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www.enass.fr l’Enass Ecole nationale d’assurances « Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs de Risques Aggravés en (ré)assurance de personnes en France ? Identité, reconnaissance et avenir d’un métier sans diplôme. » Eve-Laure TASCON

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l’EnassEcole nationale d’assurances

« Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs de Risques Aggravés en (ré)assurance de personnes en France ? Identité, reconnaissance et avenir d’un métier sans diplôme. »

Eve-Laure TASCON

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p. 2 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

REMERCIEMENTS Les interviewés pour le précieux temps accordé et leur apport à la réflexion, par ordre de rencontre : Michelle Fablet, André Loye, Olivier Dessus, Philippe Aussel, Romain Durand, Didier Leman, Pierre-Yves Le Corre, Jean Lalili, Sandrine Murillon, Véronique Sagot, Michèle Porta, Michelle Robiolle, Béatrice Mesnil, Anne-Marie Cona, Laurence Vignon, Dr. Jacques-Louis Boucher, Colin Kearney, Dr. Catherine Tchoreloff. Les 220 participants au sondage pour leur contribution à dresser un profil du tarificateur en 2012 et la motivation engendrée par le nombre de réponses. Norbert Girard, Secrétaire général de l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance (OEMA), précieux tuteur, pour son apport méthodologique et son aide tout au long du projet. Les membres du conseil de l’Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés (AFSRA) pour leur soutien et leur engagement dans la cause qu’ils poursuivent. Mes collaborateurs et responsable pour m’avoir permis de réaliser cette formation MBA Manager de l’assurance et avoir respecté les absences liées. Mes plus proches collaborateurs pour leur soutien inconditionnel. Mes relecteurs pour la pression infligée par les délais très courts. Mes proches : amis et parents pour les moments de dégustation et de récréation. Mes livres et romans (hors de l’assurance) qui patientent depuis presque 2 ans dans ma bibliothèque… sacrifiés sur l’autel du MBA. Une pensée toute particulière pour une amie, très courageuse, ainsi que des remerciements pour ses encouragements et sa compréhension devant mon manque de disponibilité. Christian, ses adorables monstres (Rémi et Alice) et leurs trésors de patience pendant toute la formation et la rédaction de cette thèse professionnelle.

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 3 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

RESUME La sélection des risques en assurance de personnes consiste, au moment de l’adhésion, en une évaluation du risque. C’est une activité complexe visant à déterminer pour chaque proposant, si son état de santé, sa profession, ses loisirs ou moyens de transport, ses lieux de séjour ou de résidence, et parfois même sa situation financière, induisent un sur-risque à couvrir par rapport à un individu moyen de même âge (défini comme le risque standard par l’actuaire), et au regard des définitions du contrat. Le cas échéant, il conviendra d’apprécier précisément ce sur-risque, de définir son assurabilité et les conditions d’acceptation nécessaires à sa couverture ainsi qu’à l’équilibre du contrat. L’examen des situations d’exercice de la sélection des risques sur le marché français, montre une grande variété de définition, d’organisation, trop disparates pour donner l’image d’équité chère aux associations de consommateurs. Au sein des professionnels de la sélection, le tarificateur se distingue : ni médecin ni actuaire, il assume la responsabilité de la souscription des risques souvent très complexes, ceux pour lesquels les enjeux sont autant techniques que commerciaux. En France, le tarificateur, d’apparition relativement récente, est en plein développement mais peine à être reconnu. Le métier est pourtant au carrefour des principales mutations et évolutions du secteur de l’assurance :

- La révolution des outils informatiques, - L’orientation clients, - Les contraintes règlementaires.

Les problématiques d’acceptabilité sociale de la sélection rejoignent celles d’identité et d’organisation du métier de tarificateur, empêchant son enracinement et sa reconnaissance. Pour y remédier, plusieurs pistes se combinent :

- La construction d’une identité professionnelle et d’un métier ancré autour de valeurs éthiques fortes, d’un parcours de formation qualifiant et un exercice de la sélection au quotidien qui répondent aux règles de l’art,

- Une nécessaire prise de conscience de ses rôles d’assistance sociale aux risques aggravés, de garant d’un traitement équitable et professionnel du dossier d’assurance et d’accompagnement du client au plus près de ses besoins et attentes,

- Et une mobilisation des acteurs dans la revendication de cette identité, dans la promotion interne (auprès de leur hiérarchie et partenaires) et externe (auprès des institutions représentatives) de leur travail pour convaincre de leur légitimité et expertise en matière de sélection.

La professionnalisation du métier de tarificateur est l’assurance d’un traitement de qualité pour les proposants et d’une conformité aux diverses législations. C’est aussi la mise à disposition de ressources compétentes en sélection des risques aggravés, à même d’aider les entreprises du secteur, à franchir les nombreux défis de la souscription (dématérialisation, télé-sélection, modèle prédictif, etc.). MOTS-CLES Risques Aggravés ; Risques non standards ; Sélection des risques ; Sélection médicale ; Tarificateur ; Souscripteur médical ; Souscripteur de risques aggravés ; (Ré)assurance de personnes ; Reconnaissance d’un métier ; Identité professionnelle

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p. 4 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

EXECUTIVE SUMMARY Life Underwriting is, at the time of application, an assessment of risk. This is a complex activity to determine for each applicant, if his/her state of health, occupation, leisure or means of transport, country of residence, and sometimes their financial situation, lead to a substandard risk compared to an average person of the same age (defined as a standard risk by the actuary), along with the definitions of the contract. Where appropriate, the substandard risk should be appreciated precisely, define the insurability and the necessary acceptance conditions for its coverage as well as the balance of the contract. The examination of exercising situations of risk selection in the French market shows a variety of definitions, organization, too widespread to give the perception of fairness demanded by consumer associations. A professional in the selection of risk, known as the underwriter exists. Considered neither as a Doctor nor an Actuary, the underwriter is responsible for the underwriting which is often very complex, for which the stakes are both technical and commercial. In France, the underwriter is considered as a relatively recent appearance and is currently in full development but with difficulty to be recognized. But the profession is at the crossroads of major changes and developments in the insurance industry: - The revolution of underwriting tools, - Customer orientation, - Regulatory constraints. The issues of social responsibility linked to selection influence the identity and the organization of the role of the underwriter, preventing its recognition and growth. To remedy this, we need to combine several factors: - The construction of identity and a business anchored around strong ethical values with a training exercise for underwriting on a daily basis that meet the rules of the art, - A necessary awareness of the roles of social assistance linked to increased risks which guarantees a fair and professional insurance decision and therefore supports the customers’ needs and expectations, - The mobilization of players in the identity and promotion (with their superiors and partners) and externally (with representative institutions) of their work to convince their legitimacy and expertise in the art of underwriting. Professionalization of the underwriter is the assurance of quality, fair treatment for applicants and compliance with various laws. It is also the provision of appropriate resources in substandard underwriting enabling companies to overcome the many challenges of underwriting (including electronic, tele-underwriting, predictive modeling, etc.). KEY WORDS Substandard Risks; Life Underwriting; Medical Underwriting; Life Underwriter; Medical Underwriter; Life Insurance & Reinsurance; Recognition of an Occupation; Identity of an Occupation

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 5 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

SOMMAIRE

Introduction .......................................................................................................................................... 7

I. Le tarificateur – origines et état des lieux d’une activité mal définie, peu connue, dans un secteur en déficit d’image .................................................................................................................. 11

a. Les origines : d’où vient le tarificateur de risques aggravés ? .............................................................. 12 b. Une première tentative de délimitation et caractérisation de l’activité : des situations d’exercice très disparates aujourd’hui .................................................................................................................................. 19 c. Les relations avec ses pairs et ses partenaires : une interdépendance essentielle ................................. 40 Conclusion de la partie I :............................................................................................................................. 52

