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Mai 2014 / Floréal an CCXXII Numéro 5 DROIT & SCIENCES POLITIQUES - Ils n’en ont pas parlé... Et vous ?

DROIT & SCIENCES POLITIQUEScommunication.u-paris2.fr/versus/versus-5.pdfOn pourra lire sur cette quesion T.G.I. de Bobigny, 13 novembre 2013, L.I.C.R.A. c/ Alain Soral, l’intéressant

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M a i 2 0 1 4 / F l o r é a l a n C C X X I I N u m é r o 5

DROIT & SCIENCES POLITIQUES

- Ils n’en ont pas parlé... Et vous ?

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16. THÉMIS ET MORPHÉE Voyage au banquet des dieux

18. LE DOSSIER : CONTROVERSE

3. ÉDITORIAL Hâte, censure et erreur

5. LE BAPTÊME LAÏQUE Enquête sur un étrange oxymore

7. CROCQ MONSIEUR ET GUY OMELETTE Au pays des serviettes

8. L’ANECDOTE JURIDIQUE Jurisprudences au goût exquis

9. LE Lexique insolite L’habit ne fait pas le juriste

10. Sciences paupiettes Des veaux ligotés ?

13. AIMER À LA FOLIE Amours trisomiques

« VERSUS DROIT & SCIENCES POLITIQUES » est une publication de VERSUS PRESSE

PROLA LIBERTÉD’EXPRESSION ESTMA RESPONSABILITÉp 20

CONTRASOCRATE CONTRE

LES REBELLOCRATESp 25

« “Salus ex judæis est”. Le Salut vient des Juifs ! J’ai perdu quelques heures précieuses de ma vie à lire, comme tant d’autres infortunés, les élucubrations anti-juives de M. Drumont, et je ne me souviens pas qu’il ait cité cette parole simple et formidable de Notre Seigneur Jésus-Christ, rapportée par saint Jean au chapitre quatrième de son Évangile. » Tels sont les premiers mots de l’œuvre de Léon Bloy (1846 - 1917), Le Salut par les Juifs, parue en 1892 en réponse au brûlot antisémite d’Édouard Drumont : La France Juive.

Le 13 novembre 2013, le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny, statuant en référé sur saisine de la L.I.C.R.A (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), a ordonné la censure partielle de ce livre qui était réédité par une maison d’édition dirigée par M. Alain Soral. Cette ordonnance était rendue conjointement avec quatre autres qui ordonnaient le retrait partiel de certains passages dans trois cas et le retrait total d’un ouvrage réédité par la même maison d’édition.

Si les autres ordonnances rendues ce jour-là par le juge de Bobigny sont justi�ées, celle en revanche qui ordonne, contrairement d’ailleurs à l’avis du ministère public, la censure partielle du Salut par les Juifs, est une erreur que seule peut expliquer la hâte qui caractérise l’urgence des référés. En e�et, l’œuvre de Bloy, maintes fois rééditée depuis 1892, n’est pas un livre antisémite et il faut en faire une lecture savante pour en comprendre le sens véritable.

Il est vrai que ce livre contient une série de propos qui, pris hors du mouvement général de l’œuvre, sont particulièrement outrageants pour les Juifs, ce qui a permis au juge de caractériser l’injure  ; qu’en outre, l’édition poursuivie contient une quatrième de couverture de la main de Mme Lucken, qui ne cherche nullement à expliquer la visée réelle de Bloy. Ainsi, sur la foi de la présence dans l’ouvrage de propos d’une dureté extrême contre les Juifs, et à la vérité fort nombreux, le juge condamne-t-il le livre à la censure partielle.

Pourtant, ce jugement, apparemment raisonnable, ne rend justice ni à l’œuvre, ni à son auteur. Les lecteurs éclairés de l’œuvre bloyenne ont toujours su que la méthode employée dans ce texte est celle de la scolastique thomiste par laquelle la thèse combattue est d’abord exposée longuement et ad nauseam avant que ne triomphe la thèse soutenue, qui se manifeste dans les dernières pages du livre par une révélation glorieuse d’Israël.

suite p.4

LA CENSURE DU SALUT PAR LES JUIFS, UNE ERREUR EXPLIQuÉE PAR LA HÂTE

Enquête sur un étrange oxymoreLE BAPTÊME LAÏQUE

Enquête sur un étrange oxymoreEnquête sur un étrange oxymoreEnquête sur un étrange oxymore

CROCQ MONSIEUR ET GUY OMELETTE

8. L’ANECDOTE JURIDIQUE8. L’ANECDOTE JURIDIQUEJurisprudences au goût exquis

9. LE Lexique insolite9. LE Lexique insoliteL’habit ne fait pas le juriste

10. Sciences paupiettes

30. PROSTITUTION ET ÉGALITÉ des sexes À loi inepte, fondement inepte

33. QU’EST-CE QUE LE CENTRISME ? (1/3) Au-dessus des parti(e)s

34. IN MEMORIAM Bonus Pater Familias

DOSSIER SPÉCIALDOSSIER SPÉCIALDOSSIER SPÉCIAL

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LE BAPTÊME LAÏQUE

N’y a-t-il de baptême qu’en l’Église   ? Et avez-vous déjà songé à demander le baptême à la Mairie ? Eh bien, c’est possible  ! Piqué au vif par cette découverte, ma curiosité me conduisait à mener cette enquête.

Le «  baptême républicain  », dit également « parrainage civil », moyen de célébrer la venue au monde d’un enfant sans référence à la religion, est  destiné, selon le discours municipal, à «  faire entrer symboliquement une personne dans la communauté des valeurs républicaines », en lui donnant un parrain et une marraine ; il convient « particulièrement aux parents athées ou de religions di�érentes ». Cette pratique n’est prévue par aucun texte législatif ; aussi les maires n’ont-ils aucune obligation de le célébrer.  De plus, ces baptêmes ne sont pas consignés dans

des registres o�ciels ; le cérémonial n’est pas préétabli et les certi�cats délivrés à cette occasion n’ont aucune valeur juridique.

Curieux, je décide de mener l’enquête sur le terrain. Première nouvelle, à Paris, ce baptême républicain semble rare1  : en quinze jours, je n’en déniche qu’un dans la capitale. Dans la très solennelle salle des Mariages de la mairie du 20e arrondissement, sous le regard d’une statue de cire un peu kitsch de Jules Grévy, l’adjointe au maire paraît, tandis que se lève l’assistance.

enquête sur un étrange oxymore

1 : Le baptême n’est enregistré que par la mairie qui le pratique. Il n’existe donc aucune statistique nationale et il s’agirait, pour estimer l’importance de ladite pratique, de contacter chacune des mairies des 36000 communes de France. À la mairie du 20e, il y en a eu 4 en mars ; 2 en avril ; 9 en mai.

On pourra lire sur cette quesion T.G.I. de Bobigny, 13 novembre 2013, L.I.C.R.A. c/ Alain Soral, l’intéressant commentaire de Me Basile Ader, LÉGIPRESSE n°313, p. 107, ainsi que l’important article de Pierre Glaudes, professeur à la Sorbonne : La justice épingle un livre réédité par Soral. Un dangereux anachronisme judiciaire, accessible sur http://leplus.nouvelobs.com.

Léon Bloy, en e�et, fut un philosémite. Bernard Lazare, qui défendra ensuite avec la dernière énergie le capitaine Dreyfus, ne s’y trompa pas en publiant sous ce titre : « Un philosémite », un compte-rendu de l’œuvre de Bloy dans L’Événement du 16 octobre 1892. Franz Kafka dira aussi : « Je connais de Léon Bloy, un livre contre l’antisémitisme : Le Salut par les Juifs. Un chrétien y défend les Juifs comme on défend des parents pauvres. C’est très intéressant. Et puis, Bloy sait manier l’invective. Ce n’est pas banal. Il possède une �amme qui rappelle l’ardeur des prophètes. »

Durant l’a�aire Dreyfus, Bloy ne cessera de dénoncer l’antisémitisme, on pourra notamment lire sous sa plume de chrétien passionné que « l’antisémitisme, chose toute moderne, est le sou�et le plus horrible que Notre Seigneur ait reçu dans sa Passion qui dure toujours, c’est le plus sanglant et le plus impardonnable parce qu’il le reçoit sur la Face de sa Mère et de la main des chrétiens. »

Le Salut par les Juifs est une œuvre à visée théologique écrite par un mystique et avec une plume de feu  ; elle est d’un abord complexe et sans doute ne prend son sens qu’à la deuxième ou à la troisième lecture. La thèse singulière qui y est défendue est celle selon laquelle «  L’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue, pour en élever le niveau ». La sou�rance multiséculaire du peuple juif y est évoquée, mais c’est surtout son rôle éminent dans la destinée de l’Humanité qui est mise en lumière par un Bloy qui cherche, avec toute la �amboyance de son style, à résoudre le dilemme, énigmatique et impossible, qui hante la chrétienté et au terme duquel « Les Juifs ne se convertiront que lorsque Jésus sera descendu de sa Croix, et précisément Jésus ne peut en descendre que lorsque les Juifs se seront convertis ». Bloy, qui trans�gure en mythe un commentaire de l’Évangile, écrit, et ce sont les derniers mots de son œuvre « Je suis moi-même cette Croix, de la tête aux pieds !.. Car le SALUT du monde est cloué sur Moi, ISRAËL, et c’est de Moi qu’il lui faut “descendre” » ; où le verbe « descendre » prend soudainement, comme dans la pensée juive qui joue de polysémie, le sens double de « descente » et de « descendance » ; ainsi est lancée une puissante interpellation au lecteur, qui doit s’interroger longuement, méditer, et relire encore s’il veut saisir la signi�cation et la portée de l’œuvre.

Mais comment le juge, fût-il un grand jurisconsulte, pouvait-il comprendre la signi�cation complexe et cachée d’une œuvre profonde et violente, alors qu’il lui fallait, dans la hâte et le climat de passions que déchaînent les parties, la parcourir en s’arrêtant aux seuls mots qui outragent ?

Cela, comme à quiconque, lui était impossible car il faut donner du temps à ce qui exige du temps ; aussi le livre de Bloy appartient-il à l’histoire et à la pensée ; l’en retrancher c’est pécher contre l’une et contre l’autre.

Xavier Silva

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2 : On le trouve sur les sites internet des mairies qui le pratiquent, lequel discours est répété également par les maires ou adjoints au maire contactés dans le cadre de cette enquête.3 : R. Guidoni, « Le parrainage civil : une pratique française revisitée », Ateliers, n° 28, (décembre 2004), p. 9-38.

