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EA3/APE, Diouf, 2ACD, Septembre 2010

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Questions contentieuses dans les Accords de Partenariat Economique (APE) entre l’Europe et les pays ACP

Les Clauses de la discorde

Par Dr El Hadji A. DIOUF 2ACD, Genève

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TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES ............................................................................................................................................... 5

SIGLES ET ABREBIATIONS ....................................................................................................................................... 6

AVANT-PROPOS ............................................................................................................................................................. 7

RESUME ............................................................................................................................................................................. 9

INTRODUCTION .......................................................................................................................................................... 11

I. LA CLAUSE DE LA NATION LA PLUS FAVORISEE (NPF) DANS LES APE .................................... 12

I.1. Aspects juridiques de la Clause NPF dans les APE......................................................................... 12

I.1.1. Un champ d’application défini sans base légale ..................................................................... 12

I.1.2. L’unité juridique des ACR dans l’AGCS va { l’encontre de l’argumentaire de l’UE 14

I.1.3. Mise en danger des schémas classiques de TSD { l’OMC ................................................... 15

I.1.4. Les impacts légaux potentiels liés au maintien de la Clause NPF dans les APE ...... 16

I.2. Aspects politiques et stratégiques de l’introduction de la Clause NPF dans les APE .. 17

II. LA CLAUSE DE NON-EXECUTION DANS LES APE ............................................................................ 19

III. LA CLAUSE DE SAUVEGARDE DANS LES APE ....................................................................................... 22

III.1. Dans le domaine de l’agriculture ........................................................................................................ 22

III.1.1. Au niveau du système commercial multilatéral ................................................................. 22

III.1.2. Au niveau des APE ............................................................................................................................. 23

III.2. La situation particulière des industries naissantes ................................................................... 24

IV. LA CLAUSE DE STATU QUO DANS LES APE (STANDSTILL CLAUSE) ..................................... 27

RECOMMENDATIONS .............................................................................................................................................. 28

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE ................................................................................................................................ 29

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SIGLES ET ABREBIATIONS

2ACD Agence Africaine pour le Commerce et le Développement ORD Organe de Règlement de Différents TCI Taxe Conjoncturelle { l’Importation ROPPA Réseau des Organisations paysannes et des producteurs agricoles SADC Communauté de Développement d’Afrique de l’Ouest CAE Communauté de l’Afrique de l’Est ICTSD Centre international pour le Commerce et le Développement Durable TEC Tarif Extérieur Commun OMC Organisation Mondiale Commerce CEDEAO Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest APE Accords de Partenariat Economique UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africain GATT Accord Général sur les tarifs douaniers et le Commerce UE Union Européenne PMA Pays les Moins Avancés SGP Système Général de Préférences AGCS Accord Général sur le Commerce des Services ACR Accords Commerciaux Régionaux NPF Clause de la Nation La Plus Favorisée ACP Afrique, Caraïbes, Pacifique TSD Traitement Spécial et Différencié PVD Pays en Voie de Développement CARIFORUM Forum des Caraïbes

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AVANT-PROPOS

L’Europe est un partenaire commercial historique des pays africains. A travers les préférences commerciales non réciproques des différentes Conventions de Lomé, la plupart des pays africains avaient accès à son marché, en franchise de droits de douane et sans quotas. Mais ces préférences n’étaient pas réciproques. La création de l’OMC et la primauté de son droit allaient sonner leur glas et consacrer le retour à une réciprocité globale dans les négociations commerciales. En application des prescriptions de la Convention de Cotonou qui a remplacé les Conventions de Lomé, les parties africaines – ACP plus largement – et européennes ont décidé de la négociation et éventuellement de la mise en place d’Accords de Partenariat Economique (APE). Ces accords doivent être compatibles avec l’OMC, élargir le champ de libéralisation, tenir compte des besoins en matière d’intégration régionale et se conclure dans un cadre légal de réciprocité. Les négociations ont débuté en 2002 et l’Afrique a été divisée en cinq régions. Chacune d’elle est censée conclure un APE régional avec les Communautés Européennes. Les négociations se poursuivent avec d’innombrables points de contentieux. Les différentes parties s’accordent sur la nécessité d’arriver { des APE qui tiennent compte des questions de développement, mais divergent sur les modalités et mécanismes à déployer pour y arriver. Une fois signés et paraphés, ces APE constitueront une belle partie des engagements commerciaux des pays africains. L’objectif de l’Agence Africaine sur le Commerce et le Développement (2ACD) est de participer { l’identification des problématiques pertinentes pour les pays africains { l’effet de les intégrer dans le processus de décision et d’en faire des positions de négociations. A terme, l’ambition est aussi de participer { la mise en œuvre des APE régionaux finaux sur le continent, pour que l’Afrique puisse en tirer le meilleur profit. C’est dans ce contexte que l’Agence Africaine pour le Commerce et le Développement (2ACD), en collaboration avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), a décidé d’initier cette étude qui porte sur quelques questions contentieuses dans les négociations des Accords de Partenariat Economique (APE) : les clauses de la discorde. Ce choix résulte des constats suivants :

Il y a des divergences importantes sur l’inclusion ou non de certaines clauses dans les APE, avec

la présentation des arguments des différentes parties.

La Clause NPF pose des problèmes juridiques, politiques, stratégiques et de diversification du partenariat.

La Clause de non-exécution pose des problèmes de combinaison entre le commerce et la

coopération au développement.

La Clause de statu quo pose le problème d’interprétation et de transposition de certaines règles importantes de l’OMC aux APE. Il s’agit de la référence aux tarifs appliqués et aux tarifs consolidés.

La Clause de sauvegarde dans les APE pose des problèmes de prise en compte des problèmes

spécifiques des pays en développement, surtout dans les domaines de l’agriculture et de la protection des industries naissantes.

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Ces problèmes non résolus empêchent aux parties en négociations d’arriver { des APE porteurs de développement. L’auteur a procédé { une étude contextuelle qui tient compte de l’état de la réglementation au niveau commercial, pour les mettre en perspectives avec le niveau régional. Si le débat n’est pas toujours totalement tranché, nous espérons que les éléments présentés dans l’étude permettront aux différents protagonistes des négociations commerciales et { tous ceux qui s’y intéressent, d’avoir une vision plus claire des enjeux du moment.

L’Agence Africaine pour le Commerce et le Développement (2ACD) remercie l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dont le soutien financier a rendu possible la publication de cette étude. Nous vous souhaitons une bonne lecture !