II. Face a un environnement en pleine mutation, l’indispensable adaptation du tarificateur aux prochains défis .................................................................................................................................... 53

a. Un secteur de l’assurance en pleine mutation ...................................................................................... 54 b. La remise en cause du « Right to Underwrite » ................................................................................... 72 c. L’épineuse question du traitement des données ................................................................................... 86 Conclusion de la partie II : ........................................................................................................................... 94

III. Manuel de survie à l’attention du tarificateur : d’une activité peu organisée à un métier doté d’une acceptabilité sociale ................................................................................................................. 95

a. Le constat d’une situation qui amène des critiques .............................................................................. 96 b. La revendication d’une identité professionnelle spécifique et la définition des rôles ........................ 101 c. La cartographie des savoir-faire spécifiques ...................................................................................... 106 d. L’accès au marché du travail et le parcours de qualification ............................................................. 110 e. La mobilisation et la participation active aux évolutions et orientations de la sélection.................... 118 Conclusion de la partie III .......................................................................................................................... 120

Conclusion ........................................................................................................................................ 121

Entretiens .......................................................................................................................................... 122

Bibliographie .................................................................................................................................... 123

Annexe 1 - Script du Sondage « Le métier de Souscripteur de Risques Aggravés »....................... 127

Annexe 2 - Détail des résultats du sondage ...................................................................................... 138

Annexe 3 - Fiche « Souscription des risques non standard » de l’OEMA ....................................... 154

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 7 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

INTRODUCTION En Europe, la règlementation des dix dernières années a été fortement marquée par la lutte contre les discriminations.

(Legal Aspects of Life Without Sex – EU gender Directive – SCOR – 23/10/12)

L’arrêt Test-Achats de la CJUE du 1er mars 2011 a mis fin à la dérogation accordée aux assureurs d’utiliser le genre comme élément de distinction des primes d’assurance, laissant le secteur de l’assurance dans la crainte, par extension, de la fin de la sélection des risques. En France, les actualités ayant des implications sur la souscription ne manquent pas :

- Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires1, prolongement de la loi Lagarde, contient un article relatif à l’assurance emprunteur (article 18). La loi Lagarde du 1er juillet 2010 a participé au développement de deux types de contrats : ceux dits « défensifs » des bancassureurs et ceux individualisés des compagnies d’assurance et courtiers ; tous deux caractérisés par un tarif plus intéressant et une sélection à l’entrée plus fine que les produits « groupe emprunteur » bancaires.

- La réforme de la dépendance se prépare et tout laisse penser que la solidarité publique ne

sera pas suffisante pour en supporter le poids. Les compagnies d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance auront donc leur carte à jouer, notamment au travers de produits dédiés : certaines ont déjà récemment revu ou créé les leurs : Crédit Agricole Assurances, Malakoff Médéric, MGEN2.

1 Projet n°566 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2012. 2 Dépendance : les assureurs veulent trouver leur place – Le Figaro – 11/03/2013.

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p. 8 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

- La Convention AERAS3, révisée une première fois en 2011 pour améliorer l’accès à l’assurance emprunteur des personnes présentant un risque aggravé de santé sera à nouveau rediscutée en 2014.

Quel que soit le produit concerné en assurance de personnes, la compagnie a besoin de connaître les risques qu’elle fait entrer dans son portefeuille, pour s’assurer qu’elle pourra faire face aux sinistres. La sélection consiste, parmi les risques se présentant à la souscription individuelle, à trier, à identifier chaque profil, à écarter ceux inassurables et déterminer les conditions de couverture de ceux acceptables. L’équilibre technique du contrat d’assurance, entre l’engagement de l’assuré - le versement de la prime - et celui de l’assureur - le règlement du sinistre -, n’est possible que si l’assuré paie la prime correspondant au risque qu’il représente. Elle renvoie à l’assurabilité des risques dits « aggravés » : les proposants à l’assurance présentant, par rapport à un risque dit « normal » de même âge, une aggravation de leur risque :

- médical (ex : diabète, antécédent de cancer, maladie cardio-vasculaire, etc.), - professionnel (ex : pompier, guide de haute-montagne, etc.), - sportif (ex : parachutisme, boxe thaï, etc.), - de séjours (ex : expatriation dans un pays du Golfe, etc.), - financier (ex : capital assuré important).

Ils constituent une population très spécifique. Leur adhésion est étudiée sur la base d’une analyse personnalisée. Mon histoire avec les risques aggravés a débuté il y a 13 ans presque jour pour jour. Arrivant sur Paris et cherchant un travail « alimentaire », la première mission que l’agence d’intérim, spécialisée dans la Banque et l’Assurance, me proposa fut celle de « Tarificateur » chez SCOR : peu de détails me furent donnés sur le contenu et les objectifs d’une mission présentée comme assez « atypique », croisant différents domaines d’expertise. Le tarificateur est celui qui étudie les risques aggravés. Il doit pour cela maîtriser un ensemble de connaissances très variées (assurances, médical, géopolitique, analyse financière, activités professionnelles et de loisir, législation, commercial, etc.), faire preuve d’un esprit synthétique et d’une ouverture à la recherche des solutions les plus adaptées au client final de l’assureur ou intermédiaire d’assurance - le proposant - ou à la compagnie « cédante » avec qui le réassureur partage le risque. Le métier est passionnant, on y entre par hasard ou opportunité plus que par vocation, on y reste pour l’intérêt de la matière plus que pour le statut ou l’appât du gain. Les tarificateurs ou souscripteurs de risques aggravés mettent en œuvre, au quotidien, des compétences techniques certaines, travaillent en partenariat étroit avec les autres départements dans des conditions de travail parfois difficiles (pression des délais, impératifs de productivité, utilisation d’outils, etc.). Depuis une dizaine d’années, l’activité de souscription des risques aggravés est en plein développement en France, grâce notamment à l’essor du contrat emprunteur. Son apprentissage, en l’absence de diplôme dédié, se fait sur le terrain des dossiers ; la variété des domaines impliqués,

3 Convention s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé – Cf. II-b-ii

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 9 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

des contrats ou produits soumis à la sélection, des garanties étudiées, des cas rencontrés, en fait une activité unique, d’une richesse incroyable pour les tarificateurs. Peu organisée, elle regroupe une grande diversité de situations, de grandes disparités et peine à être reconnue. Devenue responsable du Département Sélection des risques et Sinistres de SCOR Global Life en 2006, j’ai l’occasion d’encadrer désormais une trentaine de professionnels de la sélection et de travailler quotidiennement sur les problématiques de cette activité. Se pencher sur la sélection des risques revient à s’intéresser à tout ce que l’industrie de l’assurance de personnes a d’innovant, d’intéressant, de contraignant aussi ; le tarificateur est au carrefour de toutes les problématiques actuelles :

- Un contexte règlementaire se complexifiant, - La relation client au centre des préoccupations, - Des évolutions technologiques imposant sans cesse une adaptation aux nouveaux outils et

moyens de communication. Pour le grand public, peu sensibilisé à l’assurance et ses mécanismes, la sélection des risques est associée à peu de choses ou à une mauvaise expérience : une formalité administrative lourde et incontournable ; une discrimination injuste pour les plus malchanceux. Les assurés ont donc besoin de professionnels à même d’élaborer une réponse adaptée à leur profil de risque ou une alternative à une situation d’exclusion ou de refus lorsqu’ils présentent une aggravation de leur risque. Pour mener, au quotidien, une analyse de pointe sur chaque dossier et aboutir à des solutions d’assurance sur-mesure pour les proposants les plus aggravés, les entreprises du secteur cherchent à recruter, faire monter en compétences, reconnaître et conserver un personnel spécialiste de la sélection des risques. Elles rencontrent cependant des difficultés pour :

