376 du Code civil : les privilèges généraux l’emportent sur toutes les autres suretés portant sur un même immeuble.Toutefois, les titulaires d’un privilège général doivent d’abord poursuivre le débiteur sur ses meubles et seulement après, sur ses immeubles.

B) Le conflit entre privilèges immobiliers spéciaux

Le premier vendeur sera préféré au second, etc.C’est logique car le second vendeur est l’acheteur du premier.

La situation n’est pas donnée par la loi.Quand il y a un conflit entre deux privilèges spéciaux différents, la préférence est donnée à celui qui bénéficie de la sûreté la plus ancienne.

C) Le conflit entre des privilèges immobiliers spéciaux et une sûreté conventionnelle

Dans ce cas de conflit, c’est la date d’inscription des suretés qui donne l’ordre de préférence.Le privilège a deux mois pour être inscrits.Le danger est d’accepter une hypothèque qui a été vendue il y a moins de 2 mois.

En conclusion, on s’aperçoit qu’une personne est dans une situation plus favorable que les autres, c’est le vendeur immobilier car il a d’autres moyens de se faire payer par le débiteur (action résolutoire, droit de rétention,…).

La sûreté la plus efficace pour le vendeur serait de rester propriétaire jusqu’au paiement complet du prix (clause de réserve de propriété).Dans ce cas là, il est dans une situation plus favorable que le créancier titulaire d’un droit de rétention car le bien lui appartient encore.On a donc intérêt à essayer de sortir du concours des créanciers et de rechercher non pas d’avoir un droit préférentiel mais d’avoir un droit exclusif.

Titre III – Les sûretés hors concours (affectation d’un bien par l’octroi d’un droit exclusif)

L’idée est que les sûretés réelles peuvent voir leur efficacité remise en cause par le jeu des procédures collectives.On peut se faire consentir une sûreté personnelle mais lorsque la caution est une personne physique, elle est ultra protégée, cela entrainant une perte d’efficacité de la sûreté.

La tentation des créanciers est de sortir du jeu des sûretés pour rechercher une garantie autre.La pratique a recours à quelque chose de très ancien, c’est la propriété envisagée comme une sûreté : tant que je ne suis pas payé, je reste propriétaire du bien.

Vis-à-vis des tiers, c’est la situation la plus efficace car on n’entre pas en concours avec les autres créanciers du même débiteur.Vis-à-vis du débiteur, à partir du moment où on lui a remis la chose, il y a le danger qu’il la perde,…

La propriété est le droit réel principal alors que les suretés constituent généralement des droits réels accessoires. Deuxième difficulté, lorsque le débiteur nous transmet la propriété d’un bien, il va nécessairement affaiblir son crédit. Malgré ces difficultés, le législateur n’a pas été réticent à cela.Il a commencé à l’admettre avant la réforme de 2006 avec certaines formes comme la cession de créance professionnelle et ensuite avec la fiducie (réforme de 2007).

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La réforme de 2006 va consacrer la propriété en tant que sureté dans le Code civil.Soit le débiteur transmet la propriété d’un bien soit tant que le créancier n’a pas été payé, il reste propriétaire.

Chapitre I – La propriété transmise à titre de sûreté

Section I – La cession de créance professionnelle (cession Dailly)

Le mécanisme de la cession de créance professionnelle est asse proche du nantissement : le débiteur va être également créancier d’un tiers, mais lui même a besoin d’argent immédiatement et ne peut donc pas attendre que son propre débiteur le rembourse.Il va donc emprunter la somme d’argent dont il a besoin et à titre de sureté, il va transmettre non pas un simple nantissement mais la propriété entière mais provisoire de sa créance sur son propre débiteur.

Si le débiteur ne paye pas, le créancier devient définitivement propriétaire de la créance transmise.La créance transmise a une valeur supérieure à la valeur garantie, sinon aucun intérêt.

Ce mécanisme est consacré par la loi du 2 janvier 1991 et transposé au Code Monétaire Financier à l’article L. 313-23 et aux articles suivants (cession Dailly).

§1 – La constitution de la cession Dailly

A) Les conditions de fond

Les conditions sont souples puisque toute créance peut être cédée à titre de garantie, y compris les créances futures. Cela permet de céder à titre de garantie les créances issues de contrat à exécution successive (loyers par exemple).

Il n’est pas nécessaire que le débiteur cédé consente à la cession de créance.Toutefois, il existe une limite au champ d’application de la cession Dailly : le créancier qui bénéficiera de cette cession ne peut être qu’un établissement de crédit. Si jamais le débiteur cédé est une personne physique, cela doit obligatoirement être un professionnel.