Dr El Hadji A. DIOUF Directeur Exécutif 2ACD, Genève – Suisse

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RESUME

1. Dans les négociations des APE en cours, un certain nombre de questions légales et systémiques continuent de faire l’objet de divergence entre les différents partenaires. Ce module en a listé les quatre principaux : l’introduction de la clause de la nation la plus favorisée dans les APE, la clause de non exécution, la clause de statu quo et la clause de sauvegarde. 2. L’UE considère qu’elle est le premier partenaire commercial des pays africains et qu’elle leur fournit une aide considérable en matière de coopération au développement. De ce point de vue, les produits africains exclus de la libéralisation le sont du fait de leur sensibilité extrême. Si par la suite, les pays africains consentent { ouvrir d’avantage leur marché { d’autres pays ou d’autres régions, ils devraient l’étendre { l’UE. C’est la justification de l’introduction de la Clause NPF dans les APE. Mais la plupart des pays africains ne sont pas d’accord avec cette vision et demande que les accords régionaux finaux n’incluent pas cette clause. Ce rejet est basé sur plusieurs arguments. Le premier est que l’introduction de la Clause NPF n’a pas de base légale { l’OMC. L’UE a donné des garanties verbales sur le fait que ne seront concernés que les futurs accords conclus sous l’égide de l’article XXIV et non de la clause d’habilitation. Mais il est apparu que le critère d’utilisation de la clause dans les APE ne fait pas référence à la notion de pays en développement, mais celle de partenariat commercial majeur. Dès lors, l’argument de l’application exclusive aux accords régis par l’article XXIV ne peut pas prospérer, dans la mesure où elle pourra aussi s’appliquer aux partenaires commerciaux majeurs qui sont des pays en développement et dont les accords entre eux seront régis par la Clause d’habilitation. C’est la quintessence du deuxième argument. Il s’y ajoute que l’introduction de la Clause NPF va remettre systématiquement en cause les fondements et les modes opératoires du traitement spécial et différencié { l’OMC. 3. Etant un bailleur important des pays africains et eu égard aux pratiques antérieures en matière de coopération au développement, l’UE considère qu’une clause de non-exécution doit être introduite dans les APE. Elle aura pour objet de prévoir des sanctions commerciales en cas de manquements dans des domaines extra commerciaux comme la démocratie, les droits de l’homme et la corruption. L’Europe considère que c’est une règle minimale de bonne gouvernance alors que les pays africains la considèrent comme unilatérale et non adaptée à la nature des APE. 4. La troisième clause est celle dite de statu quo. Elle cristallise les divergences entre les deux parties autour de l’introduction de nouveaux droits de douane après la conclusion des accords. L’Europe considère que les droits de douane visés sont les droits effectivement appliqués, alors que les pays africains considèrent que ce sont les droits consolidés dans les listes d’engagement { l’OMC qui doivent être considérés. 5. La dernière clause évoquée dans cette étude est la clause de sauvegarde. Elle est importante aussi bien en matière agricole que pour la protection des industries naissantes. Pour les pays africains, elle offre une opportunité de protection supplémentaire pour ne pas

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laisser l’agriculture et les industries naissantes du pays { la merci des produits étrangers importés. L’Europe considère que les flexibilités découlant de la clause ne doivent pas prendre des proportions qui grèveraient l’essentiel des échanges dans l’APE au risque de ne plus être compatible avec les prescriptions de l’OMC.

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INTRODUCTION

1. Les contenus des APE intérimaires ont donné une idée plus précise des positions de négociations des différents protagonistes. Compte tenu du fait qu’ils préfigurent les APE régionaux à venir, certaines dispositions ont soulevé des débats stratégiques liées aux politiques commerciales. Celles qui couvrent la question de la mutualisation des préférences commerciales et des conditions de discriminations qui y sont liées (Clause NPF), l’imbrication des questions politiques et commerciales { travers la possibilités de brandir des sanctions commerciales pour des manquements extra-commerciaux (Clause de non-exécution), le statut et les plafonds des engagements de réductions des droits de douane pris antérieurement { l’OMC (Clause de statu quo) et les possibilités offertes aux parties importatrices de protéger leurs production agricole et industrielle (Clause de sauvegarde). Sur toutes les problématiques posées par ces différentes clauses, l’Europe est dans une posture offensive d’accès au marché africain, alors que les parties africaines mènent une bataille de principe pour de telles clauses ne soient pas intégrées dans les APE, ou qu’elles fassent l’objet d’un traitement qui tient en compte de leurs intérêts spécifiques. Nous allons étudier tour à tour ces quatre différentes clauses.

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I. LA CLAUSE DE LA NATION LA PLUS FAVORISEE (NPF) DANS LES APE

I.1. Aspects juridiques de la Clause NPF dans les APE 2. Comme il a déjà été signalé, les ACR sont une exception à la Clause NPF. A fortiori, un ACR mixte impliquant des pays en développement et des pays développés ne devrait pas présager une mutualisation de tous les gains commerciaux acquis par les pays en développement dans d’autres relations de partenariat. C’est pourtant la stratégie de l’UE qui, dans l’Accord intérimaire avec la Cote d’Ivoire en l’occurrence, a introduit une Clause NPF disposant que la partie ivoirienne accordera à la partie CE tout traitement plus favorable qui pourrait résulter du fait que la partie ivoirienne devienne partie à un accord de libre-échange avec un partenaire commercial majeur. L’UE accepte de concéder réciproquement le même avantage à la partie ivoirienne. Ce qui nous apparait sans objet dans la mesure où elle offre déj{, dans le cadre de l’APE, un accès en franchise de droits de douane et sans quotas à 100% qui, techniquement, ne peut pas être en deçà des offres commerciales futures dont pourrait bénéficier la Côte d’Ivoire. La Clause NPF européenne est bien ciblée. Elle concerne tout « partenaire commercial majeur » qui peut signifier tout pays développé, ou tout pays ayant des échanges commerciaux mondiaux supérieurs à 1% dans l’année précédant l’entrée en vigueur de l’APE entre les deux parties1 ; ou alors tout groupe de pays agissant individuellement, collectivement ou à travers un accord de libre échange ayant une part des échanges commerciaux mondiaux supérieure à 1,5% dans l’année précédant l’entrée en vigueur de l’APE.

3. La présence de cette Clause NPF dans cet APE présente un double intérêt. D’abord, un intérêt systémique lié aux conditions d’octroi des préférences commerciales et du TSD, si un Membre développé de l’OMC en revendique le bénéfice. Ensuite, un intérêt pratique lié { la poursuite des négociations sur les APE dans toutes les régions africaines, en sachant que les APE intérimaires signés par certains pays comme la Côte d’Ivoire seront complétés et transposés au niveau régional. Il nous apparait que le maintien de cette Clause NPF dans un APE régional ne se justifie pas juridiquement et que les arguments avancés par l’UE pour sa défense ne résistent pas { l’analyse.

I.1.1. Un champ d’application défini sans base légale

4. Une fois que la Clause NPF a été introduite dans les APE intérimaires, des voix se sont élevées pour s’en offusquer. Mais le problème a été soulevé de façon officielle par le Brésil lors d’un Conseil Général de l’OMC, pour s’inquiéter des relations commerciales sud-sud à venir ; et interpeller les CE quant à leurs motivations commerciales profondes et la base légale de leur choix. La Brésil a développé son argumentaire autour de l’interprétation de la Clause d’habilitation du GATT/OMC avant de conclure que cet instrument essentiellement conçu pour les pays en développement ne lui semblait pas offrir une base juridique pour

1 Statistiques OMC 2006 : Chine 10,7% de parts du commerce mondial, Brésil 1,5%, Mexique, Malaisie, Inde et Indonésie avec un seuil compris entre 2,8% et 1,1%. Tous ces pays entrent dans le champ défini dans les APE intérimaires.

