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GROUPE DE TRAVAIL « TITRISATION ET PME » DEVELOPPER EN FRANCE LA TITRISATION DES CREDITS AUX PME Rapport de synthèse JANVIER 2004

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GROUPE DE TRAVAIL« TITRISATION ET PME »

DEVELOPPER EN FRANCE

LA TITRISATION DES CREDITS AUX PME

Rapport de synthèse

JANVIER 2004

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PRISE DE POSITION...........................................................................................................................5

EXECUTIVE SUMMARY.......................................................................................................................7

INTRODUCTION...............................................................................................................................10

I. LA TITRISATION DES CRÉDITS PME COMME SOUTIEN AU FINANCEMENTDES PME ......................................................................................................................................10

I.1. LES AVANTAGES PER SE DE LA TITRISATION DES CRÉDITS AUX PME........................................10

a) Une meilleure connaissance du risque PME et de son prix de marché .......................11

b) une quantité supplémentaire de financements ou une fraction libérée et disponiblede fondspropres ...................................................................................................................12

c) un coût réduit de refinancement ou de libération de capital .........................................12

d) un transfert de risques PME vers le marché.................................................................12

e) conséquences à moyen terme......................................................................................13

I.2. UNE FORME EFFICACE DE POLITIQUE DE SOUTIEN AU FINANCEMENT DES PME.........................13

a) avantages supplémentaires pour les PME ......................................................................14

b) une politique publique à fort effet de levier ......................................................................15

II. CONDITIONS DE L’ÉMERGENCE DE CE MARCHÉ EN FRANCE ET PROPOSITIONS...............................17

II.1. DES OPÉRATIONS À LA RENTABILITÉ INSUFFISANTE................................................................18

II.2. ACCROÎTRE LA RENTABILITÉ DES OPÉRATIONS.......................................................................20

A. Améliorer l’évaluation du risque PME ...........................................................................20

B. Accorder des avantages spécifiques aux opérations de titrisation de crédits aux PME .21

II.3. Atténuer de possibles résistances des banques ...............................................................24

II.4. Autres réflexions ................................................................................................................25

ANNEXE 1 : COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL..........................................................................26

ANNEXE 2 : AUTRES PERSONNES AYANT PARTICIPÉ AUX TRAVAUX ...................................................27

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En février 2002, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris a formulé une proposition-cadredemandant aux pouvoirs publics d’examiner la titrisation comme un moyen de soutenir lefinancement des PME françaises. Cette proposition a trouvé un écho auprès de plusieursprofessionnels de la sphère bancaire et financière, qui a conduit à la création d’un groupe detravail composé de plusieurs personnalités issues aussi bien des différents métiers ou typesd’organismes bancaires et financiers qui pourraient être impliqués dans ces opérations, que dumonde des PME ou de la sphère académique. L’objet de ce groupe était de mieux comprendrel’intérêt d’un tel marché pour l’accès au financement des PME, ainsi que les conditions à réunirpour qu’il puisse voir le jour sur une grande échelle. Si les opérations de titrisation n’ont aucune incidence directe sur les entreprises dont les créditsfont partie des portefeuilles titrisés, elles comportent néanmoins des conséquences sur lesétablissements bancaires cédants, qui peuvent alors être conduits à modifier leurs comportementsde crédit. Dans cette mesure, plusieurs conséquences de la titrisation sur les banques peuventavoir des répercussions positives pour leur clientèle de petites et moyennes entreprises : - la titrisation oblige les banques à mieux connaître le risque des PME et son prix de marché.

L’avantage pour les PME ne consistera pas dans un premier temps en une diminution descoûts du crédit mais en un accès au crédit facilité, spécialement pour les PME présentantdes profils de risque relativement élevés, et dont des projets pourtant rentables peuventaujourd’hui être considérés par les banques comme offrant une rémunération nette du risquetrop faible.

- Les banques retirent d’une opération de titrisation de nouvelles marges de manœuvre. LesPME pourront alors bénéficier d’une plus grande quantité de financements qui dépendradu couple rentabilité/risque qu’elles représentent au moment de la titrisation, en comparaisondes emplois alternatifs.

- La titrisation se traduit par un certain transfert du risque aux investisseurs finaux. La cessiond’une partie des risques PME libérera au sein du portefeuille de la banque un espace quil’incitera à se « réapprovisionner » en crédits PME.

Ces avantages de la titrisation des crédits aux PME peuvent en outre être renforcés lorsque lesopérations bénéficient d’un soutien public. C’est ainsi que les politiques d’aide à la titrisationengagées par l’Allemagne, l’Espagne et la Communauté européenne (via le FEI) sontconditionnées par le fait que les bénéfices que les banques en tirent soient très largementredistribués à leur clientèle PME. Ces politiques de soutien au financement des PMEprésentent également le grand intérêt d’être peu coûteuses en argent public et de bénéficierd’effets de levier très élevés. Pour certaines opérations sponsorisées par le Trésor espagnol, lefacteur multiplicatif de la dépense publique peut ainsi être évalué à 1 € dépensé pour 5000 € denouveaux crédits aux PME. La France se caractérise aujourd’hui par la grande faiblesse de son marché de la titrisation descrédits aux PME. Le principal obstacle à l’émergence de ce marché paraît résider dans la faiblerentabilité potentielle de ces opérations pour les établissements bancaires, en raison del’insuffisante connaissance et maîtrise des risques PME, et de l’étroitesse des marges nettes derisque sur ces crédits.

Convaincre les banques françaises de s’engager dans des programmes de titrisation de leurscrédits aux PME suppose ainsi au premier chef de renforcer la rentabilité de ces opérations. Legroupe de travail préconise à cette fin une politique publique conjuguant un avantage en termes decoût de financement, et des interventions dans les parts de premières pertes des opérations :

- l’Etat français pourrait ainsi accorder sa garantie sur les titres les mieux notés desopérations de titrisation. Cette garantie pourrait à moyen terme être associée à une plate-forme de mutualisation des placements des tranches senior ;

- parallèlement, la BDPME/Sofaris pourrait élargir le mécanisme d’intervention en premièrespertes qu’elle projette aujourd’hui, pour l’étendre à des risques supplémentaires.

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Ces politiques publiques seraient assorties de réexamens réguliers afin d’évaluer le succès desopérations et les avantages qu’en tirent les PME. En outre, elles pourraient être soumises à desconditions de réinvestissement par les banques dans des crédits aux PME. Si ces recommandations sont sans doute les plus importantes, d’autres orientations peuvent aussiêtre retenues, qui contribueraient à faciliter l’émergence d’un véritable marché français de latitrisation des crédits aux PME : - une collaboration pourrait s’engager entre les agences de notation et la BDPME/Sofaris,

permettant à celles-là de bénéficier de certaines informations contenues dans la base dedonnées Sofaris. Plus elles détiendront d’informations pertinentes sur les risques PME, moinsen effet les opérations de titrisation seront pénalisées ;

- Le Secrétariat d’Etat aux PME, les réseaux consulaires et l’Association française des trésoriersd’entreprise pourraient utilement coordonner à l’avance une campagne d’information àdestination des PME, afin de clarifier les mécanismes et les effets de la titrisation ;

- Enfin, la Fédération des banques françaises pourrait sensibiliser les plus hautes instancesdes établissements bancaires à l’intérêt de s’engager dans ces programmes et faire part deses préconisations pour la mise en œuvre et la réussite de ce type de projet.

L’encours des crédits accordés aux PME françaises représente aujourd’hui quelque 650 Mds €. Cegisement permet d’espérer le développement d’un vaste marché français de la titrisation descrédits aux PME, qui faciliterait l’accès des PME au financement bancaire et renforceraitl’attractivité de la place financière de Paris. Si les propositions ci-dessus exigent sans doute destravaux techniques complémentaires pour pouvoir être mises en œuvre, le groupe de travailespère néanmoins avoir contribué à faire progresser non seulement cette idée mais la possibilitéqu’elle aboutisse concrètement.

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In February 2002, the Paris Chamber of Commerce and Industry (Chambre de Commerce etd’Industrie de Paris) set up a proposal asking the French government to consider securitisation asa way to support the financing of SMEs in France. This proposal was welcomed by severalprofessionals from the banking and financial world and led to the creation of a working groupcomposed of representatives from the various banking and financial institutions that couldpotentially be implicated in such transactions, as well as representatives of French SMEs and alsothe academic sphere. The objective of this working group was to better understand the benefit ofsecuritisation in terms of SMEs access to finance and the conditions needed in order to foster aconcrete and large application of SME securitisation.

If securitisation transactions have no direct impact on the companies whose loans are part ofsecuritised portfolios, they nevertheless have consequences on the originator (the lending bank)that subsequently might modify its credit policy. The consequences of securitisation on originatorscan hereby have positive repercussions on their pool of SME clients:

- Securitisation forces banks to better estimate the SME risk and its market price. At a firststage, the advantage for SMEs will not consist in a reduction of the credit cost but inenhanced access to credit, especially for SMEs with a relatively high credit risk profile,and for those SMEs whose projects, even if profitable, are considered by the banks asoffering a risk remuneration that is too low.

- Banks benefit from a securitisation transaction because it enables them to better managetheir portfolios. In comparison to other financial instruments, securitisation grants SMEs agreater volume of financing that is dependant on their profitability/risk profile at the timeof securitisation.

- Securitisation implies a risk transfer to final investors. This transfer of part of the SME riskallows banks to free capital within their portfolios and provides an incentive for the creationof additional SME loans.

The advantages of SME securitisation can increase when these operations benefit from publicintervention. Indeed, the state aid for SME securitisation launched by Germany, Spain and theEuropean Community (via EIF) are subject to the fact that benefits received by the originator will betransferred to SMEs. These policies in support of SME financing are also interesting becausethey demand little public cost and benefit from a strong leverage effect. Indeed, for certaintransactions sponsored by the Spanish Treasury, the gearing of public spending has beenevaluated at EUR 1 spent for EUR 5,000 of new SME loans.

France is currently characterised by a weak SME securitisation market. The main obstacle to thedevelopment of this market seems to be the weak potential profitability of these transactionsfor originating banks due to a lack of knowledge and control over SME risks, and due to a narrownet margin of risk on these credits.

In order to convince French banks to securitise their SME loans, there should be first and foremostan increase in the profitability of these operations. For this purpose, the working group supports apublic policy that is advantageous in terms of funding costs and that includes interventions in thefirst loss pieces of these operations:

- The French State could for example provide a guarantee on the well-rated tranches ofthe operation. In the medium-term, such a guarantee could be linked to a mutualisationplatform of the placement of the senior tranches.

- In parallel, the BDPME/Sofaris could extend its mechanism of intervention in first losspieces, currently under development, to include additional risks.

These public policies would be monitored regularly in order to evaluate the success ofsecuritisation operations and the advantages for SMEs. Moreover, originating banks could besubject to terms for reinvestment in SME loans.

