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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 6 449 MISE AU POINT Échographie et anesthésie locorégionale Xavier Maschino On sait depuis longtemps que la connaissance de l’anatomie est nécessaire et suffisante à la pratique des blocs périphé- riques, notamment pour choisir la technique d’anesthésie locorégionale la mieux adaptée à la chirurgie. Une fois l’ana- tomie bien acquise, le principe de réalisation des blocs con- siste à décrire des repères cutanés, à orienter correctement les aiguilles et à contrôler la bonne position de ces aiguilles par l’électrostimulation. Cette façon de procéder a conduit à la description de nombreuses techniques. Cependant, cette approche reste aveugle et potentiellement vulnérante. La possibilité de mettre en évidence les structures nerveuses devant être bloquées peut donc constituer une étape sup- plémentaire sur le chemin d’une meilleure fiabilité et d’une plus grande sécurité de l’anesthésie locorégionale. Cette nouvelle approche s’est beaucoup développée dans le cadre des abords vasculaires qui relevaient d’une même pro- blématique : ponction à l’aveugle et risque de complica- tions. L’emploi de l’échographie pour identifier les structures nerveuses lors de la réalisation des blocs offre donc une nouvelle opportunité qui a fait l’objet de nom- breuses publications ces dernières années, et nous nous proposons ici d’en faire le point. ÉCHOGRAPHIE EN ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE : QUEL INTÉRÊT ? Principe de l’échographie Les ondes ultrasonores sont définies comme des vibrations mécaniques de la matière dont la fréquence est supérieure à 20 000 Hz. Leur propagation nécessite un support déformable contrairement aux rayons X qui peuvent se propager dans le vide. Quatre paramètres caractérisent une onde ultrasonore : – célérité (m/s) : vitesse de propagation de l’onde. Elle est, en moyenne, de 1 540 m/s dans les tissus biologiques ; – fréquence (Hz) : correspond au nombre de cycles par seconde ; – période (s) : égale à l’inverse de la fréquence ; – longueur d’onde : correspond à la distance parcourue par l’onde pendant une période ou encore la distance séparant 2 particules adjacentes oscillant en phase. Les ultrasons sont générés par phénomène piézoélectrique (PZT) qui transforme l’énergie mécanique en énergie élec- trique. Il s’agit de céramiques piézoélectriques, de maté- riaux composites ou de polymères sur lesquels on applique une impulsion électrique qui entraîne une vibration méca- nique. À l’inverse, lors de la réception de l’écho, l’onde de pression vient heurter la céramique et induit l’apparition d’un signal électrique qui, traité par ordinateur, sert à l’éla- boration de l’image échographique. L’émission ultrasonore est produite de façon intermittente par des impulsions élec- triques dont la durée détermine les caractéristiques. Une impulsion de courte durée induit une courte vibration de la céramique et des échos réfléchis également brefs. Plus l’écho est bref, meilleure est la résolution spatiale entre deux cibles. Les ondes ultrasonores se propagent dans un milieu qui leur oppose une certaine résistance, correspondant à l’impé- dance acoustique. Lorsqu’un faisceau d’ultrasons rencontre une interface, une partie de ce faisceau franchit l’interface et la partie non transmise est réfléchie vers la source d’émis- sion. L’onde ultrasonore s’atténue en profondeur du fait des réflexions successives, de la diffusion et de l’absorption. L’exploration en profondeur est limitée avec les sondes de haute fréquence. Les ultrasons ont été utilisés pour la première fois pour la recherche des structures nerveuses en 1978. Vingt ans plus tard, Ting et Sivagnanaratnam ont confirmé par échogra- phie le bon emplacement du cathéter et la bonne diffusion de l’anesthésique local autour des structures nerveuses (1). Depuis la fin des années 90, cette technique de repérage ne cesse de se développer. Qu’apporte l’échographie en anesthésie locorégionale ? La réalisation d’une anesthésie locorégionale nécessite un positionnement très précis de l’extrémité de l’aiguille de neurostimulation, à proximité immédiate d’une structure nerveuse, de façon à obtenir une diffusion optimale de la solution anesthésique autour de cette structure. Le plus souvent, un placement incorrect de l’aiguille de neurosti- mulation ou une mauvaise diffusion de la solution d’anes- thésique local sont responsables d’un bloc incomplet ou d’un échec complet. Deux questions se posent donc lors de la réalisation d’un bloc : à quelle distance du nerf se situe l’extrémité de l’aiguille de neurostimulation lors de l’injec- tion des anesthésiques locaux et quelle est la distance opti- male ? L’échographie permet de répondre à ces deux questions en aidant au repérage des structures nerveuses et vasculaires. Elle permet de plus un examen dynamique en temps réel lors de la réalisation du bloc et donc de contrôler