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l’introduction de la Clause NPF dans les APE. Pour sa défense, l’UE a développé deux arguments majeurs liés au champ d’application de cette Clause et { la portée des listes d’exclusion prévue dans les ACR. 5. La MFN Clause n’est censée s’appliquer qu’aux futurs ACR régis par l’article XXIV du GATT. C’est l’argument européen de base { l’appui de l’introduction de la Clause NPF dans les APE. L’UE considère { juste titre qu’il y a deux bases légales possibles pour les ACR incluant des pays en voie de développement. La Clause d’Habilitation (CH) pour les ACR composés exclusivement de PVD, et l’article XXIV pour les ACR incluant à la fois les ACR mixtes et les ACR entre pays développés. Suite à la levée de boucliers des pays ACP après le paraphe des accords intérimaires et la saisine par le Brésil du Conseil Général de l’OMC, l’UE a essayé de désamorcer la crise en soutenant qu’elle n’envisage de tirer bénéfice d’autres ACR signés par les pays ACP que s’ils concernent des ACR conclus sous l’égide de l’article XXIX, et qu’en conséquence, tous les futurs ACR conclus entre pays en développement ne seront pas concernés. Cela implique que les accords potentiels dont il s’agit sont ceux conclus entre pays ACP et d’autres pays développés. Ce qui se résume { deux situations différentes qui déterminent le champ d’application de cette clause.

6. La première situation est celle des futurs ACR mixtes. Les accords régionaux postulent, de droit, une discrimination { l’endroit des tiers. Qu’en est-il de la situation où un groupe de pays signe des ACR avec des partenaires différents et avec des niveaux d’engagements différents ? Chaque ACR pourra t-il se prévaloir du caractère discriminatoire qui lui est inhérent ? Peut-on faire jouer la Clause NPF si les partenaires en question sont dans la même catégorie de développement ? Cela pose le problème des rapports entre les principes multilatéraux comme la NPF et leurs différentes exceptions. Dans cette situation, l’UE peut se sentir en concurrence avec un autre pays développé ayant conclu un ACR avec les pays africains concernés, mais dans des conditions moins avantageuses pour elle. Mais en l’occurrence, chaque ACR a une vie juridique autonome quoique dérivée de la NPF multilatérale dont il est constitutif d’une exception. En conséquence, il n’y a pas de régime juridique connu de prise en compte des relations juridiques entre deux ACR que pourrait régir une hypothétique NPF insérée en leur sein. Cette NPF régionale pourrait s’apparenter { un détournement d’objectif en vidant de son sens les exceptions systémiques dont peuvent bénéficier les pays en développement en général.

7. La seconde situation est celle des futurs ACR entre pays en développement conclus sous l’égide de la Clause d’Habilitation. L’engagement européen de n’appliquer la Clause NPF qu’aux futurs ACR mixtes n’est pour le moment qu’un engagement verbal tendant à éluder le débat et d’en faire un non problème. Même si cet engagement était écrit, il n’aurait aucune valeur de légation dans la mesure où il n’appartient pas aux membres de fixer unilatéralement l’étendue et les limites de leurs droits et obligations. Mais le plus important est que cet engagement verbal est immédiatement contredit par le contenu des accords intérimaires qui ne visent pas les futurs ACR mixtes comme précédemment démontré et ne font pas allusion { ceux conclus sous l’article XXIV. Le critère de recours à la Clause est la présence d’un partenaire commercial majeur suivant des critères définis dans l’accord même. Il est apparu que des pays comme le Brésil, l’Inde et la Chine sont dans le champ de cette définition et n’en sont pas moins des pays en voie de développement. Qu’advient-il si

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un de ses pays conclus un ACR avec les pays africains sous l’égide de la Clause d’Habilitation ? On se retrouverait dans le cas d’un ACR conclu { la fois par un pays en développement tout en étant un Partenaire commercial majeur. Suivant l’engagement verbal européen, le recours { la Clause ne serait pas activé dans une telle situation, l’ACR en question étant régi par la Clause d’habilitation. Mais suivant les accords intérimaires, elle serait activée suivant les critères liés { la présence d’un partenaire commercial majeur. Cette hypothèse, très plausible du reste, montre les contradictions de l’argumentation européenne qui procède { une simplification extrême de champ d’application de la Clause, tout en mettant un soin particulier { l’étendre dans les dispositions des APE intérimaires.

8. L’ambivalence de la nature juridique des listes d’exclusion. Le second argument de l’UE est que les pays ACP ne devraient pas avoir le droit de conférer plus d’avantages commerciaux { d’autres partenaires, fussent-ils des pays en développement. L’idée est que les listes d’exclusion recoupent des produits qui ne sont objectivement pas en situation de supporter une concurrence étrangère. Et qu’en donnant des avantages commerciaux supplémentaires – ce qui implique une réduction de la liste d’exclusion – on remet en cause la « sensibilité » de ces produits. Dès lors, l’offre d’accès aux marchés vis-à-vis de l’UE doit être revue { la hausse. L’UE ajoute que les pays africains devraient même y voir une Happy Clause dans la mesure où elle leur permet de ne pas envisager une ouverture supplémentaire de leurs marchés à leurs nouveaux partenaires commerciaux. Outre le fait que cette dernière hypothèse de volonté de ne pas ouvrir de marchés supplémentaires relève exclusivement du pouvoir d’appréciation des pays africains, cette argumentation soulève deux points. Le premier est la contradiction manifeste avec l’argument premier de l’exclusion des accords de la Clause d’Habilitation du champ de la Clause NPF. Il montre que les partenaires commerciaux majeurs émergents sont les véritables préoccupations de l’UE, et que la Clause NPF joue un rôle avant-gardiste dans le partage des marchés africains. Le second est que les critères de sensibilité utilisés pour déterminer les listes d’exclusion ne sont pas des critères intrinsèquement objectifs. Leur nature est ambivalente. Ils peuvent objectivement ne pouvoir faire face à aucune concurrence extérieure. Ils peuvent ne pouvoir faire face à la concurrence qu’en rapport avec la situation subjective des produits du partenaire concerné. Ce qui implique qu’un produit peut être sensible et ne pas être ouvert au marché européen tout en restant compétitif en face de produits de partenaires commerciaux majeurs. Dans ce cas de figure, rien, juridiquement, ne peut remettre en cause une offre différenciée d’accès au marché. D’abord, parce qu’il est légal de discriminer des pays développés si ce sont des pays en développement qui en bénéficient. Ensuite parce que cela est fait dans le cadre d’un ACR qui est par définition discriminatoire. Enfin parce que le volume de l’essentiel des échanges commerciaux { libéraliser n’est pas une donnée statistique fixe applicable { tous les ACR et qui pourrait justifier une garantie juridique { offrir { l’UE pour le futur.

I.1.2. L’unité juridique des ACR dans l’AGCS va à l’encontre de l’argumentaire de l’UE

9. L’argumentaire de l’UE sur le champ d’application de la Clause NPF dans les APE semble omettre la situation juridique totalement différente au niveau des ACR sur les services. Nous l’avons déj{ dit, les ACR mixtes sont inconnus du droit du GATT/OMC même s’ils semblent être tenus pour acquis qu’ils sont régis par l’Article XXIV du GATT, de la même

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manière que les ACR entre pays développés. En revanche, les ACR entre pays en développement sont régis par la Clause d’habilitation. Cette différenciation concerne le commerce des marchandises et a pu servir d’instrument de justification { l’UE. Qu’en est il dès lors du commerce des services ? 10. Les ACR sur les services ont le mérite d’avoir un champ d’application unifié organisé par l’Article V de l’AGCS. Aucune différenciation de base légale liée { la catégorie de développement ne peut être invoquée. Les ACR entre pays en développement, les ACR entre pays développés, ainsi que les ACR mixtes sont tous régis par l’article V de l’AGCS. Cette posture juridique rend complètement obsolète la différenciation des ACR qui seront concernés par la Clause NPF dans les APE de ceux qui ne le seront pas. En réalité, ce sont tous les futurs ACR conclus par les pays africains qui seront soumis { la Clause NPF. L’UE semble ne pas proposer de solution à cet état du droit et ne le conteste pas. Ou alors irait-on vers une application fragmentée et désordonnée de la Clause NPF aux futurs ACR africains, avec un champ d’application flou au niveau du commerce des marchandises et une exclusion du commerce des services de toutes possibilités de mutualisation. Ce cas de figure parait très peu probable du fait de la posture offensive de l’UE dans les négociations sur les services, aussi bien { l’OMC que dans les APE. Les Aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ne posent pas de problème particuliers en l’espèce du fait de l’absence de prise en compte de la dimension régionale dans l’accord multilatéral ; ce qui induit que tout avantage conféré par l’une des parties, fut-il dans le cadre dérogatoire d’un APE/ACR est forcément mutualisé au bénéficie de tous les autre membres de l’OMC.

