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Mastère Spécialisé Politiques Publiques et Stratégies pour l’Environnement (PPSE) Du terrain au dossier d’Environnement Sous l’encadrement de Jean-Baptiste NARCY, Armelle CARON et Elise BORDEAU Donner de l’énergie à la TVB La prise en compte des enjeux de la biodiversité dans la politique nationale de développement des énergies renouvelables : Quel arbitrage ? Quelles échelles d’intégration ? Gestion de l’eau en France : la biodiversité coule-t-elle de source ?

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Mastère Spécialisé Politiques Publiques et Stratégies pour

l’Environnement (PPSE)

Du terrain au dossier d’Environnement

Sous l’encadrement deJean-Baptiste NARCY, Armelle CARON

et Elise BORDEAU

Donner de l’énergie à la TVB

La prise en compte des enjeux de la biodiversité dans la politique nationale de développement des énergies

renouvelables : Quel arbitrage ? Quelles échelles d’intégration ?

Gestion de l’eau en France : la biodiversité coule-t-elle de source ?

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Nous tenons à remercier chaleureusement l’ensemble des personnes que nous avons sollicitées dans le cadre de ces trois études pour leur disponibilité, leur bienveillance et la qualité des échanges lors des entretiens.

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DÉRESPONSABILISATION DES PROPOS

Les étudiants conservent la qualité d’auteur ou d’inventeur au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle pour le contenu de leur mémoire et assument l’intégralité de leur responsabilité civile, administrative et/ou pénale en cas de plagiat ou de toute autre faute administrative, civile ou pénale. Ils ne sauraient, en cas, seuls ou avec des tiers, appeler en garantie AgroParisTech.

Pour garantir l’anonymat des personnes interviewées, les propos des acteurs cités dans ce rapport sont tous référencés sous le nom de leur structure d’appartenance. Néanmoins, ils n’engagent que la responsabilité de la personne interviewée et en aucun cas l’ensemble de la structure à laquelle appartient l’acteur interrogé.

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PRÉAMBULE

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TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES SIGLES..............................................................................................................................1

LISTE DES FIGURES...........................................................................................................................3

CHAPITRE I : DONNER DE L’ÉNERGIE À LA TRAME VERTE ET BLEUE..........................4Introduction 5

Contexte général 5Contexte spécifique de l’étude 6Méthode 7

1. Un manque de concertation entre les acteurs des deux politiques 71.1. Articulation entre continuités écologiques et développement des EnR : une problématique absente aux origines de la politique TVB 81.2. Une problématique qui peine à s’inscrire sur l’agenda 9

2. Communiquer, animer, informer entre échelles de gouvernance pour comprendre et faire comprendre 11

2.1. L’importance d’informer les acteurs locaux... 112.2. ... le plus en amont possible des projets... 112.3. ... avec des informations transversales et compréhensibles 12

3. L’appui technique et financier comme outils de renforcement de la TVB 153.1. L’ingénierie territoriale : apporter un appui technique aux porteurs de projets 153.2. Accompagner financièrement les porteurs de projet pour renforcer la politique 16

3.2.1. L’incertitude des coûts et l’absence de fonds propres à la TVB 163.2.2. L’appui financier: un levier d’action à l’échelle régionale 17

4. Les ONG d’environnement : une multiplicité de stratégies 184.1. Des constats majeurs 18

4.1.1. L’énergie renouvelable : une absente des ONGe de biodiversité… 184.1.2. … et du Comité National TVB 194.1.3. Une stratégie interne qui manque de poids 19

4.2. Quels leviers mobiliser ? 194.2.1. Mutualiser les forces 194.2.2. Faire du lobbying auprès des institutions 204.2.3. Infiltration de la sphère sectorielle 214.2.4. Approfondissement des connaissances 224.2.5. Changements de gouvernance en matière de biodiversité 23

Conclusion 24

CHAPITRE II : LA PRISE EN COMPTE DES ENJEUX DE LA BIODIVERSITÉ DANS LA POLITIQUE NATIONALE DE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES : QUEL ARBITRAGE ? QUELLES ÉCHELLES D’INTÉGRATION ?.........................................26

Introduction 271. L’Arbitrage entre les politiques de développement des EnR et de protection de la biodiversité 28

1.1. Le développement des EnR : une politique de lutte contre le changement climatique impliquant le développement de toutes les Energies Renouvelables en fonction de la potentialité des territoires 28

1.1.1. L’ambitieuse politique de développement des Energies Renouvelables de l’Union Européenne 281.1.2. Une politique de développement de l’ensemble des énergies renouvelables en fonction des gisements disponibles sur les territoires. 29

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1.2. Une politique de développement économique aux impacts sur la biodiversité incertains30

1.2.1. Une politique qui vise également à répondre à d’autres enjeux que le changement climatique 301.2.2. La montée en échelle du développement des ENR : un risque potentiel pour la biodiversité 31

1.3. Un contexte budgétaire défavorable a une bonne intégration de l’enjeu biodiversité 321.3.1. Un contexte général de réduction budgétaire qui impacte particulièrement le MEDDE 321.3.2. Un cloisonnement budgétaire 331.3.3. Un coup de frein mis à la cartographie des territoires pour cause de manque de financement 331.3.4. Un manque de visibilité sur le financement de l’Agence Française de Biodiversité 33

1.4. Une intégration de l’enjeu biodiversité dépendant du type d’Energie renouvelable 341.4.1. Des impacts de nature différente 341.4.2. Des réglementations plus ou moins matures 341.4.3. Des conflictualités/acceptabilités des projets différentes 351.4.4. Pistes de Réflexion 35

2. La prise en compte de la biodiversité dans la planification et la réglementation 352.1. Un manque de planification dans la politique de développement des énergies renouvelables ? 35

2.1.1. Les risques sur la biodiversité liés au manque de planification 362.1.2. Difficultés de planification 362.1.3. Les opportunités de planification 372.1.4. Quelle est la bonne échelle de planification pour intégrer au mieux la biodiversité dans les projets d'énergies renouvelables ? 38

2.2. La règlementation environnementale et les bioindicateurs : solutions techniques au développement ? 40

2.2.1. Explication de la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement 402.2.2. Les problèmes issus de la procédure 402.2.3. Les opportunités d’amélioration de la procédure 412.2.4. Conclusion sur la réglementation et les indicateurs 44

Conclusion 46

CHAPITRE III : GESTION DE L’EAU EN FRANCE : LA BIODIVERSITÉ COULE-T-ELLE DE SOURCE ?......................................................................................................................................47

Introduction 481. RETROSPECTIVE : Le changement de paradigme, de la création des agences de l’eau à la DCE et la LEMA 49

1.1. Rôle des agences de l’eau à leur création en 1964 501.2. Amorce d’un changement de philosophie, prise de conscience et évolution du vocabulaire dans les lois 501.3. Une accélération du changement de paradigme : la Loi sur l’eau de 1992 et la Loi « Barnier » de 1995 511.4. Un nouveau paradigme admis depuis les années 2000 51

2. BILAN CRITIQUE : La prise en compte de ce changement de paradigme par les acteurs et les usagers de l’eau 52

2.1. La biodiversité dans l’action des agences de l’eau : quelle mise en œuvre effective? 522.1.1. Les mots de la biodiversité: analyse sémantique des orientations des SDAGE 532.1.2. Les programmes d’intervention des agences: quelle progression de la biodiversité? 552.1.3. La gestion des milieux aquatiques: quelle place dans le budget global des agences et de l’Etat? 56

2.2. La biodiversité dans l’action des agences de l’eau: quels freins à sa diffusion? 58

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2.2.1. La surreprésentation des usagers économiques dans la gouvernance de la politique de l’eau 582.2.2. Du changement de paradigme au changement de culture professionnelle 592.2.3. Les résistances et incompréhensions des acteurs locaux 592.2.4. Étendre le système mutualiste : quelles ressources financières pour la biodiversité ?

603. PROSPECTIVE : Les destins de l’évolution de la politique de l’eau et de la future politique de la biodiversité sont-ils liés ? 60

3.1. Quelle incidence de la création de l’AFB sur la prise en compte de la biodiversité dans les politiques de l’eau ? 603.2. Vers des agences de l’eau et de la biodiversité ? 613.3. Régions, agences de l’eau, AFB : vers un partenariat renforcé ? 62

Conclusion 63

CONCLUSION GÉNÉRALE..............................................................................................................64

BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................65

LISTE DES ANNEXES........................................................................................................................73

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LISTE DES SIGLES

AAMP Agence des aires marines protégéesABC Atlas de la biodiversité communale ADEME Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergieAERMC Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-CorseAESN Agence de l’eau Seine-NormandieAFB Agence française de la biodiversitéAMBE Association multidisciplinaire des biologistes de l'environnement APCA Assemblée permanente des chambres d’agricultureATEN Atelier technique des espaces naturelsCGDD Commissariat général au développement durable CNB Comité national pour la biodiversitéCNE Comité national de l’eauCNPN Conseil national de la protection de la natureCOMOP Comité opérationnel CSP Conseil supérieur de la pêcheDCE Directive cadre européenne du 23 Octobre 2000DREAL Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logementDRIEE Direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie Île-

de-FranceEDF Electricité de France EnR Energie renouvelableEPAGE Etablissement public d’aménagement et de gestion des eauxEPCI Etablissement public de coopération intercommunaleEPTB Etablissement public territoriaux de bassinsERC Éviter-réduire-compenserFEDER Fonds européens de développement économique et régionalFNE France nature environnementFNH Fondation pour la Nature et l’Homme FNSEA Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricolesGEMAPI Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondationsH&B Humanité et biodiversitéIBG-DCE Indice biologique global normalisé rendu compatible avec les objectifs de la DCELEMA Loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 Décembre 2006LOLF Loi organique relative aux lois des financesLPO Ligue de protection des oiseauxMAAF Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêtMAE Mesure agro-environnementaleMAPTAM Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des

métropoles du 27 Janvier 2014MEB Mission économie biodiversitéMEDDE Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergieMNHN Muséum national d’histoire naturelleNOTRe Nouvelle organisation territoriale de la république ONCFS Office nationale de la chasse et de la faune sauvageONEMA Office national de l’eau et des milieux aquatiquesONF Office national des forêtsONGe ONG d’environnement PAC Politique agricole communePLU Plan local d’urbanismePNR Parc naturel régional

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PNUE Programme des nations unies pour l’environnementRFF Réseau ferré de France RTE Réseau de transport d’électricitéSAGE Schéma d’aménagement et de gestion des eauxSCoT Schéma de cohérence territorialSDAGE Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux SPN Service de protection de la natureSRADDT Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire SRB Stratégies régionales pour la biodiversitéSRCAE Schéma régional climat air énergieSRCE Schéma régional de cohérence écologiqueTVB Trame verte et bleueUICN Union internationale pour la conservation de la NatureWWF World wide fund for Nature

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LISTE DES FIGURES

CHAPITRE I   :

Figure 1- Schéma simplifié des dispositifs liés aux Energies renouvelables et à la Trame verte et bleue (Source : Fédération des Parcs naturels régionaux & ADEME, 2013)...........................................7

Figure 2 : Estimation des coûts de mise en œuvre de la TVB (Source : MEB, 2013)............................16

CHAPITRE II :

Figure 3 : Contribution des énergies renouvelables à l’approvisionnement en énergie (Source : Panorama des statistiques de l’OCDE, 2014)................................................................................29

Figure 4 : Répartition des différentes formes de production d’énergie renouvelable en France (Source : Eurostat – Programme SHARES....................................................................................................31

Figure 5 : Recul constant du budget du MEDDE depuis 3 ans (Source : chiffres provenant du site du Sénat)..............................................................................................................................................32

Figure 6 : Exemple d’ombrières mises en place sur un parking de d’hypermarché E. Leclerc à Saint-Aunès..............................................................................................................................................34

Figure 7 : Schéma explicatif de l'approche écosystémique (Production personnelle)...........................43

Figure 8 : Recommandation d'une procédure pour améliorer la mise en place de projets d’énergie renouvelable et assurer la conciliation des enjeux de biodiversité (Production personnelle)........45

CHAPITRE III :

Figure 9 : Prise en compte de la biodiversité au travers de l’analyse sémantique des intitulés des orientations des SDAGE de l’AESN et de l’AERMC (Source : SDAGE AESN et AERMC, production personnelle)..................................................................................................................55

Figure 10 : Aides à la restauration des milieux aquatiques dans les programmes d’intervention de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (1997-2018) (Source : Programmes de l’AERMC, production personnelle)..................................................................................................................55

Figure 11 : Les contrats d’objectifs pour les milieux aquatiques dans les Jaunes budgétaires des agences de l’eau (2007-2016) (Source : jaunes budgétaires des agences de l’eau 2006-2015)....56

Figure 12 : La politique de l'eau en quatre thématiques (Source : CGDD)............................................57

Figure 13 : Interventions de l’Etat et des opérateurs publics sur la thématique biodiversité en 2012 (Source : Annexe au PLF 2014, Efforts consentis au titre de la protection de la nature et de l’environnement).............................................................................................................................57

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CHAPITRE I :

Donner de l’énergie à la Trame Verte et Bleue

Comment optimiser la mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue face au développement des énergies

renouvelables ?

Avana ANDRIAMBOAVONJYSolène BERTONNicolas BOUTONMaïlys HORIOT

Valentin POMMIER

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Introduction

Contexte général

La perte de biodiversité est un des enjeux de nos sociétés développées, dans la mesure où il est admis qu’elle est la conséquence de la croissance des activités humaines et de l’anthropisation des milieux (Marcantonio et al, 2013). Le phénomène de fragmentation des habitats est l’un des impacts des aménagements humains contribuant à l’érosion de la biodiversité. Il est caractérisé par la subdivision d’un habitat en plusieurs sous-ensembles où la connectivité est limitée, voire absente pour certaines espèces (Mortelliti et al., 2011). Ces dernières perdent alors leur capacité de dispersion et de reproduction, réduisant alors leur viabilité à long terme.

La notion émergente de continuité verte (parkway, ceinture verte, coupure verte, infrastructure verte, etc.) témoigne de la volonté de maîtriser les impacts de l’artificialisation ces trente dernières années. C’est en effet à partir des années 70 que les préoccupations environnementales et les avancées scientifiques, notamment liées à l’écologie du paysage, mettent en lumière les avantages des corridors écologiques afin d’enrayer la perte de biodiversité par la diminution du phénomène de fragmentation (Cormier et al, 2010). Cette notion est largement développée par les scientifiques et aménageurs à l’international sous le terme de greenway. La communauté scientifique la définit comme « un réseau d’espaces contenant des éléments linéaires qui est conçu, planifié et géré à différentes fins  : protection de la nature, gestion de la biodiversité et des ressources en eau, pratiques récréatives, culturelles, esthétiques ou tout autre objectif compatible avec la notion d’usage durable du territoire  » (Ahern, 2002).

En Europe, des initiatives transfrontalières existent, par exemple par la Convention alpine qui vise à « contribuer à la préservation à long terme de l’extraordinaire biodiversité alpine [en facilitant] la migration des espèces à l’intérieur des Alpes et entre les massifs voisins » (Centre de Ressource TVB, 2014). C’est en 1995 qu’un des premiers textes internationaux explicite clairement le concept de réseau écologique à travers le rapport sur la stratégie paneuropéenne. La France souscrit à cette stratégie, mais ce n’est qu’à partir de 2009 que le terme de Trame Verte et Bleue (TVB) est officiellement introduit via la loi n°2009-967 du 3 août 2009 dite « Grenelle I ». Cette loi définit les points clés de la politique gouvernementale sur les questions de développement écologique et durable et notamment sur l’objectif de création d’une TVB d’ici fin 2012 (Centre de Ressource TVB, 2014). La loi « Grenelle II » (loi n°2010-788 du 12 juillet 2010) complète la loi de 2009 en définissant les objectifs et le dispositif d’élaboration de la TVB dans le Code de l’Environnement ainsi que son intégration dans les documents d’urbanisme via son inscription dans le Code de l’Urbanisme.

La TVB traduit donc le concept d’infrastructure verte en France, en insistant sur son rôle pour la valorisation des services écosystémiques et sur sa nécessaire intégration dans les différentes politiques publiques sectorielles tel que le plan d’action national en faveur des énergies renouvelables (EnR) de 2009 (Centre de Ressource TVB, 2014). La TVB et les objectifs de développement des EnR sont déclinés à l’échelle régionale par des schémas régionaux, respectivement les SRCE (Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique, finalisés entre 2014 et 2015 selon les régions) et les SRCAE (Schémas Régionaux Climat-Air-Energie) dont l’articulation doit nécessairement être vérifiée (MEDDE & CGDD, 2012; MEDDE, 2012; RCT, 2013). Or, le SRCAE ne donne pas une cartographie précise des espaces de développement des EnR (hormis les zones favorables à l’énergie éolienne déclinées dans le Schéma Régional Eolien, lui-même inclus dans le SRCAE), la cohérence semble à première vue difficile à démontrer.

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L’accroissement des outils et schémas de planification se densifie et se complexifie, il est certain que de nouvelles articulations sont à mettre en place pour en vérifier la cohérence pour une mise en œuvre optimale sur le terrain. D’autant plus que les acteurs restent souvent prisonniers de la verticalité des processus de décision, avec tous les risques d’incohérences entre politiques publiques que cela engendre (CERDD et al, 2011).

Contexte spécifique de l’étude

Notre étude, amorcée par une première phase de terrain en Côte d’Or, nous a conduit au constat qu’ il existe un déséquilibre entre le développement des EnR et la mise en œuvre de la TVB  qui pourtant, œuvre pour une même cause : l’adaptation et la réduction des impacts du changement climatique. Ce déséquilibre s’explique notamment par des bénéfices socio-économiques plus visibles et défendus par un secteur énergétique organisé alors que la TVB est souvent vue comme un frein au développement des territoires. Dans cette région, le développement éolien, mais également hydroélectrique nous ont en effet apparus fortement motivés par des enjeux économiques et sociaux adossés à la structuration d’un secteur (entreprise régionale de construction de mâts d’éoliennes par exemple). En revanche, la prise en compte des enjeux de biodiversité est maintenue au strict minimum.

Malgré les avancées de la politique de l’eau (via la Directive Cadre sur l’Eau 2000/60/CE par exemple) qui veut notamment que les continuités écologiques aquatiques soient restaurées ou maintenues pour atteindre le bon état écologique des cours d’eau, l’effacement des barrages hydroélectriques n’est que très peu observé. L’effacement serait pourtant l’intervention optimale pour l’atteinte du bon état (ONEMA, 2010), mais il est antagoniste à l’atteinte des objectifs de production d’énergie « verte ». Ces objectifs demandés au niveau régional par les SRCAE, poussent à ne pas effectuer d’effacement alors que les SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et les SRCE, le recommandent. Il y a là une incohérence et un antagonisme clair entre ces politiques publiques qui débouche le plus souvent, comme nous l’avons dit plus haut, par le développement des énergies. Nous pouvons donc nous demander quels seront les résultats des SRCE au niveau terrestre. De plus, la prise en compte des corridors écologiques et des enjeux de biodiversité dans les études d’impacts des projets éoliens en Bourgogne nous a paru insuffisante. Lors de cette seconde phase concentrée sur l’articulation entre Trame Verte et EnR, dont ce rapport en donne le contenu, ce constat nous a été confirmé par d’autres territoires. La majeure partie des acteurs entendus lors de cette étude estime que « la TVB n’a pas de poids pour faire face aux enjeux économiques ».

A partir du constat fait en première phase de l’étude quant au déséquilibre du rapport de force, nous avons élargi nos recherches à l’échelle européenne, nationale, régionale et locale, sur différents territoires, afin d’analyser le processus d’élaboration de la politique TVB et son articulation face à la politique de développement des EnR. Afin d’améliorer la prise en compte de la TVB dans les projets EnR, deux approches sont étudiées. La première cherche à analyser les mécanismes d’articulation entre les deux politiques afin d’accroître leur conciliation ; approche décrite en partie I, en début de partie II et en partie IV. La seconde cherche à encourager une réelle coalition de cause autour de la TVB pour renforcer cette politique, créant une acculturation des acteurs à celle-ci  ; approche décrite en fin de partie II et en partie III. Le renforcement de la TVB est un préalable primordial pour permettre ensuite son articulation avec la politique EnR. Notre analyse ne se veut pas exhaustive, mais relate certaines difficultés auxquelles les acteurs sont confrontés et les leviers d’actions mobilisables. Cette étude veut contribuer à l’alimentation des débats et permettre aux porteurs de la politique TVB de prendre du recul sur leurs actions pour rendre cette politique forte et reconnue.

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Méthode

Pour réaliser notre travail, nous avons conduit des entretiens semi-directifs auprès des acteurs des différentes échelles de gouvernance (cf. Annexe 1). Ces entretiens ont été guidés par des questionnaires comprenant les points saillants mis en évidence lors de notre recherche bibliographique. Les questionnements ont évolué au fur et à mesure de la récolte des données. Une des difficultés principales concerne les spécificités des différents territoires. Elle oblige à s’immerger dans les problématiques de chaque territoire et à se limiter dans le nombre de territoires entendus. Notre étude s’est concentrée sur la région Bourgogne, Alsace, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes.

1.Un manque de concertation entre les acteurs des deux politiques

Selon un de nos interlocuteurs : « plus qu’un déséquilibre entre les deux politiques, il y a un réel manque de coordination ». Ce manque de coordination et de concertation conduit à une prise en compte qui nous est apparue sous-optimale des enjeux de biodiversité dans le développement des EnR. C’est donc avant tout aux acteurs de la TVB d’œuvrer stratégiquement pour que la politique EnR, plus « forte », intègre les préoccupations qui sont les leurs et se soucie davantage de son impact sur les continuités écologiques. Nous verrons que ce travail a fait défaut ou semble ne pas encore porter ses fruits. Il est pourtant nécessaire à entreprendre, car comme le souligne un des acteurs rencontrés (UICN), ce cloisonnement entre les secteurs biodiversité et énergie « mène à des conflits d’usage, de financements, et même de modèle de développement », formalisés notamment au niveau local dans les différents schémas d’aménagements territoriaux. Le schéma ci-dessous représente le développement parallèle des deux politiques sectorielles, aux différentes échelles de planification (Fédération des Parcs naturels régionaux & ADEME, 2013).

Figure 1- Schéma simplifié des dispositifs liés aux Energies renouvelables et à la Trame verte et bleue (Source : Fédération des Parcs naturels régionaux & ADEME, 2013)

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1.1.Articulation entre continuités écologiques et développement des EnR : une problématique absente aux origines de la politique TVB

Pour amorcer la mise en place de la politique nationale de TVB en 2007, un comité opérationnel TVB (COMOP TVB) a été instauré. Ses missions jusqu'à fin septembre 2010 ont été de : « définir les voies, moyens et conditions de mise en œuvre de la Trame verte et bleue ». Trois guides ont été publiés pour présenter les « choix stratégiques » retenus (Centre de ressources Trame Verte et Bleue, s.d.). L’analyse de ces guides permet de constater que la problématique de l’articulation de la politique TVB avec le développement des EnR est très peu discutée. Ce constat a été conforté par un de nos interlocuteurs étant intervenu en tant qu’expert lors du COMOP, qui nous a confirmé que cette problématique n’a pas été mise à l’agenda lors des débats. De fait, les préconisations allant dans le sens d’une meilleure articulation des deux politiques sont rares dans les guides issus du COMOP, et quand elles apparaissent, elles font figure de vœux pieux. A titre d’exemple, une des rares mentions de la problématique dans le guide « choix stratégiques de nature à contribuer à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques » (Allag-Dhuisme et al, 2010a), stipule : « {…} le développement des énergies renouvelables prend en compte des objectifs de préservation et de remise en bon état de la continuité écologique. La démarche de définition et de constitution de la trame verte et bleue prend aussi en compte des objectifs de développement des énergies renouvelables d’ici à 2020 […] L’articulation des deux démarches régionales de SRCAE et de schémas régionaux de cohérence écologique est à rechercher » (p.41). A cette étape, le guide n’aborde donc pas de manière explicite et concrète la prise en compte des énergies renouvelables. Il en va de même des autres documents produits par le COMOP TVB puis par le Comité national TVB. Ce constat fait au niveau national peut être étendu au niveau de l’Union européenne. S’il n’existe pas pour l’heure de Directive « infrastructure verte », des réflexions ont été menées autour des continuités écologiques, ainsi que pour le développement des EnR via le paquet Energie-Climat. Or, là encore, les réflexions ont été sectorielles. Un membre du comité d'experts des aires protégées et des continuités écologiques au Conseil Européen nous a confié que l’articulation entre les deux politiques a peu été mentionnée au niveau de l’infrastructure verte. Il nous a en outre présenté l’exemple de la filière bois, qui est un secteur fort et cloisonné, au sein duquel peu de dialogues ont été menés sur les questions de biodiversité. La filière forestière au niveau européen ne comprend pas d’expert sur les problématiques de continuités écologiques, quand bien même le développement du bois-énergie est susceptible de les impacter. L’exemple de la filière bois-énergie a par ailleurs également été mentionné comme un exemple de synergie entre les deux politiques dans les guides du COMOP au niveau national.

C’est donc à l’échelon régional, qui est celui des schémas planificateurs, que la question de l’articulation se pose nécessairement de façon plus concrète. Au sein des services déconcentrés de l’Etat, les DREAL font figure de points de convergence puisque s’y élaborent à la fois les SRCE et les SRCAE (coproduction avec les Conseils Régionaux). Toutefois, au sein de ces directions régionales, les personnes impliquées dans l’élaboration des deux schémas ne sont pas les mêmes et n’échangent pas nécessairement entre elles. Ainsi, un responsable de la TVB au sein de la DREAL Alsace nous a confié qu’au sein de la direction régionale, il n’a été invité qu’une fois à participer à une réunion de discussion avec les acteurs EnR, après que le SRCAE ait été adopté. Au Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, le même constat était fait par notre interlocuteur qui regrettait le manque de communication entre les services distincts en charge des deux schémas. A titre d’exemple, on ne dénombre aucun énergéticien dans le comité régional TVB ou dans le comité technique pour l’élaboration du SRCE dans cette Région. Le travail de cohésion au sein des services déconcentrés de l’Etat reste donc à entreprendre.

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Finalement, le manque de concertation entre les acteurs des deux politiques conduit à repousser le problème de leur articulation au niveau local, celui de la communauté de communes voire de la commune, où s’élabore les SCoT et les PLU. C’est ce qui a été rappelé lors du colloque organisé à ce sujet par la fédération des parcs naturels régionaux et l’ADEME : « La mise en œuvre sur le terrain de ces orientations [des deux politiques] se confronte cependant souvent à la diversité des usages de l’espace pouvant générer des tensions voire des oppositions (construction de parcs éoliens vs circulation de l’avifaune, aménagement d’ouvrages hydroélectriques vs continuité piscicole…) » (Fédération des Parcs naturels régionaux & ADEME, 2013). De fait, le SRCE, élaboré à l’échelle régionale, ne peut pas être repris tel quel dans ces documents de planification locaux et peut difficilement anticiper l’articulation entre projets d’aménagement et protection de la nature, comme l’ont exprimé nos interlocuteurs à la DRIEE. Une déclinaison doit être réalisée par les acteurs locaux, nécessitant des compétences et des moyens qui peuvent s’avérer importants. L’intérêt des projets d’aménagement, en l’occurrence de développement des EnR, peut alors sembler plus intéressant aux yeux des décideurs locaux. La coordination est d’autant plus difficile à ce stade que, comme l’a précisé notre interlocuteur à la DREAL Bourgogne, la concertation entre acteurs du SRCE et porteurs de projets (projet par projet) est naturellement plus complexe à concevoir encore qu’avec les acteurs du SRCAE.

1.2.Une problématique qui peine à s’inscrire sur l’agenda

La problématique de l’articulation de la TVB avec le développement des EnR peine toujours à être posée et à s’inscrire à l’agenda des réflexions dans les deux secteurs. Au niveau national, la distinction des deux grandes lois écologiques entre une loi de « transition énergétique » et la loi de « transition écologique », plusieurs fois repoussée, illustre ce phénomène. Un de nos interlocuteurs au PNUE estime que les « EnR sont perçues comme ‘‘vertes’’, donc bonnes pour la biodiversité. Il y a trop peu d’avocats pour indiquer que ces EnR peuvent causer de graves dommages à la biodiversité ». Ainsi, il est important de révéler qu’il n’existe pas une politique environnementale monolithique et cohérente, mais que les différents aspects qui la composent peuvent parfois s’avérer antagonistes et nécessiter un travail de conciliation.