- Identifier des profils de candidats « tarificateurs en devenir » ou « tarificateurs expérimentés »,

- Bâtir un parcours d’intégration, de formation et d’évolution internes, en l’absence de diplôme ou éducation spécifique,

- Motiver, reconnaître et conserver leurs collaborateurs devenus qualifiés. Les organisations professionnelles, pour répondre aux obligations règlementaires et attirer des profils susceptibles de devenir des professionnels compétents de la sélection, feraient face à la difficulté de promouvoir une activité qui a plutôt mauvaise presse. Les tarificateurs, enfin, souhaiteraient être reconnus en tant qu’experts, véritables professionnels mais tardent à obtenir un statut en adéquation avec leurs responsabilités. Dans un contexte de profonde mutation du secteur de l’assurance, il paraît urgent, sur le marché français, d’établir l’activité de souscription des risques aggravés en véritable métier pour aider les tarificateurs à franchir cette étape décisive de leur évolution. J’ai donc choisi, pour ma thèse professionnelle, de m’intéresser à la problématique suivante : « Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs de Risques Aggravés en

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p. 10 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

(ré)assurance de personnes en France ? – Identité, reconnaissance et avenir d’un métier sans diplôme ». Cette problématique recouvre un ensemble de questions, parmi lesquelles :

- Où la sélection des risques et le tarificateur trouvent-ils leurs origines ? Comment est exercée, sur le marché français, la sélection des risques ?

- Comment le tarificateur se définit-il ? Quelle est sa finalité ? Où commencent et s’arrêtent son travail, ses missions ? Quelles sont ses relations, avec ses partenaires et ses outils ?

- Qu’est-ce qui a empêché cette activité de s’organiser en métier ? Quels sont les freins à la reconnaissance du tarificateur ? Est-ce sa nature, un exercice mal maitrisé, un problème de légitimité face aux médecins conseil, l’impact d’un environnement trop contraignant ou d’outils menaçants, un futur peu prometteur pour ses acteurs ?

- L’encadrement de l’activité des tarificateurs dans un métier est-il la solution ? Quelles en sont les éléments, les étapes, les outils ? Quelles sont les autres pistes ?

Au cœur de mes recherches, la souscription des risques aggravés et ses problématiques assurantielles mais également les dimensions sociologique, économique, technologique, management des ressources humaines. Je serai amenée à m’intéresser à la sélection des risques, sa définition, son essor, ses contraintes, les manières de l’exercer, son évolution, pour mieux comprendre les problématiques de ses acteurs, les tarificateurs, leur identité, reconnaissance et avenir. Sur le marché français, la sélection présente un certain nombre de spécificités. Il est facile et rapide, au contact d’un tarificateur anglais ou américain, de s’apercevoir que la place qu’il occupe au sein de son entreprise et de son industrie, n’est pas comparable à celle du tarificateur français : il ne jouit pas de la même reconnaissance. Les maladies des proposants présentant un profil de risque aggravé et leurs dossiers d’assurance, ne sont pourtant pas si différents. Par contre, la dimension et la légitimité du tarificateur à l’étranger sont tout autre, l’international permettra la comparaison. L’objectif de cette thèse consiste donc à se pencher sur la sélection des risques sur le marché français du point de vue des tarificateurs, ceux qui la pratiquent sur le terrain des dossiers, pour :

- Mettre à plat leurs conditions d’exercice de cette activité, - Comprendre un peu mieux l’environnement dans lequel ils évoluent et les grandes

tendances, - Proposer des pistes pour permettre l’ancrage des tarificateurs et de la sélection des risques.

En terme de méthodologie, je m’appliquerai dans un premier temps à comprendre l’activité de souscription des risques aggravés dans ses moindres aspects par un état des lieux rigoureux : des débuts de la sélection des risques au détail de sa pratique actuelle (partie I). Je m’intéresserai ensuite à l’environnement complexe dans lequel le tarificateur évolue, aux perspectives d’évolution que génèrent un environnement en pleine mutation (règlementaire, technologique, etc.) (Partie II). Enfin, pour mieux définir les pistes et actions à conduire, je mesurerai l’écart qui sépare cette activité d’un véritable métier pour (Partie III).

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 11 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

I. LE TARIFICATEUR – ORIGINES ET ETAT DES LIEUX D’UNE ACTIVITE MAL DEFINIE, PEU CONNUE, DANS UN SECTEUR EN DEFICIT D’IMAGE

« Un peuple qui ne connaît pas son passé, ses origines et sa culture ressemble à un arbre sans racines. »

Marcus Garvey

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p. 12 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Avant de s’interroger sur la reconnaissance du tarificateur, il est nécessaire de se pencher sur ses origines, de comprendre comment l’activité s’est développée, comment elle se pratique aujourd’hui sur le marché français pour tenter d’en élaborer une définition la plus juste.

a. Les origines : d’où vient le tarificateur de risques aggravés ? Nous évoquerons les débuts de la sélection médicale et de l’assurance des risques aggravés à la sélection des risques réalisée aujourd’hui par les souscripteurs de risques aggravés.

i. La naissance de la médecine d’assurance et de la sélection médicale Quelques dates fondatrices 1693 – Edmund Halley, astronome, découvre une ville en Silésie où les naissances et les décès sont scrupuleusement référencés et publie la première table de mortalité.4 Le XVIIIe siècle est marqué par :

- L’apparition des premières tables d’extinction (ancêtres des tables de mortalité). En France ce sont celles de (De)Parcieux, de Duvillard et de Buffon.

- L’évolution de la statistique : naissance des tables de probabilité de la vie humaine,

l'espérance de vie de Bernouilli, le calcul de la durée moyenne de la vie par Laplace.

- La création des premières Compagnies d’Assurance sur la vie (« l’Amicable society », la Société d’Assurance anglaise pour veuves et orphelins, etc.)

- Un regain d’intérêt pour les problèmes de longévité. L’ « Equitable Society for Assurances

on lives and survivorships » introduit, en Angleterre, (la variation du tarif en fonction de l’âge :) le principe de la prime déterminée par les tables de mortalité via le calcul des probabilités, toujours en vigueur aujourd’hui5.

1778 – Charles Brand développe la première table à partir des données d’assureurs, pour pallier aux inconvénients et limites des données des registres d’état civil6. 1837 – Les registres de naissances et décès deviennent obligatoires en Angleterre ; l’élaboration de la première table de mortalité anglaise suivra en 1843. 1897-1906 - Les compagnies américaines commencent à répertorier la taille et le poids de leurs populations pour en tirer des tables d’expérience.7 4 R.D.C Brackenridge / R.S.Croxson / B. R. Mackenzie – Brackenridge’s Medical Selection of Life Risks - Fifth Edition. 2006 5 Cf. La médecine d’assurance sur la vie – Facteurs biologiques, médicaux et sociaux de la Mortalité et de la longévité – Henri Stévenin – Masson & Cie, 1951 6 Cf. Article de N. Potsel-Vinay - Médecine/sciences 2000 ; 16 : 404-8 – Facteurs de risques la contribution méconnue des premiers médecins d’assurance sur la vie. 7 Entretien de D. Leman

