38
- ··-- ..... 7 -- ECHANGES No 112 - Printemps 2005 - 3 euros ' ' bulletin du réseau « Échanges et mouvement » ALLEMAGNE. Grève sauvage chez Ope!, p. 3 +Au travail !, p. 8 +BoLIVIE. Guerre du gaz ou guerre sociale?, p. 9 +Dans les publications : Amérique latine, p. 15 La situation des classes laborieuses au JAPON, chronologie : juillet 1853- août 1914, p. 18 +ETATS-UNIS. L'Armée américaine et ses déserteurs, p. 28 + Dans les publications, p. 30 France. Problématique de la lutte de classe en France et dans l'Union européenne, p. 33 +Dans les publications :luttes en Francè, p. 39 SYNDICATS. Les négationnistes de la lutte de classe, p. 40 + Le sens de la LOI FILLON sur les conventions collectives, p. 47 Dans les publications, p. 53 Correspondance, p. 58 NOTES DE LECTURE. Lutte de classe et littérature ( « Un peu de 1 'âme des mineurs du Yorkshire>>, de John et Jenny Dennis;« Daewoo »,de François Bon ; «Les Vivants et les morts», de Gérard Mordilla!), p. 62 us VAN DER LUBBE et l'incendie du Reichstag», de Nico Jassies, p. 65 Liste des publications disponibles, p. 69

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·-·~ - ··-- ..... 7

--ECHANGES No 112 - Printemps 2005 - 3 euros

' '

bulletin du réseau « Échanges et mouvement »

ALLEMAGNE. Grève sauvage chez Ope!, p. 3

+Au travail !, p. 8 +BoLIVIE. Guerre du gaz ou guerre sociale?, p. 9 +Dans

les publications : Amérique latine, p. 15

La situation des classes laborieuses au JAPON, chronologie : juillet 1853-

août 1914, p. 18 +ETATS-UNIS. L'Armée américaine et ses déserteurs, p. 28

+ Dans les publications, p. 30

France. Problématique de la lutte de classe en France et dans l'Union

européenne, p. 33 +Dans les publications :luttes en Francè, p. 39

SYNDICATS. Les négationnistes de la lutte de classe, p. 40 + Le sens

de la LOI FILLON sur les conventions collectives, p. 47

Dans les publications, p. 53

Correspondance, p. 58

NOTES DE LECTURE. Lutte de classe et littérature ( « Un peu de 1 'âme des

mineurs du Yorkshire>>, de John et Jenny Dennis;« Daewoo »,de François

Bon ; «Les Vivants et les morts», de Gérard Mordilla!), p. 62 +<~Marin us

VAN DER LUBBE et l'incendie du Reichstag», de Nico Jassies, p. 65

Liste des publications disponibles, p. 69

Page 2: ECHANGES - archivesautonomies.org

.. ECHANGES Vient de paraître__;_ J

1 Bulletin du réseau j « Echanges et ~. mouvement » LA CLASSE OUVRIERE

pour abonnement, informations SOUS LE 111 1 REICH, 1933·1939 et .correspondance : BP 241,75866 Paris Trois articles de Tim Mason ( 1940-1990), universitaire Cedex 18, France

anglais qui consacra toutes ses recherches à la classe ou-Sur Internet: http:// www .mondialisme.org vrière allemande sous le nazisme. Sa thèse de doctorat, Na -

tional Socialism Politics Towards the German Working

Abonnement : 15 euros Class 1925 to 1939, soutenue en 1971, ne fut jamais pu-

pour quatre numéros bliée en anglais. Son intérêt reposait sur une exploration comprenant les des archives nazies, qui montrent avant tout que les dirigeants brochures publiées dans

nazis étaient bien conscients du rôle central des tra-l'année.

vailleurs dans le système de production et plus particu-

Les publications lièrement dans la survie de leur propre régime. d'Echanges et mouvement sont régulièrement déposées Au sommaire

dans les librairies La classe ouvrière sous le III' Reich, 1933-1939 suivantes : L' opposition des travailleurs dans 1 'Allemagne nazie

à Paris Questions ouvertes sur Je nazisme

La Brèche, 27 rue Taine, 12' Annexes Parallèles , 47 rue Saint-

Repères historiques Honoré, 1" La Passerelle, 3 rue Principaux personnages cités

Saint-Hubert, 11' Sigles et abréviations Le Point du jour, 58 rue

Bibliographie Gay Lussac , 5' Publiee, 145 rue Amelot, 11' Quilombo,23 rue Les contraintes de pagination nous ont fait re-Voltaire, 11'

pousser au prochain numéro la publication de la ' A Lyon

suite de Travailler pour la paie, de Seymour Faber La Gryffe, 5 rue Sébasti~n-Gryphe, 7• et Martin Glaberman.

2

Page 3: ECHANGES - archivesautonomies.org

BROCHURES DISPONIBLES Militantisme et responsabilité

suivi de Le Crime des bagnes nazis: le peuple allemand est-il coresponsable '? Henry Chazé (Echanges et mouvement, mars 2004, 3 euros)

Derrière l'Intifada du XXI' siècle, Aufhchen (Echanges ct mouvement, octobre 2003,2,50 euros)

Présentation du réseau« Echanges et mouvement >> (Echanges et mouvement, septembre 2003, 1,50 euro)

Les Grèves en France en mai-juin 1968, Bruno Astarian (Echanges et mouvement, mai 2003,3,50 euros)

Humanisme et socialisme/Humanism and socialism, Paul Mattick (Echanges et mouvement, mai 2003, 2 euros)

L'Argentine de la paupérisation à la révolte. Une avancée vers l'autonomie (Echanges et mouvement, juin 2002,2.50 euros)

Correspondance 1953-1954, Pierre Chaulieu (Cornélius Castoriadis)-Anton Pannekoek, présentation et commentaires d'Henri Simon

(Echanges et mouvement, septembre 2001,2 euros)

Pour une histoire de la résistance ouvrière au travail. Paris et Barcelone, 1936-1938, Michael Seidman (Echanges et mouvement, mai 2001, 1,50 euro)

Fragile prospérité, fragile paix sociale. Notes sur les Etats-Unis, Curtis Priee (Echanges et mouvement, février 2001, l ,80 euro)

La Sphère de circulation du capital, G. Bad (Echanges ct mouvement, octobre 2000, l ,50 euro)

Les droits de l'homme bombardent la Serbie,. G. Bad (Echanges et mouvement, octobre 1999, 1,50 euro)

Entretien avec Paul Mattick Jr., réalisé par Han nu Rei me en novembre 1991. Ed. bilingue (Echanges et mouvement. septembre 1999, 1,50 euro)

Pourquoi les mouvements révolutionnaires du passé ont fait faillite.- Grèves. - Parti et classe. Trois textes d'Anton Pannekoek,

précédés de : Le Groupe des communistes internationalistes de Hollande, par Cajo Brendel (Echanges et mouvement, avril 1999, 1,50 euro)

Enquête sur le capitalisme dit triomphant, Claude Bi tot (Echanges et mouvement, janvier 1999, 1,50 euro)

La Lutte de classe en France, novembre-décembre 1995. Témoignages et discussions (Echanges et mouvement, mars 1996, 1,50 euro)

Les Internationalistes du« troisième camp »en France pendant la seconde guerre mondiale, Pierre Lanneret (éd. Acratie)

Mais alors, et comment'? Réflexions sur une société socialiste (Echanges et mouvement, 1,50 euro)

Bilan d'une adhésion au PCF. Un témoignage ouvrier en mai 68 (!CO, 1,50 euro)

74- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

ALLEMAGNE

GRÈVE SAUVAGE CHEZ OPEL En octobre 2004, après l'annonce par le groupe General Motors de la suppression de 1.0 00 emplois en Allemagne; l'usine Ope/ de Bochum est en grève, contre l'avis du syndicat /G Metal/

A LA MI-OCTOBRE, Je plan de restruc­turation de General Motors est rendu public: économie de 500 mil­

lions d'euros : 12 000 emplois (sur 63 000) vont être supprimés en Europe, dont 10 000 en Allemagne (4 000 à Bochum, dont 3 500 dès la fin 2004, ct 4 000 à Rüsselsheim). La direction s'empresse de laisser planer un doute quant à d'éventuelles fermetures d'usines. dont celle de Bochum (9 600 tra­vailleurs).

Quelques semaines auparavant, elle avait déclaré balancer, pour un repli futur Je ses activitrs <<milieu Je gamme» (Opel Vectra et Signum. Saab 9.3), entre les sites de Rüssclsheim (Allemagne) et Je Trollhii­tan (Suède). Ces incertitudes vont lourde­ment peser sur le déroulement de la grève et inciter les syndicats à tout mettre en œuvre pour éviter son extension (on rap­pellera pour mémoire que, en Allemagne, dans 1 'industrie automobile, 80% des tra­\ailleurs sont syndiqués). Et cela d'autant que Rüsselsheim, berceau historique d'Ope), est le site le plus important en Al­

lemagne (20 000 personnes y travaillent): c'est l:t que siège le conseil général d'en­treprise (Gesamtbetriebsrat) ( 1) qui doit négocier avec la direction.

( 1) Le con<erl d'entreprise 1 Betrichsrat) est la structure de ogesiJon. qu1 englobe le patronat et !e syndical de branche (rn ](j Metal]).

Contre le management. Contre les syndicats

Dans la Ruhr. à Bochum, la nouvelle se répand le 14 octobre, lors des pauses du début J'après-midi. Puis les équipes du midi quittent les chaînes de montage ct se rassemblent aux portes des trois usines. malgré les exhortations des contremaîtres qui agitent le spectre de la concurrence. d'une aggravation de la situation d'Ope! en cas de débrayage. Vers 16 h :W. la pro­duction est complètement arrêtée.

Les portes sont aussitôt bloquées pour empêcher les livraisons de pièces aux autres usines. En 2000, lors d'une première grève spontanée. les travailleurs avaient réussi en deux jours à faire cesser la pro-

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 3

Page 4: ECHANGES - archivesautonomies.org

duction dans les autres sites. Pour ce qui concerne les essieux, les boîtes de vitesse et les carrosseries, les sites d'Ellesmere Port (Grande-Bretagne), d'Anvers (Bel­gique) et de Rüsselsheim dépendent en effet directement de Bochum. La direction ct les ouvriers le savent pertinemment: malgré plusieurs tentatives, les contre­maîtres et les agents de sécurité du site ne parviendront pas à évacuer les dépôts.

Inquiets, le syndicat et le conseil d'en­treprise demandent aux ouvriers de re­

porter leur action et d'attendre patiem­ment la journée de mobilisation européenne prévue pour le 19 octobre. En soirée, 1 500 ouvriers environ organisent l'occupation. Des assemblées ont lieu dès lors toutes les heures, et chaque équipe décide de la reconduite de la grève. Les premiers slogans contre le management et contre les syndicats se font entendre. Dans 1 'ensemble, les revendications resteront défensives tout au long de la grève (contre la fermeture des usines, contre les licen­ciements), offrant prise à la propagande

du syndicat IG Metall (qui ne dit pas autre chose).

" Journées d'information Il

Officiellement, il ne sera jamais ques­tion de grève; pour parer à d'éventuelles

sanctions, les ouvriers affirment (ironi­quement aussi, car personne n'est dupe) user de leur<< droit à l'information>>. Si IG Metall ne dit pas autre chose, c'est par crainte de devoir verser un << dédommage­ment>> à l'entreprise. Mais que personne, au sein de la direction d'Opel, n'ait songé à faire débourser le syndicat montre qu'il s'agit bien là d'une grève sauvage. La di­rection en prend acte et dresse des listes not res.

Localisme Le mouvement reçoit immédiatement

le soutien de la population de Bochum, re­nouant, en quelque sorte, avec le localisme. Des classes scolaires sc rendent sur les lieux ; des habitants approvisionnent les grévistes. Plusieurs listes de souscriptions

l+ Sur Internet, vous pouvez

\

1

cueillir une nouvelle revue

des luttes en anglais sur le

1 site www.prol-position.net.

1

Le no 1 (format PDF)

contient des articles sur la

grève chez Opel (Bochum)

et la politique de General

grants en France, sur les

luttes dans le secteur aérien

en Grande-Bretagne et en

Belgique et dans le bâtiment

en Grande-Bretagne.

usines du groupe, non seu­

lement en Allemagne même

mais aussi en Belgique et en

Angleterre. Cet article donne

une chronologie des événe­

ments, les raisons de cette

grève, l'action du syndicat

IG Metal/ pour la combattre

aux côtés des patrons et les résultats pour les tra­

vailleurs.

Motors à propos de la firme

suédoise Saab, sur le nou­

veau modèle des salaires

chez Volkswagen en Alle­

magne. les protestations

contre les réformes socia­

listes. sur la lutte des mi-

+Le no 72 (janvier 2005) de

la revue allemande Wildcat analyse lui aussi la grève

sauvage qui a paralysé

l'usine Opel de Bochum en

Allemagne (bassin de la

Ruhr) entre le 14 et le 20 oc­

tobre 2004, et qui a eu des

répercussions dans d'autres

4 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

A Bochum, un groupe Ge­

genwehr ohne Grenzen

(GoG, Défense sans fron­

tières) mène depuis les an-

Black and White. 1985, (A)

UK Spokesman (The) no 1,

mars 1970, (A) UK

State Socialism (A critique

of) (Bakounine) (A) UK

Street Voice. n"' 72 et 73 (2003) (A) Etats-Unis

Striking against apartheid, brochure du Socialist

Worker Party (1982) (A) UK

Subversion High lntensity,

Cienfuegos Press, 1981 (A)

Etats-Unis Sud Education no 5 (2004)

(F) France Sud PTT (2004) (F) France

Sudversif n"' 2 et 3 (2004)

SPGB, Why Soc1alists oppose the Labour Party

(A) UK Syndicalist Bulletin (Peace

Movement). mai 1973 et 1994 (A) UK

T'okup : n"' 41 (2003), 42, 44, 45 (2004) ; brochure :

mobilisation contre la 5' Conférence de I'OMC (F)

Suisse Tam-Tam no 2 (2001) (F)

France Trait d'union (Le) n" 10

(2004) (F) France

Travailleur parisien CGT (Le) n" 1113 (2003) (F)

France Trade Unions News n"' 21,

26(A)UK Transgressions (A Journal

of Urban Explorations) no 2/3, 1996 (A) UK

Trotwatch, plusieurs Womens's papers no 1 (A)

numéros 1992 (A) UK UK Workers World, 1999 (A et

E) Etats-Unis

UNCLA (marxiste léniniste) Workers' Vanguard,

( 1972) (F) France numéros dépareillés de

Universaliste (L') n"' 67, 68 1993 et 1994 (A) Etats-

et 69 (2003), 71 (2004) (F) Unis

France Workers'Democracy n" 33,

Uranium, Future in the 1989 (A), Etats-Unis

balance (A) UK Workers'Solidariry n" 4,

Usine Gustave-Boël, Hiver 1993 (A) Etats-Unis

1993-1994, La grande Workers 'Voice numéros

grève, brochure du Parti du dépareillés 1990 et

travail belge (F) Belgique brochure " Unions and

UE News. trois numéros de Wildcats , (A) UK

1994 (A) Etats-Unis World no 45 et 46, 1995

Umanita Nova, divers (A) Etats-Unis

numéros 1994 (1) Italie

Union Democracy Review,

n"' 95 et 96, 1993 (A) Zanzara Athée n"'72 14 et

Etats-Unis 15 (2003) (F) France

Update Central America Zer Egin, numéros and Middle East, quatre dépareillés de 1989 et

numéros de 1994 (A) 1990 (basque et espagnol)

Etats-Unis Espagne.

Unity Rockers: n"' 17, 18,

ÉCHANGES 112 · PRINTEMPS 2005- 73

Page 5: ECHANGES - archivesautonomies.org

Occupational Therapy,

1995, (A), UK

Optimum n' 605 (2001)(A)

UK

Organise, plusieurs

numéros des années 1990

(A) UK

Organiser (The), n" 7 et 8,

1995 (A) UK

Oxfoerd Strumpet n" 41 et

42 (A) UK

Partido en la guerra no 0,

1991 (E) Espagne

Partisan n' 187-188

(2004) (F) France

Pascal (F) France

Peace News 1976 (A)

Etats-Unis

Peccato (il) ( 1992) (1) Italie

Pêche (La) du Midi (2004)

(F) France

People (The) de 1990 à 2004 (A) Etats-Unis

People's Newsletter (The)

(A) Etats-Unis

Permanence juridique G8

(2003) (F) Suisse

Peuples en marche no 196

(2004) (F) France

Pignero Jean, La France

n'est pas en démocratie

(F) France

Point of No Return no 4,

1997 (A) Etats-Unis

Poison Pen, 1991, (A) UK

Preparing for Democracy,

1992(A)UK

Processed World,

nombreux numéros des

années 1980 (A) Etats­

Unis

Proletarian Revolution,

n" 69,70 et 71 (2004) (A)

Etats-Unis

Prolétariat universel (Le)

plusieurs numéros (2001 à 2004) (F) France

Que fait la police ?, divers

numéros (2004)

(F) France

Radical Shift, n' 2 (A) UK

Rebellion News n' 3

(1967) (A) UK

Récalcitrons no 16 (2004)

(F) France

Red Action, no 65, 1983,

(A) UK

Red Menace, 1977 (A) UK

Red Pepper, 1994 (A) UK

Réflexions et documents­

Armement (1998) (F)

France

Réseau lnfo santé, n" 6, 7,

9 (1986) (F) France

Resinostrest, no 3,

catalogue 2004 (A) Etats­

Unis

Resiste, 1991 (E) Espagne

Revival of the Civil Rights

Movement (A) Etats-Unis

Revolutionary Anarchism,

n' 5 (A) UK

Revolutionary

Perspectives no' 2, 3, 4,

1996 (A) Etats-Unis

Rosso Operaio n" 4 et 5

( 1998) (1) Italie

72- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

Satiricon n' 33 (2004) (F)

France

Scrooge and Stooge, 1972

(A) UK

Sexual Struggles, n' 1 (A)

Etats-Unis

Shrew, no 3, 1972, (A) UK

Socialism (ln quotation

marks) Discussion on

Nicaragua (A) UK

Socialist lndustrial

Unionism, SLP (A) Etats­

Unis

Socialist Opportunist

(Autonomy, Oxford) 1984

(A) UK

Socialist Reconstruction

n' 1, 1971 (A) Etats-Unis

Socialist Worker, numéros

divers de 1999 à 2005 (A)

UK

Solidaire, numéros divers

de 1997 à 2004 (F)

Belgique

Solidaires n' 14 (2003) (F)

France

Solidarité n" 15, 16,17 et

18 (2004) (F) France

Solidarité (Les échos)

n" 107 (2004), 110 (2005)

(F) France

Solidarity Bulletin

(Norwich) n" 5 et 6, 1995

(A) UK

Solidarity Newsletter.

Philadeph1a Solidarity,

n' 1, 1972 (A) Etats-Unis

Somerset Clarion, 1994,

(A) UK

South Africa (The

organisation of power in

sont lancées. Au cours du week-end (16 et

17 octobre), la grève tend à s'ouvrir vers

l'e.xtérieur, à d'autres mouvements. De­

vant J'usine N" 2, les grévistes organisent

une<< journée des familles», accueillant

leurs proches ainsi que des délégations des

autres boîtes de la région, auxquelles se

joignent des manifestants du lundi.

L'ombre de Michael Moore Les syndicalistes et le comité d'entre­

prise affirment dans un premier temps que

les difficultés d 'Opel proviennent essen­

tiellement d'erreurs du management. Puis,

après le début de la grève, ils changent leur

fusil d'épaule. Face à la<< dictature des

marchés», la résistance locale est inutile,

martèle le conseil d'entreprise à Rüs­

selsheim. << il faut négocier tous en­

semble>>. Les références à Flint (usine de

moteurs du Michigan où, en 1998, une

grande grève de deux mois avait paralysé

toute la production du groupe et avait coûté

au total au groupe américain près de

3,2 milliards de dollars), présentée comme

<<une lutte sans issue>>, se multiplient, tan­

dis que les dirigeants syndicaux rivalisent

de nationalisme et d'an ti -américanisme. A

les écouter, il s'agirait ni plus ni moins

que d'une machination impérialiste sur

fond de clash des civilisations. Les ac­

tionnaires, les fonds de pension américains,

ne seraient pas capables de comprendre

<< nos traditions >> ( << cogestion ,, ). Et la re­

structuration brutale serait due à la po si­

ti on de 1 'Allemagne lors de la guerre en

Irak: GM finance le parti républicain qui,

venant de remporter les élections, pren­

drait ainsi sa revanche. L'ombre de Mi­

chael Moore plane alors sur Rüsselsheim.

Ripostes syndicales Lors de !ajournée d'action européenne

organisée par les syndicats le 19 octobre, à

Bochum les fonctionnaires IG Metall et les

co-managers, soutenus par le SPD, les élus

locaux et même par quelques curés, appel­

lent en chœur à la reprise du travail; aucune

délégation de grévistes ne peut s'exp ri mer

publiquement- et, alors que des travailleurs

nées 1970 une liste anti-syn­

dicaliste, opposée à l'idéo­

logie de parti comme aux po­

sitions modératrices des

syndicats. En 1973, ce

groupe, en accord avec le

comité d'entreprise et les

" hommes de confiance,

(délégués), avait obtenu la

mise en place d'un affichage

d'information pour les ou­

vriers dans tous les ateliers

En 2004, la lutte de classes

a bouleversé cette institution

L'auteur de cet article tire les

conclusions personnelles

suivantes de cette grève

l'usine.( ... ) En dépit de l'or­

ganisation autonome et du

suivi de la grève, les reven­

dications sont demeurées

défensives. ( .. ) La grève

sauvage à Bochum a de

nouveau montré que la lutte

de classes n'est pas un phé­

nomène institutionnel et dé­

mocratique mais un conflit

vivant qui nécessite un

noyau militant décidé vers

lequel les travailleurs plus

modérés puissent se diri­

ger ... (p.17-19)

sauvage à Bochum

" L'usine reste le lieu où la

contradiction capitaliste

s'exprime de la maniêre la

plus concentrée, non seule­

ment lieu de production de

plus-value mais aussi celui

de la lutte de classes -l'as­

piration à une nouvelle so­

ciété s'exprime dans la

grève à travers la commu­

nauté d'action autonome et la

collectivité au sein de

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 5

Page 6: ECHANGES - archivesautonomies.org

des autres firmes automobiles sont présents

(Porsche, Ford, VW), les plus concernés

pour ainsi dire, ceux de Rüsselsheim, sont ab­

sents. Ils sont conviés à écouter à Rüs­

selsheim un discours du chef du conseil

d'entreprise général. Klaus Franz, qui s'en

prend violemment aux grévistes.

Au cours de la journée, la pression sur

les travailleurs de Bochum redouble. Pour

1 'anecdote, il y a même eu au Bundestag une

séance extraordinaire consacrée à la grève.

Les effets démoralisateurs de la manifesta­

tion se font sentir dès le soir, bien que les

médias aient annoncé à grands bruits 1 'arrêt

de la production en Belgique et à Rüs­

selsheim. Sans compter que l'échec de la

grève des métallos est-allemands de 2003

est présent dans tous les esprits depuis le

début du mouvement. Sentant son heure ar­

river, JG Metall insiste plus que jamais sur les

négociations: entre-temps, sous le choc de

la grève, la direction d'Ope! a semblé ef­

fectivement assouplir ses positions.

S'ils n'obtiennent pas la fin immédiate

du mouvement, les syndicalistes parviennent

cependant à imposer la convocation, le len­

demain, d'une assemblée générale- le clas­

sique<< laissons-la-base-décider»-. En guise

de« démocratie par la base», le 20 octobre,

les ouvriers sont d'abord fouillés à l'entrée du

bâtiment par les agents de sécurité, qui

contrôlent aussi les identités. Les micros,

d'ordinaire répartis dans la salle, ont été

préalablement enlevés. Sur le podium, en­

tourés par les nervis de la boite, seuls trois

<<hauts fonctionnaires» du conseil d'entre­

prise et d'JG Metall auront un droit de pa­

role. Les discours sont rapides, une vingtaine

de minutes en tout. Puis vient Je vote à bul­

letin secret:<< Devons-nous continuer les né-

6 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

gociations et reprendre le travail? Oui ou

non. >> 1 769 ouvriers sur 8 000 environ sont

contre ; la majorité (4 673) se prononce pour

l'arrêt du mouvement.

Solidarité bien ordonnée ... Rarement, on aura entendu autant d'ap­

pels solennels à la <<solidarité des tra­

vailleurs>>. Pour contenir un mouvement de

classe spontané. Si le syndicat IG Metall a

semblé dans un premier temps débordé par

la base (et la presse aux abois n'a eu de cesse

de le rappeler à sa mission de paix sociale),

à aucun moment il n'a dévié de son objectif

principal : circonscrire à la Ruhr la grève

sauvage, profiter du choc et négocier un trai­

tement de faveur pour Rüsselsheim. Il lui

fallait donc suivre la voie tracée par les ma­

nagers d'Ope! et monter les travailleurs de

Bochum et de Rüsselsheim les uns contre

les autres. Le syndicat a adapté son discours

et son attitude à chacun des deux sites. Deux

discours antagonistes fondés sur le même

principe de<< solidarité ouvrière>> ; deux

discours aux relents ouvriéristes, qui, à

chaque fois, dénigraient les sentiments de

solidarité et l'esprit de résistance des ou­

vriers de l'autre site; deux discours<< chau­

vins>> qui confortaient les doutes que pou­

vaient nourrir les ouvriers sur la fiabilité et

les intentions de leurs camarades.

Ainsi, à Bochum, n'ayant pas d'autre

choix que d'appuyer sagement le mouve­

ment en attendant la fin de l'orage, IG Me­

tall avait tendance- à l'instar des gré­

vistes- à pester contre la résignation et le

manque de solidarité des travailleurs de

Rüsselsheim, qui continuaient la produc­

tion. A Rüsselsheim en revanche, syndicat

et conseil d'entreprise présentaient les gré­

vistes de Bochum comme des irrespon­

sables, manipulés par quelques <<me­

neurs». qui allaient faire échouer les

,------------------------------------------------------------------,

Termites in Faridahbad (A)

Etats-Unis

Guerre des boutons (La).

1982 (F) France

Hel! on Wheels, no 33,

2003 (A) UK

Here and Now, année

1990, (A) UK

Hi ka, n" 0,1 ,2 et 3 (1997

et 2000) (en castillan et en

basque) Espagne

Historectomy (A) UK

ldea Action :no 15 de 1990

( E) Argentine

Index on Censorship, 1994

(A) UK

lndustrial Worker no 7

(2001) (A) Etats-Unis

lndustrial Worker,

plusieurs années

dépareillées (A) Etats-Unis

Informations

Correspondance

Ouvrières (ICO). numéros

disparates des années

1970 (F) France

Informes Criticos, 1997 (E)

Espagne

lnside out no 1 (A) UK

International Creativity,

manifeste de 1970 (A) UK

International Labour

Report no 17, 1986 (A) UK

International Socialism

plusieurs numéros de

1977 (A) UK

International Socialism -

Tony Cliff, éléments pour

une discussion (F) France

International Socialist

Review (1974) (A) UK

lnternationalist Papers,

janvier 2003 (A) UK

lntersyndicaliste, n" 64 et

65 (2004) (F) France

Islam (A critique of) (A) UK

Israël deux brochures :

Nouvelle vision socialiste

et L'Histadrout, son

histoire (F) France

Jakilea -Défense des

Droits de l'Homme en Pays

Basque n" 69 (2003) à 72

(2004) (F) France

Kate Sharpley Library

(Bulletin) numéros

dépareillés depuis 2000

(A) UK

Keep it feisty (A) UK

Kladivo, un numéro (en

serbo-croate) (Serbie)

Labor Notes, numéros

dépareillés (A) Etats-Unis

Laughter is bourgeois,

syndicalist bulletin (A) UK

Libertaire (Le) no 14

(2004) (F) France

Libertarian Communism,

no 8, (A) UK

·~_ .. ·,.._·.