L’enfant qu’on « baptise », vêtu de blanc, se tient sur les genoux de ses parents. Ayant commencé son discours par les civilités d’usage, l’écharpe tricolore poursuit  : « Je place votre enfant sous la protection des institutions républicaines et laïques  »  ; les parrains sont ensuite invités à suppléer les parents en cas de disparition et, le cas échéant, s’engagent à « élever l’enfant en dehors de toute confession […] a�n qu’il soit animé par un sentiment de fraternité, de liberté et de solidarité, qu’il ait l’amour du travail bien fait et celui de la justice sociale, ce qui lui permettra de choisir sa voie. » En�n, les parents et parrains signent un « acte » et reçoivent un certi�cat de baptême. Il existe un discours  municipal unanime2 concernant l’origine historique du baptême républicain. Il remonterait à une loi du 20 prairial an II (8 juin 1794). Cette origine revendiquée est parfaitement fausse  : ce jour-là avait en fait lieu la Fête de l’Être suprême orchestrée par Robespierre qui, au faîte de sa puissance, se réinventait grand prêtre d’une nouvelle religion civile. Ce jour étant chômé, aucun texte législatif ou réglementaire ne fut voté ou promulgué à cette occasion, comme l’a montré dans son excellent article Rachel Guidoni3.

Le contexte révolutionnaire de table rase à l’ambition démiurgique (instauration d’un nouveau calendrier, villes rebaptisées, cultes «  civiques » imités de l’Antiquité, tutoiement obligatoire…) créait le climat idéal pour l’émergence d’une telle pratique sous l’in�uence conjuguée de diverses mystiques, célébrant successivement le culte de la Raison (athée) puis celui de l’Être suprême (déiste), toutes hostiles au christianisme. Ce climat idéologique se conjugue aussi avec les conditions juridiques du développement d’une institution telle que le baptême républicain : faut-il rappeler en e�et que par la loi du 20 septembre 1792, les

conventionnels retiraient à l’Église la tenue des registres d’état civil pour les con�er aux mairies ?

Par la suite, la pratique a, peu ou prou, disparu avec néanmoins un regain d’intérêt, non pas en 1905 comme on aurait pu le croire, mais lors du Front populaire. Elle s’e�ace à nouveau, pour renaître sous une forme nouvelle, à Paris, suite aux élections de 1995. Les mairies ayant alors basculé à gauche ont réintroduit cette pratique. Aujourd’hui dans la capitale, toutes les mairies de gauche le pratiquent et aucune des mairies de droite ne le dispense, à l’exception de celle du 1er arrondissement.

Les mairies qui procèdent au baptême républicain ont décidé, pour certaines d’entre elles, d’encourager vivement cette pratique à l’égard des sans-papiers  : elle constituerait un acte fort de solidarité et d’intégration. En ce cas, la cérémonie di�ère quelque peu, en ce sens que le « baptisé » sans-papier ne reçoit plus un certi�cat, encore moins un titre de séjour, mais une carte de « citoyen du monde »…Ce qui lui fait une belle jambe.

On peut se demander si cette institution d’un « baptême » sans immersion n’est pas une simple tentative de la République de singer le rite de l’Église. Une chose est certaine : c’est d’abord l’idée simple de donner à leur enfant un parrain et une marraine en dehors de la sphère religieuse qui séduit les intéressés.

Ce rite initiatique théâtral se veut une deuxième mise au monde : mais il n’implique aucun e�et dans l’ordre juridique  ; il est donc un acte de foi en l’État et non un acte de droit. Se pencher sur ce singulier oxymore qu’est un « baptême » laïque, c’est trouver de manière inattendue la marque de la nécessité anthropologique du rituel ; car la nature de l’homme abhorre le vide qu’elle remplit de transcendance.

Boris Peynet

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L’ANECDOTE JURIDIQUE

« Les fraudeurs, à notre époque, jouissent plutôt d’une mauvaise réputation. Mais celle-ci ne fut pas meilleure naguère. »1

Dans la deuxième moitié du XVe siècle, dans la ville d’Ambert (« Embart » en auvergnat local), à une centaine de kilomètres de Lyon, quelques commerçants malhonnêtes avaient mis en place des escroqueries fort lucratives. Ces grivèleries étaient simples et rapides à mettre en œuvre. Il su�sait de placer de petits cailloux dans le beurre pour en augmenter le poids ou de diluer le lait avec de l’eau pour en augmenter le volume, pratique dite du lait mouillé. Lassés par ces abus, les habitants d’Ambert vinrent supplier leur bon seigneur de prendre les mesures qui s’imposaient. Ainsi, Jacques de Tourzel, seigneur d’Allègre, Viverols, Riols, du pays de Livradois, de Saint-Just, Chomelix et autres terres, décida de promulguer une ordonnance en l’an de grâce 1481.

« Tout homme ou femme qui aura vendu beurre contenant navet, pierre ou autre telle chose, sera saisi et bien curieusement (à la curiosité publique) attaché à notre pilori du Pontel. Puis sera ledit beurre rudement posé sur sa tête et

laissé là tant que le soleil ne l’aura entièrement fait fondre. Pourront les chiens le venir lécher et le menu peuple l’outrager par telles épithètes di�amatoires qu’il lui plaira – sans o�ense de Dieu, du Roy, ni d’autres. »

« À tout homme ou femme qui aura vendu lait mouillé, sera mis un entonnoir dedans la gorge, et ledit lait mouillé entonné, jusques à tant qu’un médecin, ou barbier, dise qu’il ne peut, sans danger de mort, avaler davantage. »

Bien que ces sanctions soient tombées en désuétude la pratique du lait mouillé reste d’actualité. En avril 2007, Marcel Urion, ancien directeur du groupe Besnier, devenu Lactalis, a été condamné à six mois de prison avec sursis et 37 500 € d’amende pour avoir falsi�é du lait entre 1993 et 1998, en le mélangeant avec du perméat2.

Tenez-vous le pour dit, demain matin, vous y ré�échirez à deux fois avant de prendre vos céréales avec du lait !

Lucas Boujard

UN PEU D’EAU AVEC VOTRE LAIT ?

L’enfer du légionnaire

LEXIQUE DES EXPRESSIONS AUX ORIGINES JURIDIQUES MÉCONNUES

Commenter les œuvres de Cujas : Expression méconnue mais authentique qui signifie, dans la langue des vieux roublards du Palais, s’adonner à une bonne partie de jambes en l’air.

Être sur la sellette : Autrefois, la sellette était un petit siège qui servait, dès le XIIIe siècle, à faire asseoir les accusés pour les interroger longuement. Elle était volontairement basse pour que les juges du tribunal puissent dominer ceux qu’ils allaient tenter de faire parler. Son usage fut aboli en 1788 mais l’expression « être sur la sellette » signifie toujours « être exposé à la critique, au jugement ». Forban : Dans la langue commune, un forban est un malandrin, un homme sans foi ni loi ; mais le mot forban vient en fait du bannum, qui désignait le pouvoir de commandement des rois Mérovingiens, lequel pouvoir plaçait les sujets sous leur sauvegarde. Celui qui en était exclu était mis hors du ban, c’est-à-dire banni, d’où le mot forban.

For intérieur : Désigne l’intériorité intellectuelle, siège des convictions les plus fermes. Le privilège du for désignait la compétence des tribunaux ecclésiastiques pour connaître essentiellement des litiges impliquant le clergé. Par-delà, le for vise l’autorité que l’Église exerçait sur les âmes et sur les choses spirituelles.

L’habit ne fait pas le moine : Dit-on souvent pour ne pas se fier aux apparences. Précisément, et c’est l’une des explications possibles de l’origine de l’expression, comme l’Église avait compétence pour juger les clercs (v. « for intérieur »), certains délinquants, voulant échapper à la justice seigneuriale, endossaient l’habit de clercs pour être jugés par la justice ecclésiastique qui, à l’inverse de la justice seigneuriale, s’interdisait de faire couler le sang. On disait donc de celui qui s’était ainsi travesti que son habit ne le faisait pas moine, manière de ne pas se fier aux apparences.

Mesure draconienne : C’est à dire une mesure drastique, sévère. Vient de Dracon, législateur athénien dont la tradition dit qu’il écrivit les sévères lois d’Athènes avec son propre sang. Dans ces terribles lois, le vol, par exemple, était puni de mort.

Mettre sa main au feu : Signifie aujourd’hui être tellement convaincu de quelque chose qu’on parierait sa main sur ce coup. Au Moyen Âge, l’ordalie « du chaudron » consistait en ce que les deux parties au procès plongeaient leur main dans le feu pour y récupérer un anneau. Quelques jours plus tard, celui des deux qui avait la moins laide des blessures était déclaré gagnant, l’autre étant considéré comme coupable.

À la terrasse du Soufflot, les profanes haussent souvent les sourcils quand ils entendent la langue mystérieuse et ampoulée des juristes. Pourtant, ils ne sont pas si diffférents d’eux. Voyez vous-même.

1 : Le Journal d’Annonay du mercredi 30 octobre 1912, 5 centimes le numéro.2 : Eau biologique obtenue soit par ultrafiltration du lait, soit en recueillant l’eau blanche obtenue par le rinçage des appareils de traitement du lait et des différentes tuyauteries.

Fin novembre 2013, un  individu de 28 ans est surpris en pleine action avec une chèvre attachée  dans la ville de Malindi, au Ken-ya. Poursuivi pour bestialité, il a écopé de 10 ans de prison sous les regards réproba-teurs du jury, choqué, et de.... sa victime. Cette dernière, invitée par le magistrat, « regar-dait calmement depuis le coin de la salle d’au-

dience quand son violeur a été condamné ». Il aura tout le temps de ruminer sa peine en prison. Loin d’être une particularité kenyane, la pré-sence d’animaux à l’audience s’est déjà rencon-trée chez nous : un juge d’instruction du tribunal de Nanterre avait ainsi entendu un chien comme témoin dans une a�aire de meurtre.

K.R

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SCIENCES PAUPIETTES Parmi les jeunes étudiants qui ont troqué la cravate de leurs aînés pour la savate jugée plus «  open  », nous rencontrons un jeune homme, Eric Clément, délicieusement e�éminé comme la plupart des sciences-pistes, qui nous répond : « Le personnage historique que j’admire  ? Olof Palme sans hésiter (il s’agit sans doute d’un obs-cur ministre suédois)  ; c’est ce qui est super, j’veux dire, le modèle scandinave, quoi ! ». Et les ministres français ? « Moi, une fois à une confé-rence, j’ai demandé à Jospin s’il avait du swag. » Sa meilleure amie, tie and dye, manteau de four-rure, sans lever les yeux de son Iphone, ajoute : « La vie politique à Sciences Po, ça passe beau-coup par l’humour.

Sous prétexte d’enquête, VERSUS, journal assassien revanchard, fait le trottoir rue Saint-Guillaume pour dresser – en toute mauvaise foi – le portrait robot politique de nos futures élites dirigeantes.

des veaux ligotés ?