Ce qui est interdit c’est l’utilisation d’une telle cession dans le cadre d’un crédit à la consommation.

Est-ce qu’on peut utiliser ce mécanisme en sortant de la cession Dailly régie par le CMF pour appliquer les règles du Code civil de manière à contourner le régime qui limite les personnes qui peuvent y prendre part ?Peut-on écarter le régime ? La Chambre commerciale a refusé cette possibilité et est même allée plus loin car l’a requalifié en un simple nantissement de créance (le créancier se retrouve alors gagiste et non propriétaire).

B) Les conditions de forme

Moins de souplesse puisqu’on a un acte formaliste avec la rédaction du bordereau Dailly, qui doit comporter 6 mentions obligatoires, à peine de nullité.Il doit y figurer la date de cession, date à laquelle la cession prend effet et est opposable aux tiers.

§2 – Les effets de la cession Dailly

Entre les parties, la cession Dailly produit tous les effets d’une cession ordinaire, c’est une vente.Par contre, si on rembourse, devra restituer la créance.

Obligation très lourde pour le débiteur cédant : il doit garantir l’existence même de la créance mais doit aussi garantir la solvabilité de son propre débiteur (seulement vis-à-vis du cessionnaire).

Vis-à-vis des tiers, la cession est opposable à partir de la date de la cession et il n’est pas nécessaire qu’elle ait été notifiée aux tiers.Mais, un tiers est dans une situation particulière : la cession lui est opposable à la date de la notification.Les formalités de l’article 1690 ne sont pas nécessaires dans cette cession de créance.

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Le débiteur cédé doit payer au cessionnaire ce qu’il doit.S’il estime qu’il ne doit rien au cédant, et donc au cessionnaire, le débiteur cédé va pouvoir opposer au cessionnaire toutes les exceptions inhérentes à la date : la nullité absolue de la dette, toutes les causes d’extinction de l’article 1234 du Code civil, avec une exception qui est la compensation de la dette avec le cédant, ce qui est normal puisqu’il n’est plus le créancier.Mais, il ne peut opposer au cessionnaire les exceptions qui relèvent de ses rapports avec le cédant.

Afin d’éviter qu’il puisse opposer ces exceptions, souvent quand on lui notifie celle-ci, on lui demande de reconnaître la validité de la cession et donc n’a plus le droit d’invoquer les exceptions, même celles inhérentes à la dette.

La circulation du bordereau Dailly : c’est intéressant car on peut aisément faire circuler cette créance.

Section II – La fiducie

Cela a été intégré en France par une loi du 19 février 2007, et est inscrite à l’article 2011 du Code civil.Aux termes de cet article, la fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des suretés présents ou futurs à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.

La fiducie opère un transfert de propriété entre les mains du fiduciaire.C’est la propriété qui est transmise mais la propriété est limitée avec une double limite : limitation dans le temps, mais surtout on est propriétaire avec u usage limité de la chose, dont on devient propriétaire fiduciaire (propriété pour autrui).

Le fiduciaire, celui qui reçoit le bien, devient propriétaire mais ne va pas disposer de tous les droits attachés à la propriété (article 544 du Code civil).

De plus, le fiduciaire doit tenir les biens reçus séparés de son patrimoine propre.Donc, il y a la création d’un patrimoine fiduciaire qui est autonome et distinct du patrimoine propre.

Cette fiducie opère une opération à 3 personnes : on va avoir un constituant (celui qui cède la propriété), un fiduciaire (celui qui reçoit la propriétaire) et un bénéficiaire (celui pour le compte duquel la propriété doit être exercée).Chacune de ces personnes peut avoir un double rôle dans la fiducie : le constituant peut être le bénéficiaire ou le fiduciaire, le fiduciaire peut être le bénéficiaire.

Troisième caractéristique, à partir du moment où on transmet la propriété d’un bien à quelqu’un, cela devient la propriété d’autrui, mais cela est temporaire et en plus cette propriété doit être exercée pour le compte d’autrui et dans un but déterminé.Ainsi, la fiducie repose sur la confiance absolue que le constituant doit avoir à l’égard du fiduciaire.

A quoi cela sert ? La fiducie a une double finalité : de permettre au fiduciaire de gérer les biens de quelqu’un d’autre avec tous les droits attachés à la propriété (permettre de créer une fonction de gestion qui sera beaucoup plus souple qu’un mandat) et c’est l mécanisme de la cession Dailly.Transmission temporaire d’un bien, qui n’est pas une créance (sinon c’est de la cession Dailly) et alors le créancier va se trouver soit fiduciaire soit bénéficiaire du bien transmis.Si la dette est remboursée, le fiduciaire va restituer la propriété au débiteur constituant, sinon le créancier deviendra définitivement propriétaire du bien.