~ ·~ ~·

Lobster no 27, 1994 (A) UK

LPON Newsletter, n°02,

1994 (A) UK

Marxism 2003, brochure

(A) IK

Melancholic Troglodytis,

no 1, 1996 (A) UK

Mmnesota Teamster

Voice, 1993, (A) Etats­

Unis

Mobilisation (pour la

construction du parti

révolutionnaire), no 6,

1994 (F) France

Monde (Le) supplément

radical (2004) (F) France

Monde Libertaire (Le)

n" 1326 (2003), 1330

(2003}, 1344 et 1345

(2004) (F) France

Mumia Abou Jamal

(Comité de soutien

à),décembre 1999 (F)

France

New lnternationalist (The),

(2003) (A) Etats-Unis

New Liberation, sept 1969,

n°9(A}UK

New Unionist n" 206,207

et 210 (1994-1995), 294

(2002) et 300 (2003). (A)

UK

News from everywhere,

diverses brochures et

revues, année 1990 (A)

UK

Niglo en colère no 6 (2004)

(F) France

ÉCHANGES 112 · PRINTEMPS 2005-71

Page 7: ECHANGES - archivesautonomies.org

no 10, 1996 (A) Etats-Unis

Cinquième zone, plus1eurs

numéros de 2002, 2003 et

2004 (F) France

Clio, no 3 (1996) (F} France

CNT-Info, d1vers 2004 (F)

France

Collegamenti, brochure mai

1981 (1), Italie

Combat syndicaliste (Le}

numéros divers sous ce

titre de deux origines

distinctes de 1999 à 2004

(F) France

Combat communiste

(marxiste-léniniste) 1977

(F) France

Combat socialiste no• 27 et

28 (2004) (F) France

Combustia, Minor

Conflicts, Major

Confrontation (A) UK

Comidad, année1990 (1)

Italie

Communicating Vessels

no 12 (A) UK

Communisme no 55 (2004)

(F} France

Community Action -

Haringey Solidarity Group

(A} UK

Communily (North

Kensington Newsletter) (A)

UK

Confrontations (OSL,

suisse) 1988 à 1997 ( F)

Suisse

Coordination anti-OMC,

2003 (F) SUISSe

Copeaux d'abord (Les}

(CNT BOIS) 2002 (F)

France •

Coquelicot (Le) no• 40,41 et

42(2004) (F) France

Coton Tige no 2, 2003 (A)

UK

Counter lnformation,divers

numéros avant 2000, no• 52

et 57 (2001) (A) UK

Courant Alternatif no 141

(2004) (F) France

Critique communiste (LCR)

1996 (F) France

Critique de la théorie de

l'impérialisme, dossier, juin

2004 (F) France

Dans le monde une classe

en lutte, pratiquement tous

les numéros parus depuis

1994 (photocopies) (F)

France

Autsi (espagnol et basque)

Espagne

Echanges, reprise en

brochures distinctes

d'articles de la revue et

d'ailleurs par un groupe de

Caen (F) France

Ecole de Paris (Les amis

de l')- Héritiers et

managers (2004) (F)

France

Ecologiste (L') revue,

septembre 2004 (F)

France

Ecologistes (La lettre des)

no 66 (2004) (F) France

Egalité des droits et des

chances, brochure (2004)

(F) France

70- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

Ehrlich Carol - Socialism

anarchism and feminism,

1970 (A) Canada

Epoca Update (t, 90) (A}

Etats-Unis

European Counter

Network, 1992 (A) UK

Exagéré (L'}, no' 1 et 3 (F}

France

Facman n" 2 (1999) à 5

(2000) (F) France

Fight Fascism (sur la

guerre en Bosnie) (A) UK

Firestarter, diverses

brochures en anglais

reproduisant des textes

antérieurs de diverses

publications (A) Etats-Unis

Flash Republicano no 0

(2000)(E) Espagne

Flux,6 numéros (A) UK

Forge (La) numéros divers

de 2003 et 2004 (F)

France

Freedom, numéros divers,

1969 à 1995 (A) UK

Gazette d'Angers (La),

année 1970 (F) France

Gazette de la société et

des techniques (la}, no' 17

(2002}, 19, 21' 22 (2003),

24 à 28 (2004) (F) France

Gegen die Stromung,

n" divers de 1999 à 2004

(en allemand) et bulletin

d'information en françaijs Allemagne

Goldner- Revolutionary

-------

importantes négociations- sans se soucier

du sort de leurs collègues des autres sites:

la grève sauvage pouvait braquer la direc­

tion d'Ope! et compromettre 1 'avenir déjà in­

certain de Rüsselsheim au profit du site sué­

dois de Trollhattan.

Au niveau d'Ope!, l'isolement de la

grève était donc pratiquement acquis

d'avance. La manifestation syndicale a fini

par ébranler les grévistes, malgré les arrêts

de production dans les autres sites. La ma­

nœuvre finale pour forcer la reprise du tra­

vail, aussi cauteleuse et bureaucratique

qu'elle fût, est donc moins une" trahison"

- comme on a pu le dire à chaud - que

1 'aboutissement logique de la tactique syn­

dicale elle-même.

ÉPILOGUE

Règlement au cas par cas : les " départs volontaires "

Le 8 décembre, le conseil général d'en­

treprise approuve la suppression de

9 500 emplois (5 000 à Rüsselsheim, 4 100

à Bochum et 400 à Kaiserlautern) et, comme

prévu, les coûts fixes annuels d'Ope! se­

ront réduits de 500 millions. Environ

3 000 tra v ai Il eurs partiront en préretraite

ou seront employés à temps partiel. L'ac­

cord prévoit le départ« volontaire>>, avant

la fin janvier, de 6 000 travailleurs, dont la

moitié à Bochum. contre une compensation

calculée sur l'ancienneté (entre 10 000 et

théoriquement 200 000 euros ). Un << vo­

lontaire>>, âgé de quarante ans, travaillant

depuis quinze ans sur les chaînes de montage.

touchera environ 60 000 euros. IG Metal!

s'est aussitôt mis à annoncer des primes de

départ mirobolantes pour faire passer l'ac­

cord. Mais la firme, pas folle, refuse de se

séparer des ouvriers âgés et qualifiés dont

le départ lui reviendrait trop cher. La di-

rection et le conseil d'entreprise font alors

pression sur les plus jeunes en leur rappe­

lant gentiment qu'ils seront les premiers

sur la sellette en cas de licenciements secs.

A la fin janvier, afin d'éviter un redémarrage

de la lutte el devant le peu d'enthousiasme

pour ces mesures, Ope! accorde un nouveau

délai (25 février). A Rüsselsheim et à Kai­

serlautern, on atteint finalement le quota

de départs" volontaires" que l'accord avait

fi.~é, respectivement 2 700 et 300. A Bo­

chum, en revanche, seuls 1 500 ouvriers

avaient accepté la prime à la fin février.

Tout comme la manœuvre syndicale qui,

pour casser le mouvement de lutte, avait

transformé le collectif de grévistes en plu­

sieurs milliers d'électeurs anonymes, les

contrats de départ tendent à individualiser

les travailleurs.

Les sociétés de transfert Les << volontaires au départ>> intègrent

des sociétés dites de réorientation ou de

transfert. Conçus par IG Metall à la fin des

années 1970 pour amortir les effets des re­

structurations, ces bureaux de placement ont

connu un véritable essor lors de la« réuni­

fication>>. Ce sont soit des organismes pri­

vés, soit des créations ad hoc; les conditions

du<< transfert>> forment l'un des volets des

négociations. L'organisme de chômage

[équivalent de l'ANPE] verse au transfuge

60 % (67 %pour ceux qui ont des enfants) de

son dernier salaire net, à quoi s'ajoute un

complément versé par 1 'entreprise qu'il vient

de quitter (dans le cas d'Ope!, il reçoit en

tout 85 %de son dernier salaire). Si au bout

d'un an, il n'a pas été placé, il n'a plus qu'à

s'inscrire au chômage.

Les sociétés de transfert permettent à

l'employeur de contourner le droit du tra­

vail (en matière de licenciement) ct d'enga­

ger aussitôt la réorganisation des conditions

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 7

Page 8: ECHANGES - archivesautonomies.org

d'exploitation. sans avoir à redouter une

forte opposition des travailleurs, un mou­

vement de 1 u tte con séq uen t.

indexés sur les tarifs de branche) et la ré­

duction de la prime de Noe!. En outre, il in­

troduit une plus grande flexibilité des condi­

tions de travail : le temps de travail variera

entre 30 et 40 heures (35 heures en

moyenne) ; chaque ouvrier devra, sans com­

pensation, travailler. En échange, Ri.is­

selsheim s'impose face à Trollhatan (ferme­

ture probable à plus ou moins brève

échéance) et récupère les activités<< milieu de

gamme» ; la version cinq-portes de l' Astra

sera désormais produite à Bochum.

Un " accord orienté vers l'avenir"

Le 3 mars, les négociations entre la di­

rection et le conseil d'entreprise aboutissent

à un accord sur le maintien en activité des trois sites ouest-allemands d'Ope! jusqu'en

201 O. L'accord, dont les modalités d' appli­

cation sont différentes selon les sites, sti­

pule le gel des salaires (qui ne seront donc plus

Au travail! +En Allemagne, comme par­

tout, une réorganisation du

capital impose une emprise

toujours plus importante du

travail dans la vie quoti­

dienne. Le n' 72 (janvier

2005) de Wildcat revient

dans un article" On n'a rien

sans lutte " sur la loi Hartz IV qui veut fluidifier l'emploi et

remettre tous les inactifs au

travail. Le projet du ministre

Hartz est de réinsérer les

chômeurs dans le marché de

l'emploi pour un salaire ho­

raire supérieur de 1 euro aux

allocations chômage, au nom

du précepte : " Nous neto­

lérerons plus ceux qui refu­

sent de travailler " Les pres­

tations sociales avaient été

mises en place par l'Etat au

début du XX' siècle afin de

rédUire les conflits entre tra­

vail et capital, ou tout au

moins de les intégrer à l'ordre

étatique. L'attaque contre

elles amène aujourd'hui ceux

qui étaient autrefois contre

l'Etat à défendre l'Etat social.

L'auteur voit dans les nou­

velles manifestations du lundi

(voir Echanges n" 110, p. 6

et111, p. 26) le " retour du

prolétariat "· Un autre article, " A bas le

premier, le deuxième, le troi­

sième marchés du travail ",

retrace un bref historique des

diverses tentatives d'impo­

ser un travail obligatoire aux

bénéficiaires des services so­

ciaux depuis les années

1970. Wildcat revient sur J'ex­périence en demi-teinte d'op­

posants au travail obligatoire

à Cologne et Witten en 1984

et 1985, avec des extraits

d'articles parus dans ses

n" 38 et 39 (1986). A Co­logne, les tentatives de

mener une lutte collective

contre le travail obligatoire

n'avaient trouvé d'écho que

chez les squatters ou les

8 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

G. C.

groupes politiques d'extrême

gauche, car il fut impossible

de mener des actions sur les

lieux de travail à cause de

l'hétérogénéité des gens im­

pliqués. A Witten, par contre,

Erwin raconte que les assis­

tés sociaux, contraints de tra­

vailler sept heures par jour,

ont réussi à déclencher une

lutte collective qui a fait re­

culer un contremaître voulant

les faire travailler huit heures

et leur accorder un jour de

compensation à son gré. Il

faut noter que des six assis­

tés sociaux, seul Erwin était arrivé à l'heure le premier

jour ; Wildcat ne nous dit pas

si la mauvaise volonté des

cinq autres ne serait pas un

élément pouvant conduire à une explication de leur com­

bativité.

+ Et aussi : " Allemagne :

l'Est débarque sur le marché

du travail ", dans A Contre

Courant no 163, avril 2005.

1 PUBLICATIONS DISPONIBLES

Liste des documents, Alive and Kicking n' 1 (A) numéros 1998 à 2000 (E) journaux, brochures UK Espagne

et livres disponibles Alternat1ve Libertaire : Barykada -n' 8, 1996 à Echanges. n" 125 à 128 (2003) et 130 (Polonais) Pologne

Ces matériaux sont envoyés à 135 (2004)- Débattre, Black Atony, (A) Etats-contre remboursement des revue théorique du groupe, Unis frais postaux. Il suffit de n" 16 (2003) et 17 (2004) Black Mask -1993 (A) joindre à la demande des (F) France Etats-Unis

timbres si possible: 0,64 euro Alternative Press Index : Black Star- 1982 (A)

pour un exemplaire, 0, 77 n" 35 (2003) et 36 (2004) Etats-Unis euro pour deux, 1.45 euro (A) Etats-Unis Bias! (The), numéros jusqu'à cinq. Au-delà, Alternative Socialism - divers 1994-1995, (A) demander au préalable Je document 1 (A) UK Etats-Unis montant des frais postaux. Altrastoria (2000) (italien) 1 Blisset Luther, Anarch1sm Etant donné Je nombre limité American Owl 1979 - lntegralism (A) UK de certains documents, les plusieurs numéros (A) Boletin anarcosindicalista demandes seront honorées Etats-Unis no 19 (2003) (E) Espagne dans leur ordre d'arrivée et Anarchist Review, n" 3 et Bolletino bibliografico les t1mbres inutilisés seront 4, 1985 (A) UK no 16 (hiver 2000/2001 )(1)

restitués. Mention est faite Anarcho-syndicalism Bollettino della lotte,

entre parenthèses par une review, no 27, 1999 (A) UK plusieurs numéros de initiale de la langue utilisée Anarchy n' 33 (A) UK 1997 à 1999, (1) 1

dans la publication et ensuite As docas do outra lado Builey Dave -Shrewsbury du pays d'origine de la do espelho, documents on repression and class

publication. en portugais sur la lutte struggle (IMG) (A) UK des travailleurs portuaires Bulletin ABS Dijon,

(1980-1985) (en plusieurs numéros de

A trop courber l'échine, portugais) P 2001 à 2002 (F) France

no 13, (2004) (F) France Asymétrie, juin 2004 (F)

ABC du LMD (Université France

de Tours) (F) France Authority no 2, 1979 (A) UK Cali il sleep (A} UK

Abolit1on du salariat (Pour Autogestions (1986) (1) Casablanca n' 1, 1992, (A)

l') (Cl Berger) 1995 (F) Italie UK France Autre futur (2000) (F) Centra di documentazione

ACF - Anarchism as we France di Lucca. n' 11, juin 1992 see 11 (A) UK (1) Italie

Alarme, plusieurs numéros Cette Semaine, no 87

dépareillés (F) France Bad Trip, de David Jacobs (2004} (F} France

Albatroz n" 29, 31 à 35 (A) UK Challenge (2003) (A} UK

(2003} (F) France Barrikada- plusieurs Chicago Workers'Voice,

-------------

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-69

Page 9: ECHANGES - archivesautonomies.org

Marin us van der Lubbe resurgit, principa­

lement dans les colonnes de la revue alle­

mande Der Spiegel, à travers une série d'ar­

ticles rédigés par Fritz Tobias (8). Celui-ci

devait alors subir d'incroyables pressions,

incroyables pour un sujet apparemment si en

dehors de l'actualité immédiate. Pour ne

donner qu'un exemple, Walther Hofer, pro­

fesseur à l'université de Berne, membre du

Conseil suisse et du Conseil de l'Europe à 1 'époque selon l'en-tête de ses lettres, adres­

sait des courriers dans les années 1970 au mi­

nistre de 1 'intérieur de Basse-Saxe, dont

Fritz Tobias était alors un fonctionnaire, et

à plusieurs fonctionnaires à Berlin, pour

exiger son licenciement (9). Il faut dire que

cet éminent professeur était le mentor

d'Edouard Calic, le journaliste français qui,

hormis les staliniens, a propagé le plus de

contre-vérités sur Van der Lubbe ( 1 0).

LE COMITÉ DE DEFENSE néerlandais de

Van der Lubbe avait publié dans le

Li1Te rouge un journal que ce dernier

avait tenu lors d'un voyage en Europe en

septembre et octobre !931. Ces notes prises

quasiment aujour le jour nous renseignent

sur son caractère. Il semble avoir été traduit

par le comité de défense français en 1934

sous le titre Le Carnet de Route d'un Sans­Patrie (Il) . .Je n'ai pas pu avoir accès à cette traduction, et ne sais donc pas si Ca mets de route de 1 'incendiaire du Reichstag, ouvrage

paru récemment aux éditions Verticales

(voir Echanges no 107, p. 51), est<< une ver-

(8) Voir aussi Fritz Tobias, Der Reichstagsbrand. Le· J;Cnde und Wirklichkeir [L'Incendie du Reichstag. Lé­gende et réalité!. Grote V cr\ ag, 1962. ( 9) V"" Uwe Backes- Karl- Heinz Jan~en- Eck hard lesse­Henning Kühler-Hans Mommsen-Fritz Tobias. Reich< -tag,·hrand. Aujkliirung einer liistorisclien Legende 1 L' 1 n­

ccndie du Reichstag. Eclaircissements sur une légende historiquej, Piper. 1986. Les courriers de Walther Hofer se trouvent p. 312-318, la réponse du ministre de J'Inté­rieur de Bas~-Saxc. p. 318-319 et la réponse de Walther

68- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 200S

sion plus précise et correcte,, ainsi que

l'écrit Charles Reeve (12). Nico .Jassies. qui

a aidé Charles Reeve et Yl'es Pagès dans

l'édition de ces Carnets, leur a fait part de

son mécontentement au vu du résultat. Il re­

lève ainsi plusieurs erreurs, une interpréta­

tion pour le moins douteuse de<< complo­

tisme »avancée dans la Postface par les

éditeurs, une tendance à faire de Van der

Lubbe, en dépit des faits, un antifasciste,

etc. Charles Reeve (voir aussi ici même son

courrier à Echanges, p. 58) y répond en es­

quivant les questions. Prétendant justifier

1 'excellence de leur travail par trois années passées à peaufiner leur projet ( 13), il n'hé­

site pas une page plus loin à en appeler à leur fatigue et leur manque de temps pour

se disculper d'avoir utilisé des notes, em­

pruntées à une biographie de Marinus Van der Lubbe par Martin Schouten (14), sans

en signaler l'origine. Comprend qui peut.

Le lecteur trouvera, enfin, dans l'ou­

vrage de Jassies, des documents inédits,

dont un échange entre André Prudhom­meaux et plusieurs correspondants datant

de 1959, qui montre bien que les propa­

gandes nazie et stalinienne n'ont pas seu­

lement réussi à occulter la portée de 1 'acte

de Mari nus Van der Lubbe parmi leurs par­

tisans mais aussi chez leurs adversaires. Tous ceux qui, par mimétisme avec les puis­

sants du jour ou par peur devant tout acte

individuel, se satisfont des apparences.

.1.-P. V.

Hofer à celui-ci, p. 320. ( 10) Voir par exemple Edouard Catie, Le Reichstag brûle 1, éd. Stock, t 969 (Il) Voir la bibliographie dans Mari nus l'an der Lubbe, Came/5 de route de l'incendiaire du Reichstag. éd. Ver­ticales, 2003, seul endroit où cet ouvrage est cité. ( t2) Voir Ni co Jassies, p. 135. ( \3) lhid. p. 134. ( 14) Voir Martin Schouten, Rinus Van der Luhhc. 1909-1934, De Bezige Bij, 1986.

BOLIVIE

GUERRE DU GAZ OU GUERRE SOCIALE ?

Depuis la fin 2003, la Bolivie connaÎt une incessante agitation sociale. L'article qui suit, paru dans le no 38 (juin 2004) de la revue barcelonaise " Etcétera ", dresse un tableau de la conjonction de différents acteurs dans cette agitation : anciens mineurs, cultivateurs de coca, Indiens, syndicats, partis politiques, etc.

L'insurrection populaire qui a renversé

en octobre 2003 le président de la ré­publique bolivienne, Gonzalo San­

chez de Lozada- et qui, au moment où

j'écris [mai 2004], trouve une extension

dans l'appel à une grève générale illimitée

à partir du mois de mai -vaut à mon avis

que J'on s'y intéresse pour plusieurs rai­

sons. En premier lieu, bien sûr, du fait

même que les Boliviens aient osé renver­

ser un gouvernement par une insurrection

venue de la base. un événement impossible

à notre niveau de modernité selon les as­

surances des experts ès fin de 1 'Histoire ;

rien que pour avoir démenti ce préjugé in­

téressé, nous devons déjà dire merci. Cette

action d'éclat est d'autant plus remarquable

qu'il ne s'agissait pas de renverser une junte

quelconque de gorilles en voie d'extinc­

tion, mais un gouvernement élu avec toutes

les bénédictions légales de la démocratie

parlementaire (sans que cela fasse une

grande différence dans la manière de ré­

pondre aux demandes des gouvernés) ; de

sorte qu'il n'est pas très exagéré de dire que la révolution bolivienne a pris, dès le

début. directement pour cible de ses at­

taques le mensonge démocratique, cœur de

l'idéologie aujourd'hui dominante.

Plus que contre tel ou tel gouvernement,

les ouvriers ct paysans de Bolivie se sont sou-

levés contre l'ensemble de l'ordre poli­

tique, social et économique actuellement

en place, outrepassant les consignes des

diverses organisations. A 1 'origine, laques­

tion désignée par la presse internationale comme motif de 1 'agitation- 1 'exportation

de gaz naturel pour le compte et au bénéfice

d'entreprises étrangères, 1 'espagnole Rep­

sol étant une des premières d'entre elles­

a simplement fourni l'occasion à divers

mouvements d'opposition de se regrouper.

Du reste, le scandale qui mit le feu aux poudres n'était pas anodin: la loi sur les

hydrocarbures, promulguée par le gouver­

nement de Sanchez de Lozada sous la pres­

sion du FMI, livre les ressources de com­

bustible fossile du pays quasiment

gratuitement aux entreprises multinatio­nales qui les ont<< découvertes,, l'Etal bo­

livien ne se réservant qu'une taxe de I 8 %

applicable sur le brut à sa sortie du

puits qui, après avoir été raffiné et élaboré

dans des entreprises au Chili, en Argentine

ou au Brésil, sera revendu à la Bolivie au prix

du marché mondial.

Les conditions dans lesquelles les

clauses de la vente furent signées- manque

de transparence, corruption sans frein et

violation manifeste des lois du pays-,

mises en lumière par des députés d'oppo­

sition, suscitèrent l'indignation générale,

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 9

Page 10: ECHANGES - archivesautonomies.org

jusqu'au dernier des démocrates bien-pen­

sant. La particularité de faire transiter l'ex­

portation du gaz par les ports du littoral

pacifique que 1 'Etat chilien avait arraché

à la Bolivie lors de la guerre de conquête de

1879 a ajouté à cette indignation le poison

du ressentiment patriotique.

Mais tout cela n'aurait évidemment rien

soulevé de plus que les protestations ver­

bales polies de politiciens et de journalistes

si, pour d'autres raisons, on n'avait pas été

dans une situation propice à une insurrection.

Je ne me réfère pas ici à ce que les médias,

mal nommés« de communication », ne ces­

sent d'invoquer pour expliquer les événe­

ments, à savoir les conditions de vie extrê­

mement misérables de la majorité des

Boliviens. A vrai dire, la réputation de

«pays le plus pauvre du continent>> dont

jouit cette république andine doit beaucoup

aux vertus miraculeuses des statistiques,

grâce auxquelles l'habitant le plus pauvre des

bidonvilles de Mexico ou de Sao Paolo jouit

d'un revenu par tête en dollars plusieurs

fois supérieur à celui des paysans boliviens

qui, eux, produisent la majeure partie de ce

qu'ils consomment (biens qui ne figurent

pas dans les statistiques puisqu' i 1 s n'ont

pas le statut de marchandises), par une par­

ticipation purement théorique à un produit

national brut beaucoup plus élevé.

En fin de compte, la pauvreté qui affecte

la Bolivie n'est pas pire, même si on en

parle plus, que celle du reste de l'Amérique

latine. Et si l'aggravation des conditions de

vie au cours de la dernière décennie s'est

heurtée dans cc pays à une résistance po­

pulaire plus déterminée et plus efficace que

dans d'autres endroits, ce n'est pas tant à

cause de l'extrémité de la misère que grâce

à la persistance de traditions d'auto-orga­

nisation communautaires qui rendent pos­

sible une ~ésistance ferme et digne à chaque

10- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

nouvel assaut du pouvoir, justement parce

que les communautés ont toujours résisté,

même sans en avoir clairement conscience,

à cet assaut essentiel et incessant qu'est la

mainmise de l'Etat et du marché sur l'en­

semble des relations sociales.

L'insurrection d'octobre n'a pas été une

révolte de masses amorphes d'affamés mais

un mouvement très bien organisé à partir

des assemblées, des communautés pay­

sannes, des associations de voisinage et

des comités de grèves, qui ont su coor­

donner les luttes de manière autonome dans

tout le pays, et entraîner finalement les ap­

pareils syndicaux ct politiques.« Aucun

chef ni aucun parti politique n'a dirigé ce

soulèvement populaire.( ... ) Ce sont lestra­

vailleurs boliviens de la base qui ont viré à

coups de pieds au cul le gouvernement as­

sassin de Goni (Gonzalo Sanchez de Lo­

zada). Personne, ni individu ni parti, ne

peut revendiquer avoir été à la tête du

connit »,a reconnu le secrétaire exécutif de

la Central Obrera Boliviana (COB, Cen­

trale ouvrière bolivienne), Jaime Solares,

à la fin octobre. Il disait la simple vérité,

même si on ne peut pas faire confiance en

matière d'autonomie ouvrière à un diri­

geant syndical de ce niveau.

Mort et résurrection du mouvement des mineurs ; une amère victoire du capital

Le mouvement syndical des mineurs,

organisé depuis les années 1940, a consti­

tué le noyau des milices populaires qui se

sont battu pour l'obtention du suffrage uni­

versel, de la réforme agraire et de la na­

tionalisation des mines et autres ressources

pendant la révolution démocratique natio­

nal-progressiste de 1952. Pendant plus de

trente ans, les mineurs regroupés dans la

Centrale ouvrière bolivienne surent se faire

rejoindre les Groepen van internationale

communisten (Groupes des communistes

internationaliste), et en 19321a Linksche

Arbeiders Oppositie (Opposition ouvrière de

gauche), deux groupes de communistes de

conseils. Ses conceptions théoriques ne re­

posaient pas sur une doctrine intellectuelle

abstraite, mais émanaient de sa façon de

vivre; il semble qu'il avait d'ailleurs choisi

d'être maçon pour la relative indépendance

que lui permettait cette profession, et que c'est

cette idée d'indépendance individuelle qui

lui faisait concevoir l'action du prolétariat

comme action autonome.

Les bolcheviks, qui ont toujours cher­

ché à salir leurs adversaires plutôt que de

combattre leurs idées, se sont gaussé des ré­

voltes de Mari nus van der Lubbe: quelques

mois passés en prison pour divers actes de ré

bcllion ou avoir brisé les vitres d'un centre

social deviennent chez eux« un lourd passé

criminel» ; son indignation face au discours

d'un orateur dans un asile de l'armée du

Salut où il s'était arrêté le 31 janvier 1932,

« un penchant très prononcé à la protesta­

tion» (4), trahissant par là les couleuvres

qu'ils sont eux-mêmes prêts à avaler.

Face aux énormes machines de propa­

gande nazies et staliniennes, seuls quelques

pettts groupes et individus osèrent défendre

(4) Voir Gilbert Badia, Feu au Reichstag. L'Acte de nais -sance du ré )Ji me na:i, Editions sociales, 1983. (5) Voir La Rei'Ue anarchiste no XIX. mars 1934 ;je n'ai pas réussi à l1re cette revue. André Prudhommeaux ( 1902-19681 avait publié, en 1949, avec sa femme Dori, cc qui est resté longtemps le seul ouvrage d'importance sur le mou­

vement des conseils allemands en français. Spartacus er la Commune de Berlin. 1918-1919, aux éditions Sparta­cus. René Lefeuvre ( 1902- 1988) était 1 'animateur de ces éditions el de la revue Masses, dans la l" série de laquelle ( 19 numéros de janvier 1933 à JUillet 1934) il av ai 1 aussi apporté son aide dans la défense de Yan der Lubbe. René, lorsqu'il n'esttout simplement pas ignoré (lui qu1. dès les an nés 1930. a publié des textes de Rosa Luxemburg, n ·est. par exemple, jamais cité par Gilbert Badia et ses

Marinus en 1933-1934: ses camarades com­

munistes de conseils et des intimes aux

Pays-Bas regroupés dans le Comité inter­

national Van der Lubbe, Paul Mattick aux

Etats-Unis. André Prudhommeaux et ses

amis (5) et des bordiguistes regroupés au­

tour de la revue Bilan (6) en France, entre

autres.

Le communiste de conseils néerlandais

Anton Pannekoek (1873-1960) a quant à lui

condamné l'acte de Van der Lubbe parce

qu'individuel, séparant, à mon avis de façon

dogmatique, l'acte individuel de l'acte col­

lectif. Dans deux textes (publiés par

Echanges no 90, été 1999, p. 61-65), Pan­

nekoek critique le refus individuel sous le

prétexte qu'il n'aurait aucun effet contre la

société bourgeoise, alors que lui-même a

accepté beaucoup de cette même société

bourgeoi sc en assumant di vers postes uni­

versitaires (7).

Il ajoute que l'acte de Van der Lubbe

risque de conforter dans la classe ouvrière

1 'illusion de s'en remettre à des chefs pour

faire ce qu'elle-même devrait faire. Mais

1 'action collective est souvent la conjonc­

tion d'actes individuels. Tout comme on

peut voir des opinions collectives détour­

nées par des individus à leur seul profit.

En 1959-1960, la polémique sur l'acte de

adeptes quand ils laissent croire qu'ils font les premières traductions en français de Rosa Luxemburg). est main­tenant calomnié comme ayant été un social-démocrate par certains aigris. Je rappellerai pour mémoire que !es militants de sa génératJOn sont tous passés par le moule so­cial-démocrate ou anarchiste; il suffisait d'en sortir pour ne pas renier la classe ouvrière. C'est ce que René Le­feuvre avait fait.

(6) Bila11 (46 numéros de novembre 1933 à janvier 1938) fut une des re v~ es de la gauche italienne (bordiguistes) en exil. Un article en défense de Marin us van der Lubbe parut dans te no 3 de Bilan, repris dans Le Crmunumstt! n<l 22. juin 1985. (7) Voir Serge Bncianer, PaJ11zekod: ft les Conseil'! ou l'Tiers, éd. EDI, 1969, p. 7.

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-67

Page 11: ECHANGES - archivesautonomies.org

Reichstag pour défendre la culture germa­

nique après J'occupation de la Ruhr par les

Français (1923-1925) et Karl Radek fait

1 'éloge du nationaliste Albert Leo Schla­

geter fusillé le 26 mai 1923 dans la Ruhr

occupée. L'Allemagne nazie ne fit que

poursuivre la politique de la république de

Weimar; elle ne conclut, avant 1934, aucun

accord d'importance sinon avec 1' Union so­

viétique (prorogation du traité de Berlin le

4 mai 1933) et le Vatican (concordat du

20 juillet 1933), ct finit par signer le pacte

germano-soviétique en 1939.