Curieux constat que celui que font ceux qui, sans être étudiants à Sciences Po, sont des visiteurs réguliers de la rue Saint-Guillaume. Il semble que, lorsqu’ils arrivent dans cette célèbre institution, les jeunes gens, fraîche-ment débarqués des concours, soient plein d’un extraordinaire enthousiasme pour la vie politique ; bigarrés dans leurs opinions, ils sont prêts à « faire Sciences Po » pour « changer la vie ». Naturellement on les croirait hyper poli-tisés. Mais, en gravissant les échelons du cur-sus, la plupart de nos jeunes loups, naguère si prompts à la controverse politique, se font plus discrets  ; les ambitions énarchiques sont un tabou que l’on dissimule derrière un dérisoire : « Je ne sais pas trop si je vais présenter l’E.N.A, j’hésite… » Et les discussions naguère en�am-mées prennent le tour d’un dialogue entendu, où chacun a�ecte une nonchalance désabu-sée. Finalement, en dernière année, l’étudiant de Sciences Po semble invariablement être un jeune policé, keynésien, et non violent, lisant �egmatiquement Le Monde ou Libé à l’incon-tournable bar « le Basile ».

Que s’est-il passé en quatre ans pour que notre sciences-piste, arrivé la �eur au fusil, soit deve-nu si emmerdant ? À Sciences Po, «  La Péniche  », sorte de long banc installé à l’entrée, passe pour être l’Agora ; on y discute, lit la presse et organise des événe-ments culturels. C’est donc là que nous nous rendons pour tirer le portrait du sciences-po-tache de droit commun.

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On est très portés sur les jeux de mots par exemple. Sinon y a beaucoup de tags politiques aux toilettes. » Car en e�et, à Sciences Po, la vie politique s’est arrêtée aux toilettes d’où elle a décidé de ne plus sortir.

Chacun y vient pour déposer ses matières joyeuses sur le mur, et, c’est une chose bien sin-gulière que ce mur : il faut le voir, c’est édi�ant ! Tapissé de toutes les ré�exions que le séjour fécal a inspirées aux sciences-piste, ce mur est l’image de la France de l’avenir, un témoignage puissant du monde qui vient, le plan visionnaire pensé par les élites pour fonder la société de demain. On y lit toutes sortes d’absurdités, auxquelles répondent des inepties, par un savant système de �èches et de renvois, des traits de génie aussi, il faut le dire, et quelques bons mots. Toutes les sensibilités politiques y sont représentées et, chaque année, le pluralisme et l’alternance sont assurés par les grands coups de peinture blanche de Javier Da Silva qui remettent les compteurs à zéro, avant qu’inlassablement ne se rouvrent les débats. Il y a ainsi, accumulées là, par sédi-mentation, des décennies de pensée glorieuse et anonyme qui feraient la fortune d’un historien ou d’un politiste, s’il savait les exhumer.

Nous demandons s’il existe des gens aux idéaux politiques très a�rmés  :  « Oui, oui, les LGBT, ils sont très actifs ! D’ailleurs la queer week s’est tenue la semaine dernière. Ils sont très provo-cants ! » Car, plutôt que d’être sortie des toilettes, la politique à Sciences Po est sortie du placard.

La question demeure : que s’est-il passé, en quatre ans, pour que notre sciences-piste soit devenu si emmerdant ? Mystère. Allons donc regarder du côté de ceux qui s’ébranlent aux accents de pas-sions extrêmes ou singulières pour voir si on s’y amuse davantage !

On fait d’abord la connaissance de Pierre Phi-lippe, « anar’ de droite dans son comportement, catholique, pragmatique et de philosophie contre-révolutionnaire » comme il se dé�nit lui-même, qui critique farouchement le « monopole de la gauche » à Sciences Po  ; obtus, cyniques et idéologues, certains étudiants, bien que très politisés, refuseraient le débat, tout en ayant conscience de devenir demain les futures élites au pouvoir, habiles à maîtriser les esprits.

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Les handicapés mentaux seraient-ils condam-nés à l’accablant dilemme entre l’endogamie et la stérilisation ?

C’est ce que soutient la juriste polémique, Marcela Iacub2. Selon l’auteur, les handicapés mentaux ne pourraient légitimement entre-tenir des rapports sexuels qu’entre eux. De sorte que, le simple fait d’avoir une relation sexuelle avec un incapable vulnérable psychi-quement ferait présumer une intention abusive de l’adulte bien-portant. C’est bien le crime de viol qui pèserait comme une épée de Damoclès sur la tête de celui qui a osé étreindre le faible d’esprit.

Ainsi, Me Iacub estime, à son grand désarroi, que la justice astreint les handicapés mentaux, pour les uns, à un statut de perpétuel mineur bien souvent soumis – au mépris du consente-ment libre et éclairé – à la stérilisation impo-sée par leurs géniteurs ; pour les autres, à vivre dans un monde où seuls leurs semblables ont de bonnes intentions.

Cette position subversive à l’égard du traite-ment du consentement par les juges caracté-rise parfaitement son auteur. Pourtant, elle demeure éloignée de la réalité socio-judiciaire.

En e�et, si la jurisprudence condamne vigou-reusement les agressions sexuelles des biens-portants sur les handicapés mentaux, elle ne se prive pas de sanctionner les violences entre handicapés. De même, pourquoi un homme en pleine capacité ne pourrait pas librement assouvir sa passion pour un faible d’esprit sans être inquiété ?

En cas de poursuite, cette épineuse question est intrinsèquement liée à la dé�nition légale du viol. La jurisprudence est restée longtemps confuse et malaisée pour caractériser l’atteinte sexuelle portée sur le faible d’esprit.Le défaut de consentement aux relations sexuelles est caractérisé en droit français en une agression3. Comment alors, distinguer le désir des «  anormaux  »4 d’avoir des relations sexuelles, de la contrainte à s’astreindre à ces actes ?

Au cours du XIXe siècle, la dé�nition du viol est �dèle à ses caractéristiques étymologiques5. Il est ainsi forcément le fait d’une agression physique extrêmement violente d’un homme sur une femme, ayant résisté jusqu’au bout à son supplice. Préserver l’honneur des familles était alors primordial.

1 : J. Carbonnier, préface à l’ouvrage de J. Massip, La réforme du droit des incapables majeurs, Répertoire du notariat Defrénois, t1, 4e éd, 1994, p. 72 : Le crime était presque sexuel et autres essais de casuistique juridique, éd. Flammarion, 2003.3 : Article 222-22 du Code pénal « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. »4 : Terme de Michel Foucault.5 : Du latin violare, le viol est une violence.

AIMER À LA FOLIE

«  Légiférer sur les fous, pour les fous, n’est-ce pas le pire ? Très vite l’impression doit vous venir qu’on ne peut pas être pour eux sans au fond, d’une certaine manière, agir contre eux. Car toute protection des aliénés, en un sens, les aliène, par cela seul qu’elle les suppose étranger à l’univers raisonnable . »

Jean Carbonnier1

Mais dans leur grande majorité, « les gens sont mous  », nous dit-il. A�nant son analyse, en plissant les yeux, il poursuit : « Y a deux types de mous : celui qui a des idées mais pas de cou-rage politique,  et celui qui n’a pas d’idées, le robot sans personnalité. Ce dernier n’a d’ail-leurs ni convictions ni système de valeurs… J’ai jamais compris comment ils faisaient pour vivre ».

Les sciences-pistes croiraient-ils tout ce qu’ils lisent ou entendent  ? «  Libé ou les cours des profs, c’est parole d’évangile  pour eux », af-�rme-t-il et, selon lui, ces mêmes cours ne sont pas neutres, mais cela, personne ne le dit. « Stalinien », c’est ainsi qu’un de ses professeurs l’avait quali�é « la seule fois où il ne s’était pas prostitué intellectuellement.  », lorsqu’il expli-quait dans sa copie qu’il y avait un lien essentiel entre le peuple et sa langue. Et les lectures des jeunes sciences-pistes  ? «  Ils sont trop préten-tieux pour lire Amélie Nothomb ou Marc Lévy, mais ils en auraient tellement envie ! »

Et à bâbord, capitaine  ? Étant partis à la re-cherche d’étudiants résolument à gauche, nous n’avons rencontré qu’un membre d’EELV de Sciences Po, Vincent Madeline, dont la jeu-nesse a été nourrie d’idéaux révolutionnaires et marxistes. Son diagnostic est sans appel : si, selon lui, le contenu académique et la vie étu-diante sont propices à l’approfondissement de l’engagement politique, en revanche, le climat qu’il quali�e de « bourge », « con », ou « mains-tream  » crée une uniformisation des choix de vie. Pour lui, « Sciences Po, c’est pas l’école de l’idéalisme  ! L’étudiant de Sciences Po moyen est un crétin dépourvu de sens critique ». Lui-même confesse un certain malaise quand il s’agit de concilier l’idéal révolutionnaire et son destin d’élite au pouvoir.

Sciences Po, pas l’école de l’idéalisme  ? À la recherche des royalistes de Sciences Po, on ren-contre deux singuliers rêveurs, qui se présentent comme étant « Isidore Ducasse, comte du Lieu-Dit La Ribaude » et « Anselme ». En 2007, ils créent, dans un élan romantique, une petite société secrète, le Cercle de La Rochejaquelein dont l’objet inavouable est «  le rétablissement dans ses prérogatives et sur le trône du dernier des Capet ». Ce groupe, qui compta jusqu’à 20 membres, se réunissait régulièrement pour des « soupers » aux Anysetiers Du Roy ou à l’Auberge Bressane, pour chanter, boire…« battre, et être des verts-galants  », selon leur maxime  ; on y croisait toutes sortes de loustics, « du chrétien défraîchi à l’aristo déraciné en passant par l’étu-diant boursier ». En 2011, ils publient Le lion et le lys, journal « foutraque et royco », qui a tôt fait de péricliter ; l’idée d’une chorale subira le même lamentable destin. « Un roi, oui, mais lequel ? », c’est cette question qu’ils ne parvien-dront jamais à dépasser.

A Sciences Po, la masse ignore les marginaux et les marginaux méprisent la masse. Qui a raison  ? En dé�nitive, ce n’est peut-être pas tant cette question qui importe que celle de l’engouement, de l’engagement et de l’enthou-siasme dont l’École « libre » des sciences poli-tiques devrait armer, en cinq ans, ceux qui se lancent dans les a�aires publiques. Ayant scru-té longtemps, en bons entomologistes, l’insecte sciences-piste, il nous semble qu’il s’apparente à tous ceux que produit la fourmilière du siècle. Dans une École neurasthénique où, à l’excep-tion notable de l’excellent journal Moustache, il ne s’imprime rien qui vaille, qu’attendre pour l’avenir de ces jeunes gens ni vraiment pétil-lants, ni vraiment optimistes ?