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Besides these recommendations, which are the most important, other ways to facilitate thedevelopment of a true SME securitisation market in France should also be noted:

- Cooperation could be established between rating agencies and BDPME/Sofaris allowingthe rating agencies to benefit from information contained in the Sofaris database. Themore relevant information on SME risks they are able to access, the less the SMEsecuritisation transactions will be penalised.

- The SME Secretary of State (Secrétariat d’Etat aux PME), the consular networks and theFrench Association of enterprises treasurers (Association française des trésoriersd’entreprises) could coordinate an information campaign directed at SMEs with a viewto clarifying the mechanism and the effects of securitisation.

- Finally, the French Banking Federation (Fédération bancaire française) could make theFrench banks’ top management conscious of the interest in developing theseprogrammes and could provide advice on the efficient set up of these schemes.

The total outstanding volume of French SME loans currently amounts to approximately EUR650bn. Considering this amount, the development of a vast French SME securitisation market thatwould facilitate the access of SMEs to financing and that would render the Parisian financial placemore attractive should thus be foreseen. While the above proposals certainly require additionaltechnical considerations in order for the market to be put in place, the working group hopesnevertheless that it has been instrumental in promoting not only the idea but also its realisation(*).

(*) Le groupe de travail remercie les services du Fonds européen d'investissement pour avoirgracieusement traduit en anglais le résumé de ce rapport.

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La santé et le développement des PME françaises représentent un enjeu considérable pour notreéconomie. Elles constituent plus de la moitié de la valeur ajoutée des entreprises de l’industrie, ducommerce et des services, et emploient environ 60% des salariés1. C’est pourquoi la possibilitéqu’elles ont d’obtenir des financements en quantité et de souplesse suffisantes est déterminante.Elles sont d’ailleurs nombreuses, spécialement les plus petites d’entre elles, à considérer leuraccès au financement comme une des principales contraintes entravant leur développement2. Laproblématique de « l’accès » au financement primant ainsi celle du « coût » du crédit. Des travaux fondés sur des données de centrale des bilans suggèrent que ces difficultés sontsouvent liées au financement de l’exploitation courante (financement des stocks et dufonctionnement)3. Ceci doit être mis en regard du besoin de flexibilité financière des PME, qui sontconfrontées à la nécessité de faire face aux fluctuations de court terme de leur cycle d’exploitationet de s’adapter à des circonstances non prévues : difficultés d’un client ou d’un fournisseur,accroissement important du rythme de l’activité, diminution passagère du chiffre d’affaires… Alorsque les découverts et les crédits courants sont devenus des moyens de financement marginaux,elles ont été conduites à gérer leur flexibilité financière par la mise en réserve de disponibilités etde valeurs mobilières. Ce matelas de sécurité assure une protection aux PME les plus résistantesen période normale, mais ne garantit pas toujours les entreprises les plus fragiles, et peut danstous les cas s’avérer insuffisant lors de creux conjoncturels sévères. En outre, cette situation peutconduire les PME à réaliser des arbitrages délicats au détriment de leurs projets dedéveloppement et d’investissement. Cette problématique trouve son pendant dans les caractéristiques du marché bancaire des créditsaux PME. Même si des progrès importants ont déjà été réalisés — notamment par la mise enplace d’instruments de notation interne au sein des grands établissements —, les banquescontinuent à éprouver des difficultés à connaître, maîtriser et suivre le risque PME. Outre que lescrédits présentent des formes extrêmement diverses dans leurs objets ou leurs modes de garantie,les multiples déterminants du risque ne peuvent pas tous être analysés et détaillés, en raison ducoût unitaire de l’analyse des dossiers et, parfois, de la difficulté à obtenir l’ensemble desinformations ou documents nécessaires, que, par manque de moyens, certaines PME ne peuventpas toujours fournir. De plus, le marché français des crédits bancaires aux PME se définit aussipar des produits offrant de faibles marges nettes de risque, car proposés en tenant compte desenjeux commerciaux que représentent les entreprises et leurs dirigeants sur l’ensemble de larelation client (placements, offres de services à forte valeur ajoutée, gestion de fonds privés…).Ces caractéristiques peuvent expliquer la sélectivité et les exigences des établissements de crédit,ainsi que le renforcement de celles-ci dans les décisions prises par les agences bancaires dansles phases basses de la conjoncture. L’idée qu’un marché français de la titrisation des crédits aux PME pourrait contribuer à remédier enpartie à ces difficultés n’est en soi pas nouvelle. Inspirée par l’exemple précurseur des actionsconduites aux Etats-Unis par la Small Business Administration, elle a notamment été évoquée en1995 dans le cadre du Conseil National du Crédit4. Depuis, le lancement et le succès de marchésde ce type en Allemagne et en Espagne ont conduit la Chambre de commerce et d’industrie deParis à la reformuler5. L’écho qu’elle a trouvé à cette occasion auprès de plusieurs professionnelsde la sphère bancaire et financière a encouragé la création d’un groupe de travail dont l’objet étaitdouble :- mieux comprendre l’intérêt d’un tel marché pour l’accès au financement des PME ;- dégager les conditions à réunir pour qu’il puisse voir le jour sur une grande échelle.

1 Cf. H. Savajol, « Les PME : clés de lecture », Regards sur les PME, n° 1, janvier 2003, Agence des PME. 2 Voir par exemple l’enquête réalisée pour l’Observatoire européen des PME, Sixième rapport, Commission européenne, 2000.3 Entre 1990 et 1996, les crédits bancaires courants (de court terme) n’ont représenté qu’environ 1% du total du bilan des entreprisesfrançaises, contre quelque 7% en Allemagne 10% en Espagne et 18% en Italie. Cf. notamment M. Delbreil (et alii), Corporate finance inEurope from 1986 to 1996, European Committee of Central Balance Sheet Offices, septembre 2000. 4 CNC, Risque de crédit, septembre 1995. 5 CCIP, Les entreprises françaises face à l'intégration financière européenne, Rapport présenté par M. Jean-Yves Durance et adopté parl’Assemblée générale du 7 février 2002.

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Ce document présente la synthèse des conclusions et propositions du groupe de travail. Ilpropose, sinon une position de place au sens propre du terme, du moins les conclusions deplusieurs personnalités issues aussi bien des différents métiers ou types d’organismes bancaireset financiers qui pourraient être impliqués dans ces opérations, que du monde des PME ou de lasphère académique6. Au cours de ces travaux, trois enjeux majeurs sont apparus. Seuls les deux premiers ont étéexplicitement abordés (et seront traités ici), mais le troisième a aussi constitué la toile de fond decertains débats. - en premier lieu, un marché de titrisation des crédits aux PME pourrait contribuer à améliorer

l’accès au financement des petites et moyennes entreprises, et partant, favoriser ledéveloppement de l’économie française dans son ensemble ;

- en second lieu, les opérations de titrisation de crédits aux PME pourraient ouvrir un nouvelespace à la politique publique en faveur du financement des PME, qui y trouverait unmode d’intervention peu coûteux et doté d’un puissant effet de levier ;

- enfin, alors que l’Allemagne s’efforce aujourd’hui de proposer ses produits dans les autresEtats membres de l’Union européenne, la création d’un véritable marché français de latitrisation des crédits PME serait un élément de la modernisation de nos marchés financierset, par conséquent, de l’activité et l’attractivité de la place de Paris.

En discutant des conditions nécessaires à l’émergence d’un marché français de titrisation descrédits aux PME, le groupe de travail s’est pour l’essentiel focalisé sur les obstacles structurelsqu’il a identifiés et en regard desquels il a souhaité formuler des propositions. Pour autant, il nemésestime pas d’autres paramètres importants, qui découlent actuellement d’un contexteéconomique et réglementaire particulier :

- le creux conjoncturel ressenti depuis le début de l’année 2002, qui a tout d’abordprincipalement touché des grandes entreprises en proie à la chute des marchés boursiers, asensiblement affecté l’activité des PME en 2003 et a exercé des effets visibles en termes desinistralité. Cette détérioration de la conjoncture a impliqué une diminution de la demande decrédits — notamment de moyen terme — de la part des PME, tandis que, de leur côté, lesbanques ont été conduites à se montrer plus exigeantes pour faire face à l’accroissement desrisques. Dans ce contexte, les directions chargées du marché PME au sein desétablissements de crédit ne ressentent pas aujourd’hui un besoin fort de se redonner desmarges de manœuvre sur ce segment de clientèle. L’espoir qu’une reprise s’amorcera en2004 pourrait à cet égard modifier la situation.

- la mise en place, à partir de 2006, d’une nouvelle réglementation internationale et européennesur les ratios de solvabilité bancaire (« Bâle II ») incite à s’interroger sur son impact potentielsur le financement bancaire des PME. Les modifications successives des termes de l’accordlaissent à penser que les quotités de capital réglementaire que les banques devront conserveren regard des crédits aux PME ne devraient pas, en moyenne, être plus élevées à l’avenir quesous l’actuel ratio Cooke7. Cette moyenne devrait cependant recouvrir des situations assezdifférentes selon les types de prêts et de garanties, et selon la catégorie de risque danslaquelle les entreprises seront classées. En outre, certaines études laissent craindre unrenforcement de la cyclicité du marché de la fourniture du crédit. Or cette problématique estcruciale pour les PME, qui éprouvent déjà parfois des difficultés à renouveler leur financementdu cycle d’exploitation en période de creux conjoncturel. A cet égard, la titrisation des créditsaux PME ne saurait constituer, en tant que telle, une réponse à un éventuel renforcement ducycle du crédit. Elle pourrait cependant offrir aux pouvoirs publics de nouveaux modesd’intervention à fort effet de levier, permettant d’y remédier en partie.

6 Voir la liste des membres du groupe de travail en annexe.7 Les résultats de la dernière étude d’impact réalisée par le Comité de Bâle (QIS 3) ne sont toutefois pas confirmés par toutes les études, Lecabinet Mercer Oliver Wyman, par exemple, conclut au contraire à un accroissement du capital réglementaire nécessaire pour faire face auxcrédits PME (« Bâle II : au delà de la contrainte réglementaire, une opportunité stratégique », 2 juillet 2003).

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- enfin, tant les discussions dans le cadre de Bâle II, que l’application, à partir de 2005, desnormes comptables IAS pour les entreprises cotées de l’Union européenne, laissentaujourd’hui les directions financières des banques dans l’incertitude quant à la possibilité decontinuer à profiter pleinement des programmes de titrisation. En l’état actuel des travaux duComité de Bâle relatifs au traitement des titrisations, il est certain que ces programmes — toutau moins dans les configurations qu’ils ont pris ces dernières années — ne permettront plusde réaliser les substantiels gains en capital réglementaire auxquels les banques avaient étéhabituées sous le ratio Cooke8. Pour les établissements initiateurs, la question demeure desavoir si des économies seront permises au titre de la cession de pertes inattendues, et, le caséchéant, dans quelle mesure. Pour les établissements qui investissent dans des tranches detitrisation, la nouvelle réglementation risque d’affecter sensiblement l’intérêt de cesinvestissements9. Pour sa part, l’imposition de la norme IAS 27 (telle qu’elle a été interprétéepar le SIC 12) rendra sans doute plus difficile la déconsolidation comptable des véhiculesutilisés par les établissements bancaires pour réaliser leurs opérations. Les programmesfondés sur une cession de créances viseraient dès lors surtout un objectif de financement, etpourraient plus difficilement permettre un gain en capital réglementaire, si les normesprudentielles restaient calées sur les normes comptables. Le groupe de travail s’est efforcé detenir compte de ces facteurs, mais les incertitudes qui les affectent encore ne permettaient pasd’aboutir à des conclusions totalement définitives.