Le bolchevisme avait été l'adversaire

le plus efficace des soviets en Russie même,

mais aussi du mouvement des conseils en

Allemagne ( 1919-1921) ( 2). Néanmoins, la

classe ouvrière allemande n'était pas en­

core vaincue quand survint la crise écono-

(2) D'un point de vue théorique, voir V.l. Lénine. La Afaladie injwztilc Ju communisme (Le ((communisme de

gauche,), 1" édition 1920. Et pour une critique des po­

sitions de Lénine, voir Rosa Luxemburg, La Révolution russe et Cenrrali<~me et démocraTie, éd. Spartacus, plu­sieurs rééditions; Herman Gorter, Rtipon)e à Lénine, éd. Spartacus, n" B 109. 1979: Anton Pannckoek, Lénine phi -/osophe, éd. Spartacus. no B34, 1970 :Otto Ru hie, Fas -,·fsme hrun, Fast'f.une rnuge. éd. Spartacus, no B63, 1975, ct" La lutte contre Je fascisme commence par la lutte

contre Je bolchevisme"· Ill Korsch/Matttick/Panne­kock/Rùhle/Wagner. La Contre-Ré\'alution hureaucra -t1que, éd. 10/18, 1973. D'un point de vue pratique, les

bolcheviks Ùsèrent de tous les moyens pour détruire le

66- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

Photos anthropo métriques de Marinus van der Lubbe après son arrestation.

mique des années 1920-1924 ; seule une

union sacrée de la bourgeoisie, des partis

de gauche et de droite, et des syndicats par­

vint avec succès à détourner sa combativité

vers des voies chauvines. Incapable de

s'émanciper des partis et des syndicats. la

classe ouvrière allemande était alors lami­

née et réduite à la défensive à l'arrivée de

Hitler au pouvoir. Toutefois. si ce dernier

n'avait plus rien à craindre des partis ou­

vriers en 1933, la classe ouvrière, elle, res­

tait menaçante (3).

Marin us van der Lubbe était maçon de

profession et vivait d'une petite pension

d'invalidité après qu'il eut reçu de la chaux

vive dans les yeux et failli perdre la vue. Il

avait été membre du Communistische Par­

tij Holland (Parti communiste hollandais) dès 1925, mais 1 'avait abandonné en 19.)0 pour

pouvoir des soviets en Russie en 1917-1918, furent les adversaires les plus acharnés des conseils en Bavière en

1918-1919 (voir Erich Mühsam. La République des L·onseils en Bavière, coéd. Spar!acus/La Digit:llc, 1999) et lancèrent une tentative de prise du pouvo~r en mars l921 en Allemagne qui sc termina par! 'écrasement de ceux qui eurent le malheur d'y prendre p.trt.

(3) Sur la classe ouvrière sous le nazisme, voir Ti m Mason, La Classe nll\'rière snus le Ill• Rl'tdJ (brochure d'Echanges, mai 2005); ct du même auteur," Pnmat de la politique ct rapport de la politique,·,! '<;cononuc dans l'Allemagne national socialistC' "·dans David Schoen­baum, La Rél'olution bru11e. La Sont: ft; a/lonundr \OU\ le

Ill' Reil"i1, Robert Laffonl. 1979

respecter des différents gouvernements,

qu'ils aient été militaires ou civils, de

droite ou de gauche. Désabusés par le na­tionalisme<< révolutionnaire» dont les am­

bitions progressistes se rétrécissaient tous

les jours davantage. ils se rapprochèrent

de la gauche marxiste. des trotskystes en particulier.

A la ftn des années 1980, le Movimiento

Nacional i sta RC\ olueionario (MNR, Mou­

vement nationaliste révolutionnaire)- ce

même parti qui avait été ii la tête de la révo­

lution de I'J.'i2. ct avait entre-temps aban­donné toute velkttl' révolutionnaire ou même

nation;tlisl<' rnenait au pouvDir pDur dé­

manteler <T qui a1 a tt l'té acquis, privatisant les

entrcpn '"'qu'il a1 a tt autrefnis nationalisées.

Ce fut le prcnttcr tnandat présidentiel de Gon­

zalo S;inclil'l de l.o1ada. Le projet de pri1 a-

'

L

' '--ti sation se fracassa,

dans le cas des mines,

contre la résistance

massive des ouvriers.

Le gouvernement

coupa alors dans le vif

en décrétant la ferme­

ture des entreprises mi­

nières étatiques sous

prétexte qu'elles

n'étaient plus rentables

à cause de la chute des

prix de 1 'étain sur les

marchés mondiaux.

C'est alors que plu­

sieurs mines sont tom­

bées entre des mains

privées. les plus ren­

tables dans celles du

président lui-même.

Plus de cinquante

mille travailleurs ont

alors perdu leur poste

de travail. Beaucoup d'entre eux s'organisèrent en coopérative

pour arracher les quelques restes de métal

au déblayement des mines; d'autres démé­

nagèrent et changèrent de métier, passant à

J'agriculture ou à d'autres occupations. Ce

fut la fin du mouvement ouvrier le plus vi­goureux et le pl us corn ba tif d'Amérique la­

tine. Mais cette victoire du pouvoir amorça

sa défaite. Les mineurs, en se dispersant aux

quatre vents, emportaient avec eux les se­

mences de la révolte et propagèrent çà et là

1 'usage des annes qui leur avaient déjà servi,

1 ·organisation syndicale et la dynamite.

Les " coca/eros " I.e mouvement des cultivateurs de coca

de la région tropicale du Chapare, mena­

ct's par la <:ampagne d'éradication des

plants de <:o<:a que 1 'ambassade des Etats-

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-11

Page 12: ECHANGES - archivesautonomies.org

Unis, gouvernement de fait du pays, im­

pose sous le prétexte extravagant de

«guerre à la drogue>>, est l'un des avatars

les plus importants du syndicalisme des

mineurs.

Rappelons pour mémoire que la ma­

jeure partie de la production de coca boli­

vienne ravitaille le marché intérieur pour sa­

tisfaire la coutume ancestrale de

consommation des feuilles sous forme de

pijchu (chique) ou d'infusion, privée et ab­

solument hygiénique. Seule une petite par­

tie sert à l'élaboration de la cocaïne, ce dé­

rivé chimique dont l'industrie est dominée

par les mafias militaires et d'extrême droite

que les paysans n'ont aucun intérêt à, ni

envie de défendre. La culture de la coca

n'est pas une profession très lucrative,

quoique certainement un peu moins désa­

vantageuse que les cultures« alternatives>>

prévues par les plans d'éradication dont le

but est clairement d'éradiquer non pas pré­

cisément le trafic de drogue mais plutôt un

secteur agricole traditionnel qui, à l'intérieur

d'une économie spoliée sans vergogne par

des intérêts étrangers, reste un facteur d'in­

dépendance économique non négligeable

et assure la subsistance de plus de

35 000 familles.

Le Movimiento al socialismo (MAS,

Mouvement pour le socialisme) est l'or­

ganisation politique qui regroupe la majo­

rité des militants coca/eros, héritier plus

ou moins indirect de l'ancien Parti com­

muniste. Il est à la tête de la plupart des

municipalités du Chapare, où il organise

la résistance paysanne et a aussi réalisé

d'importants ouvrages d'infrastructure

(écoles et routes). Aux dernières élections

présidentielles [juin 2002], son candidat,

le leader cocalero Evo Morales, est arrivé

à la seconde place après Sanchez de Lo­

zada, faiS!lnt ainsi du MAS la seconde force

12- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

politique du pays qui attire toujours plus

les classes moyennes et adopte des posi­

tions politiques de plus en plus modérées.

Les communautés paysannes Mais il faut chercher les antécédents

directs des événements d'octobre à 1 'autre

extrémité du pays, parmi les paysans ay -maras de la région du lac Titicaca qui, en

2000 et 2001, s'étaient battu courageusement

contre l'armée. Ils ont une organisation

syndicale propre, la Confederaci6n Sindi­

cai!Ûnica de Trabajadores Campesinos de

Bolivia (CSUTCB, Confédération syndi­

cale unique des travailleurs de la campagne

de Bolivie), dont les ayllus (communautés

agraires traditionnelles) constitutent lavé­

ritable base.

La réforme agraire de 1953, en rendant

la terre aux paysans, l'a dûment parcelli­

sée en lots individuels de propriété privée

afin d'incorporer la population rurale à

1 'économie de marché. Néanmoins, la tra­

dition communautaire a survécu dans la

culture des terres communales, les aynis (services d'entraide), le travail en collec­

tivité pour la réalisation des ouvrages pu­

blics (écoles, routes, puits, canaux d'irri­

gation, assistance aux malades et aux

invalides) et, surtout, la prise de décisions

en assemblées générales qui élisent chaque

année leurs<< autorités>> les mallkus (chefs)

et maires, révocables à tout moment et sou­

mis rigoureusement aux mandats et à la vi­

gilance permanente de 1 'assemblée, chargés

de diriger les récoltes collectives, repré­

senter la municipalité à l'extérieur et ad­

ministrer la justice selon le droit coutumier

des paysans indigènes.

Ainsi, les communautés sont autosuf­

fisantes tant dans leur politique que leur

économie, et n'ont de leçon en commmu­

nisme à recevoir d'aucun parti, pas plus

aux impératifs du travail. Le livre, heu­

reusement pour le lecteur, s'arrête avant

que cet inévitable problème soit posé.

On peut alors rêver. Et, pour revenir à

nos observations du début de cet article,

c'est le livre qui se rapproche le plus de

ces romans populistes d'avant la première

guerre mondiale.

Marinus van der Lubbe et l'incendie du Reichstag Nico Jassies

H. S.

Editions Antisociales, novembre 2004

D ANS LA NUIT du 27 au 28 février 1933,

le Néerlandais Marinus van der

Lubbe (1909-1934) mettait le feu au

Reichstag à Berlin. Avec pour contrecoup

1 'arrestation en pleine nuit de tous ceux dont

les Nazis voulaient se débarrasser physi­

quement et qui ne s'étaient pas exilés par

prudence. Depuis, les mensonges, les ca­

lomnies et les opinions erronées sur Van der

Lubbe ne manquent pas.

La plus énorme de ces calomnies reste,

aujourd'hui encore, de dater de cette nuit­

là l'avènement du nazisme, alors que Hitler

est arrivé au pouvoir le 30 janvier 1933 non

par un coup d'Etat mais par la voie légale.

Si l'incendie du Reichstag servit effecti­

vement de prétexte aux Nazis pour arrêter

toute une palette d'opposants, réels ou ima­

ginaires, allant des anarchistes aux com­

munistes, on oublie simplement de dire que

les nouveaux dirigeants de 1 'Allemagne

n'ont pas élaboré en quelques heures la liste

des personnes à incarcérer, que cette liste était

prête, et qu'ils n'ont eu, tout simplement, qu'à

se renseigner auprès de la police de la ré­

publique de Weimar.

La traduction d'un article de Nico Jas­

sies paru originellement en néerlandais en

2000, complété par une postface, rappelle suc­

cintement les faits dans Marinus van der Lubbe et l'incendie du Reichstag, publié

par les éditions Antisociales à la fin 2004.

Les appareils nazis et communistes fu­

rent les premiers à calomnier Van der

Lubbe, les uns l'accusant d'être un com­

muniste, les autres d'être un nazi. Poussés

par des intérêts communs qu'ils se parta­

geaient ou se disputaient au gré des cir­

constances, aucun mensonge n'était alors

trop gros ( 1) pour traîner dans la boue celui

qui dénonçait ces connivences en s'atta­

quant au symbole des compromissions par­

lementaires. Il était impossible que le parti

nazi et la III' Internationale conviennent

qu'il pût encore y avoir un prolétaire

capable d'agir de manière autonome.

Les liens entre les partis bolcheviques

russe et allemand et les partis nationalistes

étaient en 1933 déjà anciens en Allemagne.

L'Etat russe avait signé les traités de Ra­

pallo (avril 1922) et de Berlin ( 1926) avec

la république de Weimar, fourni secrète­

ment des armes et offert le territoire sovié­

tique comme champ de manœuvres à

l'armée allemande dont le traité de Ver­

sailles empêchait la reconstruction. Les par­

tisans de Lénine s'étaient fourvoyés avec

les nationalistes allemands ; pour donner

quelques exemples, Clara Zetkin avait pro­

posé une alliance aux Populistes au

(!)Voir par exemple le premier Livre !mm (il y en eut deux) paru en plusieurs langues quelques semaines seu­lement après l'incendie du Reichstag aux éditions du Car­refour. les éditions de Willi Münzenbcrg financées par Moscou: les nombreux mensonges du Livre brun sont dévoilés dans le Roodhnek. Van der Luhhe en de Rijks dagbrand(<< Livre rouge. Van der Lubbc ct lïnccndie du Reichstag »)publié par le Comité international Yan der Lubbc en !933 (il n'existe pas de traduction françatse de cet ouvrage. à ma connaissance: une traduction alle­mande en a été publiée en 1983 au.x éditions Nautilus (Hambourg) sous le titre: Marin us Van der Luhhe und der Reichstagsbrand).

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-65

Page 13: ECHANGES - archivesautonomies.org

de la communauté tissée autour de 1 'in­

dustrie de l'acier, s'est construite dans les

fameuses industries de remplacement- en

1 'occurrence les usines Daewoo: «Les trois

usines Daewoo sont presque en ligne droite,

sur la route à quatre voies qui relie Metz et

Thionville au Luxembourg via Longwy, à tra­

vers la vallée de la Fensch, autrefois ponc­

tuée des grandes aciéries et maintenant juste

une survivante ( ... ) >> -une nouvelle corn­

munauté, uniquement de femmes. La fer­

meture des usines est ressentie dans la perte

de ce lien social au moins tout autant que

dans 1 'insécurité et les difficultés maté­

rielles de la galère du chômage et autres

emplois précaires. Tous les témoignages

concourent à donner le sentiment bien réel

(bien que non exprimé comme tel) que le

travail crée une socialisation- artificielle,

imposée et encadrée- mais néanmoins

vécue comme créant une solidarité forgée

dans les rapports quotidiens. Cette solida­

rité trouvée dans la lutte au jour le jour plus que dans les« grandes>> luttes pourrait être

1 a pré figuration d'autres rapports sociaux,

par-delà les individualismes.

Une fois l'usine fermée, c'est la re­

tombée dans cet isolement individualiste

(même la poursuite de relations person­

nelles directes suivies ne remplace pas laso­cialisation dans le travail) qui est le plus

difficile à supporter et aggrave les pro­blèmes matériels, au point de les rendre in­

supportables : 1 'une des ouvrières, la plus

dynamique de l'équipe au travail, se sui­

cidera. Le livre vaut précisément par cette

forte impression que dégagent les témoi­gnages. Ils soulignent les ravages- avec des retours en quelques documentaires sur

ce que fut la multinationale Daewoo et sur

les complicités politiques qui permirent

son installation subventionnée en Lorraine

(à Fameèk, à Villers-la-Montagne et à

64- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

Mont-Saint-Martin) et la fermeture de ses

usines- que le capital exerce, pas tant sur

le plan matériel que sur le« matériel »

humain.

S 1 L'OUVRAGE de François Bon est ap­

pelé imprudemment roman (sauf à

comprendre chaque destinée hu­

maine comme un roman), le livre de Gérard

Mordillai est véritablement un roman.

Pour ma part je l'ai lu d'une seule traite.

Peut-être parce qu'il démarque étroitement

la lutte des travailleurs de Cellatex (été

2000, voir Echanges n" 94 et suivants) pas­

sionnément suivie; peut-être parce qu'il

tente, par-delà les témoignages individuels

et forcément séparés des laissés pour

compte de Daewoo, de les incl ure da11s la

trame d'une histoire. Romanesque, certes,

mais qui se tisse dans une petite ville où

chacun se connaît et connaît (presque) tout

des voisins.

L'auteur montre très bien, dans le

simple et limpide déroulement des faits,

qu'autour de la socialisation de l'usine il y a la socialisation de la vie favorisée par 1 'unicité de lieu et de temps comme dans

une tragédie classique. C'est ce qui appa­

raît dans le témoignage de Jenny, la femme

du mineur du Yorkshire, sur la vie com­

munautaire et sa destruction ; c'est ce qui

reste absent du récit des Daewoo, non à cause de l'auteur mais parce que l'histoire

ne connaît pas cette unicité de lieu et parce

que là, la destruction des lieux de travail

détruisait toute socialisation. Dans le livre

de Mordillai, une fois l'usine détruite, cette

socialisation survit parce que la ville garde une dimension humaine.

Mais pour combien de temps ') Parce

qu'il faut vivre et trouver d'autres lieux

d'exploitation et un mode de socialisation

qui, à l'image des ex-ouvrières de Daewoo,

ne reposera plus que sur cette soumission

que de leçons en démocratie de la soi-di­

sant civilisation occidentale qui les colonise.

Le Movimiento Indigena Pachacuti (MIP,

Mouvement indigène pachacuti), dirigé par le secrétaire général de la CSTUCB, Fe­

lipe Quispe, surnommé<< El Mallku >>pro­pose un<< communisme communautaire>>

fondé sur la confédération des ayllus (com­

munautés agraires). Notons que la reven­

dication de traditions précapitalistes n'im­

plique aucune hostilité de principe envers

les technologies modernes; une des re­

vendications la plus marquante du mouve­

ment paysan est, par exemple, de répartir les

tracteurs entre communautés.

Les communautés paysannes, leurs as­

semblées et autorités élues, ne jouissent en Bolivie d'aucune reconnaissance officielle ni d'aucun statut juridique; elles vivent en

outre dans la majeure partie des munici­

palités arma ras en perpétuel conflit avec les

maires et autres autorités officielles nom­

més d'en haut par le gouvernement. Il en

découle, par conséquent, une situation de

double pouvoir de fait qui, si elle n'a pas été

le détonateur le plus immédiat du soulè­

vement d'octobre, en a été tout au moins

l'explosif qui l'a rendu possible.

La rébellion des communautés de Sorata et Warisata

Les protestations ont commencé quand

les organes de la justice d'Etat ordonnèrent

l'incarcération de dirigeants communau­taires de la province d'Omasuyos (dépar­

tement de La Paz) accusés, sans réel fon­

dement, de la mort violente de deux

individus qui avaient été jugés comme vo­

leurs de bétail selon le droit traditionnel

aymara. Je dis << sans réel fondement >>

parce ni la peine de mort ni la vengeance

par le sang ne font partie des procédés ha­

bituels de la justice indigène. li s'agissait donc

d'une attaque dirigée clairement contre

l'autogestion interne des communautés; ce

qu'elles comprirent tout de suite. Les pro­

testations, les manifestations et grèves de la faim des autorités communales s'éten­

dirent à tout le Nord de 1 'Altiplano, et trois

mille paysans marchèrent sur La Paz, siège

du gouvernement, pour exiger la libération

des détenus.

C'est précisément à ce moment-là que

le scandale de 1 'exportation du gaz naturel fut révélé. Les veuves et filles des vétérans

de la guerre du Chaco de 1932-1935, fu­

rieuses devant une telle dilapidation du pa­

trimoine national, durement conquis par

leurs défunts, furent les premières à manifester

leur opposition. Elles furent suivies par les

étudiants et les partis de l'opposition qui paralysèrent plusieurs fois la ville de La Paz

avec des manifestations. Puis, finalement

par le mouvement paysan qui s'emparait de

la revendication du gaz et appelait au barrage

des routes de 1' Altiplano, mis en place à par­

tir de la mi-septembre 2003.

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-3.3

Page 14: ECHANGES - archivesautonomies.org

Le 20 septembre, le gouvernement en­

voie des forces de l'armée ct de la police

au secours d'un groupe de touristes isolés

par le blocus dans la localité andine de

Sorata, à l'Est du lac Titicaca. Tout le long

de la route, les habitants reçoivent les sol­

dats à coups de pierres et cc n'est qu'en

faisant largement usage de leurs armes à

feu, d'avions ct d'hélicoptères qu'ils par­

viendront à se frayer un chemin jusqu'à

Sorata. Les paysans, armés de fusils et de

dynamite, n'abandonnent pas pour autant la

résistance; dans la localité de Warisata,

un soldat ct cinq habitants meurent au cours

d'une fusillade entre insurgés ct forces spé­

ciales de l'armée.

L'insurrection d'El Alto et la grève générale d'octobre

Les barrages sur les routes s'ampli­

fient; le 28 septembre, la COB, qui entre­

temps était parvenue à se sortir d'une

longue crise interne, appelle à la grève gé­

nérale illimitée ct au barrage des routes au

niveau national, exigeant la nationalisa­

tion du gaz et la démission du président.

Le leader du MAS, Evo Morales, s'oppose

à la grève et aux barrages, invoquant le

danger d'un putsch d'extrême droite; il

ne changera d'opinion que lorsque Je mou­

vement s'étendra. Cc qui, de toutes façons,

n'empêchera pas le gouvernement de lui

accorder l'honneur immérité de le dési­

gner comme meneur de la révolte.

Dans Je même temps, les dirigeants

paysans poursuivent leur grève de la faim

dans la ville d'El Alto, banlieue pauvre si­

tuée au-dessus de La Paz, à la limite de

I'Aitiplano, là même où les insurgés ay­maras de Juliân Apasa firent le siège de la

ville en 1781. Faubourg interminable

constitué de petites maisons grisâtres en

pisé ensc1"ré par de vastes chemins de terre

14- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

qui se perdent à l'horizon du plateau, El

Alto, ville aymara, s'instaure capitale de

la révolte.

Le 8 octobre, les associations de voi­

sins déclarent une grève civique générale

illimitée; les affrontements armés avec la

police ct l'armée, qui interviennent avec

des tanks et des hélicoptères, éclatent dès

le lcndemai n. Des milliers d'habitants des­

cendent dans la rue pour dresser des bar­

ricades aux côtés des mineurs ct des pay­

sans qui arrivent de toutes parts, et

parviennent à faire reculer les forces de

l'Etat avec des pierres, des cocktails Mo­

lotov et des bâtons de dynamite. A la tom­

bée de 1 a nuit du 10 octobre El Alto est aux

mains du peuple en armes.

La situation stratégique du lieu ne pou­

vait être plus favorable aux insurgés: de­

puis El Alto, on domine l'aéroport, le

centre de distribution des hydrocarbures

et la majeure partie des routes reliant La

Paz au reste du pays. Les paysans des en­

virons viennent compléter l'encerclement

en coupant les autres routes d'accès à la

ville gouvernementale. Un groupe de mi­

neurs tente de s'emparer de la centrale hy­

droélectrique de Mill uni, au pied de la Cor­

di IIère.

Les militaires, craignant que le com­

bustible pour leurs véhicules et leurs

avions leur vienne à manquer, tentent de

recouvrer leur pouvoir sur la zone insur­

gée avec une violence désespérée et une

brutalité accrue. Les habitants d'El Alto

résistent héroiquement, empêchant la sor­

tie d'un convoi de camions-citernes d'es­

sence escortés par la police et l'armée. Les

militaires battent en retraite et se replient

dans leur caserne, tandis que les affronte­

ments entre la police ct les manifestants

sc prolongent toute la nuit. Le lendemain,

dimanche 12 octobre, les forces de l'Etat

peut penser que ces couches spécifiques

sont attirées par ces œuvres parce qu'elles

reflètent cc qu'elles vivent ou cc qu'elles

craignent, dans une descente vers l'insé­

curité et la prolétarisation.

N ~v~n~ déjà

évoqué le pe­

tit livre sur

les mineurs

du Yorkshire

(Echanges 11° Ill, p. 24).

A vrai dire

ses différen­

tes parties of­

frent un en­

semble assez

hétéroclite et

très inégal. Il

contient bien peu de chose sur les condi­

tions de travail des mineurs du Yorkshire

là quelque vingtaine de pages autobio­

graphiques de John Dennis, qui est un peu

le héros de 1 'ouvrage, se limite à son ado­

lescence, alors que, apprenti mineur, il n'est

pas encore descendu dans la mine. Si on ap­

prend sur sa vie d'adolescent, on ne peut

que regretter que sa mort prématurée nous

ait privé d'une tout autre biographie. Fina­

lement, c'est le récit de sa compagne, Jenny

Dennis, de sa vie de femme de mineur et,

surtout, de son combat lors de la grève de

1984-1985, qui forme la partie la plus pas­

sionnante du livre. Passionnante dans ce

qu'elle décrit de sa vie dans le communauté

des mineurs, de leur sens aigu de leur ap­

partenance de classe, de leur combat et de

son propre engagement dans cette grande

1 u ttc.

On ne peut que regretter que cette dé­

couverte du monde que devient la cam-

pagne de solidarité qu'elle mène envoya­

geant à Londres, aux Pays-Bas ... n'évoque

pas les transformations profondes de sa vie

de femme (d' oü sa séparation d'avec John,

à peine évoquée dans la préface) ct son pas­

sage dans la vie universitaire. Risquons

une remarque de style à ce propos : la lec­

ture de son témoignage suscite une certaine

perplexité et des doutes quant aux passages

du langage quotidien à un autre langage

marqué par la sociologie. Le reste du livre,

(la moitié environ) sort en fait du sujet

(l'âme des mineurs) et consiste plus en

commentaires sur la grève elle-même, en

considérations économiques et sur la dis­

location, non seulement des communautés

minières (amorcée dès la fin de la seconde

guerre mondiale et dont la grève de 1984-

1985 fut le dernier acte) mais aussi des

lieux mêmes où elles avaient vécu et lutté.

Toutes ces données peuvent apparaître

partielles et partiales ct elles ont fait 1' objet

de nombreux ouvrages et discussions ( 1 ).

Nous aurions aussi bien des observations

à faire sur ce point mais ce n'est pas là le pro­

pos de cet article.

D AEWOO, bien qu'intitulé<< roman>>, ap­

paraît plutôt comme un ass:~blage

de documents (entretiens, recits, ob­

servations parfois quelque peu lyriques).

Pour faire en quelque sorte la jonction avec

la remarque qui précède sur la destruction

des communautés ouvrières dans la re­

structuration a v eugl e du ca pi tai, 1 'intérêt

de l'ouvrage, malgré les défauts de son ca­

ractère hétéroclite, est dans cc fil conduc­

teur sous-jacent. Il montre que sur les ruines

( 1) Parmi ces ouvrages. indiquons seulement ceux qui émanent d'Echanges Ta The Biller End, la grève des milzeurs en Grande Bretagne. !v/ars 198../-mars /985 (éd. Acratic) et Cwmbach :mineurs el femmes de mineurs parlent (témoignages de m1ncurs du Pays de

Galles), ouvrages toujours dispontbles.

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-63

Page 15: ECHANGES - archivesautonomies.org

NOTES DE LECTURE

LUTTE DE CLASSE ET LITTÉRATURE

Un peu de l'âme des mineurs du Yorkshire, John et Jenny Dennis, L'Insomniaque Daewoo, François Bon, Fayard Les Vivants et les Morts, Gérard Mordit/at, Ca/mann-Lévy

C 'EST UN PEU le hasard qui nous

amène à parler de ces trois livres qui

ont en commun de parler de la vie

de travailleurs, de leur quotidien et de leurs

luttes, mais sous des fonnes sensiblement dif­

férentes. Ils pourraient faire partie de ce

qu'on appelait avant la dernière guerre« lit­

térature ouvrière>> qui étaient le plus sou­

vent des témoignages, parfois sous des

formes romancées de la vie de leur auteur.

La littérature, populiste ou non, d'avant la

première guerre mondiale abondait tant en

romanciers plus ou moins heureux des souf­

frances prolétariennes qu'en autobiogra­

phies, témoignages directs ou arrangés de ces mêmes vies difficiles. Dans 1 'entre-deux­

guerres, mis à part quelques auteurs comme Poul aille, 1 'ensemble des textes de ce genre

fut profondément marqué par la révolution

bolchevique et ses suites dans les vicissi­

tudes des militants du parti communiste.

Ils portaient plus souvent témoignage des pro­

blèmes de 1 'engagement politique ou syndical que de la condition prolétarienne.

Passée la dernière guerre, ces mêmes

témoignages marqués également par les en­

gagements, les répressions et les luttes pour

la survie. n'ont guère laissé de champ à des

récits sur ce que fut alors la condition ou­

vrière ei son quotidien. Cc n'est que ré-

62- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

cemment que les << problèmes de classe >>

sont devenus 1 'objet, non pl us d'études de

sociologie ou de reportages médiatiques,

mais d'expressions littéraires ou cinéma­

tographiquse.

On a pu voir ainsi au cinéma non seu­

lement des documentaires (de rares témoi­

gnages sur mai 1968, comme le célèbre Re -prise), mais surtout des fictions qui

prenaient pour thèmes, à travers une ro­

mance, des situations actuelles plus ou

moins dramatiques touchant les travailleurs

(à croire d'ailleurs que les<< trente glo­

rieuses >>de 1945 à 1975 n'avaient pas ap­

porté aux travailleurs leur lot de drames

dans leur exploitation par le système). Ce

qui apparaît ainsi sur les écrans trouve sa cor­respondance dans la littérature. On peut

penser qu'ils reflètent la<< montée des dan­

gers», particulièrement dans la« condi­

tion ouvrière >>.Même si les auteurs ct édi­

teurs y cherchent (et y trouvent) un intérêt,

le fait qu'ils s'engagent dans cette voie té­

moigne du développement d'une telle si­tuation. Même si l'on se pose la question

-elle n'est pas superflue-: qui lit de telles

œuvres ')et que l'on conclut que cc ne se­

ront pas, dans leur immense majorité, les

travailleurs qui les liront mai' une frange des prolétaires ct des classes rnuycnnc<;, un

parviennent à se frayer un chemin, en ti­

rant sur la foule avec fusils et mitraillettes

à partir d'hélicoptères ; vingt-cinq insur­

gés, acculés sur le pont du Rfo Seco meu­

rent sous une pluie de balles. On dénombrera

plus de quarante morts lorsque le convoi

d'essence, soutenu par les raffales des mi­

traillettes de l'armée, parviendra finale­

ment à emprunter 1 'autoroute de La Paz.