I.1.3. Mise en danger des schémas classiques de TSD à l’OMC

11. Si le principe de non-discrimination est l’une des clés de voûte de l’OMC, il est logiquement aménagé pour favoriser une pluralité de régimes juridiques en fonction des trois catégories de développement reconnus par le système : les pays développés, les pays en développement et les Pays les Moins avancés. L’application d’une des deux composantes essentielles du principe de non-discrimination – la Clause NPF en l’occurrence – confirme la reconnaissance d’une discrimination possible, mais toujours au profit des catégories inférieures. Ce qui signifie que les PVD peuvent être discriminés au profit des PMA ; et que les pays développés peuvent être discriminés en faveur des PVD. En revanche, les pays développés membres sont par définition « discriminables » { la seule limite d’étendre cette discrimination à tous les autres pays développés. 12. En introduisant la Clause NPF dans les APE, l’UE remet en cause implicitement la possibilité de discrimination en faveur des PMA et des PVD. Ces possibilités légalement consacrées dans le SGP de 1971, la Clause d’habilitation de 1979 et la Décision de 1999 en faveur des PMA offrent des avantages commerciaux exceptionnels qui ne peuvent être mutualisés ou multilatéralisés. A la vérité, les pays développés se trouvent dans une posture légale de subir des discriminations commerciales, qui n’en sont pas réellement d’ailleurs, suivant la théorie de l’inégalité compensatrice qui fonde le TSD. Mieux ou pire, en ne se faisant pas discriminer au niveau bilatéral (NPF dans les APE), l’UE se garantit une situation plus favorable dans les négociations multilatérales. Elle part avec l’avantage de bénéficier

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de Clauses NPF à tous les niveaux, avec un principe de non-discrimination systémique au niveau multilatéral dont toutes les possibles exceptions sont annihilées au niveau bilatéral. Dès lors, elle vide de son sens tous les mécanismes mis en place pour les PVD et s’offre pour le coup un TSD exceptionnel. Cette posture européenne s’explique surtout par le souci de gérer sa concurrence avec les partenaires commerciaux majeurs qui arrivent en force sur le continent africain. Mais cette donne n’est pas encore juridiquement prise en compte par le système de l’OMC où l’hétérogénéité des membres { l’intérieur de la catégorie générique des pays en développement ne permet pas encore une différenciation de leur régime juridique. Le plus souvent, ce sont les pays en développement africains qui en souffrent par une érosion des préférences, les pays développés rechignant à conférer les mêmes avantages commerciaux { d’autres pays en développement qui se présentent comme leurs concurrents potentiels. Mais si l’opportunité de conférer des préférences commerciales { travers les SGP relève de leur pouvoir discrétionnaire, les conditions d’octroi des avantages commerciaux à travers les ACR et les SGP sont juridiquement obligatoires et ne leur laissent pas beaucoup de marge de manœuvre.

I.1.4. Les impacts légaux potentiels liés au maintien de la Clause NPF dans les APE

13. Nous avons déj{ évoqué le cas pratique d’un pays en développement qui est { la fois Partenaire commercial majeur et qui conclurait des ACR avec des pays africains, pour démontrer que le champ d’application de la Clause NPF dans les APE était flou dans l’argumentaire européen. Nous allons y avoir recours une seconde fois pour voir quelles sont les implications légales de son maintien dans les futurs APE régionaux. Deux hypothèses se présentent à nous. 14. Dans la première, les pays signataires du nouvel ACR y ont un intérêt évident, et c’est { l’UE d’intenter une action juridique pour bénéficier des mêmes avantages commerciaux en application de la Clause NPF. Le cas est relativement simple. Rien dans le droit du GATT/OMC n’interdit la conclusion d’ACR entre pays en développement. Celui-ci est d’ailleurs conclu sous l’égide de la Clause d’Habilitation. En plus, en s’en tenant { ses déclarations, l’UE confirme que les ACR visés par la Clause sont exclusivement ceux couverts par l’Article XXIV du GATT. Dans ce cas de figure, la Clause NPF n’est pas opérationnelle et il n’y pas de contentieux entre les parties.

15. En revanche, ce n’est pas le cas dans la seconde hypothèse où l’UE déciderait d’actionner la Clause NPF parce qu’elle aurait considéré que le statut de partenaire commercial majeur prime sur celui de pays en développement. Quel droit serait applicable { l’appui d’une telle action ? Dans la mesure où rien dans le droit de l’OMC ne s’oppose { la conclusion d’un ACR entre pays en développement (CH), l’UE ne pourrait se plaindre que du point de vue de l’APE qui a instauré son propre mécanisme de règlement des différends, avec un Groupe Spécial d’arbitrage compétent sur les questions essentielles de fond de l’APE. Le droit applicable entre les deux parties { l’ACR étant celui de l’APE et la Clause NPF en étant partie intégrante, l’affirmation de son application au profit de l’UE ne fait { priori aucun doute. Suivant la logique des différents APE intérimaires, le Groupe Spécial d’arbitrage autoriserait la « prise de mesures temporaires de mise en conformité ». En

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l’occurrence, cela signifie une plus grande offre d’accès aux marchés au profit de l’UE et qui fait fi des critères qui ont présidé { la mise en place des listes d’exclusion. Ou alors, hypothèse très peu réaliste, une renonciation des pays africains { la nouvelle offre d’accès au marché au partenaire commercial majeur. Mais le mérite de cette situation inédite est qu’elle permettrait au partenaire commercial majeur de saisir l’ORD pour incompatibilité de cette clause NPF régionale avec droit de l’OMC.

I.2. Aspects politiques et stratégiques de l’introduction de la Clause NPF dans les APE2

16. Au-delà des arguments juridiques, les arguments de certains leaders africains sont plus politiques. Dans une économie mondiale ouverte, où suite au retard enregistré dans les négociations multilatérales, les Etats pourraient davantage s’engager dans des accords bilatéraux entre pays ou groupe de pays, en s’accordant des concessions toujours plus avantageuses, signer un accord bilatéral contenant une telle clause pourrait s’avérer risquer. 17. En Afrique de l’ouest, de nombreux acteurs estiment que la demande européenne est strictement destinée à contrer les velléités de diversification de leurs partenaires commerciaux dans les quelles les pays africains se sont engagés depuis quelques années et qui ont commencé à porter leurs fruits dans certains domaines. La montée en puissance du commerce Chine –Afrique, serait ainsi essentiellement visée. Et pour cause ! 18. Les spécialistes les plus avertis affirment que la tendance au déclin du commerce entre l’Europe et l’Afrique dans ses formes traditionnelles et postcoloniales est une donnée de structure. S’étant laissée endormir par le confort de ses positions commerciales acquises, ses situations de monopole et sa mainmise quasi complète sur les moyens de production et de commercialisation dans la plupart des pays africains, l’Europe s’est réveillée brutalement pour constater une réalité : « le monde commercial a beaucoup changé et il lui faudra désormais payer un juste prix pour consommer ; et elle devra le faire en compétition avec d’autres ».