Une finalité a été interdite : fiducie libéralité (donner la propriété fiduciaire à quelqu’un pour éviter de donner la peine propriété, sinon on va perdre des droits de mutation).

§1 –La constitution de la fiducie

Le transfert de la propriété de ce bien n’implique pas nécessairement la transmission de la possession (ce qui limite les inconvénients du gage). La fiducie a divers usages. Il existe la fiducie sureté et la fiducie gestion.

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A) Les conditions de validité de la fiducie sureté

1. Les conditions de forme

La fiducie est un contrat solennel, qui implique la rédaction d’un écrit et ce à peine de nullité.Ensuite, lorsque les biens transmis dans le cadre de la fiducie sont des immeubles, ou lorsqu’il s’agit de transmissions de droits réels ou immobiliers ou lorsque les biens transmis appartiennent au patrimoine commun des époux, la fiducie doit etre passée par acte notarié et doit être publié à la conservation des hypothèques, donc très grand formalisme.

De plus, l’acte rédigé par le notaire est soumis à des mentions obligatoires, qui doivent préciser la durée du transfert de la propriété (propriété temporaire) et la durée du contrat (limitée à 99 ans).Il y aura obligatoirement mention de la mission du fiduciaire (dans quel but il reçoit cette propriété) et on doit aussi préciser les pouvoirs qui sont transmis sur les biens transmis.

L’identité des parties doit être précisée car c’est un contrat intuitu personae (le constituant, le fiduciaire, le bénéficiaire).C’est la propriété pour autrui donc il faut préciser qui est autrui.

On va devoir porter mention de la dette garantie et évidemment désignation des biens transmis en fiducie (si futurs, il faut des éléments qui permettent de les déterminer).Il y a aussi mention obligatoire de la valeur du bien transmis car on veut que le constituant soit conscient de la valeur qu’il transmet.Mais, cette valeur se fait à l’amiable, mais pas par expert.

Principe de spécialité de la dette et du bien : les biens sont affectés à la garantie d’une dette précise.Malgré cette spécialité, la fiducie, comme l’hypothèque, est rechargeable.On peut donc prévoir que la fiducie (c'est-à-dire le bien transmis) pourra intervenir en sûreté d’une dette non précisée dans l’acte.

2. Les conditions de fond

Elles interviennent ratione personae (en considération des acteurs de la fiducie) et ratione materiae (au niveau de la créance garantie et des biens transmis).

a) Les conditions ratione personae

Le constituant et le fiduciaire peuvent également être désignés de bénéficiaires.Le constituant n’est pas obligatoirement le débiteur, il peut constituer une fiducie pour autrui.

On peut demander à un fiduciaire de gérer le bien dans l’intérêt d’un créancier : relative souplesse quant aux acteurs.Mais, il existe des conditions. Tout le monde peut être constituant ou bénéficiaire (professionnel, consommateur, personne physique ou morale, sauf les incapables ou les mineurs).

La fiducie repose sur la confiance que l’on a dans le fiduciaire donc il existe une limitation des fiduciaires : seuls les établissements de crédit, les compagnies d’assurance et les avocats peuvent être fiduciaires (solvables pour les premiers et soumis à une déontologie pour les derniers).

b) Les conditions ratione materiae

On peut transférer toute sorte de biens : corporels ou incorporels.Par contre, ne peuvent pas être placés en fiducie, les biens d’un mineur et si ce sont les biens du couple il faut la signature des 2.

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Concernant la créance : toute créance peut être garantie par la fiducie, avec une exception qui est qu’en cas de procédure collective, on ne peut pas constituer une fiducie pour une créance née avant l’ouverture de la procédure collective car on veut limiter les hypothèses de fraude.

B) Les règles d’opposabilité de la fiducie

La fiducie doit être publiée au registre des hypothèques.L’inscription de la fiducie la rend opposable aux tiers.

En ce qui concerne les meubles transférés, la fiducie entraine le transfert de propriété, mais cela n’entraine pas la transmission de la possession.Vis-à-vis des tiers, s’il garde la possession, il reste le propriétaire apparent.

Est-ce que la fiducie serait opposable à l’acquéreur de bonne foi en matière de meuble ?On a un conflit entre l’opposabilité qui résulte de l’inscription qui est obligatoire et l’article 2276 du Code civil.

§2 – Les effets de la fiducie

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