Une enquête de MM.Viktor Cohen, Boris Peynet,

Joseph Sainderichin et Xavier Silva

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Puis, la dé�nition de ce crime s’est élargie avec le célèbre arrêt Dubas6 de 1857, qui a amorcé la dé�nition classique du viol, proche de celle que nous connaissons aujourd’hui. Cet arrêt rocambolesque est resté célèbre pour avoir intégré l’élément matériel de la surprise. L’histoire en est cocasse. Un homme s’introdui-sit dans le lit de la femme de son ami en se fai-sant passer pour ce dernier. L’épouse, amorphe et apaisée par les murmures de Morphée, se prêta à tout ce que l’invité voulut, jusqu’à ce qu’elle se rendit compte de sa méprise.Depuis lors, le viol n’est pas exclusif d’une contrainte physique violente, mais peut résul-ter « d’une contrainte morale, ou de tout autre moyen de contrainte ou de surprise ». Cette ju-risprudence a été maintes fois con�rmée dans le cas de femmes endormies, ayant perdu connais-sance ou étant sous l’emprise de l’hypnose.

C’est après des tâtonnements maladroits que la jurisprudence a �nalement tranché la question du consentement des incapables. Elle s’est, dans un premier temps, bornée à refuser d’assimiler le viol sur « les arriérés mentaux » aux atteintes sur mineur7, avant de sanctionner les abus du chef de viol grâce à l’élément matériel de la sur-prise.

Deux arrêts8 du XIXe siècle illustrent le refus ferme d’appliquer les dispositions spéciales des attentats sur mineurs aux faibles d’esprit. L’un concerne une veuve faible d’esprit, où la cour refusa de punir un accusé ignorant son crime car «  les signes de la faiblesse d’esprit ne sont pas apparents, toujours et pour tous  ». Dans l’autre, il fut a�rmé clairement ce refus avec le constat que «  l’état notoire d’imbécilité de la �lle ne saurait la faire considérer comme un enfant de moins de 13 ans ».

C’est paradoxalement la première chambre civile de la Cour de cassation en 1961 qui a admis l’élément matériel de la surprise pour les incapables majeurs. Les juges devaient se pro-noncer sur la matérialité d’un viol dans le cadre des dispositions anciennes de la reconnaissance de paternité9.

En l’espèce, une jeune �lle de 16 ans « arriérée mentale, atteinte de débilité intellectuelle pro-fonde, et qui est de plus entièrement sourde » se reposait aux champs lorsqu’elle fut surprise par l’arrivée inopinée d’un jeune homme qui l’a étendue sur le sol et a eu avec elle des rapports sexuels, cette dernière n’ayant opposé absolu-ment aucune résistance.Sur saisine du père de la victime, la chambre de l’accusation a caractérisé le viol et conséquem-ment établi la �liation. Le jeune homme forma un pourvoi au motif que la débilité mentale de la victime n’excluait pas toute conscience de ses actes et toute liberté de consentement, reprochant à la cour de confondre le viol avec la séduction par abus d’autorité. La Cour de cas-sation écarta la séduction par abus d’autorité, notamment parce que le jeune homme, voisin de la victime, connaissait son état et avait le même âge10, et assimila donc la condition des endormis à celle des incapables.

Depuis, la réforme du Code pénal de 1980 a introduit la notion de surprise au sein de la dé�nition légale du viol et a consacré une nou-velle circonstance aggravante au viol  : la vul-nérabilité de la personne, qui fut étendue aux autres agressions sexuelles lors de la réforme de 1994. Désormais, le viol commis sur un faible d’esprit est un viol aggravé.

Plus récemment, les droits français et européen ont renforcé la garantie des droits fondamen-taux des incapables majeurs11.

Il est permis de relativiser l’analyse de Me Iacub quand même ses opinions ne laissent jamais in-di�érent12. En e�et, d’une part, son argumenta-tion est fondée sur une jurisprudence datée – en témoigne le vocabulaire des arrêts pour désigner les incapables – : dorénavant, la liberté sexuelle, qui relève de la vie privée, est garantie par l’ar-ticle 8 de la Convention européenne des droits de l’homme13 et la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handica-pées consacre en son article 16 le principe selon lequel les personnes handicapées jouissent des mêmes droits que les personnes valides. D’autre part, il convient de rappeler que le dernier mot revient toujours à l’appréciation souveraine des juges, qui en cette matière sont bien souvent attentifs aux rapports d’expertise ainsi qu’au res-pect de la personnalité des peines.

En témoigne le récent acquittement par la cour d’assises du Jura, le 27 février 2014, d’un prêtre accusé de viol par une �dèle paroissienne pieuse et psychologiquement fragile.

La défense soutenait que la jeune femme, prise de remords – le sexe, c’est pêché –, avait accusé le prêtre à tort. L’amour fou reste décidemment un sujet bien compliqué à apprécier.

Sonia Scannavino

6 : Chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 juin 1857.7 : Condamnable du seul fait qu’un adulte ait une relation de nature sexuelle avec un mineur. Mineurs de 15 ans depuis l’ordonnance du 2 juillet 1945.8 : Cour d’assises de Paris 1835 et cour d’appel d’Orléans 1886.9 : Issues de la loi du 16 novembre 1912 qui a admis le viol en tant qu’hypothèse à ouverture de recherche de paternité mettant fin à une controverse doctrinale sur le point de savoir si l’enlèvement pouvait contenir en son sein ce crime (Le civiliste Demolombe soutenait en ce cadre que le viol était un « enlèvement momentané »).10 : Voir Note de G. Holleaux Gazette du Palais 1962, 1, p.195 : « Entre un garçon solide et en pleine possession de sa volonté et une malheureuse idiote à demi inconsciente et facilement suggestionnable, la partie n’était manifestement pas égale. »

11 : Voir http://lecrips-idf.net pour un panorama des législations applicables aux personnes en situation de handicap.12 : Extrait de l’article du Professeur Jacques Amar dans la revue Controverses n°8 p. 59 : « Cet auteur veut nous montrer que toute limite au consentement est une immixtion dangereuse de l’État dans nos vies privées. Nous sommes donc confrontés à un auteur qui se prévaut d’une légitimité institutionnelle pour asséner des sophismes et ressasser des poncifs, voire des choses fausses. » 13 : CEDH, 17 février 2005, K.A. c/ Belgique à propos des pratiques sadomasochistes.

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THÉMIS ET MORPHÉE

J’ai assassiné François Hollande.

Dans le grand théâtre où se déroulait son mee-ting, je me souviens encore du vacarme sourd des militants en liesse. Ambiance électrique. De ma loge, au balcon, je voyais les drapeaux à la rose �otter en contrebas comme autant de muletas aiguisant mes sens. Taureau d’arène ivre de folie.

Calmement, je mets le président en joue. Je retiens mon sou�e, et je tire. La déto-nation résonne dans la salle, sui-vie d’un très bref instant de silence apaisant.Ensuite vien-dront les cris. Tout le reste n’est que tumulte et confusion. Ce matin-là, mon réveil fut accompagné d’une double sensation.

D’une part, le soulagement rassurant du retour au familier, et de l’autre l’irrésolution des images que la nuit venait de me délivrer. En essayant d’ancrer dans ma mémoire ce rêve encore frais mais déjà fuyant, je m’interrogeai sur ce crime dont j’avais été le coupable discret.

Dans Flexible Droit, Jean Carbonnier soulève l’hypothèse suivante  : le sommeil serait le non-droit, et le réveil le retour au droit1. Concernant le rêve cependant, pas un mot. Il faut l’avouer : c’est un sujet d’étude complexe, et bien peu s’y

risquent. Depuis à peine un siècle, les

scienti�ques tâtonnent dans la pénombre sur

ce terrain vague du cerveau humain. Les juristes ont quant à eux pré-féré se résoudre à le considérer comme une terre aride. Osons pourtant nous y confronter  : qu’en est-il de ce continent obscur réduit par nos sociétés contem-poraines occi-dentales à l’état de seul résidu nocturne ?

Lorsque nous rêvons, que devient notre rapport au droit ?

Si l’individu qui dort est tiré hors du droit, le rêve substitue pourtant à son regard un système juridique propre, neuf et di�érent à chaque rêve. Ainsi, le sommeil soustrait chaque nuit des citoyens à leurs obligations, mais accouche d’autant de micro-systèmes juridiques oniriques.

« Ils bâtissent avec des pierres et ils ne voient pas que chacun de leurs gestes pour poser la pierre dans le mortier est accompagné d’une ombre de geste qui pose une ombre de pierre dans une ombre de mortier. Et c’est la bâtisse d’ombre qui compte. »

Jean Giono

1 : J. Carbonnier, « Le sommeil » in, Flexible Droit, L.G.D.J, 9e édition, p 64.

Cette constellation en perpétuel mouvement n’est donc pas un vide, mais bien un chaos juridique, qui fait bouger les lignes intangibles du droit au-quel nous nous conformons à l’état de veille.Dès lors que l’inconscient récupère sa souverai-neté, il inverse un rapport sacré : le droit s’adapte à l’individu et non plus l’inverse. En rêve, un acte violent, un meurtre même, ne sera pas forcément suivi de la culpabilité de son auteur ou d’une déci-sion de justice. Courses-poursuites interminables avec la police, procès aux procédures aléatoires et normes fantaisistes s’imposant comme autant de «  règles du jeu  » constituent les œuvres hybrides qui font de chaque rêveur un créateur de droit.

Un des outils du processus qui régit la fabrication des images oniriques est le recyclage des concepts de droit intégrés à l’état de veille et leur réorienta-tion en fonction du message qui doit être transmis au rêveur. Par ailleurs, il existe un espace in�me et indiscernable entre le rêve et le réveil, espace que la psychanalyse nomme préconscient, dans lequel certains éléments du rêve sont censurés, car trop di�ciles à supporter pour le rêveur. Le souvenir matinal des images délivrées par le sommeil para-doxal constitue donc une version édulcorée des images d’origine. Ce �ltre parfait et clôt la confection du signi�é parvenant à l’homme qui s’éveille et referme la parenthèse, assurant ainsi l’étanchéité entre deux bulles juridiques  : la bulle onirique et la bulle concrète.

Cette usine onirique permet ainsi au rêveur une joyeuse expérimentation sans conséquences, et construit par extension son rapport au transgressif. Jouer avec les limites en rêve, c’est se prémunir de les dépasser à l’état de veille. Le rêve agit comme une soupape, préparant ainsi au retour à la vie en communauté les criminels inconscients, les voyous du songe et autres bandits de l’horizontalité.

Cet été au Canada, une jeune femme a été incar-cérée pour avoir raconté à une intervenante de la DPJ2 qu’elle faisait un rêve récurrent dans lequel elle tuait ses enfants3. L’intervenante a cru bon de

l’éloigner de ces derniers, malgré que la mère se fût défendue de toute mauvaise intention.