19. La Chine est aujourd’hui le troisième partenaire commercial du continent africain. Même si l’Afrique demeure un partenaire mineur pour la Chine, le continent ne représentant que 3% des exportations totales de la Chine vers le monde et 3,7% de ses importations, le géant asiatique a détrôné en 2005 l’Allemagne de la place de premier fournisseur du continent3.

20. Le constat actuel est que l’intensification des relations commerciales entre l’Afrique et la Chine a coïncidé avec une accélération de la croissance africaine et que, globalement, les pays africains bénéficient de l’émergence chinoise. Bien entendu, on dira toujours, à juste titre d’ailleurs, que cette émergence présente aussi de nombreux risques pour les pays africains individuellement et collectivement. Mais il leur appartient à eux seuls de décider

2 Idées développées par Dr Cheikh Tidiane Dièye, Eclairages dans les négociations commerciales, ICTSD, Février 2008. 3 Chaponnière, J.R « Les échanges entre la Chine et l’Afrique : situation actuelle, perspectives et sources pour l’analyse » AFD, p.1

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quel partenaire est bon ou moins bon pour eux. Et c’est en vertu de cette vérité que la clause NPF de l’Europe parait politiquement et stratégiquement inacceptable pour de nombreux dirigeants africains. Le Président Abdoulaye Wade du Sénégal a affirmé il n’y a pas longtemps « …je veux que nous gardions le contrôle. Il est exclut que nous soyons subordonné à qui que ce soit. Je suis très jaloux de mon indépendance. Les sénégalais comme tous les autres africains ont lutté pour leur indépendance. Ce n’est pas pour se faire coloniser par d’autres aujourd’hui (…) Mais je suis ouvert à la coopération. Aujourd’hui je discute avec les Français, les Russes, les Américains, les Chinois, les Indiens. Aucun d’entre eux ne fait quoi que ce soit au Sénégal sans que je sois d’accord ».4

4 Abdoulaye Wade. Entretien accordé à « Afrique Magazine », février 2008. Chapitre sur le partenariat économique étranger, p.70

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II. LA CLAUSE DE NON-EXECUTION DANS LES APE

21. La Clause de non-exécution résulte d’une conceptualisation des juristes pour désigner une réalité bien présente dans les relations entre Union Européenne et les pays ACP. Il s’agit de la possibilité, pour une partie, de suspendre ses engagements, si l’autre partie ne respecte pas des engagements périphériques qui ne concernent pas directement l’objet du contrat initial. Cette Clause est présente dans l’Accord de Cotonou qui sert de substrat aux APE, en ses articles 96 et 97 notamment. 22. « Si, nonobstant le dialogue politique mené de façon régulière entre les parties, une partie considère que l'autre a manqué à une obligation découlant du respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit visés à l'article 9, paragraphe 2, elle fournit à l'autre partie et au Conseil des ministres, sauf en cas d'urgence particulière, les éléments d'information utiles nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de rechercher une solution acceptable par les parties. À cet effet, elle invite l'autre partie à procéder à des consultations, portant principalement sur les mesures prises ou à prendre par la partie concernée afin de remédier à la situation….. Si les consultations ne conduisent pas à une solution acceptable par les parties, en cas de refus de consultation, ou en cas d'urgence particulière, des mesures appropriées peuvent être prises…. Les "mesures appropriées" au sens du présent article, sont des mesures arrêtées en conformité avec le droit international et proportionnelles à la violation »

23. « Les parties considèrent que, dans les cas où la Communauté est un partenaire important en termes d'appui financier aux politiques et programmes économiques et sectoriels, les cas graves de corruption font l'objet de consultations entre les parties…. Si les consultations ne conduisent pas à une solution acceptable par les parties ou en cas de refus de consultation, les parties prennent les mesures appropriées. Dans tous les cas, il appartient, en premier lieu, à la partie auprès de laquelle ont été constatés les cas graves de corruption de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Les mesures prises par l'une ou l'autre partie doivent être proportionnelles à la gravité de la situation. »

24. S’il y a un malentendu qui persiste dans les relations commerciales Europe/Afrique, c’est la nature des liens verticaux ou horizontaux entre le commerce et l’aide au développement. L’évolution des négociations commerciales a fait émerger des paradigmes nouveaux qui ne font pas l’objet de consensus entre les deux partenaires. Dans le contexte actuel, la dissociation des questions de commerce et de celles de l’aide est fondamentale. En effet, tant que les pays africains ingurgitaient les accords commerciaux sans se soucier de la prise en compte de leurs intérêts, l’aide au développement opérait, pour l’Europe, comme un geste de bonne conscience compensatoire. L’éveil commercial des pays africains dans les négociations commerciales internationales a changé la donne. Les niveaux régional et multilatéral de ces négociations sont fortement imbriqués et ne donnent plus { l’Europe la garantie de concessions commerciales automatiques. Dès lors, l’aide compensatoire est devenue un argument subtil de négociation, subrepticement brandie à chaque fois que les pays africains ont tardé { rallier les positions attendus d’eux, favorisant la prise en otage de la coopération au développement par le commerce. Cet état de fait est révélateur d’une

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incohérence. L’aide et le commerce ne répondent pas aux mêmes logiques de partenariat. L’aide est unilatérale, volontaire et situationnelle. Le commerce est plus contractuel, plus normatif et s’inscrit dans un régime systémique articulé autour des principes de l’OMC. Pour ces raisons et aussi pour des considérations d’éthique, il ne doit pas s’immiscer dans la recherche de la réduction de la pauvreté par des voies et pour des raisons autres que d’ordre commercial. Il ne serait d’ailleurs pas exagéré de faire d’une telle immixtion, qui est un élément de contrainte avéré, un facteur de trouble { l’ordre public commercial international, et justiciable devant l’OMC.

25. C’est compte non tenu de ses paradigmes nouveaux que l’UE a formulé, dans les négociations de l’APE avec l’Afrique de l’ouest, l’introduction d’une clause qui perpétue la relation conditionnée entre l’aide au développement et le commerce. C’est la Clause de non-exécution. Elle résulte d’une conceptualisation des juristes pour désigner la possibilité, pour une partie, de suspendre ses engagements commerciaux, si l’autre partie ne respecte pas des engagements périphériques qui ne concernent pas directement l’objet du contrat initial. Cette Clause est présente dans l’Accord de Cotonou qui sert de substrat aux APE, en ses articles 96 et 97 notamment.

26. L’Article 96 concerne les droits de l’homme, les principes démocratiques et la démocratie, alors que l’article 97 concerne les cas de corruption. Les thématiques sont clairement extra- commerciales, mais sont considérées comme des éléments importants du cadre global de partenariat entre l’Europe et les pays ACP. Il est vrai que la Convention de Cotonou, comme les conventions de Lomé qui lui sont antérieures débordent le cadre commercial et contiennent une importante dimension de coopération au développement. Les préférences commerciales octroyées par l’UE sont unilatérales, ce qui fait qu’il est considéré comme un bailleur de fonds qui est en droit de demander des comptes. C’est dans cette logique que s’inscrivent ces conditionnalités dans des domaines où les pays africains ne sont pas toujours exempts de reproches. L’aide au développement sert de levier { une promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de la lutte contre la corruption. Ces dispositions ont d’ailleurs été utilisées à deux reprises récemment. La première fois au Zimbabwe en 2001 et la seconde Fidji en 2007. A chaque fois pour des raisons liées au constat d’un coup d’Etat ou { l’interruption d’un processus électoral. Seulement, dans les deux cas, c’est l’aide au développement et non les préférences commerciales qui ont été retirées.