La victoire militaire des forces gou­

vernementales se convertit aussitôt en dé­

route politique et morale; les tueries sans

discrimination indignent presque tout le

monde et avivent d'autant plus l'énergie

des insurgés. Le lundi 13 octobre, la po­

pulation de La Paz se joint finalement au sou­

lèvement; les comités de quartiers appel­

lent à une marche de solidarité avec El Alto

et de protestation contre les tueries, tan­

dis que les habitants d'El Alto descendent

dans la ville au cri de« Maintenant, guerre

civile 1 ».

Ce même lundi.les affrontements avec

la police gagnent toute la ville tandis que

protestations, manifestations, grèves et

barrages des routes s'étendent à tout le

pays, Cochabamba, Santa Cruz, Potosî,

Sucre, etc. Les Etats-Unis, l'Organisation

des Etats américains (OEA), l'armée et les

organisations patronales apportent leur

soutien au président constitutionnel Sânchez

de Lozada, qui à son tour dénonce la<< vio­

lence >> des opposants et le complot sub­

versif ourdit par les terroristes et lestra­

fiquants de drogue visant à détruire la

démocratie bolivienne. Mais de moins en

moins de gens prennent au sérieux les dis­

cours toujours plus délirants de 1 'élu,

même parmi les classes moyennes ; jour­

nalistes, intellectuels et artistes, tous en

chœur, demandent sa démission. Le vice­

président lui-même, l'historien Carlos

Mesa, critique la répression militaire et

prend publiquement ses distances avec

Sânchez de Lozada, sans toutefois renon­

cer à sa charge, s'offrant ainsi implicitement

en solution de rechange pour un compromis

qui ne saurait attendre.

DANS LES PUBLICATIONS/AMÉRIQUE LATINE

+ Le Mexique et la Bolivie

sont secoués actuellement

par des mouvements popu­

laires contre les multinatio­

nales qui monopolisent l'ex­

ploitation des ressources en

eau ou en hydrocarbures.

La revue allemande Wildcat

apporte quelques éléments

sur ces luttes dans son no 72

(janvier 2005). Un autre ar­

ticle, " Le mouvement est­

il en train de se transformer

en institution ? ", revient

sur la grève générale qui a

paralysé la capitale boil­

vienne La Paz et une grande

partie du pays entre le 29

septembre et le 18 octobre

2003 (voir ci-dessus)

Prospects and Reactionary

Threats " (Bolivie pers­

pectives révolutionnaires et

menaces réactionnaires)

dans Proletarian Revolution

no 74' printemps 2005 (en

anglais, copie à Echanges).

Argentine + Lutte de classe - Argen­

tine " Renouveau des

lutles ouvrières "dans Cou-

Bolivie rant Alternatif no 147, mars

+" Bolivia Hevolutionary 2005.

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-15

Page 16: ECHANGES - archivesautonomies.org

La grève est presque totale dans la ville

de La Paz: les transports, de toutes façons

paralysés par le manque d'essence, sont

rejoints par les enseignants, les bouchers, les boulangers, les commerçants sur les

marchés, etc. Des renforts arrivent de

toutes parts soutenir les grévistes: pay­sans des provinces du Nord par milliers, coca/eros des Yungas, mineurs en armes d'Oruro et de Potosf.

Le gouvernement, se voyant acculé,

ordonne la confiscation de quelques jour­

naux d'opposition et, tout aussi mal­

adroitement, menace de poursuivre devant les tribunaux quiconque réclamera l'ab­dication du président (alors la majorité du pays), tout en proposant de soumettre la

loi sur les hydrocarbures à un référendum

et se déclarant prêt à négocier. Mais il est

trop tard; personne ne veut plus parler à 1 'assassin des habitants d'El Alto. Tout le

pays est dressé contre le gouvernement; les

manifestations s'étendentjusque dans les coins les plus reculés du territoire, des

plaines du Chaco à la frontière avec le Paraguay jusqu'aux forêts tropicales im­

pénétrables du Beni en bordure de l' Ama­zonie.

L'encerclement de La Paz se resserre.

Plus aucun transport; les commerces sont fermés. Le ravitaillement commence à manquer. Réunions publiques, assemblées,

manifestations et affrontements spora­

diques avec la police se succèdent dans les

rues désertées par le trafic habituel, dans un calme tendu jusqu'à l'insupportable. Finalement, la nouvelle se répand dans la nuit du dimanche 19 octobre que le prési­

dent s'est enfui à Santa Cruz dans un hé­

licoptère militaire, et de là en avion pour Miami. d'où il présentera formellement sa

démission le lendemain. Le vice-président

assume ah:Jrs le pouvoir et demande une

16- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

trève de 90 jours afin de remettre en ordre

les affaires du pays. Les organisations d'opposition lui accordent cette faveur;

le calme revient, momentanément tout au moins.

Les 90 jours de Mesa : résumé d'une fraude annoncée

La trève s'est achevée avec le résultat qui était à prévoir, c'est-à-dire rien. Le nou­

veau président s'est montré tout à fait le

digne successeur du fugitif Sanchez de Lo­

zada, poursuivant la même politique avec

quelques retouches de façade (le gaz est ainsi exporté par l'Argentine au lieu de l'être par le Chili). Les mouvements so­ciaux se préparent à se remobiliser. Le

8 avril 2004, la COB et le mouvement pay­san de l'Altiplano appellent à une grève

générale illimitée et au barrage des routes à partir du 2 mai, exigeant la nationalisation du gaz et du pétrole, l'abrogation de la loi

sur les hydrocarbures et de celle sur les re­Irai tes et, pl us généralement, 1 'arrêt des

politiques néolibérales. Entre-temps, le MAS, ancien parti des

cultivateurs de coca dominé de plus en plus par ses députés issus de la classe moyenne,

se tourne vers une conception du << socia­lisme>> respectueux de la propriété privée et de l'ordre i nsti tu tionnel. Ses di ri geants s'opposent ouvertement aux grèves et aux

manifestations, les boycottent et tentent d'empêcher la base des syndicats et des

mouvements sociaux qu'ils contrôlent d'y participer, invoquant à nouveau le risque d'un coup d'Etat imminent et allant jusqu'à diffamer les dirigeants de la COB comme

<<paramilitaires>> et complices du fascisme. Morales est sans aucun doute en train de

parier sur sa victoire aux prochaines élec­

tions présidentielles prévues en 2007. Sa nouvelle image de responsable et de mo-

République tchèque : impuissance politique, grève à Skoda

Lettre de la République tchèque (28 mars 12005 ).

J 'AI vu( ... ) que vous avez traduit un

article écrit par un camarade de Prague. Je pense qu'il n'y a rien d'es­

sentiellement nouveau ici. Les luttes im­portantes manquent ici. A vrai dire, l'éco­

nomie marche mieux maintenant. On parle

beaucoup d'une crise de gouvernement,

mais celle-là est seulement une expression

d'une lutte entre les partis politiques. Et, à la différence de la Slovaquie, le gouverne­ment social-démocrate ici ne va pas intro­

duire les<< réformes>> des retraites, d'en­seignement ou du système de santé

publique. Alors, tout ça va changer appa­

remment après les élections ..... Dans le<< mouvement >>,il y a une crise

grave. Mes camarades [ ... ]et moi-même, nous sommes incapables d'une activité po­

litique réelle. Nous parlons beaucoup de cette crise, mais rien ne change. Entre les anarchistes, c'est encore pire. Vu cette si­

tuation ici, c'est vraiment formidable que

vous soyez en train de publier Echanges si régulièrement .....

Hier (30 mars) il y a eu une grève d'une heure au commencement de chacune des trois équipes dans les usines automobiles

Skoda dans tout le pays (trois ou quatre je crois). Les revendications concernent une

augmentation de salaire qui refléterait les plus hauts profits fait par la firme, contrai­rement aux autres constructeurs de voi­tures. Les travailleurs de 1 'automobile sont

dans une position favorable par rapport aux

autres travailleurs car la plupart des en­treprises de la métallurgie licencient d'une

manière incroyable. Les ''dégraissages "

dans leur ensemble ont le soutien des syn-

dicats qui les négocient. Il y a aussi pour­

tant des rassemblements de milliers de tra­vailleurs.

" Il faut parler Histoire " D'une camarade de Toulouse (8 no

vembre 12004)

POUR ECHANGES, c'est bien qu'il n'y ait plus les débats d'antan qui tour­naient au stérile sur la fin. J'étais

souvent de 1 'opinion d'Echanges ct j'avais

l'impression de perdre mon temps à lire ça.

Par contre, je reconnais qu'il faut parler

histoire avec les jeunes qui entrent dans le mouvement ct, rien que pour ça, le débat en valait la peine parce qu'il apprenait quelque chose aux autres lecteurs jeunes. Pour ma part, j'en avais déjà assez lu d'his­

toire pour comprendre et être de 1 'opinion

d'Echanges. Peut-être faire de petits ar­ticles résumés pour les questions posées

par les jeunes serait mieux '?A voir. J'ai bien aimé aussi qu'enfin il y ait la

liste des contacts des revues chroniquées

dans Echanges ( ... ). Malheureusement, le prix n'est pas indiqué alors je n'ose même

par les contacter parce que je déteste de­

mander combien ça coûte et si ça me pa­raît trop cher, chuis bien dans la merde. Quand à échanger, je ne sais même pas s'ils sont d'accord pour échanger ... j 'aurais 1 'impression de les voler en leur envoyant

ce que je fais (La Pêche du Midi) en échange de leurs articles/revues ...

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-61

Page 17: ECHANGES - archivesautonomies.org

quement, qui n'existe plus aujourd'hui, qui

tirait son nom de l'opposition à l'idée et à

la pratique du<< communisme de parti>>. Le deuxième invoque une idéologie, une

fétichisation d'une forme d'organisation,

valable partout ct toujours. Une chose est

de reconnaître que des individus ou des groupes s'accrochent à« une fossilisation

idéologique de l'expérience des soviets et des conseils ouvriers>> (1.-P. V.). Affirmer 1 'existence d'un courant historique se re­

vendiquant de cette fossilisation et pré­

senter des révolutionnaires, comme Canne Meijer, Pannekoek et autres, comme ses idéologues, c'est autrement discutable.

C'était une modeste contribution à la campagne contre le confusionnisme enva­

hissant et le retour des concombres

masqués. C. R.

Libertaires à Cergy De Cergy-Pontoise (28 février 2005)

N ous SOMMES un collectif libertaire qui s'est constitué en 2004 afin de fédérer toutes les organisations anar­

chistes et anarcho-syndicalistes de la ré­gion et pratiquons l'unité dans les luttes avec les autres communistes du mouvement

révolutionnaire, sans sectarisme sur la ré­gion et publions un bulletin, L'Insurgé, dont nous vous envoyons un exemplaire. Plusieurs de nos militants se livrent à des

recherches historiques(. .. ). Nous aime­

rions les numéros de 2004, ainsi que des

60- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

précisions sur la révolte des roms en Slo­

vaquie en 2004 (pour la commission gens du voyage de la CNT car nous comptons

quelques manouches dans nos rangs) et par­ticipons au comité de soutien aux Roms.

Collectif libertaire, c/o UL CNT -Cergy, BP 118, 95316 Saint-Ouen-l'Aumône,

adresse où vous pouvez vous procurer le bulletin L'Insurgé dont le na 3 est paru

avec un ensemble de textes sur les luttes locales et d'ailleurs.

Voyage en Pologne D'un camarade de l'Allier.

J 'Al ÉTÉ TRES BIEN ACCUEILLI par toute la famille [de sa compagne} et la popu­lation en général est plutôt sympa­

thique, encore plus lorsqu'elle sait que tu

es français. Je me suis baladé en ville. Byd­goszcz est une ancienne ville industrielle. A l'heure actuelle, beaucoup d'usines sont

fermées et pas mal de gens sont au chô­mage. J'ai discuté avec plusieurs ouvriers polonais, employés, etc. Les salaires sont

très bas (au mieux 500 euros par mois) mais j'ai vu relativement moins de misère, al­coolisme, etc. que lorsque j'étais allé en Si­lésie en 1991-1992. Par contre, j'ai vu pas

mal de pauvres diables faisant les poubelles. La majorité des gens travaillent et ont un

niveau de vie relativement modeste, seuls quelques requins se taillent la part du lion (comme partout). En Pologne, j'avais déjà

remarqué cela lors d'un premier séjour, il

y a beaucoup de démerde, débrouilles. sys­

tème D. On est passé par l'ex-Allemagne de

l'Est à Francfort-sur-Oder, une région si­nistrée (et sinistre) ;j'y ai vu beaucoup de jeunes qui ont basculé dans l'extrémisme (de

droite). beaucoup de haine et de désespoir.

bien plus qu'en Pologne en tout cas ..

déré lui permet d'engranger les applaudis­sements de la presse; il est cependant à craindre qu'il risque, par-là même, de

perdre le soutien des bases paysannes et

ouvrières dont il envisage de capitaliser les votes.

Maintenant, à la mi-mai [2004}, les bar­rages des routes, les grèves et les mani­

festations d'enseignants, de routiers et du

personnel de santé, menacés par la priva­tisation des services publics, recommen­cent à se multiplier et s'ajoutent aux mo­

bilisations des paysans et des mineurs. Les délégations arrivent de toutes parts à lalo­calité de Patacamaya, d'où doit partir le 13 la marche sur La Paz « pour la récupé­ration des hydrocarbures, la dignité et la souveraineté>> mots d'ordre que les pay­sans du département oriental de Santa Cruz, qui se préparent à occuper les puits pétro­

liers, commencent à mettre en pratique. La nationalisation du gaz et du pétrole

est devenue« le mot d'ordre qui fait bou­

ger et unit les pauvres de Bolivie>> selon les termes d'un journaliste bolivien. On peut sc demander après tout si ce mot d'ordre n'est pas à double tranchant, car tout en unissant les divers mouvements so­

ciaux autour d'un but commun et accrois­

sant leur pouvoir d'attraction il les rend perméables à l'influence des fractions les plus progressistes de la bourgeoisie natio­

nale (qui aspirent à devenir les futurs ges­tionnaires des industries nationalisées) ct

même de la droite la plus fascisante, en dé

tournant l"attentwn de cc qut au départ fai­sait le tond de Lt lutte. it savoir la confron­tation entrL·!es l"<llnmunautés paysannes ct l'Etat, entre ln assemh!L'cs libres ct sou­verainn dn 1111/111 ct le despotisme politico­

militaire l"llll\ nt park système électoral

qu'il;; appellent delltllnatie, entre les cou­tumes ;utcntr;tlo de 1 IL" c"mmune ct l"éco-

nomie dominante de concurrence, de des­truction et de gaspillage, entre deux ma­

nières, en somme, radicalement incompa­

tibles de concevoir la vie ct la convivialité entre êtres humains.

Il y a quelques semaines, de l'autre côté

de la frontière, les paysans aymaras de lalo­calité péruvienne d'Ilave (Puno) sc sont

soulevés contre J'Etat et ont assassiné le

maire imposé par le gouvernement<< parce qu'il était mauvais et corrompu>>. Largement approuvé par les paysans des deux côtés

de la frontière néocoloniale qui les sépare,

cet acte arrive sans doute au moment op­portun pour rappeler quelle fut l'origine de cette guerre et ses buts.

Les paysans et ouvriers de Bolivie ont donné l'exemple aux peuples du monde d'un soulèvement contre les conséquences d'un ordre économique, politique et social

qui nie la vie en permanence. Il suffit main­

tenant que tous comprennent ce que les communautés insurgées de l' Altiplano ont compris, c'est-à-dire qu'ils ont entre leurs

mains le fil qui leur permettra de sortir du labyrinthe sanglant du désordre dominant, 1 'expérience des assemblées communales et des comités de quartier, leur usage ances­

tral de 1 'entraide et de la culture commune respectueuse de la terre, et ce qui est der­rière, le souvenir ancien mais toujours vi­vant d'un monde sans propriété ni argent, un bien-être à la portée de tous qu'au­

jourdhui aucune politique de développe­

ment ne se risque à promettre.

Kaypachapi, mai 2004 L. A. B./F. E. S.

(traduit de 1' espagnol par J .-P. V.)

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005 -17

Page 18: ECHANGES - archivesautonomies.org

JAPON

LA SITUATION DES CLASSES LABORIEUSES.

CHRONOLOGIE : JUILLET 1853 - AOUT 1914

C ETTE CHRONIQUE des événements sur­

venus entre 1853 (première arrivée

du commodore Perry dans la baie

d'Uraga) et l'entrée du Japon dans la pre­

mière guerre mondiale résume d'un point

de vue purement chronologique les analyses

parues dans les n"' 107 à 110 d'Echanges. Bien que 1 'on puisse trouver dans plusieurs

ouvrages écrits par des spécialistes un dé­

coupage traditionnel de 1 'histoire du Japon

selon les dates des règnes impériaux, j'ai

préféré utiliser ici le système de division du

temps propre à l'ère chrétienne, plus fami­

lier au lecteur européen.

1.853 +Juillet: arrivée du commodore Matthew

Galbraith Perry (1794-1858) à la tête d'une

petite flotille dans la baie d' Uraga, près de

Tôkyô. Il exige l'ouverture du Japon au nom

du président des Etats-Unis Mil lard Fillmore

(1800-1874 ).

1.854 +Février: Perry, de retour au Japon, obtient

du shôgun Tokugawa lesada (1824-1858) 1 'ou­

verture des ports de Shimoda et Hakodate au

commerce américain par le traité provisoire

de Kanagawa.

+ 31 mars : le gouvernement des Tokugawa

signe un traité d'amitié avec les Etats-Unis.

1.858 + 29 juillet: le Japon signe un traité com­

mercial a "t'cc les Etats-Uni s.

18 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

1.859 + 28 juin : les ports du Japon sont ouverts à

toutes les puissances occidentales.

1.867 + Les clans de Satsuma, Chôshû, Tosa et

Hi zen se rangent ouvertement aux côtés de

l'empereur Kômei (1821-1867) et entrent en

guerre contre le shôgunat au nom de la lutte

contre les étrangers.

1.869 + Mars: les clans de Satsuma, Chôshû, Tosa

et Hizen adressent un mémorandum à l'em­

pereur sur les devoirs de sa charge et le re­

connaissent pour leur maître. Les principes

contenus dans ce mémorandum serviront à

la rédaction de la Constitution de 1889 et

gouverneront le régime japonais jusqu'en

1945.

+Edo devient la capitale du pouvoir impé­

rial restauré au détriment de Kyôto, et prend

le nom de Tôkyô (qui signifie: la capitale

de l'Est), après qu'Ôkubo Toshimichi ( 1830-

1878) a suggéré un changement de capitale

pour marquer symboliquement la rupture

avec les temps anciens.

+Juillet: ouverture à Tôkyô, à Kudan, du

temple Shôkon sha, dédié aux morts pour la

patrie, qui prendra en 1879 le nom de Y asu­

kuni jinja (temple où sont vénérés les sol­

dats tombés en combattant pour l'empereur.

Les condamnés à mort au tribunal de Tôkyô

[3 mai 1946-12 novembre 1948], dont les

cendres furent dispersées pour éviter qu'elles

Meijer, s'explique par le fait que ses textes

<< Le mouvement des conseils en Alle­

magne>> et <<Temps de travail social

moyen. Base d'une production ct d'une ré­

partition communiste» (publiés par !CO

en 1971 ), constituèrent le point de départ de

la mini-croisade néo-bolchevique contre

le << conseillisme », courant dont il est

censé être le représentant.

Parmi les éminents théoriciens de la

<<Rupture», on trouve des noms comme

Dominique Blanc et Pierre Guillaume. Et

c'est tout de même assez significatif que

les éditeurs passent sous silence l'évolu­

tion négationniste de ces deux<< théori­

ciens» ! Pour faire court, celles et ceux

qui ne jouent pas dans la cour des avant­

gardi stes et ne ressentent aucune dette en­

vers l'œuvre du bolchevik Bordiga peuvent

passer leur chemin sans états d'âme.

Dans sa note, J .-P. V. considère, pour­

tant, que la préface dudit livre situe clai­

rement le sens de cette<< rupture » : << Af­

firmer que la révolution n'est pas une

question de gestion des usines par lestra­

vailleurs mais de destruction totale de l'ex­

ploitation capitaliste. »Pour moi, cette for­

mulation n'est pas claire du tout, je

prétends même qu'elle est plutôt obscure.

Connaît-on dans l'histoire du capitalisme

une situation révolutionnaire où les ex­

ploités aient mis en place, de par leur action

indépendante et donc consciente, un nouveau

système d'auto-expiai tati on ? Accessoi­

rement, excusez du peu, qu'est-ce exacte-

ment, pratiquement, cette<< destruction to­

tale de l'exploitation capitaliste» 7 Si cela

ne passe pas par une prise en charge col­

lective et directe de la production et re­

production de la vie sociale (donc aussi de

la distribution), c'est comment alors?

Voici, en tout cas. posés les termes sur les­

quels, dans les années 1970, l'idéologie

dite<< conseilliste »fut fabriquée par les

<<théoriciens anti-conseillistes »,ci-des­

sus mentionnés.

Tout en se démarquant des enfants de

Bordiga, J.-P. V. réaffirme, lui aussi, que

oui ' il existe bien un<< conseillisme ».Et

il nous renvoie à un article, écrit par lui

(qui signait alors Paulo), paru dans la revue

Spartacus (juillet-août 1978). Il s'agissait,

en fait, d'une réponse à un texte précédent

de Serge Bricianer, << Connaissez-vous Pan­

nekoek 7 ».A 1 'intention de ceux qui s'in­

téressent à 1 'archéologie, et par respect

pour les lecteurs d'Echanges, je voulais

rappeler que ce débat s'est terminé avec

une contre-réponse de Serge Bricianer,

<< Quelques procédés de 1 'anti­

conseillisme »(Spartacus, octobre 1978).

Où celui-ci critiqua l'argumentation de

Paulo et mit en évidence la méthode des

<< anti-conseillistes » : << forger soi-même

les conceptions qu'on tient à réduire à quia». Bien sûr, comme le veut la tradi­

tion, on peut s'adresser à Echanges pour

se procurer des copies desdits articles de

la revue Spartacus. Des sectes de l'ultra-gauche avant-gar­

distc font aujourd'hui leur retour sous une

forme post-moderniste. Pour que la ligne

de partage puisse être établie clairement,

il serait temps d'être plus rigoureux dans

l'usage de certains termes, à commencer

par celui de<< communisme de conseils»

et celui de<< conseillisme ». Le premier

renvoie à un courant qui a existé histori-

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-59

Page 19: ECHANGES - archivesautonomies.org

CORRESPONDANCE

Problèmes du logement en Seine-Saint-Denis, p. 58+ Contre le confusionnisme (à

propos du livre<< Rupture dans la théorie de la révolution»), p. 58+ Libertaires à

Cergy, p. 60 +Un voyage en Pologne, p. 60 +République tchèque:<< notre impuis­

sance politique>>, p. 61 +<<Il faut parler Histoire», p. 61.

Le problème du logement D'une camarade de Bobigny (Seine­

Sainl-Denis, « neuf-trois ») ( 3 décembre 2004)

LE PROBLEME du logement est de plus

en pl us criant. Mal gré le nombre exor­

bitant de logements vides, les ouver­

tures de squats sont devenues plus diffi­

ciles, alors même qu'elles sont de plus en plus

nécessaires, à la fois comme lieux de vie et

comme réappropriation collective et

moyens de pression. Alors difficile ne dit

pas impossible.

Depuis des mois, le Samu social, qui

gère les hébergements d'urgence, est dé­

bordé. Passé 8 heures ou 9 heures, le matin.

iI n'y a plus de place ! Et tant pis si des fa­

milles avec des enfants en bas âge dorment

dehors. L'hiver dernier, un bébé est mort

dans le 93 parce que les services sociaux

n'avaient pas trouvé de lieu où dormir pour

sa mère 1

Dans les foyers de travailleurs immi­

grés, la situation est critique. Depuis le dur­

cissement de l'aide au séjour irrégulier, les

descentes de police se font plus nom­

breuses. Les gérants mettent la pression

sur les résidents<< officiels »qui hébergent

amis ou parents, avec ou sans papiers. L'or­

ganisation collective de certains espaces

(cuisines communes, salles de prière et de

réunion. petits vendeurs) est remise en

cause. Le chantage est souvent rénova­

tion du foyer (certes nécessaire) contre ré-

58 -ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

organisation en petites chambres indivi­

duelles avec kitchenettes, où il devient dif­

ficile d'accueillir qui que ce soit et où le

résident doit assumer seul tous les frais

Le 20 novembre, les résidents des

foyers du 13' arrondissement [de Paris] ont

organisé une manifestation avec le Copaf

(Collectif pour l'avenir des foyers) GUi a

mobilisé plusieurs foyers. Espérons que la

mobilisation continuera et s'amplifiera.

" Contre le confusionnisme " Lettre de Charles Reeve. de la revue

Oiseau-Tempête.

LE NUMÉRO 110 (hiver 2004)

d'Echanges publie, page 66, une note

de lecture (signée J.-P. V.) sur le livre

Rupture dans la théorie de la révolution

(éditions Senonevero), collection de textes

qui a marqué 1 'évolution politique d'un

petit cercle d'individus depuis mai 68.

Pour J.-P. V., il manque une explica­

tion du choix de ces textes. Mais il sou­

ligne- à mon avis justement- que la plu­

part des textes reprennent à leur compte les

critiques des bordiguistes au mouvement

des conseils. Voilà qui est largement suffisant

pour ce qui est du choix des éditeurs. Il ne

faut jamais perdre de vue ce point, essen­

tiel à la compréhension de cette littérature

(voir à ce propos« Ultra-gauche en sa­

lade», Oiseau-tempête, no Il). La présence

inattendue. parmi les signataires, du com­

muniste de conseils hollandais Henk Canne

devinssent ohjet de culte, y ont leur mémoire

honorée; et à chaque fois qu'un officiel im­

portant s'y rend le 15 août [anniversaire de la

fin de la deuxième guerre mondiale) ou le

Il février [jour national). en un sursaut de

nationalisme, les pays voisins du Japon ne

manquent pas de protester).

+La liberté de choisir son lieu de résidence

et son métier. entravée par le shôgunat, est

rétablie.

1.870 +Ouverture de Tôkyô et Niigata aux étran­

gers.

+ 27 février: adoption du drapeau du<< So­

leil levant».

+L'ancien daimyii de Maebashi et la famille

Ono (une grande famille de commerçants de

l'époque des Tokugawa) introduisent la fi­

lature mécanique de la soie à Tôkyô ; le gou­

vernement soutient l'entreprise en créant sa

propre filature à Tomioka, dans le département

de Gunma, installée par une vingtaine de spé­

cialistes européens (en 1875, les techniciens

japonais formés par ces spécialistes pou­

vaient les remplacer; en 1878, le cinquième

de la soie japonaise était filé mécaniquement.

La mécanisation de la filature de coton fut

beaucoup plus lente, à cause du manque de ma­

tière première nationale et de la concurrence

des filés anglais: vers 1880, trois usines seu­

lement étaient mécanisées. dont une seule

appartenait à l'industrie privée).

+Création d'une monnaie impériale.le yen

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 19

Page 20: ECHANGES - archivesautonomies.org

1.871 +Abolition du système des fiefs et division

du pays en départements.

+Emancipation des eta.

+ Extension du service postal aux pays étran­

gers.

+Tous les Japonais reçoivent un nom de fa­mille.

+Le gouvernement introduit lïndustrie mé­

canique au Japon avec la création de l'usine

de machines d'Akabane, dans la banlieue de

Tôkyô.

1.872 +Inauguration de la ligne de chemin de fer

reliant Tôkyô à Yokohama.

+Adoption du calendrier grégorien: le 3 du

douzième mois lunaire devient le 1" janvier

1873.

+Le gouvernement confisque l'usine de co­

tonnades de Sakai (qui avait été fondée en

1870 avec des machines importées d'Angle­

terre par le fief de Satsuma) pour en faire une

usine pilote. sur le modèle de celle de To­

mioka pour la soie.

+Instruction primaire obligatoire.

1.873 +Loi instaurant le service militaire obliga­

toire.

+ Révocation des édits contre les chrétiens pris

par le shôgun Tokugawa Jeyasu (1542-1616)

en 1612 dans les territoires qu'il contrôlait, et

étendus à l'ensemble du pays en 1614.

+ Création des écoles primai res.

+ Débuts du Mouvement pour la liberté et

les droits du peuple (Jiyû minken undô), qui

connaîtra son apogée entre J 881 et J 885.

+ 1874: insurrection de Saga (ville située

dans le département du même nom, ancienne­

ment fief de Hizen), menée par Etô Shinpei

( 1835-1874). un samurai qui avait participé à

la rcstaur3tion de Meiji sans mesurer les bou-

20- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

leversements à venir: déçu parce que les mo­

dérés au sein du gouvernement ne voulaient

pas attaquer la Corée. qui se refusait à recon­

naître le nouveau gouvernement japonais. il

se rebella contre le nouveau pouvoir ; la ré­

bellion fut rapidement matée par Ôkubo To­

shimichi et Etôestdécapité le 13 février 1874.

+Expédition à Formose (Taiwan).

1.875 +Le Japon cède ses droits sur l'île de Sa­

khaline (Karafuto en japonais) à la Russie en

échange des îles Kouriles (Chishima en ja­

ponais).

+Le gouvernement créé une cimenterie à

Fukagawa. un quartier de Tôkyô (elle sera

privatisée en 1883 et confiée à Asano Sôi­

chirô !1848- l 930]).

+ Le gouvernement fonde un important éle­

vage de moutons dans la province de Shimôsa

(préfecture de Chiba) et une usine de tissage

et de filature à Senju, dans la banlieue de

Tôkyô.

+Les revenus versés aux samurai par l'em­

pereur ne le sont pl us en nature (riz) à un mo­

ment où les prix augmentent rapidement, mais

en argent.

1.876 +Traité avec la Corée.

+ Les revenus des samurai sont remplacés

par des bons d'Etat portant 7 % d'intérêts

pendant quatorze ans maximum.