De fait, les arènes au sein desquelles est clairement posée la question de l’articulation sont rares et parfois éloignées des lieux de décision. Nous avons toutefois pu recenser plusieurs exemples de réflexions menées autour de cette problématique. Il est d’abord intéressant de noter que ces initiatives relèvent toutes des acteurs porteurs de la TVB et de la biodiversité. Deux exemples peuvent être relevés qui reflètent deux stratégies différentes pour mettre à l’agenda la question de la conciliation des deux politiques. Le premier concerne le groupe d’échange « Trame verte et bleue » qui a organisé une journée de réflexion en décembre 2013 intitulée : « Comment concilier le développement des énergies renouvelables et la préservation des continuités écologiques ? ». Aucun intervenant ne provient du secteur de l’énergie lors de cette journée, en revanche on compte de nombreuses ONG d’environnement (WWF, LPO, UICN). Les ONGe apparaissent comme des acteurs importants pour porter la question de l’articulation que ne se pose pas le secteur énergéticien (cf. partie IV). L’autre initiative qui peut être citée est celle de l’Association Multidisciplinaire des Biologistes de l'Environnement (AMBE), qui a organisé un colloque national en 2013 posant la question : « Transition énergétique : quelles incidences pour la biodiversité ? ». La stratégie est ici différente de celle des ONGe. L’association se présente comme disposant d’une légitimité scientifique plus que militante. Le président de l’association déclare ainsi à l’ouverture du colloque que : « AMBE est une association particulière : elle n’est pas militante au sens premier du terme, AMBE ne s’exprime pas via une tribune de presse, ne fait pas appel au grand public ou aux pouvoirs publics ou ne lance pas de pétition mais cette association, qui regroupe des universitaires de renom, des ingénieurs chevronnés et

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des amateurs éclairés, a un objectif très concret, celui de mettre en pratique théories en matière d’écologie et connaissances naturalistes pour créer des solutions permettant de favoriser le développement durable dans ses dimensions écologiques et économiques ». (AMBE, 2013). On voit bien que la posture prise ici par l’association, différant largement de celle des ONGe, revendique la neutralité de la science et permet sur cette base une large participation des acteurs du secteur énergétique (avant tout techniques RTE, EDF, etc.) aux discussions. Si une arène de discussion est ainsi constituée, regroupant des acteurs des deux politiques, on peut s’interroger sur la portée réelle de ces débats techniques.

Au niveau local, la mise en cohérence des schémas régionaux est davantage débattue. Actuellement, le projet de loi NOTR (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) est l’occasion de poser la question de l’articulation entre le SRCAE et le SRCE avec l’idée d’un nouveau Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire (SRADDT). Un rapport du MEDDE nous apprend que « contrairement à l’actuel document [le SRADDT actuel], il [le futur SRADDT] s’inscrirait dans une hiérarchie de normes prescriptives d’aménagement de l’espace, dans un lien de respect de la compatibilité ou de la prise en compte ». Très précisément, les SCoT (et les PLU ou les cartes communales en l’absence de SCoT) notamment, devraient être « compatibles avec les règles générales du fascicule spécifique de ce schéma (…) et ces documents devraient prendre en compte les orientations et objectifs du futur SRADDT) » (CGDD, 2014). Pour l’heure, la loi n’est pas votée, aussi il est inutile de spéculer davantage sur la présence ou non de tel ou tel schéma dans le futur SRADDT. Ce qu’il est intéressant de noter en revanche, c’est que les acteurs d’environnement (ONGe principalement) ne sont pas tous d’accord sur l’opportunité d’intégrer le SRCE dans ce document. Pour certains d’entre eux, la mise en commun des SRCE et SRCAE permettrait de renforcer l’efficacité des politiques au lieu de les opposer, et ils jugent que le choix de ne pas inclure le SRCE dans le SRADDT pourra être préjudiciable à la promotion des continuités écologiques. Ils estiment que cet isolement de la biodiversité dans la planification régionale est le fait d’acteurs craignant d’être trop contraints par la suite par la politique TVB. Cependant, pour d’autres acteurs d’environnement comme France Nature Environnement (FNE), cette exclusion pourrait devenir nécessaire dans le cas où le SRADDT ne prendrait en compte que le contenu essentiel (et non intégral) des schémas qu’il rassemblera. En outre, fondre le SRCE dans un schéma d’ensemble conduirait à noyer la préoccupation pour les continuités écologiques.

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DEUX INITIATIVES OPÉRATIONNELLES DE CONCERTATION ENTRE LES DEUX POLITIQUES Le programme recharge green, financé par l’UE, vise « à mettre en place des outils d’aide à la décision pour faire en sorte que le développement des énergies renouvelables dans les Alpes prenne en compte les besoins de la biodiversité et de la nature » (Fédération des Parcs naturels régionaux & ADEME, 2013). Cette ambition s’est concrétisée par la réalisation d’un état des lieux portant à la fois sur le potentiel EnR et les richesses en biodiversité de la région. Ce travail permet de mieux envisager les impacts des projets de développement EnR retenus. Ce réseau a été fondé avec l’idée qu’il est important de fournir des outils d’aide à la décision pour les élus locaux (cf. partie II).Le programme éolien biodiversité est sensiblement différent. Il est né à l’initiative de la LPO en lien avec l’ADEME, le ministère de l’Ecologie, le Syndicat des énergies et France énergie éolienne (donc intersectoriel). L’ambition est de faire émerger un parc éolien national respectueux de la biodiversité. Pour la LPO, l’enjeu était aussi de participer « à informer les acteurs, à améliorer les techniques d'expertises et à alerter en cas de menace sur les oiseaux et la biodiversité en général » (LPO, 2015).

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2.Communiquer, animer, informer entre échelles de gouvernance pour comprendre et faire comprendre

2.1.L’importance d’informer les acteurs locaux...

Outre la concertation qui vise à discuter des différents enjeux entre acteurs EnR et acteurs TVB afin de les concilier, l’action d’animation et d’information entre les différentes échelles est nécessaire. Face aux avantages socio-économiques évidents des projets EnR et aux bénéfices moins apparents de la TVB, il est primordial que les acteurs locaux connaissent les enjeux de ces politiques ainsi que leurs conséquences directes.

L’ensemble des acteurs rencontrés nous ont fait part d’une même logique : le succès de la politique TVB dépend fortement de la bonne volonté des acteurs locaux et de leur conviction personnelle . Le COMOP TVB a largement insisté sur le fait de conserver l’élan de la démarche participative locale qui pouvait être visible dans certains territoires avant les SRCE (en Rhône-Alpes et en Nord-Pas-de-Calais par exemple). Selon certains acteurs, le statut d’opposabilité faible (« prise en compte ») permet de diminuer les crispations au même titre que les SDAGE à leur début, afin de les faire adhérer à la politique. Il est clair que le principe de subsidiarité mettant la responsabilité de la mise en œuvre de la TVB à l’échelon local est légitime. Les spécificités des territoires ne permettent pas de standardiser une approche. Cependant, faire reposer toute la responsabilité de la mise en œuvre de la TVB et de son articulation avec les EnR au niveau local, ne permet pas de modifier les convictions de ces acteurs et ne garantit donc pas le succès. De plus, comme nous l’a rappelé l’UICN des problèmes de sémantiques sont souvent une cause d’incompréhension ou de confusion car les concepts (biodiversité, écologie, environnement, services écosystémiques, etc.) sont mélangés donc mal assimilés par les acteurs locaux.

Il nous est apparu que certaines régions ne participent que faiblement à la résolution des problèmes relatifs à la mise en œuvre locale de la TVB. Elles délèguent la responsabilité à cette échelle une fois les procédures terminées. Engager ces dernières pour élaborer les SRCE est une obligation légale mais ne suffit pas. Bien entendu, nous notons qu’un effort de mise en place de réunions d’information, d’exposition et de rapports publics a été effectué avant et durant l’élaboration des SRCE. Cependant, les acteurs locaux rencontrés trouvent que ces informations fournies restent trop éloignées des réalités du terrain au même titre que le sont les recommandations et objectifs globaux des SRCE. Il leur est donc difficile d’assimiler cette politique, ses apports et ses conséquences pour leur territoire. De plus, de telles actions d’animation doivent perdurer dans le temps après l’élaboration du SRCE, et en apportant des informations exhaustives à la mise en œuvre de la TVB et à son articulation avec les autres politiques.

2.2. ... le plus en amont possible des projets...

Une communication faible auprès des acteurs locaux (communes et grand public) est clairement problématique. Or, comme nous l’avons dit, la responsabilité de la mise en œuvre repose sur cet échelon. Ainsi, la TVB est bien réfléchie par ces acteurs, mais les impacts potentiels des projets d’aménagement restent trop peu traités. De fait, les projets d’EnR s’effectuent sans réelle prise en compte de la TVB. Un interlocuteur nous a confié que la plupart des élus prennent conscience des enjeux environnementaux une fois le projet partiellement financé ou du moins lancé.

Le démarchage des décideurs locaux par les professionnels du développement des EnR encourage à effectuer des projets. Cependant, les élus n’ont pas toujours conscience des conséquences sur le terrain des différentes politiques, notamment celle de la TVB, à prendre en compte dans ce type de

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projets. De plus, il y a souvent un décalage temporel entre le début du projet EnR et sa remontée vers les autorités compétentes des échelles supérieures (DREAL par exemple) qui vient desservir la prise en compte de la biodiversité. La compréhension des conséquences des enjeux de biodiversité vient aux élus au moment de cette remontée, ces enjeux sont alors vus comme des contraintes à leur développement économique. Aussi, les associations naturalistes entendues ont connaissance des projets trop tard, une fois les études préliminaires effectuées.

Il est nécessaire d’avertir les décideurs locaux sur les enjeux de biodiversité le plus en amont possible des projets EnR (information descendante) et leur recommander d’informer le plus en amont possible les autorités compétentes ainsi que l’ensemble des acteurs jouant un rôle dans leur projet (information ascendante). L’avertissement permettra aux élus d’assimiler les différents enjeux, de comprendre leur articulation et ainsi d’avoir une vision intégrée. L’explication des enjeux ne passe pas uniquement par le fait de décliner les objectifs généraux de la politique TVB, mais surtout de montrer des exemples concrets d’action et ce que cela implique sur le terrain.

Il est également primordial, comme nous l’a rappelé la région Rhône-Alpes, de sensibiliser les instructeurs de la DDT sur les enjeux de la TVB car leurs avis sur les projets d’aménagement conditionnent en partie les actions réalisées sur le terrain. La région Nord-Pas-de-Calais nous a notamment souligné que ce service déconcentré ne dispose pas de l’expertise sur la TVB alors qu’elle est pourtant sollicitée par les acteurs locaux.

Dans tous les cas, un véritable réseau d’acteurs actif et connu est essentiel pour des échanges d’information continus ascendants et descendants. Ce réseau d’acteurs doit nécessairement être en relation directe avec la région et avec les communautés de communes ou les Pays, comme c’est le cas en Nord-Pas-de-Calais. En effet, plus l’acteur est proche du territoire, plus les enjeux spécifiques sont connus. Il paraît donc essentiel que chaque échelle soit reliée directement entre elles, via des échanges réguliers depuis l’échelon régional jusqu’au local pour atteindre une cohérence optimale entre politiques publiques et entre échelles.

Une échelle intermédiaire peut faire office d’interface entre les décideurs locaux et l’échelle régionale. Cet échelon d’interface que nous appellerons supra-local, peut être composé de communautés de communes, de regroupement de communautés de communes, de PNR ou même d’agences d’urbanisme ou d’ONG qui a minima, doivent faire partie de ce réseau d’acteurs. En Nord-Pas-de-Calais par exemple, les regroupements de communautés de communes tel que le pays du Ternois sont des acteurs majeurs pour jouer ce rôle d’interface pour le transfert d’informations et pour l’animation des réunions. Ces Pays sont en étroite collaboration avec la Région. En plus d’informer les décideurs locaux des enjeux des politiques publiques, les Pays deviennent les contacts privilégiés des acteurs locaux lors de projet. En Rhône-Alpes, les agences d’urbanisme jouent ce rôle, notamment en participant à la fois à l’élaboration du SRCE et à son intégration dans les SCoT.

2.3.... avec des informations transversales et compréhensibles

Dans la perspective d’articuler EnR et TVB, et plus largement de donner de l’énergie, de la force à la TVB, ces informations doivent intégrer :

le dénominateur commun   : la lutte contre le changement climatique Le développement des EnR veut diminuer les émissions de gaz à effet de serre afin de réduire ou de ralentir le réchauffement climatique. Cette lutte contre le changement climatique est indispensable pour permettre aux espèces, dont l’homme, de s’adapter et donc de survivre. Cette adaptation se fera uniquement si la migration des populations est possible, afin que celles-ci puissent conquérir des

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Energie renouvelable Eolien Biomasse SRCAE2117/290 881/693 537/317 92/2

Biodiversité Continuités écologiques

Trame Verte et Bleue

SRCE

1394/1479 115/2 131/29 22/2

Nombre d'articles contenant ces termesActu-Environnement/LeMonde

territoires plus favorables à leur développement. La TVB rend possible cette adaptation en créant ou en maintenant des liaisons entre les milieux qui assure cette migration et par conséquent garantit la viabilité à long terme des espèces. Les EnR et la TVB sont donc clairement complémentaires.

Nous avons remarqué lors de nos rencontres avec les différents acteurs, que peu d’entre eux utilisent cet argument pour légitimer la TVB. Or, nous pensons qu’il est judicieux d’associer dans le discours les EnR et la TVB. L’apprentissage associatif est une des règles de base de la mémorisation : le cerveau enregistre des informations en les liant à d’autres (Molet et al, 2004; Perruchet, 1979). Etant donné que la médiatisation autour des EnR est forte (tableau ci-contre), il est nécessaire d’associer ces deux politiques et de les montrer comme complémentaires et non comme opposées. Cependant, le risque est que la discussion d’une réunion pour la TVB dérive vers un débat autour du climat et des énergies renouvelables.

les synergies avec la TVB En plus de lutter pour une même cause, les projets de TVB et les projets EnR peuvent être synergiques sur le terrain. Comme le préconise la plupart des documents TVB, par exemple les SRCE Alsace, Bourgogne et Nord-Pas-de-Calais, les synergies possibles entre projets de développement des EnR et politique de TVB doivent être mises en avant. Or, pour le moment, très peu d’exemples dans ce sens existent en France. La biomasse est pourtant recommandée pour s’intégrer à la TVB. Quelques exemples peuvent être utilisés comme base de réflexion :

Filière bois-énergie contribuant à la préservation de la trame boisée du PNR Marais du Cotentin et du Bessin (Centre de Ressource TVB, 2014),

Filière de valorisation des zones humides (concept de paludikultur) étudiée par la LPO Alsace.

La communication doit faire part de ces synergies en insistant sur le fait qu’il est nécessaire de prêter attention à la gestion des milieux en intégrant les enjeux de biodiversité (fauches en adéquation avec les cycles de vie des espèces présentes par exemple). Certains acteurs ont également témoigné une certaine retenue sur ces pratiques, les voyant comme une fausse bonne idée pouvant être bénéfiques pour certaines espèces, mais finalement négative dans un bilan global. Il y a un risque de dérive où « [nous] exploitons [davantage] la nature pour maximiser les services qu’elle nous rend » (UICN, 2015).

l’antagonisme des EnR Même si l’exemple de la filière biomasse est mis en avant pour ses synergies avec la TVB dans le cas où sa gestion intègre les enjeux de biodiversité, la majeure partie des énergies renouvelables sont antagonistes aux continuités écologiques. Lors de nos entretiens, les acteurs ont tous conscience que les projets d’aménagement qui occupent de l’espace, comme c’est le cas pour les EnR, peuvent déstructurer la TVB. Cependant, peu d’entre eux communiquent sur ce fait.

Si les acteurs locaux n’ont pas conscience de cet antagonisme, les projets EnR se feront sans prendre en compte la TVB. Encore une fois, cela montre l’importance d’informer en amont ces acteurs sur le fait que les politiques s’articulent entre elles et ne sont pas à prendre séparément, ni à opposer formellement.

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Un déséquilibre qui se retrouve dans la médiatisation des deux problématiques. De plus, seul deux articles pour LeMonde et vingt articles pour le média spécialisé Actu-Environnement discute des deux problématiques simultanément.

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les initiatives locales pertinentes Les régions prennent en compte les actions et méthodes employées sur le terrain pour enrichir les SRCE (Chaurand, 2014). Cependant, il paraît nécessaire de faire part à l’ensemble des élus locaux, les initiatives pertinentes des élus motivés afin de provoquer un effet « boule de neige ». Les acteurs de l’échelle supra-locale et si possible de l’échelle régionale ou, a minima, avec appui de ces derniers, doivent chercher et encourager ces expériences pertinentes. Il est également indispensable de conseiller aux acteurs locaux de faire remonter directement leurs initiatives, en leur montrant que cela aura des répercussions positives pour leur territoire.

En Alsace, la LPO a étudié le projet de paludikultur que nous avons cité plus haut. Ce projet reprenait les exemples de réussite de cette « biomasse pour la biodiversité » à l’étranger (notamment en Allemagne) et leur transposition en Alsace. Cependant, la personne chargée de ce projet nous a fait part de sa bataille quotidienne pour être écoutée par les autorités.

l’approche win-win Cette action vise à renforcer la TVB elle-même, pour faire face au développement des EnR. Une des stratégies de la région Rhône-Alpes est d’insister auprès des décideurs locaux sur le fait qu’il est bon pour tous d’agir maintenant. En effet, à l’heure actuelle des financements via des contrats sont possibles mais il n’est pas certain que ces aides soient pérennes. Donner l’occasion aux acteurs locaux d’anticiper sur cette perte possible de financement et donc décrire cela comme une opportunité, devient très utile pour accroître la volonté des élus. D’autant plus que, comme l’ont fait les SDAGE, le statut d’opposabilité est susceptible de croître. Si les financements diminuent et que l’opposabilité augmente, il sera plus difficile pour les élus de mener à bien leurs actions.

En Rhône-Alpes également, l’utilisation des agences d’urbanisme comme interface supra-locale et comme technicien TVB (cf partie III), donne un nouveau rôle à ces agences qui peuvent alors accroître leurs compétences et par conséquent leur champ d’expertise.

En zone urbanisée ou péri-urbaine, il est utile d’insister sur le rôle des continuités écologiques pour l’attractivité du territoire par l’amélioration du cadre de vie. Les circuits de promenade (système de « boucles ») de l’agglomération Hénin-Carvin est un exemple de ce concept qui vise à concilier mode de déplacement doux et TVB.

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Tous les outils de communication doivent être utilisés et à toutes les échelles : réunions d’information, rapports, mailing, exposition...

Le contenu doit (i) montrer les conséquences concrètes des politiques sur le terrain, (ii) démontrer par des exemples concrets les apports écologiques mais aussi socio-économiques de la TVB, (iii) expliciter clairement le rôle de chaque acteur dans la TVB, (iv) mettre en avant les synergies et antagonismes entre TVB et projets d’aménagement, (v) montrer la complémentarité des EnR et de la TVB contre le changement climatique et (vi) jouer un rôle de publicité des bonnes actions.

Des communications régulières, quitte à répéter : la répétition est pédagogique

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3.L’appui technique et financier comme outils de renforcement de la TVB

La communication est un outil important pour redonner du poids à la TVB par rapport à la politique EnR. Cependant, malgré la pertinence de l’outil, il n’est pas suffisant. En effet, pour renforcer le pouvoir d’action des acteurs d’environnement, il est promordial de renforcer la TVB en elle-même. Pour ce faire, deux principaux outils peuvent être mobilisés à travers l’accompagnement technique et l’accompagnement financier.

3.1.L’ingénierie territoriale : apporter un appui technique aux porteurs de projets

Afin de garantir la mise en œuvre de la politique TVB au cœur des territoires, l’ingénierie territoriale est un des moyens d’action disponible pour accompagner les projets et renforcer la mise en œuvre de la TVB. Comme le constate un des chargés de mission TVB interrogés, la mise en œuvre des projets fait souvent face à une méconnaissance des enjeux liés à la biodiversité. Pour combler ces lacunes, l’appui technique est un outil complémentaire aux phases de communication se déroulant en amont, démarche que plusieurs régions ont engagée.

Tout comme la région Midi-Pyrénées apporte un appui juridique aux collectivités (Chaurand, 2014), le Nord-Pas-de-Calais a choisi d’appuyer les territoires en axant sa stratégie d’action sur la réponse à un besoin d’ingénierie. Cette demande est associée à un manque de compétences techniques nécessaires à la mise en œuvre du SRCE. Deux stratégies parallèles et complémentaires permettent de répondre à ce besoin: une démarche « descendante » qui correspond aux appels à projets et une démarche « ascendante ». D’après un interlocuteur chargé de mission TVB, la réponse au besoin d’ingénierie est facilitée lorsqu’elle découle de la seconde. Autrement dit, la déclinaison du SRCE et le respect de sa cohérence à l’échelle locale doivent aussi être portés par les territoires de manière volontaire sans attendre le lancement d’appels à projets des collectivités. Pour porter ces actions, il est nécessaire d’avoir un acteur à l’échelle supra-locale investi à temps plein dans ces projets. La création de ces postes représente l’élément phare de cette démarche « ascendante » qui caractérise l’efficacité de la mise en œuvre de la TVB dans la région Nord-Pas-de-Calais. À la demande des territoires et en réponse à un besoin d’ingénierie, les postes Climat/TVB ont été créés afin d’appuyer la mise en œuvre de cette politique et palier à l’absence de connaissance des risques portant sur les corridors. L’ouverture de ces postes « spécialistes TVB » avec l’appui de la région a permis de former les porteurs de projets aux enjeux de la biodiversité. En effet, les élus se reposent le plus souvent sur les bureaux d’études. Conformément au constat fait en Bourgogne, la thématique « biodiversité » est l’enjeu passant en dernier dans les études d’impact. Ce résultat rejoint l’observation faite par un chargé de mission TVB que nous avons interrogé. D’après l’expérience de cet acteur de territoire, le constat fait pour les problèmes de communication se retrouve sur l’aspect technique. En effet, ce n’est qu’une fois le projet en cours de financement que les porteurs de projets se « heurtent » aux problèmes environnementaux. Le rôle du chargé de mission est, dans ce processus, d’éviter cette prise en compte tardive en apportant son expertise. Cependant, il n’y a aucune obligation à ce stade. Bien qu’à disposition des collectivités, il n’est mobilisé que sur leur demande et ne peut donc apporter son appui sur tous les dossiers. Au vu des moyens humains et techniques mis en œuvre pour aider à la prise en compte de l’intégration de la TVB dans les projets, il est regrettable que cet accompagnement ne soit pas un passage obligé en amont.

Une approche légèrement différente est celle de la région Rhône-Alpes. Comme nous l’a présenté un acteur de la région, cette dernière a mobilisé l’outil d’accompagnement technique au travers des

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agences d’urbanisme. En effet, ces agences de par leur rôle d’interface entre SCoT et SRCE (cf. partie II) jouent également un rôle d’accompagnement technique dans la mise en œuvre du SRCE. Ayant participé à son processus d’élaboration, les urbanistes offrent aux porteurs de projets une vision intégrative des continuités écologiques dans les processus d’élaboration des schémas de cohérence. Cette autre forme d’accompagnement technique est une méthode mobilisable pour faciliter une mise en cohérence de la TVB avec les différents schémas.

Toutefois, l’accompagnement technique ne fait pas tout et, pour redonner du poids à cette politique, l’accompagnement financier est un levier également mobilisable à l’échelle des régions.

3.2.Accompagner financièrement les porteurs de projet pour renforcer la politique

Face aux enjeux économiques de la politique EnR et l’avantage qu’elle représente pour le développement des territoires, les travaux associés à la mise en œuvre de la TVB sont souvent perçus comme un frein. L’une des principales critiques négatives caractérisant la perception des acteurs locaux est le financement des travaux (Canard, 2011) ou tout du moins la méconnaissance des moyens mobilisables.

3.2.1. L’incertitude des coûts et l’absence de fonds propres à la TVB

Lors de l’élaboration de la TVB, le ministère de l’environnement s’est engagé à soutenir financièrement l’élaboration, le suivi, la mise à jour et la déclinaison des SRCE. D’après le ministère, il est également possible de passer par la mobilisation de fonds européens, des collectivités et de l’Etat à travers les contrats plans Etat-Régions (Antoine et al, 2014). Ces derniers contractualisent entre l’Etat et la Région un programme de financement dans le cadre de projets portant sur 5 thématiques parmi lesquels « la transition écologique et énergétique » (DATAR, 2015). Malgré cette volonté affichée, aucun dispositif de financement spécifique à la mise en œuvre du SRCE n’a été développé et pourtant, les frais à couvrir sont importants. Dans une note du 23 septembre 2011, la Direction de l’Eau et de la Biodiversité du ministère fait une estimation des dépenses pour la mise en œuvre de la TVB (cf. Figure 2).

Elaboration des SRCE

Evaluation et mise à jour

Traduction des SRCE dans les

documents d’urbanisme

Mise à jour des documents

d’objectifs des sites Natura 2000

Action d’investissement de restauration

des sites ou fonctionnalités

dégradées15 millions

d’euros6-7 millions d’euros/an

Non estimée 45 millions d’euros/an

Non estimée

Figure 2 : Estimation des coûts de mise en œuvre de la TVB (Source : MEB, 2013)

Les coûts estimés sont conséquents sans pour autant que toutes les catégories d’action résultantes de la mise en œuvre de la TVB aient été chiffrées. Les actions d’investissement pour restaurer les sites ou fonctionnalités dégradées n’ont pu être évaluées par cette Direction, or il s’agit, selon eux, du point le plus lourd financièrement. Cette incertitude des coûts est liée au fait que son évaluation dépend de chaque contexte local. De ce fait, la responsabilité du chiffrage est donc laissée aux régions.

Afin de répondre aux besoins financiers que la TVB soulève à l’échelle régionale dans son application et malgré les incertitudes de coûts qui subsistent, il est nécessaire de se saisir des outils de financements déjà existants. La politique de la TVB étant constitutive de nombreuses politiques

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sectorielles (agriculture, foresterie, aménagement urbain, etc.), elle est susceptible de se voir affecter une part de leur budget en s’intégrant dans des subventions (FEADER, FEDER, FSE, etc.) et des appels à projets sectoriels (Kervadec, 2014). C’est notamment le constat que fait la Mission Economie Biodiversité (MEB) dans son étude du plan de financement de la TVB. Dans un de leurs rapports, l’organisme soulève l’idée que « les continuités écologiques peuvent être intégrées dans les objectifs complémentaires d’autres projets prévus dans la Région ». De la même manière, les financements réservés aux infrastructures de transport peuvent aussi servir aux continuités écologiques, ces dernières étant des « infrastructures rendant services à la collectivité » (MEB, 2013).

3.2.2. L’appui financier: un levier d’action à l’échelle régionale

Compte tenu des coûts financiers que la mise en œuvre de la TVB implique et l’absence de fonds financiers propres à son application, l’apport de fonds structurels européens et l’accompagnement financier des régions représentent un levier non négligeable soulevé par plusieurs acteurs régionaux. Comme l’énonce Hélène Loiseau dans sa thèse, la mobilisation de ces fonds permet de donner une « impulsion suffisante au lancement de projets de long terme » dont certaines actions sont coûteuses (travaux de restauration, construction d’infrastructures de circulation d’espèces, etc.). Le processus d’élaboration de la TVB se déroulant à l’échelle régionale et sa mise en œuvre à l’échelle locale, c’est à ces niveaux que les acteurs doivent se mobiliser pour identifier les moyens de financements disponibles. Plusieurs régions se sont saisi de ce levier afin d’accompagner les collectivités à répondre au frein financier que la mise en œuvre de la TVB impliquerait. Pour illustrer l’importance de mobiliser cet outil, nous avons utilisé deux exemples: le Nord-pas-de Calais et la Rhône-Alpes.

Accompagnement financier des régions : la «   Politique Pays   » du Nord-Pas-de-Calais La région Nord-Pas-de Calais, qui fait preuve d’une volonté politique forte dans la défense des enjeux de biodiversité, a mis en place un système d’accompagnement financier de la TVB au sein de ses territoires à travers sa « Politique Pays » (Landas, 2013). D’après un interlocuteur du Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, cette structure apporte un soutien financier aux projets de restauration des milieux portés par les Pays. Toutefois, il est indispensable pour éviter un éparpillement des fonds et garantir la pertinence de l’ « investissement » de maintenir une cohérence des projets territoriaux via un plan hiérarchisé. Cette cohérence n’est possible que si les différents services susceptibles d’apporter des financements (Conseil Régional, Conseil Général, etc.) défendent une même ligne et présentent une cohésion des discours.

Plusieurs projets de liaison entre espaces naturels ont ainsi été financés en partenariats avec les communautés d’agglomération. C’est notamment ce que nous a confirmé un chargé de mission rattaché à la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin. Sur ce territoire, la mise en œuvre de la TVB a pris la forme d’un système de « boucles » servant à installer un réseau entre différents espaces (cf. Partie II). Projet important dans la préservation des espaces naturels de la Région, il a été financé en grande partie par le Conseil Régional et le Conseil Général. Le reste des financements (une faible part) fut apporté par la communauté d’agglomération.