27. La position de l’UE est de maintenir cette clause de non-exécution dans les APE. Elle considère que l’assistance technique continue de cohabiter avec les aspects commerciaux dans les futurs APE, que les articles 96 et 97 restaient toujours applicables et que les questions liées aux droits de l’homme, { la démocratie et { la corruption sont toujours d’actualité. Les pays de la région, { travers des prises de positions au niveau du Secrétariat ACP et ailleurs, n’avalisent pas cette prise de position. Ils arguent que les questions commerciales doivent être négociées en dehors de la coopération au développement fournie de manière unilatérale par l’UE et que cette aide ne doit pas aussi justifier des ingérences dans leurs affaires intérieures. Dès lors, même si on doit considérer l’Accord de Cotonou comme la base des APE, le problème peut être résolu par une disposition expresse dans les APE excluant l’application des articles 96 et 97.

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28. La prise de position des pays de la région n’est pas dénuée de logique. La Clause de non-exécution pouvait se justifier dans un cadre unilatéral d’octroi d’aides ou de préférences commerciales. Mais accorder une prime à la démocratie ne doit pas être une conditionnalité dans le cadre de relations commerciales contractuelles comme c’est le cas dans les APE. Les concessions y sont réciproques et durement négociées. C’est le lieu de préciser que la dimension développement contenue dans les APE n’est pas statutairement comparable { l’aide au développement. Les questions de développement dans les APE sont des mesures d’accompagnement obligatoires répondant { des conditions précises communément définies entre les deux parties. Elles font partie intégrante des accords sans possibilité d’une suspension unilatérale. Elles ne peuvent dès lors pas être retirées au risque de remettre en cause l’équilibre global de l’Accord. Des conditionnalités comme la clause de non-exécution ne peuvent s’appliquer dans une relation contractuelle, avec des conditions de déclenchement approximatives, et dans des domaines aussi sensibles que les droits de l’homme, la démocratie et la corruption. La prise en charge de ce problème, par la dissociation du commerce et de l’aide, sera un élément de mesure principal de ce que sera la capacité de formulation de politiques commerciales autonomes dans la région, pour les années à venir.

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III. LA CLAUSE DE SAUVEGARDE DANS LES APE

III.1. Dans le domaine de l’agriculture

III.1.1. Au niveau du système commercial multilatéral

29. La clause spéciale de sauvegarde5 constitue une disposition de protection qui contrebalance les effets de la tarification. Elle permet, en cas de forte augmentation des importations ou d’une forte réduction de prix, de lever les droits supplémentaires qui ne dépassent pas le tiers des droits de douane en vigueur. Ce droit peut être maintenue seulement jusqu’{ la fin de l’année durant laquelle il a été mis en place, s’il a été déclenché { cause du volume6. Et seulement le temps d’une expédition dans le cas de déclenchement { cause des prix7. Les droits additionnels ne peuvent pas s’appliquer aux importations qui sont effectuées dans le cadre des contingents tarifaires. A ce jour, seuls cinq pays africains ont accès { la possibilité de l’utiliser8. Cette clause ne devait durer que le temps du processus de réforme. Les pays africains se sont attelés à en limiter les effets restrictifs en demandant9 son extension aux pays en développement et aux pays les moins avancés10 qui en sont exclus, sans la conditionnalité relative au processus de tarification11. En outre, ils ont estimé nécessaire un assouplissement des conditions de recours à la clause par les pays en développement pour qu’en conséquence, les niveaux de déclenchement liés à la quantité ou au prix soient fixés annuellement par les pays concernés, soit sur la base de leur consommation intérieure et de leur production (quantités de l'année précédente), soit sur la base de leurs coûts de production intérieure (prix). 30. L’utilisation du mécanisme de sauvegarde spéciale, très simple pour faire face à la baisse des prix et l’augmentation massive des importations, n’est accessible que pour un nombre limité de pays. A ce jour, seuls cinq pays africains y ont accès12. Cette situation est due essentiellement au fait que la clause de sauvegarde spéciale pour l’agriculture ne peut être invoquée que pour les produits pour lesquels il a été procédé à une tarification, et à condition que le gouvernement se soit réservé le droit de le faire dans sa liste d’engagement relative { l’agriculture. Or, au moment des négociations du cycle d’Uruguay, les pays africains n’avaient pas d’intérêts { tarifier leur protection du fait du niveau de libéralisation déjà élevé. La solution raisonnable pour eux consistait à consolider des taux plafonds, ayant l’avantage de leur permettre, le cas échéant, d’augmenter leur niveau de protection13. Dans la pratique, les tarifs appliqués sont moins élevés que les tarifs consolidés, ce qui est

5 Article 5 de l’Asa. 6 Ibid. 7 Ibid. 8 Afrique du sud, Botswana, Maroc, Namibie, et Tunisie 9 G/AG/NG/W/188 du 26 septembre 2002 10 Renvoi aux PS et aux MSS dans le Paquet de juillet. 11 Cette disposition permettra aux États membres de l'UEMOA de rendre la Taxe Conjoncturelle { l’Importation (TCI) conforme aux règles de l'OMC. 12 Afrique du sud, Botswana, Maroc, Namibie, et Tunisie 13 Assemblée nationale française, Rapport d’information n° 1371 présenté par François Guillaume, l’agriculture et les pays en développement { l’OMC, p. 36

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supposé laisser une marge de réaction par des hausses face à des importations subites et massives et { des baisses des prix { l’importation. Mais ces pays n’ont pas toujours les outils pour faire face { des variations importantes des volumes d’importation ou des prix.

III.1.2. Au niveau des APE

31. Tous les APE signés à ce jour contiennent des dispositions importantes en matière de sauvegarde. On y distingue clairement les sauvegardes multilatérales des sauvegardes bilatérales. Les premières renvoient, mutatis mutandis, { la règlementation de l’OMC sus-évoquée, notamment l’article XIX du GATT de 1994, l’article 5 de l’accord sur l’agriculture de l’OMC et la totalité de l’accord sur les sauvegardes. Les secondes sont plus spécifiques aux APE. Elles peuvent être prises lorsqu'un produit originaire d'une partie est importé dans le territoire de l'autre partie en quantités tellement accrues et dans des conditions telles qu'il cause ou menace de causer :

un dommage grave à l'industrie domestique produisant des produits similaires ou directement concurrents sur le territoire de la partie importatrice

des perturbations dans un secteur de l'économie, en particulier si ces perturbations engendrent des problèmes sociaux importants ou des difficultés qui pourraient provoquer une détérioration sérieuse de la situation économique de la partie importatrice, ou

des perturbations des marchés des produits agricoles ou directement concurrents sur le territoire de la partie importatrice.