+Emeutes à Kumamoto (fief de Higo) et

Hagi (fief de Chôshû), causées par l'appau­

vrissement croissant des anciens guerriers.

+Le gouvernement crée une verrerie à Shi­

nagawa, un quartier de Tôkyô.

1.877 +Février-septembre: insurrection de Satsuma,

menée par Saigô Takamori ( 1827-1877). Il

avait participé activement à la restauration

l'ouvrage exhaustif de Ngo Van Viet-Nam, 1920-1945,

révolution et contre-révolu -lion sous la domination co ·

loniale (L'Insomniaque,

rééd. Nautilus [Paris]) dont

la suite vient de sortir • Le Joueur de flûte et l'Oncle Ho, Vietnam 1945-2005, (Paris-Méditerranée,

296 pages, 22 euros) ou­

vrage dont nous reparlerons

plus en détail.

A propos du Vietnam mais

sous un tout autre aspect , sur le site httpJ/www.geoci·

ties.com/antagonism 1 /olive

drab, on peut lire (en an­

glais) un texte" Subversion of the US Armed Forces in

the Vietnam War , (La sub­version des forces armées

américaines dans la guere du Vietnam).

+ Memoirs sixty years und er the flag of socialist re ·

volution, par A. Stinas, l'ac­

tivité d'un oppositionnel en

Grèce au cours de la se­

conde guerre mondiale,

texte en anglais disponible sur le Web · httpJ/www.geo­

cities.com/antagonism 1 /sti­

nas.

+ Une vue globale des 2 000 camps naz1s sur le

site Internet

http J/www. carnet-rn on­

dain.com/edito/.

+ Différents essais en an­

glais de Kenneth Rexroth sont sur le site du Bureau of

Public Secrets (PO Box 1044, Berkeley, Ca 94701,

Eats·Unis) : http://www. bop­

secrets.org.

Sur le même site, on peut

trouver le texte de Ken

Knabb de 1997. " La joie de la révolution , traduit en

français (quelques réalités de la vie, préliminaires, mi­

nutes de vérité, renais­sance).

+ Sur le site de Loren Gold­

ner " Break their haughty

power , une critique du livre

de Joao Bernardo (en por­

tugais) sur le fascisme : http ://home. earth link net/-! r­

goldner.

+ " The dollar's crisis and

ours, par Loren Goldner dans Against The Current no 114, janvier -février 2005

(en anglais sur le site http

•home.earthlink.nell-lrgold­

ner). Nous en avons publié

une traduction française (Echanges no 111 ).

+ Chris Pallis vient de mou­rir (en mars). Il fut pendant

des années, sous le nom de

guerre de Maurice Brinton,

l'animateur du groupe bri­

tannique Solidarity, groupe

frère en quelque sorte de Socialisme ou Barbarie.

Dans le prochain numéro d'Echanges nous retrace­

rons son activité liée à l'évo­

lution du groupe et de la

revue Solidarity.

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 57

Page 21: ECHANGES - archivesautonomies.org

Anti-industriels, anti-nucléaires, antiscientistes + Le no 8 (février 2005) de la revue espagnole Los Amigos de Ludd s'ouvre sur un article intitulé " La critique industrielle fait-elle son chemin ? ., dans lequel ses animateurs constatent le récent rayonnement des idées anti­industrielles en Espagne. Une nouveauté à double tranchant, ces idées risquant de perdre en qualité ce qu'elles gagneront en diffusion. C'est pourquoi Los Amigos de Ludd font dans ce même article une recension critique de quelques revues et ouvrages dans l'intention expresse de lancer la discussion. + Dans la Lettre de Liaison du Garas, no 10 (1" trimestre 2005) : " Anticapitalisme et anti-industrialisme ''• discussion sur le courant anti-industriel dont les positions sont développées dans les publications de l'Encyclopédie des Nuisances.

proclame le protocole de Kyôto, mais dans une remise en cause fondamentale des besoins humains en énergie. + Sortir du nucléaire no 26 (février 2005) : sur le lobby nucléaire et autres ADM, le rôle du partenariat israélo­américain et la prolifération contrôlée. " Derrière les centrales, la bombe atomique. " " Reformuler la non­prolifération ou sortir du nucléaire ? " +Toujours dans le numéro 8 de Los Amigos de Ludd, la traduction espagnole de " Totem et tabous, ou qui veut sauver la recherche ? "• un article du CNRS (Coordination nationale de répression du scientisme) qui critique le mouvement français Sauvons la recherche, ainsi que d'un tract distribué lors des premiers Etats généraux de la recherche tenus à la fin octobre 2004. Les textes en français sont disponibles à l'adresse : Association contre le nucléaire et son monde, B.P. 178, 75967 Paris cedex 20. + La médecine est une putain. Son maquereau c'est le pharmacien: prolégomènes à une critique de la science, ou de la marchandisation de la naissance. C'est une brochure signée " Des bébés en colère , et cela traite de la médecine et de la science dans le présent monde capitaliste. Pas d'adresse mais un courriel : [email protected]. + Savants sous l'occupation, de Nicolas Chevassus (éd. du Seuil).

+ La nouvelle propagande pro-nucléaire vante la propreté de l'énergie nucléaire, de son inocuité pour les gaz à effets de serre et d'être une énergie quasi inépuisable. Le no 8 de Los Amigos de Ludd rappelle qu'une société nucléaire nécessite une hypertrophie des structures technologiques, le monopole de grands trusts soutenus par l'Etat, le secret à tous les niveaux de décision, le remplacement de la discussion raisonnable par la propagande, l'état de siège en permanence et le legs aux générations futures d'une pollution radioactive amenée à durer plusieurs centaines d'années. Pour le groupe Los Amigos de Ludd, la question de la nucléarisation du monde ne se pose pas en term~s climatiques, comme le l ___________________________________ ~

56- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

de l'empereur sur le trône, mais à la suite

des divergences de vues apparues au sein du

gouvernement à propos de la Corée en 1874,

s'était replié sur Kagoshima, où il avait

fondé une école à laquelle la jeunesse des

anciens fiefs de Satsuma et Ôsumi venaient

en grand nombre, inquiétant les autorités de

Tôkyô; Saigô Takamori meurt sur le champ

de bataille.

1.878 + Le gouvernement crée une briqueterie à

Fukagawa.

+ Une conférence de filateurs de coton dé­

termine les problèmes du Japon dans ce do­

maine: manque de capitaux, prix élevé du

charbon, transport vers 1' étranger trop coû­

teux. inefficacité des ouvriers (contraire­

ment à ce qui se passait dans la soierie, où il

y avait eu auparavant un artisanat qu'il avait

suffi d'utiliser au moment de l'industriali­

sation, le travail du coton n'avait pas été

préparé par un artisanat antérieur), et

concurrence des filés, surtout britanniques.

1.879 + Le gouvernement lance un emprunt na­

tional afin d'acheter à l'Angleterre vingt

mille broches à filer le coton, qu'il revend en

grande partie à crédit à des entrepreneurs

privés (il n'en conserva que deux mille qu'il

installa dans deux usines modèles en 1881

et 1882).

+Annexion des îles Ryûkyû (actuelle pré­

fecture d'Okinawa).

1.880 +Toutes les grandes villes du pays sont re­

liées entre elles par un réseau télégraphique

appartenant à l'Etat.

+ Le gouvernement revend à des entreprises

privées une bonne partie des usines qu'il

avait créées.

1.881 +Promesse d'une Constitution pour 1890.

+Formation des partis politiques.

ltagaki Taisuke (1837-1919), originaire du

fief de Tosa, qui avait joué un rôle impor­

tant dans la restauration du pouvoir impé­

rial. lui aussi partisan d'une intervention en

Corée en 1874 et en outre insatisfait du peu

de cas fait à son clan par les clans plus puis­

sants de Satsuma et Chôshû, s'était, comme

Etô Shinpei et Saigô Takamori, replié sur

son fief, dans l'actuel département de Kôchi,

où il avait fondé en janvier 1874 un groupe

politique: Aikokukôtô (Parti public des pa­

triotes), devenu en avril de la même année

la société Risshisha (Société des gens dé­

terminés), créée avec un ami. Kataoka Ken­

ki chi (1843-1903); cette société formera le

noyau du Parti libéral (Jiyûtô), fondé en dé­

cembre 1880, auquel a appartenu Nakae

Chômin (de son vrai nom Nakae TokusukeJ

(1847-1901). écrivain et traducteur (entre

autres de Jean-Jacques Rousseau), dont les

écrits influenceront plusieurs générations

de militants politiques japonais.

Ôkuma Shigenobu ( 1838-1922). qui soutient

à 1' intérieur du gouvernement le combat po­

litique d'Jtagagaki à partir de 1881, est exclu

du gouvernement.

1.882 + 25 mai : fondation du premier parti so­

cialiste, le Tôyô shakaitô (Parti socialiste

d'Orient), qui sera dissout par le gouverne­

ment le 7 juillet.

+ Ôkuma Shigenobu fonde le Rikken kai­

shintô (Parti progressiste constitutionnel).

auquel appartiendra Fukuzawa Yukichi

(1834-1901). intellectuel partisan de la mo­

dernisation du pays et d'une politique de co·

opération pacifique avec les voisins asia­

tiques du Japon.

ÉCHANGES 112. PRINTEMPS 2005- 21

Page 22: ECHANGES - archivesautonomies.org

1.883 + 1 .'~bsencc de moyens de transport publics en­

trave le développement de Tôkyô: les pre­

rn iers tramways apparaissaient (autour de

1 ~:nO, les rues de la nouvelle capitale avaient

vu arriver de petites voitures à deux roues ti­

rées par un coureur appeléesjinrikisha !voiture

ti rée par un homme]. prononciation simplifiée

rapidement par les étrangers en rickshaw). + Etablissement du Journal officiel, Kanpô.

1.884 + 1 tô Hirobumi ( 1841-1909) interdit les partis

politiques.

1.885 +Fondation de la compagnie maritime de ser­

vice postal Y ûsen kaisha (fusion de la Mitsubishi

Mail Steamship Company, fondée par lwasaki

Y atarô en 1872 après 1' annulation d'un édit des

Tokugawa interdisant la construction de na­

vires de haute mer dans les tout débuts de la

restauration de Meiji, et d'une autre société de

moindre importance).

1.886 +Fondation avec l'aide du gouvernement d'une

usine de chan v re qui pro fi te ra des commandes

de l'armée durant la guerre sino-japonaise de

1894-1895.

1.889 + Il février: promulgation de la Constitution

(Dai Nihon teikoku ken pô, Constitution impé­

riale du Grand Japon).

+Interdiction légale des duels.

.1.890 + 25 février: première session du Parlement.

+ Les partis sont de nouveau autorisés.

1.891. +Il mai Hentative d'assassinat du tsarévitch

22- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 200S

Nicolas Il par Tsuda Sanzô (1855- 1891) à

Ôtsu, ville de la préfecture de Shiga.

+ Décembre : dissolution de la Diète.

1.894 + 1" août : la guerre si no-japonaise ( 1894-

1895) éclate. 11 s'agit en fait d'une 1 utte pour

savoir lequel des deux pays exercera son in­

fluence en Corée.

1.895 +La guerre si no-japonaise se termine par le

traité de Shimonoseki (17 avril). Après in­

tervention de la Russie, de l'Allemagne ct de

la France, le Japon renonce à la péninsule de

Liaodong, mais occupe Formose (Taiwan) et

les îles Pescadores (maintenant îles Penghu).

1.896 +Mise en place d'une administration japo­

naise (Taiwan sôtokufu) à Formose.

1.897 + Adoption de l'étalon-or.

+L'Allemagne occupe Qingdao et la baie de

Jiaozhou dans le Shandong en octobre :et la

Russie, Port-Arthur (maintenant Lüshun) et

Dalian dans le Liaoning en décembre (la Rus­

sie avait signé en 1896 un traité d'alliance

avec la Chine, dirigé contre le Japon, qui au­

torisait la première à construire un chemin de

fer en Mandchourie).

+ Formation de la Rôdô kumiai kiseikai (So­

ciété pour la promotion des syndicats).

1.898 + Révision du Code civil.

+Premier Cabinet de partis, qui ne dure que

quatre mois (30 juin- 8 novembre 1898).

+Formation d'un syndicat de cheminots, qui

réussira à se maintenir jusqu'en 1910.

+Grèves des cheminots dans le nord-est du

Japon.

guerre d'Espagne et sur

l'immédiat après-guerre ..

+ Ni patrie ni frontières : tra -ductwns et débats, no 11 /12

(février 2005) est entière­

ment consacré aux " Terro­

rismes et violences poli­

tiques"· On y trouve aussi

un texte sur l'Irak, "Man­soor Hekmat et le commu­

nisme ouvrier", sur lequel

nous reviendrons. Et diffé­

rentes autres textes concer­

nant les luttes en France.

+ Principia dialectica : nou­

velle revue bimestrielle en

anglais se présente comme

suit : " Beaucoup n'arrivent

pas à comprendre que la

marchandise a une vie

propre autonome - c'est

l'automation qui dévore la

v1e humaine. Mais bien des

gens aiment à plaquer un vi­

sage humain sur l'exploita­

tion. La dynamique de

classe existe toujours, mais

il est essentiel de dissiper

toutes les illusions et de

comprendre ce que cela si­

gnifie ... Toutes les classes

sont dressées vers un seul

but- aller au travail -la ra­

tionalité instrumentalisée du

racket de la marchandise .. " Le no 1 de cette revue est

paru. Abonnement 10 euros

par an. BM Chronos, London

WC1 N3XX, UK.

ti on directe : brochure des

éditions du CRAS.

BP 51026, 31010 Toulouse Cedx 6.

+ Aufheben no 13 a publié

différents articles (en an­

glais) sur la quest1on du lo­

gement et la signification de

la bulle immobilière pour le

capitalisme, sur la poursuite

de la polémique sur les" au­

tonomistes "tendance Negri

and Co, sur la discussion

avec Théorie communiste.

www.geocities.com/aufhe­

ben2.

+ La publication espagnole

Balance signale comme in­

téressant l'article " Ni revo­

luci6n traicionada, ni ética

pacifista " accessible sur In­

ternet : http ;//red -liberia­

ria. net/noticias.

Sur le mêm site vous pouvez

trouver la deuxième partie

de " Los Amigos de Durruti

en Mayo de 1937 "· + Agora international (27

rue Froidevaux, 75014

Paris) contrôle un site

(http,//www. agorai nterna­

tional. org) entièrement consacré aux ouvrages de

et sur Castoriadis et toutes

les gloses mondiales qui

peuvent lui être consacrées.

+ Les Situationnistes, /'uto -

pie mcarnée, de Laurent

Challet (" Découvertes Gal­

limard ") une histoire

concentrée des situation­

nistes.

+ Socialist Platform a publié

" La Révolution diffamée ", une histoire documentaire

du trotskisme vietnamien,

par Al Richardson (en an­

glais) " Les origines du

trotskisme au Viet-nam ",

" Trotskistes contre stali­

niens dans les années

1930 ", " Les trotskistes vietnamiens selon leurs té­

moignages ", " Hô Chi Minh

et les trotskistes ", " Les

trotskistes et les travailleurs

indochinois en France ".

Rappelons sur ce thème

+ Christian Lagant fut un membre actif entre autres des groupes Noir et Rouge et Informations Correspondance Ouvrières mais aussi, ce qui est moins connu, un dessinateur et caricaturiste qui illustra notamment le bulletin du MIAJ (Auberges de Jeunesse) et /CO ; il avait travaillé à des planches illustrant Les Chants de Maldoror de Lautréamont. Ce sont les reproductions de ce travail inachevé qui illustrent cette nouvelle édition des Chants avec une

+ Retour sur les années de postface d'H. Besse qui fut dès son enfance une braise. Les groupes auto - camarade de Christian (ouvrage disponible à la nomes et l'organisation Ac - librairie Publico).

ÉCHANGES 11É- PRINTEMPS 2005-55

Page 23: ECHANGES - archivesautonomies.org

ÉDITIONS ET CATALOGUES + Les éditions Agone

publient une Gazette des

éditions " Vient de

paraître "dont le no 5,

février 2005 présente la

traduction française de

" La troisième nuit de

Walpurgis " et de" Les

derniers jours de

l'humanité "du

journaliste autrichien

Karl Kraus (1874-1936).

+ Tarantula Distribution,

818 SW 3d Ave.

PMB#1237, Portland OR

97204 (USA) envoie sa

liste n°1 (sept.oct 2004)

d'ouvrages et brochures

en anglais concernant la

mouvance libertaire.

+L'Atelier de création

libertaire de Lyon publie

une lettre (no 19,

décembre 2004) (BP

1186, 69202, Lyon Cedex

01) et diffuse à prix

réduit un ensemble d'ouvrages de la mouvance libertaire.

-,, '

'

~~

tral, le profit. Une autre

question se pose _ le capi­

tal peut-il à un moment

prendre conscience qu'il dé­

truit ses propres bases de

ressources matérielles et

continuer à maintenir sa do­

mination dont l'essence

n'est pas J'exploitation ef­

frénée de la nature mais

celle du travail humain?.

+ Dans A trop courber

J'échine. Bulletin acrate

no 14 (décembre 2004) :po­

lémiques au sein du micro­

cosme libertaire et plai­

doyer pro domo sous le titre

" Mots identiques,

mondes opposés. ,

+ www.theorie.org est un

site en allemand donnant

toute une série de textes

sur l'anarchisme, le situa­

tionnisme, le féminisme, le

trotskisme, etc.

+ Dans A Contretemps

(no 19, mars 2005) une

revue de l'ouvrage de D

Colson Trois essais de phi -

Josophie anarchiste. Islam,

histoire, monadologie.

+ A Contretemps encore

(no 19, mars 2005) contient

une longue étude sur" Mar­

cel Martinet ou l'orgueil de la

fidélité", une revue dé­

taillée et approfondie sur

" La CNT dans le labyrinthe

espagnol, à propos d'ou­

vrages récemment parus en

Espagne : La CNT durante el

franquismo, Clandestinitad

54- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

y exila (1939-1975) de

A. H. Lopez ; deux récits

d'implications plus person­

nelles dans J'activité clan­

destine quelque peu déses­

pérée contre le franquisme ·

Facerias, Guerilla urbana

(1939-1947), de A.T. Sola, et

Les Ombres ardentes, Un

français de 17 ans dans les

prisons franquistes, de

A. Pécunia).

+ Dans Solidarité (Caen),

no 19 (février 2005), une

liste des nouvelles bro­

chures publiées par Je col­

lectif" Pas Dupes , . Cour­

riel : [email protected].

+ Tempus Fugit no 2 (fé­

vrier 2005) : publication

comprenant de nombreux

textes sur la Gauche ita­

lienne (courant bordiguiste),

seulement disponible sur

CDrom format PDF (Fran­

çois Langle!,

96, rue Georges-Bizet,

91460, Marcoussis). Le res­

ponsable de cette publica­

tion nous a écrit récemment

(mars 2005)

"(. .. )Dans un prochain nu­

méro de Tempus Fugit, Je

vais faire traduire le livre de

Bock sur Syndica/ismus und

Linkskommunismus. Je

commence déjà à travailler

sur le no 3, j'ai fait traduire de

l'anglais une biographie po­

litique de Gramsci et pas

mal de documents sur les

bordiguistes durant la

1899 +Août: à la suite de nouveaux traités. le

Japon s'ouvre au monde.

1900 + Le réseau ferré atteint vers 1900 un total

d'environ 4 500 km, dont 1 000 appartenant à

l'Etat et 3 500 à des entreprises privées.

+ 16 septembre: Itô, maintenant convaincu de

la nécessité des partis, s'allie avec des

membres du Kenseitô (Parti constitutionnel)

pour former le Rikken seiyû kai (Association

des amis du gouvernement constitutionnel).

+Promulgation de la Loi de police sur la sé­

curité publique (Chian keisatsu hô).

1902 +Traité d'alliance avec l'Angleterre.

+ 15-19 juillet: grève au chantier naval mi­

litaire de Kure contre un quartier-maître trop

sévère.

1904 +Il février: début de la guerre avec la Rus­

sie (1904-1905), qui allait voir de retentis­

santes défaites de la Russie, les plus célèbres

étant celles de Port-Arthur et Tsushima.

+ 24 février : l'empereur de Corée est

contraint de signer un protocole établissant

de fait un protectorat japonais sur le pays.

1905 +Après médiation du président américain

Thcodore Roosevelt (1858-1919), sur demande

secrète du Japon qui s'inquiétait des possibi­

lités d'une guerre longue sur le territoire chi­

nois, ouverture des négociations entre la Rus­

sie et le Japon à Portsmouth (New Hampshire,

Etats-Unis); la paix sera signée le 29 août et

ratifiée le 5 septembre. Le traité de Portsmouth

consacrait la victoire du Japon acquise par les

armes : la possession de la moitié sud de Sa­

khaline. la permission de s'installer en Corée

et dans la péninsule de Liaodong, et le contrôle

de la voie ferrée du sud mandchourien, mais

manifestait surtout la volonté des pouvoirs oc­

cidentaux de s'opposer à la montée en puis­

sance du Japon. Ce même 5 septembre. un

meeting convoqué dans le parc de Hibiya, à

Tôkyô, par des organismions nationalistes pour

protester contre l'absence d'indemnités de

guerre, dégénère et est violemment réprimé

par la police (Hi biya yakiuchi ji ken).

1906 + 7 janvier: le mécontentement de l'opinion

publique japonaise. suite à la signature du

traité de Portsmouth fait chuter le gouverne­

ment de Katsura Tarô (1847-1913), qui sera rem­

pacé par Saionji Kinmochi (1849-1940). Au

cours des mois qui suivirent la paix de Ports­

mouth, entre septembre 1905 et octobre 1906,

les dépenses de l'Etat augmentent, provoquant

une nouvelle expansion industrielle et la créa­

tion de nouvelles entreprises, telle que par

exemple la Dai Ni hon seitô kaisha (Raffine­

ries de sucre du Grand Japon).

+Janvier: grève aux chantiers navals d'Ômi­

nato (Ôminato zôscnjo) à Aomori pour de

meilleurs salaires.

+ 31 mars: promulgation de la Loi de natio­

nalisation des chemins de fer (Tetsudô ko­

kuyû hô) (la nationalisation des chemins de

fer sera effective le l" octobre 1907 avec la

naissance des Chemins de fer du Japon [Ni hon

kokuyû tetsudô. société plus connue sous Je

nom anglais de Japan National Railways

(JNR)]).

+Juin: suite à une augmentation du ticket

de tramway de 3 à 5 sen, mouvements de pro­

testation à Tôkyô dirigés par le Parti socia­

liste japonais (Shakaitô).

+Août: grève aux chantiers navals militaires

de Kure (Kure kaigun kôshô).

+ Décembre grève à l'arsenal militaire

d'Ôsaka (Ôsaka rikugun zôheishô)

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 23

Page 24: ECHANGES - archivesautonomies.org

1907 + 4-7 février: trois jours d'émeutes aux mines

d' Ashio. dans la préfecture de Tochigi.

+ 16-20 février: grève des menuisiers du

chan ti er na v al Mi ts ubi shi de Nagasaki pour

de meilleurs salaires et contre un projet d'al­

longer leurs heures de travail.

+Avril: grève dans les mines de charbon de

Horonai (Horonai tankô), Hokkaidô.

+Juin: grève dans les mines de cuivre de

Resshi, Shikoku.

+Juillet: grève dans les mines d'argent

d' !kuno. près de Kôbe.

+Une crise industrielle et boursière fait chu­

ter le gouvernement Saionji.

+ Theodore Roosevelt négocie un gentle -

mens' agreement avec le gouvernement ja­

ponais afin de réduire l'immigration japonaise

aux Etats-Unis.

1908 + <<Scandale du sucre >> : la Dai Nihon seitô

kaisha, en difficultés financières, avait acheté

plusieurs députés en 1907 et 1908. afin qu'ils

votent une loi instaurant un monopole d'Etat

du raffinage du sucre. Katsura revient au pou­

voir.

+ Le cabinet Katsura est forcé de revoir les ta­

rifs douaniers en accord avec le traité signé

avec 1 'Angleterre en 1894, accordant des

avantages aux Anglais sur les cotonnades, les

lainages et l'acier qu'ils vendaient sur le mar­

ché japonais.

+ 22 juin: <<affaire du drapeau rouge » (aka­

hata ji ken) : ce jour-là, une manifestation pour

célébrer la libération de Yamaguchi Koken

( 1 883-1920), après quatorze mois de prison,

dégénère; une partie des participants à la ré­

union qui défilent dans la rue avec des dra­

peaux rouges portant les inscriptions<< anar­

chisme>> et« anarcho-communisme »sont

sévèrement malmenés, puis condamnés à de

lourdes peines de prison.

24- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 200S

1909 + 26 octobre: Itô Hirobumi. ancien résident

général nippon en Corée, qui était opposé à une

annexion japonaise pure et simple de la Corée,

et alors président du Genrô in (Conseil des an­

ciens), est assasiné par un nationaliste coréen,

selon des sources militaires nipponne, à Har­

bin (Chine), où il s'était rendu pour rencontrer

le ministre russe des finances Kokosoff.

1910 + 13 mars: Ôkuma, qui s'était retiré de la vie

politique en 1907, forme un nouveau parti, le Rik­

ken kokumintô (Parti constitutionnel du

peuple).

+Mai: on découvre un prétendu complot d'as­

sassinat de 1' empereur à Akishina dans la pré­

fecture de Nagano (taigyaku jiken, affaire du

crime de lèse-majesté) ; vingt-quatre accusés,

parmi eux Kôtoku Shûsui (de son vrai nom Kô­

toku Denjirô) (1871-1911), sont condamnés à

mort lors d'un procès à huis-clos, et douze

d'entre eux pendus les 24 et 25 janvier 1911.

+ 23 août : l'attentat contre Itô sert de pré tex te

au Japon pour proclamer 1' annexion de la Corée

sous le nom ancien de Chôsen (Matin calme)

par un décret.

1911 +Création d'une Haute police spéciale (tokubetsu

kôtô keisatsu), police politique chargée de la ré­

pression des mouvements sociaux. (Un dépar­

tement spécial de la police, chargé de réprimer

les mouvements sociaux. avait été créé à Ôsaka

dès 1888; en 1906, il était étendu à la capitale.

Mais ce n'est qu'en 1911, après l'<< affaire du

crime de lèse-majesté » que sera fondée ladite

Haute Police spéciale, plus centralisée).

+Loi sur les fabriques (Kôjôhô).

1912 + 31 décembre !911-4janvier 1912: grève

des chemins de fer municipaux de Tôkyô.

DANS LES PUBLICATIONS

+ " Anton P annekoek on

Workers'Councils "et" Ima­

gine Workers' Revolution "

(Imaginons la révolution ou­

vrière) dans The New Inter -

nationalist (automne 2004).

+ "La théorie de l'effon­

drement du capitalisme par

Anton Pannekoek " tiré de

Rë.tekorrespondenz no 1,

(1934) :une polémique sur la

crise avec Rosa Luxemburg,

Otto Bauer et Henryk Gross­

mann (en français, copie à Echanges).

+ Dans Le Coquelicot no 43,

janvier 2005, une lettre (suite du no 42) de Joseph

Dejacques à Proudhon

( 1857) sous le titre " La

femme est l'avenir .. de

l'anarchiste"·

+ Politics Without Politicians

(La politique sans les politi­

ciens), brochure en anglais

d'un ancien membre du

groupe anglais Solidarity

(groupe qui fut en son temps

proche de Socialisme ou

Barbarie). Considérations

théoriques et pratiques sur

la démocratie directe et les

différentes manières de la

promouvoir, selon l'auteur,

qui tente de répondre à la

question " La société

peut-elle être gouvernée

sans politiciens ? "Texte in­

tégral sur Internet : httpl//

www.abolish-power.org.

+ " La théorie comme ins­

trument de domination",

dans la Lettre de Liaison du

Garas, no 10 (1" trimestre

2005) reproduit du no 120

(octobre 2004) d'Archipel.

+ Meeting, revue interna -tionale pour la communisation

(éditions Senonevero) pu­

blie son no 1 (septembre

2004), avec tout un en­

semble de textes théo­

riques, d'analyse des luttes

et de discussion que nous

aborderons plus en détail

dans un autre numéro

d'Echanges, vu l'ampleur

des questions abordées. ICN, BP 31,13231 Marseille

Cedex 20 -correspondance

meeting@ senonevero. net.

Site : http :1/meeting.seno­

nevero.net.

+ Dans A Contre Courant

no 161' janvier 2005

" L'impasse de la libéralsa­

tion des services publics et

des équipements collectifs "

(Alain Bihr).

+ Dans Présence marxiste no 38 (janvier 2005), un

texte de Gyorgy Lukacs,

" Le jeune Marx " et

" Marxisme et Mythologie

grecque"· Dans ce même

numéro " Regard sur le vieux monde " règle des

comptes avec l'écologie.

+ Prosper (Oistributisme­

Ecologie-Usages) vise, dans

deux productions, à une ap­

proche plus globale et plus

critique des différentes fa­

cettes du réformisme y com­

pris de ceux qui peuvent se

prétendre radicaux. " Les

chantiers de la décrois­

sance : libérer le Travail du

Marché " propose maintes

solutions et, s'il est une

bonne approche critique,

reste muet sur les moyens

et le processus éventuel

d'un changement radical du

système. L'autre publication,

" Faire dépendre le service

public, les droits sociaux, la

recherche obtenue à n'im­

porte quel prix écologique et

social, est-ce bien intelli­

gent ? " aborde le même

problème sous un angle plus

individualisé ; la survie du

capitalisme dépend effecti­

vement d'une croissance

(laquelle peut repartir après

des destructions de capital,

matérielles et humaines)

dont dépend l'élément cen-

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 53

Page 25: ECHANGES - archivesautonomies.org

On peut voir que les dispositions ul­

times de la loi Fillon concernant les dis­

cussions entre patronat et syndicats resti­

tuent un pouvoir aux<< grandes» centrales

représentatives, tentant de prévenir la mon­

tée d'oppositions de base. D'une certaine

façon, elles tentent de régulariser les pra­

tiques qui se sont tissées lors des discussions

souvent ardues lors de l'application des

lois Aubry et qui avaient tendu à donner

plus de pouvoir aux travailleurs dans l'or­

ganisation excessivement détaillée de l'ar­

ticulation temps de travail/salaires.