Échographie et anesthésie locorégionale

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 6 449

M I S E A U P O I N T

Échographie et anesthésie locorégionaleXavier Maschino

On sait depuis longtemps que la connaissance de l’anatomieest nécessaire et suffisante à la pratique des blocs périphé-riques, notamment pour choisir la technique d’anesthésielocorégionale la mieux adaptée à la chirurgie. Une fois l’ana-tomie bien acquise, le principe de réalisation des blocs con-siste à décrire des repères cutanés, à orienter correctementles aiguilles et à contrôler la bonne position de ces aiguillespar l’électrostimulation. Cette façon de procéder a conduit àla description de nombreuses techniques. Cependant, cetteapproche reste aveugle et potentiellement vulnérante. Lapossibilité de mettre en évidence les structures nerveusesdevant être bloquées peut donc constituer une étape sup-plémentaire sur le chemin d’une meilleure fiabilité et d’uneplus grande sécurité de l’anesthésie locorégionale. Cettenouvelle approche s’est beaucoup développée dans lecadre des abords vasculaires qui relevaient d’une même pro-blématique : ponction à l’aveugle et risque de complica-tions. L’emploi de l’échographie pour identifier lesstructures nerveuses lors de la réalisation des blocs offredonc une nouvelle opportunité qui a fait l’objet de nom-breuses publications ces dernières années, et nous nousproposons ici d’en faire le point.

ÉCHOGRAPHIE EN ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE : QUEL INTÉRÊT ?

Principe de l’échographieLes ondes ultrasonores sont définies comme des vibrationsmécaniques de la matière dont la fréquence est supérieure à20 000 Hz. Leur propagation nécessite un support déformablecontrairement aux rayons X qui peuvent se propager dans levide. Quatre paramètres caractérisent une onde ultrasonore :– célérité (m/s) : vitesse de propagation de l’onde. Elle est,en moyenne, de 1 540 m/s dans les tissus biologiques ;– fréquence (Hz) : correspond au nombre de cycles parseconde ;– période (s) : égale à l’inverse de la fréquence ;– longueur d’onde : correspond à la distance parcourue parl’onde pendant une période ou encore la distance séparant2 particules adjacentes oscillant en phase.Les ultrasons sont générés par phénomène piézoélectrique(PZT) qui transforme l’énergie mécanique en énergie élec-trique. Il s’agit de céramiques piézoélectriques, de maté-riaux composites ou de polymères sur lesquels on appliqueune impulsion électrique qui entraîne une vibration méca-

nique. À l’inverse, lors de la réception de l’écho, l’onde depression vient heurter la céramique et induit l’apparitiond’un signal électrique qui, traité par ordinateur, sert à l’éla-boration de l’image échographique. L’émission ultrasonoreest produite de façon intermittente par des impulsions élec-triques dont la durée détermine les caractéristiques. Uneimpulsion de courte durée induit une courte vibration de lacéramique et des échos réfléchis également brefs. Plusl’écho est bref, meilleure est la résolution spatiale entredeux cibles.

Les ondes ultrasonores se propagent dans un milieu qui leuroppose une certaine résistance, correspondant à l’impé-dance acoustique. Lorsqu’un faisceau d’ultrasons rencontreune interface, une partie de ce faisceau franchit l’interfaceet la partie non transmise est réfléchie vers la source d’émis-sion. L’onde ultrasonore s’atténue en profondeur du fait desréflexions successives, de la diffusion et de l’absorption.L’exploration en profondeur est limitée avec les sondes dehaute fréquence.

Les ultrasons ont été utilisés pour la première fois pour larecherche des structures nerveuses en 1978. Vingt ans plustard, Ting et Sivagnanaratnam ont confirmé par échogra-phie le bon emplacement du cathéter et la bonne diffusionde l’anesthésique local autour des structures nerveuses (1).Depuis la fin des années 90, cette technique de repérage necesse de se développer.