32. Dans tous les cas, les mesures de sauvegardes ne devront pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour empêcher le dommage grave ou les perturbations. Elles pourront revêtir les trois formes suivantes : la suspension de toute nouvelle réduction du taux du droit de douane à l'importation applicable pour le produit concerné, telle que prévue par cet accord ; (b) l'augmentation du droit de douane pour le produit concerné à un niveau n'excédant pas le droit de douane appliqué aux autres Membres de l'OMC ; et l'introduction de contingents tarifaires sur le produit concerné. 33. Globalement, les pays africains continuent d’estimer qu’il y a deux grandes difficultés qui ne sont pas résolues par ces disposions nouvelles. D’abord, les conditions de déclenchement des mesures de sauvegarde restent rigides. Ensuite, tous les termes utilisés qui déterminent ces conditions de déclenchement ne sont bien déterminés. Le risque est l’existence d’un droit de sauvegarde inutilisable ou qui a souvent objet de contestations voire de contentieux au point d’en saper l’efficacité. Le tableau ci-après donne un résumé des dispositions sur les sauvegardes dans les APE de la Côte d’Ivoire et du Ghana.

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Mesures de sauvegarde bilatérales APE intermédiaires

Côte d’Ivoire et Ghana

Conditions de déclenchement

Un produit est importé « en quantités tellement accrues et dans des conditions telles qu’il cause ou menace de causer » : -un dommage grave { l’industrie domestique (…) ; -des perturbations dans un secteur de l’économie, en particulier si elles engendrent des problèmes sociaux importants (…) ; -des perturbations des marchés des produits agricoles ou directement concurrents sur le territoire de la partie importatrice ; -des perturbations à une industrie naissante produisant des produits similaires ou directement concurrents

Type et montant maximal de la mesure

-suspension de toute nouvelle réduction du droit de douane; -augmentation du droit de douane { un niveau n’excédant pas le droit de douane appliqué aux autres Membres de l’OMC ; -introduction de contingents tarifaires sur le produit concerné. Les mesures de sauvegarde n’excéderont pas ce qui est strictement nécessaire pour remédier ou empêcher le dommage grave ou les perturbations.

Durée d’application 4 ans, prorogeable une fois (pour CI et Ghana) Suppression progressive

Portée Importations en provenance UE ayant fait l’objet de libéralisation préférentielle

Source : Les mesures de protection nécessaires pour le développement du secteur agricole en Afrique de l’ouest (Le TEC de la CEDEAO), Babacar NDAO, Appui Technique ROPPA, Bruxelles, Mai 2009.

III.2. La situation particulière des industries naissantes

34. La protection de certains produits par des mesures de sauvegardes relève plutôt d’une politique conjoncturelle. La protection des industries naissantes, dans le cas des pays africains, est encore plus sensible. Car en plus de faire face à des difficultés passagères, elle doit s’inscrire dans une politique commerciale plus ambitieuse de création d’une industrie capable de faire face à la demande intérieure. Dans tout le processus de différentiation des pays en développement, dans le système commercial multilatéral, l’argument de la protection des industries naissantes dans les pays du sud a toujours occupé une place de choix. Il est admis qu’{ défaut d’une telle politique, les pays en développement resteront confinés dans un rôle d’éternel importateur net de produits industriels, et ne pourront jamais atteindre le niveau de compétitivité qui leur permette de se mêler au jeu de la

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libéralisation intégrale. Cette question a été prise en compte dans les APE, avec des divergences de vue entre les différentes parties européennes et africaines. 35. L’UE adhère { la philosophie de la nécessité de la protection des industries naissantes, mais reste obnubilée par des considérations de compatibilité avec les prescriptions de l’OMC. Elles considèrent que les flexibilités accordées sur ce point doivent être lues concomitamment avec celles accordées dans d’autres points des APE. Ces flexibilités qui tiennent compte des questions de développement et donc d’une certaine asymétrie ne doivent pas occuper un volume qui remet en cause l’objectif de la libéralisation de l’essentiel des échanges commerciaux dans l’APE. Elle maintient que la liste des produits sensibles exclus de la libéralisation doit être utilisée à bon escient et doit servir à une protection minimale de certains secteurs sensibles, y compris les industries naissantes. Cette vision européenne a un impact négatif sur la consistance des flexibilités accordées aux industries naissantes dans les APE. 36. Pour les pays africains en revanche, une importance particulière doit être accordée à la protection dont ils font l’objet dans la mesure où aucune exportation de produits africains n’est en position ou en mesure de causer un dommage à des industries naissantes européennes. Malgré donc la réciprocité déclarée de la mesure, on sait d’avance que ces dispositions ne vont concerner que les produits européens exportés vers l’Afrique et que les risques de mise en dangers d’unités industrielles ne concerneront que l’Afrique. Ensuite, le fait que les droits de douanes protecteurs au titre de la clause ne pourront être augmentés qu’en cas d’importations massives effectives de produits européens pose problème. Cela signifie que ne sont pris en compte, dans le champ de la protection, que les industries existantes et en développement. Or, la structure économique des pays africains laissent beaucoup de places { la mise en place d’entités industrielles nouvelles qui méritent une protection particulière. Des droits de douanes devraient donc pouvoir être augmentés ou crés en fonction de l’évolution de la situation industrielle et sans qu’il y ait des importations massives ponctuelles en provenance d’Europe. Enfin, les pays africains considèrent que les durée d’application des dispositions sur les industries naissantes et dans certains cas les durées maximales de protection ne coïncident pas avec les durées réelles de déploiement nécessaires aux entités industrielles protégées, et que ces délais sont aléatoires pour ne pas dire arbitraires. 37. Les négociations suivent leurs cours. Mais la plupart des régions ou pays africains se montrent satisfaits des dispositions actuelles dont le tableau ci-après donne une idée des contenus.

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Comparaison des dispositions sur les industries naissantes dans les APE

Accords Durée maximum pour la protection

d’une industrie naissante

Durée d’applicabilité des dispositions sur les industries

naissantes

SADC

8 ans

12 premières années (15 pour les PMA) avec possibilité de

rallonge en cas d’accord entre les parties

CARIFORUM

8 ans 10 premières années

Cameroun 8 ans 15 premières années Pacifique 10 ans (15 pour les

PMAs et les petits états insulaires

20 premières années

Ghana 8 ans

10 premières années (avec possibilité de rallonge en cas d’accord entre les

parties) Cote d’Ivoire

8 ans 10 premières années (avec possibilité de rallonge en cas d’accord entre les

parties) CAE 8 ans 10 premières années ASE

8 ans 10 premières années (15 pour les

PMA) Source: Lui. D., and S. Bilal. 2009. Contentious issues in the interim EPAs Potential flexibility in the negotiations. (ECDPM Discussion Paper 89). Maastricht