8 Le cadre prudentiel actuel ne permet pas d’ajuster la charge en capital réglementaire au niveau de risque effectif d’un portefeuille decréances, ce qui génère des écarts parfois substantiels — notamment sur les portefeuilles peu risqués — entre le capital réglementaire et lecapital économique des banques. La titrisation permet, dans une certaine mesure de combler cet écart. La réforme prudentielle en cours(« Bâle II »), qui tend précisément à rapprocher le capital réglementaire du capital économique, neutralise par là même un des objectifspoursuivis aujourd’hui par beaucoup d’opérations de titrisation.9 Une étude réalisée par la KfW sur la base des différents portefeuilles PME utilisés lors des opérations Promise montre que, selon lesparamètres des différents critères de risques du portefeuille titrisés (échelle de diversification, qualité moyenne des crédits, échéancesmoyennes des crédits), les exigences de fonds propres avant titrisation seraient, sous Bâle II, inférieures de 50 à 100% de cellespostérieures à la titrisation. Cet impact négatif de Bâle II sur la titrisation synthétique est surtout évident pour les crédits accordés à desentreprises classées dans la clientèle de détail et à des entreprises réalisant des chiffres d’affaires inférieurs à 50 M€.

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I. LA TITRISATION DES CREDITS PME COMME SOUTIEN AUFINANCEMENT DES PME

La titrisation des crédits bancaires aux PME peut prendre différentes formes, dont les deuxprincipales répondent à des objectifs différents :

- La titrisation classique (dite titrisation « cash ») correspond à la cession réelle d’un portefeuillede créances à des investisseurs externes. Elle garantit à l’établissement cédant un apport definancements, et peut, sous certaines conditions, autoriser une déconsolidation comptable descrédits.

- La titrisation synthétique consiste à ne céder aux investisseurs que le risque associé à unportefeuille de créances par la conclusion de contrats d’instruments dérivés de crédit. Labanque émet généralement un swap de défaut (ou : « Credit Default Swap » — CDS) parlequel, en échange d’une rémunération, elle reçoit une garantie couvrant les pertes quipourraient survenir sur les créances titrisées10. L’établissement originateur ne procède pas icià un refinancement. Cependant, en réduisant les risques portés à son actif, il libère une partiede ses fonds propres réglementaires.

Il n’existe pas, à ce jour, d’étude approfondie relative à l’impact potentiel de ces programmes sur lefinancement des PME11. Plusieurs arguments économiques peuvent néanmoins être avancés pourjustifier l’intérêt que celles-ci peuvent retirer du développement de ces opérations. En outre, lesmécanismes publics en vigueur en Espagne et en Allemagne, qui soutiennent ces programmes etqui, en tant que tels, supposent de mener une analyse coûts/avantages particulière, montrentqu’une politique publique est susceptible de renforcer leurs impacts positifs.

I.1. Les avantages per se de la titrisation des crédits aux PME

Les opérations de titrisation n’ont aucune incidence directe sur les entreprises dont les crédits fontpartie des portefeuilles titrisés. Celles-ci n’ont aucune formalité à remplir, aucune informationsupplémentaire à fournir. Elles ne sont d’ailleurs pas averties de la titrisation de leurs crédits, lesétablissements cédants préférant maintenir cette confidentialité afin de conserver intactes leursrelations clientèle12. En outre, dès lors que le portefeuille contient un nombre suffisant de lignes(dans le cas d’un portefeuille de crédits aux PME, la titrisation porte sur plusieurs milliers delignes), le nom des entreprises dont les prêts sont titrisés ne sont pas divulgués aux investisseurs.

Les conséquences de la titrisation pour les agents émettant les actifs titrisés ne peuvent parconséquent qu’être indirectes : la titrisation a des conséquences sur les établissements cédants,lesquels peuvent alors être conduits à modifier leur comportement quantitatif ou qualitatif de créditvis-à-vis de la population à laquelle elle accorde les prêts sous-jacents. Ainsi le mécanisme de latitrisation n’a-t-il pas d’influence directe sur « une » PME particulière, mais sur l’« agrégat » desPME dont les financements sont susceptibles d’être titrisés.

Les motivations d’une banque à titriser des crédits PME peuvent être multiples. Par exemple, ellepeut vouloir répondre à des besoins de liquidités tout en diversifiant ses sources de financement,ou attester de sa capacité à conduire des opérations sophistiquées, ou encore en profiter pouralléger son bilan. Cependant, à des fins heuristiques, et pour envisager les conditions nécessaires 10 Voir par exemple D. Marteau, « Vers une explosion du marché des dérivés de crédit », Arthur Anderson, mars 2001.11 Cf. cependant une note récente du Fonds européen d’investissement : Securitisation as a Means to Enhance SME Financing and the EIF’sRole as a Guarantor, 2003.12 Depuis 1998, il n’est plus obligatoire de notifier les débiteurs dont les crédits ont été cédés (art. L. 214.43 du Code monétaire et financier,partie législative). La politique commerciale des banques procédant à des opérations de titrisation en est ainsi facilitée.

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à la pérennité de ce marché, on considérera ici qu’une banque ne procède à une opération detitrisation de crédits PME que si elle lui est profitable. Cela suppose que :

1. le coût global de l’opération (notamment : fourniture des informations nécessaires, coûts destructuration et de notation, rémunération des investisseurs) soit inférieur aux avantages qui endécoulent en termes de diminution du coût de libération de fonds propres réglementaires etéconomiques (cas de la titrisation synthétique) et/ou de diminution du coût du refinancement (casde la titrisation cash) ;

2. le coût du refinancement ou de la libération de fonds propres permis par la titrisation de créditsaux PME soit inférieur ou égal au coût de refinancement ou de libération de fonds propres permispar des techniques alternatives et notamment par la titrisation d’autres actifs détenus enportefeuille.

Si ces deux conditions sont remplies, les banques tireront différentes conséquences d’uneopération de titrisation de crédits PME. Notamment :- une meilleure connaissance du risque PME et de son prix de marché ;- une quantité supplémentaire de financements ou une fraction libérée et disponible de fonds

propres ;- un coût réduit de refinancement ou de libération de capital ;- un transfert de risques PME vers le marché.A leur tour ces conséquences auront des effets sur le comportement des banques vis-à-vis de leurclientèle PME.

En outre, si la titrisation de crédits PME n’est pas simplement le fait de quelques banques, maisgénère un véritable marché primaire et secondaire apportant liquidité et capitaux, il pourrait endécouler, à terme, des conséquences positives supplémentaires pour les PME.

a) Une meilleure connaissance du risque PME et de son prix de marché Les titres ou les instruments dérivés de crédit adossés à un portefeuille de créances ne peuventconvaincre des investisseurs qu’à condition que les documentations renseignent trèsrigoureusement les risques du portefeuille sous-jacent. La titrisation constitue ainsi un exercice quicontraint les acteurs à connaître avec une extrême précision les risques impliqués. Desprogrammes de titrisation auraient ainsi pour conséquence de compléter et renforcer l’un desobjectifs poursuivis par le Comité de Bâle — inciter les établissements de crédit à mieux connaîtreet maîtriser leurs risques —, en conférant des avantages aux banques adoptant une approche parles notations internes. Une titrisation suppose en effet de la part de la banque originatrice un travail tant quantitatif quequalitatif sur la population des créances et des débiteurs visés par l’opération. Ce travail est requispar les agences de notation afin de leur permettre d’évaluer les risques inhérents au montage etde noter les tranches de risques proposés aux investisseurs. Il répond aussi à l’intérêt del’établissement bancaire, puisque celui-ci conserve généralement les premières pertes duportefeuille. Ce travail doit permettre à la banque cédante de disposer d’une information détailléeet actualisée sur les créances et les débiteurs cédés, sous un format relativement homogène afinde faciliter un traitement de masse, et sur une certaine période afin le cas échéant d’intégrer leseffets de cycle. Cette connaissance approfondie du risque assumé sur la clientèle PME permettra aux banques demieux maîtriser les critères de qualité d’une signature ou d’un projet et, par conséquent, de réduireà terme les asymétries d’information avec leurs clients, en étant susceptibles de mieux lesrépertorier dans des typologies plus avancées. Par là même, la titrisation pourrait amorcer uncercle vertueux, favorisant une fixation du taux d’intérêt en meilleure adéquation avec lesdifférentes classes de risque. L’avantage qui en résultera pour les PME ne consistera pas dans unpremier temps en une diminution des coûts du crédit mais en un accès au crédit plus facile pourles petites et moyennes entreprises, et spécialement pour celles présentant des profils de risquerelativement élevés, dont les projets pourtant potentiellement viables et rentables, peuventaujourd’hui être considérés par les banques comme offrant une rémunération nette du risque tropfaible.

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En outre, les banques pourront plus facilement communiquer sur leurs méthodes d’évaluation durisque et sur le prix que le marché lui impute. Les PME pourraient en tirer une meilleureconnaissance des critères d’octroi du crédit, ce qui contribuerait à améliorer la qualité desrelations banques-entreprises. b) une quantité supplémentaire de financements ou une fraction libérée et disponible defonds propres

Les banques retirent d’une opération de titrisation de nouvelles marges de manœuvre. Ellesaffecteront en priorité ces ressources aux emplois qui présentent pour elles le meilleur arbitragerentabilité/risque. L’activité PME bénéficierait alors d’une plus grande quantité definancements, à hauteur du couple rentabilité/risque qu’elle représente au moment de latitrisation, en comparaison des emplois alternatifs (crédits sur d’autres segments de clientèle,achats de titres, substitution à un endettement plus onéreux, rachat d’actions, etc…).