Qu’apporte l’échographie en anesthésie locorégionale ?

La réalisation d’une anesthésie locorégionale nécessite unpositionnement très précis de l’extrémité de l’aiguille deneurostimulation, à proximité immédiate d’une structurenerveuse, de façon à obtenir une diffusion optimale de lasolution anesthésique autour de cette structure. Le plussouvent, un placement incorrect de l’aiguille de neurosti-mulation ou une mauvaise diffusion de la solution d’anes-thésique local sont responsables d’un bloc incomplet oud’un échec complet. Deux questions se posent donc lors dela réalisation d’un bloc : à quelle distance du nerf se situel’extrémité de l’aiguille de neurostimulation lors de l’injec-tion des anesthésiques locaux et quelle est la distance opti-male ? L’échographie permet de répondre à ces deuxquestions en aidant au repérage des structures nerveuses etvasculaires. Elle permet de plus un examen dynamique entemps réel lors de la réalisation du bloc et donc de contrôler

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 6450l’injection de la solution d’anesthésique local et sa bonnediffusion autour des structures nerveuses.

L’échographie pourrait se révéler particulièrement utile enobstétrique et chez le sujet obèse en général, les repèresanatomiques de surface pouvant être difficiles à identifier.Une pré-visualisation échographique des structures vascu-laires et nerveuses permet de déterminer le point de ponc-tion optimal, ainsi que la direction idéale de l’aiguille.

COMMENT UTILISER L’ÉCHOGRAPHIE EN PRATIQUE QUOTIDIENNE ?

Les sondes échographiques émettent des ultrasons à unefréquence comprise entre 2,5 à 20 MHz. Plus la fréquenceest élevée, meilleure est la résolution spatiale et moinsbonne est la pénétration du faisceau d’ultrasons (< 5 cm).Une fréquence inférieure à 7,5 MHz permet d’obtenir unepénétration des ultrasons au sein des tissus situés à plu-sieurs centimètres de profondeur (> 5 cm). Un échographeéquipé d’une sonde à haute fréquence n’est donc pas for-cément le meilleur choix lorsque l’on souhaite repérer desstructures nerveuses profondes. Le type de sonde dépendavant tout de la position des structures nerveuses que l’oncherche à identifier. Perla et coll. ont ainsi utilisé une sondede 12 MHz pour repérer les structures nerveuses superfi-cielles (4) mais, avec la même sonde, les nerfs n’ont pu êtreidentifiés dans plus de 73 % des cas lors de la réalisationd’un bloc infraclaviculaire, alors qu’ils l’étaient facilementavec une sonde de 5 à 10 MHz. Il est donc indispensabled’avoir plusieurs sondes de fréquences différentes en fonc-tion des blocs à réaliser.

Le coût moyen d’un échographe équipé de plusieurs son-des s’élève entre 50 000 et 75 000 euros mais des appareilsutilisés pour le repérage des structures vasculaires avec uneseule sonde (5-10 MHz) coûte environ 7 500 euros. De plus,les échographes sont de plus en plus petits, ce qui permetd’envisager leur utilisation ambulatoire.

Échogénicité des structures anatomiques

En échographie, les nerfs apparaissent comme des structureshypoéchogènes à bords hyperéchogènes (3). Histologique-ment, cet aspect correspond aux fascias des nerfs qui sonthypoéchogènes tandis que les tissus conjonctifs formantl’épinèvre sont hyperéchogènes. Les vaisseaux, tendons etmuscles adjacents sont aussi hypoéchogènes alors que lesos et les tissus graisseux sont hyperéchogènes. Transversa-lement, les petits nerfs peuvent être confondus avec despetits vaisseaux, des nodules lymphatiques ou des fasciasmusculaires car tous ont une taille identique et la mêmeéchogénicité.

Les vaisseaux sont facilement identifiables : les artèressont pulsatiles et uniques alors que les veines, souventdoubles, sont compressibles en exerçant une faible com-pression par la sonde d’échographie sur la surface cuta-née. Le Doppler couleur facilite le repérage etl’identification des vaisseaux. Sheppard et coll. suggèrentde s’aider du Doppler pour ne pas confondre les nerfsavec de fins vaisseaux (5).