Il est bien possible que ces dispositions

ne soient que l'amorce d'une évolution

vers une rationalisation plus poussée des re­

présentations dans 1 'entreprise et à un en-

52- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

cadrement plus strict de la force de travail.

Bien sûr, de telles réformes tiennent

compte du présent rapport de forces dans

les entreprises dont elles tentent d'antici­

per les évolutions, si tant est qu'elles le

puissent réellement.

Malgré le climat de<< sinistrose>> en­

tretenu par le discours dominant et malgré

la question des salaires, ce contrôle dans l'en­

treprise seront-ils suffisants pour préve­

nir une remontée brutale de mouvements

ccontraignant à revenir à des accords col­

lectifs globaux ry Cela rendrait totalement

inefficace la réforme imprécise et inache­

vée de la loi Fillon.

li. S.

'# )

@

~~ y:( y

J

+ l" janvier: proclamation de la république

de Chine à Nanjing.

+ 16 janvier: le gouvernement engage des

négociations avec la Russie en vue de fixer

les zones d'influence de chacun en Mand­

chourie et en Mongolie. Ces pourparlers abou­

tiront au traité russo-japonais, conclu le 8

juillet, qui autorise l'extension de l'influence

japonaise jusqu'en Mongolie intérieure.

+ 12 février: l'empereur chinois Xuantong

(nom de règne [1909-1912] de Puyi [1906-

1967]) abdique, mettant fin à la dynastie des

Qing. Puyi sera plus tard nommé par les Ja­

ponais régent ( 1 932) puis empereur ( 1934-

1945) du Mandchoukuo, sous Je nom de

Kangde (Kôtoku, en japonais).

+ 10 mars Yuan Shikai (1859-1916) est

nommé président de la république chinoise à

Beijing.

+ 26 JUin : le renchérissement du riz provoque

des émeutes dans la préfecture de Toyama

(d'où partiront aussi les émeutes du riz [kome

sôdôjenjuillet 1918).

+ 30juillet: mort de Mutsuhito; 1912 de­

vient ]3 dernière année de l'ère Meiji et la pre­

mière annee de l'ère Taishô.

+]''août: SuLuki Bunji (1885-1946) fonde

la Yûaikai (Société fraternelle) avec 15 per­

sonnes. A la fin de l'année, ce syndicat comp­

tera plus de 260 adhérents.

+ 1" octobre· Üsugi Sakae et Arahata Kanson

lancent l" revue A"wdai Shisô («La Pensée

moderne>>) qui publiera certains écrivains ou­

vriers. tels que M~;ajirna Sukeo ct Miyachi

Karoku. annonçant ainsi la littérature prolé­

tarienne des annees 1 '120. La revue s'achè­

vera sur sun 2\" n<l!néro le l'' septembre 1914.

+ 30 n<>t"l'lllhrc le !':~rlcmcnt refuse le pro­

jet d11 ministn· de ["armée de terre, Uehara

Yûs:1kt1 ( 1 x~r, 1 'l.l ÎJ. d":~ugrnentcr les effec­

tifs milit:llrt·s en ( "nn·"L". celui-ci démissionne

le 2 tktTrnhrt·. t·ntr:lill:lllt l:o chute du cabinet

de SainllJI Kllllll<•t·lu le~

+Décembre: le 13, des intellectuels libéraux

(journalistes. édite urs, avocats, etc.) fondent

la Kensei sakushin kai (Association pour la ré­

génération de la politique constitutionnelle) ;

le 14, des membres de la Kôjun sha (Amicale

des anciens élèves de l'université de Keiô. fon­

dée en 1880) forment la Kensei yôgo kai (As­

sociation pour la protection de la politique

constitutionnellle). D'autres formations simi­

laires suivront, qui protestent toutes contre la

politique du gouvernement et l'augmentation

des dépenses militaires; ce mouvement de pro­

testation contre les clans du sud-ouest s'étend

rapidement à tout le pays.

+ 21 décembre: formation du troisième cabi­

net de Katsura Tarô (1847-1913) à la suite de

la démission du cabinet Saionji ; il ne durera que

53 jours.

:1.9:1.3 + Février: face aux troubles qui secouent le

pays à la suite de l'agitation menée par les in­

tellectuels libéraux (les sièges de journaux

censés être à la solde du gouvernement et des

postes de police sont incendiés par la foule à

Tôkyô, Ôsaka, Kôbe, Hiroshima et Kyôto),

Katsura annonce la prochaine fondation d'un

nouveau parti, la Ri kken dôshi kai (Associ3-

tion des partisans de la Constitution), pour

contrecarrer l'influence de la Rikken seiyû

kai (Association des amis du gouvernement

constitutionnel). Le nouveau parti ne sera

fondé que le 23 décembre, après la mort de

Katsura le 10 octobre.

+ Il février: chute du troisième cabinet Kat­

sura. Yamamoto doit s'allier au Ri kken seiyû

kni pour renverser Katsura et accéder au pou­

voir le 20 février.

+ Septembre-octobre : le l" septembre.

l":umée de Yuan Shikai entre dans Nanjing y

tuant des ressortissants japonais: le 7, des

manifestants sc regroupent au parc de Hi biya.

à Tôkyô pour protester contre les incidents de

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 25

Page 26: ECHANGES - archivesautonomies.org

Nanjing. En compensation. le Japon obtient

J'accord de la Chi ne pour la construction de che­

mJns de fer en Mandchourie et reconnaît le

gouvernement de Yuan Shikai en octobre.

+ 25 octobre: lshihara Osamu publie un rap­

port. Jokô to kekkaku ( << Les Ouvrières et la

tuberculose»), dans lequel il dénonce les

conditions insalubres du travail en filature

comme cause principale de la tuberculose qui

est à l'origine de 70% de la mortalité dans ce

secteur d'activité.

+ On dénombre 47 conflits du travail, aux­

quels ont participé 5 242 travailleurs.

1.914

l'armée. et avait. pour ce faire. passé de fortes

commandes ilia maison allemande Krupp-Sie­

mens. Des employés de cette maison, un peu trop

bavards, révèlent qu'ils ont graissé la patte de

nom breux officiers de haut rang pour obtenir

ces commandes. Une manifestation de pro­

testation réunit 40 000 personnes dans le parc

de Hi biya, à Tôkyô. Yamamoto se démet le 23

mars. Le comte Ôkuma (76 ans) (1838-1922)

Je remplace et le baron Katô Takaaki lou

Kômei] (1860-1926) (chef, au côté de Kat­

sura, du parti Rikken dôshi kai !Association

des partisans du gouvernement constitution­

nel]. adversaire du Rikken seiyû kai) est

nommé aux Affaires étrangères.

+ 23 mars: Yamamoto. amiral. poursuivant

l'application des programmes navals adoptés

depuis 1903, avait favorisé l'armement de la ma­

rine par rapport aux autres branches de

+ 28juin: assassinat de J'archiduc d'Autriche

Franz Ferdinand à Sarajevo.

+ 8 août: Je Japon entre en guerre aux côtés de

la France, la Grande-Bretagne et la Russie.

DANS LES PUBLICATIONS/ JAPON

Mouvement ouvrier et syndicalisme

• Un Centre d'études trans­

nationales du mouvement

ouvrier, sis au Japon, publie

depuis 1996 un Bulletin en

anglais (voir précédents nu­

méros d'Echanges) sur le

travail au Japon depuis les

an nées 1990, où Je chô­

mage officiellement déclaré

atteint maintenant environ 5

%de la population active et

où Je travail précaire ainsi

que le travail des femmes

sont devenus la norme.

• Le premier, " Achieve-

mouvement syndical inter- ments and prospects of the

national et japonais, avec Community Union Move-

une parution assez irrégu- ment ., (" Réalisations et

li ère qui semble s'être der- perspectives du mouvement

nièrement stabilisée à une syndical communautaire"),

fo1s par an. s'intéresse à l'histoire et aux

Dans le no 9 (novembre perspectives du syndica-

tion du syndicalisme sus- mique qui sévit depuis les

tée par-celle du marché du années 1990, avec les

faillites à répétition des pe­

tites et moyennes entre­

prises et la montée de J'em­

ploi précaire dans les

grandes, a amené J'émer­

gence d'un nouveau syndi­

calisme. Les syndicats s'oc­

cupant de ces questions

sont présents plus au niveau

du quartier que d'une en­

treprise particulière, contrai­

rement à ce qu'il en était

jusqu'alors au Japon. Et ils

commencent maintenant,

après s'être regroupés na­

tionalement, à se lier avec

le syndicat d'industrie ma­

joritaire Rengô, né en 1989.