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IV. LA CLAUSE DE STATU QUO DANS LES APE (STANDSTILL CLAUSE) 38. La Standstill clause est en fait ce que l’on pourrait appeler une clause de statut quo. C’est une requête de l’Union Européenne qui veut que les tarifs appliqués par les pays africains soient consolidés au moment de l’entrée en vigueur des APE, et ne pourront pas faire l’objet de hausses ultérieures. Or dans la pratique, les tarifs appliqués sont moins élevés que les tarifs consolidés, ce qui est supposé laisser une marge de réaction par des hausses face à des importations subites et massives et { des baisses des prix { l’importation. En principe, seuls les tarifs consolidés sont soumis à une interdiction de hausse. On se retrouve alors dans une situation où les pays africains vont devoir renoncer implicitement à un certains nombre de droits conférés par le système multilatéral, dans le but de signer un APE. Cette clause s’exprime de façon nette { l’Article 15 APE intérimaire de la Côte d’Ivoire : « Aucun nouveau droit de douane { l’importation ne sera introduit au commerce entre les parties et ceux actuellement appliqués au commerce entre les parties ne seront pas augmentés à partir de la date d'entrée en vigueur de l'Accord. » De telles dispositions se retrouvent aussi dans l’article 23 de l’APE de la SADC et dans l’article 13 de l’APE de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Dans certains textes, la clause s’applique { toutes les importations en provenance de l’Europe, y compris aux produits qui figurent sur les listes d’exclusion. Ceci restreint sérieusement la capacité de réaction des gouvernements face à de brusques augmentations des importations agricoles14. Par exemple, { l’OMC, le Ghana a fixé ses tarifs agricoles à 97%. La clause de statu quo générale dans le texte intérimaire empêche le Ghana de rehausser ses tarifs agricoles sur les importations en provenance de l’Europe au-delà de 20%, même sur des produits exclus de la libéralisation dans le cadre des APE15. 39. A la lumière de cette situation, deux points importants méritent d’être soulignés. D’abord, il est admis qu’en aucun cas, l’introduction d’une clause de statu quo dans les APE n’est une condition de compatibilité avec le droit de l’OMC. Comme la Clause NPF, il s’agit d’une disposition unilatérale de l’UE dans une perspective d’un accès au marché facilité des pays africains. Ensuite, et l’ayant compris en tant que tel, la plupart des régions et des pays africains l’ont remis en cause en le considérant comme contraire au développent, en tant qu’elle va au-del{ des exigences et prescriptions de l’OMC. C’est ainsi que l’UE s’est déclarée favorable à plus de flexibilités face aux vives protestations et aux demandes de révisions notées en Afrique centrale et australe.

14 Emily Jones, L’Afrique et la crise économique : arguments en faveur d’une plus grande flexibilité dans les APE, In Eclairage dans les négociations commerciales, ICTSD, Juin 2009 15 Article 15 de l’APE intérimaire du Ghana

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RECOMMENDATIONS

Contrairement { ce que soutient la CE, la Clause NPF ne va pas s’appliquer exclusivement aux futurs ACR conclus sous l’égide de l’Article XXIV. Les partenaires commerciaux majeurs dont fait référence l’APE sont des pays en développement. S’ils venaient { signer des accords avec les pays d’Afrique de l’ouest, ils seraient visés par la Clause quoique les accords aient conclus sous l’égide la Clause d’habilitation.

Un des arguments de l’Europe est de dire que les produits sensibles exclus de la

libéralisation sont sensibles { l’endroit de tous les partenaires commerciaux, et que si on venait { déprotéger ces marchés pour d’autres partenaires, elle devrait en bénéficier. Ce n’est pas exact dans la mesure où les listes des produits sensibles sont subjectives par nature. Des produits peuvent être sensibles vis-à-vis de l’Europe et compétitifs en face d’autres marchés moins puissants. Une offre d’accès au marché sur mesure pour l’Europe, différenciée, est tout à fait concevable.

Si la Clause NPF est introduite dans les APE, cela signifie qu’elle concernera

automatiquement tous les services dans la mesure où il n’y qu’une base légale unique pour les ACR sur les services, contrairement { ceux sur les marchandises qui peuvent s’appuyer sur l’Article XXIV ou sur la Clause d’Habilitation. Cela signifie que l’argument européen tendant à exclure du champ de la Clause NPF les accords conclus entre pays en développement ne peut pas prospérer.

L’introduction d’une clause de Non-exécution dans une relation bilatérale préférentielle, de type unilatéral, est acceptable. Toute aide peut être subordonnée à des conditionnalités à la discrétion du donateur. En revanche, dans une relation commerciale contractuelle du type de l’APE, une telle clause ne peut pas se justifier. Il n’est pas logique d’actionner des sanctions commerciales pour des manquements extra-commerciaux (corruption, démocratie, droits de l’homme) dont la qualification des faits ne répond à aucun processus neutre et objectif. Ce refus des pays africains ne doit pas être assimilé à une volonté d’impunité au niveau des droits de l’homme. Seulement, ce ne sont pas les APE qui offrent le meilleur cadre pour la prise en charge de telles questions.

Les pays ACP doivent s’assurer que les flexibilités annoncées dans les négociations sur l’agriculture { l’OMC, et liées { la mesure de sauvegarde spéciale et aux produits spéciaux, soient transposées dans les APE finaux. La protection des produits agricoles et des industries naissantes doit occuper une bonne place dans les accords, dans des délais qui leur permettent de se développer suffisamment avant de s’ouvrir { la concurrence totale des produits d’importation.

Sur la Clause de statu quo, les pays ACP doivent faire valoir que la différence entre leurs tarifs consolidés et leurs tarifs appliqués constitue une marge de politique commerciale à leur entière discrétion. Ce qui les lie juridiquement { l’OMC est constitué par leurs tarifs consolidés. La négociation, avec l’UE, de la réduction ou l’élimination leurs droits de douane doit se faire sur cette base.

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Imp acts du cyc le de Doh a sur le s ecteur laitier au Cameroun Rostant Roland LEUDJOU NJITEU, Co nsultant International, Yao undé, Cameroun

Quête de co hér ence dans l’ élaboration d es politiques co mmerciales en Afrique d e l’Oues t : OMC, APE et Intégration R égionale Dr El Hadji A. DIOUF, Directeur Exécutif 2ACD

Questions contentieuses d ans les Accords de Partenariat Econo mique (APE) entr e l’Europe et les Pays ACP: L es barrières non tarifa ires Dr El Hadji A. DIOUF, Directeur Exécu tif 2ACD

Essai d’interpr étation de l’Article XXI V du

GATT : Tau x et délais d’ouverture des marchés

dans les APE entre l’UE et les Pays ACP

Dr El Hadji A. DIOUF, Directeur Exécu tif 2ACD

La propriété intellectu elle en Afrique de l’Oues t : U n outil pour l’innovation, l’intégra-tion et le d évelo ppement d e la région ? Amadou TANKOANO, Professeur à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, Niger

Les enjeux de la réglementation régionale des services financiers: Le cod e CI MA au défi des règles mu ltilatér ales et d es pr atiques des multinationales dans le secteur des assurances Amar KEBE, Juriste

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L’Agence Africaine pour le Commerce et l e Développement (2ACD) est une Organisation Internationale Non Gouvernementale (OING) régie par les articles 60 et suivants du Code Civil suisse. Elle a été créée à Genève le 7 Juillet 2010. C’est une Organisation { but non lucratif qui vit des subventions et ressources autorisées par la loi et les règlements suisses. Elle a son siège à Genève et des représentations régionales et nationales sur le continent africain. Ses missions essentielles sont :

La mise en cohérence des différentes politiques commerciales africaines, aux niveaux multilatéral, régional et bilatéral

La mise { la disposition des négociateurs africains de l’information technique nécessaire { l’élaboration de positions de négociations

Le renforcement des capacités des parties prenantes africaines dans les négociations commerciales : gouvernements, Société Civile, Secteur productif, milieux académiques etc.

Programme sur les Accords de Partenariat Economique (APE) L’objectif de ce Programme est de participer { l’identification des problématiques pertinentes pour les

pays africains { l’effet de les intégrer dans le processus de décision et d’en faire des positions de

négociations. A terme, l’ambition du Programme est aussi de participer { la mise en œuvre des APE

régionaux finaux sur le continent, pour que l’Afrique puisse en tirer le meilleur profit.

.

CONTACTS

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Case Postale 2173 – 1211 Genève 2 Tél. +4122 732 47 37 Fax : +4122 732 47 35

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