Réalisation du bloc

Avec l’échographie, l’identification des repères cutanésdevient secondaire. En effet, une vision préliminaire desstructures nerveuses permet de déterminer, en fonction desstructures adjacentes aux nerfs et des éventuelles variationsanatomiques, le point de ponction optimal. Le point deponction idéal est celui où la distance peau/nerf est la pluscourte.

Il est préférable de diriger transversalement l’aiguille parrapport au faisceau des ultrasons (figure 1). On peut alorssuivre la progression de l’aiguille en ligne dans le grand axedu faisceau d’ultrasons. L’extrémité de l’aiguille, qui esthyperéchogène, et son cône d’ombre, hypoéchogène, peu-vent être ainsi facilement identifiables (figure 2). Contrô-lées en temps réel, l’extrémité, la direction de l’aiguille etla profondeur d’insertion peuvent être ajustées pour éviterles structures vasculaires et placer la pointe de l’aiguilleprès du nerf. Certains préfèrent positionner l’aiguille per-pendiculairement au grand axe du faisceau d’ultrasons(figure 3). L’aiguille est visible en coupe transversale.L’inconvénient de cette technique est qu’elle ne permet pasde contrôler la profondeur de l’aiguille. Seuls les mouve-ments des tissus adjacents sont visibles.

Lorsque l’aiguille est proche du nerf, on peut examiner ladiffusion de la solution anesthésique, ce qui permet deréorienter éventuellement l’extrémité de l’aiguille pourobtenir une meilleure diffusion de la solution anesthésiqueautour du nerf. Cet atout permet de prédire une bonne effi-cacité du bloc, sans attendre que l’anesthésique local necommence à agir. Il n’est donc plus indispensable derechercher l’extrémité de l’aiguille au niveau de la gainenerveuse, qui garantie certes une bonne diffusion de la solu-tion anesthésique mais témoigne aussi de l’étroite proxi-mité de l’aiguille et du nerf.

La pose d’un cathéter périnerveux reste possible. Sinha et coll.utilisent une sonde équipée d’une poche stérile pour permet-tre la mise en place d’un cathéter avec une asepsie chirurgi-cale (6). L’échographie contrôle le bon positionnement ducathéter et la diffusion correcte des anesthésiques locaux.

La sonde d’échographie est positionnée et orientée diffé-remment en fonction du bloc à réaliser, afin d’obtenir unevue optimale des structures nerveuses.

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BLOCS DU MEMBRE SUPÉRIEUR

Le faisceau d’ultrasons doit idéalement se situer à 90° parrapport au plexus brachial.

Bloc interscaléniquePerla et coll. ont montré que les nerfs sont très facilementidentifiables lors de la réalisation d’un bloc interscalénique(4) (figure 4). Lorsqu’on réalise une échographie à ceniveau dans un plan oblique et axial, la structure la plussuperficielle est le muscle sternocléidomastoïdien, deforme triangulaire. Plus en profondeur se trouvent les mus-cles scalènes antérieur et moyen. Au niveau du cartilage cri-coïde, le plexus brachial se situe entre ces deux muscles.Suivant l’angle de la sonde d’échographie, il est fréquentd’identifier au moins une des trois structures musculaires.Quand l’échographie est effectuée au-dessus du niveau ducartilage cricoïde, dans un plan axial, on peut observer lesracines nerveuses qui émergent des processus transversesdes vertèbres cervicales (figure 5). Les racines ne peuvent

pas être visualisées dans le foramen ovale en raison du côned’ombre de la vertèbre. À ce niveau, on peut identifier lacarotide interne et la veine jugulaire interne, situées anté-rieurement et médialement au plexus brachial, et parfoisl’artère vertébrale. La réalisation du bloc est représentée surla figure 5.

Bloc supraclaviculaire

Pour ce bloc, la sonde doit être dans un plan oblique etfrontal. Les images obtenues montrent la première côte et,juste au-dessus, l’artère sous clavière. À ce niveau, les fais-ceaux d’ultrasons sont presque perpendiculaires au plexusbrachial ; l’artère sous-clavière apparaît comme un cerclepulsatile hypoéchogène et la première côte comme uneligne courbe hyperéchogène. Le plexus brachial se situetoujours dans un amas latéral, postérieur et souvent cépha-lique à l’artère sous-clavière. Une approche plus médialemontre la veine et le muscle scalène antérieur. La plèvre,hyperéchogène, et le parenchyme pulmonaire, hypoéchogène,

Figure 1. Direction transversale du faisceau d’ultrasons par rapport àl’aiguille de stimulation.