Mobiliser les fonds européens: les «   contrats corridors   » de la région Rhône-Alpes Les fonds structurels européens sont principalement mobilisés pour répondre à des objectifs de croissance économique et sociale. Bien que peu présente, la protection de l’environnement est un enjeu inscrit dans les objectifs auxquels doivent répondre ces fonds (CGET, 2014a). De ce fait, au même titre que les projets éoliens les mobilisent (CGET, 2014b), les actions de mise en œuvre de la TVB peuvent y faire appel. La région Rhône-Alpes s’est saisie de ce levier pour porter la politique et son application.

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En effet, plusieurs financements ont été mobilisés pour mettre en œuvre le dispositif « contrat corridor » qui a pour principal objectif de maintenir les continuités écologiques. Ces contrats en ligne directe avec l’application de la TVB sont la base de leur SRCE. En complément des sources financières apportées par le Conseil Régional et le Conseil Général, les fonds structurels européens ont contribué sur une part importante au développement de ce dispositif. Pour un budget total de 18,75 millions d’euros mobilisés pour financer ces contrats sur la période 2007-2013, 7,11 millions d’euros proviennent du FEDER (Loiseau, 2014). Conscient que les fonds régionaux ne sont pas forcément suffisants pour couvrir ces projets (constat de notre interlocuteur du Conseil Régional), la mobilisation des fonds européens représente une source alternative non négligeable . La difficulté de mobiliser ces fonds nécessite cependant de faire référence aux outils de communication disponibles (cf. partie II) pour convaincre les financeurs. Cette utilisation du FEDER, encore inexploitée en 2011, représente une initiative innovante de la région (Loiseau, 2014) et démontre l’importance de la mobilisation de ces fonds pour la mise en œuvre de la TVB.

Identifier les sources de financement possibles et connaître les modalités de leur mobilisation sont des points nécessaires pour se saisir de ce levier d’action. Comme l’énonce Chaurand (2014) dans son analyse régionale, l’accompagnement financier des régions permet de faciliter la prise en compte inter-échelles et de suivre les démarches.

Accompagnement technique et accompagnement financier sont deux leviers à prendre en compte en amont et tout au long du projet pour renforcer la politique. L’intégration de ces outils dans le processus de mise en œuvre de la TVB participe à renforcer l’efficacité de la politique à l’échelle locale. Une politique solidifiée au niveau des régions contribuent à l’effet « boule de neige » évoqué par un des acteurs de la DREAL Bourgogne misant beaucoup sur la propagation de ces résultats sur les autres régions. De cette manière, ces deux méthodes d’accompagnement favorisent le rééquilibrage de cette politique face aux autres politiques qui auraient tendance à prendre le pas sur elle en lui offrant notamment une base solide.

4.Les ONG d’environnement : une multiplicité de stratégies

4.1.Des constats majeurs

4.1.1. L’énergie renouvelable : une absente des ONGe de biodiversité…

Le manque de moyens financiers et humains des ONGe représente un premier frein dans la stratégie globale de ces acteurs d’environnement. Dans les politiques d’EnR notamment, ils n’ont souvent pas l’expertise nécessaire pour traiter des questions relatives à ces politiques qui sont encore nouvelles et assez complexes. Cette lacune limite donc leur disposition et leur capacité à agir dans ce domaine. Mis à part à l’UICN, qui s’intéresse à l’articulation entre les deux politiques d’EnR et de biodiversité, l’interface entre ces deux politiques environnementales n’existe généralement pas au sein des ONGe. Notre interlocutrice d’H&B nous confie qu’il s’agit aussi d’une question de priorités, que les associations « se concentrent là où il y a le plus d’impacts, ou plutôt, là où ils sont le plus visibles ». Elles peuvent néanmoins s’engager dans des démarches collectives en lien avec les EnR telles que Coalition Climat 21, organisée dans le contexte de la COP 21.

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Apporter un appui technique aux porteurs de projet par l’ingénierie territoriale tout le long du projet

Identifier les fonds mobilisables (fonds sectoriels, FEDER, etc.) et connaître les méthodes de leur mobilisation

Accompagner financièrement les projets par la région

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4.1.2. … et du Comité National TVB

Même si le Comité National TVB compte parmi ses membres des représentants d’entreprises et gestionnaires d’infrastructures linéaires tels que les présidents de RFF et de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes, aucun acteur impliqué dans le secteur des EnR n’y est représenté (JORF no

0027, 2013). Le Comité National TVB ne semble pas être, pour l’instant, un groupe de travail où les questions d’articulation entre EnR et prise en compte de la TVB se posent. Aussi, le déroulé assez hiérarchisé des rencontres qui suivent des ordres du jour et des orientations données par la présidente et des thématiques précises pour chaque journée, ne laisse pas forcément d’ouverture à l’approfondissement des suggestions relatives aux EnR. Un programme de travail est proposé chaque année mais les EnR ne seront visiblement pas abordées durant l’année à venir. Notre interlocuteur de FNE nous a en effet confié que d’autres enjeux tels que la nouvelle programmation des fonds européens et la réorganisation des collectivités territoriales sont prioritaires . Selon notre interlocutrice de l’association H&B, le Comité n’est pas le lieu le plus adéquat pour soumettre de nouvelles propositions, des votes de motions sont organisés, mais que très rarement. Quant à l’acteur de FNE avec qui nous avons échangé, il regrette que le Comité ne puisse donner que des avis consultatifs et que l’efficacité du groupe de travail en soit donc entravée. Cependant, il ne remet pas en cause l’utilité du Comité qui permet le débat et la concertation entre les acteurs.

4.1.3. Une stratégie interne qui manque de poids

Concernant certaines ONGe, un des freins majeurs à l’action est le manque d’ancrage aux échelles européennes et locales. Pour l’échelle européenne, selon H&B la lacune a pour origine le manque de moyens financiers. Pour l’échelle locale, le système de correspondants est insuffisant. Ce dernier handicap est également ressentit par l’UICN France. Il est évident que le manque d’ancrage territorial prive les ONGe d’un champ d’action touchant l’articulation entre la TVB et les EnR . Justement, à l’échelle locale, d’autres problématiques se posent. Selon la LPO Alsace, l’antenne locale ne possède ni les compétences, ni les moyens financiers pour aller en contentieux juridique. A cause d’une communication inefficace, l’association est également confrontée au manque de mobilisation des acteurs locaux. Or, cette lacune serait aussi un élément responsable du manque d’intervention en contentieux. De plus, les EnR sont de différents types et occasionnent donc différents impacts. Une telle hétérogénéité technique implique un degré de complexité supérieur pour les ONGe. Ces dernières peinent alors à renforcer le poids de leurs actions.

4.2. Quels leviers mobiliser ?

4.2.1. Mutualiser les forces

Face aux intérêts portés par les acteurs sectoriels, les ONGe peuvent s’allier entre elles pour donner plus de poids à leurs propos et actions. Cette mutualisation des forces est une stratégie importante adoptée par les acteurs d’environnement. Ils peuvent notamment se répartir de manière concertée les moyens de pressions, comme nous l’a rapporté notre interlocutrice de l’UICN. Ainsi, des ONGe comme la LPO ou FNE vont plutôt jouer un rôle contestataire en publiant des communiqués de presse tandis que l’UICN appuiera leur position, non pas publiquement, mais en communiquant directement avec le ministère concerné pour que ce dernier révise sa position. Les différentes associations environnementales, souvent membres de l’UICN, s’unissent également lors des Congrès de la Nature pour voter des résolutions ou des recommandations afin d’appuyer les objectifs de la politique de l’UICN. Concernant l’articulation entre les politiques de biodiversité et d’énergies renouvelables, l’ONG Humanité & Biodiversité (H&B) a par exemple voté en faveur de la recommandation nº 172

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« Développement des énergies renouvelables et conservation de la biodiversité » lors du dernier Congrès de la Nature (UICN, 2012).

Certaines ONGe comme FNE, H&B, la LPO, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) ou encore WWF sont aussi membres du groupe de travail « Comité National TVB ». Actuellement, sept ONGe y sont présentes et influencent les décisions dans la définition des orientations nationales en veillant à la cohérence nationale des trames vertes et bleues. Elles peuvent notamment donner des avis consultatifs au ministre de l’écologie. Leur présence au sein du Comité est une autre stratégie indispensable pour peser face aux intérêts d’autres membres du Comité comme la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) ou Réseau Ferré de France (RFF) par exemple (JORF no 0027, 2013). Pour être plus cohérentes entre elles et bénéficier d’une force de groupe, les ONGe préparent les réunions au préalable, en échangeant notamment avec la présidente du Comité.

Un autre lieu propice à la mutualisation des forces en faveur de la politique TVB est le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), où FNE, WWF et la LPO sont également membres (MEDDE, 2013). La TVB y est prise en compte indirectement à travers la dérogation portant sur les espèces protégées. Les ONGe peuvent émettre des avis consultatifs au ministre de l’écologie sur les études d’impacts et vérifient le respect de la séquence Éviter Réduire Compenser (ERC). Lorsque les enjeux politiques sont trop forts, ces avis ne sont cependant pas pris en compte.

Une ONGe peut aussi mutualiser les forces à l’échelle locale. Des associations telles que la LPO Alsace développent des stratégies de communication en participant à des expositions TVB ou autres événements liés à la protection de la nature. Le but est de montrer l’exemple et d’informer les communes avoisinantes pour la mise en œuvre de leur SRCE et des avantages économiques qu’elles pourraient alors en tirer. L’invitation à la participation de ces acteurs locaux apporte un nouvel appui pour la défense de l’environnement. FNE, quant à elle, profite des connaissances naturalistes de certaines de ses associations membres pour agir aussi localement. Ces associations locales, font alors émerger les projets qui sont impactant et font remonter l’information au niveau national.

4.2.2. Faire du lobbying auprès des institutions

Cette stratégie d’action est typiquement représentative des ONGe telles que l’UICN ou FNE. En effet, elles peuvent faire part directement de leurs propres remarques et suggestions au gouvernement ou parlementaires et ce, sans passer par les médias. Ce genre d’ONGe qui cible davantage les pouvoirs publics et les entreprises plutôt que le grand public, intervient au sein de commissions ou programmes dédiés à la biodiversité pour influer sur les choix établis dans le cadre des politiques publiques. Elles trouvent aussi leur place au sein de discussions organisées à l’échelle nationale ou internationale, par des ministères ou des instances internationales afin de donner leur avis sur des questions juridiques en matière de protection de la biodiversité. L’UICN a par exemple apporté sa contribution aux États généraux de la modernisation du droit de l’Environnement via sa « Commission Droit et Politiques Environnementales ». L’association souhaite que le gouvernement s’engage sur le principe de non-régression du droit de l’environnement (UICN France, 2015). Aussi, la fédération FNE a, grâce à son lobbying, intégré dans la loi la prise en compte de la TVB dans les études d’impacts des pétitionnaires. L’ONGe bénéficie des services d’une chargée de mission « énergie » qui lui permet également d’avoir un pied dans la politique sectorielle et ainsi, proposer des amendements pour améliorer par exemple, la loi sur la transition énergétique.

Aux niveaux régional et local, le lobbying n’est pas moins présent. Les antennes régionales des ONGe comme la LPO Alsace font pression sur les services déconcentrés de l’État. Leur objectif premier est

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souvent de favoriser l’articulation entre l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, entre les niveaux régional et local. Dans le cas concret de la TVB, les ONGe interagissent notamment avec la DREAL, d’abord à l’étape de conception du SRCE, puis en faisant remonter des recommandations formulées à partir des constats établis à l’échelle locale. Les ONGe régionales peuvent aussi profiter de cette relation d’échange pour tenter de faire émerger des idées innovantes. L’une d’entre elles, portée par la LPO Alsace, consiste à créer une filière économique d’EnR qui contribue à la protection des milieux naturels. L’exemple, déjà cité auparavant, est celui de la valorisation des zones humides. Selon l’association, la raison pour laquelle la politique de la TVB est plus faible que la politique des EnR est qu’elle manque d’arguments économiques. Pour défendre leur idée et promouvoir l’innovation en question, l’ONGe profite d’événements tels que les journées mondiales des zones humides, dans le but d’attirer et de motiver les parties prenantes pour gagner en légitimité et en notoriété au moment de soumettre la proposition à la DREAL.

4.2.3. Infiltration de la sphère sectorielle

Au-delà de la mutualisation des forces et du lobbying auprès du gouvernement, les ONGe utilisent des méthodes moins explicites pour asseoir leur autorité. L’infiltration de la sphère sectorielle se réalise de différentes manières.

D’après notre interlocutrice à l’UICN, connaître ses « adversaires » est la première étape pour se renforcer et adapter sa stratégie d’action. D’ailleurs, l’UICN est l’une des rares ONGe à traiter cette nouvelle interface. En attestent plusieurs publications : Développement des énergies marines renouvelables et préservation de la biodiversité (UICN France, 2014) et Les montagnes et la transition énergétique (UICN France, 2013). Ainsi, ce premier levier doit être considéré dans la quête du rééquilibre entre le développement des EnR et la politique TVB.

Plus encore que la connaissance de ses adversaires, la construction de partenariats avec des entreprises est une nécessité selon H&B. Ils représentent alors des leviers pertinents dans l’obtention de moyens financiers et permettent aux ONGe de porter leurs propres intérêts dans la sphère des activités sectorielles. Le but étant de créer des ponts entre le développement des EnR et le fonctionnement de la TVB, ce type de partenariats seraient-ils donc à établir plus spécifiquement entre les acteurs des deux politiques ? Cependant, la dépendance financière des ONGe envers ces entreprises représenterait-elle un risque pour leur liberté d’expression, notamment dans les études relatives aux impacts?

FNE mène justement des partenariats avec certains promoteurs des EnR. La publication de recommandations découle de constats mutuels. Grâce à ce travail en amont, les recours juridiques sont évités. Cette situation profite donc aux promoteurs, mais aussi à FNE puisque d’une part, les intérêts environnementaux sont désormais considérés et que d’autre part, l’ONGe soutient aussi le

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Partenariat avec des entreprises « vertueuses »

Réseau de Transport d’Electricité (RTE) a mis en évidence l’existence d’un impact possiblement positif des réseaux électriques sur l’organisation de la TVB. En effet, des inventaires réalisés en 2009 par le Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien ont révélé l’existence sous les lignes électriques d’Ile de France d’une richesse jusqu’alors ignorée : 567 espèces inventoriées, 38% de la flore francilienne, 80 espèces patrimoniales et 7 espèces protégées. (Lesigne, 2012)

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développement des EnR selon ses propres principes. Or, d’après notre interlocuteur de la LPO Alsace ce type de partenariat tendrait justement à se répandre. Par exemple, l’antenne locale élabore des inventaires dans les parcs éoliens à la demande des promoteurs qui se garantissent alors d’une transparence environnementale. En contrepartie, la collecte de données permet à la LPO d’établir de futurs moyens de pression sur les acteurs sectoriels. De même, les résultats de la LPO peuvent faire l’objet d’un avis sur les risques relatifs aux installations. Néanmoins, ces avis seront-ils écoutés ? Dans un même ordre d’idée, FNE utilise une stratégie plus incisive. Les associations locales membres de la fédération emploient auprès des développeurs d’EnR l’argument : « Vous devez être exemplaires en matière d’environnement ». Dans le cadre d’un partenariat, l’association peut émettre des recommandations techniques au promoteur. Par exemple, en Champagne Ardenne la LPO à réussi à obtenir l’arrêt des éoliennes durant les migrations. Toutefois, il peut arriver que le pétitionnaire ne soit pas enclin à collaborer pour traiter les enjeux environnementaux en amont ou pour mitiger l’impact. Dans ce cas, FNE n’aurait plus d’autre choix que de recourir au contentieux juridique.

Une autre stratégie présentée par H&B est la signature de conventions avec des acteurs sectoriels, comme avec le Bureau forêt du Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF). L’objectif est d’obtenir des financements de projets, un gain d’expertise, d’expérience et de crédibilité. Parfois, ces conventions amènent les ONGe à s’intégrer dans des groupes de travail associés. Elles peuvent alors porter, puis fixer des garde-fous. Par exemple, l’intégration à une politique sectorielle de critères de biodiversité représente une avancée majeure dans la considération de l’environnement. Cette voie d’expression et d’action serait donc à valoriser sur l’interface entre mise en place de la TVB et développement des EnR.

Il arrive et c’est souvent le cas, que les outils employés tels que les résolutions ou les conventions n’aboutissent pas à un changement concret sur le terrain. Au niveau des partenariats avec les entreprises, comme par exemple des promoteurs éoliens, la voix des ONGe n’est pas toujours prise en compte malgré les recommandations émises. Elles se voient parfois contraintes de rompre le partenariat qui devient stérile. Elles sont fréquemment confrontées au même problème lorsqu’il s’agit de communiquer avec les services de l’État, comme nous l’avons précédemment fait remarquer avec l’exemple de la LPO Alsace et la DREAL. Au regard de l’absence des acteurs sectoriels d’EnR dans les instances dédiées à la biodiversité, la recommandation évidente qui peut être formulée est justement de favoriser leur insertion dans ces discussions.

Comme nous l’avons présenté, certaines ONGe dont FNE participent au COMOP TVB. Ce lieu de discussion n’est pas uniquement celui des ONGe, il est aussi celui d’un dialogue avec les acteurs sectoriels. Suite à un groupe de travail de ce type, FNE a fait le constat que les «  oppositions dogmatiques » au sujet de la TVB n’étaient pas virulentes de la part de la FNSEA, de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture (APCA) et des forestiers privés. Ainsi, ces groupes de travail représentent l’opportunité pour les ONGe d’obtenir l’adhésion d’acteurs habituellement opposés.

4.2.4. Approfondissement des connaissances

L’infiltration des sphères sectorielles peut aussi aider les ONGe à approfondir leurs connaissances. Selon H&B, plusieurs partenariats les ont guidées à se saisir de sujets émergents à fortes valeurs socio-économiques renforçant ainsi leur influence. Par exemple, la participation au groupe de travail du MAAF a mis en évidence la nécessité d’encadrer la filière bois-énergie suite aux révélations des impacts négatifs envers la biodiversité. Concernant l’interface entre EnR et TVB, la participation des

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ONGe à ces groupes de travail, permettrait de renforcer leur proactivité. Toutefois, la limite serait ici un risque d’institutionnalisation.

Les connaissances peuvent aussi s’approfondir sur la base d’outils de protection de la biodiversité et d’aménagement du territoire. En effet, les ONGe ont tout intérêt à connaître le territoire pour défendre les lieux de forte valeur écologique. Par exemple, FNE et H&B s’accordent à dire que l’Atlas de la Biodiversité Communale (ABC) est un premier document non-juridique qui peut aider les ONGe à identifier ces lieux. L’avantage est que l’ABC représente une source de connaissances sur la biodiversité locale qui ne sont pas obligatoirement prises en compte dans les SCoT et les PLU. La commune qui souhaite accueillir des infrastructures d’EnR peut de cette manière, se prémunir d’éventuels impacts sur la qualité de la matrice paysagère.

En plus de la connaissance des outils de protection de la biodiversité, celle relative à la règlementation fait aussi émerger des moyens de défense efficaces. Selon l’interlocuteur de la LPO Alsace, la problématique du Milan royal (Milvus milvus), espèce emblématique et menacée en France selon l’UICN, est à l’origine de dispositions sur les dates de fauches et dans le SRCAE. Le but est de maintenir la population fourrageant à l’écart du parc éolien, soit à un kilomètre minimum des mâts.

L’appropriation de la réglementation est donc un bon outil pour défendre les intérêts environnementaux face au développement des EnR. Toutefois, cela révèle que les associations locales ne se sont pas encore saisies de l’outil TVB (FNE). Il est alors pertinent que ces associations montent en expertise sur le sujet de la TVB afin que l’articulation avec les EnR soit assurée.

4.2.5. Changements de gouvernance en matière de biodiversité

Avec des changements de fond en matière de gouvernance de la biodiversité, le portage de la politique TVB dans les sphères sectorielles et plus particulièrement dans celle des EnR, serait à prévoir. L’annonce de la création de l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) est une excellente nouvelle pour les ONGe qui ont su impulser sa création. Selon H&B, l’unicité ferait la force de l’AFB et serait un levier majeur pour une meilleure prise en compte de la biodiversité en général. Selon l’UICN, avec l’AFB une amélioration du côté opérationnel et des moyens déployés pour la TVB est à prévoir. Bien que l’équipe de préfiguration soit en place, il faudra attendre le vote définitif de la loi sur la biodiversité, remise en discussion à l’Assemblée au printemps 2015, pour apprécier la création de l’Agence (Boughriet, 2014).

Dans un même ordre d’idée, la création du Comité National pour la Biodiversité (CNB) exprime aussi la réorganisation de la gouvernance. Il s’agit d’une réforme suivant le principe de simplification comme l’illustre l’annexe 2 et qui émane du Rapport Schmitt de 2012. Cette réforme émane d’un constat fort, celui d’un manque de cohérence entre les différentes politiques environnementales (Schmitt, 2012). Il est difficile à l’heure actuelle de savoir ce que la création du CNB impliquera pour l’interface TVB/EnR. Serait-ce l’opportunité de renforcer les intérêts environnementaux ? Quel sera le poids accordé au Comité National TVB et quelle place sera alors faite au secteur des EnR ? Selon l’un des membres scientifiques du COMOP TVB, ces réformes de gouvernance peinent à être mises en œuvre. Une des hypothèses alors soulevées par le groupe et approuvée par cet interlocuteur est que la loi de transition énergétique les aurait supplantées dans les agendas politiques.

Ci-dessus, les différentes réformes de gouvernance en matière de biodiversité sont présentées comme des leviers dans la prise en compte de la biodiversité, donc de la TVB, dans la sphère des EnR. Toutefois, notre interlocutrice de H&B nous a exprimé plusieurs doutes. Le premier concerne les financements : qui pour financer et à quelle hauteur ? Le deuxième doute entoure la stratégie d’unicité

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de l’AFB. En effet, le rassemblement des forces signifierait la perte de l’ancrage territorial des membres soient l’ONEMA, les Parcs nationaux de France, l'Agence des aires marines protégées, l'Atelier technique des espaces naturels et la Fédération des conservatoires botaniques nationaux (Boughriet, 2014). Or, dans le contexte où certaines ONGe sont justement lacunaires dans cet ancrage, comment seront alors représentés les acteurs minoritaires d’environnement à cette échelle ? D’autant plus, que les membres de l’AFB perdraient leur identité et leur indépendance. Est-ce d’ailleurs pour cette raison que l’ONCFS refuse d’intégrer l’AFB ?

Conclusion

La TVB est un outil de planification novateur pour la sauvegarde de la biodiversité et des interactions entre les milieux qui n’est pour le moment qu’à ses débuts. Il sera sans aucun doute une clé pour apporter une vision systémique de l’environnement et des enjeux en général, aux yeux des élus et du grand public. Cependant, il est clair que des difficultés sont à prévoir étant donné la liberté d’action possible pour sa mise en œuvre. Les EnR, un des enjeux environnementaux majeurs d’aujourd’hui, doit particulièrement respecter la prise en compte de la TVB. L’articulation de ces deux politiques à l’échelle locale est pertinente, mais il est primordial que ces deux politiques soient pensées ensemble, en amont. La standardisation étant impossible au vu des spécificités et de l’histoire de chaque territoire, il est nécessaire de mener de front cette politique TVB pour l’articuler et la concilier avec d’autres enjeux. Malgré cela, des actions adaptées à ces spécificités doivent être pensées.

Une des priorités nous semble être de « faire exister » la TVB, occuper le terrain, pour contribuer à redéfinir les normes d’actions, les limites du possible et du pensable dans le domaine et acculturer les acteurs à la problématique. Dans ce but, plusieurs leviers peuvent être mobilisés :

Identifier des acteurs prêts à porter un projet de restauration/préservation de continuités écologiques. Favoriser le développement de projets avec des acteurs volontaires peut être une première phase de mise en œuvre de la TVB qui permet à la fois d’acculturer des acteurs à la problématique, de faire exister la TVB sur le territoire ainsi que d’engranger des expériences qui pourront être mobilisées pour convaincre de nouveaux acteurs et améliorer les projets ;

Développer une animation territoriale au niveau supra-local accompagner les échelons supérieurs. Nous pouvons ainsi penser à l’existence d’un chargé de mission TVB par ensemble territorial, qui aurait pour fonction de rassembler régulièrement les porteurs de la politique sur le territoire afin de faciliter les retours d’expériences et les réflexions collectives autour de problématiques identifiées localement. L’avantage de cette mise en réseau serait également d’assurer par la concertation une cohérence du déploiement de la trame sur l’ensemble du territoire ;

Identifier les fonds mobilisables (fonds sectoriels, FEDER, etc.) pour la TVB et connaître les méthodes de mobilisation de ces divers financements.

Une seconde priorité est de révéler la problématique de l’antagonisme qui peut survenir entre projets EnR et TVB, puisque nous avons constaté que la question de leur articulation peine à être inscrite à l’agenda. Cette volonté peut se matérialiser par l’organisation de réunions plus régulières et systématiques entre services au sein des différentes administrations (administrations centrale, déconcentrée et décentralisée). Il est également important de conserver et développer des lieux pluralistes de discussion de cette problématique. Ces arènes de dialogue peuvent être des lieux favorisant la consolidation d’une « coalition de cause » (Sabbatier, 1997) autour de la TVB, et regroupant donc essentiellement des acteurs d’environnement (ONGe et administrations). Un second type de lieux de discussion regrouperait cette fois des parties prenantes des deux politiques pour envisager communément une meilleure articulation entre elles, et surtout pour faire peser la prise en

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compte de la TVB dans le secteur des EnR. Les acteurs présents dans ces deux types d’arènes ne sont donc pas nécessairement les mêmes. En ce sens, il est important d’identifier (et de répartir) clairement le rôle de chaque ONGe selon notamment son rapport au système politico-administratif et au secteur privé mais également selon son/ses échelle(s) d’intervention.

Il est donc primordial de renforcer la politique TVB, en sensibilisant pour acculturer les acteurs, pour que cette politique puisse se confronter efficacement au développement des EnR. Cette coalition de cause forte est nécessaire pour, dans un second temps, s’intégrer aux arènes de discussion des politiques sectorielles afin d’en articuler les différents enjeux.

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CHAPITRE II :

La prise en compte des enjeux de la biodiversité dans la politique nationale de développement des énergies renouvelables : Quel arbitrage ? Quelles

échelles d’intégration ?

Clotilde BLANC-LAPIERREAlma DUFOUR

Mathias GAILLARD Sarah VOIRIN

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Introduction

Il existe un lien important entre réchauffement climatique et érosion de la biodiversité. Selon le dernier rapport du GIEC, une augmentation de la température planétaire de 2,5 °C engendrerait une perte de 20% à 30% des espèces faunistiques et floristiques, une augmentation de 3,5°C : une disparition de 40% à 70% de l’ensemble des espèces. Ainsi, le développement des énergies renouvelables par l’atténuation du changement climatique qu’elle engendre devrait avoir un impact indirect favorable sur la biodiversité. Néanmoins, le développement des énergies renouvelables comme toute politique de développement a nécessairement des impacts plus directs sur la biodiversité par la perturbation des écosystèmes et l’artificialisation des espaces qu’elle induit. Il semblerait en tout cas que l’accueil positif que reçoit la politique des énergies renouvelables éclipse parfois les questions liées à son impact direct sur la biodiversité. De fait, il apparaît cohérent que certains projets soient bons pour lutter contre le changement climatique et nuisent dans le même temps à la biodiversité. Pourtant, cette réflexion est le plus souvent évacuée car considérée comme trop politique et génératrice de tensions.

L’étude du développement des énergies renouvelables à l'échelle de la Côte d’Or constituant la première phase de ce travail a soulevé des questions quant à la gouvernance plus large de cette politique notamment au niveau national. Les nombreux contentieux en réaction au développement des projets éoliens, les modifications radicales entraînées sur le paysage et les ruptures opérées dans les continuités écologiques conduisent à penser que la politique de développement des énergies renouvelables induit un enjeu de planification et de cohérence. C'est pourquoi la deuxième phase de notre travail porte sur l'organisation des processus de décision et de planification des politiques de développement des énergies renouvelables actuelles et sur la place accordée aux enjeux de biodiversité dans cette politique.

Le paysage administratif est en train de changer. La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) donne plus de prérogatives aux régions, tandis que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) va regrouper les schémas de planification régionaux. Cette nouvelle configuration semble indiquer que l’on recherche à doter la planification territoriale d’une plus grande cohérence. On peut se demander dans quelle mesure cela va impacter la planification de la politique des énergies et dans quelle mesure ce changement est vecteur d’opportunités ou de menaces pour la prise en compte de la biodiversité dans cette politique.