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 13 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Jusqu’au XXème siècle : absence de sélection rationnelle Il n’y a que peu à pas de bases techniques à l’appui : les risques aggravés sont refusés, l’acceptation des risques normaux ou simples repose sur peu de critères. Au XVIIIe siècle Il est difficile de dater précisément les débuts de la sélection médicale. En 1705, l’Amicable Society à Londres, sélectionnait déjà ses risques : le proposant à l’assurance se présentait devant les dirigeants de la compagnie pour attester de sa bonne santé ou procurait des témoignages écrits8. Avec les premières Compagnies d’Assurance sur la vie, apparaît la notion « d’apparence de bonne santé » ou « bonne santé apparente » comme critère d’entrée. En 1725, la Société d’Assurance anglaise pour veuves et orphelins retient également le critère « variole » et augmente la prime des proposants ne l’ayant pas eu. La notion de proposition d’assurance signée par le candidat apparaît avec l’Equitable (Londres, 1762), premier élément concret de sélection. Elle est associée au contrôle de l’antécédent de petite vérole comme préalable à l’assurance ; la surprime est utilisée. Par contre, jusque-là, aucun lien n’est fait entre la prime et l’âge du proposant à l’assurance. L’Equitable semble avoir été la première compagnie à faire le lien, faisant varier la prime avec l’âge. Les principes et critères de sélection de l’époque sont très simplifiés : ni trop jeune, ni trop vieux, une preuve d’identité, la vérole, un examen médical pour l’alcoolisme, la syphilis, « l’emprise du diable »… Au début du XIXe siècle Les banquiers commencent à entrevoir les bénéfices de l’assurance des seuls candidats sains et les sélectionnent par un serment de bonne santé. Les compagnies font ensuite intervenir un médecin chargé de contrôler l'état de santé des proposants. La prise en compte des facteurs de risque et la sélection médicale apparaissent ; les assureurs commencent à personnaliser leurs contrats et à en exclure les proposants ayant une « tare » physique ou hérédité. Le médecin-conseil, « homme de l'art », participe au processus de sélection par la voie d'attestation de l'état de santé (général, vaccins et petit vérole) du candidat avec le médecin traitant9. Les prémices des bases techniques voient le jour à partir de 1824 et la Medical Clerical and General créée par le Dr Pinckard qui impose aux proposants à l’assurance un examen par 2 des médecins de la compagnie. La surprime pour les risques aggravés est unique : 30% et l’expérience porteuse puisqu’elle permet à Medical, Clerical and General, en comparant la sinistralité sur les risques aggravés et celle sur les risques normaux, de rectifier le tir (recadrage des règles de sélection) et d’améliorer sa sinistralité sur les risques aggravés. 8 Cf. Les Risques Aggravés en Assurance sur la vie – Fascicule I – Etienne de Dardel – Services techniques de la Suisse de Réassurance, avec le concours du Bureau de Tarification de Risques Aggravés (BTRA) 9 Cf. Article de N. Potsel-Vinay - Médecine/sciences 2000 ; 16 : 404-8 – Facteurs de risques la contribution méconnue des premiers médecins d’assurance sur la vie.

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p. 14 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

L’apparition des réseaux de médecins examinateurs de compagnie en Europe (en Allemagne avec la Gotha en 1839) puis en Amérique pour parer aux difficultés rencontrées avec les médecins de famille des proposants est une évolution importante. L’expérience clinique des médecins d’assurance et l’état de santé des candidats deviennent prépondérantes dans la sélection des risques mais celle-ci ne repose toujours pas sur des bases techniques : les mauvais risques ou ceux douteux continuent à être refusés. Peu de compagnies s’essaient à l’acceptation de risques aggravés ou de façon empirique. La fin du siècle et le début du suivant sont marqués par le regroupement des médecins conseil en associations :

- The Association of Life Insurance Medical Directors of America en 1889, devenue l’AAIM (the American Academy Insurance Medicine) en 1991,

- The Assurance Medical Society en Angleterre en 1893, - l’Association Internationale de Médecins Experts des Compagnies d’Assurance (AIMECA)

en 1901, devenue ICLAM en 1931 ; à l’origine de l’organisation du premier congrès de l’International Committee for Insurance Medicine (ICLAM) à Bruxelles en 1899,

- The Association of Life Insurance Medical Directors en 1909.

ii. La sélection moderne et ses outils A partir du XXème siècle : la sélection rationnelle La fin du XIXème siècle est marquée par l’apparition de la méthode numérique, à l’initiative d’un médecin conseil (Dr Rogers) et d’un actuaire (Dr Hunter) de la New York Life Insurance Company sur la base de statistiques de mortalité de proposants refusés. Ils développent un système de tarification numérique, avec débits et crédits10. La compagnie put assurer ainsi les risques aggravés et proposer les bases techniques d’une sélection rationnelle, qui a évolué mais continue à être utilisée de nos jours. L’Actuarial Society of America a œuvré à l’établissement de statistiques et d’études importantes, tandis qu’en Europe, différents assureurs (De Hoop en Hollande, la Sveridge en Suède, Die Hilfe en Allemagne, la Dana au Danemark, la Norske Folk en Norvège, la Varma en Finlande, le Consortio Italiano en Italie) et réassureurs (la Compagnie Suisse de Réassurances et la Münchener Rück) travaillaient à l’établissement de bases techniques solides sur la sélection et tarification des risques aggravés. En 1950, certaines compagnies européennes s’en tiennent encore à refuser les risques aggravés ou non standards.

10 Présentation « Cooperation between medical directors, underwriters & actuaries » du Dr Peter Miller de Swiss Re Life & health lors du congrès de l’ICLAM de mai 2007

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 15 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les premiers outils de sélection En 1951, lorsqu’Henri Stevenin publie son ouvrage « La médecine d’assurance sur la vie »11, il existe dans de nombreux pays des ouvrages de référence rassemblant les connaissances nécessaires à la pratique de la médecine d’assurance, et notamment le pronostic à long terme des maladies. En France, il semble être le premier à rassembler les connaissances nécessaires à son exercice. On note déjà la référence à la Suisse de Réassurance et au BTRA12 : une partie a nécessité les compétences actuarielles (la mortalité et sa mesure) de son Chef actuaire. Les autres sources citées sont américaines, européennes et concernent des ouvrages et rapports de congrès internationaux de Médecine d’Assurances. L’étude de Framingham et les ouvrages qui en ont découlé A la fin de la guerre, en 1952, les Etats-Unis décident de mener une enquête épidémiologique dans la ville de Framingham, Massachussetts : tout le village est « placé sous observation » pendant 20 ans durant lesquels des mesures et enregistrements de leurs taille/poids, leur pression artérielle, leur consommation de tabac, leurs antécédents, différents dosages sanguins (glycémie, cholestérol, etc.) sont réalisés. Des mesures de l’espérance de vie ont lieu sur ces critères. En 1972, sans arrêter l’étude, les premiers résultats sont tirés : la pression artérielle, le cholestérol, le tabac influent sur l’espérance de vie. On en déduit Les chiffres de mortalité réelle par rapport à la mortalité attendue (table de mortalité) permettent d’en déduire les effets du tabac, du surpoids, de l’HTA, etc. Les assureurs se saisissent de ces études qui leur fournissent de très riches informations. M. Edward A. Lew, A.M, F.S.A. et Jerzy Gajewski, M.D., Ph.D. s’emparent de ces résultats pour en faire un ouvrage « Medical Risks – Trends in Mortality by Age and Time Elapsed », soutenus par the Association of Life Insurance Medical Directors of America and The Society of Actuaries. Ces 2 chercheurs, l’un médecin, l’autre actuaire, ont rassemblé et organisé les résultats de l’étude Framingham pour en permettre une lecture, une vulgarisation et une utilisation par l’assurance. Le manuel répertorie les principales affections13. Ce manuel croise différents critères parmi lesquels l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le tabagisme, l’âge, etc. Ces manuels devaient être rendus compréhensibles, adaptés à l’assurance décès, ses garanties et à une utilisation par des non-médecins. Le professeur Brackenridge, médecin anglais qui travaillait à rendre les études compréhensibles par le monde de l’assurance, élabore un manuel généraliste sur toutes les affections : le Brackenridge’s Medical Selection of Life Risks14. Il décrit les éléments et critères de sélection et de tarification, les causes, les traitements et leurs effets. « C’est le passage de la bible au manuel de tarification qui explique la pathologie, les études afférentes, comment tarifer les risques »15.