Au-delà du caractère très spectaculaire du rêve en question, n’est-il pas possible que ce soit justement ce songe qui aurait dû placer la mère au-dessus de tout soupçon, l’empêchant de passer à l’acte ?Si l’on admet que les rêves peuvent apporter des solutions, guider les hommes dans leurs choix lorsqu’ils sont porteurs de bons présages4, il faut aussi pouvoir reconnaître leur capacité à nous pré-server de nos pulsions délictueuses. Il ne s’agit pas d’un grand défouloir anarchique au cours duquel tout serait permis, mais davantage d’un jeu de piste subtil, labyrinthe de l’esprit dans lequel les murs tremblent, et d’où seul le réveil permet de s’échapper.

Nos rêves sont �nalement un des appareils d’auto-régulation les plus subtils qui soit pour maintenir l’ordre dans la cité. Ce sont autant de garde-fous discrets, qui libèrent pulsions et fantasmes la nuit pour faire supporter à leurs hôtes l’écrasant poids des lois qui planent au-dessus de leurs têtes le jour. Il su�t d’en juger aux conséquences désastreuses liées aux privations de sommeil : irritabilité crois-sante, schizophrénie, paranoïa, autant de symp-tômes incompatibles avec une vie placée sous le respect des lois.Une société privée de ses rêves serait donc poten-tiellement une société chaotique, et le droit est redevable au rêve de son intégration et de son acceptation par le rêveur. Si aucune société ne s’est construite sans droit, il n’en est pas non plus qui ne se soit pas articulée dans l’ombre autour des rêves des individus qui l’ont composée.

Cette nuit, peut-être, viendra mon tour d’être tué dans le rêve d’un autre. Si c’est le cas, loué soit ce rêve et celui à qui il sera parvenu. Demain, je goûterai avec plus d’appétit encore la saveur de ces interstices où le droit est souverain, cet état d’as-treinte volontaire que l’homme appelle conscience.

Carol Teillard d’Eyry

2 : Direction de la Protection de la Jeunesse3 : N. Saillant, « Son rêve lui vaut la prison » in, Le journal de Québec, 13 août 2013.4 : Le rêve de l’empereur Constantin Ier en est un parfait exemple, ou même le rêve de Tartini, exposé dans le numéro IV de VERSUS.

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LIBERTÉ D’EXPRESSION

LIBERTÉ D’EXPRESSION

CONTRASOCRATE

CONTRE LES REBELLOCRATES

p.25-29

PROLA LIBERTÉ D’EXPRESSION ESTMA RESPONSABILITÉp.20-24

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LA LIBERTé D’EXPRESSION EST MA RESPONSABILITé

Loin d’être le fait des lois ou des juges, les carences de notre liberté d’expression sont imputables à nous seuls et nos lâche-tés sont comptables de ces carences. Deux leviers permettent toutefois de rétablir la liberté d’expression dans sa plénitude.

Voici qu’on a invité un sympathique homme politique, ou quelque humoriste truculent, sur un plateau de télévision ou dans un studio de radio. Après 25 minutes de débats animés, celui-ci aventure une plaisanterie gaillarde qui prend pour dindon les membres de telle classe, telle communauté ou tel groupe.

Immédiatement s’ébranle une machine bien rodée : le dindon de la farce parle de « dérapage », on se déclare « sous le choc », on s’insurge, on s’exclame et, dans de hauts cris, on saisit la Justice. Ainsi prospère, devant les tribunaux engorgés, une action en injure ou en di�amation de plus. Voilà le récit d’un rituel médiatique qui se répète et se répète sans cesse avant d’être éclipsé par un nouveau.

Ce petit manège, avec son tempo et ses formules rituelles, nous conduit, à force de se répéter, à beaucoup plus de précautions dans l’expression qu’il ne faudrait : on s’avance prudemment, on se conçoit mille tabous et, croyant sans cesse marcher sur des œufs, on �nit par inhiber l’éloquence qui, pour se manifester, doit procéder des tripes plus que de la tête, quitte à heurter quelquefois ou faire grincer des dents.

Ce constat est très largement partagé dans la société civile. Il se résume en une frustration élémentaire qu’entre nous nous exprimons ainsi : « J’estime ma liberté d’expression insu�sante. »

Ceux qui ont vécu le formidable élan libertaire qui s’exprimait dans tous les domaines de la vie dans les années 70, expliquent même que, dans leur jeunesse, ils pouvaient parler plus librement qu’aujourd’hui. Des classements, dont les critères d’établissement sont certes critiquables, mais qui donnent au moins une indication de tendance, montrent une constante dégradation de l’état de la liberté d’expression en France par rapport au reste du monde. En�n, et c’est un lieu commun, l’autocensure fait des progrès extraordinaires, dans le même temps où se fait jour une société très vertueuse de façade et que, sous l’in�uence des médias de masse, s’uniformisent les jugements, les opinions et les façons de les exprimer. Et si certains usages des médias nouveaux relativisent le tableau, il est di�cilement contestable que nous ressemblons, plus qu’hier, aux protagonistes de l’étrange dîner représenté sur la couverture : prenant le contre-pied du célèbre « ils en ont parlé » publié par Caran d’Ache pendant l’a�aire Dreyfus, on pourrait dire d’eux qu’« ils n’en ont pas parlé » ...mais voici, ils sont à notre ressemblance.

Alors, que faire  ? Il importe surtout de comprendre la cause de cette reculade dans la liberté d’expression si l’on veut l’endiguer et recouvrer un peu de verve. Il a souvent été dit que c’est à cause du système juridique qui l’encadre, ou plutôt « la serre de trop près », que la liberté de communication est insu�sante ; mais je crois

au contraire qu’à quelques in�mes exceptions, le régime légal de la liberté d’expression mérite plus un éloge qu’un blâme ; et qu’il ne faut pas rechercher une cause exogène aux insu�sances de cette liberté, dans les médias de masse par exemple, comme l’a fait mon contradicteur, mais bien au contraire, en nous-mêmes, car je crois aussi pouvoir démontrer que nous sommes individuellement responsables de l’étendue de la liberté collective de s’exprimer.

ÉLOGE DES LOIS DE LA PRESSE

En tant qu’il n’est qu’un artefact, le droit qui encadre la parole publique est perfectible ; il n’est que l’œuvre des hommes et appartient, comme tel, au règne de l’imparfait. Ainsi est-ce à bon droit que l’on estimera que la tendance furieuse, et toute moderne, du législateur à ouvrir sans cesse à de nouveaux groupements, réunis par un intérêt commun, la possibilité de se constituer partie civile dans des procès de presse est une tendance déraisonnable, car, en même temps qu’elle accomplit la « pulvérisation du Droit en une averse de droits subjectifs » qu’annonçait en 1996 un civiliste célèbre, elle est potentiellement sans limite, multiplie les possibilités contentieuses et favorise le renfermement de petites communautés sur elles-mêmes, car il est éternel que le premier ressort de l’alliance est de se désigner un adversaire commun.

De même, l’existence de lois que la critique a appelées (improprement dans certains cas d’ailleurs) « mémorielles » est un redoutable aveu de faiblesse de la Raison qui, doutant de sa force et de ses alliés : l’histoire, la rigueur et le temps, abandonne à la force publique le soutien de la vérité qui, à mon avis, n’a pas besoin de béquilles pour marcher droit.

Pourtant, je l’ai dit, le régime légal de la liberté d’expression mérite, à plus d’un égard,

l’hommage des Français. On le sait, celui-ci repose essentiellement sur la loi du 29 juillet 1881  ; et c’est une loi insigne parmi les lois  : faut-il rappeler, en ce temps où la procédure «  accélérée  » est devenu, pour un Parlement hâtif, la procédure normale d’adoption des textes, que cette loi fut débattue et remise sur le métier cinq années durant par les parlementaires de la IIIe République ; que, comme telle, elle est une œuvre dialectique de sédimentation et de maturité  ? Elle est aussi une œuvre de compromis, faite par des hommes que l’histoire récente avait éprouvés, et dont les mots ont été pesés comme des diamants  ; c’est à cela qu’elle doit son extraordinaire longévité et l’orgueil d’avoir inspiré de nombreuses législations étrangères.

Mais, ce n’est pas tout, il faut non seulement faire l’éloge de cette loi qui réussit le « mariage mystique de l’ombre et de la lumière  », de la garantie des libertés individuelles et de la protection de l’ordre public, mais il faut aussi faire celui des hommes et des femmes qui l’animent.

Au premier rang de ceux-là, se trouvent les magistrats de ce qu’on a diversement appelé «  la Chambre des libertés  »1 ou «  la Chambre des droits des personnes et des médias »2, c’est-à-dire les magistrats de la XVIIe Chambre correctionnelle du TGI de Paris. Leur jurisprudence aussi appartient au règne des hommes et peut quelquefois se fourvoyer, mais, l’ayant un peu observée, je l’ai presque toujours trouvée juste, équilibrée et audacieuse, comme quand elle déclarait que «  le bou�on remplit une fonction sociale éminente et salutaire et participe, à sa manière, à la défense des libertés »3 sans pour autant perdre de vue que «  la satire politique cesse là où commencent les attaques personnelles. »4

1 : « La chambre des libertés » : de Pascale Robert-Diard, in M, le magazine du Monde, 30 novembre 2013.2 : Bernard Jouanneau : « Quelques suggestions pour une nouvelle chambre de la presse », LÉGIPRESSE, n°310, p. 580.3 : T.G.I Paris, XVIIe chambre. 9 janvier 1992.4 : Quand les hauts magistrats reprennent la formule des premiers juges : Cass.crim, 10 décembre 1985.

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C’est en�n une jurisprudence très humaine et parfois taquine, comme dans la désormais célèbre décision rendue, pour la dernière fois par le président Joël Boyer, qui commençait ainsi  : « Émilie et Léo sont deux intrépides aventuriers de la médiatisation télévisée ayant illustré les meilleures heures du programme de téléréalité intitulé par anti-phrase Secret Story où il n’y a ni secret ni histoire ». Où le téléspectateur «  �nit par s’attacher aux créatures qu’il contemple, comme l’entomologiste à l’insecte, l’émission ne cessant que lorsque l’ennui l’emporte, ce qui advient inéluctablement, comme une audience qui baisse »5   et qui se poursuit tout à l’avenant.Ainsi donc, si je crois pouvoir a�rmer que ce n’est pas le cadre légal qui nous rend semblables aux personnages du souper dont il était question tout à l’heure, il me faut encore désigner le coupable. Et je pense sans me tromper qu’on le trouvera en ma personne.

CHACUN EST LE GARDIEN DE LA LIBERTé COLLECTIVE DE S’EXPRIMER

En e�et, c’est soi-même qu’il faut accuser en premier lieu toutes les fois qu’on estime insu�sante sa liberté d’expression. En e�et, le malaise dans la liberté d’expression vient de ce que je me fais une idée personnelle d’un spectre qui plane au-dessus de mes dires, et auquel cette époque a donné le nom de « politiquement correct ». Mais ce nom et cette forme ne sont qu’une expression de ce qui a existé de tout temps et dans toute société : un ordre silencieux du dicible et de l’indicible, de l’admis et de l’hérétique.