Dans un premier temps, cette étude s'intéresse à l'arbitrage réalisé entre les enjeux de biodiversité et de développement des énergies renouvelables. Cette partie porte sur les processus de décision qui mènent au développement de projets d’énergies renouvelables telles que nous les observons sur notre territoire. Nous analysons comment se fait le choix du mix énergétique renouvelable. Nous essayons de montrer en quoi le fait que la politique des énergies renouvelables soit une politique de développement économique a une influence sur la prise en compte de la biodiversité. Nous tentons d'exposer le peu de financement dédié à la biodiversité. Nous posons la question de la différence d'impacts sur et de prise en compte de la biodiversité dans la planification sectorielle des différents types d'énergies renouvelables. Ce qui nous amène, dans un second temps, à nous interroger sur l'échelle de planification la plus pertinente pour intégrer les enjeux de biodiversité dans la politique des énergies renouvelables. Nous montrons en quoi la politique de développement des énergies renouvelables manque de planification.Enfin, dans un troisième et dernier temps nous réfléchissons sur les indicateurs de performance environnementale de la politique de développement des énergies renouvelables. Cette partie porte sur les garde-fous mis en place pour que la biodiversité ne soit pas oubliée dans les politiques de développement et est illustrée par la procédure des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE). Nous essayons de développer les problèmes émergents ainsi que les opportunités d'amélioration de cette procédure.

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Notre étude est le fruit d'une première phase d'enquête de terrain auprès des acteurs directement ou indirectement impliqués dans le développement des énergies renouvelables à une échelle départementale et d'une seconde phase d'entretiens auprès des acteurs institutionnels aux échelles nationale et européenne. La méthode adoptée a été de s'appuyer sur les résultats de la première phase de travail en Côte d'Or, sur les informations issues des entretiens de la seconde phase, et sur une bibliographie portant principalement sur des textes de loi et des documents de planification territoriale.

La définition de la notion de biodiversité retenue pour notre étude est à entendre dans le sens le plus large possible et comprend l'étendue des visions des différents acteurs interrogés. La notion d'indicateurs de performance environnementale est à comprendre à travers le prisme de l'intégration de la biodiversité dans la politique de développement des énergies renouvelables. À travers cette étude nous aspirons à jeter de nouvelles bases pour un débat émergent portant sur questions encore peu abordées aujourd'hui. L’objectif est de perfectionner la politique des Energies Renouvelables et non d’en saper les fondements.

Cependant, cette étude ne prétend en aucun cas traiter de manière exhaustive les enjeux et les interrelations entre la politique de développement des énergies renouvelables et la politique de protection de la biodiversité. Elle s'inscrit à la fois dans un cadre pédagogique et dans un contexte de publication plus larges. D'une part, un autre groupe de travail de la promotion 2014-2015 du Mastère spécialisé politique publique et stratégie pour l'environnement d'AgroParisTech-ENGREF réalise une étude sur le même thème mais avec une analyse portant plus sur la stratégie des acteurs de la biodiversité. D’autre part, le Comité français de l'UICN vient de lancer un programme de travail sur la prise en compte de la biodiversité dans toutes les solutions et politiques adoptées en matière d’énergie et de changement climatique. Nous espérons que notre étude sera à son échelle complémentaire des deux autres.

1.L’Arbitrage entre les politiques de développement des EnR et de protection de la biodiversité

1.1.Le développement des EnR : une politique de lutte contre le changement climatique impliquant le développement de toutes les Energies Renouvelables en fonction de la potentialité des territoires

1.1.1. L’ambitieuse politique de développement des Energies Renouvelables de l’Union Européenne

A l’échelle internationale, l’Union européenne incarne la figure de proue dans la lutte contre le changement climatique. Elle reste ainsi l’un des seuls soutiens au système du protocole de Kyoto suite au retrait du Japon, du Canada, de la Nouvelle Zélande et de la Russie lors des négociations pour la mise en place de sa seconde phase en 2013.

Sur un plan interne, cela se traduit par l’adoption d’objectifs ambitieux de développement des EnR. La stratégie « Europe2020 » a ainsi fixé un objectif européen de 20% d’énergie produite à partir de sources renouvelables à l’horizon 2020 contre 14% aujourd’hui. Un objectif contraignant, prolongé par des orientations pour 2030 fixant à 27% la part des EnR dans le mix énergétique. L’UE est ainsi la première puissance à s’engager sur des objectifs chiffrés avant la 21ème Conférence des parties (COP) de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CNUCC) qui se tiendra fin 2015 – une politique qualifiée de « plus ambitieuse du monde » par l’ancien Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

La France, bien que ne faisant pas partie des champions du développement des EnR en Europe, adopte désormais une attitude volontariste – que l’on ne peut dissocier à son rôle d’Etat hôte de la COP21 – traduite par l’adoption à venir de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance (LTE) verte le 3 mars prochain. Elle s’est ainsi engagée à porter à 23% la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2020.

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Figure 3 : Contribution des énergies renouvelables à l’approvisionnement en énergie (Source : Panorama des statistiques de l’OCDE, 2014)

1.1.2. Une politique de développement de l’ensemble des énergies renouvelables en fonction des gisements disponibles sur les territoires.

L’atteinte de tels objectifs implique un développement soutenu des EnR et la sollicitation de l’ensemble des sources renouvelables en fonction des gisements disponibles sur les territoires des Etats membres. Parallèlement, l’UE mène une politique de protection de la biodiversité au travers d’instruments réglementaires – Directive Oiseaux, Directive Habitats, Directive-cadre sur l’eau – ainsi que de programmes de financement – LIFE. Elle a depuis 2010 adopté une stratégie destinée à renforcer à enrayer la diminution de la biodiversité à horizon 2020 et à protéger, évaluer et rétablir les services écosystémiques et la biodiversité à l’horizon 2050.

Ce sont deux politiques distinctes, et la fixation des objectifs EnR est faite sans arbitrage entre leurs éventuelles confrontations. Ainsi, les enjeux de biodiversité ne sont pas pris en compte dans l’élaboration des paquets énergie - climat bien que ces derniers soient envoyés à la Direction Générale de l’Environnement de la Commission européenne en amont afin d’identifier d’éventuelles contradictions manifestes avec le droit européen de l'environnement. Il revient donc aux Etats membres d’assurer la réalisation des différents objectifs en les conciliant dans l’aménagement du territoire.

N.B : Outre les exigences de respect des souverainetés nationales, cette politique repose également sur une théorie d’action d’inspiration libérale : une recherche d’efficience et d’innovation par la fixation de doubles contraintes auxquelles les acteurs sont laissés libres de répondre. La poursuite de l’efficience se retrouve d’ailleurs dans les fondements de la volonté d’harmonisation et de création d’infrastructures communes aux Etats membres. Pour la Commission européenne, la réduction la plus efficiente des impacts écologiques du développement des EnR est atteignable par le développement des réseaux d’énergie à l’échelle européenne.

Ainsi, à l’échelle nationale, les politiques ne sont pas financées au titre des mêmes programmes budgétaires et ne sont pas mises en œuvre par les mêmes services. Aucune conditionnalité écologique

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– et notamment celle des impacts sur la biodiversité - n’est intervenue a priori dans la définition du Mix énergétique national. Un choix qui est en outre fruit de négociations avec les grands énergéticiens, les territoires et les secteurs professionnels et se révèle une question «  très politique » selon la plupart des acteurs interrogés. Pour la période 2008-2020 : la biomasse a ainsi fait fonction de variable d’ajustement en raison de difficultés d’accords sur la production des MegaWatts nécessaires en électricité.

Néanmoins, l’Union Européenne n’écarte pas intégralement les enjeux de transversalité des thématiques à son échelle puisqu’elle assure un rôle d’appui aux Etats membres par la réalisation de guides sectoriels de la DG environnement, ainsi que par la diffusion de nouvelles lignes directrices adoptées par la Commission sur la mise en place de dispositifs de soutien aux EnR plus cohérents avec la protection de l’environnement. En outre, au-delà du respect des réglementations de protection de la biodiversité qu’elle édicte, l’UE impose également aux Etats membres la recherche d’une mise en cohérence des enjeux à travers la directive relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (ESIE) du 27 juin 2001, transposée au Code de l’environnement. Cette obligation d’évaluation concerne les plans et schémas dans le domaine de énergétique – ces derniers fixant un cadre dans lesquels des projets relevant de la directive évaluation des impacts environnementaux (EIE) s’applique notamment aux SRCAE (article R. 122-20 du code de l'environnement). Elle créé l’obligation pour les autorités adoptant le plan ou le schéma de produire une évaluation des impacts environnementaux potentiels de ce dernier et de la rendre accessible au public.

1.2.Une politique de développement économique aux impacts sur la biodiversité incertains

1.2.1. Une politique qui vise également à répondre à d’autres enjeux que le changement climatique

Le développement des EnR, s’il vise à permettre la réduction des émissions de Gaz à effet de serre et à atténuer ainsi le changement climatique participe également à des enjeux ne relevant pas de la protection environnementale. En effet, il fait partie de la réponse au problème de dépendance énergétique de l’Europe dans une période de raréfaction des hydrocarbures, d’augmentation tendancielle et de volatilité accrue des cours mondiaux, d’accroissement des tensions géopolitiques et de l’instabilité dans les régions traditionnellement productrices et enfin de remise en question du développement du nucléaire après l’accident de Fukushima. Il s’agit d’une préoccupation politique centrale pour l’UE et ses 28 Etats membres, leur consommation reposant en moyenne sur plus de 50% de sources importées depuis le début des années 2000. Elle l’est également pour la France qui a importé 48% de sa consommation énergétique en 2012, et dont le coût des importations énergétiques dépasse aujourd’hui le déficit commercial et atteint 3,4 % du Produit Intérieur Brut. En outre, un des trois piliers de la stratégie économique structurelle de l’UE repose sur la compétitivité dans le développement des technologies vertes. Dans le contexte économique mondialisé, l’UE mise ainsi sur son positionnement dans l’économie de la connaissance et des technologies à très haute valeur ajoutée pour garantir la croissance des économies européennes. Le développement des énergies renouvelables est ainsi une priorité affichée par la nouvelle Commission Juncker. Les infrastructures énergétiques étant visées au premier titre par le plan d’investissement de 300 milliards destiné à soutenir la relance de la croissance dans l’Union.

Bien que subventionnée, la production d’EnR devient de plus en plus rentable – c’est notamment le cas du bois énergie, de l’éolien et des projets de fermes solaires. Nous nous trouvons donc dans une situation de marché encore soutenu et sécurisé par de l’argent public qui permet aux acteurs privés de dégager des bénéfices et qui ouvre de nouvelles sources de financement aux collectivités locales. La création d’emploi généré par ces projets – bien qu’elle soit variable en fonction du type d’EnR développé – est la plupart du temps à la source de l’acceptation d’implantation, ou des initiatives de développement, locales. Les collectivités locales se sont ainsi emparées de l’enjeu du développement des EnR et l’utilisent comme un instrument de développement territorial.

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Pour l’ensemble de ces raisons, le développement des EnR semble aujourd’hui entré dans une phase de maturation et d’accélération, appuyée à l’échelle nationale par le projet de loi sur la Transition Energétique et la réforme de simplification du droit environnemental.

1.2.2. La montée en échelle du développement des ENR : un risque potentiel pour la biodiversité

Jusqu’à présent la question des atteintes portées à la biodiversité par le développement des EnR est restée marginale, comme en témoigne la soumission tardive des équipements éoliens à la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement (août 2011). Mais le caractère ambitieux des objectifs fixés et la dynamique d’intensification de leur développement conduit à reconsidérer cette problématique.

En effet, la montée en échelle de la production d’énergies renouvelables en France est par essence porteuse d’impacts potentiels sur la biodiversité plus importants. Aujourd’hui, les énergies renouvelables « traditionnelles » - hydroélectricité et combustion de biomasse, restent de loin les principales sources de production d’EnR en France et en Europe. Le bois-énergie a ainsi vocation à représenter la moitié de l’objectif des 23% d'EnR dans le mix énergétique national (20 millions de m3).

Figure 4 : Répartition des différentes formes de production d’énergie renouvelable en France (Source : Eurostat – Programme SHARES

Or ces deux énergies reposent sur une forte perturbation des écosystèmes hydrauliques et forestiers qui génère nécessairement d’importants impacts…

En outre, au-delà de la protection de certaines espèces et de certains habitats, la question des atteintes à la biodiversité reste encore un enjeu aux contours flous dont les multiples dimensions dépassent la structuration actuelle des politiques publiques. L’UE n’a ainsi mis en place de stratégie générale pour l’enrayement de la diminution de biodiversité seulement en 2001. Plus généralement, un important manque de connaissance et d’intégration culturelle de ces multiples enjeux sont invoqués comme frein à la prise en compte de cette dernière dans les politiques de développement.

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Dans un paradigme qui fait de la croissance économique la condition sine qua non du bon fonctionnement d’une société, la politique de développement des EnR pèse donc lourd face à la politique de protection de la biodiversité qui, bien que potentiellement génératrice d’emplois par la création d’un cadre réglementaire contraignant et de financements publics, reste une politique de conservation par essence – d’espaces dédiés sinon d’espèces.

La question de l’adaptation des instruments actuels de protection de la biodiversité au phénomène d’intensification du développement des énergies renouvelables mérite donc d’être posée. D’autant plus que le plan européen de protection de la biodiversité (2001-2010) n’a pas atteint ses objectifs et que le 1er objectif de la Stratégie de l’Union Européenne pour 2020 est d’atteindre la pleine application de la législation existante en matière de protection de la nature et des réseaux de réserves naturelles.

NB. Cela ne signifie pas pour autant que les enjeux environnementaux soient systématiquement minorés face aux enjeux énergétiques. Un important projet dans les DOM qui avait été sélectionné lors de l’appel à projets de la direction énergie du MEDDE a ainsi été annulé pour incompatibilité avec la Loi Littoral.

1.3.Un contexte budgétaire défavorable a une bonne intégration de l’enjeu biodiversité

1.3.1. Un contexte général de réduction budgétaire qui impacte particulièrement le MEDDE

Pour respecter le plan triennal d’économies de 50 milliards d’euros annoncé par le gouvernement, un effort de 1,8 milliards d’euros est demandé à l’ensemble des ministères dès 2015. Sur ces 1,8 milliards d’euros, la part de contribution du MEDDE s’élève à 410 millions d’euros, soit une baisse de 5,81% par rapport à son budget 2014. Cette baisse est d’autant plus significative que le périmètre d’action du ministère est resté inchangé et qu’elle est récurrente depuis 3ans : 

baisse du budget 2013 par rapport à 2012

(-8,8%)

baisse du budget 2014 par rapport à 2013

(-7%)

baisse du budget 2015 par rapport à 2014

(-5,81%)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

en million d'euros

Figure 5 : Recul constant du budget du MEDDE depuis 3 ans (Source : chiffres provenant du site du Sénat)

Au total, le MEDDE enregistre une baisse de crédits de 1,65 milliards d’euros depuis 2012. Parallèlement aux baisses de crédits, le MEDDE a connu la suppression cumulée de 1641 emplois en trois ans. Pour 2015, c’est une baisse de 723 emplois par rapport à 2014 qui est prévue. Ces baisses constantes en effectifs et en crédits au sein du ministère ne sont pas compensées à l’échelle territoriale

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puisque les administrations locales voient elles aussi leurs crédits gelés ou amputés dans ce même esprit de réduction des dépenses publiques.

Ce manque de moyen humain est invoqué par plusieurs interlocuteurs comme un handicap pour travailler en profondeur sur les questions de transversalité. Situation d’autant plus compliquée que, parallèlement à ces réductions d’effectifs, les objectifs à atteindre sont plus élevés notamment concernant la mise en œuvre de la transition énergétique.

1.3.2. Un cloisonnement budgétaire

Le lien entre biodiversité et projets EnR ne se traduit pas dans les lignes budgétaires. En effet, les crédits pour la biodiversité et pour l’énergie ne se trouvent pas dans les mêmes programmes. Ce cloisonnement budgétaire en dit long sur la manière de penser la place de la biodiversité dans les projets EnR. C’est le programme 113 « paysage, eau et biodiversité » qui sert de support aux politiques publiques de protection de la biodiversité. Ses crédits s’élèvent à 276 millions d’euros pour 2015 dont 75 millions consacrés à la connaissance et à la préservation de la biodiversité. Aucun crédit n’est alloué en 2015 au volet « Connaissance des écosystèmes » de son action 7.

Cette carence est néanmoins atténuée par les financements alloués au programme 159 « Information géographique et cartographique ». Les crédits de son action 1 « Production de l'information géographique » sont en effet en partie dédiés à des missions concernant « l'élaboration et la mise à jour, sur le territoire métropolitain, de l'inventaire permanent des ressources forestières, l'observation et la surveillance des écosystèmes forestiers, la diffusion des données d'inventaire sur les milieux forestiers, ainsi que la fourniture à l'État des éléments nécessaires à la formulation de la politique forestière nationale ». La réduction des emplois dédiés à ce programme est moins accentuée qu’en 2014, elle concernera 20 postes (sur 1631 postes).La politique des ENR est quant à elle largement soutenue par le grand emprunt dit « programme d’avenir » dont 2,3 milliards sont confiés à l’Ademe, opérateur en charge de l’innovation pour la transition écologique et énergétique.

1.3.3. Un coup de frein mis à la cartographie des territoires pour cause de manque de financement

Si l’on veut pouvoir intégrer l’enjeu biodiversité dans la politique des énergies renouvelables, une bonne connaissance de la biodiversité et notamment un diagnostic territorial apparait comme un nécessaire préalable. En effet, une mauvaise information sur la biodiversité ne peut que minimiser l’évaluation de leur impact environnemental. Dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, le ministère en charge de l’Écologie, a initié un vaste programme de cartographie au 1/25 000 des habitats terrestres sur l’ensemble du territoire métropolitain. L’ampleur de la tâche est considérable et les financements manquent. Faute de moyens, la réalisation du projet « CarHAB » a donc été ralentie et sa publication initialement prévue en 2015 a été reportée. Ce projet devait être un outil de connaissance puissant mais aussi une aide à la décision. A l’heure actuelle, cette démarche a été reprise par des ONG et des collectivités sur une procédure volontaire.

1.3.4. Un manque de visibilité sur le financement de l’Agence Française de Biodiversité

En période de restriction des finances publiques, la démarche de co-construction, de mutualisation des moyens et de groupement d’intérêt peut s’avérer judicieuse. La création d’une Agence Française de Biodiversité est ainsi vue d’un bon œil par nombre d’acteurs. Issue du rapprochement de structures déjà existantes, elle regroupera l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), les Parcs nationaux de France, l'Agence des aires marines protégées et l'Atelier technique des espaces naturels (Aten). Elle doit également intégrer la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Structure de référence, elle sera capable de mobiliser les financements et de multiplier les partenariats avec les collectivités. L’examen de la loi a cependant pris du retard et la question du périmètre exact de l'Agence et de son financement doit encore être débattue devant le Parlement. Elle serait pour le moment financée par la taxe affectée aux agences de l’eau et le budget de l’Etat.

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1.4.Une intégration de l’enjeu biodiversité dépendant du type d’Energie renouvelable

1.4.1. Des impacts de nature différente

Concernant les énergies électriques, l’enjeu biodiversité concerne les ouvrages proprement dits mais aussi le réseau de distribution. Le développement des EnR induit en effet un agrandissement et une réorganisation du réseau électrique. Or, sur 82 000 km de couloir de ligne RTE, seulement 10% sont situés en zones urbaines ou périurbaines. Le reste des infrastructures de transport traversent des zones agricole (70%) ou boisées (20%) tandis que près de 15 000 km de couloirs de lignes traversent des espaces naturels protégés dont 48% sont des sites d’intérêt communautaire (Natura 2000). Si le caractère intermittent de la production d’ENR demande un développement conséquent de ces réseaux, ces ouvrages de transports étaient déjà confrontés depuis longtemps aux enjeux biodiversité. En plus de minimiser leur impact en les enterrant, RTE s’est même penché sur une possible conciliation positive avec la biodiversité. En effet, de façon indirecte, la construction de réseaux électriques libère des espaces non constructibles qui peuvent être propices au développement de corridors écologiques.

Concernant la filière bois-énergie, la situation est différente. La question de l’impact sur la biodiversité de l’exploitation forestière est nouvelle. L’activité productive dépend elle-même des milieux vivants et son impact sur la biodiversité n’est pas lié à une artificialisation brutale telle qu’une imperméabilisation des sols par des constructions. L’enjeu repose sur une bonne gestion des ressources forestières sur le long terme qui tienne compte du cycle sylvogénétique de la forêt. Le volume de bois prélevé ne doit pas dépasser l’accroissement naturel de la forêt et il faut veiller à laisser des branchages au sol qui participent à la qualité de la terre. Les principaux risques qui pèsent sur la biodiversité sont une mobilisation de nouveaux compartiments, le prélèvement des bois morts, l’augmentation des fréquences des interventions ou une modification de la structure et de la composition des peuplements.

1.4.2. Des réglementations plus ou moins matures

Selon les types d'énergies renouvelables, la réglementation est plus ou moins avancée. A titre d’exemple, la reconnaissance même dans le code de l’urbanisme et dans le code de l’environnement des systèmes photovoltaïques ne date que de 2009. Le décret du 19 novembre 2009 les mentionne spécifiquement et évite ainsi toute assimilation à d’autres structures telles que les châssis. En outre, aucun plan similaire au SRE n’existe pour le photovoltaïque, constatation d’autant plus étonnante que le développement du photovoltaïque rencontre les même problématiques d’artificialisation des territoires qui justifieraient une mise en cohérence des différents projets.

Force est de constater qu’aujourd’hui l’enjeu biodiversité est fortement atténué dans le développement éolien tandis qu’il reste très important dans le photovoltaïque. Les centrales solaires exercent, en effet, une pression importante sur la consommation d’espaces naturels. Privilégier leur installation sur des surfaces déjà artificialisées pourrait apparaître comme une solution mais cela supposerait de mettre en place une règlementation incitative qui fixe des principes prioritaires d’implantation et pousse les acteurs à collaborer. Comme le recommande déjà un certain nombre de DREAL, les sites à privilégier

de façon plus prescriptive seraient les friches industrielles, les anciennes carrières, les zones industrielles ou artisanales.

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Figure 6 : Exemple d’ombrières mises en place sur un parking de d’hypermarché E. Leclerc à Saint-Aunès

En plus de limiter l’emprise sur les espaces naturels, une telle règlementation aurait l’avantage de réduire la distance entre le lieu de production de l’électricité et son lieu de consommation et donc de limiter les pertes dues à l’effet joule. Des diagnostics territoriaux en matière de biodiversité seraient aussi de bons préalables afin d’éviter que de telles centrales soient installées sur des sites à forte valeur environnementale.

1.4.3. Des conflictualités/acceptabilités des projets différentes

La démarche d’intégration des enjeux environnementaux est plus poussée concernant l’éolien car c’est une énergie très contestée. Les conflits sur le terrain et les recours quasi systématiques obligent à chercher des synergies entre les enjeux. A l’inverse, dans le domaine du bois-énergie, la biodiversité n’est pas soulevée comme un obstacle au développement de ces ENR. Reposant sur une exploitation traditionnelle de la nature, elles suscitent peu d’opposition sociale. Cette différence de contestation peut s’expliquer par les différences entre le monde professionnel dans la production d’électricité ou dans la production de chaleur. Dans la filière bois-énergie, il s’agit généralement de démarches locales, soutenues par les élus et qui mobilisent le tissu économique local. Ce sont des ENR endogènes au territoire. A l’inverse, le photovoltaïque et l’éolien font intervenir des investisseurs et des développeurs souvent exogènes au territoire qui ont une logique d’action industrielle à plus grande échelle. Au-delà du critère endogène/exogène, l’impact visuel sur le paysage est un autre facteur de contestation qui frappe particulièrement l’éolien. Au regard de cet important problème d’acceptabilité, le développement des fermes solaires apparaît nécessaire à la politique EnR nationale, or il n’existe pour l’instant aucun principe d’implantation prioritaire sur des espaces artificialisés de ces dernières. Elles pourraient ainsi venir grossir les rangs des multiples facteurs d’artificialisation des sols.

1.4.4. Pistes de Réflexion 

La connaissance des enjeux locaux de biodiversité est un préalable indispensable à la durabilité de chacune des filières. Ce n’est qu’en fonction des connaissances sur la biodiversité locale que l’on peut procéder par élimination et choisir le meilleur emplacement. Pour les énergies électriques, il faut prioritairement limiter l’emprise des ouvrages sur les espaces naturels et éviter les couloirs de migration. Ces énergies doivent, par ailleurs, être pensées en synergie avec l’aménagement du territoire. Un modèle d’urbanisme qui favorise les phénomènes d’étalement urbain ou de mitage du territoire obligera par exemple à multiplier les infrastructures réseau. Pour le bois-énergie, enfin, il est important de conserver une mosaïque des milieux tout en maintenant une continuité spatiale et temporelle des habitats. De manière générale, il faut développer une approche écosystémique d’analyse des enjeux de biodiversité.

2.La prise en compte de la biodiversité dans la planification et la réglementation

2.1.Un manque de planification dans la politique de développement des énergies renouvelables ?

Étant donné que la planification du développement des énergies renouvelables sur le territoire n'est pas établie au niveau national mais au niveau régional à travers les schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) et les schémas régionaux éoliens (SRE), et qu'il n'y a pas de planification dédiée à la mise en

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cohérence de ces schémas entre eux, on peut se demander si cette planification n'est pas partielle et si elle ne risque pas de promouvoir un développement des énergies renouvelables tous azimuts au risque de ne pas laisser de place à la biodiversité.

2.1.1. Les risques sur la biodiversité liés au manque de planification

Aujourd'hui les énergies renouvelables et leurs consommations d'espace n'en sont encore qu'à un stade de développement embryonnaire. En plus d'avoir une incidence sur la mortalité des populations de chiroptères et d'oiseaux vivants à leur proximité, les parcs éoliens constituent à certains égards des ruptures dans les couloirs de migration des oiseaux, voire des chiroptères. En l'absence d'une planification intégrant la biodiversité suffisamment en amont de la chaîne de décision (au-delà de l'échelle des SRCE et de la cartographie interactive CARMEN) et à un stade de développement plus avancé des énergies renouvelables on peut se demander comment les schémas régionaux vont réussir à prévenir une rupture des continuités écologiques majeures.

D'autre part, outre la prolifération des projets d'énergies renouvelables qui risquent d'accaparer beaucoup d'espace au détriment de la biodiversité, ce sont aussi les effets cumulatifs de ces projets qu'il faut réglementer. La réglementation européenne de 2011 fait référence aux impacts cumulatifs des projets de développement sur la biodiversité. Cependant, les schémas de planification liés au développement des énergies renouvelables ne traitent pas des impacts cumulatifs, notamment car en l'état des connaissances actuelles on ne sait pas encore les calculer.

Piste de réflexion : Ne devrait-on pas aller vers une politique de développement des énergies renouvelables plus planifiée ?

2.1.2. Difficultés de planification

Des documents de planification non contraignants

Selon la Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, les schémas régionaux doivent, à l’instar les autres plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, faire l'objet d'une évaluation environnementale lors de leur élaboration et adoption. Les incidences de la mise en œuvre des SRCAE sur la biodiversité, par exemple, sont, en effet, bien prises en compte dans les rapports d'évaluation environnementale des SRCAE et dans les SRCAE eux-mêmes. Cependant, il ne s'agit pas d'obligations mais seulement d'orientations qui ne garantissent en rien que la biodiversité va être effectivement intégrée au développement des projets d'énergies renouvelables, puisque les SRCAE ne sont pas prescriptifs. Il avait été envisagé que les SRCAE deviennent prescriptifs avec la loi NOTRe mais cette proposition a été finalement rejetée. Si les SRCAE avaient plus de poids juridiquement, les acteurs – collectivités et développeurs - seraient forcés de les prendre plus en compte.

En outre, seule la planification du développement de l'éolien a un volet prescriptif. En effet, seuls les SRE sont prescriptifs et leurs prescriptions elles-mêmes sont peu restrictives dans la mesure où elles se limitent à l'identification des zones favorables au développement éolien. Ces zones ont plus une fonction d'orientation des projets vers le gisement de vent que de restriction du développement éolien à un périmètre. En effet, les zones indiquées comme étant favorables à l'éolien sont tellement nombreuses que l'on a l'impression qu'il n'y a pas de limites au développement de cette énergie sur le territoire. De ce fait, on peut questionner la pertinence d'un zonage. Les SRE ne garantissent donc pas la prise en compte de la biodiversité dans le développement des projets éoliens.

Piste de réflexion : Ne devrait-on pas rendre les SRCAE contraignants et les SRE plus restrictifs ?