• Le deuxième article, " Le

mouvement ouvrier dans ~004), on trouvera quatre lisme de quartier (commu-

r.ticles qui montrent J'évo- nity union). La crise écono-

~~~~~~~---~~~~~~~~~---~~~~~~---~--~---~-------

26- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

triel), nationaux ou régionaux et d'entre­

prise ne modifie pas fondamentalement les

règles antérieures. L'accord en question

pourra toujours être signé par un seul syndicat

(toujours représentatif au niveau concerné),

même minoritaire mais. et c'est là l'inno­

vation, ne pourra être valable que si trois

organisations syndicales sur les cinq re­

connues représentatives (pour les accords

interprofessionnels ou de branche profes­

sionnelle) ou un ou plusieurs syndicats ayant

recueilli la majorité des suffrages exprimés

au premier tour des élections du Comité

d'entreprise ou à défaut de délégués duper­

sonnel (pour les accords d'entreprise) ne

s'y opposent pas. Cela paraît déjà compliqué

pour qui n'est pas habitué aux jongleries

des représentations syndicales et des ac­

cords divers qui s'emboîtent comme des

poupées gigognes.

Signalons deux points qui, parmi bien

d'autres, valent la peine d'être relevés:

+en aucune façon il n'est prévu de

consultation des principaux intéressés, à

savoir les travailleurs concernés. Seules les

organisations disposent du pouvoir légal de

conclure ou de s'opposer. C'est bien dans la

ligne du renforcement du pouvoir des syn­

dicats<< majoritaires>>, ce qui donnait son

sens à une réforme, écartée, plus radicale.

Une fusion éventuelle, comme celle qui se

dessine entre la CGT et la CFDT, pourrait

conduire à une exclusion de fait des<< petits ,

syndicats.

+il est question d'utiliser le<< premier

tour des élections >>pour cerner une majo­

rité. ll faut connaître un des mystères des

élections d'entreprise : au premier tour

seuls peuvent être candidats ceux présen­

tés officiellement par les organisations syn­

dicales représentatives ; si ceux-ci re­

cueillent moins de la moitié des inscrits,

un deuxième tour est obligatoire avec cette

fois des candidats libres. La règle fixée par

les accords élimine toute percée d'un syn­

dicat non reconnu ou de travailleurs de base

soutenus par la majorité des travailleurs de

l'entreprise dans la fixation ultérieure de

la réglementation du travail par des accords

d'entreprise.

De telles dispositions peuvent paraître

mineures, mais on doit considérer la si­

tuation globale des relations de travail dans

la période présente: au cours des dernières

années, l'ensemble des conventions col­

lectives nationales ou régionales, profes­

sionnelles ou interprofessionnelles qui cha­

peautaient les conventions d'entreprises

(et qui sous-tendaient des actions collec­

tives régionales ou nationales) ont prati­

quement toutes été balayées ou réduites à

un cadre très flou de sorte que les accords

d'entreprise ont pris une beaucoup plus

grande importance que dans le passé.

L'unité de lutte que pouvait apporter la

fixation de règles de travail hors du cadre

étroit del 'entreprise a disparu dans une

double dispersion, celle engendrée par des

discussions boîte par boîte et celle résul­

tant de différenciation par entreprise ct par­

fois par lieu de production.

Une telle tendance a été particulière­

ment accentuée par les lois Aubry qui ont

fait que les discussions pour l'application

des 35 heures devaient être négociées en

tenant dompte des caractéristiques parti­

culières à la production de chaque établis­

sement. Cela fut particulièrement béné­

fique pour les directions d'entreprise qui

échappaient ainsi à tout mouvement d'en­

semble, à toute réglementation globale et pou­

vaient adapter au plus près temps de tra­

vail. utilisation de la force de travail et

exigences de la production. Chacun sait

qu'ils y gagnèrent la meilleure producti­

vité horaire par travailleur au monde.

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-51

Page 27: ECHANGES - archivesautonomies.org

la fois les délocalisations, le développe­

ment de la sous-traitance ct de l'externa­

lisation. Schématiquement, on peut dire

que toutes ces modifications des structures

de l'entreprise capitaliste, de même que le

développement d'un arsenal de statuts pré­

caires dérogeant aux régulations au droit du

travail comme aux conventions collectives

étaient et sont dictées par le souci d'échap­

per à l'ensemble des régulations existant de­

puis un demi-siècle et à la quasi-impossi­

bilité de balayer d'un coup le bloc central

de ces régulations, sauf par des mesurettes

de détai 1. Une utilisation perverse mais parfaite­

ment légale par le patronat des procédures

de conclusions d'accords collectifs jouait

sur la présence soit sous forme de délé­

gués. soit sous forme de représentants,

d'une multiplicité de syndicats (il pouvait

y en avoir plus de 5 ou 6. tous détenteurs

du même pouvoir légal, quel que soit Je

nombre de leurs adhérents ou votes dans

les élections d'entreprise). Il suffisait de la

signature d'un seul syndicat, même quasi

inexistant dans l'entreprise ou dans la

branche, à un accord collectif avec le pa­

tron ou un syndicat patronal pour que 1' ac­

cord soit valable et s'applique automati­

quement à 1 'ensemble de la collectivité des

travailleurs visés dans cet accord. Les

autres syndicats n'avaient souvent d'autre

ressource, après avoir vilipendé verbale­

ment le signataire de l'accord auquel ils

ne pouvaient s'opposer, que d'y adhérer

ultérieurement, tout simplement pour res­

ter dans la course de la'' représentation

ouvrière». Cette disposition fut largement

utilisée au cours des années. Mais bien

qu'elle ait soulevé souvent des protesta­

tions (et même provoqué des grèves). ce

n'est pas un souci de justice sociale qui a

conduit c~s dernières années à des études

50- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

sérieuses pour que toute cette procédure

soit modifiée pour la rendre plus adéquate

aux intérêts actuels du capital.

Parmi les projets qui furent étudiés ré­

cemment, l'un des plus radicaux dans ce

domaine consistait à reprendre le système

américain ou britannique donnant, avec

des procédures diverses, à un seul syndicat

la reconnaissance légale pour la fonction

d'intermédiaire dans les fixation des règles

s'imposant aux relations de travail dans

l'unité de travail considérée. L'applica­

tion d'un tel système aurait permis de faire

d'une pierre deux coups: il réduisait dras­

tiquement le nombre de délégués et re­

présentants syndicaux simplifiant et faci­

litant ainsi l'élaboration et 1 'application

de ces règles, il permettait d'éliminer les

<<petits» syndicats dont l'activité se ré­

duisait au rôle d'agitateurs sans pouvoir

légal.

Pourquoi une telle formule n'a-t-elle

pas été retenue bien qu'elle ait semblé ne

pas rencontrer d' opposition de la part des

deux« grands», CGT et CFDT? Difficile

de savoir car cela a été réglé dans le si­

lence des cabinets ministériels avec l'ac­

cord des syndicats; on peut penser que les

mêmes résistances des appareils syndicaux

dont nous avons parlé et peut-être même

d'une fraction du patronat soucieux de

conserver avec les« petits>> syndicats une

soupape de sûreté prévenant toute expres­

sion d'autonomie non contrôlée, ont pu in­

fluer la demi-mesure que constitue la loi

Fi lion.

L'ESSENTIEL DES NOUVELLES REGLES (qui

précisons-le ne concernent que le sec­

teur privé ou public soumis à la ré­

glementation générale du droit du travail)

dans la conclusion d'accords collectifs it

tous les niveaux, interprofessionnt:!s ct Je branche (c'est-à-dire d'un secteur indus-

une perspective des sexes et

l'alternative d'un mouve­

ment ouvrier des femmes "

(sur la ségrégation profon­

dément enracinée des

femmes dans les pratiques

du mouvement ouvrier),

aborde la question de l'em­

ploi féminin et des pro­

blèmes spécifiques qui y

sont liés. Parce que là aussi

la crise économique a bou­

leversé les structures tradi­

tionnelles , il y a eu une ex­

plosion du chômage, du

nombre de célibataires et de familles monoparentales. Le

Japon reste. selon les

propres termes de l'auteure,

" le pays où les différences

de sala1res entre hommes

et femmes sont les plus 1m-

portantes au sein des pays

développés et le pourcen­

tage de femmes cadres le

plus bas ". Cette structure

se retrouve naturellement

au sein des syndicats qui re­

crutent les hommes em­

ployés par de grandes en­

treprises avec des contrats à durée indéterminée, et re­

produisent donc la ségré­

gation hommes/lemmes qui

a cours sur les lieux de tra­

vail. L'auteure, membre

d'une ONG luttant pour

l'égalité des femmes et des hommes, voit une action

possible contre cette discri­

mination dans la formation,

entre autres, de sections lé·

minines à l'intérieur des

syndicats et dans la lutte qUI

prend de plus en plus d'am­

pleur contre le harcèlement

sexuel sur le lieu de travail.

+ Les troisième et qua­

trième articles traitent du

problème de la sécurité sur

les lieux de travail, de la

santé des travailleurs et de

l'action des ONG et des syn­

dicats dans ce domaine

" Activités passées et pré­

sentes du Centre de res­

sources pour les questions

de santé et de sécurité dans

le travail au Japon " (spé­cialement dans le travail des dockers).

+ Adresse Center for

Transnational Labor Stu­

dies, Shimomae 1-14-15-

506. Toda-shi, Saitama-ken

335-0016, Japon. J ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005- 27

Page 28: ECHANGES - archivesautonomies.org

ÉTATS-UNIS

L'ARMÉE AMÉRICAINE ET SES DÉSERTEURS

Le Pentagone estime que depuis le début de la guerre en Irak plus de 5 500 militaires ont déserté. Parmi eux, bien peu sont des objecteurs ou donnent des raisons politiques à leur geste

A PRES LES REFUS D'OBÉISSANCE de mi­

litaires américains en Irak et les ré­ponses que l'Etat-Major y avait ap­

porté (voir Echanges no Ill, p 18),

d'autres développements sont maintenant

rendus plus ou moins publics concernant celte résistance à la guerre, qui ne s'ex­prime pas dans 1 'activisme des manifesta­

tions mais dans des attitudes concrètes que l'on pourrait résumer par le refus d'aller se faire tuer dans un conflit dont les soldats

ne voient pas l'utilité.

Nous avions évoqué le fai.t que, faute

de pouvoir engager des unités combat­tantes. près de la moitié des troupes amé­

ricaines était formées de membres actifs ou de réserve de la Garde nationale, af­

fectés à des opérations d'intendance, cru­

ciales pour l'approvisionnement des unités combattantes, habituellement peu dange­reuses notamment lorsque, comme c'est

encore le cas dans cette guerre, l'un des

belligérants dispose de la maîtrise totale

des airs. C'était sans compter sur l'exis­tence d'une guérilla particulièrement bien

armée. Une bonne partie des membres de la Garde Nationale ne sont pas des foudres

de guerre et ne se sont engagés dans cette unité que pour bénéficier des avantages

sociaux qui y sont attachés et nullement pour aller se faire tuer dans une occupa­

tion milit.J.ire faite pour durer.

28 -ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

Bien qu'ayant allégé les effectifs des

bases militaires réparties dans le monde entier et tenté de faire passer certaines des

opérations d'occupation à des alliés réticents (comme dans l'ex-Yougoslavie ou en Af­ghanistan), l'armée américaine se trouve

confrontée à des problèmes grandissants qui peuvent contraindre les Etats-Unis soit

à prendre des mesures beaucoup plus contraignantes, soit d'affaiblir encore plus ses forces de domination directe de par le

monde. Ces problèmes sont de deux ordres. mais, de toute évidence, ils ressortent de la

même cause :le refus de s'impliquer dans cette guerre, d'y risquer sa vie.

L'un de ces problèmes concerne la

principale hantise des militaires avec la mutinerie : la désertion. On sait le rôle que

ces deux résistances à la guerre ont joué au Vietnam. << A.W.O.L. »(Absent Without Leave, absent sans permission) est le nom donné aux Etats-Unis au déserteur. Le Pen­

tagone estime que depuis le début de la

guerre en Irak plus de 5 500 militaires ont déserté, les uns cachés aux Etats-Unis, les autres ayant cherché refuge dans les pays voisins dont le Canada (1). Parmi eux, bien

( 1) Ces données sont extraites d'un long rapport qui, d'après différentes sources, notamment des témoignages directs, analyse les désertions dans l'armée américaine (A WOLin America. wh en dnerrion is The on/y opTloll, par Katie Dobie,en anglais, copie à Echanges).

ces si té pour ceux-ci de se répandre sur des

marchés à leur dimension ce qui entraînait la constitution de vastes entités écono­

miques (Al ena et Mercosur dans les Amé­riques, Union européenne, etc.) et au ni­

veau mondial (OMC). Parallèlement, dans

une période plus récente, le capital à la re­

cherche de profits reconquérait pratiquement l'ensemble du secteur étatique (dont l'exis­tence n'était plus nécessaire) et pénétrait des secteurs dont il s'était désintéressé

jusqu'ici (notamment dans ce que l'on ap­

pelle les<< services»).

Il fallait, pour que ces modifications dans la mainmise du capital soient totale­

ment profitables, que les règles fixées dans une orientation capitaliste d'Etat soient totalement modifiées, afin de s'adapter

aux relations de travail induites par ces

nouvelles structures économiques, sociales et politiques du capital. Les résistances, ouvrières pour la préservation des << ac­

quis>>, syndicales pour la préservation du

pouvoir social des appareils syndicaux. ré­sistances souvent conjuguées (mais pas toujours) dans une sorte de coalition d'in­térêts, faisaient que, à part des modifications

de détail, il était difficile politiquement de transformer un système devenu obso­

lète. L'accroissement du chômage et la to­lérance politique et syndicale de situations de fait à la marge de la légalité, allaient permettre d'édulcorer et de tourner les ré­

sistances ouvrières. C'est ce qui se déroule

dans la période présente.

Relativement aux problèmes juridiques soulevés par la signature des accords col­lectifs fixant les conditions de travail, le pro­

blème est apparu très tôt avec une multi­plication des syndicats, ce qui n'avait pas

du tout été prévu et qui va sérieusement compliquer les situations et fausser le sys­

tème. Pour une bonne part. l' apparition de

nouveaux syndicats venait du fait que, avec

l'évolution du capital et des structures ca­

pitalistes, les syndicats<< reconnus >>,intégrés dans le système, ne pouvaient qu'accep­ter les modifications des conditions d'ex­

ploitation des travailleurs. Mais les<< nou­veaux» syndicats, quelles qu'aient pu être

leurs intentions de départ, gagnaient à leur

tour, pour des raisons plus politiques ou stratégiques à court terme du patronat, le même pouvoir légal et. de par leur fonc­

tion même d'intermédiaires dans la fixation

des conditions d'exploitation montraient

finalement la même incapacité de résoudre les problèmes qui se posaient pour lestra­vailleurs.

Le résultat était double: +d'un côté, leurs effectifs déclinaient

pour descendre au-dessous de 10% de l'ensemble des travailleurs (avec une ré­

partition très inégale suivant les secteurs pu­blic ct privé et la professsion), tarissant leur source militante et donnant encore

plus de poids à leur pouvoir légal, dé­voyant leurs actions vers la protection de ce pouvoir. ce qui les poussait encore plus dans la voie d'une bureaucratisation

conformiste et d'une politique gestion­

naire ;

+d'un autre côté, une multiplication légale dans l'entreprise du nombre de dé­légués et de représentants syndicaux, po­sant des problèmes de coût dans une pé­

riode de pression économique intense

Tout cela a entraîné une grande com­plexité dans les discussions paritaires et l'utilisation perverse par le patronat des procédures d'accords collectifs antérieurs.

L'ensemble de ces conséquences dans

la persistance de règles juridiques in­adaptées donc obsolètes pour le capital

peuvent npliquer, au moins en partie, à

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-49

Page 29: ECHANGES - archivesautonomies.org

règles d'élaboration de conditions de tra­

vail mieux adaptées à la situation pré­

sente '7

Retracer l'évolution du capitalisme,

des techniques de production ct de l'en­

semble des régulations sociales, est une

tâche conséquente qui dépasse largement

le cadre de cet article et même d'une bro­

chure. Aussi, après un bref historique, nous

contenterons-nous d'examiner en quoi la

nouvelle loi répond vraiment à une situa­

tion nouvelle.

L'ensemble du cadre des relations de

travail (y compris tout un arsenal de ré­

formes sociales) dans l'immédiat après­

guerre avait pour but de tenter d'associer

la classe ouvrière à la reconstruction de

1 'appareil productif au profit du capital

national. Cette reconstruction se fit sous

la forme d'un capitalisme d'Etat, dans le­

quel la nationalisation des secteurs clés de

1 'économie ne répondait pas seulement à

l'ensemble des réformes sociales, qui

n'étaient n ullcment une conquête ouvrière

comme on le prétend souvent, mais une

concession temporaire et intéressée dans

une réponse biaisée aux espoirs nés des

souffrances de la guerre, des ti née à éluder

un mouvement plus ample dans le style de

ce qui avait suivi la première guerre mon­

diale ; une place importante était donnée aux

syndicats dans la gestion de cette économie

capitaliste d'Etat et des organismes so­

ciaux gérant l'ensemble des réformes so­

ciales. entretenant l'illusion qu'un appareil

syndical était l'expression <<démocratique

»de la volonté des travailleurs et non un ap­

pareil d'encadrement et de contrôle du rap­

port de forces travail-capital.

Faute de pouvoir décréter juridique­

ment qu'un syndicat unique serait, comme

dans beaucoup de pays capitalistes d'Etat,

la courrai~ idéale de transmission des dé-

48- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

cisions économiques et sociales vers le

prolétariat, il fut créé la notion de<< re­

présentativité>>, qui entérinait une situation

de fait dans la domination quasi totale de

la CGT dans les relations de travail. 11

s'agissait alors pratiquement d'un syndicat

unique. Les règles strictes de cette repré­

sentativité garantissait qu'aucun autre syn­

dicat ne viendrait troubler cette construc­

tion favorable au capital. Corrélativement,

la régulation des conditions de travail par

des accords collectifs patronat-syndicat

donnait à un seul syndicat représentatif (la

CGT) le pouvoir d'apposer une signature

qui s'imposait alors à l'ensemble des tra­

vailleurs visés dans la collectivité définie

dans cet accord. Toute une hiérarchie d'ac­

cords collectifs, nationaux interprofes­

sionnels, d'industrie, d'entreprise enser­

raient le travailleur auquel on ne demandait

en aucune façon s'illes acceptait ou pas

(à cette époque, la<< démocratie>> ouvrière

n'existait pratiquement pas avec les grèves

<< presse-houton »,il faudra attendre plus

de vingt ans pour que des votes sanction­

nent des accords et la reprise éventuelle

du travail).

P ENDANT PLUS DE CINQUANTE ANS

cette règle juridique sur la repré­

sentativité et les accords collectifs

validés avec la signature d'un seul syndi­

cat représentatif perdurèrent. Mais,

quelques années après sa mise en œuvre,

la situation économique, sociale et poli­

tique qui avait sous-tendu cette construction

juridique s'était totalement modifiée, ce

qui a entraîné des effets pervers.

La compétition capitaliste mondiale a

contraint à tout un ensemble de restructu­

rations concernant l'organisation du capi­

tal : une concentration en trusts nationaux

voire multinationaux par la disparition ct

1 'élimination des maillons faibles, la né-

peu sont des objecteurs ou donnent des rai­

sons politiques à leur geste et, bien sûr,

l'armée et le gouvernement restent parti­

culièrement discrets sur ce fait- bien

qu'ils procèdent comme il se doit à la

chasse à l'homme. Dans le passé, l'armée

américaine a déjà connu des désertions,

particulièrement en raison de la jeunesse des

recrues (puisées notamment, avec pro­

messes à la clé, dans les minorités ra­

ciales), de la médiocre sélection et de la

dureté de l'entraînement. Cela avait changé

avec le souci de redorer le blason de

l'armée , la sélection plus sévère fait que

l'armée de <<volontaires» est aujourd'hui

composée en majorité de Blancs plus

<< copie conf orme >>de 1 'Américain moyen

venant des campagnes profondes et non

des ghettos.

Avant septembre 200 l, les déserteurs

étaient tout simplement exclus de l'armée.

Mais depuis le ll septembre les règles ont

été changées et les déserteurs repris par la

police sont, s'ils en valent la peine, réintégrés

dans 1 'armée. Depuis le début de la guerre

d'Irak, plus de 50 000 militaires ont dü

être évacués, morts ou blessés de toutes

sortes. Ils doivent être remplacés, d'où

toute une série de mesures pour << mobi­

liser», garder le plus possible au-delà de

leur temps les militaires, d'où une grande

tolérance dans les conditions de recrute­

ment -d'où, aussi, !"augmentation du

nombre des désertions.

Le nombre des appels à l'aide de mili­

taires auprès d'un organisme spécialisé

dans la protection des militaires quant à

leurs droits est monté, selon le rapport déjà

cité, de 17 000 en 2001 à 33 000 en 2004.

Pourtant, 1' appareil médiatique américain

fait des prouesses inhabituelles pour dis­

simuler, notamment par la censure des

images de la guerre et de ses conséquences,

tout ce qui pourrait<< saper le moral» de

1' arrière.

L'autre problème concerne la cadence

des recrutements, qui seule peut permettre

de remplacer les v ides laissés par les pertes

et les désertions. Le Pentagone vient de

communiquer les chiffres récents : concer­

nant l'armée proprement dite, le recrutement

est inférieur aux espérances pour janvier

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-29

Page 30: ECHANGES - archivesautonomies.org

et février 2005. Rien qu'en février, cette

baisse est de 27 %. Même le prestigieux

corps des marines est touché par cette

baisse, la Garde nationale n'a pas atteint

en 200-l son quota de recrutement et cela

continue.

en raison du précédent de la guerre du

Vietnam et la résistance diffuse à la guerre.

les risques d'une telle mesure seraient tels

que même les plus nationalistes n'osent la

poser ouvertement pour le moment.

En septembre 2004, le Defense Science

Board, un organisme de conseil du Penta­

gone, a conclu que, dans la situation pré­

sente. les Etats-Unis ne pourraient assu­

mer l'ensemble de leurs engagements vu

le nombre inadéquat de troupes dispo­

nibles. Il est question dans les cercles gou­

vernementaux de rétablir la conscription

avec un système de tirage au sort. Mais,

Nous n'évoquons pas ici le coût finan­

cier pour le budget américain de la poursuite

de la guerre et 1 'impact de ce surcoût sur

toute l'économie. Nul doute que cette don­

née jouera son rôle dans les décisions qui

pourraient être prises quant aux réponses

tant politiques qu'économiques pourfaire

face aux conséquences de l'enlisement en

Irak.

H. S.

DANS LES PUBLICATIONS/ÉTATS-UNIS

Dépenses militaires + " A little perspective on

87 milliards de dollars " (Une

petite perspective sur 87 mil­

liards de dollars) :quelques

pages sur une évaluation des

dépenses militaires entraî­

nées par les engagements

impérialistes des Etats-Unis

dans le Moyen-Orient

(quelques feuilles, en anglais,

copies à Echanges).

Classes, luttes, grèves +Pour comprendre quelque

peu la situation de classe aux

Etats-Unis : " A Republican

Proletariat "de Tom Merles dans New Le ft Review no 30,

nov. dec. 2004 et " The 2004

election gave no mandate to

continue the war and attack

social security " (L'élection

de 2004 n'a donné aucun

mandat pour poursuivre la

guerre et attaquer la sécurité

sociale) dans Glass Struggfe

no 46, février-avril 2005 (les

deux articles en anglais,

copie à Echanges).

+ " How US corporation won the immigration debate ,

(Comment le monde des af­

faires américain a gagné le

débat sur l'immigration), la

croissance du management des migrations, en anglais

dans Z Magazine (copie à Echanges).

+ " Life and Times of a

Tramp Burg/ar", c'est la qua­

trième livraison de la vie d'un

clodo cambrioleur à Balti­

more. Dans Street Voice

no 76, 2004, avec d'autres

notules sur la vie des déchus

et exclus du système.

+ Dans Against The Current

no 1 (vol. XX}, mars-avril

30- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

2005, plusieurs articles com­

mémorent le centenaire des

Wobblies (en anglais, copie

à Echanges).

Wai-Mart + " Wai-Mart Profits from China's Sweatshops , (Wal­

mart profite des "sweat­

shops" de Chine) dans The

People no 4 , novembre-dé­

cembre 2004 (en anglais,

copie à Echanges).

+ "Taking on Wai-Mart " (Comment le mouvement

ouvrier peut faire craquer le

programme anti-syndical de

Wai-Mart) dans Profetarian Revolution no 73, hiver 2005

(en anglais, copie à

Echanges).

+ " Progressive Union Lea­

ders Betray Hotel Strike , (les

leaders syndicaux progres­

sistes trahissent la grève desj

LE SENS DE LA LOI FILLON

SUR LES CONVENTIONS COLLECTIVES

Capitalisme et techniques de production : ce que portent les nouvelles règles d'élaborations des conventions collectives et règlements d'entreprise

LES NOUVELLES REGLES de validité des

accords collectifs fixant les condi­

tions d'exploitation du travail bapti­

sées<< loi Fillon 2004 >>n'ont guère sou­

levé de protestations de la part des syndicats tant ouvriers que patronaux.

Pourtant, on peut s'interroger non seule­

ment sur le sens de ces nouvelles règles

mais sur les causes plus profondes qui ont

conduit à modifier une situation juridi­

quement réglée depuis plus d'un demi­

siècle. Un des éléments essentiels de l'ex­

ploitation de la force de travail est dans la

mise en œuvre du capital variable avec des

procédés, les uns résidant dans les tech­

nologies sur lesquelles œuvrent lestra­

vailleurs. les autres. déterminés en partie

par ces technologies, dans un ensemble de

régulations que le travailleur doit respec­

ter sous peine de sanctions et qui doivent

assurer dans des conditions optimales la

production de la plus-value.

L'ensemble de ces régulations est un

élément des techniques de production et

définit les formes d'encadrement du tra­

vail, cc qui se traduit par ces règles juri­

diques qui définissent ce que l'on appelle

le contrat de travail- un contrat inégal

dans lequel les droits et devoirs du tra­

vailleur salarié sont très déséquilibrés au

profit du capital, ce déséquilibre pouvant

sc modifier pour un temps plus ou moins

long avec les fluctuations du rapport de

force capital-travail.

Il est bien évident qu'une entreprise

n'est jamais statique, dans un environne­

ment capitaliste caractérisé par la concur­

rence et la mi se en œuvre de ces nouvelles

techniques de production ; elle est tou­

jours, petite ou grande, insérée dans une

dynamique objective. Les conditions d'ex­

ploitation des techniques et de la force de

travail lui sont imposées par les nécessi­

tés de sa survie, c'est-à-dire de la renta­

bilité du capital investi. On oublie trop

souvent que, pour l'entreprise capitaliste,

c'est une question de vie ou de mort.

Il s'ensuit que les règles qui ont été

fixées à un moment historique dans le pro­

cès de production ne peuvent être im­

muables et que cette dynamique impose

au capital, à 1 'entreprise, d'adapter

constamment la régulation de l'exploita­

tion du travail, de révolutionner ce que lui

même avait imposé et/ou accepté dans des conditions antérieures. Il s'agit de tout un

ensemble complexe où interviennent de

nombreuses données de base, la lutte de

classe, c'est-à-dire les résistances à 1 'ex­

ploitation jouant un rôle central tant dans

les décisions de transformation du procès

de production que dans les conditions de

mise en œuvre des nouvelles techniques

de production.

Peut-on retracer ce qui, dans les trans­

formations dans la mise en œuvre du ca­

pital en France, a conduit à modifier les

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-47

Page 31: ECHANGES - archivesautonomies.org

démoralisation des militants et une stag­

nation des forces ainsi que l'absence

d'une réelle stratégie tournée vers le sec­

teur privé. La représentativité institu­

tionnelle ainsi que le spectacle d'une belle

union avec la FSU peuvent cacher, pour un

temps, une crise de développement.

Il a souvent été dit que derrière cette

recomposition se cache une manœuvre

entre la LCR et des courants rénovateurs

du PCF. Si des forces politiques ont pu

aider à cette alliance, les raisons pro­

fondes sont à rechercher dans la stratégie

d'apparatchiks qui défendent leurs intérêts

matériels et moraux, à savoir un appareil

syndical qui leur garantit leur condition

sociale de "cadres syndicaux". Les mé­

thodes antidémocratiques ont pour le

moins choqué au sein de l'US. Une ma­

jorité de syndicats s'est même constituée

au sein du conseil fédéral de Sud-PTT

pour réorienter la recomposition propo­

sée. Il en est de même au sien des ins­

tances du CliO où plusieurs syndicats ont

vivement cntiqué le diktat de la direction

de Sud-PTT. Le projet adopté par le G 10 est donc la

création d'un pôle intersyndical ouvert à

toutes les organisations syndicales qui

s'opposent au libéralisme. La plate-forme

de débat proposée sera forcément très

A lire aussi

+ Dans Courant alternatif no 146 (février

2005) " La Confédération européenne

des syndicats (CES) et le traité de consti­

tution européenne. ,

+ " Recomposition syndicale ou ma­

nœuvre d'appareil ? , , dans Syndicaliste

(CSR) no 23 (mai 2004).

46- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

vague pour que l'appareil de l'US, très

influencé par Sud -PTT et le SNUI Impôt,

puisse confirmer leur stratégie d'ouver­

ture la FSU. Cette perspective est dra­

matique car la pesanteur de la FSU va

venir s'ajouter à celle du SNUI et des

autres syndicats corporatistes del 'US. Il

est évident que cette construction au som­

met va bloquer toute dynamique de mili­

tantisme interprofessionnel. Le CSR sou­

tient l'appel lancé par certains militants qui

proposent d'engager le débat sur la

construction d'une confédération dans le

cadre des luttes à mener en commun dans

les entreprises. »

EN CONCLUSION, nous voyons qùe le

«syndicalisme rassemblé>> est un

mouvement complètement organisé

par les structures syndicales et certaines as­

sociations, comme Attac et autres regrou­

pements politiques défenseurs d'un capi­

talisme à visage humain. Le syndicalisme

rassemblé n'est pas un mouvement pure­

ment français, il agit aussi dans toute l'Eu­

rope et, nous l'avons vu aussi, à l'échelle

mondiale.

La CISL et la CMT sont les joyaux bour­

geois du << gestionnisme >>de la force de tra­

vail. La CISL notamment a trempé dans de

nombreux coups fourrés contre la classe ou­

vrière, et aucune confiance ne doit être don­

née au compactage syndical qui se prépare.

Progressivement nous commençons à voir

comment les différentes strates du réfor­

misme et du << réformisme radical >> (alter­

mondialistes et autres) convergent vers le

même objectif: se rassembler pour endi­

guer les mouvements sociaux qui sponta­

nément explosent et qu'un syndicalisme

émietté n'est pl us capable de contrôler.

G. B. ct N. J.

hôtels) et" Wai-Mart Versus

Unions , (Wai-Mart contre les

syndicats) dans Proletarian

Revolution no 74, printemps

2005 (en anglais, copie à Echanges).

Compagnies aériennes + " Threat of Airlines

Contract Abrogation, A

Strategy to Resist , (" Me­

nace d'abrogation des

contrats dans les compa­

gnies aériennes, une stra­

tégie de résistance , )

dans Against The Current

no 114, janvier-février 2005

(en anglais, copie à Echanges).

EUROPE, AFRIQUE ...

Belgique + " Vlaams Blok • change­

ment dans la continuité

d'une formation xéno­

phobe , , dans La lettre du

Mouvement communiste,

no 16 (janvier 2005). ana­

lyse de l'idéologie, de la

structure et du développe­

ment de ce groupe d'ex­

trême droite flamand.

Espagne + " Dans la mer de plas­

tique d'El Ejido, les immi­

grés s'organisent , ·tract de

la campagne de soutien au

SOC, syndicat des ouvriers

agricoles d'Andalousie.(voir

articles et références dans

les précédents Echanges,

not am ment lors des po-

groms d'El Ejido). Docu­

ments divers sur ce sujet et

souscription d'aide finan­

cière.

Ce texte signale deux ou­

vrages sur ce sujet de l'ex­

ploitation des migrants

" El Ejido,terre de non­

droit , ( Go/ias) et" Le goût

amer de nos fruits et lé-

gumes "· Forum civique européen,

Saint-Hippolyte, 04300 Li­

mans. Courriel : france@fo-

rumcivique.org Site

www.forumcivique.org.

Pays-Bas + Un bref texte historique

en anglais, " Continuités sur

le long terme dans l'histoire

du mouvement ouvrier • le

Prisons • Sur les prisons aux Etats­

Unis • " A Generation lmpri­

soned by Mass Incarcera­

tion " (Une génération

emprisonnée dans une incar­

cération de masse) dans

Against The Current no1

(vol. XX) mars-avril 2005 (en

anglais, copie à Echanges).

cas de la République hel-

landaise " Echanges).

Chine

(copie à

+ " Enter the Dragon China's New Proletariat ,

(Entre le dragon • le nou­

veau prolétariat chinois)

dans Proletarian Revolution no 74, printemps 2005 (en

anglais, copie à Echanges)

Une seule solution ... la prison + " Précarisation et empri­

sonnement de masse "· étude comparative de l'in­

carcération comme solution

à la crise sociale dans plu­

sieurs pays (Allemagne, Ita­

lie, Grèce, Etats-Unis et

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 31

Page 32: ECHANGES - archivesautonomies.org

Grande-Bretagne) dans la

revue allemande Wildcatno

72 (janvier 2005 ).

République tchèque + Dans la revue allemande

Wlfdcat no 72 (janvier 2005),

un article du groupe tchèque

Solidaritan (dont nous avons

traduit un précédent texte

dans Echanges no 111,

p. 10) sur les travailleurs mi­

grants en République

tchèque soumis à la répres­

sion et aux mafias :" Envi­

ron 162 000 travailleurs mi­

grants "légaux" vivent

actuellement en République

tchèque. Les "illégaux" sont

au moins le double ; on es­

time qu'il y a en tout quelque

480 000 travailleurs étran­

gers en République tchèque,

c'est-à-dire 9 % de la force

de travail totale. "

Pologne + La revue allemande Wi/dcat

poursuit dans son no 72 (jan­

vier 2005) sa série d'études

sur les mutations écono­

miques et sociales dans les

ex-Pays de l'Est, avec deux

articles sur la Pologne. Le

premier," Au-delà de la fron­

tière :Pologne ",analyse les

bouleversements qui tou-

chen! ce pays . problèmes

liés à l'immigration, transfor­

mations des structures in­

dustrielles, etc., et les luttes qui

en découlent.

Le second, " Economie po­

lonaise souterraine à Berlin",

aborde un aspect de 1 'éco­

nomie informelle (c'est-à-dire

la débrouille) qui concerne les

Polonais à Berlin ; l'ouver­

ture des frontières avec l'in­

tégration de la Pologne dans

l'Union européenne, en tirant

les prix en Pologne vers le

haut, fait que cette économie,

qui survivait des différences de

niveau de vie entre Alle­

magne et Pologne, tend ac­

tuellement à s'estomper et va

sans doute disparaître dans

un avenir proche. Les sa­

laires n'ayant pas suivi la

hausse des prix, les nou­

veaux migrants polonais

cherchent à travailler dans les

pays de l'Union, mais les pos­

sibilités de trouver du travail,

hormis dans la construction

et les tâches saisonnières,

sont rares.

Nigeria + Pour la revue allemande

Wildcat no 72 Uanvier 2005), les

flammes de l'enfer ne sont

pas encore éteintes au Nige-

32- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

ria. L'auteur de cet article ana­

lyse les troubles qui pertur­

bent ce pays depuis plusieurs

années, avec pour enjeu l'ex­

ploitation du pétrole. Deux

mouvements se dessinent,

l'un animé par la jeunesse et

les femmes, l'autre par les ar­

mées des différentes ethnies

constituant la population du

pays, ces deux mouvements

se rejoignant parfois dans des

luttes communes contre les

multinationales pétrolières, le

Fonds monétaire internatio­

nal et le gouvernement.

Selon J'auteur, la lutte de ceux

qui vivent près des exploita­

tions de pétrole, des femmes

en particulier, contre les

hausses du prix de J'essence

et les exactions de l'armée

gouvernementale évolue et

remet en question le modèle

patriarcal des sociétés tradi­

tionnelles.

Ex-Guyane britannique + " 1905 : Guyana's Re­

bellion. " Une grève des tra­

vailleurs du sucre suivie

d'émeutes réprimées dans

le sang, dans Against The Current no 114 , janvier-fé­

vrier 2005 (en anglais, copie

à Echanges).

Tous les militants et adhérents de la

CGT ont été surpris de voir qu'en un laps

de temps très réduit, un site Internet était

monté avec la parution d'un journal,

L'Hebdo, alors que précédemment il fal­

lait quémander 1 'information. Cet arrivage

de la CFDT au sein de la CGT semble de

plus en plus orchestré. En effet, dans son no 7,

L'Hebdo du 17 février 2005 sous le titre

« nettoyage au Karscher >> dénonce une

CFDT devenue folle et qui liquide à tour

de bras ses militants (au Crédit lyonnais et

ailleurs) et à la fin de l'article un appel à rejoindre le syndicalisme rassemblé. On

est ici en droit de se demander si la CFDT

elle-même ne pousse pas ses militants dans

les bras de la CGT du secteur financier pour

lui donner plus de poids.

Un processus identique se trame avec

la FSU, où trois positions s'affrontent:

transformer la FSU en confédération, faire

adhérer la FSU au G 1 0-Solidaires, faire

adhérer la FSU à la CGT.

Selon la Confédération du syndicalisme

révolutionnaire (CSR, interne à la CGT},

qui semble bien informée, l'Union syndicale

GIO serait au bord de l'éclatement:

« Si 1' US (6) a toujours eu pour vo­

cation première de renforcer la représen­

tativité institutionnelle de ses syndicats

auprès de leur employeur, beaucoup de

militants avaient espéré qu'à la longue le

militantisme interprofessionnel se déve­

lopperait en ouvrant alors la vOie à une

confédération dominée par les syndicats

Sud. Pour notre part, nous pensions que

cette cohabitation déboucherait au

contraire sur une crise inévitable. Celle­

ci vient de se produire au moment où les

militants de 1' US s'y attendaient le moins.

Ce n'est pas pour rien SI cette cnse s'est

(6) Union syndicale. groupe des 10.

développée en dehors des luttes. Ses

causes sont à rechercher dans une tactique

d'appareil initiée par le Bureau national de

Sud-PTT. En octobre ce dernier diffuse

aux syndicats membres de l'US un texte in­

titulé "Contre l'éparpillement faisons un

pas en avant dans la recomposition syn­

dicale". Le texte offre une vision bu­

reaucratique de cette recomposition, en

ne proposant qu'une perspective de re­

structuration des appareils nationaux. Le

BN de Sud-PTT propose en fait une union

entre l'US et la FSU ce qui dans les faits

signifie l'élargissement de l'US à la FSU.

Les militants de la CGT, de FO de la CNT

et les opposants de la CFDT sont donc ex­

clus de cette recomposition. Les direc­

tions de Sud-PTT et de la FSU sont très

pressées puisque le congrès de la FSU doit

intervenir en janvier afin d'avaliser celte

proposition et comme la FSU n'existe

réellement que pendant ce congrès il faut

mettre les bouchées doubles. C'est ce qui

explique les déclarations de dirigeants à

la presse sans que ces derniers ne soient

mandatés par leur structure syndicale res­

pective. Retarder ce projet de plusieurs

années poserait de graves problèmes car

la FSU est en train dejouer sa survie. Sur­

vie institutionnelle d'abord puisqu'elle

doit élargir sa représentativité à 1 'échelle

de toute la fonction publique si elle veut

participer à tous les organismes paritaires

(et a leur financement). Survie politique

suite au départ annoncé du SNETAA

(profs des LP), des tensions entre ses syn­

dicats enseignants et à la chute électorale

évidente dans deux ans.

L'état de santé de Sud-PTT n'est pas

forcément très reluisant. La victoire élec­