Incidence

ultrasons

Aiguille

Figure 2. Visualisation échographique d’une aiguille de neuro-stimulation.

Figure 4. Échographie de la région cervicale. Rapports anatomiquesdu plexus brachial lors de la réalisation d’un bloc interscalénique.

Figure 3. Faisceau d’ultrasons perpendiculaire à l’aiguille.

Incidence

ultrasons

Aiguille

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sont souvent visibles de l’autre côté de la première côte. Onpeut observer les mouvements respiratoires et le déplace-ment de la plèvre.

Bloc infraclaviculaire

Sheppard et coll. recommandent une sonde de 7,5 MHzpour le bloc infraclaviculaire (5). La sonde, de 7,5-10 MHz,doit être positionnée 2 cm médialement à l’apophyse cora-coïde. Dans cette position, le plexus brachial est profondpar rapport aux muscles grand et petit pectoral, et se situeà proximité de la veine et de l’artère axillaires.

Ootaki et coll. ont repéré le plexus brachial au cours d’un blocinfraclaviculaire chez 60 patients, avec un taux de réussite de95 % (7). Aucune complication n’a été à déplorer et aucuneanesthésie générale n’a été nécessaire. Les auteurs soulignentqu’à tout instant il était possible de visualiser la plèvre et doncd’écarter tout risque de pneumothorax. Un même taux deréussite a été rapporté dans deux études de Kilka et coll. et Rajet coll., portant sur un plus grand effectif (8, 9). Greher et coll.(10) ont utilisé l’échographie pour identifier précisément leplexus brachial lors de la réalisation d’un bloc infraclaviculaireet déterminer les repères cutanés. Leur étude montre que lesrepères cutanés habituels ne permettent pas d’avoir un tauxde réussite optimal et peuvent être source de complications(ponction vasculaire et pleurale).

Bloc axillaire

La plupart des études du plexus brachial à ce niveau utili-saient des sondes d’échographie de 5-10 MHz et 12-15 MHz.

On visualise facilement les branches du plexus brachial aucontact des vaisseaux axillaires. La veine est plus médiale etle plus souvent postérieure à l’artère. À l’échographie, ondistingue clairement les trois branches terminales du plexusbrachial (médian, ulnaire et radial). Il existe de nombreusesvariations de la localisation de ces trois nerfs : ils sont le plussouvent en position latérale ou médiale à l’artère et moinssouvent en position antérieure ou postérieure (11).

Dans une étude incluant 40 patients, Kapral et coll. ont uti-lisé l’échographie pour mettre en place un cathéter auniveau axillaire (12). Ils ont pu ainsi confirmer la bonneposition du cathéter dans la gaine et constater la bonne dif-fusion de la solution injectée. Aucun traumatisme vasculaireou neurologique n’a été à déplorer. Une des conclusionsdes auteurs est que l’échographie permet de visualiserdirectement la bonne diffusion de l’anesthésique local etdonc d’utiliser de plus petits volumes.

Bloc au canal huméral

La sonde est positionnée à la jonction tiers supérieur-tiersmoyen du bras. À ce niveau, les images obtenues permettentde distinguer principalement deux nerfs (médian et ulnaire).Le nerf musculo-cutané et le radial ne peuvent être identifiés.

BLOCS DU MEMBRE INFÉRIEUR

Bloc sciatique poplité

La sonde doit être positionnée verticalement à ce niveau,pour obtenir une vue transversale du nerf sciatique. Le fais-

Figure 5. Vue transversale de trois quarts de la région cervicale auniveau du cartilage cricoïde. SCM : muscle sternocléidomastoïdien,Scl moy : scalène moyen, Scl ant : scalène antérieur, Pl brachial :plexus brachial.

Figure 6. Injection de 15 ml d’anesthésique local au cours d’un blocinterscalénique. Scl moy : scalène moyen, Scl ant : scalène antérieur,AL : anesthésique local, Pl brachial : plexus brachial, Aig stim :aiguille de neurostimulation.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 6 453ceau d’ultrasons est à 90

° par rapport au nerf sciatique quiapparaît comme un ovale hyperéchogène très bien déli-mité. Cette position de la sonde permet de contrôler labonne diffusion de la solution. À ce niveau, le nerf se situeà environ 3-4 cm de profondeur et de 1 à 2 cm en dehorsde l’artère poplitée.