Des documents de planification non cohérents entre eux

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La politique de développement des énergies renouvelables s'affiche comme une politique planifiée en brandissant l'arsenal des nombreux schémas d'orientation et de planification dans laquelle elle s'inscrit. Pourtant, aucun mécanisme n'est mis en oeuvre pour vérifier que la somme des schémas régionaux correspond bien aux objectifs de production énergétique nationaux.

2.1.3. Les opportunités de planification

Vers de nouveaux schémas de planification énergétique

Le projet de Loi de Transition Ecologique impose l'obligation d’élaborer des schémas régionaux biomasse. Ceci pourrait être l'occasion d'une meilleure planification de la filière bois-énergie et d'une prise en compte plus en amont de ces impacts sur la biodiversité.

Vers de nouveaux schémas intégrateurs?

Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, présenté au Conseil des ministres du 18 juin 2014 annonce la mise en place de futurs schémas régionaux d'aménagement et de développement durable des territoires (SRADDT). En concaténant un certain nombre de schémas régionaux existants, notamment les SRCAE, les SRADDT apparaissent comme un levier pour mettre en cohérence la planification du développement des énergies renouvelables. En effet, si les recommandations apportées par la mission du CGEDD de contribution aux discussions menées dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTR) sont prises en compte pour la mise en place des futurs SRADDT, ces schémas pourraient pousser à une prise en compte de la biodiversité dans une planification à la fois régionale et nationale. D'une part, la mission du CGEDD recommande "de doter les futurs SRADDT, d'indicateurs de suivi permettant notamment d'évaluer leur contribution aux politiques nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de lutte contre l'artificialisation des sols1" car la mission considère que "de tels indicateurs permettraient à l'État de réagir, après concertation locale, par tout moyen approprié, afin d'éviter que telle région bénéficie indûment des efforts accomplis par les autres pour l'atteinte des objectifs nationaux communs2", et, d'autre part "que l'évaluation environnementale des futurs SRADDT soit effectuée par une autorité de niveau national". Cela permettrait sans doute d'avoir une vision plus globale des impacts de la politique de développement des énergies renouvelables sur la biodiversité.

Cependant, étant donné que le SRADDT ne fait que regrouper les différents schémas d'une même région, l'adoption de ce schéma intégrateur ne résout en rien le problème de cohérence entre les schémas des différentes régions. Si la mise en cohérence ne se fait qu'au niveau intra-régional et pas au niveau inter-régional, comment garantir une solidarité entre les régions capable d'éviter que la biodiversité ne soit sacrifiée dans certaines régions qui ont plus de mal que d'autres à concilier l'atteinte des objectifs de développement d'énergies renouvelables avec la préservation de la biodiversité. Par ailleurs, on peut se demander en quoi la concaténation des différents schémas d'une région garantit la mise en cohérence de ces schémas.

En outre, si l'idée de sortir du millefeuille administratif pour tendre vers un document unique et prescripteur est jugée bonne par la majorité des parties prenantes, sa mise en œuvre rencontre pour l’instant quelques difficultés. Premièrement, il ne sera pas évident de mettre en cohérence les différents schémas étant donné que des documents cadres diffèrent selon les régions (thèmes, mode d'élaboration, durée, force juridique, articulation avec les documents infra et supra-territoriaux, gouvernance, mode d'approbation), et que certaines régions qui sont déjà dotées de schémas plus intégrateurs et plus prescriptifs ont rencontré des difficultés lors de leur élaboration (SDRIF en Île-de-France, SAR dans les DROM, PADDUC en Corse). La mise en cohérence des volets climat, air et énergie a déjà constitué un travail énorme dans l'élaboration des SRCAE alors on peut imaginer la 1 Conseil général de l'environnement et du développement durable, Le futur schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire : un schéma régional intégrateur ?, décembre 2014.2 op. cit. p. 2

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difficulté à regrouper plusieurs SRCAE au sein d'un même schéma. En effet, il a fallu deux ans d’études préliminaires pour l'élaboration des SRCAE. Par ailleurs, étant donné que les SRCAE ne sont pas prescriptifs, rien ne garantit que les nouveaux SRADDT le soient. Ensuite, comment être sûr que la prise en compte de la biodiversité ne soit pas évacuée de ces futurs schémas intégrateurs si les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) n'en font pas partie ? En effet, selon le rapport de la mission d'évaluation du CGEDD, le projet de loi NOTRe relative aux schémas intégrateurs ne mentionne pas le SRCE. Toutefois, on peut aussi se demander si le SRCE n'a pas été écarté du dispositif pour ne pas être noyé et perdre en force prescriptive ou de persuasion en étant intégré dans un schéma plus vaste. D'autre part, la transversalité requiert plus une évolution dans les manières de travailler que dans la vision politique de l'intégration de la biodiversité dans la politique de développement des énergies renouvelables. Or le développement de la transversalité tient encore souvent d'un effet d'affichage. Le sujet de la transversalité des stratégies de développement avec la préservation de la biodiversité émerge à peine en France. Seulement quelques services étatiques précurseurs comme le service réseaux et énergies renouvelables de l’ADEME, poussent à une intégration transversale de la politique biodiversité dans les autres politiques. Par ailleurs, la difficulté à prendre en compte la biodiversité dans la politique de développement des énergies renouvelables tient également du manque de culture biodiversité. Ainsi au-delà, de l'intégration de la biodiversité dans la politique de développement des énergies renouvelables par une amélioration de la planification, c'est à un travail d’intégration culturelle, sémantique de l’enjeu auquel faudrait sans doute s'atteler. Enfin, s'il existe une culture des énergies renouvelables comme énergies "propres" du point de vue de l'environnement par rapport aux énergies non renouvelables puisqu'aidant à lutter contre le changement climatique, il reste sans doute à créer une culture des énergies renouvelables comme énergies pouvant néanmoins avoir des impacts sur la biodiversité.

Piste de réflexion : Ne devrait-on pas aller plus loin dans la prise en compte de la biodiversité au niveau régional en intégrant les SRCE dans les futurs SRADDT, et même en imposant aux futurs SRADDT un rapport de comptabilité avec le SRCE ?

2.1.4. Quelle est la bonne échelle de planification pour intégrer au mieux la biodiversité dans les projets d'énergies renouvelables ?

Le choix actuel d'une planification à l'échelle régionale

Les schémas de planification à différentes échelles se multiplient s’entrecroisent et perdent de leur efficacité et de leur pertinence. D’après l’étude du Réseau Action Climat (RAC) « Quelle gouvernance territoriale pour la transition énergétique », l’échelon régional et celui du bassin de vie sont présentés comme les plus judicieux pour développer les filières d’énergies renouvelables. Ces échelles sont à la convergence du développement de politiques adaptées aux territoires dans un objectif d’efficacité et de pertinence de l’action publique. La loi POPE et les deux lois Grenelle ont mis en exergue l’exigence de ces deux niveaux fondamentaux de gouvernance « climat-énergie ». Le bassin de vie, selon l’INSEE, est « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements et à l’emploi ». Selon la DATAR, il s’agit d’un « territoire présentant une cohérence géographique, sociale, culturelle et économique, exprimant des besoins homogènes en matières d’activités et de services ». Il correspond, en milieu urbain, à la Communauté urbaine ou d’agglomération élargie aux communes et intercommunalités alentours. En milieu rural, il s’agit de l’échelle du Pays, voire dans certains cas du Parc Naturel Régional. L’échelon régional constitue quant à lui le niveau adéquat pour l’articulation et la coordination des différents bassins de vie, entre centres urbains et territoires ruraux alentours afin d’assurer une planification de la production et de l’approvisionnement. Selon le RAC, la politique de développement des énergies renouvelables repose donc sur une évolution de la gouvernance actuelle avec les caractéristiques suivantes :

- les niveaux européens et nationaux fixent le cadre global et les grandes orientations tandis que l'État se recentre sur ses missions essentielles dont les normes nationales et les polices de l’environnement ;

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- les régions et les collectivités territoriales acquièrent plus de compétences dans l’application des directives et l’action publique. Le bloc de compétences climat-énergie intercommunal doit notamment comprendre l’habitat, l’énergie et l’environnement. La région se retrouve avec plus de souplesse pour adapter les règlements nationaux pour les rendre plus ambitieux et/ou plus cohérent avec le contexte local.

D'autre part, si l'échelle régionale semble pertinente pour planifier le développement des énergies renouvelables c'est aussi parce qu'il s'agit de l'échelle pour laquelle il existe aujourd'hui le plus de données sur l'état de la biodiversité. Enfin, le niveau régional comme échelle de prédilection semble se confirmer dans la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) prévoient de faire des régions les chefs de file dans le domaine de la biodiversité.

Quid d'une échelle de planification plus globale ?

D'une part, une planification nationale voire transfrontalière présente l'avantage d'offrir une vision plus globale des impacts du développement des énergies renouvelables sur la biodiversité et ainsi de rendre possible une gestion intégrée de la biodiversité très en amont du processus de décision. D'autre part, ce type de planification sécurise le développement des projets en aval, en permettant d'éviter le plus possible la contestation locale et les recours. Cette méta-planification engendrerait certes des coûts supplémentaires, mais elle permettrait également de réaliser des économies par la suite notamment si les filières sont plus performantes et si elles sont moins dépendantes des subventions publiques. Par ailleurs, si le porteur de projet est chargé de fournir les études d'impact en aval, c'est à l'État qu'il revient de planifier l'intégration de la biodiversité dans le développement des énergies renouvelables en amont, notamment puisque c’est l’Etat qui est responsable devant l’Union européenne de l’atteinte des objectifs, en attendant l'application concrète de la loi MAPTAM donnant plus de prérogatives aux régions. Enfin, une planification nationale permettrait de tenir compte des capacités énergétiques inégales entre régions et de la probabilité qu'il y ait plus d'impact sur la biodiversité si une région à faible potentiel énergétique essaye d'atteindre des objectifs énergétiques trop ambitieux.

Si la planification des énergies renouvelables devait se faire au niveau national et qu'elle devait mieux prendre en compte les enjeux de biodiversité, cette planification pourrait prendre la forme d'un schéma national des énergies renouvelables prescriptif reprenant certaines des orientations de la politique nationale de trames vertes et bleues. Toutefois, il faudrait vérifier au préalable à l'élaboration d'un tel schéma qu'il existe des enjeux biodiversité spécifiques qui nécessitent des orientations au niveau national. En effet, d'une part, il faut pouvoir justifier ce type de planification qui semble aller à l'encontre du développement des énergies renouvelables pensé comme une politique locale donnant plus de poids aux régions, et, d'autre part, parce qu'il n'y a peut-être pas d'impacts avérés sur la biodiversité d'ampleur nationale pour toutes les énergies renouvelables. Mais c'est le cas de l'éolien qui a des impacts sur les espèces migratrices. On pourrait donc envisager que ce schéma national des énergies renouvelables soit prescriptif seulement pour les enjeux biodiversité d'envergure nationale. Piste de réflexion : Ne devrait-on pas ajouter à la planification régionale des énergies renouvelables existante une planification à l'échelle nationale ?

Le projet CarHab : levier pour une planification nationale

En contribuant  à améliorer la connaissance de la biodiversité remarquable et ordinaire nationale (surface, distribution spatiale et évolution), le projet CarHab, initié par le MEDDE, en coordination avec le MNHN, rendrait possible une planification de la politique des énergies renouvelables à l'échelle nationale intégrant la biodiversité. En effet, jusqu'ici c'est surtout au niveau régional qu'on dispose du plus connaissances sur la biodiversité et ce programme offre la possibilité d'étoffer les connaissances au niveau national grâce à la production d'une carte au 1/25 000 ème des habitats naturels et des végétations de la France métropolitaine.

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Ainsi, la prise en compte de la biodiversité dans la planification de la politique des énergies renouvelables pâtit du manque de cohérence entre les différents schémas régionaux et du manque de suivi entre le niveau national et le niveau régional. Toutefois, il existe un certain nombre de leviers à déployer pour remédier à cette situation (schémas intégrateurs, planification nationale, projet CarHab). Par ailleurs, si l'étude de la planification aux échelles nationale et régionale donne un bon aperçu de la prise en compte de la biodiversité dans la politique des énergies renouvelables, c'est également au niveau des projets que l'on peut en mesurer l'enjeu. Nous allons donc voir comment la politique de développement des énergies renouvelables peut prendre en compte la biodiversité via les études techniques et la réglementation, qui toutes deux offrent des opportunités à saisir.

2.2.La règlementation environnementale et les bioindicateurs : solutions techniques au développement ?

2.2.1. Explication de la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement

Les éoliennes et l’exploitation du bois-énergie comportent des nuisances sur l’environnement. Concernant l’éolien (Péguin, 2014), les impacts sur la biodiversité se concentrent régulièrement sur les taxons des oiseaux et des chiroptères, qu’ils soient nicheurs ou migrateurs. Des impacts ponctuels peuvent apparaitre lors d’un défrichement, où l’écosystème forestier peut être impacté ou encore lors de la création de nouvelles dessertes, où les continuités écologiques peuvent être diminuées. Concernant la biomasse, les impacts environnementaux liés à la filière sont :

- la perturbation des écosystèmes forestiers si une exploitation intensive du bois énergie est pratiquée ;

- la destruction ou perturbations et dérangements temporaires de la faune dans les zones de repos, de reproduction ou d’alimentation ;

- l’appauvrissement des sols causé par l’exploitation des rémanents forestiers ;- le risque sanitaire dû à l’utilisation d’engrais et risque d’érosion.

L’objectif est donc de minimiser l’impact sur la biodiversité dans le développement de ces projets d’énergie renouvelable. En France, la construction d'un parc éolien et d’une structure de bois-énergie est soumise à une réglementation précise : celle des Installations Classées pour l’Environnement (ICPE), datant de 1976 et réactualisée en 2011 concernant les éoliennes. La procédure est exhaustive, comportant des études de faisabilité, un dossier d'étude d'impact, éventuellement un dossier d'étude d'incidences Natura 2000, l'obtention d'une autorisation de défrichement et/ou d'une dérogation "espèces protégées". Le schéma en annexe 3 présente la procédure et les dossiers réglementaires devant répondre à la conciliation des enjeux de biodiversité par la politique de développement des Energies Renouvelables. Le calendrier de développement d’un projet ICPE avec ses procédures est fourni en annexe 4. Le raisonnement des différentes évaluations environnementales reprennent la même ossature. A titre d’exemple, la procédure d’évaluation des incidences sur les sites Natura 2000 est fournie en annexe 5.

2.2.2. Les problèmes issus de la procédure

Une redondance importante entre les dossiers

Les projets d’énergie renouvelable doivent respecter plusieurs codes comme le code de l’urbanisme ou le code du travail (cf. Figure 7). La multiplication des dossiers et autorisations alourdit les démarches administratives, allonge la durée des procédures d’instruction et complique le financement des projets. Surtout, la production de dossiers papiers est tellement importante que les services instructeurs (DREAL) passent plus de temps à vérifier la conformité réglementaire qu’à étudier la maîtrise des risques environnementaux liés aux projets. De plus, les vices de procédures et les opportunités de développer des contentieux sont plus nombreux, et bien souvent hors de la problématique même de la maîtrise des impacts environnementaux.

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Une étude de réduction d’impact mais pas d’étude d’opportunité du projet

La maîtrise des risques environnementaux par le projet d’énergie renouvelable est assurée lors de la réalisation de l’étude d’impact environnemental. Toutefois, bien que le projet assure de limiter son impact sur l’environnement, l’étude du bien-fondé du projet pour le territoire en lui-même et donc de la proportionnalité des atteintes environnementales par rapport aux avantages économiques et sociaux générés est souvent très limitée. On la retrouve en aval des procédures lors des cas de demande de dérogation au titre des espèces protégées ou d’impacts sur des zones Natura, notamment. Ces demandes de dérogation concerneraient 1/5 des dossiers ICPE (1000 sur 5 à 6 000 études d’impacts par/an).

Approche espèces et approche écosystémique – Effets cumulatifs d’un projet

A ce jour, l’étude d’impact environnemental aborde peu la question des effets cumulatifs des projets sur un territoire. Ceci est dû au manque de connaissances dans le domaine et la faible expérience de ses acteurs. Le niveau de compétences tend à progresser. En prenant l’exemple de la biomasse, une production trop intensive conduit à une dégradation de l’écosystème forestier. Concernant l’éolien, c’est la prolifération des projets qui peut engendrer une rupture dans les interconnexions d’écosystèmes que l’on ne peut appréhender à la seule échelle du projet. Ainsi se pose le problème des effets cumulatifs des projets et de l’approche à privilégier pour maîtriser les risques environnementaux.

2.2.3. Les opportunités d’amélioration de la procédure

A - Le certificat de projet et l’autorisation unique : simplification du droit de l’environnement

Evolution en cours   : Au niveau national, une expérimentation est réalisée – celle du certificat de projet. Les deux textes instigateurs sont l’ordonnance n°2014-356 du 20 mars 2014 et le décret n° 2014-258. Selon le rapport afférent à l’ordonnance, le certificat présente l’intérêt de cristalliser le droit applicable pendant deux ans et bénéficiera aux décisions prises en matière d’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité (titre 1er, Livre III du code de l’énergie), de IOTA (loi sur l’eau, art. L. 214-1 et suivants du code de l’environnement), de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées (art. L.411-1 du code de l’Environnement) et d’incidences sur les sites Natura 2000 (art. L.414-1 du Code de l’Environnement). A terme, l’intérêt de réaliser un certificat de projet est de clarifier les règles de droit applicables au projet en développement en amont des études techniques, ainsi qu’une clarification des délais de réponse de la part des autorités administratives. Le certificat de projet est donné au porteur de projet après que celui-ci ait présenté les caractéristiques du projet et présenté une évaluation environnementale légère préalable.

Concernant l’autorisation unique demandée après le certificat de projet, elle "rassemblera, autour de la procédure d'autorisation ICPE, toutes les autres autorisations relevant de l'Etat qui peuvent, le cas échéant, être nécessaires pour un même projet, soit l'autorisation ICPE elle-même, le permis de construire, l'autorisation de défrichement, la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ou l'autorisation au titre du code de l'énergie", synthétise Philippe Martin, ancien Ministre de l’Ecologie. Elle entend provoquer une « fusion-absorption » des différentes autorisations réglementaires. Les procédures de développement de projet seront donc plus rapides, le risque de contentieux diminué et la facilité d’information du public sur la maîtrise des risques environnementaux clarifiée. Cela ouvre alors une opportunité pour traiter des problématiques environnementales plus en amont des projets. Par exemple, en phase de recevabilité, les demandes d’accord requis (Aviation civile, Architectes des Bâtiments de France) sont demandées au même titre que l’avis consultatif du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) le cas échéant. Cela permet d’enlever l’incohérence actuelle qu’une autorisation ICPE peut être fournie alors même qu’il y a des impacts résiduels sur les espèces protégées. L’objectif est donc double : pouvoir refuser

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rapidement un projet qui a peu de chances d’aboutir et intégrer les problématiques de biodiversité plus en amont (cf. Annexe 6).

Au niveau européen, la Commission de l’environnement a soutenu une proposition pour actualiser la législation de l’Union Européenne dans le but de rendre les évaluations d’impact sur l’environnement plus claires, d’y intégrer la biodiversité et le changement climatique, et d’impliquer le public. L’objectif sous-jacent est, à l’instar de l’évolution au niveau national, d’éviter les conflits d’intérêts. Le texte conclu a été adopté ce mercredi par 46 voix pour, 8 voix contre, et 2 abstentions.

Piste de réflexion : Selon nous, l’évolution en cours est bonne. Elle pourrait être améliorée en réalisant une étude d’opportunité en amont du certificat de projet et rendre conséquemment l’étude d’impact la pièce centrale de l’autorisation unique, prouvant le bien-fondé – ou l’intérêt général – du projet et que le préfet devrait accepter en amont de la réalisation du projet. Le bien-fondé se baserait sur l’intérêt économique, social et environnemental qu’a le territoire – à l’échelle du bassin de vie – de voir ce projet se réaliser. L’opportunité économique pourrait être calculée sur la base de la réponse aux besoins locaux du projet ainsi que le niveau de retombées à court et moyen terme. Les parties sociales et environnementales reprendraient potentiellement le modèle de l’étude stratégique environnementale, qui se fait sur l’éolien marin. Cette étude scellera la date de gel de la réglementation par le certificat de projet et entérinera le début de la procédure d’autorisation unique. Basé sur le modèle du code de l’urbanisme et de la procédure de déclaration de projet (art. L.121-2 du Code de l’Urbanisme), l’acceptabilité socio-environnementale serait renforcée et la réponse aux besoins territoriaux explicitée. Au sein de l’autorisation unique, l’ensemble des impacts environnementaux, les mesures envisagées et l’explicitation au public devraient se concentrer sur l’étude d’impact. En rendant cette pièce centrale dans la procédure d’autorisation, les impacts seraient mieux identifiés et tous recensés dans une même étude. Un résumé non technique de l’étude d’impact est quant à lui indispensable.

B - L’approche écosystémique pour calculer les effets cumulatifs d’un ensemble de projets sur le territoire

Evolution en cours : En termes d’approche à privilégier, deux types existent dans la gestion de l’environnement : l’approche espèce, plus communément usitée et l’approche écosystémique. Dans le cadre des autorisations de procédure ICPE, l’approche espèce est largement utilisée. Elle répond bien aux impacts des éoliennes sur les chauves-souris ou les oiseaux. Toutefois, elle ne peut s’appliquer sur les projets de biomasse lorsque l’ensemble de l’écosystème forestier est impacté. Ainsi, une approche écosystémique, reprenant les interconnexions d’un écosystème au sens large, contribuera à prendre mieux en compte les risques d’impact des projets sur l’environnement.

Piste de réflexion : Selon nous, le développement de l’approche écosystémique est une évolution importante pour la prise en compte de la biodiversité dans tous les secteurs. Favoriser une approche écosystémique dans l’étude d’opportunité serait donc un atout. En effet, la mise en lumière des interconnexions fonctionnelles et biologiques en amont du projet réduirait le risque d’impact environnemental. Conséquemment, elle provoquerait une prise en compte des effets cumulatifs des projets, dont les interconnexions seraient rendues visibles. La décision des porteurs de projets et des autorités administratives s’en verrait facilitée pour autoriser la poursuite de la procédure d’autorisation unique. La détermination des interconnexions fonctionnelles se ferait conjointement entre les porteurs de projets – qui seront tenus d’être avertis sur l’effet global de leur projet -, les services techniques des collectivités territoriales et les autorités environnementales régionales pour coordonner l’action publique.

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Figure 7 : Schéma explicatif de l'approche écosystémique (Production personnelle)

C- Les bio-indicateurs pour assurer le suivi écologique des projets

Evolution en cours   : La maîtrise des impacts environnementaux n’en est qu’à ses balbutiements . Il est primordial de pouvoir capitaliser sur des projets réussis dans l’abord des enjeux environnementaux. Pour cela, il existe un besoin en termes d’indicateurs environnementaux de la qualité des projets. Ces indicateurs doivent être sélectionnés pour anticiper les effets potentiels, évaluer les impacts et juger a posteriori de la qualité des mesures d’évitement, réduction et compensation d’impact, et réorienter si besoin le développement. La Stratégie Nationale pour la Biodiversité propose d’ailleurs une série de 27 indicateurs de suivi, susceptibles d’évoluer en fonction du progrès des connaissances. 3 types d’indicateurs existent : Les indicateurs de suivi pour évaluer les impacts, les indicateurs de prévision pour anticiper les effets potentiels et les indicateurs globaux. Les indicateurs de prévisions prennent en compte la résilience d’un habitat, la connectivité ou l’insularité de l’écosystème. Ils se limitent à des indicateurs de pression devant être robustes, fiables et représentatifs d’un impact potentiel. Les indicateurs globaux se résument à la surface occupée, qui peut s’apparenter à l’empreinte écologique. Cette dernière dépend par ailleurs de la biocapacité de l’écosystème.

Piste de réflexion   : Il serait intéressant de déterminer des bio-indicateurs pour chaque filière et encourager la cartographie. Concernant l’éolien, ces indicateurs devraient être de l’ordre du suivi de la mortalité des oiseaux et des chauves-souris et la capacité de déplacement de ces derniers à une échelle territoriale plus globale, ou « multi-projets ». Des études scientifiques concernant les carrières ICPE existent en se basant sur ce principe (la diversité génétique de crapaud calamites sur les sites est révélateur de leur capacité de dispersion et donc de l’effet de coupure écologique des carrières). Un équivalent pourrait être réalisé pour l’éolien. Concernant la filière bois-énergie, des indicateurs de la qualité des sols et de la valeur écologique de l’écosystème forestier devraient être mis au point. Ils pourraient s’inspirer de l’indice IBQS (Indice Biologique de Qualité des Sols) et de l’indice IBP (Indice de Biodiversité Potentielle pour calculer la capacité d’accueil du projet , cf. Annexe 7). Des indicateurs traiteront de l’imperméabilisation des sols ou encore de la durabilité de la gestion forestière choisie. Les indicateurs peuvent être déterminés dans les études en amont et être ensuite modélisés et cartographiés pour assurer un suivi a posteriori. L’activité de cartographie des habitats sur le territoire, comme promue à l’échelle Européenne via Corine Biotopes et Corine Land Cover, devrait être poussée au niveau national. Le programme CarHab devrait être mené à bien pour être ensuite intégré aux outils de planification et leur assurer une approche – aujourd’hui trop centrée sur l’espèce – écosystémique plus importante.

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2.2.4. Conclusion sur la réglementation et les indicateurs

Afin d’améliorer la mise en place de projets d’énergie renouvelable et assurer la conciliation des enjeux de biodiversité, une recommandation globale de procédure est donnée ci-après. En vert, les améliorations sont d’ordre global, celles en orange les opportunités que nous identifions par notre étude et les indications en noir sont les améliorations en cours d’application actuellement et les conséquences des modifications qu’elles entrainent.

Figure 8 : Recommandation d'une procédure pour améliorer la mise en place de projets d’énergie renouvelable et assurer la conciliation des enjeux de biodiversité (Production personnelle)

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Conclusion

Les réformes actuelles : entre opportunités, occasions manquées et menaces

La loi NOTRe devrait bientôt imposer la réunion des schémas régionaux dans le SRADDT. S’il est probable qu’il s’agisse d’une juxtaposition formelle plus que d’une véritable intégration, leur proximité pourrait souligner des contradictions éventuelles et pousser progressivement à une plus grande mise en cohérence.   

Néanmoins, alors que nombre d’acteurs ont évoqué l’importance d’un schéma régional opérationnel et prescriptif, les intérêts politiques entourant la réforme territoriale semblent en passe de triompher de cette idée dans les débats parlementaires entourant le projet de loi. Le principe d’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre apparaît extrêmement difficile à remettre en cause.

Il serait ainsi intéressant d’imposer une conformité des SRCAE aux SRCE, qui devraient eux-mêmes être conformes aux grandes orientations nationales sur les continuités écologiques.

La réforme en cours de la réglementation ICPE, en allégeant la procédure et en faisant de l’étude d’impact environnemental la pièce maîtresse de l’autorisation, pourrait contribuer à revaloriser l’enjeu biodiversité auprès des développeurs ainsi que des services déconcentrés, notamment du Préfet. Néanmoins l’esprit sous-jacent à cette réglementation serait plutôt à rechercher dans une logique d’accroissement de l’activité économique. Il est donc possible que cette réforme n’apporte pas de plus grande prise en compte de l’enjeu biodiversité, voire  minore ce dernier avec la caution du nouveau système éviter, réduire, compenser, dont la mise en œuvre reste encore incertaine. Reste à savoir comment les acteurs s’empareront de ces nouveaux instruments.

Ensuite, la création de l’Agence française de la biodiversité, en dotant la protection de la biodiversité d’un acteur national unique disposant de prérogatives d’accompagnement des territoires par l’expertise et le financement, constitue un indéniable atout dans la diffusion des bonnes pratiques, dans la mise en cohérence des actions territoriales et plus généralement dans la place dévolue à cet enjeu au sein des politiques publiques. Néanmoins, des incertitudes importantes demeurent quant à l’ampleur du financement qui sera finalement dévolu à cette dernière ainsi que sur la réelle intégration de structures aux logiques d’actions différentes.

Enfin, le projet CarHab semble également une opportunité pour améliorer les connaissances sur la biodiversité au niveau national et pour permettre d'organiser une planification à une échelle plus globale que celle qui prévaut aujourd'hui.