En raisonnant dans un contexte de croissance équilibrée, et en faisant l’hypothèse que l’actif dubilan du système bancaire français reflète la moyenne des arbitrages réalisés par le passé, lesbénéfices des opérations de titrisations devraient ainsi être investis dans la reproduction duportefeuille existant. Au 31/12/2002, le patrimoine financier des banques françaises13 représentait3 850 Mds €, dont on peut évaluer qu’environ 18% sont constitués de crédits accordés à desPME14. Au total, sous ces différentes hypothèses, on peut compter qu’en moyenne :

- 1 € de refinancement obtenu aboutirait à 0,18 € de nouveaux crédits PME ;- 1 € de capital réglementaire libéré aboutirait à 2,25 € de nouveaux crédits PME15.

c) un coût réduit de refinancement ou de libération de capital Une banque procède à un programme de titrisation dès lors que celui-ci lui permet d’obtenir descoûts de refinancement ou d’accroissement de capital utile inférieurs à ceux que présenteraient lesalternatives existantes (emprunts, émission de capital…). Il en découle un accroissement du tauxde rentabilité global de l’établissement. Dans l’hypothèse où la banque redistribue cette amélioration sur l’ensemble de ses activités, enréalisant une péréquation du coût des ressources pour l’ensemble de ses actifs, la direction ou lafiliale responsable des prêts aux PME bénéficiera en partie de cet accroissement de rentabilité,dans la seule mesure cependant du poids qu’elle représente dans l’actif global de la banque. Inversement, si le coût moyen des ressources était redistribué produit par produit16, l’activité« prêts aux PME » bénéficierait d’une rentabilité accrue par rapport aux autres activités. Lagestion actif / passif de la banque engagerait alors une redistribution du portefeuille de la banqueen faveur de cette activité plus rentable. d) un transfert de risques PME vers le marché Qu’elle soit synthétique ou classique, la titrisation de crédits implique très généralement quel’établissement cédant conserve la tranche la plus basse du portefeuille, partie dite de premièrespertes en ce qu’elle réceptionne en priorité les défauts réalisés sur les crédits sous-jacents.

13 Secteur S122 de la comptabilité nationale moins les OPCVM.14 L’encours global des crédits inscrits au passif des entreprises françaises (secteur S11 de la comptabilité nationale, c’est-à-dire horsentrepreneurs individuels) était estimé au 31/12/2002 à environ 1009 Mds €. Les données de la Centrale des risques de la Banque deFrance, qui recensent exhaustivement les encours accordés aux grandes entreprises, comptabilisent à quelque 320 Mds € l’encours desentreprises réalisant plus de 75 M€ de CA en septembre 2002. On peut donc évaluer l’encours des crédits accordés aux PME françaises(hors entrepreneurs individuels et réalisant moins de 75 M€ de CA) aux alentours de 690 Mds €.

15 %18%8

11 ×× .

16 Il est vrai que les établissements de crédit français n’adoptent généralement pas cette procédure. Il en était cependant ainsi au sein del’ex-Compagnie bancaire, lorsqu’elle procédait à des titrisations de crédits immobilier ou de crédits à la consommation.

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Cette conservation des premières pertes n’est certes pas une fatalité. Un marché de transfert destranches les plus subordonnées (ou « equity ») d’une titrisation pourrait se développer. Afin deréaliser un transfert de risque plus efficace, certains cédants se sont d’ailleurs déjà dégagés despertes attendues en titrisant, dans un nouveau portefeuille, la tranche la plus junior d’une opérationde titrisation. Ce marché est cependant extrêmement onéreux et devrait probablement demeurerrestreint et confidentiel à horizon prévisible, sauf à ce que des mécanismes de soutien public luisoient associés. Cependant, même si le cédant ne transfère au marché qu’une faible part des pertes effectives duportefeuille, il existe néanmoins un transfert des pertes inattendues, qui s’est déjà traduit par lepassé, pour des portefeuilles de crédits à de grandes entreprises, par des dégradations des notesaffectées aux tranches cédées, voire à des opérations qui n’ont pas été rentables pour lesinvestisseurs. En supposant que la banque avait organisé stratégiquement son portefeuille de manière à répartiret diversifier ses risques sur l’ensemble de la gamme des actifs qu’elle détient, la cession d’unepartie de ses risques PME modifiera l’équilibre qui avait été atteint, et libérera ainsi un espacequi incitera la banque à réapprovisionner son portefeuille en crédits PME. Cet effet serad’autant plus important que l’aversion au risque de l’établissement bancaire sera grande,notamment vis-à-vis des risques de pertes inattendues. e) conséquences à moyen terme

Si le marché de la titrisation des crédits aux PME se développe et atteint une taille significative, ilen découlera à moyen terme les conséquences supplémentaires suivantes :

les prêts aux PME deviendront une source potentielle de refinancement ou un moyen alternatifde libérer du capital. Permettant de diversifier les moyens d’obtenir des ressourcesadditionnelles, les banques valoriseront davantage l’activité prêts aux PME. Ceci serad’autant plus vrai que les portefeuilles titrisés de crédits aux PME, étant mieux diversifiés,bénéficieront d’une meilleure stabilité de qualité de crédit que les portefeuilles de crédits auxgrandes entreprises17 ;

les crédits PME perdront leur image d’actifs immobilisés jusqu’à échéance du prêt, etacquerront en partie un caractère liquide. Sachant qu’ils offrent une possibilité partielle desortie, les banques seront plus consentantes à en octroyer.

Au total, l’activité PME sera regardée par les banques comme permettant de réaliser unegestion financière moderne et sophistiquée, au même titre que les autres segments decrédits composant leur portefeuille. La titrisation des crédits PME facilitera ainsi, au sein desétablissements de crédit, les discussions ou négociations entre la direction chargée du marchéPME et les responsables de la direction financière et de la gestion actif / passif ;

le marché des prêts aux PME sera davantage transparent. La titrisation implique unecommunication fréquente des données de risques, voire de marges, sur les portefeuilles. Ceciaméliorera la concurrence sur le marché : une banque qui voudrait tirer profit de la titrisation sansen transférer les bénéfices aux débiteurs provoquera plus rapidement une réaction concurrentielledes autres banques, qui pourraient diminuer leurs marges pour accroître leurs parts de marché.

I.2. Une forme efficace de politique de soutien au financement des PME

La Small Business Administration (SBA) peut garantir une partie des prêts aux PME distribués parles établissements bancaires américains. Depuis 1985, elle favorise la titrisation de cette partiegarantie, en passant en revue la documentation et en facilitant les règlements entre lesinvestisseurs et le cédant. Une opération peut ainsi être réalisée en seulement deux semaines18.

17 Il est à noter que malgré la forte crise du crédit ressentie en 2002, les tranches de titrisation sur des crédits particuliers ou PME n’ont étédégradées.18 La SBA a également tenté de développer la titrisation des parties des prêts qu’elle ne garantit pas, en les autorisant sous réserve que lesétablissements cédants conservent un pourcentage de la valeur des prêts égal au double du taux de perte historique des prêts originés par

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Entre 1994 et 2001, le volume des crédits titrisés aux Etats-Unis a représenté 24 Mds de dollars.Ce succès a encouragé le lancement de politiques de soutien à la titrisation en Europe.

Depuis une loi de mai 1999, le Trésor espagnol propose, sous certaines conditions, de garantirune partie de la dette globale adossée aux portefeuilles de crédits aux PME que les banquessouhaitent titriser. L’étude des dossiers suppose que le fonds de titrisation a déjà fait procéder àune analyse de la qualité de crédit. Jusqu’en avril 2003, les tranches de dette notées AA ouéquivalent pouvaient être garanties jusqu’à 80%, celles notées A ou équivalent jusqu’à 50%, etcelles notées BBB ou équivalent jusqu’à 15%. Depuis cette date19, seules les tranches les moinsrisquées — atteignant une notation AA — peuvent bénéficier d’une garantie, à hauteur de 80% deleurs montants. L’Etat ne verse ainsi aucun flux financier initial, mais assume un risque de défautsur une partie du portefeuille. Entre février 2000, date de la première opération bénéficiant de ceprogramme, et octobre 2003, le volume de ces titrisations « cash » a atteint 7,6 Mds €.

En Allemagne, la KfW, banque publique détenue à 80% par l’Etat fédéral et à 20% par les Länder— et bénéficiant de notations externes AAA et d’une pondération Cooke de 0% grâce à la garantiede l’Etat fédéral —, a créé une plate-forme standardisée PROMISE pour des opérationssynthétiques de prêts aux PME, par laquelle elle s’interpose entre les établissements cédants etles investisseurs finaux qui fournissent des garanties (CDS). Elle permet ainsi à la banqueoriginatrice de bénéficier d’une contrepartie affectée d’une pondération Cooke de 0%, et la fait parlà même bénéficier d’un coût de libération de capital réglementaire substantiellement réduit. Dedécembre 2000 à août 2003, les programmes ont porté sur des portefeuilles sous-jacentstotalisant 15,1 Mds €.

En outre, la Commission européenne elle-même, à travers le Fonds européen d’investissement(FEI) dont elle est actionnaire, manifeste son soutien au développement des opérations detitrisation de crédits aux PME en Europe. Depuis 2000, le FEI est intervenu dans 6 payseuropéens, en accordant sa garantie sur des titres notés entre BB et A, les faisant ainsi bénéficierde sa notation AAA. Le montant total des garanties accordées par le FEI à des opérations detitrisation de crédits PME s’élève à environ 1 Mds €, pour un volume de portefeuilles sous-jacentstotalisant quelque 18 Mds €20.

a) avantages supplémentaires pour les PME

Outre les avantages de la titrisation formulés plus haut, l’aide publique accordée auxétablissements cédants peut être assortie de conditions particulières, qui renforcent les avantagesque les PME peuvent en tirer.

Ces conditions peuvent s’opérer en amont ou en aval de l’opération :

en amont, en définissant les actifs que doivent contenir les portefeuilles titrisés21. Dans lamesure où la première opération de titrisation engagée par un établissement bancaireconstitue une incitation à renouveler l’opération (afin d’amortir ses coûts fixes initiaux surplusieurs transactions), la définition de prêts éligibles incite les banques à recharger leurportefeuille en ces actifs. C’est ainsi que les prêts promotionnels ICO ou KfW font typiquementpartie des prêts éligibles, afin de générer davantage d’activité sur ces prêts ;

l’établissement cédant. Elle procède ainsi régulièrement à des estimations du risque de portefeuille sur les prêts PME. Les opérations portantsur la partie non garantie des prêts aux PME n’ont toutefois pas connu d’essor.19 Orden ECO/1064/2003 du 29 avril 2003.20 Les interventions du FEI, dont les garanties s’appliquent sur des tranches « basses » des dettes adossées aux crédits PME, étantcomplémentaires à celles adoptées au plan national par l’Espagne et l’Allemagne, le volume global inclut des opérations déjà comptabiliséesci-dessus au titre de la garantie du Trésor espagnol et de la plate-forme PROMISE. 21 L’Etat espagnol demande que (a) le portefeuille soit composé, dans une proportion d’au moins 40%, de prêts aux PME(entreprises ayant moins de 250 employés, un chiffre d’affaires inférieur à 40 millions d’€, des actifs inférieurs à 27 millions d’€, une grandeentreprise ne doit pas détenir plus de 20% de son capital). (b) Les PME ne relèvent pas du secteur public ou financier. (c) Leur siège socialsoit établi en Espagne. (d) La durée des prêts soit supérieure ou égale à 1 an. Depuis avril 2003, les portefeuilles doivent comprendre aumoins 80% de prêts aux PME. La KfW demande aux établissements bancaires d’introduire dans leur portefeuille des crédits aux PME. Deplus, elle accorde certains avantages si, parmi ces crédits, figurent des prêts promotionnels KfW, notamment dans la mesure où ces prêtsont un horizon long (souvent de 10 ans, ils peuvent parfois s’étendre sur 20 ans). Le FEI conditionne ses interventions au fait que la majoritédu portefeuille sous-jacent soit constitué de financements aux PME (de fait, dans la plupart des opérations du FEI, la totalité du portefeuilleétait composé de financements aux PME).