torale récente cache de graves défaites

(35 heures, privatisations, restructura­

tion, développement de la précarité), une

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-45

Page 33: ECHANGES - archivesautonomies.org

nant à droite pour la CGT tout faisant ap­

paraître le tout comme une grande opération de<< gauche, '1 Comment faire avaliser

dans les faits et en douceur de futures al­

liances de haut en bas avec les syndicats

les plus ouvertement alignés sur les positions de la CES en matière de régression so­

ciale? Comment ne pas voir que cette fu­turc alliance servira aussi le moment venu

dans la CGT pour mater les derniers ré­calcitrants, les équipes syndicales arc-bou­tées sur les positions traditionnelles d'une

CGT contre tout compromis, signatures ou

alliances '1

Il n'y a qu'à voir que c'est Thibault lui­

même qui a évoqué un congrès extraordinaire en septembre 2005 voire la remise en cause de son poste et pas ses soi-disant oppo­

sants. Ces derniers n'entendent pas remettre

en cause sur le fond 1 'évolution actuelle de la CGT. La menace directe de retirer des

postes de permanents syndicaux dans un contexte où il y a de moins en moins de possibilité de se recaser ailleurs suffit à re­froidir les ardeurs de certains. La compo­sition actuelle de la CCN a déjà été 1 'objet

d'un tri sélectif lors des précédents congrès pour qu'elle ne soit pas acquise aux diri­

geants actuels de la CGT. Il n'en va de même pour des commissions exécutives fé­

dérales au fur et à mesure des congrès à venir (Chimie, Transports, Energie, etc.).

Quant au rythme de l'évolution, il

risque au contraire de s'accélérer au lieu

de ralentir. Evidemment, Thibault ne veut pas être lié aux résultats à venir du réfé­rendum ; il a suffisamment d'espace poli­tique pour imposer son point de vue sur les négociations à venir avec le patronat au­

tant que sur les suites à donner à l'après-5 février et 10 mars. C'est sur ce terrain­là qu'il l'a donner un peu de la voix.

44- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

question de refaire l'unité autour de lui 1

L'évolution de la CGT doit aussi tran­cher un débat avec le PC sur son évolution.

Celle-ci aurait été plus rapide si le PCF, comme son homologue italien, avait évolué

voilà vingt ans vers le libéralisme. En Ita­

lie, cela a largement facilité J'alignement syn­dical de la CG IL. Le PCF, en concurrence avec l'extrême gauche et le PS sur le plan

électoral, a encore besoin d'un vernis pseudo-radical, ne serait-ce que pour mieux

faire son OPA sur Sud et Attac!

Ceci ne facilite pas toujours les choses

pour les tenants de la nouvelle CGT mais il leur faudra passer outre et forcer le chan­gement coûte que coûte 1 C'est aujourd'hui la seule alternative possible pour les adeptes de la CGT new look, une CGT de­venue la clé de voûte du syndicalisme

rassemblé 1

5 - Les préparatifs du syndicalisme rassemblé

La CGT de Bernard Thibault, soutenue par le secteur financier pro-européen et re­groupé autour de Confrontations Europe (5) qui tient ses réunions dans les locaux du groupe AXA, a décidé, nous 1 'avons vu,

que la fédération des secteurs financiers serait à la pointe du combat pour un syn­dicalisme rassemblé avec la convocation, entre le 31 mai et le 3 juin 2005, d'un Congrès constitutif de la Fédération des

syndicats de la banque et de 1 'assurance

CGT.

( 5) Confrontations, dont le directeur de publication est Philippe Herzog. Bernard Thibault ct Jean-Chris­tophe. Le Duigou aiment à vanter!'« indépendance:>) de cette publication, mais que penser de l'engagement de Le Duigou dans une association qui, sur le modèle du Comité des Forges en 1914, regroupe syndicalistes et patrons (Francis Mer, Jean Peyrelevade, Jean Gan­dois ... J 0

FRANCE

PROBLÉMATIQUE DE LA LUTTE DE CLASSE

EN FRANCE ET DANS L'UNION EUROPÉENNE

Ce qui suit n'est que le schéma d'un article plus important qui développera les détails des luttes des dernières années écoulées et les analyses qui en découlent

N OUS CROYONS UTILE de faire quelques remarques préliminaires qui visent à relativiser tout un ensemble de dis­

cussions dans des cercles étroits et qui tou­chent l'évolution du capitalisme, des rapports de production et des activités militantes.

+ De la concurrence internationale des blocs capitalistes jouant les travailleurs entre eux.

Une première remarque vise la nécessité,

dans des analyses sur les luttes, de sortir de l'Hexagone et de replacer ces luttes dans le cadre européen et même mondial. dans ce qu'on caractérise aujourd'hui par les

termes de<< globalisation »et de<< mon­

dialisation>>. La relation au cadre de l'Union européenne doit se faire non en raison de la présence de multinationales opérant d'abord au stade européen, mais en quelque sorte par les deux bouts : 1 'un

étant les contraintes économiques des

règles strictes de fonctionnement intra-eu­

ropéennes, J'autre les différenciations dans les conditions d'exploitation de la force de travail entre les différents Etats.

+ De l'unification des conditions d'exploitation entre secteur privé et pu­blic par la privatisation.

On assiste à une sorte d'harmonisation de l'activité économique qui consiste à

faire que les Etats ne puissent plus soute­nir financièrement les entreprises natio­nales publiques ou privées, ce qui laisse le champ libre à l'impitoyable compétition économique d'où résultent: d'un côté une limitation de 1 'efficacité des luttes, qui ne

peuvent plus espérer un sou ti en de la puis­sance publique ; mais d'un autre côté une certaine unification contre cette limitation.

Un autre aspect de ce point concerne en particulier les fonctionnaires pour lesquels 1 'Etat ne peut répondre aux revendications d'effectifs et de salaires en raison d'impé­ratifs européens de non-dépassement d'un certain pourcentage de déficit.

Le capital peut se servir des différen­

ciations entre pays de 1' Uni on Européenne en déplaçant d'un Etat dans l'autre, qui les entreprises, qui les travailleurs pour ga­gner le coût le plus bas possible de la force de travail, développant d'un côté une ac­

tivité économique profitable et de l'autre une

pression sur les conditions de travail et les

rémunérations, rendant dans ce dernier cas difficile la lutte pour la conservation des acquis.

+ Un glissement progressif vers la paupérisation pour les couches les plus dé­favorisées et vers la prolétarisation pour les « classes moyennes ».

Le résultat global est, notamment pour

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005- 33

Page 34: ECHANGES - archivesautonomies.org

les travailleurs en France, dans le secteur pu­

blic comme dans le secteur privé, un glis­

sement progressif, depuis des années, de

1 'ensemble des conditions d'exploitation

du travail. Ce changement ne touche plus seu­

lement le travailleur lambda, mais aussi

ceux qui bénéficiaient jusqu'ici de condi­

tions plus favorables et qu'on étiquetait à

1 'occasion'' classes moyennes>>.

TOUTE ANALYSE de ce qui vient d'être

dit est rendue plus difficile car il

s'agit d'un processus en cours, dans

lequel les conditions nationales sont en­

core en place, notamment à cause des ré­

sistances de classe et les conditions euro­

péennes pas encore totalement constituées

formellement, même si elles existent dans

les faits. On peut prendre une comparaison

avec un Etat fédéral de grande dimension

comme les Etats-Unis :une grève dans un

Etat important au point de vue économique

comme la Californie, par exemple la grève

récente des supermarchés, n'entraîne pas

de conséquences dans les autres Etats, alors

même que 1 'Etat fédéral a une politique

économique globale et une organisation

syndicale unique. Que dire alors d'une

grève dans un Etat comme la France, grève

isolée au sein de l'Union européenne, alors

même que la politique économique globale

suscite toujours des tensions et que les co­

ordinations syndicales sont encore balbu­

tiantes à ce niveau.

Sur cette situation sc juxtaposent les

conséquences de la globalisation et de la

mondialisation (largement favorisée par

les révolutions technologiques dans les

transports). La globalisationjoue sur deux

plans, celui de la fermeture d'entreprises

délocalisées ou le chantage à la délocali­

sation pour rogner sur les conditions de sa­

laire ct d.: travail, l'ensemble introduisant

34- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

la hantise du chômage; et celui de l'intro­

duction de produits bon marché venant des

pays à bas coûts de production, qui entraî­

nent des effets similaires de fermeture ou

de pression sur les conditions de salaires

et de travail.

Les travailleurs ont alors, même s'ils

sont réduits à des luttes défensives, la

conscience d'avoir en face d'eux des forces

économiques qui échappent même aux

décisions des dirigeants de 1 'entreprise.

Soulignons seulement, en passant, que le

souverainisme, le nationalisme, le conti­

nentalisme sont des critères étrangers tant

au capital qu'au prolétariat.

Une autre remarque découle de ce qui

vient d'être développé. Si des conflits de

classe peuvent toujours surgir, ils restent

localisés au niveau d'une entreprise et peu­

vent obtenir satisfaction de certaines re­

vendications. Mais le pl us souvent, ces re­

vendications se heurtent au mur des

impératifs économiques sur lesquels ni les

principe même du métier et des grilles de

classifications dites Parodi (héritées de

l'union PC-MRP-De Gaulle en 1945) avec

la mise en place d'un système d'exploita­

tion où chacun sera individualisé à l'ex­

trême sans aucune référence commune à un métier ou un diplôme professionnel.

C'est la remise en cause de l'évolution

basée sur l'ancienneté ou l'expérience ac­

quise au profit de notions plus subjectives

comme les« compétences>>. On parlera do­

rénavant d'emploi, de niveau d'emploi, de

compétences mais plus de métiers au sens

traditionnel du terme. C'est l'atomisation

du salarié moderne dont le travail sera en­

tièrement contrôlé et dirigé par le patron

intégrant des critères de soumission et de

comportement formatés.

4- L'épine du" non" à la Constitution européenne

La récente déconvenue de Bernard Thi­

bault (le Comité confédéral national [CCN]

de fa CGT a voté en février à une écrasante

majorité pour le rejet du traité constitu­

tionnel européen) n'est pas pour autant une

défaite pour le secrétaire général.

Ceci étant, le « non >> à la constitution

européenne n'est qu'une épine dans le pied

des cégétistes pro-CES. La décision adoptée

par le CCN- en partie reflet des votes des mi­

litants de base- dans les instances de leur syn­

dicat représente, selon le mot de Jean-Chris­

tophe Le Duigou, « une défaite pour la

direction, ce n'est pas la peine de le cacher;

c'est une prise de position qui revient sur

les dix ou quinze dernières années de l'évo­

ltition engagée par Louis Vi annet et continuée

par Bernard Thibault>>. Encore que le mot

«défaite>> soit à relativiser fortement.

La présence massive d'un cortège CGT

( 15 000 participants, autant que les syndi­

cats belges) à la manifestation européenne

convoquée par la CES le 19 mars à

Bruxelles (avec des manifestants CGT ar­

borant ostensiblement des badges et ban­

deroles appelant à voter« non'' au réfé­

rendum du 29 mai) indique plutôt que

Thibaut entend rebondir sur le« non >>afin

de ne pas provoquer un changement de

rythme préjudiciable et handicapant pour

l'évolution future de la CGT.

On peut même se demander dans quelle

mesure l'appareil n'a pas laissé filer la

contestation sur le « non >> -laissant par

exemple se faire la montée en cars et toute

la préparation de Bruxelles- afin de mieux

en contrôler à terme les retombées. Anti­

ciper, ne pas s'opposer frontalement à la

base tout en œuvrant en coulisses pour en

récupérer les fruits semble être la voie choi­

sie par Thibault. Les sondages en faveur

du« non >>vont dans ce sens '

En parallèle, autour de la question liée

au référendum, un axe se dessine regrou­

pant la CGT mais aussi FO, qui dit : « La

CGT-Force ouvrière réaffirme qu'elle ne

se considère pas engagée par les prises de

positions publiques de la CES en faveur du

projet de" traité établissant une constitu­

tion pour l'Europe">>. Incluons-y aussi la

CGC, qui parle à propos de la directive Bol­

kestein de« haute trahison par rapport à

l'idéal européen de Robert Schuman et Jean

Monnet>>, voire l' UNSA et le groupe des 1 O. Seule la CFDT, de plus en plus isolée, ap­

pelle à voter« oui>>! D'autres, comme Ed­

mond Maire de la CDFT, en arrivent à ou­

vertement renier la lutte des classes. La

boucle est bouclée ct chacun joue son rôle

et sa propre partition dans le paysage

syndical !

Le syndicalisme rassemblé peut donc

utiliser aussi le<< non>> à la constitution

européenne ct la lutte contre la directive

Bolkestein. Comment opérer un grand tour-

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-43

Page 35: ECHANGES - archivesautonomies.org

responsables d'unions départementales ou lo­

cales, de représentants syndicaux, se sont mul­

tipliées depuis l'intronisation de Bernard

Thibault à la tête de la CGT.

En fait, on assiste à un curieux chassé­

croisé dont le but est, à n'en plus douter, la

constitution d'un regroupement syndical

unifié au sein de la CES. Celui-ci serait

constitué dans un premier temps de la CGT

ct de pans entiers sortis de la CFDT, aux­

quels pourraient ensuite se joindre FO, la CGC, I'UNSA, la FSU, voire des morceaux

significatifs du groupe des 10 (dit GlO),

dont Sud fait partie (4).

Est-ce un hasard si ce même G 10 tente

en vain depuis d'être reconnu comme orga­

nisation représentative en France, tout

comme l'UNSA. Il pourrai ainsi participer

à toutes les négociations el rencontres offi­

cielles avec le gouvernement ou le patronat

au niveau central et permettre ainsi un accès

direct à tous les modes de financement. Le

rejet de ses demandes par le Conseil d'Etat

va aussi dans le sens du regroupement syn­

dical autour de la CES.

3 - L'exemple de la fédération de la Métallurgie

L'avant-dernier congrès, en 2002, de

la Fédération CGT de la métallurgie, fut plutôt houleux. Des contestataires d'ex­

trême-gauche proches des organisations

trotskystes mêlant leurs voix à quelques

orthodoxes. à 1 'époque en dehors du PC,

et ce fut la bronca. La direction fédérale

sortante devant faire voter plusieurs fois

les congressistes pour qu'une motion contre les 35 heures Jospin-Aubry ne passe pas;

( -l) La fédération des sen·iccs CGT ct les ex-CFDT de

la banque (Union des syndicats du personnel des banques) ont lancé un appel dans ce sens aux autres syndicats. Pour Je moment seul Je syndicat FO a rejeté la pn~pnsitiort:

42- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

ce vote, obtenu à J'arraché, étant plus

« conforme » à la nouvelle orientation

CES-CFDT.

Depuis le dernier congrès de mai 2004,

pl us aucun problème de majorité : des par­

ticipants triés sur le volet, plutôt jeunes,

adhérents bombardés s'il le faut à des

postes importants, comme l'ex-responsable

CGT de Cellatex. Des contestataires mar­

ginalisés, qui après les mouvements et

grèves du printemps 2003 sur les retraites,

auraient dû avoir le vent en poupe mais qui

au contraire ont pratiquement tous été écar­

tés et débarqués au moment du vote pour

l'élection de la nouvelle commission exé­

cutive. Certains membres connus pour leur

opposition à la ligne confédérale ont même

préféré démissionner, vu leur sous-repré­

sentation dans la commission exécutive

fédérale.

Le nettoyage évoqué plus haut prend

tout son sens ' Une étape supplémentaire

dans la remise en ligne vient d'avoir lieu

avec la signature par la CGT-Métaux et

d'autres de l'accord de branche sur la for­

mation professionnelle du 20 juillet 2004.

Une réunion préparatoire a eu lieu en sep­

tembre 2004 dernier à Montreuil avec plu­

sieurs dizaines d'élus et responsables CGT

sans qu'il y ait une seule voix discordante

contre cette signature. Cet accord prévoit que

la plupart des formations auront lieu hors

temps de travail payé à 50%. Des notions

telles que les<< compétences>> ct l'<< em­

ployabilité >>(voir Echanges no 109), sont

de fait avalisées par la CGT alors que vien­

nent de s'ouvrir des<< négociations>> pour nettoyer de fond en comble la convention

collective nationale (comme cela fut fait en

1992 dans l'assurance). Notions chères à la CES, au Bureau international du travail

(BIT) ou à 1 'Unice (patronat européen).

Il s'agit ainsi de faire disparaître le

politiques, ni les syndicats, ni aucune forme

de lutte, parcellaire ou globale, n'ont de

prise. Il en résulte le développement, dans

toute la classe des travailleurs, d'une

conscience diffuse que ni les partis poli­

tiques, ni les syndicats, ni les luttes dans

leurs formes traditionnelles ne peuvent

changer la situation présente, et que seuls

des changements profonds dans le système

social pourraient apporter une solution.

On peut signaler aussi des effets per­

vers des médiatisations. Ceux des médias tra­

ditionnels sont bien connus, qui censurent

et orientent selon les nécessités du capital. Mais l'utilisation d'Internet, nouveau

moyen de communication qui permet ef­

fectivement de populariser ou de révéler

l'existence de conflits de classe et de luttes,

leur donne assez souvent une dimension

et/ou des caractères qu'ils n'ont pas.

La participation extérieure à de tels

conflits d'activistes divers, si elle va contre

le silence des médias ou l'abandon des

<< grands » syndicats, peut donner, notam­

ment hors de France, 1 'impression d'un

mouvement important, alors que la connais­sance réelle révèle précisément 1 'impuis­

sance dont nous venons de parler. D'autres

luttes plus significatives peuvent, du fait

de leur isolement, rester ignorées ou n'être révélées que fortuitement, sans se voir at­

tribuer une telle audience et une telle

signification.

1 L N'EST PAS POSSIBLE, dans ce premier

article, de donner Je détail des luttes qui

se sont déroulées en France ces dernières années (chacun pourra se reporter aux in­

formations contenues dans le bulletin Dans le monde une classe en lulle ou à d'autres mé­

dias). Soulignons seulement que si l'on

tente un bilan de ces luttes. on peut, sché­

matiquement, voir une sorte de mutation.

Hormis celles qui ont marqué l'appli­

cation des lois Aubry sur les 35 heures, la

plupart des luttes furent défensives, simples

protestations contre les licenciements, qui

sont une autre forme d'adaptation aux im­

pératifs de la production. (Quant au mythe

de la réduction du temps de travail, il a déjà

été utilisé lors du passage aux 39 heures ;

il s'agit en fait d'une rationalisation de

1 'exploitation de la force de travail, d'une

adaptation totale aux impératifs de la pro­

duction, qui permet à la France d'atteindre

ce qu'aucun capitaliste n'ajamais rêvé: la

meilleure productivité mondiale horaire

par travailleur.)

Ces luttes ont pris parfois des formes

originales et dures, dont l'écho fut grand

tant parmi les travailleurs que dans le pa­

tronat (encore aujourd'hui, Cel latex et les

luttes semblables qui ont suivi sont évo­

quées comme des menaces potentielles).

Le plus souvent, ces luttes ne visaient pas

tant à empêcher la fermeture, ressentie

comme inévitable, mais à obtenir des in­

demnisations supérieures aux obligations lé­

gales pour permettre de faire face, au moins

en partie, aux énormes difficultés qu'en­

traînaient la perte d'emploi- notamment

dans des zones de mono-industrie. Une par­

tie de ces luttes fut toutefois rendue diffi­

cile par l'action conjuguée des pompiers

syndicaux et par une modification du ré­

gime d'indemnisation du chômage. qui

convertit les indemnisations ainsi obtenues

dans la lutte en acomptes d'indemnités lé­

gales-- ce qui ne fait que différer la prise en

charge au titre du chômage.

Avec le temps, les travailleurs, dans

leur ensemble, notamment dans le privé, ont pu mesurer l'impact réel des lois Aubry.

qui ont fait redescendre les discussions au

niveau de chaque entreprise. voire au ni­

veau de chaque établissement.

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-35

Page 36: ECHANGES - archivesautonomies.org

Cet impact a été double, ce qui était

quelque peu masqué au départ: d'une part

les 35 heures se sont accompagnées d'un

quasi-blocage des salaires, renforcé pour beaucoup par la suppression de la rému­

nération des heures supplémentaires avec

1 'annualisation du temps de travail ; d'autre

part elles ont accru la tension du travail par 1 'élimination des pauses diverses, le re­groupement des heures de travail quand la

pression de la production est la plus intense

et 1 'organisation des horaires sur 1 'année,

pratiquement à la seule volonté de l'entre­prise. Cette aggravation des conditions d'exploitation a été encore renforcée par le chantage direct et indirect exercé par le

chômage ct la compétition internationale autour des coûts de production.

De plus en plus, même les médias ont

développé les thèmes du stress au travail ct du coût de la vie. Ce n'est donc pas un ha­

sard si les luttes récentes se sont plus

concentrées sur des revendications de salaires

et sur les conditions de travail. La grève récente la plus symptomatique et la plus connue est celle de l'entrepôt de la multi­nationale du textile H&M, en décembre

2004, dans laquelle la revendication de sa­

laires était liée à la surcharge de travail ; elle a repris également la tradition de base (déjà utilisée antérieurement dans les conflits autour des fermeture d'entreprises)

du piquet de grève bloquant entrées et sor­

ties de matériel ou de marchandises. L'apparition dans les médias de ces

thèmes du stress et du niveau de vie n'était

que le conditionnement habituel du pou­voir via fe gouvernement et les syndicats, en réponse à un problème réel qui mena­

çait de perturber tout le procès de produc­

tion. Côté gouvernemental, par-delà les discours autant populistes que vides sur la

fracture !K>ciale, ont été affirmés haut et

36- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

fort des prétendus remèdes contre la« si­

nistrose » (le nouveau nom médiatique

donné au rejet du politique vu comme pou­

vant apporter une solution à l'offensive du capital sur le travail) et un slogan cynique : <<Si vous voulez gagner plus, travaillez

plus>>, en réponse à la dégradation géné­rale du niveau de vie (présenté comme un

assouplissement des lois Aubry dont 1 'es­sentiel n'était pas contesté par ailleurs).

Pour le patronat et le gouvernement, les

clignotants d'alerte sociale s'étaient cer­

tainement allumés, et ils avaient aussi alerté les médiateurs patentés des relations capital-travail. Face à une désaffection

quasi totale à l'égard des médiations syn­dicale ou politiques, désaffection qui ren­dait aussi inévitable qu'imprévisible la

lame de fond d'une revendication globale,

les contre-feux de circonstance sont dé­ployés:

+ une première approche gouverne­mentale fut en 2004 un ensemble de me­

sures cosmétiques, clamées à grand bruit, en vue d'une baisse des prix non-autori­

taire, notamment dan 1 'alimentation. On sait ce qu'il en advint, d'autant plus qu'au

même moment chacun pouvait mesurer l'impact des réformes du système de santé

et celui de la hausse mondiale du prix du pétrole sur les consommateurs ;

+les syndicats, pour une fois (et pas

par hasard) unis, organisent les promenades traditionnelles, cette fois interprofession­nelles et dans toute la France, ce qui cor­

respond effectivement à un malaise social global qui dépasse les divisions corpora­tistes antérieures. L'unité syndicale comme

l'unité politique sont toujours la marque d'un front opposé à un danger commun:

pour les syndicats, la menace de se voir dé­bordés par un mouvement sauvage ;

+objectivement, une diversion idéo-

gie d'alliance par le bas passera mieux au­

près de la base cégétiste, surtout si elle se

présente comme en rupture avec la réforme des retraites ct autres.

Ainsi, donc la désagrégation de la CFDT

va se produire, permettant un recentrage de

la CGT vers le<< syndicalisme rassemblé>>. Après le recentrage de la CFDT de 1979. il était parfaitement clair que la centrale au­togestionnaire allait commencer sa<< longue marche>> d'accompagnement et de démon­

tage des réformes sociales :de réformiste, la

CFDT devenait anti-réformiste. Il faudra at­tendre le grand mouvement de 1995, pour que sous la pression de la lutte de classe (1)

une fraction de la CFDT (5 000 adhérents) quitte la centrale pour rejoindre Sud (2). En­suite progressivement, la CFDT va perdre

des militants qui vont se répartir entre Sud

et l'Union nationale des syndicats auto­nomes (UNSA). La centrale devient hémo­

phile. Pour le patronat. il semble que la CFDT soit définitivement grillée aux yeux des travailleurs, et le pantin Chérèque, dans

sa dernière représentation au Guignol de la réforme des retraites, achèvera de la dé­

considérer.

2 - Des jeux bien réglés Pourtant, les jeux du cirque avaient été

préalablement bien ajustés entre Chérèque et Thibault.

<< En janvier, en effet. ils s'étaient partagés

les rôles. Ils feraient front commun le plus longtemps possible. Et à l'arrière, si la CFDT obtenait des contreparties significa­tives, la CGT, qui ne pouvait signer l'ac­cord en raison des sacrifices demandés aux

( 1) Le thuriféraire Edmond Maire (à l'époque secrétaire général de la CFDT) pensait que la grève était du passé. (2) Sud, créé en 1989 (premières élections profes­sionnelles aux PTT) atteindra le millier d'adhérents ct mtlitants à La Poste en 1992.

fonctionnaires, aurait reconnu que la négo­

ciation avait permis des avancées, insuffisantes

mais réelles>> (Libération du 14 septembre 2003)

La CFDT, après ses honteuses négocia­tions, subira de nouvelles et importantes dé­

fections. Quant à Chérèque, il recevait les fé­

licitations de la droite et de Raffarin. Et, pour faire bonne mesure, le ministre Fil lon avait tenu à saluer« 1 'attitude responsable>> et<< l'opposition raisonnable>> de la CGT.

A partir de 2003, la CFDT est aux prises

avec ses délégués de base qui sentent le sol se dérober sous leurs pieds et qui ne peu­vent plus circuler dans les entreprises sans avoir de problème avec la base. II va donc de

nouveau y avoir de nombreux départs de la centrale, plus ou moins chaotiques.

A la SNCF, sur les 1 1 000 adhérents de

la CFDT, plus de la moitié décident de re­joindre la CGT, Sud ou 1 'UNSA. Joël le Coq, nouveau secrétaire général de la fédé­

ration générale du transport et de 1 'équipe­

ment CFDT (55 000 adhérents) et opposant à Chérèque, estime à 10 000 les départs,

dont la moitié chez les cheminots et le reste

chez les routiers. En Haute-Loire, 3 500 cédétistes pas­

sent à la CGT locale, qui ne comptait que

2 500 adhérents A la Banque de France, 66 délégués ré­

gionaux ne veulent plus rester à la CFDT. Ils seront bientôt suivis par de nombreux

autres délégués de la Banque. Cet afflux de nouveaux adhérents, pas­

sés dans le moule CFDT, permet aux struc­

tures de la CGT de faire le ménage parmi leurs contestataires (3). Les liquidations de

(3) Dans son livre Le Marâtè des mots. Les Mots du mar -ché (éd. Les Nuits rouges). Raoul Valette présente ainsi

le contestataire · " Opposant modéré parfois factice ; c'est à la fois un esprit fort ct un velléitaire qut sait où il ne veut pas aller sans pour autant savoir où il veut aller. ))

ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005-41

Page 37: ECHANGES - archivesautonomies.org

SYNDICATS

LES NÉGATIONNISTES DE LA LUTTE DE CLASSE Les grandes centrales préparent une nouvelle internationale syndicale au niveau européen

1.. - La nature profonde du syndicalisme rassemblé

Le 3 novembre 2004, s'est tenu un im­

portant et décisif rassemblement de la CGT des secteurs financiers (banques ct assu­rances) : 351 participants représentant

351 syndicats sont venus pour débattre du <<syndicalisme rassemblé>>, en présence du secrétaire général de la confédération, Ber­

nard Thihault. L'objet de cette réunion était de favori­

ser l'unification par le bas de la CGT et de la CFDT sur la base des<< trahisons>> suc­cessives d'une CFDT qui n'est plus à même

de faire passer les plans de régression so­ciale élaborés par la CES (Centrale euro­

péenne syndicale). Si l'on s'en tient à l'évolution historique,

1 'assurance, puis la banque ont été depuis une vingtaine d'années le terrain d'essai de toutes les attaques contre les droits sociaux, comme la dénonciation des conventions col­

lectives. La fédération des secteurs finan­

ciers de l'assurance, particulièrement ré­formiste, a adhéré à l'association Attacet fait partie d'une instance de<< dialogue so­cial>>, Uni-Europa (inconnue des adhérents de base), dont les orientations exclusive­

ment sociétales et gestionnaires définissent en fait un syndicalisme d'accompagnement au langagè radical, candidat à une gestion

40- ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005

forte et verticale, embryon d'un syndica­

lisme mondialisé. Et le 17 juin 2004, la commission exé­

cutive de la CGT se prononçait en faveur d'une<< nouvelle internationale syndic;..le ».

Soyez tranquille, il ne s'agit pas d'une<< in­ternationale syndicale rouge». Mais, sur le principe que la CGT s'associe au processus

de réflexion engagé par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

ct la Confédération mondiale du travail (CMT) sur la création d'une nouvelle in­

ternationale syndicale. On peut se demander, pourquoi même

au niveau international il est question de

<<syndicalisme rassemblé». Lors de son XVIII' congrès mondial, la CISL ( 148 mil­lions de syndiqués) a lancé un processus d'unification avec la CMT (26 millions de membres). Un tel processus regrouperait le courant social-démocrate de la CISL et le courant démocrate-chrétien de la CMT.

Compte tenu du passé contre-révolution­

naire des deux confédérations, il faut s'attendre à un resserrement du contrôle social dans les entreprises de la planète.

Il nous semble important, de souligner

que la stratégie d'alliance CFDT -CGT par le

haut du 46' Congrès de la CGT à Strasbourg, en février 1999, ayant échoué (Nicole Notat s'étant fait siffler par la salle). une c.traté-

logique tend à escamoter la contestation sociale derrière le vote« non >>à la consti­

tution européenne lors du référendum or­ganisé le 29 mai, laissant croire que ce vote ou v ri ra une voie dans ce qui est présenté

comme un obstacle à toute revendication

d'amélioration sociale. La<< gauche de la

gauche» s'embarque allègrement dans cette voie. dans une grande confusion, jouant objectivement le rôle que le système attend d'elle : une récupération des déçus du réformisme ramenés dans les ornières

de la politique et du système capitaliste. Mais c'est aussi un exercice d'équilibre dangereux car, quel que soit le résultat final, les espoirs portés par cette campagne

peuvent avoir un effet boomerang et rem­mettre au premier plan les problèmes so­ciaux qu'on tentait de camoufler et de dé­vier.

La polarisation sur la situation sociale actuelle, qu'elle soit attribuée (faussement)

à l'Union européenne ou non, constitue l'amorce d'un mouvement global qui pour­

rait dépasser largement ses protagonistes. Le gouvernement en est bien conscient,qui tente de désamorcer ce mouvement par de dérisoires mesures, par crainte plus d'une

explosion sociale que d'un vote de rejet de la constitution européenne.

LE RISQUE POLITIQUE ET SYNDICAL de la

montée de mouvements non contrô­lés a pu être mesuré récemment dans

une réalité brutale qui a balayé les digues du

contrôle social. Deux conflits sont venus

illustrer le fait qu'un« malaise>> social dif­fus et généralisé peut se traduire par une explosion soudaine à propos d'incidents en

apparence mineurs.

Le premier de ces conflits est une grève sauvage des contrôleurs de la SNCF qui, en quelques heures, a paralysé pendant plu-

sieurs jours le trafic ferroviaire. Le fait isolé du viol d'une femme contrôleur dans

un train de ligne secondaire a mis au premier plan tous les méfaits de la rationalisation du système ferroviaire au nom de la productivité. Bien qu'il se soit agi d'un mouvement ca­

tégoriel (et d'une catégorie pas spéciale­

ment appréciée des voyageurs), la solida­

rité immédiate et totale des agents concernés et la complicité évidente de l'en­semble des cheminots a montré que les pro­blèmes spécifiques d'une catégorie rejoignent ceux de l'ensemble des travailleurs qui,

chacun dans son coin et avec les spécifici­tés de son emploi, subissent les même pres­sions dans l'exploitation de leur force de tra v ai 1.

A quelques jours de distance, un conflit identique, bien que de moindre dimension, a paralysé sérieusement pendant quelques

jours l'aéroport parisien d'Orly. La chute mortelle d'une hôtesse d'une passerelle a mis

en cause un travailleur de l'aéroport, ac­

cusé de ne pas avoir observé les consignes de sécurité. Les sanctions contre le« res­ponsable >> ont déclenché une grève sau­vage que direction et syndicat n'ont pu ré­

gler que difficilement; là aussi, le conflit a révélé, au-delà de la solidarité catégo­

rielle, une complicité passive des autres catégories de travailleurs dans la mise en cause des mesures productivistes relatives à la sécurité qui rejoignaient d'autres me­

sures touchant l'ensemble des travailleurs de 1 'aéroport.

Ces grèves ont eu un premier effet glo­bal sur lequel bien peu ont insisté: elles ont montré l'inanité de tous les projets gou­vernementaux (sur lesquels palabraient aussi les syndicats) d'une réglementation du droit de grève par 1 'instauration d'un ser­

vice minimum précisément dans les trans­ports. Devant 1 'unanimité des travailleurs

ÉCHANGES 112 · PRINTEMPS 2005-37

Page 38: ECHANGES - archivesautonomies.org

unis dans une lutte. toutes les réglementa­

tions, même assorties d'un système de

sanctions. sont balayées, sans qu'aucun

contrôle, syndical ou répressif, puisse y

faire grand-chose.

On pourrait ajouter, pour illustrer ce

malaise global résultant de mesures di­

verses touchant des catégories particu­

lières, les manifestations récurrentes de

couches sociales aussi éloignées que les

chercheurs, les lycéens. les travailleurs des

centres d'appel, etc. Tous se heurtent à la

même attitude de ceux qui représentent les

autorités décisionnaires, à la fois promet­

teuse, condescendante, louvoyante et ne

faisant finalement aucune concession- pas

tant par mauvaise foi que parce qu'ils sont

pris dans l'écheveau politico-économique

national, européen et mondial. Finalement,

en tentant de faire front avec les moyens

classiques, tous les pouvoirs et leurs auxi­

liaires ne peuvent que ramener l'ensemble

des exploités à leur point de départ, la prise

de conscience que rien ne peut être réglé

dans le système. Celui-ci ne peut que gé­

nérer les maux qui touchent. plus ou moins

durement, l'ensemble de l'humanité.

LA QUESTION que 1 'on peut se poser,

c'est ce que des mouvements comme

celui de 1 'Allemagne des années 1920, ceux de la France de Juin 36 ou de Mai 68

pourraient déclencher au niveau européen.

Le <<malaise social >> que nous venons

d'évoquer n'est pas spécial à la France; ce

n'est pas la << construction européenne »

qui serait porteuse d'une unification des

conditions prolétariennes et des luttes, mais

le fait que le capital en Europe se trouve

confronté aux mêmes conditions écono­

miques et y répond de façon identique, tout en essayant de jouer sur les disparités que

nous avons signalées. Ce sont ces condi­

tions sociales imposées par le capital et la

38- ÉCHANGES 112- PRINTEMPS 2005

solidarité prolétarienne qui en est la consé­

quence qui créent l'unification de la classe.

Mais. nous ne sommes pas les seuls à y

penser : au renforcement national des ap­

pareils répressifs directs (les forces de sé­

curité qui peuvent servir pour tout<< trouble

social >>)ou indirects (les transformations où

aboutiront inévitablement les remous dans

les appareils syndicaux) correspond un ren­

forcement des mêmes appareils à l'échelle

européenne. Une force européenne d'in­

tervention rapide, si elle semble destinée à la protection d'intérêts européens notam­

ment dans les ex-colonies, serait tout aussi

opérationnelle pour briser un mouvement

radical s'attaquant aux cadres nationaux de

contrôle. Tout dépendrait alors de la di­

mension de la lutte de classe dans une éven­

tuelle internationalisation.

Pour en revenir aux luttes en France,

faute de s'étendre d'une telle façon, toute

lutte ne pourrait que se résoudre, d'une ma­

nière ou d'une autre (compromis et/ou ré­

pression), que dans son cadre restreint.

Mais inévitablement elle serait porteuse

d'une réponse du système, c'est-à-dire

d'une transformation des conditions d'ex­

ploitation et des conditions ultérieures de

la lutte elle-même.

H. S. (à suivre)

Dans une seconde partie, nous traite -rans des conflits récents, entre autres de ceux de la multinationale textile H &Mau Bourget et de l'usine Peugeot-Citroën d'Aulnay-sous-Bois, sites tous deux situés dans la banlieue nord de Paris

DANS LES PUBLICATIONS/FRANCE

+ " La grève du transport du Val-d'Oise (TVO) , et

" Les ouvriers en lutte de

Neusiedler (Slovaquie) ,

dans L'Insurgé no 3, 1" se­

mestre 2005.

+ " Licenciements collec­tifs : faire payer au maxi­

mum les entreprises ", dans Courant alternatif no 144,

décembre 2004.

+ " Un beau mouvement de solidarité ouvrière , à l'usine Péchiney-Aican d'Is­

soire (Puy-de-Dôme) dans

Présence marxiste no 38,

janvier 2005.

+Sur les grèves à la SNCF

" De 24 h en 24 h , dans Al -

ternative libertaire, no 136

janvier 2005.

+ " Les emplois-jeu nes

dans la médiation sociale

une chance manquée ? ", dans La Gazette de la sa -

ciété et des techniques

no 29, novembre 2004. Une

analyse de l'impuissance du

réformisme social (copie à

Echanges.)

+ "Les néo-réformistes

éternels défenseurs des

institutions ,, dans Le Cam -

bat syndicaliste (Midi-Pyré­nées) no 89, février-mars

2005.

+Dans CQFD no 20 (15 fe­

vrier 2005 ) . " Un chèque

en blanc pour les négriers",

sur le travail au noir des sai-

sonniers agricoles dans les

Bouches-du-Rhône : pas

besoin de délocaliser, 1ci, on

exploite sur place presque

gratuitement. Un autre volet

sur l'expulsion des immigrés

dans l'opération de réhabi­litation de Belzunce, un

quartier populaire de Mar­

seille, objet d'une recon­

quête immobilière par la

bourgeoisie locale.

+Chômeurs : 19% dans la région d'Alès. Un collectif

de chômeurs parle de la

lutte d'un groupe de chô­

meurs dans un bras de fer

avec les institutions locales.

+ " Finissons-en avec Mi­

natec (avant que ça com­

mence), où pourquoi nous

occupons les grues du

chantier Minatec à Gre­

noble , : tract sur le projet

de fair.e de Grenoble un pôle

international des nanotech­

nologies, avec explications

simples sur cette nouvelle

percée technologique et ses

dangers pour l'avenir.

http :l/www.minatec.com où

vous trouverez d'autres

sites sur le même sujet

+ Pour recevo1r Cinquième

Zone, envoyer son mail à cz. courrier@ cinq u i eme­

zone.org. (le no 187, 13 fé­

vrier 2005 de cette publica­

tion traite des manifs

étudiantes)

+ Sur les manifestations et

considérations sur le World

Economie Forum ( W E F,

Davos pour les non-initiés)

où se mélangent tout Je beau linge des classes dominantes

et de leurs serv1teurs paten­

tés. dans T'okup n" 49 et 50

(janvier et février 2005).

Site: www.squat.net/ea

+ La lutte des intermittents

du spectacle qui se poursuit

inlassablement peut être

suivie pas à pas dans la pu­

blication lnterluttants, or­

gane de la coordination.

Site Internet www.cip-

idf.org.

+ On peut suivre les vicis­

situde des salariés licenciés

de diverses filiales du quo­

tidien Le Monde qui ferment

leurs portes sur la site In­

ternet http://Jemondenlutte :

13 personnes à Aden(sup­

plément hebdomadaire

fermé en décembre 2004),

27 salariés licenciés, dont

21 pigistes au Monde Initia -

tives (mensuel lancé en oc­

tobre 2001 et supprimé en

avril2005), une vingtaine de

salariés licenciés sur 28

dans la maison d'édition

Desclée de Brouwer, La

Procure, Fleurus ..

ÉCHANGES 112 ·PRINTEMPS 2005-39