Pourtant, un tel concept ne peut exister, car comment supposer qu’il y ait, dans l’ordre politique, du « correct » et de « l’incorrect » ? Cela supposerait qu’il existe une force à portée humaine qui, se plaçant au-dessus de la parole, la jugerait et la condamnerait, alors que, par dé�nition, le politique est ce qui est le plus élevé dans l’ordre des

5 : « Vie privée : appréciation du préjudice par un “juge-réalité” », TGI Paris (ord.ref.) 1er juin 2011, Comm. Basile Ader, LÉGIPRESSE, n°285, p.417.

a�aires humaines, en cela que, c’est de lui que procèdent toutes les thèses et idées qui ensuite, en s’écoulant dans toutes les sciences et dans toutes les activités de l’homme, impriment à ces dernières une direction et un cap. Autrement dit, le politique est souverain, et nulle force au-dessus de lui ne décide de ce qui est correct ou de ce qui ne l’est pas.

Ainsi, un tel concept, et son corollaire le «  politiquement incorrect  », sont-ils des non-concepts et je suggère à mon contradicteur de n’y faire même pas référence, car il faut leur préférer les notions fondées que sont la bienséance, la politesse, l’honneur, la continence et la délicatesse, seuls à même d’assurer l’ordre de la parole.

Finalement, c’est ma lâcheté, ou plutôt, la somme de mes multiples lâchetés, toutes les fois où, en me référant intérieurement à une ineptie telle que le «  politiquement correct  », je me suis abstenu de parler avec les tripes ou que j’ai choisi de parler contre mon cœur, qui alimente, sans cesse, l’illusion commune que ceci ou cela est un « nouveau tabou  » ou que « de cela  », il n’est permis de parler «  qu’en ces termes  ». Car en e�et, en me taisant alors, ou en parlant contre mes tripes, j’ai privé mon semblable de ce qui était, à mon sens, l’expression de la vérité et, SURTOUT, des mots que, spontanément, j’aurais employés pour l’exprimer.

Et on pourrait pousser cette ré�exion philosophique jusque dans ces dernières conséquences pratiques en a�rmant, comme le fait quelquefois la jurisprudence en matière de droit à l’humour mais sans dévoiler sa prémisse philosophique, qu’une série de mots, que nous bannissons ordinairement de notre langue parce que nous les jugeons injurieux et outrageants par eux-mêmes, comme sont par exemple les expressions « nègre », « youtre » et « face de craie », peuvent parfaitement être employées, mais à la condition indispensable qu’il n’existe pas, dans le chef de celui qui les prononce, l’élément moral malin qu’est l’intention de nuire.

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Des gens très sérieux d’une association très sérieuse ont dit que mon pays était trente-neuvième mondial en matière de liberté d’expression. Je me demande bien quels insolents secrets

technologiques ont permis aux Liechtensteinois (6ème) et aux Andorrans (5ème) de nous mettre trente places dans la vue… D’ailleurs plus je feuillette le prospectus1 plus je me dis que je ferais mieux de m’exiler au Cap-Vert (24ème) ou en Jamaïque (17ème), sans doute les

SOCRATE CONTRE LES REBELLOCRATES

1 : Une jeune fille insolente a tout récemment usé de ce substantif pour qualifier la sympathique revue VERSUS. Nous lui rendons un hom-mage sincère.

Ici, nous découvrons que les mots sont les véhicules neutres de notre pensée, que nous les chargeons de toutes les intentions possibles et que c’est uniquement à l’aune de celles-ci que nous pouvons juger de leur sens. La parole est libre  ; mais, mieux encore, les juristes croient que les paroles sont des actes, et le jugement des actes ne se fait qu’à la lumière de l’intention.

Ces considérations concernent essentiellement le jugement des paroles, qui n’intervient qu’a posteriori, mais il faut revenir à ce qui intervient a priori, c’est à dire au moment où s’exprime l’opinion, pour bien se rendre compte du fait que nous sommes, dans un système tel que celui qui encadre en France la liberté d’expression, tous individuellement responsables de l’étendue de la liberté d’expression des autres.

Pour être un e�cace gardien de la liberté d’expression, le travail est double. Il faut non seulement, comme il a été dit plus tôt, ne pas succomber aux illusions fausses sur l’étendue de ce qu’il est permis de dire, a�n de ne pas devenir esclaves d’un préjugé au terme duquel notre liberté est déjà insu�sante, et, au contraire, explorer sans cesse de nouveaux espaces de cette liberté, devenant ainsi des «  éclaireurs  » pour ceux qui n’auraient pas osé s’exprimer sur des questions qu’ils jugeaient tabou, mais il faut aussi faire un second travail qui consiste en une sorte de sacri�ce.Il faut soi-même faire preuve d’une grande tolérance à l’égard des dires des autres, et même accepter de sou�rir davantage des expressions qui nous heurtent, car plus nous acceptons de sou�rir les propos des autres, plus ils se doivent de tolérer les nôtres. C’est à ce prix que s’émancipe la parole. Réciproquement, s’insurger sans cesse, et quelquefois pour peu de chose, conduit collectivement à assister à un abaissement de notre liberté d’expression, et nul ne peut prétendre éternellement tirer son épingle d’un tel jeu à la baisse.

Car après tout, combien de fois n’eût-il pas été préférable, face à des propos déplacés ou à une invective outrageante, de répondre avec les tripes plutôt que d’aller courir dans les robes des magistrats de la XVIIe chambre correctionnelle ? Ce faisant, on conserverait dans la société civile et dans la presse un climat de franc débat et il s’attacherait du même coup à la parole publique quelque chose de chevaleresque qui la grandit.

La conception selon laquelle nous sommes individuellement les gardiens de la liberté d’expression de tous, négativement d’abord, en sou�rant avec tolérance les opinions qui nous heurtent, positivement ensuite, en explorant pour les autres des champs délaissés de l’expression, s’accommode parfaitement avec la justi�cation du plus grand libéralisme en cette matière, et qui avait été exprimée, comme mon contradicteur l’a rappelé, par John Stuart Mill6 en ces termes :

«  Ce qu’il y a de particulièrement néfaste à imposer silence à l’expression d’une opinion, c’est que cela revient à voler l’humanité  : tant la postérité que la génération présente, les détracteurs de cette opinion davantage encore que ses détenteurs. Si l’opinion est juste, on les prive de l’occasion d’échanger l’erreur pour la vérité ; si elle est fausse, ils perdent un béné�ce presque aussi considérable : une perception plus claire et une impression plus vive de la vérité que produit sa confrontation avec l’erreur. »

Xavier Silva

6 : John Stuart Mill, De la liberté, 1859.

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Mais quand même, quand on assiste à l’atterrant dialogues par chaînes d’info en continu interposées entre Léonarda et Hollande et aux gloses in�nies de toute l’intelligentsia sur ce vain sujet, peut-on réellement a�rmer que la parole publique dispose d’un ordre sain, propice au débat de fond et à la controverse ?Quand trois semaines durant, les tempes nous en battent, tant le matraquage sur l’insigni�ante romance d’un quinqua bedonnant et gluant étou�e l’intégralité des canaux médiatiques, on est presque pris de désespoir.Alors on se penche sur la structure des médias de masse et on se demande comment ceux-ci peuvent encore exister. Comment les grands quotidiens et les grands hebdomadaires de la presse écrite, qui ne survivraient sans subventions d’État ou capitaux de grandes multinationales, pourraient-ils remplir leur rôle et exercer une parole critique et subversive ?

On nous rabâche sans cesse que France Télévisions a une mission de service public. Mais attendez, depuis quand est-ce qu’on attend d’un média qu’il s’aligne sur l’idéologie de l’État ? Et TF1, ils ont une mission de service privé ? Faudrait demander à Bouygues.Je ne continuerai pas mon laïus de café du commerce anti-médias mais je veux juste demander à mon contradicteur si il pense vraiment que la concentration actuelle des médias de masse entre le marteau des multinationales et de leur agenda politique et l’enclume d’un service public soi-disant neutre et laïque est propice à une réelle controverse publique ?

Je ne voudrais pas là non plus entonner le refrain convenu du Ravi de la crèche 2.0 mais simplement pointer que les avantages des nouveaux médias, issus de la révolution numérique, mettent cruellement en lumière les insu�sances des médias de masse traditionnels. Sur le plan de l’indépendance, de la liberté, de la

démocratie, de l’esprit critique, la comparaison fait mal au cœur. Heureusement, d’après Christophe Barbier, une solution a été trouvée en Chine à un tel état de fait.

Ce qui me laisse cependant dans un état de perplexité et de détresse terrassant, est davantagela place qu’occupent le politiquement incorrect et la subversion dans le système médiatique actuel.

Entendre des banalités, subir l’hypnose du sensationnel, ou m’exercer à démêler les sophismes et les amalgames passe encore mais il n’y a rien qui me désole davantage que de voir depuis tant d’années ce spectacle a�igeant où artistes et intellectuels singent la posture du révolté et érigent leur opinion de comptoir en montagne sacrée de la transgression. Tous les talk-shows à succès et même les émissions de débat sont bâtis sur ce principe schizophrénique : conformisme absolu et subversion cosmétique. Ainsi, alors que les véritables problématiques et les véritables tensions qui sous-tendent notre société sont laissées de côté, les combats d’arrière-garde sont saturés de francs-tireurs.

On y parle sexe avec des gloussements pudibonds alors que même les collégiens n’y voient plus un tabou3. On fait quelques plaisanteries discriminatoires gentilles pour faire croire que ce tabou, suprême celui-là, a du sens et qu’il s’agit de l’alpha et de l’oméga de la liberté d’expression.Mon contradicteur s’y est d’ailleurs laissé prendre et je veux lui dire à lui et à sa grande ronde des préjugés que la liberté d’expression ce n’est pas avoir le droit de se moquer des noirs, des juifs ou des roms.

3 : J’ai dans ma musette des centaines de rédactions de brevet blanc qui le prouvent.