Nos pistes de réflexion

La disparité des politiques régionales de développement des énergies renouvelables et de protection de la biodiversité ainsi que l’existence d’enjeux de biodiversité transrégionaux - continuités écologiques, couloirs de migration … - appellent au renforcement des orientations nationales de protection de la biodiversité passant par une planification nationale des énergies renouvelables. Cette planification pourrait être laissée à la charge du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie à l’échelle nationale. Elle pourrait prendre la forme d’un schéma national des énergies renouvelables tenant compte des orientations TVB et qui serait prescriptif au moins pour les enjeux de biodiversité d'envergure nationale. Elle pourrait autrement prendre appui sur de nouveaux SRADDT qui seraient prescriptifs et qui seraient conformes aux orientations nationales de la politiques trames vertes et bleues.

Au-delà de la réorganisation de la planification de la politique des énergies renouvelables, c'est également une culture de la biodiversité qu'il faudrait développer. La politique des énergies renouvelables est associée à une politique environnementale de lutte contre le changement climatique.

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De ce fait ses impacts sur la biodiversité ont tendance à être justifiés voire minimisés. Il est donc important de maintenir un point de vigilance sur les enjeux de biodiversité.

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CHAPITRE III :

Gestion de l’eau en France : la biodiversité coule-t-elle de source ?

Charlotte ALESSIOLiza BEUNEL

Thomas DELAGEMathilde DELAUNAYMamadou KARAMA

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Introduction

Lors du Colloque organisé en l’honneur des 50 ans de la Politique de l’eau en France en Octobre 2014, la Ministre de l’Ecologie Ségolène Royal rappelle que « la gestion de l’eau a longtemps été appréhendée sous l’angle réducteur des seuls « usages de la ressource » : irrigation, santé publique, voies navigables, risques naturels… À partir de la loi de 1964, cette approche sectorielle de l’eau a progressivement évolué vers une gestion plus intégrée, équilibrée et durable, de ce bien commun, nécessaire pour garantir la préservation des milieux aquatiques et de la biodiversité qu’ils abritent ». En effet, bien que certains fondements de la politique de l’eau remontent au XVIème siècle, les grands principes sur lesquels repose la politique actuelle de l’eau en France sont hérités de la Loi de 1964 qui instaure une gestion de cette ressource naturelle par bassin versant. Pourtant, à cette époque, la prise en compte de la biodiversité dans la politique de l’eau reste encore marginale et non-inscrite dans le droit français. Il faut attendre la Loi « pêche » de 1984 et la Loi sur l’Eau de 1992 pour que la notion de préservation des milieux aquatiques puis des zones humides soit enfin actée dans le droit. Par ailleurs, c’est à cette même période, lors de la Conférence des Nations Unies de Rio de Janeiro, qu’est consacré pour la première fois le terme de « Biodiversité ». Les diverses lois et directives qui succèderont à cette première Loi sur l’Eau telles que la Directive-cadre sur l’eau (DCE) du 23 Octobre 2000 ou encore la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 Décembre 2006, viendront compléter ce contexte national préexistant déjà dense. Alors que la DCE a donné une cohérence d’ensemble à une législation européenne très dense sur le domaine de l’eau, la LEMA a rénové l’ensemble de la politique de l’eau en France et permis la création de l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), acteur aujourd’hui central dans le contexte national. La récente annonce par le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (MEDDE) de créer une Agence Française de la Biodiversité (AFB) et le rapport de la Cour des Comptes sur le fonctionnement des agences de l’eau en France amènent à s’interroger sur l’évolution de la place de la biodiversité dans les politiques de l’eau et ses impacts possibles sur les politiques publiques mais témoignent aussi, et surtout, de l’intérêt de se pencher aujourd’hui sur une telle problématique.

Cette interrogation fait écho à un constat que nous avons effectué lors d’une étude préalable sur un dossier environnemental en Côte-d’Or (Bourgogne), qui portait sur les enjeux et conflits autour de l’opportunité d’arasement d’anciens ouvrages hydroélectriques situés sur l’Armançon et sur la Bèze (communes de Semur-en-Auxois et de Bèze). En effet, à partir des enjeux et problématiques relevés autour de la mise en œuvre locale de la politique de l’eau, il s’agissait, dans cette deuxième phase, de porter ces réflexions à une échelle nationale voire européenne. Face au constat d’une difficulté de prise en compte des enjeux de continuité écologique –- et donc de préservation de la biodiversité –- au niveau local, nous avons choisi d’étudier la politique de l’eau sous l’angle de la biodiversité, et plus particulièrement de sa prise en compte progressive par les acteurs du « monde de l’eau » et de son intégration dans le droit français. Notre problématique est ainsi la suivante : De la protection de la ressource à la protection de l’habitat : quels impacts de ce changement de paradigme sur la politique de l’eau en France ?

Pour bien comprendre les tenants et aboutissants de cette étude, il convient d’apporter quelques éléments de précision au postulat de départ. Par l’expression « de la protection de la ressource à la protection de l’habitat », nous y associons l’évolution de l’esprit de la politique de l’eau constatée au terme des divers entretiens réalisés lors de l’étude en Côte-d’Or. En effet, bien que centrée sur des enjeux de gestion de la ressource en eau potable (assainissement, bassins d’alimentation de captage) à ces débuts, elle évolue peu à peu vers une gestion plus systémique de la ressource « eau », notamment par une prise en compte des écosystèmes avec lesquels elle interagit. Ce changement de paradigme correspond en réalité au passage d’une gestion centrée sur le petit cycle de l’eau (assainissement, adduction en eau potable) vers le grand cycle de l’eau (milieux aquatiques et pollutions diffuses) selon la terminologie des agences de l’eau. Dans cette nouvelle approche de la politique de l’eau, les actions en faveur de la biodiversité sont portées de manière assumée directement au travers de la politique de protection et entretien des milieux aquatiques, mais aussi de manière plus indirecte dans les politiques

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de réduction des pollutions diffuses. Toutefois, nous avons choisi de ne pas nous centrer sur cette dernière thématique en raison d’une part, de l’absence d’entretiens auprès d’acteurs du monde agricole et d’autre part, par nécessité de prioriser les thématiques abordées (exigences pédagogiques et temps disponible pour réaliser cette étude).

Le changement de paradigme précédemment évoqué constituera le fil rouge de cette étude et des interrogations auxquelles nous tenterons de répondre dans trois parties distinctes. Tout d’abord, ce changement de paradigme est-il concomitant à une loi ou bien a-t-il eu lieu de manière plus progressive au cours des soixante dernières années ? Quels sont les acteurs qui l’ont porté ? Ensuite, comment ce changement de paradigme a-t-il été perçu par l’ensemble des acteurs du monde de l’eau ? Quelles ont été et sont les mises en œuvre effectives de cette prise en compte de la biodiversité dans les politiques par ces mêmes acteurs ? Enfin, quel avenir pour la biodiversité et l’eau dans un contexte de rapprochement de ces deux politiques ?

Pour répondre à ces questions, nous avons appuyé nos propos sur les recherches bibliographiques et les entretiens réalisés au cours de ces quatre derniers mois (depuis la fin de la précédente phase et de la restitution orale organisée en novembre 2014). Nos lectures ont porté sur des ouvrages académiques et scientifiques, des rapports officiels ainsi que sur des articles de sites institutionnels et ministériels. En parallèle de ces recherches, nous avons rencontré des acteurs au sein de plusieurs institutions impliquées dans l’élaboration de la politique de l’eau à l’échelle nationale voire européenne et/ou dans la mise en œuvre des politiques publiques. Nous avons ainsi réalisé des entretiens semi-directifs d’environ une heure et demie auprès d’une vingtaine de personnes appartenant aux structures suivantes : le Comité National de l’Eau (CNE), l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), la Fédération de pêche du département de Côte-d’Or, l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), France Nature Environnement (FNE), la Direction Générale de l’Environnement de la Commission Européenne, le Service de Protection de la Nature (SPN) du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), l’Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN), le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (MEDDE), le bureau d’étude AScA ainsi que des personnalités telles qu’un blogueur ou encore un préfigurateur de la future Agence Française de la Biodiversité (AFB). Toutefois, nous n’avons pu rencontrer des acteurs du monde agricole faute de réponse à nos sollicitations. Ce rapport se propose de croiser l’ensemble de ces sources d’information au travers de notre propre regard d’analyse de la problématique et sur la base de réflexions personnelles. Toutefois, compte tenu des consignes pédagogiques pour la rédaction de ce rapport et de l’étendue du sujet et des analyses possibles, il n’a en aucun cas la prétention de à se montrer exhaustif. En effet, nous n’y abordons que les résultats les plus pertinents au vue de notre problématique et des questions sous-jacentes.

1.RETROSPECTIVE : Le changement de paradigme, de la création des agences de l’eau à la DCE et la LEMA

Les processus qui gouvernent les politiques publiques sont régis, comme beaucoup d’autres domaines, par la définition, l’acceptation et la succession de paradigmes. Un paradigme peut être défini comme un ensemble de faits, de règles et de méthodologies qui forme le cadre conceptuel de toute discipline. Un paradigme se fonde sur une accumulation d’accomplissements passés et sur un système de valeurs qui fait consensus au sein d’un groupe (scientifiques, sociologues, acteurs de politiques publiques…) ; il guide et oriente les travaux menés au sein de ce groupe. L’adhésion à un paradigme permet de résoudre des problèmes, mais ouvre également des perspectives, fournit le point de départ d’autres travaux (Kuhn, 1962). Il existe toujours des problématiques qui ne peuvent pas être résolues par le paradigme admis à un moment donné, et le nombre de ces problématiques augmente avec le temps. Il est alors nécessaire d’ajuster la théorie pour qu’elle puisse englober les nouvelles observations. Lorsque les ajustements nécessaires sont trop nombreux, la théorie et les règles sont remises en cause. C’est alors que s’opère un changement de paradigme.Pour notre présente étude, nous faisons le postulat qu’un changement de paradigme a eu lieu dans les politiques publiques de l’eau en France : nous serions passés, au cours des soixante dernières années,

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du paradigme de la « protection de la ressource en eau » à celui de la « protection des milieux aquatiques ». Cette première partie sera consacrée à la description de ce changement de paradigme, et à l’analyse de ses composantes à travers le prisme d’une rétrospective historique des politiques de l’eau en France depuis les années 1960. Nous verrons dans quelle mesure et sur quelles bases il nous est possible de faire le constat d’un changement de paradigme en faveur de la biodiversité dans les politiques de l’eau.

1.1.Rôle des agences de l’eau à leur création en 1964

Pendant la période dite des « Trente Glorieuses », la France connaît à la fois une forte croissance économique et une expansion démographique importante. Une volonté de modernisation du pays prédomine au sein des politiques publiques (Narcy, Chevillotte et Poux, 2010). La croissance économique amène à une explosion des besoins pour l’industrie et l’indépendance énergétique du pays (nucléaire…). Alors que la population de plus en plus nombreuse est demandeuse d’une eau potable de qualité, la croissance démographique constitue justement l’une des causes d’une augmentation de la pollution de l’eau.Pour pouvoir assurer le projet de modernisation de la France tout en tentant de gérer les problèmes de qualité des eaux, sont créées les agences financières de bassin dans le cadre de la Loi sur l’eau de 1964. Au nombre de six, ces agences ont chacune la responsabilité de la gestion d’un ou plusieurs bassin(s) versant(s) : Adour-Garonne, Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Loire-Bretagne, Rhône-Méditerranée-Corse, Seine-Normandie. Plus particulièrement, elles fixent le montant des redevances percevables auprès des usagers de l’eau (pour le prélèvement ou la pollution) et redistribuent ces redevances auprès des maîtres d’ouvrage. Les agences sont associées à des Comités de bassin, qui mettent en place des programmes quinquennaux d’intervention.A cette époque, les termes de « milieux aquatiques » ou de « biodiversité » sont absents des discours politiques et des règlementations. Les problématiques liées à la pollution de l’eau sont appréhendées uniquement par le prisme de l’augmentation de la demande en eau potable. Les préoccupations des gestionnaires de l’eau d’intervenir dans la gestion des espaces et des milieux aquatiques restent peu exprimées (Narcy, 2004).En 1974, le Comité national de l’eau rédige le Livre blanc de l’eau en France, qui constitue la synthèse des six Livres blancs de l’eau des six bassins (1970). Deux registres d’action importants sont identifiés; d’une part, la gestion quantitative de l’eau pour ses différents usages dans un contexte de pression croissante sur la ressource (« traitement des eaux [pour les] rendre aptes aux usages auxquels on les destine », « réseau de distribution », « bilan ressources-besoins »…), d’autre part, la lutte contre les pollutions domestiques et industrielles (« stations d’épuration », « indicateurs chimiques »). Ces registres d’action s’accompagnent d’une vision utilitariste des ressources naturelles qui, n’étant pas inépuisables, doivent être protégées. Les préoccupations de gestion des espaces en tant que milieux aquatiques sont absentes. Les rivières sont considérées comme de simples axes fournissant une ressource en eau. Pour lutter contre les inondations par exemple, le Livre blanc préconise la construction de structures physiques comme les digues et les barrages.

1.2. Amorce d’un changement de philosophie, prise de conscience et évolution du vocabulaire dans les lois

Les nouvelles connaissances produites par la recherche scientifique, ainsi que leur diffusion efficace auprès des acteurs de l’eau, vont peu à peu faire pencher la balance en faveur de la gestion des milieux aquatiques. En premier lieu, il est démontré les milieux aquatiques sont fragiles et qu’ils disparaissent de façon accélérée depuis les années 1960 ; que la pollution de ces milieux est causée en partie par le ruissellement pluvial provenant des villes, dans un contexte d’augmentation des pollutions dues aux nitrates et aux pesticides. D’autre part, il s’avère que les inondations peuvent être fortement limitées si on fournit aux eaux un « espace de liberté », si les crues peuvent s’épandre naturellement dans le lit majeur de la rivière. Enfin et surtout, les scientifiques démontrent que les zones humides ont un important rôle de régulation des flux polluants. Il existe des espaces générant des flux (tels que les surfaces agricoles) et d’autres types d’espaces qui sont en mesure de réguler ces flux ; c’est le cas des zones humides. Ces dernières deviennent alors fondamentales aux yeux des gestionnaires de l’eau, au-

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delà de leur patrimoine écologique exceptionnel (Narcy, 2004). Même si l’essentiel du budget des agences (plus de 80%) reste consacré à la gestion des flux et de la pollution, la gestion des espaces et milieux aquatiques commence à être perçue comme un levier d’action pour une meilleure gestion de l’eau en tant que ressource.Au niveau législatif, la loi de 1976 relative à la protection de la nature marque une évolution du cadre législatif en faveur d’une meilleure protection de la nature (AScA, 2013), en déclarant que « la protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles… sont d’intérêt général ». La Loi « pêche » de 1984 est la première à évoquer les « milieux aquatiques » et la « protection du patrimoine piscicole ». Le souhait est émis de pouvoir prévenir les dommages faits aux milieux plutôt que d’agir a posteriori (amendes), et une Police de la Pêche est instaurée qui a le pouvoir de contrôler préalablement les activités susceptibles d’avoir un impact sur la ressource piscicole en les soumettant à autorisation.

1.3.Une accélération du changement de paradigme : la Loi sur l’eau de 1992 et la Loi « Barnier » de 1995

La Loi sur l’eau de 1992 prévoit la mise en place de Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), complétés à un niveau plus local par des Schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Les SDAGE et SAGE fixent les orientations des actions en faveur de la gestion de l’eau et sont coordonnés par les six agences, renommées en 1992 « Agences de l’eau ». Les SDAGE approuvés en 1996 comportent des recommandations générales sur la nécessité et l’importance de prendre en compte les milieux aquatiques – et plus seulement l’eau en tant que ressource caractérisée par des paramètres physico-chimiques – dans les planifications de gestion. Avec cette loi qui désigne l’eau comme étant un constituant du « patrimoine commun de la Nation », la notion de préservation des milieux aquatiques et des zones humides est actée dans le droit. Les différents « usages de l’eau » (assainissement et évacuation des déchets, eau potable, production d’énergie, pêche et navigation, activités de loisir...) définis historiquement seraient en réalité tous liés d’une manière ou d’une autre à un usage des milieux. La prise de conscience est forte, la philosophie des acteurs du monde de l’eau centrée sur une approche sectorielle et cloisonnée de l’eau s’oriente vers un principe de gestion plus intégrée (Narcy, 2004).Le changement de paradigme va se renforcer au fil des différents SDAGE et programmes d’intervention des agences de l’eau. En 1995, la loi dite « Barnier » soumet la gestion des milieux aquatiques aux grands principes du droit de l’environnement (précaution, action préventive, réduction des pollutions à la source, Principe Pollueur Payeur), entérinant ainsi la place des zones humides et des milieux aquatiques au sein de l’ensemble des espaces naturels à protéger et à gérer de façon durable.

1.4.Un nouveau paradigme admis depuis les années 2000

En 2000, c’est au niveau européen qu’est impulsée une très forte dynamique en faveur de la prise en compte de la biodiversité, avec l’adoption de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE). La DCE donne la priorité à la protection de l’environnement et à une utilisation durable de l’eau. Cette loi ambitieuse a pour particularité, par rapport aux précédentes lois nationales, d’avoir des objectifs précis et chiffrés en termes de résultats pour l’atteinte du « bon état écologique » des masses d’eau : eaux douces superficielles, mais également eaux souterraines, estuariennes et côtières (site web du MEDDE). Le « bon état » des cours d’eau implique de bons résultats en termes de paramètres physico-chimiques, mais aussi en ce qui concerne les indicateurs biologiques, qui permettent d’évaluer la santé écologique du milieu aquatique : « indice diatomées », « indice poissons rivières », Indice Biologique Global Normalisé rendu compatible avec les exigences de la DCE (IBG-DCE, qui donne une note sur 20 et prend en compte plusieurs espèces d’invertébrés)… (Bouleau, 2007). De plus, la notion de « bon état » est directement liée aux objectifs de réduction des impacts causés sur les milieux par les pollutions diffuses.L’adoption de la DCE n’est pas considérée par la majorité des acteurs interrogés comme initiatrice du changement de paradigme évoqué précédemment, mais elle a probablement « inscrit dans le marbre la

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notion de bon état écologique »3. Cette notion, intuitivement facile à appréhender, est moins évidente lorsqu’il s’agit de mettre en place une stratégie d’actions précises pour l’atteinte des objectifs qui lui sont associés4. Cependant, il paraît clair que le bon état écologique fait poser des questions d’écologie, d’habitats naturels et de biodiversité. Depuis la DCE, aucun retour en arrière ne s’est opéré ; la nécessité de prendre en compte les milieux et habitats – et donc la biodiversité – dans la mise en œuvre des politiques de l’eau s’est ancrée dans la conscience collective, en particulier celle des gestionnaires de l’eau5.La Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA), adoptée en 2006, découle notamment de la DCE qui a été transposée en droit français par la Loi du 21 avril 2004. Elle rénove le cadre global défini par les Lois sur l’eau de 1964 et de 1992 et apporte de nouvelles orientations, telles que l’objectif d’atteinte du bon état des cours d’eau fixé par la DCE et l’importance de la prise en compte de l’adaptation au changement climatique dans la gestion des ressources en eau. Surtout, la LEMA consacre la transformation du Conseil Supérieur de la Pêche (CSP) en l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), acteur national fondamental chargé de coordonner et d’accompagner la mise en œuvre des politiques de l’eau en France, en accord avec le nouveau paradigme admettant la prise en compte de la biodiversité aquatique et la protection des habitats. Pour résumer cette rétrospective, la préoccupation des acteurs du monde de l’eau pour la protection des milieux a été amorcée dans les années 1970 et 1980, mais elle s’est ancrée dans les modes de pensée à partir des années 1990. Au cours de cette décennie et de la suivante, l’élaboration des lois et les actions mises en place pour la gestion de l’eau découlent directement de ce changement de philosophie dans les politiques de l’eau. Aujourd’hui est parfaitement admis le paradigme qui accorde une importance primordiale à la gestion de l’eau prenant en compte les milieux, les habitats, leurs caractéristiques écologiques et la biodiversité qu’ils accueillent. Il y a donc bien eu un changement de paradigme de la « protection de la ressource » à la « protection des habitats » qui s’est effectué progressivement, mais dont l’évolution a connu des phases d’accélération parallèlement à l’adoption de différentes lois relatives à la gestion de l’eau depuis les années 1990, notamment la Loi sur l’eau de 1992, la DCE et la LEMA.Nous allons voir dans la suite de notre étude comment cette évolution dans les perceptions s’est traduite effectivement dans la mise en œuvre d’actions en faveur de la biodiversité au sein des politiques de l’eau.

2.BILAN CRITIQUE : La prise en compte de ce changement de paradigme par les acteurs et les usagers de l’eau

Si la biodiversité tend effectivement à être mieux mise en avant à travers les législations successives sur la politique de l’eau en France (cf. Partie I), il convient toutefois de se demander comment cette évolution de la philosophie de politiques publiques est réellement prise en compte par les acteurs des politiques de l’eau ? A cet égard, il semble pertinent d’analyser la place faite aux enjeux de biodiversité dans l’action des agences de l’eau, chargées de la mise en œuvre de la politique de l’eau dans les circonscriptions des différents bassins hydrographiques. Ces dernières, à travers les Comités de bassin puis leurs conseils d’administration (composés de représentants de l’Etat, des collectivités locales et des usagers économiques et non économiques de l’eau), votent dans le respect des directives européennes et des orientations nationales leurs programmes d’intervention et les budgets qui y sont associés, sur une base pluriannuelle. La mise en œuvre réelle d’un changement de paradigme, tel qu’étudié ici, dépend donc pour une grande part de la compréhension qu’en ont ces acteurs et de leur volonté de s’y consacrer.

3 Entretien du 13 janvier 2015 avec un représentant de l’Irstea4 Entretien du 23 janvier 2015 avec un représentant de l’Irstea5 Entretien du 7 janvier 2015 avec des représentants de l’ONEMA

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2.1.La biodiversité dans l’action des agences de l’eau : quelle mise en œuvre effective?

Nous avons choisi dans cette analyse de nous appuyer sur différents documents, tels que les SDAGE 1996-2001 et 2010-2015 des agences Rhône-Méditerranée-Corse et Seine-Normandie, les Programmes d’intervention des agences (7ème, 8ème, 9ème et 10ème Programmes de l’Agence de l’eau RMC), et les Jaunes budgétaires des agences de l’eau publiés annuellement dans le cadre du Projet de Loi de Finance (disponibles pour les années 2006 à 2015, ce qui correspond aux rapports d’activité pour les années 2004 à 2013). Ces documents sont publics mais n’existent pas pour la plupart en version numérisée, et sont très difficiles à se procurer. Il convient donc prendre en compte ces limites d’accessibilité dans l’appréciation de l’analyse qui suit.  

2.1.1. Les mots de la biodiversité: analyse sémantique des orientations des SDAGE

Pour évaluer cette prise en compte de la biodiversité par les acteurs, nous avons choisi de réaliser une analyse sémantique des intitulés des grandes orientations des SDAGE de 1996-2001 et 2010-2015 pour deux agences de l’eau : Rhône-Méditerranée-Corse (AERMC) et Seine-Normandie (AESN). Notre choix s’est porté sur ces deux agences pour deux raisons principales, la première étant leurs approches différentes de la gestion de l’eau à l’échelle du bassin versant. En effet, l’AERMC fut précurseur d’une conception intégrant davantage le grand cycle de l’eau – et par conséquent la question de la biodiversité notamment par la protection des milieux – tout en réalisant également des actions en faveur du petit cycle. En revanche, l’AESN s’est, quant à elle, principalement centrée sur ce petit cycle de l’eau et les problématiques d’eau potable et d’assainissement6. La deuxième raison relève de nos impératifs pédagogiques et du temps dont nous disposions pour réaliser cette étude sur la biodiversité et les politiques de l’eau. Par ailleurs, les périodes 1996-2001 et 2010-2015 nous ont paru pertinentes pour percevoir l’évolution ou non de cette prise en compte après deux évènements clefs : la Loi sur l’eau de 1992 et la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) de 2000. Il convient de préciser que la présente étude sémantique porte uniquement sur l’analyse des expressions et termes employés dans les intitulés des grandes orientations de ces quatre SDAGE. Autrement dit, nous avons analysé la thématique générale (au travers des termes utilisés) de chacune des orientations qui ont ainsi été classées selon cinq grandes catégories, à savoir celles relevant du grand cycle de l’eau (dimension milieux et pollutions diffuses), du petit cycle de l’eau (eau potable et eaux usées), à la fois du grand et du petit cycle de l’eau, et enfin celles relevant d’autres problématiques (gouvernance, transmission des connaissances scientifiques, etc.).

De manière générale et dans les SDAGE 2010-2015 des deux agences, la présence d’un sous-titre rappelant l’objectif premier de la DCE « vers le bon état des milieux aquatiques » et « pour un bon état des eaux en 2015 » traduit la relative influence de cette directive sur ces documents de planification. Par ailleurs, nous avons pu constater un réel changement dans la mise en forme de ces documents, désormais plus colorés et illustrés. Mais cette évolution soulève alors une question : l’affichage sur les couvertures de l’objectif de la DCE ne relève-t-il pas de la simple communication ? Cette volonté de prendre en compte les objectifs de la DCE se traduit-elle également dans les orientations qui sont prises pour la période 2010-2015 ? Pour y répondre, il convient de se pencher plus précisément sur les intitulés des grandes orientations de ces SDAGE et les termes utilisés.

Un résultat fort surprenant de cette analyse est tout d’abord la part très importante des orientations en faveur de la politique de protection et d’entretien des milieux aquatiques. En effet, quelle que soit l’agence ou la période, plus de 50% d’entre-elles sont orientées vers le grand cycle (dimension milieux). Ce constat pourrait s’expliquer par le caractère nouveau et émergent de cette problématique et cette volonté des acteurs de développer des actions en faveur de ces milieux et de sensibiliser le public sur une thématique complexe. D’autre part, le rééquilibrage des orientations vers les problématiques de pollutions diffuses dans les SDAGE 2010-2015 des deux agences trouve peut-être

6 Entretien consultant AScA

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racine dans l’adoption de la DCE et la mise à l’agenda des politiques des objectifs de résultats en matière de bon état écologique des masses d’eau.

Pour l’AERMC, l’évolution dans la sémantique des intitulés des orientations est très faible. En effet, dès le SDAGE de 1996-2001 y figure l’objectif de « restaurer ou préserver les milieux aquatiques remarquables » ou encore celui de « respecter le bon fonctionnement naturel des milieux ». En effet, parmi les dix orientations, cinq portent sur le grand cycle et la problématique des milieux aquatiques contre seulement une sur le petit cycle de l’eau. L’AERMC affirme ainsi, dès les premiers SDAGE, des préoccupations fortes pour la préservation et la restauration des milieux aquatiques, positionnement également présent dans le SDAGE 2010-2015 (6 orientations sur 14) où figurent des orientations telles que « prendre en compte, préserver et restaurer les zones humides «  et « agir sur la morphologie et le décloisonnement pour préserver et restaurer les milieux aquatiques ». L’apparition de l’expression « espèces faunistiques et floristiques » ou du terme « zone humide » dans le SDAGE 2010-2015 traduit également cette prise en compte de la biodiversité par les acteurs locaux dans les outils de planification de la politique de l’eau et cette volonté de tenir compte de la diversité des milieux aquatiques existants (adapter des mesures à des types de milieux aquatiques spécifiques). Ainsi, bien que la prise en compte de la biodiversité semblait déjà acquise dans le SDAGE 1996-2001, elle devient plus marquée et plus visible dans celui de 2010-2015, principalement au travers de la mise en forme du document et peu dans la répartition des proportions des orientations. Une tendance à la baisse (-7,1%) est effectivement constatée au profit d’orientations plus centrées sur la thématique des pollutions diffuses (+ 18,6%). Bien que ce constat ne remette pas en cause cette prise en compte plus importante de la biodiversité dans les politiques de l’eau, il montre néanmoins cette volonté des acteurs de prendre en compte les milieux dans leur ensemble et les atteintes subies par les activités humaines.

Pour l’AESN, la période 1996-2001 est fortement marquée par des orientations en faveur du grand cycle (milieux) et donc une prise en compte forte dès le départ des milieux aquatiques. En revanche, la période 2010-2015 permet un rééquilibrage des orientations entre les problématiques milieux et pollutions du grand cycle. En effet, bien que plusieurs orientations soient consacrées à la préservation des milieux aquatiques, nombreuses sont celles qui traitent des pollutions diffuses sous toutes leurs formes « réduire les pollutions des milieux aquatiques par les substances dangereuses » ou encore « réduire les pollutions microbiologiques des milieux » (substances dangereuses, pollutions agricoles, domestiques et industrielles…) et du petit cycle. Ainsi, l’observation des proportions relatives montre une baisse notable de la question des milieux (-10,6%) au profit de celle des pollutions diffuses (+ 11,2%) entre les SDAGE 1996-2001 et 2010-2015.