Bloc fémoralMarhofer et coll. ont suivi par échographie la réalisationd’un bloc fémoral (13). Dans la première étude, ils ont com-paré l’échographie (US) au neurostimulateur (NS). Dans legroupe US, le temps de réalisation était plus court (16 +/– 14vs 27 +/– 16 minutes). Dans la 2e étude, on injectait 20 mlde bupivacaïne à 0,5 % dans le groupe US, et 20 et 30 ml debupivacaïne à 0,5 % dans deux groupes NS. Le taux de réus-site du bloc était de 95 % dans le groupe US, contre 80 %dans les groupes NS.

ANESTHÉSIE PÉRIDURALE

Péridurale thoraciqueGrau et coll. ont étudié la possibilité, avec une sonde de7 MHz, de mettre en évidence l’espace péridural. L’espacepéridural proprement dit est difficile à repérer, mais la dure-mère peut en revanche être bien visualisée.

Péridurale lombaireAu niveau de la ligne L3-L4, il faut utiliser une sonde de5 MHz pour avoir une vision soit transversale soit longitudi-nale de la région. Comparé à l’approche médiale, l’abordparamédian offre une meilleure visualisation des différentesstructures. Avec une sonde de 5 MHz, on peut obtenir uneimage jusqu’à 12 cm de profondeur (14).Les structures osseuses situées autour de la moelle et del’espace péridural absorbent la quasi-totalité des ultrasons.En effet, en fonction de la fréquence de la sonde utilisée,92 % à 100 % des ultrasons ne sont pas réfléchis, a fortiorien cas de calcification du ligament jaune. L’espace périduraln’est pas échogène car constitué essentiellement de tissuconjonctif, de fibres de collagène, de vaisseaux et de tissucellulograisseux. Le ligament jaune et la dure-mère, ont lamême densité et sont presque isoéchogène. Le faisceaud’ultrasons pénètre dans la colonne vertébrale par une« fenêtre acoustique » située entre les apophyses épineuses.Le ligament jaune est la première structure échogène ren-contrée, la deuxième étant la dure-mère. Entre ces deuxstructures échogènes se situe l’espace péridural.L’espace péridural se localise le plus souvent entre 2 et9 cm. Sur une large série de 3 011 parturientes, la distancepeau/espace péridural était dans 76 % des cas compriseentre 4 et 6 cm, et entre 2 et 4 cm dans 16 % des cas. Le

ligament jaune se situait donc dans plus de 90 % de cas danscet intervalle de 7 cm. Une échographie avant la ponctiona permis d’évaluer cette distance, qui était de 7,9 cm enmoyenne dans 95 % des cas.

L’espace péridural ne réfléchit en fait pas le faisceau d’ultra-sons mais l’échographie permet d’obtenir trois renseigne-ments très utiles :

– la distance peau/espace dural ;

– la mise en évidence du point de ponction optimal ;

– la bonne orientation de l’aiguille.

Grau et coll. ont ainsi pu identifier l’espace péridural cheztous les patients de leur étude, en visualisant le ligamentjaune et la dure-mère dans 88 % des cas.

CONCLUSION

La neurostimulation a fait progresser l’anesthésie locorégio-nale, notamment la pratique des blocs périphériques.L’étape suivante fait intervenir l’échographie dont les pos-sibilités et les usages se sont répandus au lit des patients.L’intérêt de l’échographie est sans nul doute que, pour lapremière fois, on peut visualiser « en direct » les structuresnerveuses que l’on désire anesthésier. Le fait de passerd’une technique « aveugle » à une technique avec visualisa-tion des structures devrait améliorer à la fois la fiabilité etla sécurité des techniques de bloc. Mais cela reste à établirformellement et la plupart des études se contentent dedécrire les techniques et les images observées. Il n’en restepas moins que l’échographie pourrait non seulement facili-ter l’apprentissage des blocs mais aussi permettre une réa-lisation plus sûre, notamment quand les conditions sontdéfavorables. Il faut cependant bien établir la réalité de cesavantages car l’opérateur doit se perfectionner en échogra-phie elle-même et le coût de cette technologie n’est pasnégligeable.

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Tirés à part : Xavier MASCHINO,Département d’Anesthésie-Réanimation– clinique de la douleur, Hôpital Tenon,4 rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20.