Conformisme absolu et

subversion cosmétique

meilleurs rapports soleil/liberté d’expression. Je m’y vois déjà, chantant paradoxes sur paradoxes dans la langue de Camões le long des praias de sable blanc, plus libre qu’aucun Français, qu’aucun Qatari n’en a jamais rêvé !Il y a cependant un Contra à écrire et j’aimerais pouvoir dire « Trêve de plaisanterie ! » pour que soudain de sévères concepts et d’implacables syllogismes courent sur deux ou trois pages qui marqueront l’histoire de la pensée occidentale ; malheureusement, à l’évocation des rivages radieux du Cabo Verde, toute gravitas, toute rigueur et toute verve semblent m’avoir abandonné.De toute façon, mon jeune âge, ma culture fort circonscrite et mon engagement politique ténu ne m’auraient pas permis d’écrire autre chose qu’un humble témoignage et je vois bien désormais la montagne d’arrogance qu’il me faudrait pour prétendre écrire une somme savante inventoriant les obstacles à la liberté d’expression en France.Timidement, je parlerai de l’amertume que j’éprouve, et je ne suis sûrement pas seul, quand je lis les journaux, quand je discute avec mes contemporains ou quand, contraint à sortir de ma farouche réserve par les persuasifs administrateurs de cette revue, je publie un texte craintif ; amertume de voir chaque jour se réduire le champ et la qualité de notre pourtant sacro-sainte liberté d’expression. Mon contradicteur fait à bon droit l’apologie du cadre juridico-politique qui régit le droit de parler, écrire et créer dans notre pays. Qu’il explique cependant à l’âme naïve que je suis si le fait que chacune de mes conversations téléphoniques ou internet soient enregistrées et surveillées par des organismes sécuritaires étrangers et nationaux est censé exalter mon franc-parler ou me donner l’assurance que tout ce que je pourrais dire sera retenu contre moi. Je ne suis déjà pas forcément charmé par la cage de

verre du philosophe alors le Panopticon, très peu pour moi.On se réveille un matin et on découvre qu’on est accusé, qu’une institution indéchi�rable nous présume coupable et nous soumet à un interrogatoire �ou et angoissant, sans espoir d’acquittement ; ça ne vous rappelle rien ?La liberté d’expression ce n’est pas seulement l’encadrement de la parole publique c’est aussi la protection de la parole privée. Jimmy Carter, aussi inquiet que moi, a ressorti la cire, le sceau et le papier à lettre. Au train où vont les choses c’est soit ça soit le bâillon-boule, et avec le sourire.Mais laissons cela ; j’entends déjà de toute façon les drôles qui me diront que j’ai beaucoup moins de choses à cacher ou cacheter que Jimmy Carter, que mes mails et mes textos n’intéressent personne, que rien ne m’oblige à utiliser Facebook... Je suppose qu’ils aiment être observés. Attaquons-nous au cœur du sujet après cette digression paranoïde. Les arguments pour la défense des lois de la presse étaient admirables mais il est facile de leur objecter leur idéalisme. « �e medium is the message » disait Macluhan2. Il est en e�et évident que la parole publique ne procède pas seulement d’un cadre légal plus ou moins libéral mais est aussi grandement déterminée par les vecteurs de cette parole. Quand j’allume la télé ou que j’achète Le Monde quand j’écoute la radio ou Twitter, je vois tant de faux débats, d’écrans de fumée, d’événements « sensationnels » et je ne peux m’empêcher de penser que la structure économique et commerciale des médias du vingt-et-unième siècle enserre la parole publique de masse dans un carcan où le futile, l’instantané, l’émotionnel prennent le pas sur la véritable controverse.Je dis évidemment des banalités et comme notre délicieuse fast-food je consomme les médias et leurs intrigues romanesques avec un plaisir fade mais intense.

2 : Est-ce qu’il a dit autre chose dans sa vie ? Je me le demande sincèrement.

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Une opinion se « forge » : ça ne se fait pas sans coups de marteau

Mais la faute à quoi ? My two cents, à la faible culture politique laissée en friche par les médias, les intellectuels, les institutions politiques et l’éducation nationale. Plus une opinion est grossière et intuitive plus il faut la défendre avec violence et émotion. La faute aussi à notre personnel politique, qui préfère s’indigner que démontrer et ostraciser plutôt que répondre, et favorise cette hystérie détestable. La faute à l’individualisme aussi qui transforme de simples idées en extensions narcissiques à défendre coûte que coûte. La faute aussi au communautarisme qui crée embrigadements et divisions.

Mais avant tout la faute à nous. À nous, héritier de la culture hellénique qui avons oublié Socrate et Platon. Dans le Gorgias aussi, Calliclès pique sa crise mais immédiatement Polos le seconde et reprend la discussion. Car ce qu’il y a peut-être de plus fort dans cette œuvre philosophique au-delà de son contenu conceptuel6, c’est une véritable esthétique de la controverse : l’idée que, nous, êtres de paroles, devons maintenir coûte que coûte la �amme sacrée du dialogue, l’idée que toute discussion doit s’opérer selon certaines règles, l’idée que le dialogue n’est pas un concours d’éloquence, n’est pas une joute où l’un doit l’emporter sur l’autre, l’idée en�n que les opinions doivent se complexi�er au cours de la discussion et s’enrichir au cours du dialogue et non pas se rigidi�er et se radicaliser.

Mon contradicteur, lors des discussions préliminaires au dossier m’avait suggéré de m’inspirer de John Stuart Mill pour mon article. Selon le bon vieux Mill, la justi�cation ultime de

la liberté d’expression est que la présence dans le débat public de thèses erronées met en lumière la véracité des opinions vraies. Cette manière de penser largement partagée de nos jours lorsqu’il s’agit de défendre la liberté d’expression7 va totalement à rebours de la démarche socratique et du véritable dialogue.

Avant de savoir si nous sommes libres de parler, mieux vaut donc encore savoir pourquoi. Libre de répéter ce qu’un autre a pensé, libre de dire notre petite opinion, libre de dire ce qu’on pense être la vérité ? Avant de savoir si nous sommes libres de parler, rappelons-nous ce qu’est un véritable dialogue. Un dialogue c’est la naissance d’une opinion tierce par la confrontation de deux opinions di�érentes. Plutôt que de Mill, inspirons-nous d’Hegel, et acceptons le fait que dans les champs problématiques que sont les arts, la politique, l’humain, il n’y a pas de bonne réponse mais seulement un dialogue permanent. Les opinions doivent se rencontrer dans l’amitié et la tendresse pour se complexi�er, s’a�ner, s’éprouver et grandir. La dialectique c’est d’abord l’art de la discussion mais c’est aussi le nom donné à cette idée que ce qui se rapproche de la vérité ne peut naître que par le dépassement d’une opposition.

Vous l’aurez compris, ni moi ni mon contradicteur ne détenons l’opinion vraie. Ni vous d’ailleurs, mais discutez sans cesse, allez parmi les gens comme Socrate, et livrez vous tout au long de votre vie à l’art noble de la controverse avec bonne foi et gentillesse et vous aurez quelque chose qui s’en approche.Ce n’est pas pour rien qu’une opinion se « forge », ça ne se fait pas sans coups de marteau, sans oublier toutefois la chaleur et l’eau froide.

Viktor Cohen

6 : Sans doute un peu vieillot à mon avis.7 : Qu’on se réfère par exemple aux différentes défenses de Dieudonné qui ont été faites récemment. Beaucoup parlaient « du droit de dire des conneries ». C’est la même démarche qui anime l’entreprise de Naulleau lorsqu’il écrit un livre avec Alain Soral. Débattre pour réduire à néant une thèse hétérodoxe et faire triompher la vérité.

Non, la liberté d’expression c’est créer les conditions qui permettent l’émergence d’un débat public sain et fertile sur des sujets essentiels. En fait, tout ce climat de course orthodoxe à la subversion agit comme un vaccin.Jenner lui-même n’y aurait jamais pensé. Donner aux patients une dose a�aiblie du virus pour éviter qu’il ne le développe. Un peu de subversine chez Ruquier ou Ardisson le samedi soir ! Au moins vous ne l’attraperez pas lundi. Car il faut

bien avoir à l’esprit que les rares émissions où sont invitées des personnes qui bousculent un peu le système de dogmes4 tournent souvent à la corrida.Je suis peut-être un peu buté et volontairement négatif mais j’attends de voir un débat sur les institutions politiques ou une émission sur l’état des lieux monétaires du monde en 2014. Avant, je prendrai la liberté d’expression pour ce qu’elle est, la liberté de s’exprimer en privé ou dans des cercles con�dentiels politisés. C’est déjà pas si mal vous me direz et il y a peut être des raisons d’espérer que ça reste au moins ça. Mais justement, continuons ce tour d’horizon de la société civile pour éprouver les considérations théoriques de mon contradicteur.Journal de controverse nous sommes et je veux ici observer si la disputatio est possible au quotidien,

avec nos familles, nos amis et nos quidams5 chéris. Selon ma propre expérience, j’ai envie de répondre que non mais je veux croire que je ne suis qu’un maudit. Trois petits exemples parce que j’aime raconter ma vie.Loin de Paris, sous le soleil de Minos, je rencontre une jeune personne. Nous discutons un peu de banalités. J’essaye de la sonder un peu sur le plan politique. « Les opinions politiques mieux vaut les garder pour soi sinon c’est le con�it. » J’ai

dû user de toute ma douceur pour qu’elle ose m’avouer voter Front national.Il y a quelques années, adolescent provocateur que j’étais, un apéro entre camarades tourne au petit débat politique où chacun lutte pour être le plus homogène à l’opinion de l’autre, j’ai voulu faire l’avocat du diable. Je me suis retrouvé seul à table.Il y a quelques mois, j’ai discuté un peu de la politique israélienne avec mon père et il m’a traité de « fasciste de gauche ».

Je pourrais multiplier les exemples à l’in�ni mais je veux simplement mettre en évidence le climat en France que je quali�erais de « guerre civile mentale ». En e�et alors que le débat est plus anémique que jamais on assiste fréquemment à des « Ils en ont parlé » ou alors à des chorales.

4 : Il n’existe pas de nos jours quelque chose comme la doxa mais bien d’avantage un système de dogmes. Pour maintenir l’illusion du pluralisme il faut laisser s’affronter les différentes faces de la même médaille.5 : Quibusdam.

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[Rapports parlementaires DERYCKE6 et GEOFFROY7, Proposition de résolution réa�rmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution8, Proposition de loi n° 4057 visant à responsabiliser les clients de la prostitution et à renforcer la protection des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme du 7 décembre 20119] et supranationales [Article 6.d de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains en date du 16 mai 200510, considérant n° 3 de la Directive 2011/36/UE du 5 avril 2011]. Pour autant, cette opinion ne résiste pas à l’analyse. L’a�rmation selon laquelle la prostitution serait un problème d’égalité entre les hommes et les femmes aux motifs que la majorité des clients sont des hommes et que la majorité des prostitués sont des femmes est inexacte non seulement dans la réalité de sa prémisse (I) ; mais repose également sur une mobilisation erronée du principe constitutionnel d’égalité (II).

I – Exploitation des femmes et principe d’égalité

D’aucuns pensent que la prostitution, en ce qu’elle met en exergue un déséquilibre signi�catif relatif au sexe des prestataires et

de leurs clients, doit s’analyser comme un problème d’égalité entre les hommes et les femmes11. Pour les tenants de ces thèses, la surreprésentation des hommes en tant que clients et des femmes en qualité de prostituées illustrerait un système fondé sur la domination de la femme par l’homme. Ce présupposé idéologique irrigue l’ensemble des motifs des trois dernières propositions de loi visant à l’introduction d’un délit de recours à la prostitution d’autrui12.Cette opinion s’enracine dans une triple négation  : la négation de l’existence d’une prostitution masculine [position contraire à la réalité statistiquement constatée par les pouvoirs publics13], la négation de l’existence d’une prostitution volontaire [position contraire à sa constatation empirique14], et la négation du proxénétisme féminin [le pourcentage de femmes condamnées pour proxénétisme est, en moyenne, de 36.49 p.10015].