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en aval, en orientant la façon dont les banques affectent les ressources supplémentaires tiréesde l’opération22. Ceci garantit qu’une grande partie de ces ressources seront affectées à denouveaux prêts aux PME.

b) une politique publique à fort effet de levier

En Allemagne, le coût assumé par la KfW pour le programme Promise est virtuellement nul. Le graphique suivant montre qu’en s’interposant entre la banque cédante d’une part et lesapporteurs de garanties (CDS) et investisseurs (CLN) d’autre part, la KfW assume un risque decontrepartie. Sur la tranche super senior du portefeuille, ce risque se matérialiserait à une doublecondition : d’une part, que cette tranche la plus élevée du montage, bénéficiant d’une note AAA,soit affectée d’une perte ; d’autre part que les établissements offrant la protection soient en défaut.La probabilité que ces deux événements se réalisent simultanément est donc extrêmement faible.Sur la tranche mezzanine, le produit des émissions est investi dans des titres présentant desprofils non risqués (titres publics de la KfW), qui servent de collatéral aux Credit Linked Notes(CLN). En cas de pertes affectant cette tranche, la cession de ces titres garantit que le véhiculepourra bien compenser la banque.

Banquecédante

KfW

Portefeuillederéférence

Portefeuillederéférence

Swap dedéfaut(CDS)

CDSsenior

Certificatd’endettement

SPVPROMISE

BanqueOCDE

Tranchesuper-senior (80 à 90 %duportefeuille)

AAA

AA

A

BBB

BB

EmissionCLN

CDS junior„counter-

part“CDS junior

Source : KfW En outre, la plate-forme PROMISE occasionne des dépenses d’ordre essentiellementadministratives et en personnel. Mais la KfW facture ses services, en faisant payer des frais auxétablissements originateurs qui transfèrent le risque lié aux portefeuilles de référence par sastructure.

En Espagne, l’Etat ne verse aucun flux financier initial, mais assume un risque de défaut surles tranches les moins risquées des portefeuilles. A cela s’ajoutent également des fraisadministratifs et de personnel d’examen des dossiers.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement espagnol a décidé de fixer un plafond de1,8 Mds € aux garanties qu’il était susceptible d’accorder à ce titre. C’est ainsi que de plus de2,7 Mds € de titres représentatifs de crédits aux PME ont été émis en 2002. Le coût réel de cettepolitique pour le budget espagnol dépendra naturellement des pertes qui affecteront les tranchesgaranties des portefeuilles titrisés. En raisonnant en termes d’espérance de pertes, il apparaîttoutefois que l’impact budgétaire reste extrêmement modéré, générant ainsi un effet de levier trèsélevé (cf. encadré). 22 Les banques espagnoles bénéficiant d’une garantie publique avaient jusqu’à peu pour obligation de réinvestir, dans un délai d’un an, aumoins 40% du refinancement obtenu en crédits aux PME. Cette proportion est passée à 80% depuis avril dernier. Les banques allemandespassant par la plate-forme PROMISE s’engagent au travers d’une lettre d’intention à affecter le capital libéré à de nouveaux prêts aux PME.Le FEI demande que le cédant s’engage à réutiliser les ressources libérées pour de nouveaux financements aux PME.

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Evaluation de l’espérance de perte et de l’effet de levier de la politique espagnole

Dans le cas du programme monté par la Caixa Catalunya en janvier 2001, un portefeuille de 150M€ de prêts sécurisait une émission de 3 tranches initialement notées comme suit :

Série A1 : 87 M€, échéance moyenne 2,72 ans, notée Aa1 (Moody’s)Série A2 : 54 M€, échéance moyenne 5,72 ans, notée Aa1 (Moody’s)Série B : 9 M€, échéance moyenne 3,84 années, notée Baa3 (Moody’s)

Les deux premières tranches ont bénéficié pour 80% de la garantie du Trésor espagnol soit : 69,6 M€ de la série A1 (notés Aaa après garantie)43,2 M€ de la série A2 (notés Aaa après garantie)

Sachant que les taux idéalisés d’espérance de perte cumulée affectant les notes Aa1 de Moody’scorrespondent à 0,00165% et 0,00550% pour les années 2 et 3, et à 0,01705% et 0,02310% pourles années 5 et 6, on peut en déduire que l’espérance de perte pour l’Etat espagnol estd’environ 12 300 € (*), c’est-à-dire inférieure à 0,01% du montant du refinancement obtenu par labanque cédante.

Sachant que la Caixa Catalunya avait, en contrepartie de la garantie du Trésor, pour obligation deréinvestir 40% des refinancements obtenus en nouveaux prêts aux PME, soit 60 M€(**), il apparaîtque le facteur multiplicatif de la dépense publique est d’environ 1 pour 5000. L’effet de levierest donc considérable.

(*)

[ ] MEurMEur 2,43%)01705,0%02310,0(10072(%01705,06,69%))00165,0%00550,0(

10072(%00165,0 ×−×++×⎥⎦

⎤⎢⎣

⎡ −×+

(**) 40% x 150 M€.

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II. CONDITIONS DE L’EMERGENCE DE CE MARCHE EN FRANCEET PROPOSITIONS

L’émergence d’un véritable marché français de titrisation de prêts aux PME suppose deconvaincre à la fois l’offre et la demande.

Du côté de la demande, les expériences étrangères montrent que les investisseurs sontgénéralement désireux d’accéder à ce segment du marché, qui leur permet de diversifier leursactifs, notamment en réduisant la part consacrée aux titres adossés à des crédits sur de grandesentreprises — qui ont ces dernières années subi certaines dégradations. Naturellement, cesinvestissements supposent aussi des opérations de taille suffisante pour leur assurer une certaineliquidité, des portefeuilles dont les caractéristiques limitent l’exposition au risque (diversificationsectorielle et géographique du portefeuille et forte granularité grâce à l’agrégation de plusieursmilliers de lignes), ainsi qu’une documentation de qualité. Sous ces conditions, il apparaît que lepotentiel d’investissement dans des titres adossés à des prêts aux PME est important.

La problématique de l’offre apparaît plus décisive. Déjà dotée d’un marché global de la titrisationstructurellement faible par rapport à ses voisins européens23, la France se singularise par lafaiblesse de ses opérations de titrisation des crédits bancaires aux PME. Même s’il n’est paspossible d’en dresser une liste exhaustive, il semble que les opérations réalisées en France n’ont àce jour concerné que quelques cas :

- Le Crédit Lyonnais a titrisé en juin 1996 un portefeuille de 762 M€ de prêts à moyen et longterme à des pharmaciens ;

- Le Groupement des Industries Agricoles, Alimentaires et de Grande Consommation (GIAC) aprocédé à 4 opérations originales, dans lesquelles des prêts ont été financés grâce à leurtitrisation simultanée. La dernière opération, réalisée en décembre 2001, concernait des prêtsà 10 ans pour 24 PME membres du GIAC, atteignant un montant total de 29 M€. Au total, lesquatre opérations se sont élevées à quelque 180 M€.

- En juillet 2002, un ensemble de 25 prêts à moyen et long terme accordés à des coopérativescéréalières françaises ont été titrisés via le fonds commun de créances « MT Coopératives2002-2009 ». Cette opération cash portait sur 91,5 M€.

On notera à cet égard que cette faiblesse du marché français n’a permis à la France debénéficier que de manière très secondaire des garanties que le Fonds européend’investissement accorde sur certaines parties des titres adossés à des portefeuilles decrédits PME24.

23 Entre janvier 2001 et juin 2003, les titrisations françaises (i.e. dont les actifs sous-jacents étaient français) ont totalisé 18,7 Mds €. LaFrance ne se classe ainsi qu’au 5e rang européen, très loin derrière le Royaume-Uni (143,5 Mds €) et l’Italie (81,9), mais loin aussi derrièrel’Espagne (41,1) et les Pays-Bas (37,5) (Cf. ESF Securitisation Data Report, hiver 2003 et été 2003).24 Seule l’opération GIAC 4 a pu en bénéficier en France, sur une classe mezzanine représentant 7,3 M€.

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Plusieurs facteurs, qui font l’objet de développements ci-après, peuvent expliquer les résistancesdes banques à titriser leurs créances sur de petites ou moyennes entreprises. La principale causeidentifiée ci-dessous est la difficulté de rentabiliser ces opérations. C’est pourquoi le groupe detravail préconise d’agir prioritairement sur ce point, en empruntant conjointement les deux axescomplémentaires suivants : une aide pour accroître la sortie effective des risques lors desopérations, et un mécanisme permettant de diminuer le coût du financement. A côté de ces deuxorientations majeures, d’autres pistes méritent également d’être explorées, qui pourraient faciliteret accélérer la mise en place d’un véritable marché d’émission de titres adossés à des crédits surles PME françaises.