11 La médecine d’assurance sur la vie – Facteurs biologiques, médicaux et sociaux de la Mortalité et de la longévité – Henri Stévenin – Masson & Cie, 1951 12 Bureau de Tarification des Risques Aggravés 13 Ex : l’hypertension artérielle : en fonction de l’âge, du degré de l’affection, du nombre de personnes atteintes, du nombre de décès par rapport à ce qu’on estimait être la personne normale, une surmortalité est déduite. De même, pour le critère fumeur/non-fumeur. Pour une personne de moins de 45 ans, la table de mortalité indique que l’on devrait avoir X décès ; or chez le fumeur, on en a Y ; la différence correspond à la surmortalité observée. 14 La cinquième édition est parue en 2006 – Ed Palgrave - Macmillan 15 Entretien de D. Leman – 29/11/12

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p. 16 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les réassureurs ont été les suivants à s’intéresser à cette étude entre autres, à les adapter pour concevoir leur propre manuel : le manuel bleu de la Swiss de Réassurance, par exemple. L’évolution des instruments et des méthodes de sélection L’examen médical, limité jusque-là au contrôle des taille/poids, de la tension artérielle et de certaines maladies infectieuses, se complète de tests sanguins, de radiographies et autres examens au fur et à mesure des progrès de la médecine. C’est seulement à la fin du siècle et pour les capitaux souscrits les plus élevés, qu’interviendront les échographies et dopplers. Une des premières méthodes de tarification utilisées est le vieillissement. Il consiste à vieillir le candidat à l’assurance du nombre d’années correspondant au sur-risque estimé. Aujourd’hui, cette méthode n’a plus cours et a cédé la place à la surmortalité (exprimée en pourcentage du risque normal) ou extramortalité (exprimée en pour millage du capital sous risque) ou encore aux classes de risques pour couvrir le sur-risque supposé.

iii. Les acteurs de la sélection des risques sur le marché français Après les actuaires et les médecins conseil, apparaissent les tarificateurs. Au départ, les médecins conseil apprécient le risque médical et les tarificateurs, les aspects non-médicaux de la sélection des risques : la profession, les activités de loisirs, les séjours ou résidence, les transports, la sélection financière. Avec le développement de la sélection, du nombre de dossiers à traiter et des outils de tarification, est venue la nécessité de confier à des « non-médecins » une partie de la sélection des risques. L’expérience et la montée en compétences des tarificateurs dans les compagnies leur permettent aujourd’hui de pouvoir apprécier de nombreux risques, parmi les plus complexes ; l’appui des médecins conseil assurant le nécessaire soutien sur les risques de pointe. Les assureurs et réassureurs face à la sélection L’essor de la sélection Les années 80 en France sont celles des grands bouleversements. Chaque réassureur commence à distribuer son manuel. Exemple : le 1er manuel de Skandia paraît en 1976 : le Life Underwriting manual précise pour chaque garantie (décès, PA : « personal accident », exonération de primes), la conduite à tenir en matière de sélection16. C’est l’époque de la vulgarisation de la sélection à destination des tarificateurs : ils ne sont pas médecins, ne savent pas soigner mais savent quels sont les éléments clefs qui permettent de sélectionner les risques en assurance de personnes. Rapidement les non-médecins sont envoyés en formation, auprès de réassureurs la plupart du temps, en Angleterre parfois. Les médecins des compagnies de réassurance forment leurs clients car il n’existe pas en France d’études diplômantes comme en Angleterre et aux Etats-Unis. Les rédacteurs de contrats deviennent progressivement des tarificateurs ou souscripteurs de Risques Aggravés (RA).

16 Entretien de D. Leman – 29/11/12

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 17 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Sur le marché français, l’acteur principal est la Swiss de Réassurance avec le Bureau de Tarification des Risques Aggravés17. Son expérience sur l’assurance des risques les plus aggravés, son manuel bleu, son école en font rapidement la référence. En 1976, le BTRA étudie entre 30 et 40.000 dossiers par an : les équipes des compagnies d’assurance, peu formées à la sélection des risques complexes se limitaient pour la plupart à effectuer un tri entre les dossiers simples ou acceptations immédiates et les dossiers comprenant des anomalies ou risques à étudier, envoyés au réassureur pour traitement. A partir de 1978, la Swiss de Réassurance change de stratégie et décide de former le personnel des compagnies à l’étude des risques aggravés. Des séminaires et évènements avec les responsables des cédantes sont organisés avec pour objectif l’initiation à la sélection des risques et l’apprentissage de ses principes. Le barème de tarification (émanation d’une filiale américaine) est traduit en plusieurs langues dont le français pour être distribué aux compagnies et clients. Cela eut pour conséquence de diminuer le nombre de dossiers soumis au BTRA pour étude, lui permettant de se concentrer sur les risques les plus complexes tandis que les compagnies étaient plus réactives vis-à-vis de leurs clients finaux. Certains réassureurs, ne disposant pas de version française de leur manuel, ni d’école, renvoient vers la Compagnie Suisse de Réassurance (devenue Swiss Re) et mettent à disposition de leurs clients le manuel bleu. La Compagnie Suisse de Réassurance avec le BTRA est leader du marché français sur les risques aggravés et semble pratiquer la politique de l’ouverture à l’époque. Ses seuls concurrents sont la SCOR et la SAFR (devenue Partner Ré) mais cette dernière lui sous-traite l’étude des dossiers risques aggravés ; la Munich Re n’était quasi pas implanté en vie. Au début des années 90, on assiste à un tournant dans l’industrie de la sélection des risques avec l’apparition de réassureurs tels qu’Hannover Re, Frankona Ré, la prise d’autonomie de Partner Ré, le développement de SCOR. La Compagnie Suisse de Réassurance voit ses concurrents se multiplier et intervenir sur le marché de la souscription des risques aggravés. Dans le même temps, le BTRA, jusque-là responsable des opérations et de l’assistance technique, devient une succursale de Swiss Re. L’évolution du secteur et de la bancassurance, les conventions des séropositifs en 1991, Belorgey en 2001 et AERAS en 2006 modifient le paysage et le marché des risques aggravés. Dans les années 2000, RGA s’implante en France. Bientôt les politiques de sélection se diversifient. D’une seule politique - celle de la Compagnie Suisse de Réassurance - uniformisée et homogène sur le marché, les politiques se différencient, fonction des réassureurs qui ont, à leur tour, élaboré leurs propres outils en version française. En effet, la masse d’études existantes, leurs interprétations épidémiologiques très différentes et des intérêts, expériences et appétences variables des acteurs génèrent des politiques de sélection variables. La sélection des risques n’est pas une science exacte.

17 Créé en 1927, référence jusqu’au milieu des années 1990, le Bureau de Tarification des Risques Aggravés (BTRA) était une SARL comptant 2 clients principaux la Swiss de Réassurance et la SAFR à Paris pour les marchés français et belge.

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p. 18 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

En dehors des réassureurs, quelques assureurs anglo-saxons tels que Legal & General, GE Capital, Eagle star, GE Frankona Re servent également de référence en matière de sélection des risques individuels. Et aujourd’hui ? Comment est pratiquée la sélection des risques ? Et par qui ?