Malgré ces négations, les données chi�rées des diverses études sur la prostitution ne permettent pas de valider la thèse selon laquelle la prostitution serait un mécanisme d’exploitation de la femme par l’homme. Pas plus l’atteinte au principe constitutionnel d’égalité ne pourra être constatée.

6 : Les politiques publiques et la prostitution, Sénat, Rapport d’information n° 209 (2000-2001), IV Le volet social.7 : Rapport sur la prostitution en France du 13 avril 2011, Rapport AN n° 3334, p. 289. « Le principe de l’égalité entre hommes et femmes, que la prostitution et la traite des êtres humains mettent à mal. »8 : Résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution, texte adopté n° 782.9 : Voir l’exposé des motifs.10 : Convention de Varsovie, Article 6.d.11 : Proposition de loi n° 4057 visant à responsabiliser les clients de la prostitution et à renforcer la protection des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme du 7 déc. 2011 et propositions de loi n° 1436 et n° 1437 précit.12 : Propositions loi n° 4057, n° 1436 et n° 1437 précit.13 : Rapport AN n° 3334, précit. p. 29. « La prostitution masculine représenterait entre 10 % et 20 % de la prostitution de rue » ; Rapport Sénat n° 209, précit. « La prostitution masculine est en forte augmentation, elle atteint même 30 % à Paris et dans les grandes aggloméra-tions » ; M. Olivier, Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, Rapport AN n° 1360, du 17 sept. 2013, p. 16 et s. « Il existe une prostitution masculine qui représenterait entre 10 et 20 % de la prostitution de rue. D’après les inspecteurs de l’IGAS cette prostitution masculine est moins visible mais réelle. » On relèvera que ces chiffres se limitent à la seule prostitution de rue. Or, la prostitution masculine s’exerce égale-ment sur internet. Ces chiffres représentent ainsi une vision minorée de la réalité.14 : Rapport AN n° 3334, précit. p. 56 et s ; F. Caballero, Droit du sexe, L.G.D.J, 2010, n° 582, p. 479. S. Love, Cachez ce sexe que nous ne saurions voir, Essai (broché), 01/2009 ; Ulla, Ulla, éd. Charles Denu, 1976 ; Grisidelis, Le noir est une couleur, éd. Balland, 1974.15 : http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/statistiques/criminalite

PROSTITUTION ET PRINCIPE D’ÉGALITÉ HOMME-FEMME

Les propositions de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel1, adoptées en première lecture par l’Assemblée nationale le 4 décembre 20132, envisagent la prostitution comme une atteinte au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Ses motifs

précisent que « [la prostitution] contrevient au principe d’égalité entre les sexes »3. Cette analyse du phénomène prostitutionnel est partagée par une partie du monde associatif4

et certains auteurs5. Elle est également omniprésente dans les productions nationales

1 : Propositions de loi n° 1436 et n° 1437 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel du 10 oct. 2013.2 : Texte adopté n° 252 – Petite loi.3 : Motifs des propositions de loi n° 1436 et n° 1437 précit. « La présente proposition de loi entend participer à la politique de lutte contre les violences faites aux femmes et d’égalité entre les hommes et les femmes. »4 : Osez le féminisme !, « La prostitution est aujourd’hui la forme la plus brutale de la domination masculine. […] Elle est un rempart contre l’égalité ». Libé «Génération “abolition de la prostitution”», paru le 23 sept. 2013 ; Voir également le site internet de la Fondation Scelles : « La prostitution renvoie à des rapports de domination sexuelle et des stéréotypes que nous dénonçons. »5 : M. Marzano, Dictionnaire du corps, 3ème éd. PUF, 2010, « Prostitution », p. 777 ; C. Legardinier et S. Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête, Presses de la renaissance, 2006, p. 112 ; M.-V. Louis, « Cette violence dont nous ne voulons plus », n° Spécial 11/12, Prostitution, Mars 1991, p. 3 à 10.

Fernande Grudet, dite « Madame Claude », qui fut l’une des plus célèbres tenancières

de maison close au XXe siècle.

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QU’EST CE QUE LE CENTRISME ? (1/3)

16 : Cons. Const., 27 déc. 1973, « Taxation d’office », Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, n° 15.17 : R. Hernu, « Egalité et non-discrimination », in, Dictionnaire des Droits de l’Homme, PUF, 2008, p. 284.18 : 96-375 DC, « Transferts d’entreprises publiques au secteur privé », RJC I-668.19 : L. Favoreu et L. Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 14ème éd. 2007, p. 274 et 275, 101 DC, 107 DC, 209 DC.20 : Propositions loi n° 4057, n° 1436 et n° 1437 précit.21 : Rapport AN n° 1360 précit.22 : A. Casado, La prostitution en droit français : étude de droit privé, Thèse Paris I.

II – Prostitution et principe d’égalité

Constitutionnellement consacré dès 197316, le droit à l’égalité suppose que « sont égaux ceux qui se trouvent dans des catégories que le droit dé�nit comme identiques. »17 Aussi, la mise en œuvre du principe d’égalité implique au préalable la détermination du cercle des égaux  qui en constitue le principal critère d’applicabilité18  : «  à situations semblables, règles semblables »19. Or, les rédacteurs des propositions de loi visant à l’introduction d’un délit de recours à la prostitution d’autrui20 se trompent dans les conclusions qu’ils tirent de leurs a�rmations d’une méconnaissance du principe d’égalité entre les hommes et les femmes en matière de prostitution.

La détermination du cercle des égaux montre que les prostitués et leurs clients ne sont pas placés dans une situation identique. En e�et, a�rmer que la prostitution porte atteinte au principe d’égalité entre les hommes et les femmes revient à a�rmer que les prostitués n’ont pas les mêmes droits que les prostituées. Aucun argument ne vient au soutien de cette prétention qui doit par conséquent être rejetée. En outre, la position du législateur n’est pas tenable. Il est impossible de soutenir utilement que les personnes qui exercent une activité prostitutionnelle et leurs clients font partie du même cercle des égaux. Dans une acception politique d’abord, il est férocement antinomique d’a�rmer que le client – « agent prostitueur  »21 – est placé dans une situation identique à celle de sa victime  : la personne prostituée.

Dans une acception juridique ensuite, il est paradoxal d’a�rmer que béné�ciaire de la prestation sexuelle et prestataire de service sont placés dans une situation identique par rapport au service fourni  ; que le créancier et le débiteur à une obligation sont placés dans une même situation. L’incrimination du recours à la prostitution ne peut alors se faire sur le fondement du principe d’égalité.

Un changement de référentiel permettrait-il toutefois de dépasser cette contradiction  ? Il pourrait être soutenu que les protagonistes prostitutionnels sont placés dans une situation identique vis-à-vis du principe de non patrimonialité du corps humain et par rapport à la notion de dignité. Toutefois, cette vision est non seulement erronée22 mais encore conduirait le législateur, qui souhaite sanctionner le client, à réprimer également la personne prostituée sur le fondement de leur identité de situation. Tel n’est cependant pas le dessein a�ché par la petite loi.

A. CasadoDocteur en droit

Soucieux d’ouvrir les colonnes de cette revue aux sciences politiques, nous avions décidé de com-mencer une chronique en trois épisodes où, tour à tour, étudiants, professeurs et magistrats, donne-raient leur dé�nition d’un phénomène bien peu étudié dans cette discipline : le centrisme. Ainsi, les étudiants de la �lière Sciences politiques de Paris II étaient-ils invités à s’exprimer les premiers. Mais, devant l’impossibilité de publier le texte qui nous fut �nalement proposé, nous décidions de mettre la chronique en suspens et de pro�ter de l’occasion pour inviter celles et ceux qui ont une opinion sur la question à envoyer toutes leurs contributions à la rédaction (adresse mail page suivante).

De la dé�nition peu lisible qui nous fut envoyée par les étudiants en Sciences politiques, nous ne retenions qu’une chose : que le centrisme se plaçait « au-dessus des parti(e)s », ce qui nous inspira la grivoiserie que vous avez sous le nez.

Car après tout, le centrisme, en plus d’être une doctrine politique qui emprunte sinon « à la hus-sarde », du moins audacieusement à la gauche authentique et à la vraie droite, pour créer un consen-sus rassembleur, est aussi une doctrine philosophique : celle d’un humanisme rieur, criard et gour-mand. Et le centriste trouve dans le personnage de Gargantua au jour de la naissance de son �ls, son archétype, car, perplexe, ayant de part et d’autre sa Badebec morte en couche et son « couillon » tout vivant, il ne sait s’il doit rire ou pleurer. Et rit, et pleure.

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3ème année (CCXXII)

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Rédacteur en chef Boris Peynet

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Comptabilité Lucas Boujard

Comité des rédacteursLucas Boujard, Arnaud Casado, Viktor Cohen, Rémi Oliveras, Boris Peynet, Joseph Sainderichin, Sonia Scannavino, Xavier Silva, Carol Teillard d’Eyry

Dessinateurs Valérie Gallard, Valentin Lewandowski, Philippe Pasquini, Raphael Sitbon, Jean-Luc Touillon

Régie publicitaire Lucas Boujard, Jules Galiano

Versus tient à remercier Lou Aisenberg, Jean-Paul Andrieux, Frédéric Bluche, Tristan de Carné, Christophe Collard, Augustin de Combret, Philippe Conte, Aurélien Ectoplasme Lemesre, Me Thierry Massis, Me Alain-François Roger, Le F.S.D.I.E de Paris II, les étudiants de la rue Saint-Guillaume, les parents du petit Basile

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DROIT ET PRATIQUE Diplôme bac+5

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18 mois dont 6 mois de stage

In Memoriam

MM. Boujard, Cohen, Peynet, Sainderichin, Silva et Teillard d’Eyry, ses amis,ont l’immense tristesse de vous faire part du décès du Bon P ère de Famille.Celui-ci s’est éteint à l’âge de 210 ans, dans la nuit régicide du 21 janvier 2014.Il a succombé aux quinze coups mortels que lui ont porté les Khmers Verts.

Né à Rome, il meurt en Romain, comme César, assassiné en pleine assemblée.Il laissera dans le coeur de tous ceux qui l’ont connu, le souvenir d’un père aimant,

raisonnable et diligeant mais aussi celui d’un grand gardien des traditions.

Bonus Pater Familias, Requiescat In Pace.

facebook.com/journalversus [email protected]

Page 19: DROIT & SCIENCES POLITIQUEScommunication.u-paris2.fr/versus/versus-5.pdfOn pourra lire sur cette quesion T.G.I. de Bobigny, 13 novembre 2013, L.I.C.R.A. c/ Alain Soral, l’intéressant

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