Deux conclusions peuvent être alors tirées de cette analyse. Le premier, c’est le constat d’une présence forte d’orientations en faveur du grand cycle et de la problématique de protection des milieux aquatiques quelle que soit la période ou l’agence considérée. Le second, c’est le rééquilibrage des orientations entre les deux axes du grand cycle, notamment après l’adoption de la Directive Cadre sur l’Eau. En effet, les préoccupations des Comités de bassin semblent désormais s’orienter vers les atteintes à la ressource en eau et particulièrement vers les pollutions diffuses (Figure 9).

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Figure 9 : Prise en compte de la biodiversité au travers de l’analyse sémantique des intitulés des orientations des SDAGE de l’AESN et de l’AERMC (Source : SDAGE AESN et AERMC, production

personnelle)

2.1.2. Les programmes d’intervention des agences: quelle progression de la biodiversité?

Il ressort clairement de l’organisation du budget des agences de l’eau la volonté d’augmenter les fonds alloués au grand cycle de l’eau. En effet, le principe comptable de fongibilité asymétrique établi en France par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) permet aux agences d’utiliser les crédits à l’origine prévus pour la connaissance, le fonctionnement et le petit cycle de l’eau afin d’alimenter la ligne budgétaire du grand cycle7. En revanche l’inverse est impossible. Toutefois, malgré ce mécanisme comptable, quelle est l’évolution réelle des budgets alloués par les agences de l’eau au grand cycle, et plus particulièrement à la préservation, la restauration et l’entretien des milieux aquatiques ?

De manière générale, il ressort de l’analyse des programmes d’intervention et des jaunes budgétaires des agences de l’eau que les budgets consacrés à la restauration et la mise en valeur des milieux aquatiques ainsi que leur proportion dans le budget total ont effectivement augmenté depuis les années 1990. En effet, la comparaison des lignes budgétaires des autorisations de programmes de l’AERMC de 1997 à 2018 (Figure 10) montre que les montants consacrés à la restauration des milieux aquatiques n’a cessé d’augmenter, doublant presque entre le 9ème et le 10ème programme. Par ailleurs, la part de ces aides dans le total des aides est passée de 4,88% pour le 7ème programme à 11% pour le 10ème programme, selon une augmentation constante. Toutefois, il convient de noter que la culture de l’AERMC semble être forte sur les milieux aquatiques comparativement à d’autres agences8. L’analyse des jaunes budgétaires communs aux six agences de l’eau (Figure 11) permet, dans une certaine mesure, de corriger ce biais pour la période plus récente 2007-2012, en ce sens où elle montre bien une augmentation globale des montants affectés à la réalisation des objectifs en termes de restauration des milieux aquatiques.

7ème programme1997-2001

8ème programme2002-2006

9ème programme2007-2012

10ème

programme

7 Entretien du 26 janvier 2015 avec des représentants de la sous-direction de l’action territoriale et de la législation sur l’eau au MEDDE. 8 Entretien du 26 février 2015 avec un consultant du bureau d’étude AScA

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2013-2018Aides consacrées à la restauration des milieux aquatiques

525 MF (1996) 64 M€ 244,7 M€ 414 M€

Part des aides consacrées à la restauration des milieux aquatiques

4,88 % 5,51 % 7,77 % 11 %

Total des aides 10 750 MF (1996) 1162 M€ 3153,9 M€ 3654 M€

Figure 10 : Aides à la restauration des milieux aquatiques dans les programmes d’intervention de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (1997-2018) (Source : Programmes de l’AERMC,

production personnelle)

Il est également possible de constater une augmentation en termes de taux d’aides accordés pour les études et investissements relatifs à la restauration des milieux aquatiques, toujours pour l’AERMC. En effet, alors que les travaux de restauration et de mise en valeur des milieux aquatiques bénéficiaient dans le 7ème programme d’un taux d’aides de 35% (pouvant cependant monter à 90% pour les travaux expérimentaux, à 40% pour le financement des structures de gestion et d’entretien ou encore à 60% pour les études), ce taux est monté à 50% dans les 9ème et 10ème programmes. Les travaux relatifs à la continuité écologique et les acquisitions de terrain dans le cadre de la protection des zones humides bénéficiaient même d’un taux d’aides de 80% dans ce dernier programme.

Sur une période plus récente, l’évaluation de la progression de la biodiversité dans l’action des agences peut également s’évaluer à partir des résultats concrets de cette politique. En effet, suite à l’adoption des 10èmes programmes des agences de l’eau (2007-2012), une batterie d’indicateurs de pilotage a été mise en place dans le cadre des contrats d’objectifs afin de suivre la réalisation des priorités établies. Nous avons relevé dans le cadre de cette étude les indicateurs relatifs à la politique de restauration des milieux aquatiques, à savoir : le linéaire de berge restauré ou entretenu, les zones humides bénéficiant d’un financement, et le nombre d’ouvrages aidés en vue d’être rendus franchissables (Figure 11). Si le kilométrage de berges entretenues est relativement stable, les budgets qui y sont alloués augmentent sensiblement entre 2007 et 2012, passant de 34 à 57 millions d’euros. La surface de zones humides faisant l’objet d’un financement a également augmenté, passant de 19 000 à 36 000 hectares environ sur la même période, avant de diminuer à nouveau fortement à partir de 2013. Les budgets augmentent pour leur part de manière moins manifeste, passant de 20 à 29 millions d’euros. Enfin, la progression la plus évidente concerne la mise en œuvre des enjeux de continuité écologique à travers l’aménagement des ouvrages. En effet, le nombre d’ouvrages rendus franchissables est passé de 59 à 377 entre 2007 et 2013. Cependant, il faut nuancer ce constat par une relative stagnation de ces chiffres à partir de 2011, en contradiction avec l’augmentation exponentielle des prévisions (de 502 à 867 pour les années 2014 et 2016 respectivement, et jusqu’à plus de 1000 à partir de 2018).

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Figure 11 : Les contrats d’objectifs pour les milieux aquatiques dans les Jaunes budgétaires des agences de l’eau (2007-2016) (Source : jaunes budgétaires des agences de l’eau 2006-2015)

2.1.3. La gestion des milieux aquatiques: quelle place dans le budget global des agences et de l’Etat?

Malgré la progression précédemment constatée des montants accordés à la biodiversité par les agences de l’eau à travers leur politique de gestion des milieux aquatiques, ces derniers continuent de représenter une part très marginale dans le montant global des dépenses face aux domaines d’actions historiques des agences de l’eau que sont la production d’eau potable et le traitement des eaux usées. En effet, selon une étude du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD, 2014) sur les quatre principales thématiques liées à l’eau (Figure 12), les dépenses consacrées au petit cycle de l’eau (eaux potables et usées) représentaient en 2012 plus de 80% des dépenses totales, quand les dépenses pour la protection de la biodiversité représentaient seulement 7%, soit moins de 10% des dépenses consacrées au petit cycle de l’eau.

Figure 12 : La politique de l'eau en quatre thématiques (Source : CGDD)

Cependant, ramenées aux dépenses globales des opérateurs publics pour la biodiversité et les paysages en 2012 au niveau national, les dépenses pour la gestion des milieux aquatiques sont loin d’être anecdotiques (Figure 13). Parmi les différents acteurs publics intervenant sur la biodiversité et les paysages en 2012, les agences de l’eau se placent juste derrière les dépenses de l’Etat (MEDDE et

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MAAF hors mesures agro-environnementales, 195 millions) avec 178 millions d’euros dépensés 9, et les dépasseraient si l’on ajoutait à cela les dépenses de l’ONEMA, principalement financées sur le budget des agences. En conclusion, si la biodiversité occupe une place croissante mais encore marginale dans le budget global des agences de l’eau par rapport à leurs domaines d’action historiques, les dépenses faites dans le cadre de la protection des milieux aquatiques représentent une part très significative des dépenses globales pour la biodiversité et les paysages au niveau national.

Figure 13 : Interventions de l’Etat et des opérateurs publics sur la thématique biodiversité en 2012 (Source : Annexe au PLF 2014, Efforts consentis au titre de la protection de la nature et de l’environnement)

Bien entendu, cette analyse demeure partielle et il conviendrait afin de confirmer et de creuser ces premiers résultats de procéder à une analyse plus systématique et détaillée des documents dont il est question. En ce qui concerne les plans de gestion de bassin par exemple, il serait intéressant de comparer tous les SDAGE, depuis les premiers élaborés suite à la Loi sur l’eau de 1992 qui couvrent la période de 1992 à 1996, jusqu’aux premiers plan de gestion de la DCE (SDAGE 2010-2015), et surtout sur tous les bassins hydrographiques, ce que nous n’avons pas été en mesure de faire ici. Il en va de même avec les programmes des six agences de l’eau, au moins depuis la Loi de 1992 et les 6èmes programmes, en prenant en compte par exemple l’évolution du taux d’aides ou en comparant les aides prévues avec les aides effectivement dépensées. Enfin, d’autres pistes nous semblent pertinentes, telles que l’évaluation du recrutement au sein des agences de l’eau (progression des profils en écologie et hydromorphologie), mais aussi une analyse plus approfondie des résultats effectifs de la politique de restauration des milieux aquatiques : nombre d’effacements d’ouvrages par rapport au nombre d’ouvrages existants (à partir par exemple du référentiel des obstacles à l’écoulement élaboré par l’ONEMA), nombre d’hectares de zones humides restaurés, etc.

2.2.La biodiversité dans l’action des agences de l’eau: quels freins à sa diffusion?

Au cours de nos lectures et surtout de nos entretiens, nous avons pu identifier un certain nombre de freins à la mise en œuvre, en France, des objectifs relativement anciens de préservation et restauration des milieux aquatiques. Nous avons souhaité en souligner certains qui nous paraissaient particulièrement pertinents, cette liste n’ayant évidemment pas vocation à être exhaustive.

9 Hors dépenses courantes et frais de personnels

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2.2.1. La surreprésentation des usagers économiques dans la gouvernance de la politique de l’eau

La politique de l’eau est avant tout gouvernée par ses parties prenantes que sont l’Etat, les collectivités locales, mais aussi par les usagers économiques tels que l’industrie et l’agriculture, et plus marginalement les usagers non économiques, associations de défense des consommateurs et de l’environnement (Narcy, 2004). Tous ces acteurs sont représentés dans les Comités de bassin et les conseils d’administration des agences de l’eau qui décident des redevances et de leur utilisation à travers les programmes d’intervention. Il est donc naturel de penser que la diffusion du changement de paradigme étudié ici - et donc la prise en compte effective des enjeux de biodiversité dans la politique de l’eau - ne sont que le reflet de la compréhension et de la perception de la légitimité de cette nouvelle gestion « dans les instances », pour reprendre la terminologie des agences de l’eau. La mise en œuvre du changement de philosophie de politiques publiques dépend à la fois de la sensibilisation des représentants politiques et économiques des instances - notamment à travers la pédagogie de long terme d’acteurs tels que l’ONEMA, et aux rapports de force au sein de ces mêmes instances entre les usagers économiques et non économiques de l’eau10. Un frein évident renvoie à cet égard à la sous-représentation des usagers non économiques porteurs d’enjeux environnementaux et à la surreprésentation des usagers économiques porteurs de politiques sectorielles tels que l’industrie et l’agriculture (Cour des comptes, 2015 ; Levraut, 2013), généralement mieux organisés et plus professionnalisés que les acteurs associatifs. Pour remédier à cet état de fait, plusieurs pistes ont déjà été explorées par les agences telles que l’assistance aux associations sous forme de formations ou de prêts de salles de travail, de manière néanmoins encore insuffisante11. Cependant, une réforme de la gouvernance des Comités de bassin pour permettre une meilleure représentation des différents usagers et notamment des usagers porteurs d’intérêts environnementaux nous paraîtrait pertinente. Elle pourrait par ailleurs constituer une piste pour un regain de légitimité de ces instances dans un contexte de très forte remise en question et d’absentéisme important.

2.2.2. Du changement de paradigme au changement de culture professionnelle

Les freins à une meilleure compréhension et prise en compte des enjeux de biodiversité ne sont toutefois pas seulement l’apanage des instances, mais peuvent être aussi constatés « dans les services » des agences de l’eau. En effet, le changement de paradigme « de la protection de la ressource à la protection des habitats aquatiques » suppose un changement de culture professionnelle important pour les personnels des agences, habitués à travailler sur des thématiques d’équipement plus proches du petit cycle12. Les actions relatives au grand cycle qui nécessitent d’autres types de savoir-faire et d’ingénierie sont ainsi perçues comme moins rentables en termes d’efficacité sur le terrain, car il est plus facile de construire une grande station d’épuration que de comprendre et restaurer le fonctionnement naturel d’un cours d’eau, ceci passant souvent par la multiplication de petits projets 13. A cela vient s’ajouter, si l’on en croit les représentants que nous avons pu rencontrer au sein de ces structures, l’idée que les services des agences se caractérisent par une certaine culture de neutralité par rapport aux différents intérêts liés à l’eau, se traduisant par une grande prudence sur la défense de l’environnement. Par ailleurs, l’écologisation des effectifs existants et des profils de recrutement prend beaucoup de temps, et est rendue plus difficile en partie par le contexte de réduction importante des effectifs de 3% par an.

10 Entretien du 10 février 2015 avec un représentant de France Nature Environnement et membre de Comité de bassin11 Entretien du 16 février 2015 avec un représentant de l’Agence de l’eau Seine-Normandie12 Entretien du 6 février avec un préfigurateur de l’AFB13 Entretiens du 16 février avec un représentant de l’Agence de l’eau Seine-Normandie et du 26 janvier 2015 avec des représentants de la sous-direction de l’action territoriale et de la législation sur l’eau au MEDDE.

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2.2.3. Les résistances et incompréhensions des acteurs locaux

Un autre frein découle d’observations que nous avons pu faire lors de notre première expérience de terrain en Bourgogne et des entretiens ultérieurs. En effet, nous avons pu constater une certaine résistance des acteurs locaux aux travaux de restauration des milieux aquatiques, à la fois de la part des riverains et des élus locaux. Les réticences des riverains sont particulièrement fortes sur les enjeux liés aux continuités écologiques et surtout à l’effacement d’anciens ouvrages, pour des raisons essentiellement patrimoniales, qu’il s’agisse d’une question de paysage, de conserver un usage traditionnel de bief ou de retenue ou de produire de la micro-hydroélectricité. Dans ce contexte, le langage souvent technique des agences constitue un élément aggravant, et ce malgré les efforts réels mais insuffisants de pédagogie14. La résistance des acteurs locaux se traduit également par un manque de porteurs de projets sur la thématique de la restauration et de l’entretien des milieux aquatiques, projets que les agences pourraient financer. Ainsi, les élus des collectivités territoriales sont peu enclins à porter ce type d’actions aux retombées électorales faibles, dont ils comprennent généralement peu les enjeux et auxquels ils doivent participer financièrement (à hauteur de 20% par exemple pour l’arasement d’un ouvrage)15. La sensibilisation des élus locaux paraît donc incontournable pour permettre l’utilisation effective des budgets alloués à la gestion des milieux aquatiques. Avec la loi de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, la compétence obligatoire en matière de Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) sera d’ailleurs transférée au bloc communal au 1er janvier 2016. Les communes pourront s’appuyer sur des structures opérationnelles à l’échelon des bassins tels que les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les Etablissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE) ou les Etablissements publics territoriaux de bassin (EPTB) pertinents. Cette réforme défendue par le MEDDE16 a vocation à mettre en adéquation, à l’échelle des communes, les outils de maîtrise de la planification urbaine et des impacts de cette dernière sur l’état des masses d’eau et les milieux aquatiques, et à structurer une maîtrise d’ouvrage territoriale. Auparavant, ces compétences étaient facultatives et partagées entre toutes les collectivités et leurs groupements, conduisant à un manque criant de lisibilité et de vision stratégique.

2.2.4. Étendre le système mutualiste : quelles ressources financières pour la biodiversité ?

Les agences de l’eau semblent aujourd’hui tiraillées par des injonctions contradictoires qui les incitent à se redéployer sur de nouveaux domaines d’intervention liés au grand cycle de l’eau tels que les milieux aquatiques et les pollutions diffuses, tout en maintenant leur action dans les domaines d’intervention historiques du petit cycle et ce, dans un contexte de stagnation des budgets (Narcy, Chevillotte et Poux, 2010). La question de la prise en compte de la biodiversité se poserait donc pour ces acteurs de la manière suivante : « comment faire plus avec moins ? ». Par ailleurs, le « système agence » étant un système essentiellement mutualiste (Narcy, 2004), il existe une correspondance entre les redevances versées par chaque groupe et les aides qu’il reçoit. Ainsi, les redevances sur les pollutions industrielles alimentent les aides perçues par le secteur industriel dans le cadre de la politique de l’eau, en fonction d’un principe de « juste retour ». Or, sur les thématiques liées aux milieux aquatiques, il n’existe pas « d’adhérents » correspondants pour prendre en charge cette politique de restauration, les dépenses étant donc supportées par les différents usagers historiques de l’eau que sont les industriels, les agriculteurs et les consommateurs d’eau potable. Une solution possible consisterait à augmenter les redevances existantes spécifiques aux milieux aquatiques - les redevances existantes sur les obstacles à l’écoulement et sur l’hydroélectricité étant essentiellement symboliques et donc insuffisantes pour générer des fonds importants pour les milieux aquatiques17 - voire à en créer de nouvelles. La création des redevances sur la modification du régime des eaux ou 14 Entretien du 16 février avec un représentant de l’Agence de l’eau Seine-Normandie15 Entretien du 26 janvier 2015 avec des représentants de la sous-direction de l’action territoriale et de la législation sur l’eau au MEDDE. 16 Entretien du 26 janvier 2015 avec des représentants de la sous-direction de l’action territoriale et de la législation sur l’eau au MEDDE. 17 Entretien du 16 février avec un représentant de l’Agence de l’eau Seine-Normandie

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sur l’imperméabilisation des sols par exemple a pu être proposée sans jamais être adoptée18. Certains acteurs interrogés19 ont pu défendre par ailleurs l’idée que la structure des redevances était à ce jour trop rigide pour mettre en œuvre ces pistes d’action.

3.PROSPECTIVE : Les destins de l’évolution de la politique de l’eau et de la future politique de la biodiversité sont-ils liés ?

Si comme nous l’avons vu, la biodiversité est bien prise en compte dans les politiques de l’eau au niveau règlementaire et dans leur mise en œuvre, nous pouvons nous demander si les évolutions des politiques de la biodiversité elles-mêmes pourraient dans un futur proche avoir des conséquences sur les politiques de l’eau. En effet, du fait de la vision de plus en plus large et écosystémique adoptée par les acteurs de l’eau, ces derniers peuvent être amenés à interagir de manière croissante avec les acteurs de la biodiversité, dont le paysage institutionnel va d’ailleurs être bouleversé dans un futur proche par plusieurs évolutions significatives (création de l’Agence française de biodiversité et transfert des compétences sur la biodiversité et de gestion des fonds de la Politique agricole commune aux régions). Comment cette évolution éclaire-t-elle le rapprochement futur entre les mondes de l’eau et de la biodiversité ?

3.1.Quelle incidence de la création de l’AFB sur la prise en compte de la biodiversité dans les politiques de l’eau ?

Les pouvoirs publics se saisissent de façon de plus en plus évidente des questions de biodiversité (Grenelle I et II, conférences gouvernementales…). La loi sur la biodiversité et en particulier la création de l’AFB vont marquer dans les mois à venir les politiques de la biodiversité en France. Dès 2010, la préfiguration d’une telle agence avait été imaginée dans un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (Badré et Duranthon, 2010). L’AFB sous l’égide du MEDDE aurait pour vocation d’offrir un outil performant à la France dans sa politique d’actions en faveur de la biodiversité, y compris aquatique : « la France a besoin aujourd’hui d’un outil complet, efficient et facilement identifiable en matière de protection de la biodiversité terrestre et marine, de l’eau et des milieux aquatiques qui soit à la hauteur des enjeux et des engagements européens et internationaux de la France » (Projet de loi relatif à la biodiversité, 2014). La volonté affichée des pouvoirs publics est donc de gagner en cohérence et en efficacité sur le plan de la coordination des actions en faveur de la biodiversité y compris avec les collectivités territoriales et les parties prenantes (Badré et Duranthon, 2010). L’AFB pourrait devenir un acteur de la gestion de l’eau puisqu’elle devrait faire fusionner en son sein un certain nombre de structures : l’Agence des aires marines protégées (AAMP), les Parcs Nationaux, l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN) et surtout l’ONEMA. Cette dernière, financée par les agences de l’eau qui a pour mission la connaissance et la surveillance de l’état des eaux et du fonctionnement écologique des milieux aquatiques, est un acteur reconnu pour son expertise. Les financements de l’ONEMA seraient alloués au fonctionnement de l’AFB et constitueraient une part non négligeable du budget global. En l’absence de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ou de l’Office national des forêts (ONF) dans l’AFB à sa création, et avec l’ONEMA et l’AAMP comme piliers, les biodiversités aquatique et marine pourront être à la base de la construction des politiques de la biodiversité en France. L’AFB pourrait également constituer une structure de rapprochement cohérente entre des acteurs de la biodiversité et des acteurs de l’eau offrant une vision holistique du fonctionnement des écosystèmes et prenant en considération l’interdépendance des politiques de l’eau et de la biodiversité. Toutefois, la création de cette agence et la façon dont sont définies ses missions et son périmètre suscitent quelques questionnements chez les acteurs qui s’affirment depuis de nombreuses années comme leaders dans la 18 Entretiens du 16 février avec un représentant de l’Agence de l’eau Seine-Normandie et du 26 janvier 2015 avec des représentants de la sous-direction de l’action territoriale et de la législation sur l’eau au MEDDE. 19 Entretien du 16 février avec un représentant de l’Agence de l’eau Seine-Normandie

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prise en compte de la biodiversité dans les politiques de l’eau. En effet, le projet de loi du 26 mars 2014 relatif à la biodiversité expose dans son article III les missions de l’AFB qui comprendront la « biodiversité prise dans son sens le plus large, des gènes aux écosystèmes et de la gestion équilibrée et durable des eaux » et « l’appui, technique ou financier, à l’ensemble des acteurs concernés, qu’ils soient publics (services de l’État, collectivités et leurs groupements ou établissements publics) ou privés (associations, acteurs économiques…) ». Certains de ces rôles étant aujourd’hui dévolus aux agences de l’eau, cette interrogation semble légitime.

3.2.Vers des agences de l’eau et de la biodiversité ?

Ce questionnement est d’autant plus légitime que les agences, leur mode de fonctionnement et leur gouvernance sont régulièrement critiqués. En effet, ces structures intermédiaires entre le niveau national et le niveau local gouvernées par leurs parties prenantes et bénéficiaires sont assez inhabituelles dans le paysage institutionnel français. Selon deux rapports récents de la Cour des Comptes de 2010 et 2015, l’application imparfaite du principe Pollueur-Payeur serait due à un problème de gouvernance au sein des Comités de bassins. Il apparaît en effet que dans les Comités de bassin les usagers économiques - industriels et les agriculteurs - sont les mieux représentés, comme évoqué précédemment (cf. partie II). Dans ce contexte de remise en cause, l’Etat opère par ailleurs des ponctions régulières sur le budget des agences de l’eau d’environ 10% (jusqu’à 210 millions d’euros en 2013, et plafonnement à 175 millions pour les années 2015, 2016 et 2017), affectées au remboursement de la dette nationale. Ces ponctions peuvent être interprétées comme des tentatives de « reprise en main » de la part de l’Etat du budget des agences, qui bénéficient de taxes dédiées leur conférant des budgets conséquents en période de restriction budgétaires généralisés.

Les agences de l’eau, qui défendent leur modèle et leur efficacité réagissent aux prélèvements de l’Etat en proposant des solutions pour améliorer les politiques de l’eau. En effet, prenant en compte le changement de paradigme évoqué plus haut, elles proposent dans plusieurs motions récentes de devenir des « agences de l’eau et de la biodiversité » (Comités de bassin Rhin-Meuse et RMC, 2014). Elles rappellent également que, face aux obligations prescrites par la DCE et aux différentes condamnations européennes de la France en matière de gestion des eaux, elles doivent redoubler d’effort et continuer leur adaptation. Dans ces motions, elles défendent l’idée - comme l’écrit le président du Comité de bassin Rhône Méditerranée - « que les agences de l’eau soient affirmées comme les agences de la « gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations », en soutien aux intercommunalités qui ont reçu cette nouvelle mission sans moyens de l’Etat, et acceptent de faire prendre en charge par les agences de l’eau dès 2015 une part des missions du programme 113 « Eau et Biodiversité » qui relèvent fondamentalement de l’eau au sens large, de la biodiversité et de la mer et du littoral. » (Comités de bassin Rhin-Meuse et RMC, 2014). Ces réflexions autour de la gestion de la biodiversité semblent être en germe depuis longtemps au sein des agences. Les agences Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée-Corse évoquent ainsi dans une note interne de 2013 la volonté de se positionner plus fermement sur les enjeux de biodiversité et explorent ainsi plusieurs pistes de développement dans ces domaines d’action à la limite de ce qui pourrait être considéré comme faisant partie de la gestion de l’eau. Plus particulièrement, cette note indique que les agences pourraient financer des projets répondant aux objectifs des Directives Oiseaux et Habitat-Faune-Flore, sélectionner les MAE favorisant la faune et la flore, et ce en s’inscrivant dans des partenariats avec les régions dans des projets de territoires. Cette dernière proposition esquisse l’importance grandissante que semblent prendre les régions dans la gestion de la biodiversité, considérée de plus en plus comme primordiale dans les enjeux du grand cycle de l’eau.

3.3.Régions, agences de l’eau, AFB : vers un partenariat renforcé ?

Le rapprochement constaté et souhaité par de nombreux acteurs interrogés entre les mondes de l’eau et de la biodiversité pourrait prendre la forme de partenariats renforcés entre les acteurs de l’eau et l’échelon régional. Plusieurs modifications du contexte institutionnel viennent étayer cette hypothèse.

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Tout d’abord, depuis les années 2000 et avec les lois de décentralisation, les régions jouent un rôle de plus en plus central dans la protection de la biodiversité, à travers la conception par exemple des Stratégies régionales pour la biodiversité (SRB) et les Schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE). Par ailleurs, elles sont également investies dans les politiques de l’eau puisque des élus régionaux siègent dans des syndicats de rivières et dans les Comités de bassin. Les régions sont donc de fait partie prenantes à la fois des politiques de la biodiversité et de celles de l’eau. Le statut de chefs de file que leur confèrent les lois de décentralisation (MAPTAM et Nouvelle organisation territoriale de la République) et l’avènement de super-régions devraient renforcer encore la cohérence et l’efficacité des politiques de la biodiversité au niveau régional. Enfin, l’organisation territoriale de l’AFB, encore en préfiguration et probablement organisée à l’échelle régionale, pourrait renforcer la cohérence des actions20.

Il faut ajouter à cela les compétences acquises récemment par les régions en matière de gestion des fonds de la PAC pour 2014-2020. En effet, la convergence entre cette nouvelle mission et le rôle renforcé en matière de gestion de la biodiversité au niveau régional constitue une opportunité intéressante d’accroître les incitations en faveur d’une meilleure prise en compte des enjeux de biodiversité dans les pratiques agricoles, ceci malgré une marge de manœuvre réduite en raison du cadrage national. Ce point d’entrée serait particulièrement pertinent pour lutter contre les pollutions diffuses agricoles, domaine d’action prioritaire des agences de l’eau aujourd’hui.

Fort de ces constats, il semble que le rapprochement observé entre les mondes de l’eau et de la biodiversité puisse prendre la forme de partenariats renforcés entre les agences de l’eau, l’AFB (voire des futures Agences régionales de la biodiversité) et les pouvoirs publics régionaux. C’est en partie ce que sous-tendent le rapport Levrault (Levault, 2013) et les fonctionnaires du MEDDE qui indiquent que les politiques de l’eau doivent, pour remplir leur rôle, se faire de façon transversale - en prenant en compte la biodiversité, les écosystèmes, les inondations, les aire marines, l’agriculture - et partenariale avec les associations, les acteurs-usagers professionnels, les élus, les fonctionnaires ministériels, les Comités nationaux de l’eau, etc. Notons que des expériences partenariales existent déjà en France et à l’étranger. Le Grand Prix du génie écologique en 2014 a récompensé la création d’une « Zone Tampon Humide Artificielle pour réduire les transferts de pollution diffuse d’origine agricole » à Rampillon à laquelle ont collaboré l’Irstea, un collectif d’agriculteurs, un syndicat de la rivière, la Mairie de Rampillon, l’AESN… A l’étranger on peut citer les fameux « contrats à la Munich » qui, en encourageant fortement des pratiques agricoles vertueuses pour l’environnement, permettent d’obtenir une eau qui ne nécessite pas de traitement avant d’être distribuée. Dans le futur, il nous apparaît vraisemblable que les politiques de l’eau et de la biodiversité convergeront pour être plus cohérentes et efficaces. De nouvelles dispositions législatives pourraient y contribuer en permettant aux agences de l’eau de lever de nouvelles taxes dites « pesticides » ou « imperméabilisation des sols » par exemple, et ainsi élargir leur périmètre d’action à la biodiversité terrestre ou à la protection des forêts21. Ainsi la biodiversité ne serait plus prise en compte dans les politiques de l’eau mais les politiques de l’eau seraient le socle des politiques de la biodiversité.