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 19 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

b. Une première tentative de délimitation et caractérisation de l’activité : des

situations d’exercice très disparates aujourd’hui Pour le grand public dont l’image de l’assurance se limite souvent à la Multi Risque Habitation, l’assurance auto, et quelques autres, la sélection des risques en assurance de personnes et le métier de tarificateur restent méconnus. Au sein même du secteur, il est souvent nécessaire d’expliquer cette activité pourtant essentielle. L’inventaire des situations d’exercice de la sélection des risques permet au travers de ses missions et finalités, des outils utilisés et des spécificités du marché français, d’en dessiner les principaux contours.

i. Une définition par la formulation de la finalité du métier et ses missions En préambule à notre réflexion sur la reconnaissance du métier de tarificateur, il s’avère indispensable de poser les notions principales :

- l’activité : la sélection des risques en assurance de personnes ; - le cœur de l’activité : les risques aggravés ; - les professionnels qui pratiquent cette activité : les tarificateurs.

En matière de sélection des risques, nous reviendrons plus tard sur la problématique de discrimination qui y est associée18 et nous nous attacherons, dans cette partie, à définir la finalité de l’œuvre du tarificateur. Jean Lalili, ancien responsable du Bureau de Tarification des Risques Aggravés (BTRA) définit ainsi l’office du tarificateur : « Dans le cadre de la politique de souscription de l’entreprise, déterminer les conditions de couverture ou le refus de souscription des propositions d’assurance de personnes lorsqu’elles sont susceptibles de ne pas correspondre, par une aggravation dans des domaines multiples (santé, profession, sport, etc.), au risque considéré comme standard ». La finalité du métier de tarificateur est donc l’appréciation d’un risque individuel19, au moment de l’adhésion et plus particulièrement lors de l’étape de sélection des risques. Elle requiert, à la fois :

- D’écarter certains risques : o Hors périmètre du produit d’assurance, o Hors de l’appétence de l’assureur / réassureur, o Ceux inassurables,

- De proposer une solution d’assurance : o sur-mesure, o aux proposants présentant une aggravation de leur risque.

Cet objectif commun aux tarificateurs renvoie aux notions de risque normal et de risque aggravé.

18 Cf. II-b-i 19 Au sens d’une étude personnalisée d’un cas, indifféremment du produit individuel ou collectif dont il s’agit.

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p. 20 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Le risque normal « correspond aux expériences de la Compagnie »20, i.e. aux tables de mortalité des actuaires, comprenant une sinistralité attendue, détaillée par âge. Le risque, anciennement dit « taré » ou « anormal », devenu « aggravé » ou « non standard » s’en écarte : un proposant à l’assurance qui présente une aggravation par rapport au risque normal, moyen d’un individu de même âge, dont la probabilité de décès, d’incapacité, d’invalidité (fonction de la garantie étudiée) est accrue du fait de son état de santé (antécédents, maladies et troubles actuels, habitude de vie : tabac, alcool, drogue), sa profession, son activité sportive, son pays de résidence ou de villégiature, son moyen de transport, les montants souscrits. Le site officiel de la Convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) décrit : « On parle généralement de « risque aggravé » quand le risque de voir se produire l'événement garanti (invalidité ou décès) pour une personne déterminée est statistiquement supérieur à celui d'une population de référence. »21 Les risques dont l’aggravation n’est pas médicale sont souvent appelés « Risques spéciaux » en assurance de personnes. L’assureur ne couvrira ces risques aggravés que sous réserve de conditions d’acceptations modifiées (exclusion, surprimes de toute ou partie des garanties) pour ne pas fausser ses prévisions et définitions de primes, menacer l’équilibre de son portefeuille et les résultats du contrat pour les autres assurés. Il n’existe cependant pas, pour chaque maladie, profession ou autre risque, de critère unanime pour en apprécier l’assurabilité sur tout le marché ; aucune limite n’est imposée au risque normal ou à la définition d’un risque aggravé mais apparaît une zone grise plus ou moins large, fonction de l’expertise de la cellule médicale, de l’appétence de la compagnie pour les risques complexes, de l’expérience des médecins et tarificateurs, des statistiques et de la politique de souscription de chaque entité.

Peut-on donc associer à chaque anomalie ou aggravation dans un dossier une sur-tarification en tant que risque aggravé. Ce n’est pas aussi simple puisque les risques les plus complexes n’amènent pas systématiquement de conditions d’acceptation spéciales et certains risques sont régulièrement, au terme de leur étude, considérés comme normaux. Le tarificateur intervient à ce moment précis pour analyser le risque ; son cœur d’activité, les risques aggravés22 : à chaque fois que la demande d’adhésion d’un proposant à l’assurance présentera une ou plusieurs anomalies et requerra l’analyse d’un professionnel, elle sera soumise à un tarificateur et/ou médecin conseil. La difficulté d’appréciation peut venir de la multiplicité des connaissances à maîtriser, de la complexité à en déduire le pronostic, de la rareté de l’affection (maladie orpheline) limitant les statistiques disponibles.

20 Cf. Les Risques Aggravés en Assurance sur la vie – Fascicule I – Etienne de Dardel – Services techniques de la Suisse de Réassurance, avec le concours du Bureau de Tarification de Risques Aggravés (BTRA) 21 http://www.aeras-infos.fr/site/aeras/cache/offonce/Accueil/Glossaire 22 Pour plus de 65% des sondés, les risques aggravés représentent leur cœur d’activité. Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012, I-b-ii

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 21 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Des appellations diverses pour une finalité commune Un constat : il n’existe pas de dénomination uniforme sur le marché pour le poste de « tarificateur » mais une multitude d’intitulés. Un sondage auprès des professionnels de la sélection des risques23 a permis de dénombrer pas moins de 27 appellations différentes pour le seul marché français.

Les appellations les plus rencontrées sont celles de « Tarificateur de risques aggravés » (26%), de « Tarificateur de sélection médicale » (21%), de « Tarificateur » (19%), et dans une moindre mesure celle de « Souscripteur de risques aggravés » (5%). Au global, l’intitulé fait référence aux termes de « tarification » ou « tarificateur » dans plus de 75% des cas. L’intitulé « Tarificateur » prête souvent à confusion, laissant penser, à tort, que celui-ci détermine ou participe à l’élaboration du tarif de base. L’Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés (AFSRA)24 a pour sa part retenue les termes de « Souscripteur de RA en assurance de personnes ». Dans le cadre de cette thèse professionnelle, je retiendrais le terme de « tarificateur » ou celui de « souscripteur de risques aggravés » pour parler des professionnels en charge de la sélection des risques. Une multiplicité de titres est utilisée pour décrire des professionnels de la sélection des risques. En effet, au sein d’un processus de souscription d’assurance individuelle (ou groupe à adhésion individuelle) partant de la prospection / vente du produit jusqu’à la conclusion du contrat et sa date d’effet, le tarificateur interviendra sur une partie plus ou moins conséquente de la chaîne de vie du contrat. Une mission principale recouvrant tout ou partie du processus de souscription La mission principale du tarificateur - apporter une réponse d’assurance aux demandes d’adhésion présentant une aggravation du risque – pourra se décliner différemment en fonction :

23 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012, I-b-ii 24 http://www.afsra.fr/

74%

10%

7%

3% 2% 5%

Tarificateur(rice) seul ouassocié

Souscripteur(rice) seul ouassocié

Chargé de sélection /tarification / opérations

Unité de gestion / Cellulemédicale

gestionnaire seul ouassocié

Autres

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p. 22 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

- de la taille et de l’organisation de la structure assurantielle, - des risques, produits et garanties analysés, - de l’assurance ou réassurance.