II.1. Des opérations à la rentabilité insuffisante Au cours de ces dernières années, les banques françaises ont réalisé des titrisations portant surdifférents types de créances (prêts aux grandes entreprises, crédits hypothécaires et à laconsommation aux particuliers), mais n’ont quasiment pas réalisé d’opérations à partir de leursactivités PME. Celles-ci présentent en effet deux principales spécificités, qui limitent la rentabilitépotentielle des opérations :

les risques PME sont encore difficiles à appréhender. Les banques françaises n’ont pas encore toutes développé des systèmes très affinés de suivi durisque sur leurs contreparties PME. Il ne leur est donc pas toujours possible d’évaluer finement laprobabilité de défaut et le taux de recouvrement, et donc la perte nette des portefeuilles. S’engagerdans ces conditions dans un programme de titrisation impliquerait non seulement d’accepter descoûts de recherche de ces informations, mais également, sans doute, de ne pas maîtriserparfaitement à l’avance la rentabilité de l’opération. Les premières opérations devraient donc êtreregardées par les établissements de crédit comme un investissement sur l’avenir, permettant dedisposer des infrastructures pour des programmes ultérieurs. Cette difficulté d’évaluer les risques sur les prêts aux PME trouve également son pendant du côtédes agences de notation. La titrisation d’un portefeuille de crédits aux grandes entreprises, parexemple, implique pour celles-ci de procéder à une analyse ligne à ligne, tout en pouvants’appuyer parfois sur des notations individuelles déjà existantes. Pour atteindre le même volume,un portefeuille de crédits aux PME présente un nombre de lignes beaucoup plus élevé, ce quiinterdit une analyse individuelle des crédits sous-jacents, qui serait excessivement coûteuse etlongue. Par ailleurs, en les comparant avec l’autre segment de la clientèle des établissements decrédit, les prêts aux PME apparaissent beaucoup plus hétérogènes que les crédits auxparticuliers : certains ne présentent pas de garanties, les autres offrent des garanties très diverses(de nature commerciale, hypothécaire, réelle, cautions…), leurs échéances ne sont pashomogènes, leurs objets peuvent également être très différents, etc. On est donc loin des facilitésd’évaluation offertes par les crédits à la consommation, les cartes de crédit ou les créditshypothécaires, qui sont suffisamment standardisés pour permettre un traitement rapide etpurement statistique. Pour pallier ces difficultés, les agences de notation ont développé différentes méthodologiesspécifiquement adaptées aux « pools » de crédits PME, qui peuvent être menées séparément ousimultanément25 : - l’analyse historique du comportement de l’ensemble des crédits PME inscrits au bilan de la

banque. Il est alors nécessaire de s’assurer que la qualité de crédit du portefeuille titrisé est aumoins aussi bonne que celle de l’ensemble du portefeuille PME de la banque ;

- la notation, à partir d’une procédure simplifiée, de chacune des PME dont les crédits sontinclus dans le portefeuille ;

25 Sur les méthodologies adoptées par les agences de notation pour évaluer le risque d’un portefeuille de crédits aux PME, cf. Fitch IBCA,« European SME CDOs : An Investors Guide to Analysis and Performance », European Structured Finance Special Report, 2 octobre2001 ; Standard & Poor’s, European CLO’s of SMEs, Structured Finance Ratings, mai 2003 ; et A. Postigo, « FTPYMEs : Moody’s AnalyticalApproach to Spanish Securitisation Funds Launched under Government’s FTPYME Programme », Internetional Structured Finance, RatingMethodology, octobre 2003.

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- le rapprochement (« mapping ») entre les systèmes de scoring et/ou de notations internes dela banque originatrice (lorsqu’ils existent et qu’ils sont jugés suffisamment fiables) et leurpropre grille de notation.

Cependant, en raison des incertitudes qui affectent encore les données que certaines banquespeuvent fournir sur les PME, et en l’absence d’expérience historique de comportement desportefeuilles de crédits aux PME françaises, la prudence pourrait initialement pousser les agencesde notation à majorer leurs exigences de rehaussements de crédit, ce qui pèserait sur la rentabilitédes opérations : la taille de la tranche des premières pertes paraîtrait trop importante aux banquesoriginatrices, car ne permettant pas une véritable externalisation du risque ; de plus les margesdemandées par les investisseurs risqueraient d’être d’autant plus fortes que le risque n’aura paspu être évalué finement.

les marges nettes de risque sur les prêts aux PME sont faibles.

Pour un établissement cédant, une opération de titrisation sera d’autant plus rentable que la margequ’il exige de ses clients pour rémunérer son risque de crédit est importante. Or les banquesfrançaises ont en partie conçu leurs crédits aux PME comme un produit d’appel permettant de faireface à la concurrence qu’elles se livrent pour attirer les entreprises et leurs dirigeants vers d’autresproduits plus rémunérateurs. Il en découle que les marges pratiquées en France sur les créditsaux PME sont souvent très réduites (même si elles restent proches de celles observées enAllemagne, elles sont en tout cas plus faibles que celles en vigueur en Grande-Bretagne et auxEtats-Unis26), et probablement inférieures à l’évaluation que le marché peut faire du risque.

Au contraire, ce problème ne se pose pas pour les crédits aux particuliers (dont les marges sontplus élevées), et est moins prégnant pour les crédits aux grandes entreprises puisque leur risquede défaut apparaît généralement moindre et que, pouvant également se financer sous une formedésintermédiée, celles-ci connaissent davantage le prix de marché du risque.

Cette caractéristique du marché bancaire entrave la rentabilité potentielle d’une opération detitrisation qui prendrait des actifs PME comme support. Puisque la titrisation consiste à céder descrédits (ou les risques qui leur sont associés) au marché, une marge bancaire qui seraitinsuffisante pour payer aux investisseurs le prix de marché du risque ne rendrait l’opérationintéressante qu’à condition que l’économie de coût de refinancement ou que la libération de fondspropres réglementaires qu’elle a permis soit suffisamment large, et/ou que les marges des actifsdans lesquels les ressources nouvellement dégagées sont affectées soient très élevées. Laquestion de la marge ne peut par conséquent pas être isolée de la question plus générale du coûtglobal de l’opération de titrisation et des revenus additionnels qu’elle peut générer.

Il est possible de synthétiser ces différents éléments et de fournir un ordre de grandeur de larentabilité d’une opération de titrisation de crédits aux PME.

Un modèle simplifié permet de calculer le retour sur fonds propres d’un établissement bancaireavant et après titrisation27. On suppose ici un établissement de crédit dont l’actif n’est initialementcomposé que de prêts à des PME et dont les fonds propres respectent strictement le ratio Cooke.En adoptant des valeurs réalistes pour la marge — nette de risques et de coûts — sur les prêtsPME et pour la marge rémunérant l’endettement de la banque, il est possible de calculer sonretour sur fonds propres (« ROE » initial).

Pour suivre les évolutions de cette grandeur après la titrisation d’une partie du portefeuille,plusieurs scénarios sont ici envisagés : l’opération peut être soit cash soit synthétique, et lesressources additionnelles peuvent soit être réinvesties dans de nouveaux prêts aux PME, soitutilisées pour réduire le montant des fonds propres (par rachat d’actions ou versement dedividendes). On considère donc 4 scénarios possibles.

26 Pour un travail empirique comparant les marges bancaires par produits, voir Don Cruickshank, Competition in UK Banking — A Report tothe Chancellor of the Exchequer, mars 2000, notamment l’annexe E : « International Comparisons », p. 297-316.27 On s’inspire de l’article de Paul Mazataud, « L’impact de la titrisation sur la rentabilité des fonds propres », Banque magazine, n°581, mai1997. Cependant, en tant que représentation schématique, le calcul ci-dessus ne peut évidemment avoir d’autre objectif que de fournir desordres de grandeur (ne sont notamment pas représentées les sources alternatives de refinancement ou de libération de fonds propres, et lapossibilité d’affecter les ressources complémentaires obtenues à des actifs offrant des rendements plus élevés).

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Le calcul du ROE associé à ces situations suppose d’adopter des hypothèses sur le montant duportefeuille titrisé, sur le volume de la part des premières pertes, ainsi que sur les margesnécessaires au placement des parts cédées sur le marché (titrisation cash) ou sur la prime verséepar la banque originatrice pour la protection de son portefeuille (titrisation synthétique).

Le tableau suivant reproduit les résultats obtenus en adoptant pour ces paramètres des ordres degrandeur réalistes28 :

ROE d’une banque après titrisation de crédits PME, en % du ROE initial

Réinvestissement

Réduction des fondspropres

Titrisation « cash » 90 % 89 %

Titrisation synthétique 94 % 94 %

Aussi bien, quels que soient les types de titrisation et de stratégie adoptés, le ROE del’établissement diminue à la suite de l’opération. Comme indiqué précédemment, ce résultat est dûnotamment au jeu combiné de la taille de la tranche des premières pertes (qui vient réduirel’ampleur de la libération de fonds propres réglementaires) et de la faiblesse de la marge sur lescrédits aux PME par rapport aux rendements qu’exigent les investisseurs pour en assumer lerisque. On notera toutefois que ces calculs se réfèrent à un portefeuille de crédits aux PME offrantdes caractéristiques moyennes de marges et de risques, et que des processus de sélectionconstituant un portefeuille spécifique pourraient naturellement conduire à des résultats différents.

Au total cependant, ce modèle suggère qu’un établissement de crédit qui engagerait aujourd’huiune opération de ce type affecterait négativement sa rentabilité. C’est pourquoi convaincre lesbanques françaises de s’engager dans un programme de titrisation de leurs crédits aux PMEsuppose au premier chef des mécanismes susceptibles de rétablir cette rentabilité29.

II.2. Accroître la rentabilité des opérations.

a) Améliorer l’évaluation du risque PME

Plus les agences de notation détiendront des informations pertinentes sur les risques afférents auxcrédits PME, moins les opérations de titrisation seront pénalisées en termes de calibrage de la partdes premières pertes et de rendements nécessaires pour convaincre les investisseurs.

Une opération individuelle de titrisation nécessitera toujours que les agences de notationobtiennent des informations privilégiées de la part de l’établissement cédant. Cependant, ledéveloppement d’un outil de scoring et/ou de rating relatif au risque de crédit aux PMEfrançaises en général, et dont les agences de notation pourraient disposer, permettrait d’affinersensiblement l’évaluation des risques des portefeuilles, en offrant une base commune et plusfiable de comparaison.

Le développement d’un tel outil nécessiterait des informations portant sur plusieurs centaines demilliers de lignes de crédit octroyés à des PME françaises, présentant une grande profondeurhistorique et offrant la possibilité de travailler sur les principaux critères de segmentation durisque : durée des crédits, finalité des crédits (exploitation courante, investissement, création

28 Taille du bilan initial = 2 Mds € ; Marge nette de risques et de coûts sur les prêts aux PME = 50 pdb en sus d’Euribor ; Part du portefeuillefaisant l’objet d’une titrisation = 25% ; Taille de la part des premières pertes = 5% ; Spread sur les parts titrisées cédées au marché = 40 pdben sus d’Euribor ; Prime versée par la banque originatrice pour la protection de son portefeuille (titrisation synthétique) = 10 pdb ; Coûts fixesde l’opération (arrangement, notation…) = 1 M€ ; Echéance moyenne des prêts titrisés = 2 ans.29 On notera à cet égard que le modèle permet également d’évaluer l’impact des politiques publiques allemande et espagnole en faveur de latitrisation des crédits aux PME. En Allemagne, l’interposition de la KfW entre les investisseurs et la banque originatrice offre à celle-ci lebénéfice d’une pondération Cooke de 0% sur la partie des prêts bénéficiant d’une protection (contre 20% lorsque la protection est accordéepar une banque sans garantie publique). En Espagne, la garantie partielle accordée par le Trésor sur le portefeuille cédé permet de diminuersensiblement la marge exigée par les investisseurs (sur la moyenne des 12 opérations réalisées en Espagne entre février 2000 et juin 2002,le spread moyen s’est élevé à 15 pdb, alors qu’il serait ressorti à 40 pdb en l’absence de garantie publique). Une fois recalculé avec cesnouveaux paramètres, le ROE d’une banque ayant titrisé se situe à un niveau très proche de celui de la situation initiale (100 % du ROEinitial pour la titrisation cash dans le modèle espagnol ; 97 % pour la titrisation synthétique dans le modèle allemand).