Conclusion

Le changement de paradigme « de la protection de la ressource à la protection de l’habitat » constaté depuis ces soixante dernières années s’est opéré très progressivement au fil des lois et directives qui ont jalonné la politique de l’eau en France et en Europe. Amorcé dans les années1970 et 1980 et ancré dans les modes de pensées dès les années 1990, il est aujourd’hui admis en France une gestion de l’eau centrée sur la protection de la ressource en eau et des écosystèmes qui l’entourent, sans négliger leurs caractéristiques écologiques et toute la biodiversité qu’ils abritent. Nous avons vu que ce changement de paradigme se traduit également dans la mise en œuvre même des politiques de l’eau par les acteurs

20 Entretiens avec une préfiguratrice de l’AFB21 Entretien du 26 janvier 2015 avec des représentants de la sous-direction de l’action territoriale et de la législation sur l’eau au MEDDE

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du monde de l’eau. Alors que la biodiversité prend de l’importance dans les SDAGE réalisés par les Comités de bassin des agences de l’eau RMC et SN et que la part des budgets qui lui sont alloués a augmenté au cours de ces vingt-cinq dernières années, des freins demeurent. En effet, la surreprésentation des usagers économiques dans la gouvernance de la politique de l’eau, le difficile changement de culture professionnelle, les résistances et incompréhensions des acteurs locaux ainsi que le fonctionnement actuel du système mutualiste des agences de l’eau (principe de « juste retour ») -dans un contexte de raréfaction de l’argent public- sont autant de freins à la mise en œuvre des objectifs de la France en matière de préservation et de restauration des milieux aquatiques. Toutefois, les changements qui s’opèrent actuellement dans le paysage institutionnel pourraient être la clef d’un rapprochement futur entre la politique de l’eau et la politique de la biodiversité. Tandis que l’AFB pourrait constituer une structure cohérente de rapprochement entre les acteurs de l’eau et de la biodiversité, la formation « d’agences de l’eau et de la biodiversité » pourrait être un soutien fort des collectivités (régions et intercommunalités) sur la base de partenariats renforcés.

Au-delà de l’actualité forte, le rapprochement entre les politiques de l’eau et celles de la biodiversité s’inscrit dans une dynamique de long terme, bénéfique aux acteurs de ces deux politiques. D’une part, le monde de la biodiversité qui se caractérise par une dominante associative et militante pourrait bénéficier des compétences techniques et de la grande professionnalisation des acteurs de l’eau, permettant ainsi sa montée en puissance. D’autre part, les acteurs du monde de l’eau, dont le discours et les actions restent aujourd’hui très techniques et peu connus du grand public pourraient gagner en visibilité et en sensibilité écologique. Ce constat est d’autant plus positif dans un contexte où le traitement sectoriel des différentes thématiques relatives à l’environnement constitue une critique fréquente du système français et où les synergies et complémentarités sont recherchées. Ainsi, à l’opposé du rapprochement qui s’opère entre eau et biodiversité, le cloisonnement entre la politique du grand cycle des agences de l’eau et la politique agricole demeure au fondement de la difficulté des agences de l’eau à agir dans ce domaine.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Cette conclusion reprend les éléments débattus lors de la restitution publique du 6 mars 2015. Le développement des énergies renouvelables (EnR) prend une place importante dans les débats. La politique motivant ce développement est-elle réellement environnementale ? Cette politique créant un nouveau secteur économique ferait plutôt d’elle une politique sectorielle qui se doit d’intégrer les enjeux environnementaux. Alors où et comment établir ce type d’aménagement tout en respectant le principe du no net loss pour la biodiversité ? Ce débat n’est pas nouveau, il croise d’une part un secteur motivé par des bénéfices socio-économiques pour les territoires, artificialisant l’espace, et d’autre part, la conservation de la biodiversité, voulant maintenir ou restaurer les milieux naturels et leurs interactions. Autrement dit, l’économie face à l’écologie. À partir de ce constat et en analogie avec le débat autour de l’intégration des SRCE dans les futurs SRADDT, devons-nous passer par une meilleure articulation entre les politiques sectorielles telles que la loi de transition énergétique et les politiques environnementales telles que la politique TVB ? Ou doit-on au contraire garder ce cloisonnement pour conserver un rapport de force ? Selon nous, il paraît optimal pour la conservation de la biodiversité d’utiliser ces deux approches en parallèle.Comme le font les ONGe, d’une part en se confrontant aux projets d’aménagement et d’autre part en intégrant leurs idées lors des discussions, les porteurs des politiques environnementales doivent en effet aussi compter sur la complémentarité de ces deux approches. La création d’une véritable coalition de cause autour de la TVB par exemple, est nécessaire à toutes les échelles pour se confronter aux politiques sectorielles. Cette acculturation des acteurs à l’environnement à travers la communication, la sensibilisation et l’accompagnement en continu rend possible leur intégration à l’intérieur des instances de discussion et permet ainsi de faire naître une véritable concertation entre les enjeux des différentes politiques. Il est important de noter que l’objectif de ces deux politiques (TVB et EnR) peut être commun, en contribuant à la lutte contre le changement climatique. Les EnR ont un impact théorique positif sur la biodiversité dans le cas où des régulations (législatives, techniques et démocratiques) pertinentes sont mises en place et où des réflexions, en amont, croisant les enjeux sont menées.Un exemple de restructuration de la gouvernance pouvant amener à davantage de prise en compte de la biodiversité dans les projets d’aménagement pourrait être l’idée d’intégrer les acteurs de l’eau aux acteurs de la biodiversité terrestre... Ainsi, les débats de clôture de ce dossier d’environnement en ce qui concerne les politiques de l’eau ont été dominés par la question des limites de l’implication des agences de l’eau dans la biodiversité. En effet, si ces dernières tendent à financer de plus en plus d’actions en faveur des milieux aquatiques et de la biodiversité qui en dépend (trame bleue), il n’est pas évident de savoir jusqu’à quel point elles peuvent s’investir dans des actions liées à la biodiversité terrestre (trame verte). En ce qui concerne la flore, cette évolution est déjà très marquée en raison de son impact positif sur les pollutions diffuses de la ressource en eau (notamment ripisylves, prairies et haies). En ce qui concerne la faune, la question est plus délicate et le lien avec l’eau beaucoup plus ténu. L’éventualité d’une action plus assumée des agences de l’eau en faveur de la biodiversité terrestre impliquerait cependant que la facture d’eau potable constitue la principale source de financement de la biodiversité générale, ce qui peut poser – et pose déjà dans une certaine mesure – un problème de légitimité.

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CHAPITRE I:

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CHAPITRE II:

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Liens internet

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Fonds de chaleur : http://www.ademe.fr/expertises/energies-renouvelables-reseaux-stockage/passer-a-laction/produire-chaleur/fonds-chaleur-bref

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie : http://www.developpement-durable.gouv.fr/

Organisation Coopération et de Développement Economique (OCDE)  :http://www.oecd.org/fr/apropos/

Projet CarHab : http://www.fcbn.fr/action/cartographie-nationale-des-vegetations-naturelles-et-semi-naturelles-carhab

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Textes réglementaires – Documents officiels

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Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM).

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CHAPITRE III:

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AScA (2013), « Un récit de la politique de restauration hydromorphologique de l’Agence de l’eau RMC », octobre 2013.

AGENCE DE L’EAU SEINE-NORMANDIE (2015), « Comparaison financière faite par l’Agence de l’eau Seine Normandie de deux politiques publiques : l’eau et la biodiversité », Note interne du 13 février 2015.

COMITE DE BASSIN RHIN-MEUSE, Motion n°2014/2 du 17 octobre 2014 relative au projet de prélèvement par an sur le budget des agences de l’eau.

COMITE DE BASSIN RHONE-MEDITERRANEE, Motion du 19 octobre 2014 relative au projet de prélèvement de 175 millions d’euros par an sur le budget des agences de l’eau.

Sites internet

Site du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, rubriques « Eau et biodiversité »/ « Eaux et milieux aquatiques »/ « La Directive cadre européenne sur l’eau ». 19 mars 2013. Disponible à l’adresse : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-objectifs.html

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LISTE DES ANNEXES

CHAPITRE I   :

Annexe 1 : Organismes rencontrés et leur échelle d’action...................................................................74

Annexe 2 : Illustration de la réforme de gouvernance en matière de biodiversité (Muller, 2015).........75

CHAPITRE II :

Annexe 3 : la procédure des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement..................76

Annexe 4 : Calendrier prototypique d'une procédure ICPE...................................................................77

Annexe 5 : Procédure d’évaluation des incidences Natura 2000...........................................................76

Annexe 6 : Note de présentation des expérimentations « autorisation Unique ICPE ».........................77

Annexe 7 : L’indice de Biodiversité Potentielle.....................................................................................83

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Annexe 1 : Organismes rencontrés et leur échelle d’action

Organisme Echelle d'actionComité experts sur les aires protégées et les réseaux

écologiques européens - Conseil de l'EuropeEuropéenne

IRD EuropéenneAScA Nationale

COMOP TVB NationaleFNE (France Nature Environnement) Nationale

H&B (Humanité & Biodiversité) NationaleUICN Nationale

Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais RégionaleConseil Régional Rhône-Alpes Régionale

DREAL Alsace RégionaleDREAL Bourgogne Régionale

DRIEE RégionaleLPO (Ligue Protectrice des Oiseaux) Régionale/Locale

Communauté d'Agglomération Hénin-Carvin Supra-localePays du Ternois Supra-locale

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Annexe 2  : Illustration de la réforme de gouvernance en matière de biodiversité (Muller, 2015)

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Annexe 3 : la procédure des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement

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Annexe 4 : Calendrier prototypique d'une procédure ICPE

Le calendrier ci-après démontre la procédure « idéale » du développement d’un projet ICPE. Le calendrier ci-après ne présente ni les retards ni les contentieux potentiels.

Operations 2015 20161 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Cadrage DREALFaune-FloreDérogation espèces protégéesEtude de dangersNatura 2000dossier ICPEDépôt dossierAvis de l’Autorité EnvironnementaleTransmission président du TA

Nomination CE

Publication avis

Enquête publiqueEnvoi du dossier au Conseil Municipal et Serv. Adm.Rapport du Commissaire EnquêteurComplétionsTransmission préfetAutorisation d'exploiter

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Annexe 5 : Procédure d’évaluation des incidences Natura 2000

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Annexe 6 : Note de présentation des expérimentations « autorisation Unique ICPE »

1. Contexte

Dans le cadre du CIMAP (Comité Interministériel de Modernisation de l’Action Publique), le Gouvernement a décidé d’engager des expérimentations visant à simplifier certaines procédures administratives.

Par ailleurs, les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l’Environnement ont également conclu à la nécessité de simplifier les procédures du code de l'environnement tout en maintenant le même niveau de protection de l'environnement. La fusion des procédures environnementales applicables à un même projet a été proposée par plusieurs préfets et figure dans la feuille de route des Etats généraux, un groupe de travail doit être constitué pour suivre et évaluer les expérimentations mises en place à cet effet.

En application de ces orientations stratégiques, l'article 14 de la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 pour simplifier et sécuriser la vie des entreprises habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions relatives à l’expérimentation dans certaines régions et pour une durée de trois ans de deux types d’autorisations uniques concernant les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation :

- Pour les éoliennes et les installations de méthanisation, c’est à dire pour certaines installations énergétiques faisant appel aux énergies renouvelables dont le permis de construire relève de la compétence du préfet : fusion en une seule et même procédure de plusieurs décisions qui peuvent être nécessaires pour la réalisation de ces projets : autorisation ICPE, permis de construire, et éventuellement autorisation de défrichement, dérogation « espèces protégées » et autorisation au titre du code de l’énergie. L’autorisation – à l’issue de cette procédure d’instruction unique – sera délivrée (ou refusée le cas échéant) par le préfet de département. Cette nouvelle procédure d’instruction unique devrait être expérimentée dans les régions Bretagne, Basse-Normandie, Champagne-Ardennes, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

- Pour les autres installations classées soumises à autorisation : fusion dans une seule et même procédure de plusieurs décisions éventuellement nécessaires pour la réalisation de ces installations : l’autorisation ICPE et éventuellement l’autorisation de défrichement et la dérogation « espèces protégées ». Ceci devrait être expérimenté en Champagne-Ardennes et en Franche-Comté, conjointement avec le « certificat de projet », autre expérimentation concernant ces régions.

2. Objectif général   :

La procédure d’autorisation ICPE est déjà largement intégrée dans la mesure où elle couvre la plupart des aspects de protection de l’environnement et de la santé (prévention des pollutions de toute nature, protection de la nature...), de prévention des nuisances et les questions de sécurité (prévention des risques accidentels).

Il existe toutefois d’autres autorisations qui, dans certains cas, doivent être obtenues par le porteur de projet auprès de l’Etat, parallèlement à l’autorisation ICPE, avant de pouvoir construire et/ou exploiter :

le permis de construire (qui relève du préfet pour les installations énergétiques), l’autorisation au titre du code de l’énergie pour les installations de production d’énergie de

plus de 30 MW (pour les éoliennes) ou 12 MW (pour les méthaniseurs), l’autorisation de défrichement lorsque le projet est en zone boisée, la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées lorsque le projet est de

nature à porter atteinte à l’objectif de préservation de ces espèces. Ces autorisations visent des objectifs partiellement redondants avec ceux de l’autorisation ICPE.

Même si des actions sont déjà menées sous l’autorité des préfets pour assurer une cohérence dans l’instruction de ces diverses autorisations (voir par exemple la circulaire sur l’instruction des projets éoliens du 17 octobre 2011), la multiplication des procédures distinctes pour un même projet constitue une source de complexité inutile, tant pour les porteurs de projets, que pour les services de l’Etat. Cette multiplicité nuit par ailleurs à la lisibilité de l’action publique et

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est également néfaste aux objectifs de protection de l’environnement dans la mesure où la cohérence des décisions n’est pas garantie : ainsi une autorisation de défrichement peut être octroyée pour une ICPE qui ne sera jamais autorisée, l’autorisation ICPE est délivrée indépendamment de l’éventuelle atteinte aux espèces protégées...etc.

L’objectif visé est donc de rassembler, autour de la procédure d’autorisation ICPE, les éventuelles autres autorisations entrant dans le champ de la protection de la nature et des paysages dès lors qu’elles relèvent de la compétence de l’Etat.

L’objectif en matière de simplification est multiple :

Réduire les délais pour le porteur de projet afin qu’il obtienne plus rapidement une décision unique (autorisation ou refus) qui portera sur son projet global, plutôt que de voir se multiplier les délais pour des autorisations successives. Il pourra ainsi plus rapidement mettre en œuvre son projet si celui-ci répond aux exigences de protection. De même, les projets non satisfaisants pourront être écartés, sans perte de temps. Le délai visé pour statuer sur la demande d’autorisation est d'un an au maximum.

Rationaliser la cohérence du dispositif afin qu’un projet puisse se voir autoriser en une fois et non par décisions successives indépendantes. Cela assure une plus grande sécurité juridique globalement au projet qui est autorisé ou refusé en une seule fois, et ne risque plus de se voir refuser en fin de course une des autorisations nécessaires.

Réduire les interlocuteurs pour le porteur de projet : le porteur de projet aura un interlocuteur privilégié pour l’ensemble de son projet sous l’autorité du préfet de département, l’Etat s’organisant en interne pour instruire la demande d’autorisation unique sous ses différents aspects. Il déposera un dossier unique présentant les différents aspects de son projet, qui fera l'objet d'une procédure d’instruction unique, d'une enquête publique, de consultations unifiées. L’autorisation unique sera en outre délivrée en un seul acte par une seule personne : le préfet de département.

Conformément aux principes actés lors des États Généraux de la Modernisation du Droit de l’Environnement, l'autorisation unique - pour être obtenue - nécessitera le respect de l'ensemble des prescriptions réglementaires qui s'appliquaient à chacune des autorisations fusionnées, ce qui permet d'assurer le maintien des exigences environnementales.

De plus, en étant intégrée dans le cadre strict de la procédure d’autorisation ICPE, l’autorisation unique permettra d’étendre à l’ensemble des aspects de protection qui faisaient l’objet de décisions séparées, les caractéristiques particulières de cette procédure. En particulier, l’enquête publique et les consultations porteront de manière cohérente sur l’ensemble de ces aspects permettant ainsi d’associer plus efficacement l’ensemble des parties prenantes à la décision.

3. Dispositif   proposé   :

Les projets de textes prévoient les dispositions pour les deux types d’autorisation. L’ordonnance et le décret précisent :

- Dans un titre I : les dispositions relatives aux installations énergétiques (éoliennes et installations de méthanisation y compris les raccordements électriques et gaz)

- Dans un titre II : les dispositions relatives aux autres ICPE soumises à autorisation

Les deux procédures sont identiques, elles se distinguent l’une de l’autre en ce que la procédure applicables aux installations énergiques comporte des dispositions relatives à la prise en compte du permis de construire et de l’autorisation au titre du code de l’énergie. Toutefois, des dispositions d'articulation entre le permis de construire et la seconde autorisation unique sont proposées afin de rendre de la cohérence à l'action de l'Etat.

La procédure proposée pour l’autorisation unique est basée sur la procédure d'autorisation ICPE, sous réserve des aménagements précisés par les textes. C’est donc le préfet de département qui délivrera l’autorisation unique, l'inspection des installations classées jouant le rôle de « service ensemblier »

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3.1. Dossier

Le dossier le plus complet (plans, étude d’impact, étude de dangers,…) est le dossier de demande d’autorisation ICPE. Il est donc proposé de garder le principe que ce dossier, dont la constitution est bien connue, reste le dossier de base pour la demande d’autorisation unique. Il est toutefois proposé de simplifier ce dossier dans le cadre de la « grande » autorisation unique en supprimant les dispositions de mise en cohérence avec d’autres demandes (permis de construire et défrichement), mais également en supprimant la notice relative à l’hygiène et la sécurité des travailleurs, pour la « grande » et la « petite » autorisation unique. La mise en place de cette expérimentation peut être l’occasion de supprimer cette pièce du dossier, qui est prévue dans les dossiers ICPE depuis plusieurs décennies, mais qui apparaît aujourd’hui redondante et non directement utile dans la mesure où la protection des travailleurs est assurée séparément de l’autorisation ICPE (ou de l’autorisation unique) directement dans le cadre du code du travail.

Il est apparu que les pièces demandées par ailleurs dans les dossiers de demande de permis de construire, de défrichement, de dérogation  espèces protégées ou d’autorisation au titre du code de l’énergie peuvaint être inclues dans le dossier ICPE. C’est le cas de toutes les informations cartographiques, des plans, mais aussi de l’étude des impacts particuliers sur les paysages, les forêts et les espèces protégées qui ont vocation à être intégrés dans l’étude d’impact. Il est donc simplement précisé que les éléments relatifs aux espèces protégées, à l’impact du défrichement, ou à l’impact sur les réseaux de transport d’énergie doivent figurer dans l’étude d’impact.

In fine, les seuls éléments indispensables et non disponibles par ailleurs sont :

- Le projet architectural qui permet de juger de l’insertion du projet dans le paysage local ;

- La destination des constructions ;

- La surface de plancher des constructions projetées ;

- Lorsque le terrain d’assiette comporte des constructions : la destination de es constructions, leurs surface de plancher si ces constructions sont destinées à être maintenues et si leur destination est modifiée par le projet.

- Les éléments nécessaires à la taxation au titre du permis de construire.

Il est proposé, pour la « grande » autorisation unique, que le porteur de projet « éolien » puisse recueillir les différents accords obligatoires au titre de la défense nationale, de la navigation aérienne et des radars, dès la phase de constitution du dossier afin que le dossier puisse être mis à enquête publique plus efficacement. Les dispositions éventuellement nécessaires relatives à la prévention des risques sismiques, cycloniques, naturels et miniers sont supprimées, en laissant au préfet  le soin de les demander si nécessaire. Ceci implique qu’à défaut de décision préfectorale en sens inverse, les éoliennes et installations de méthanisation peuvent être implantées dans les zones soumises à ces aléas sans mesure de prévention.

3.2. Instruction

3.2.1. Phase de recevabilité

Afin de permettre la plus grande liberté d'organisation au niveau local des services de l'Etat, il est proposé de ne pas décrire de manière détaillée dans la réglementation les modalités d'instruction par les services de l'Etat et de laisser ces modalités d'organisation à la diligence des préfets. Après avoir vérifié sous un mois que le dossier est formellement complet, les modalités d'association, en tant que de besoin, des différents services aux différentes étapes d'instruction : recevabilité du dossier de demande, élaboration de l'avis de l'autorité environnementale, avis sur le fond du dossier, élaboration des prescriptions techniques de l'arrêté préfectoral seront ainsi définies localement en fonction de la nature du dossier de demande et des enjeux qu'il présente.

Les demandes d’accord éventuellement requis (architecte des bâtiments de France et opérateurs radars : aviation civile, défense et météo) ont été inscrits dans cette phase de recevabilité (avant enquête publique), de même que l’avis consultatif du CNPN quand il est requis. A défaut de réponse

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dans le délai (2 mois), l’accord est réputé obtenu : ceci est inscrit dans l’ordonnance, les dispositions législatives actuelles prévoyant un refus tacite.

Pour l’accord de l’ABF quand il est requis, ce délai est donc réduit de 3 mois (droit commun) à 2 mois : il apparaît en effet important que cette position puisse être exprimée en amont de l’enquête publique. L'objectif est clairement affiché : pouvoir refuser rapidement un projet qui n'a aucune chance d'aboutir, afin que le porteur de projet puisse s'investir dans un projet différent et ne pas lui faire perdre son temps, mais aussi mettre à l'enquête publique un dossier qui comportera tous ces avis. Le public, mieux informé, pourra participer plus utilement.

3.2.2. Phase de consultations

Les consultations se feront après la phase de recevabilité, c’est à dire une fois que les dossiers auront été déclarés complet et régulier.

3.2.2.1. Consultation des conseils municipaux intéréssés

Le conseil municipal de la ou des communes d'implantation continuera de rendre un avis sur la demande d'autorisation unique, comme il le faisait auparavant. Bien entendu, seront également concernés toutes les conseils municipaux des communes dans le rayon d'affichage de l'installation.

3.2.2.2. Enquête publique

L’enquête publique est organisée dans les conditions des articles L. 123-1 et suivants du code de l’environnement et des précisions du décret : le préfet n’a notamment plus que 15 jours pour demander au président du Tribunal Administratif de désigner un commissaire et une fois cette désignation faite, il a 15 jours pour décider de l'ouverture de l'enquête publique. L’enquête publique portera donc notamment sur le projet globalement et sur les différents aspects qui font l’objet de la demande d’autorisation : permis de construire, défrichement, énergie, installations classées et espèces protégées. Le public sera donc amené à donner son avis sur tous ces aspects de la demande en une fois, et non pas de façon morcelée, ce qui aura lui permettra d’avoir une vision d’ensemble des enjeux de façon globale.

3.2.2.3. Commissions consultatives

Toutes les autres consultations deviennent facultatives. De même, la consultation du Coderst ou de la CDNPS deviennent facultatives. Le préfet pourra en tant que de besoin, et en fonction des enjeux locaux, saisir les commissions administratives qui sont susceptibles de rendre un avis éclairant sur le projet.

3.3. Délais d'instruction

Des délais d'instruction sont fixés par la réglementation à différentes étapes. L'objectif fixé est une instruction des dossiers de demande d’autorisation en 10 mois. Contrairement aux délais actuellement fixés pour l'instruction ICPE, il est prévu que les délais soient comptés dès la première réception du dossier, ce délai étant suspendu en cas de dossier incomplet, à compter de la demande de complément et jusqu'à la réception de ces compléments.

La durée maximale globalement prévue pour la phase de recevabilité est fixée à 4 mois incluant la vérification sous un mois du caractère complet du dossier et la production de l'avis de l'autorité environnementale.

Autre nouveauté, la procédure prévoit la possibilité pour le préfet de refuser l'autorisation dès cette phase, s’il apparaît que celui ci demeure manifestement insuffisant ou contraire à la réglementation.

Le délai pour la phase de préparation de la décision préfectorale, une fois achevées les consultations et l’enquête publique, est fixé au délai maximal de 3 mois. La prolongation de ce délai est possible avec l’accord du demandeur s’il apparaît nécessaire d’améliorer le projet ou de poursuivre la concertation. A l’expiration de ce délai, le projet fait l’objet d’un refus tacite.

3.4. Délais de recours des différentes autorisations fusionnées

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Les modalités et délais de recours des différentes autorisations fusionnées divergaient. Pour l’autorisation unique, il est proposé que soit mis en place des délais de recours spécifiques d’une part à la décision d’autorisation en elle-même et d'autre part, aux prescriptions en tant que telles.

L’annulation de l’arrêté d’autorisation pourra être demandée dans un délai de deux mois à compter de la notification (pour l’exploitant) ou de la publication (pour les tiers) dudit arrêté. Ce délai correspond au délai de recours de « droit commun »

Il est proposé en revanche que les prescriptions fixées par l’arrêté préfectoral puissent être contestées pendant six mois à compter de la mise en service de l’installation. Sauf pour les éoliennes qui attendent que les recours soient purgées pour mettre en service.

Ce dispositif devrait permettre d’une part, d’assurer une plus grande sécurité juridique aux autorisations délivrées aux porteurs de projet, tout en permettant aux tiers intéressés de faire valoir que les prescriptions imposées sont insuffisantes.

En outre, il est proposé d’étendre le régime de plein contentieux des ICPE à cette nouvelle autorisation. Le juge bénéficiera donc de pouvoirs étendus (refuser l’autorisation, délivrer l’autorisation, et imposer des prescriptions, réformer l’autorisation...) pour l’ensemble des facettes de l’autorisation alors que le défrichement, le permis de construire, et les dérogations espèces protégées sont actuellement sous le régime de l’excès de pouvoir. Il est toutefois proposé de préciser les pouvoirs du juge comme c’est le cas actuellement pour les décisions de permis de construire.

3.5. Prescriptions complémentaires et contrôles

A noter, que comme c'est déjà le cas pour les autorisations préfectorales ICPE actuelles, les prescriptions fixées par le préfet dans la décision d'autorisation pourront, en tant que besoin, être complétées pour renforcer les mesures de prévention s'il apparaît que celles-ci sont insuffisantes.

Les textes habilitent l'ensemble des agents à contrôler ce qui relève de leur compétence en application des textes actuels. De la même manière, les sanctions administratives seront proposées par chacun des services concernés pour ce qui le concerne.

3.6. Caducité des différentes autorisations fusionnées

Le délai de caducité de trois ans des ICPE est repris pour l’autorisation unique. Ce délai pose des difficultés particulières pour les projets éoliens lorsque les délais de réalisation des raccordements électriques sont supérieurs. A cette fin, le projet de décret prévoit (en dehors de l’expérimentation et pour une application immédiate à la France entière) la possibilité dans ce cas particulier de prolonger ce délai pour l'autorisation ICPE, mais aussi pour le permis de construire.

3.7. Mesures de coordination entre «   petite   » autorisation unique (du titre II sans PC) et permis de construire

Dans le cas où le permis de construire reste distinct de l’autorisation unique, il est proposé d’ajouter les mesures de coordination suivantes :

- Le code prévoit déjà l’obligation de déposer simultanément les demandes ;

- Dans le cas où le permis de construire nécessiterait lui aussi une enquête publique, une enquête publique conjointe organisée par le préfet est systématiquement réalisée (ceci était une simple possibilité » ;

- Il est confirmé que le permis de construire peut être prononcé avant la décision de l’autorisation unique, mais que son exécution est différée jusqu’à la fin de l’enquête publique sur l’autorisation unique ;

- Le délai d’instruction du permis de construire (qui est normalement de 3 mois) est prolongé jusqu’à 5 mois de façon à ce que le maire ne soit pas obligé de prendre une décision sur un projet non stabilisé ;

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- La consultation de l’ABF réalisée dans le cadre du permis de construire vaut également pour l’autorisation unique et est transmise au préfet ;

- La réglementation actuelle prévoit que le Permis de Construire ne peut être délivré avant l’autorisation de défrichement ce qui est en contradiction avec le fait que l’autorisation de défrichement est intégrée à l’autorisation unique. On déroge donc à cette obligation dans le cadre de l’expérimentation.

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Annexe 7 : L’indice de Biodiversité Potentielle

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