Les étapes du processus de traitement des dossiers sont nombreuses et seront réalisées pour tout ou partie par le tarificateur. Certains distinguent « deux étapes du process : la Sélection qui consiste dans le tri préalable entre standard et risques aggravés, la préparation et constitution du dossier et la tarification des risques aggravés ou détermination des conditions d’acceptation, adaptation au contrat (exclusion, CG, etc.) »25. Pour certains, il s’agira de traiter l’ensemble des demandes d’adhésion (standards ET risques aggravés), certains seront concentrés sur les risques non standards mais simples (Ex : l’obésité, l’hypertension artérielle, l’asthme etc.), d’autres spécialisés dans l’analyse des risques aggravés les plus complexes (ex : les cancers, les maladies orphelines, les pathologies cardiovasculaires telles que l’infarctus, l’insuffisance aortique, etc.). Le tableau suivant liste l’ensemble des tâches ou savoir-faire relatifs au traitement d’un dossier de sélection pouvant entrer dans le périmètre du tarificateur ou dans ses missions, et le pourcentage de personnes26 ayant répondu accomplir ces tâches :

Saisie des informations dans le système d’information interne 50,7 % Tri : classement, sur la base de critères simples tels que les antécédents un peu anciens, les taille/poids, maladies simples déclarées, entre :

- le dossier qui est standard - et celui qui nécessite une analyse plus fine

25,9 %

Pré-sélection ou constitution du dossier - Recueil des éléments : - Contractuels : fonction de la grille de sélection du produit - Spécifiques : fonction des anomalies ou pathologies déclarées par le proposant,

rencontrées dans le dossier Cette étape aboutit à la formulation d’éléments complémentaires nécessaires à l’appréciation du risque.

47,3 %

70,2 %

Analyse du dossier, des données ……………………………………………… Sous-étapes :

- Etude / Consultation des pièces, - Synthèse : sortir les éléments pertinents pour la sélection / tarification - Utilisation de l’outil / manuel - Proposition de décision sur le dossier ………………………………….

Des différents aspects / risques : - De tous les risques - Ou de certains aspects seulement (Hors médical pour certains, Hors financier pour

d’autres, uniquement l’aspect médical pour la plupart) Jusqu’à un niveau/degré d’aggravation :

- Sur les risques standards seuls - Sur des risques aggravés : simples ou faiblement aggravés pour certains tarificateurs,

complexes et aggravés pour d’autres, très ou hyper aggravés pour les plus expérimentés Des différentes garanties :

- Décès, PTIA, Incapacité, Invalidité, Dépendance, Maladies redoutées - De certaines garanties seulement

D’un ou plusieurs produits et contrats : - Emprunteur

86,3 %

81,5 %

25 Entretien Olivier Dessus – 22/11/12 26 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 23 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

- Prévoyance, etc. Sur le marché français seul ou sur plusieurs marchés Des dossiers limités à un certain montant :

- Au-delà de la délégation du réseau ou d’un tiers - Jusqu’au plafond de leur délégation - Jusqu’au seuil de / fixé par le réassureur

Dans le cadre d’un traité de réassurance / facultatives Dossiers sensibles ……………………………………………………………….

- VIP - AERAS - Autres

Contrôle en matière de fraude / lutte anti-blanchiment éventuel

67,3 %

Prise de décision ……………………………………………………………….. - En autonomie - Avec validation / contrôle d’un médecin, d’un référent, d’un responsable, d’un double

regard

87,3 %

Transposition au contrat ………………………………………………………. - Application des surprimes - Formulation des exclusions - Calcul du risque / de la cotisation finale

18,0 %

Communication de la proposition / des conditions du contrat : - Réponse à l’assureur (tarificateur réassureur), à l’assuré (tarificateur assureur ou

courtier) ……………………………………………………. - Argumentation de la décision, accompagnement du client ………….. - Proposition d’aménagement éventuelle ………………………………..

67,8 % 64,4 % 49,8 %

Vie du contrat dont modifications / évènements (dont sinistres) …………… - Modification en cours de contrat - Révision des conditions d’acceptation - Sinistre

39,0 %

L’analyse de ce tableau nous permet:

- D’établir que les tâches et responsabilités varient d’un tarificateur à l’autre dans des proportions importantes ;

- De dessiner un socle des tâches du tarificateur ou tronc commun du descriptif de poste composé de :

o La définition de pièces complémentaires spécifiques, fonction des anomalies déclarées,

o L’analyse du dossier, o La prise de décision, o Et la réponse au client.

- De déduire qu’un peu moins de 14% des sondés ne participent pas à l’analyse du dossier, vraisemblablement confiée au médecin conseil27.

Une remarque importante qui ne figure pas dans cette étude mais confirmée par les interviews : il existe souvent une réelle différence entre le tarificateur en assurance ou courtage dont le quotidien est l’appréciation des risques de masse ou les aggravations communes, et le tarificateur en réassurance auquel les compagnies cédantes soumettent les risques les plus pointus. Toutes les entreprises du secteur de l’assurance ne peuvent avoir les compétences, moyens et formations nécessaires à la tarification de pointe. Elles s’adressent alors au réassureur, doté de médecins conseil spécialistes, d’outils complets et de tarificateurs très expérimentés.

27 Cf. I-c-ii pour plus d’information sur la relation avec le médecin conseil, partenaire du tarificateur

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p. 24 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Le tarificateur réalisera tout ou partie de ce large éventail de tâches dans le processus d’adhésion et de vie du contrat, permettant une variété de situations fonction :

- Du mode d’organisation, - Du rôle du médecin conseil, - De l’expérience du tarificateur / souscripteur de risques aggravés.

Les niveaux de responsabilités étant variables, la question se pose, dès lors, de déterminer ce qui doit être intégré au descriptif de poste du tarificateur, du préparateur – spécialiste de la pré-sélection, par opposition ou complémentarité au gestionnaire ou encore au rédacteur sinistres. Le cœur du métier : la sélection médicale La sélection médicale est, à la fois, la base et le principal de l’art du tarificateur. 98% des professionnels de la sélection interrogés étudient les risques médicaux28. Généralement, c’est par cet aspect de la sélection des risques que commence l’initiation du tarificateur ; c’est aussi souvent ce qui attire les gestionnaires ou préparateurs de dossiers qui ambitionnent un jour de franchir le pas vers la tarification ; c’est pourtant dans ce domaine que l’on retrouve le plus de variété et de complexité. Les risques spéciaux, moins prisés que le médical, constituent néanmoins une diversification et une ouverture intéressante pour le tarificateur. L’étude des risques professionnels (Ex : guide de haute montage), sportifs (Ex : parachutisme), de séjours ou résidence (Ex : mission professionnelle en Irak), de transport (Ex : aviation) permet de s’intéresser au risque géopolitique et sanitaire des pays lointains, ou encore aux problématiques des sportifs professionnels et amateurs de disciplines toujours plus originales et innovantes. Ils contribuent également à la richesse des compétences demandées sur le poste de tarificateur. La difficulté pour le tarificateur est d’apprécier un risque « à la lumière du peu de déclarations et du faible nombre de requêtes soumises à tarification à la suite d’un sport dangereux, les données sur la vie des assurés […] (étant) insuffisantes pour une analyse statistique. […] Le danger est perçu différemment et subjectivement – en particulier par ceux qui pratiquent activement ladite activité ».29 La sélection financière et la lutte contre la fraude et le blanchiment sont souvent le talon d’Achille du tarificateur. Le tarificateur se découvre souvent un fort attrait pour la matière médicale mais il n’en est pas de même pour les chiffres et l’analyse financière. Compétence incontournable en réassurance, ils ne sont que 51% à déclarer réaliser la sélection financière des dossiers30. En parallèle, des compétences nécessaires à l’exercice : Le tarificateur participe au respect du secret médical – dont le médecin conseil est garant -, applique et fait respecter les différentes règlementations qui ponctuent le process (protection et confidentialité des données et circuits, Convention AERAS, etc.), contribue à la relation clientèle par ses réponses aux sollicitations des clients sur les dossiers, son contact régulier avec ceux-ci