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d’entreprise…), secteur d’activité, taille, localisation géographique, ratios comptables etévénements de compte des entreprises, etc.

Ce type d’outil ne pourrait sans doute être pleinement développé qu’avec le concours de plusieursétablissements bancaires français (afin d’éliminer les facteurs propres à la distribution de créditsde chacun). Cependant, le caractère stratégique de ces données pour ces établissements(notamment dans la perspective du nouveau ratio de solvabilité bancaire), et l’intensité de laconcurrence qu’ils se livrent, interdisent probablement d’espérer la mise en commun de cesinformations à brève échéance.

D’ores et déjà, néanmoins, une collaboration pourrait s’engager entre les agences denotation et la BDPME/Sofaris. Celle-ci a en effet constitué une base de données qui comporteenviron 200.000 lignes de crédit étendues sur 20 ans, qui présente l’avantage d’être multibanqueset qui offre un accès aux événements d’impayés (plutôt qu’aux seuls événements de procédurejudiciaire). Les agences de notation pourraient tirer partie d’une telle collaboration pour affinercertains paramètres (taux de recouvrement, profil d’indemnisation…) et améliorer la maîtrise etl’évaluation du risque PME.

b) Accorder des avantages spécifiques aux opérations de titrisation de crédits aux PME

Au sein des différentes banques françaises, le processus de décision qui pourrait conduire àlancer des titrisations de crédits aux PME présente naturellement des particularités propres àchaque établissement (selon les modalités de sa structuration interne, selon sa taille, selon qu’ilprend la forme d’une mutuelle ou d’une société anonyme, etc.). En général, cependant, deuxdirections seraient impliquées dans des opérations de ce type :

la direction financière d’une part, qui évalue les besoins de financement et de fonds propreset détermine les meilleurs moyens d’y faire face. C’est en principe cette direction qui prendrait ladécision de lancer une opération de titrisation et définirait ses principales caractéristiques(cash ou synthétique, montant, échéance,…) en tenant compte des besoins financiers del’établissement, ainsi que des différentes contraintes réglementaires affectant les opérations detitrisation (ratio de solvabilité, consolidation comptable) ;

la direction chargée (notamment) des crédits aux PME d’autre part, qui pilote un réseaud’agences, décide de la politique commerciale et gère l’ensemble de la relation clientèle. Sonconcours serait indispensable pour réaliser une titrisation de crédits PME : elle devraitnotamment fournir les informations nécessaires aux agences de notation pour l’évaluation durisque, organiser un reporting spécifique pour les événements affectant ce portefeuille, isoler lesprocédures de règlement des litiges et de recouvrement affectées aux crédits sous-jacents…

Les types de soutien apportés en Allemagne et en Espagne à la titrisation de crédits aux PME sontfondés sur l’octroi d’avantages spécifiques (privilège réglementaire ou garantie publique) quipermettent de diminuer le coût de refinancement et/ou de libération de capital. Ils visent ainsi enpriorité à influencer la prise de décision des directions financières des établissements bancaires,tout en étant conditionnés par un engagement, assumé par les directions chargées des PME, deréinvestissement en des crédits PME.

Ce schéma présente l’avantage important, on l’a vu, d’être peu onéreux : des opérations deplusieurs centaines de millions d’euros peuvent être encouragées moyennant des dépensespubliques extrêmement faibles, voire virtuellement nulles, engendrant ainsi un puissant effet delevier.

Ces types de dispositifs présentent cependant aussi certaines limites. Les avantages en termes decoût financier de l’opération pourraient notamment n’être pas aussi déterminants en France qu’enAllemagne ou en Espagne, les banques françaises étant souvent bien capitalisées et le systèmebancaire français étant davantage organisé que chez nos voisins autour de grands groupesgénéralistes bénéficiant de notations explicites ou implicites élevées, ou de réseaux d’originemutualiste réalisant une importante collecte de dépôts, donc profitant généralement definancements en quantité satisfaisante et bon marché. En outre, le schéma adopté en Allemagneet en Espagne risque d’intéresser les banques spécialement en période de croissance de leuractivité. En phase de creux conjoncturel, ces opérations pourraient n’être pas attractives, puisque

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les directions financières feraient face à de moindres besoins de se refinancer ou de libérer desfonds propres, à un moment où l’accroissement de la sinistralité des entreprises rehausserait desurcroît les marges exigées par les investisseurs.

Ces considérations invitent à préconiser une action publique conjuguant un avantage en termes decoût de financement et des interventions sous forme de prises de participation dans les premièrespertes. Cette double politique offrirait plusieurs avantages :

- une action sur les premières pertes serait d’autant plus adaptée que les futures normescomptables et prudentielles devraient pousser les banques à se dégager de leurs véritablesrisques. Elle renforcerait en outre les incitations des établissements bancaires français àtitriser, puisqu’elle intéresserait directement les directions en charge des PME. Ceci auraitd’autant plus d’impact dans les établissements où cette direction est partie prenante dans lerespect du ratio de solvabilité et/ou est évaluée partiellement sur des critères de rentabiliténette de risque ;

- en rendant le marché français de la titrisation des crédits PME moins dépendant des cyclesconjoncturels, elle favoriserait l’émergence d’un marché actif et profond, et constituerait unmode continu de politique de soutien au financement des PME ;

- elle accroîtrait l’efficacité du dispositif : plus les établissements bancaires parviendront à céder— via la titrisation — les risques qu’ils assument sur des contreparties PME, plus l’avantagede ces opérations sera élevé pour les PME elles-mêmes, puisque les banques serontdésireuses de rétablir l’équilibre de la diversification de leur portefeuille en octroyant denouveaux prêts à ce segment de clientèle.

1° Diminuer le coût du financement des opérations de titrisation de crédits aux PME

Plusieurs mécanismes — qui peuvent prendre la forme de l’octroi d’un avantage réglementaire(comme c’est indirectement le cas en Allemagne) ou d’une intervention budgétaire publique (àl’exemple des garanties proposées par le Trésor espagnol) —, sont susceptibles de diminuer lecoût du financement. Le groupe de travail a examiné plusieurs voies possibles, et recommande lesdeux suivantes, comme répondant le mieux aux exigences de simplicité et d’efficacité.

Proposition 1 : L’Etat français pourrait accorder sa garantie sur certains titres adossés sur unportefeuille de crédits aux PME.

A l’image de ce qui a été instauré en Espagne, les établissements de crédit français réaliseraientleur propre opération en toute indépendance. Sous certaines conditions relatives à la compositiondu portefeuille en crédits PME et au réemploi du refinancement obtenu, l’opération pourraitbénéficier d’un rehaussement de crédit apporté par une garantie du Trésor sur les tranchespossédant une notation déjà élevée (par exemple supérieure à Aa3/AA-). Dans le prolongement dumodèle espagnol, ce mécanisme pourrait également s’adapter aux titrisations synthétiques, enrendant éligibles à cette garantie les titres émis en regard des tranches mezzanine (opérationssynthétiques partiellement financées). Afin de ne pas privilégier une forme de titrisation sur uneautre, les conditions de l’octroi de la garantie seraient a priori les mêmes — en termes decomposition du portefeuille de référence et de qualité de crédit des titres éligibles — pour lestitrisations synthétique et classique.

Proposition 2 : Instituer une plate-forme commune, qui mutualiserait le placement des titres lesmoins risqués et émettrait des titres bénéficiant d’une garantie publique.

Dans le cadre d’un premier véhicule ad hoc, les banques réaliseraient des opérations de titrisationde crédits aux PME, qui présenteraient leurs propres caractéristiques en termes d’arrangement etde rehaussement de crédit. Sous réserve de conditions sur la composition du portefeuille, les titresseniors issus de ces opérations (« de premier niveau ») seraient alors placés dans un véhiculemutualisé (« de second niveau »), spécialisé dans l’acquisition de titres représentatifs deportefeuilles de crédits aux PME. Ce véhicule achèterait uniquement les titres dotés d’une qualitéde crédit notée Aa3/AA- ou plus (y compris les titres émis dans le cadre d’opérations synthétiques

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partiellement financées), et émettrait à son passif des titres qui pourraient bénéficier d’une garantiepublique.

Cette seconde proposition reprend à bien des égards les caractéristiques de la première. Commecelle-ci, elle vise à offrir suffisamment de souplesse pour s’adapter aux caractéristiques de chacundes cédants et à des montages sur mesure, qu’il s’agisse d’opérations synthétiques ou « cash ».Elle s’en différencie toutefois en ce que la garantie publique ne ferait pas l’objet d’une négociationindividuelle entre la banque et les services du Trésor, mais d’une règle fixant clairement lescritères pour que des titres du premier niveau soient éligibles à une « transformation » en titres dusecond niveau. Pour les établissements bancaires, cette structure pourrait ainsi faciliter l’accès à lagarantie publique. En outre, la mutualisation des placements permettrait de diminuer un peu plus lecoût du financement, en raison des avantages qu’elle procurerait aux investisseurs en termes destandardisation de la documentation et d’une plus grande liquidité du marché secondaire30. Enfin,l’existence d’une plate-forme mutualisée faciliterait sans doute les émissions des établissementsbancaires de taille moyenne ou petite.

Les deux propositions ci-dessus ne sont au demeurant pas antinomiques. Elles pourraient parexemple être mises en œuvre successivement dans le temps : la première offre l’avantage depouvoir être instituée très rapidement. Des discussions, qui associeraient par exemple différentsorganismes financiers publics ou parapublics français, pourraient alors être organisées, afin deconcevoir et de structurer une plate-forme mutualisant les placements.

Au delà de ces deux recommandations, il est utile d’évoquer deux autres pistes que le groupe detravail, après examen, n’a pas retenues mais souhaitait mentionner :

L’institution en France d’un mécanisme proche de celui offert par la KfW en Allemagne a étéenvisagée. Elle pourrait être crée sous l’égide d’un établissement financier public, tel la Caisse desdépôts, dont les titres bénéficient d’une pondération Cooke de 0 %. Il a cependant été observé quela KfW ayant ouvert la plate-forme PROMISE aux établissements de crédit européens, lesbanques françaises peuvent d’ores et déjà emprunter cette structure. Il ne paraît par conséquent niutile ni nécessaire d’instituer une structure similaire en France, qui exigerait des coûts deconception importants sans qu’on puisse en attendre un service plus efficace. Sous réserve d’uneétude préalable de l’impact de Bâle II sur l’intérêt de continuer à emprunter ce type de structure, ilpourrait toutefois être opportun d’examiner la possibilité d’échafauder un mécanisme similaire auplan communautaire et en lui donnant un label européen.

Certains membres du groupe de travail ont suggéré une autre voie de type réglementaire :instituer, en s’inspirant de la loi sur les sociétés de crédit foncier, une nouvelle catégorie desociétés financières, spécialisées dans l’achat de titres représentatifs de crédits aux PME. Sousréserve de la qualité de crédit des éléments de leur actif, ces sociétés pourraient émettre des titresfinanciers bénéficiant d’une réglementation prudentielle avantageuse31. En plus d’autoriser unediminution du coût du financement, ce mécanisme favoriserait probablement le placement destitres, le marché des « covered bonds » étant susceptible d’attirer un public d’investisseurs plusvaste que celui des titrisations « CDO ». Cette proposition n’a toutefois pas recueilli l’unanimité ausein du groupe de travail.

2° Renforcer la sortie des risques

D’ores et déjà, la BDPME/Sofaris envisage aujourd’hui de proposer aux établissements bancaires— qui décideraient de lancer un programme de titrisation à partir d’un portefeuille comprenant desprêts aux PME disposant de sa garantie partielle —, de transformer ses garanties en une prise departicipation dans les premières pertes, à hauteur de la valeur actualisée nette des garanties.Cette intervention reviendrait à transformer, en liaison avec la banque originatrice, les pertesestimées pesant sur les crédits en cash. Cette intervention présenterait notamment l’intérêt de

30 En cela elle a les mêmes visées qu’une proposition élaborée actuellement par la BEI et le FEI, visant à instaurer un véhicule mutualisé auplan européen.31 C’est ainsi par exemple que la pondération des titres émis par les sociétés de crédit foncier est aujourd’hui fixée à 10% pour le calcul duratio de solvabilité européen (cf. art. L515-19 du Code monétaire et financier, et le Règlement n° 99-11 du Comité de la réglementationbancaire et financière).

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faciliter la déconsolidation comptable du véhicule des opérations. En termes d’espérance depertes, cependant, cette intervention ne modifierait pas la sortie de risques pour l’établissement,puisqu’elle contrebalancerait le remplacement des garanties initialement présentes à son actif.

Le groupe de travail souhaiterait par ailleurs que la BDPME/Sofaris (éventuellement associée à laCaisse des dépôts et consignations) renforce son intervention, en élargissant sa prise departicipation dans les premières pertes pour assumer une partie supplémentaire des risquesafférant aux portefeuilles. Cette intervention complémentaire pourrait notamment avoir lieu lorsqueces portefeuilles intègrent des crédits qui ne bénéficient pas initialement de sa garantie, mais quicorrespondent à ses cibles spécifiques (création d’entreprise, développement, transmission…).

Les modalités précises de ces interventions, qui restent à définir, devront toutefois maintenir leprincipe de la responsabilisation de la banque initiatrice, c’est-à-dire s’assurer que celle-cidemeure incitée à contrôler les débiteurs (« monitoring ») et reste intéressée au recouvrement descréances.

* **

Le groupe de travail considère qu’en tant que politique publique, les actions associées à ces deuxaxes complémentaires méritent d’être assorties de réexamens réguliers (tous les deux ans parexemple) du succès des opérations et des avantages qu’en tirent les PME. En outre, l’octroi degaranties par le Trésor pourrait être soumis à des conditions de réinvestissement par lesbanques dans des crédits aux PME. Il ne paraît pas opportun que ces obligations définissent destypes de PME à favoriser prioritairement ou d’instruments de crédits à privilégier. Elles pourraientcependant, à l’exemple de ce qui a été réalisé en Espagne, devenir légèrement pluscontraignantes au fil du temps, en fonction du succès que les mécanismes mis en placerencontreront.

II.3. Atténuer de possibles résistances des banques

Il ne s’agit pas ici de répertorier l’ensemble des difficultés qui pourraient être liées à la mise enplace d’une titrisation de crédits PME. Certaines d’entre elles cependant, communes à l’ensembledes établissements, pourraient être atténuées par des réponses apportées au plan national.

Informer les PME sur les mécanismes et les effets de la titrisation Le marché des crédits bancaires aux PME étant très concurrentiel, certains établissementspourraient craindre, lors de leurs premiers programmes de titrisation, que leurs concurrentss’emparent de ces opérations comme d’un argument commercial, en laissant penser que cesprogrammes sont un moyen de délaisser ce segment de clientèle. Une communication àdestination des PME aiderait par conséquent les premiers établissements à s’engager dans cesopérations. Le Secrétariat d’Etat aux PME, les réseaux consulaires ainsi que l’Association française destrésoriers d’entreprise pourraient utilement coordonner à l’avance une campagne d’information,expliquant la nature de ces opérations aux petites et moyennes entreprises, et précisant à la foisl’absence d’impact direct sur les entreprises dont les crédits sont titrisés et les avantages indirectsdont elles pourraient bénéficier. Ces informations seraient diffusées lorsqu’une première banqueannoncera publiquement une titrisation portant sur des crédits aux PME.

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Impliquer la direction générale des établissements bancaires

En cas de lancement d’un programme de titrisation de crédits PME, la direction chargée de cescrédits devrait assumer des contraintes opérationnelles importantes, qui pourraient provoquer desrésistances. De plus, certaines banques assignent à cette même direction de gérer le respect deson propre ratio Cooke et/ou d’atteindre des objectifs de rentabilité nette du risque. Elle peut doncviser au travers des programmes de titrisation des objectifs propres, qui ne sont pasnécessairement en adéquation avec ceux de la direction financière (par exemple sur la qualité descrédits qui composeront le portefeuille). C’est pourquoi le lancement des premières opérationsserait facilité si les directions générales leur donnaient une impulsion forte et se tenaient prêtes àarbitrer des points potentiellement litigieux. Leur implication serait d’autant plus visible au sein desbanques, si elles mettaient en place des équipes de « portfolio management » dédiées à la gestionde programmes de titrisation de financements aux PME. Dès l’adoption de procédures d’incitation à la titrisation des crédits PME (en ligne avec cellesproposées dans la section suivante), la Fédération bancaire française pourrait à cet effetsensibiliser les plus hautes instances des établissements bancaires à l’intérêt de se lancer dansces programmes et faire part de ses préconisations pour la mise en œuvre et la réussite d’unprojet de ce type. II.4. Autres réflexions

D’autres thèmes de réflexion ont été abordés trop tardivement au sein des réunions du groupe detravail pour pouvoir être explorés avec suffisamment d’attention. Il a toutefois été convenu dementionner brièvement deux d’entre elles, qui mériteraient des études complémentaires :

Alors que les difficultés d’accès au crédit en France se rencontrent plus particulièrement pourles crédits à court terme, ceux-ci — notamment les autorisations de découvert — se prêtentdifficilement à la titrisation, puisqu’ils nécessitent une méthode de gestion particulière et unoutillage très sophistiqué permettant de renseigner très régulièrement la quantité des encourstirés. Une réflexion de place, associant des banques et des représentants des trésoriersd’entreprise, pourrait ainsi être menée pour envisager la standardisation d’un instrument de créditde court terme, qui pourrait facilement être intégré dans un portefeuille titrisable de créancescourtes. Les entreprises qui recourraient à ce type d’instrument standard obtiendraient, encontrepartie d’une certaine perte de flexibilité, une meilleure assurance de pouvoir bénéficier d’uncrédit en cas de besoin et/ou la garantie de profiter de conditions de marché.

Il est dans la culture de certaines PME françaises de participer à l’amélioration de leurenvironnement financier par des cotisations à des organismes de caution mutuelle ou à des fondsde garantie. Bien que cette piste n’ait pas été explorée, le groupe de travail considère qu’il seraitintéressant de réfléchir à la possibilité de recourir à des formes mutualisées de ce type pourfaciliter la titrisation des crédits aux PME.

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— ANNEXE 1 —

COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL32

Président :

M. Jean-Yves DuranceMembre élu de la CCIP, Président du directoire de Marsh SA.

Membres :

M. Marc AubergerDirecteur général délégué de SOFARIS, BDPME.

M. Eric BigaignonTrésorier d’Aulafi, Membre de l’Association Française des Trésoriers d’Entreprise.

M. Wissem BourbiaResponsable European CDO Group, Société Générale

Mme Catherine GerstGérante, Gimar Finance.

Mme Nathalie EsnaultResponsable Institutions Financières - ABS, RMBS & Synthétiques, Crédit Agricole Indosuez.

M. François KlittingDirecteur des investissements, AXA

M. Didier MarteauProfesseur, ESCP-EAP ; Responsable de la recherche, Arthur Anderson.

M. Paul MazataudDirecteur, Titrisation / Financements structurés, Moody’s France.

M. Michel MollardDirecteur de la Stratégie, Groupe EULER&HERMES.

M. Philippe RégisResponsable Développement du marché des entreprises, BNP-Paribas.

M. Alessandro TappiChef de la division "Garanties", Fonds Européen d’Investissement.

Mme Sophie Vuarlot-DignacResponsable bancaire international, Commission bancaire.

Rapporteur :

M. Nathanaël FournierChargé d’études et de recherche, CCIP

32 Les professions indiquées sont celles occupées au commencement du groupe de travail.

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— ANNEXE 2 —

AUTRES PERSONNES AYANT PARTICIPE AUX TRAVAUX

M. Jérôme BiscayDirecteur, Gimar Finance

M. Christophe BobandResponsable Titrisation corporate, Crédit Agricole Indosuez

Mme Hannelore BoehmChef de Projet Senior / Titrisation, KfW

M. Arnaud CaudouxResponsable Département Management des Risques, SOFARIS/BDPME

M. Emmanuel DeboaisneStructuration / Dérivés de crédit, BNP-Paribas

M. Dieter GlüderDirecteur, Titrisation et gestion d’actifs, KfW

Mme Lisa GoldbaumAnalyste, Financements structurés, Moody’s France

Mme Laïla NordineStructuration / Dérivés de crédit, BNP-Paribas

M. Bernard ParanqueChef du bureau du financement des entreprises, DECAS, Minéfi

M. Ramón PerezDirecteur général, Titulización de Activos, SGFT

M. Henry SavajolDirecteur des études, BDPME

M. François ValetteResponsable Titrisation, Gestion Actif-Passif, BNP-Paribas

AUTRES PERSONNES RENCONTREES

M. Hervé Audren de KerdrelDirecteur de la gestion du bilan, Société Générale

Mme Véronique BerthoutResponsable équipe Record, BNP Paribas

M. Jean BouyssetDirecteur central, Finances et Comptabilité, Crédit Agricole S.A.

M. Grégoire BuetAnalyste, Standard and Poor’s

M. Claude GrandfilsResponsable « Refinancement et gestion des risques Actif/Passif », Crédit Agricole S.A.

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M. Bernard HureauxDirecteur du marché des entreprises, Société Générale

M. Nicolas MalaterreDirecteur délégué, Secteur Titrisation, Standard and Poor’s

M. Frédéric MonneretGroupe Titrisation, Société Générale

M. Alain PatariniResponsable Corporate finance, Direction du marché des Entreprises France, Crédit Lyonnais

M. Pierre VedrinesDirecteur central, BRED Banque Populaire

M. David WeilTitrisation, BNP-Paribas