28 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012, I-b-ii 29 Andres Webersinke – Voulez-vous devenir une star du rock ou conquérir l’Everest – Thèmes N°20 - Gen Re - 2012 30 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 25 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

(suivi d’activité, mise à disposition d’un interlocuteur privilégié), l’identification de leurs besoins (formations, services, etc.) et l’étude de dérogation commerciale éventuelle. Il s’agit de composantes importantes de son activité, entre contraintes et plus-values de celle-ci. Les missions complémentaires à forte valeur ajoutée En sus de l’étude des dossiers, il est souvent demandé31 aux tarificateurs une réflexion sur différentes problématiques autour de la sélection des risques. Moins de 20% des tarificateurs ou chargés de pré-sélection interrogés déclarent ne réaliser aucune mission complémentaire. La liste suivante précise les missions complémentaires qui contribuent à enrichir la palette de ses compétences et le pourcentage de professionnels interrogés déclarant les exercer32 : Consultation en tant qu’expert de la sélection sur des dossiers sinistres …… 36,4 % Management, encadrement d’équipe ………………………………………… 31,3 % Participation Projet :

- Outils : notamment au développement ou évolution des outils de sélection / base de données ……………………………………………

- D’organisation ………………………………………………………… - En relation avec les autres services (actuariat, Direction Technique, etc.)

32,8 % 29,3 %

Réalisation d’audits : …………………………………………………………..

- En interne : contrôle interne ou évaluation des collaborateurs - En externe : des clients ou des fournisseurs et partenaires

34,3 %

Organisation et animation d’actions de sensibilisation ou de formation sur l’une des activités de souscription des risques aggravés

- En interne : accompagnement des nouveaux / juniors ………………. - En externe : fournisseurs, partenaires, clients ………………………..

58,6 % 22,2 %

Participation au développement, élaboration ou évolution des produits ……. 35,9 % L’accompagnement des collaborateurs internes moins expérimentés semble incontournable et partie intégrante de leur poste pour la plupart des tarificateurs. Souvent éléments de différenciation interne… La plupart des missions complémentaires, telles que le transfert de connaissances aux moins expérimentés, le développement des affaires, le contrôle des dossiers, etc. suppose une maîtrise et une expérience en sélection solides. Le tarificateur ne se verra confier ces missions qu’une fois prêt et s’il les réalise de belle manière, cela participera à son évolution en interne (statut, rémunération, positionnement). C’est souvent la marque d’une confiance et d’une autonomie auxquels les tarificateurs expérimentés ou seniors seuls accèdent. … ou de promotion externe / et d’ouverture Les missions complémentaires permettent de prendre du recul par rapport à la matière et au quotidien du dossier, une « respiration » à la fois intéressante et très utile pour le tarificateur qui a l’opportunité de réfléchir sur des sujets transversaux et travailler selon d’autres modes, avec d’autres départements de l’entreprise, ou ses partenaires externes ou clients, de mieux appréhender l’organisation et le fonctionnement de l’industrie. Cette ouverture est un atout pour la compagnie 31 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012 32 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012

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qui gagne des collaborateurs plus motivés et qui la feront bénéficier de cette vision un peu différente sur le quotidien des dossiers. Parmi les principaux atouts du métier cités, on note : « L’autonomie et la marge de manœuvre, la confiance, l’acquisition rapide de compétences »33

ii. La zone d’intervention : un marché français de l’assurance de personnes très spécifique

Avant de dresser le profil du tarificateur, il nous paraît utile, de s’arrêter sur les particularités du marché dans lequel il évolue, pour mieux comprendre les variations d’organisations de la sélection en France. Il y a d’abord dans les esprits, une association de la partie vie de l’assurance souvent « réduite » à l’épargne. Une tradition française de la mutualisation et de la prise en charge par la collectivité. Le système de protection français repose sur le principe de mutualisation ou « solidarité sociale » : l’assiette des cotisations très large permet la couverture des risques répartit sur toute la collectivité sans sélection des risques, les règles étant les mêmes pour tous. Un recours aux contrats individuels minoritaire Habitué à être pris en charge, le français n’a pas le réflexe de l’assurance pour se protéger ainsi que sa famille. Comme le rappelle Romain Durand, il y a « peu d’occasions où les français se posent la question de l’assurance décès en France, […] de ce qu’adviendra de leur famille, de qui supportera financièrement l’éducation des enfants, etc. […] hormis quand ils empruntent »34. Les professionnels au contact des clients constatent, « le manque de conscience de l’intérêt de l’assurance et une méconnaissance des systèmes et mécanismes de protection en général »35. La prise en charge des soins est assurée par la collectivité et réduit le nombre d’opportunités d’assurance qui entreraient dans le périmètre du tarificateur. Cela se traduit par des produits ou un potentiel de développement « limités » : peu d’assurance soins de santé, peu à pas de contrats maladies graves (très prisés des Life Underwriters36 anglo-saxons) et un système universel de sécurité sociale. Une assurance majoritairement collective La France est un pays d’assurance collective contrairement aux pays anglo-saxons fortement individuel. La sélection des risques est plus limitée dans un schéma collectif que dans un schéma individuel. Les assurances collectives obligatoires « Entreprise » ne souffrent la sélection que pour les petits groupes ou capitaux importants (Ex : les dirigeants). Les caractéristiques du groupe (et non de l’individu) et l’expérience déterminent la prime, réduisant considérablement le champ d’action du tarificateur dont le cœur de métier est l’étude personnalisée. 33 Entretien d’Olivier Dessus 22/11/12 34 Entretien de Romain Durand du 29/11/12 35 Entretien de Sandrine Murillon du 13/12/12 36 Terme anglais pour Tarificateur englobant une dimension commerciale (souscription), cf. I-b-iv

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 27 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les contrats groupes emprunteurs se distinguent par une adhésion individuelle et un fonctionnement collectif : un tarif peu à pas segmenté, une sélection des risques « de masse », synonyme d’information et d’analyse moins fines. Pour le futur, se pose la question de la contradiction entre la tradition française de la mutualisation et les nouvelles exigences du proposant à l’assurance « consommateur », toujours à la recherche de produits et services personnalisés. L’assurance emprunteur et la bancassurance : la spécialité française L’impact de l’assurance emprunteur et de la bancassurance sur l’activité de sélection des risques et de ses acteurs ne peut être remis en cause : « Les développements du marché emprunteur ont mis en lumière des problématiques essentielles : les tarificateurs sont nécessaires ; sans eux, il paraît impossible de gérer les attentes et besoins des clients »37. Au début, se trouve « l’obligation d’assurance » en garantie d’un emprunt… « Bien que non obligatoire, la souscription d'une assurance emprunteur est exigée par les établissements financiers dès lors qu'il y a mise en place d'un crédit immobilier »38. En effet, il ne s’agit pas d’une obligation légale bien qu’elle soit incontournable dans les faits et qu’elle est abordée dans le Code de la consommation39. Les banques demandent une assurance à concurrence des sommes prêtées de façon à garantir la prise en charge, en cas de décès ou d’impossibilité temporaire (incapacité) ou définitive (invalidité) de travail, des échéances ou du capital restant dû du prêt en lieu et place du proposant emprunteur. … Les bancassureurs et leurs contrats groupe emprunteur prospèrent Jusque-là, l’industrie a beaucoup mutualisé les risques (personnes en bonne et en mauvaise santé dans le même « pot »). Puis l’évolution, avec notamment le développement des produits emprunteurs sur le marché français, a conduit à davantage de segmentation : à côté des contrats bancaires dans lesquels tout le monde rentrait en dehors des « inassurables », il fallut étudier ceux qui pouvaient rentrer dans le portefeuille sans en menacer l’équilibre et leur définir une juste prime, condition de couverture. Ainsi les assureurs se sont démarqués des contrats « mutualisés » en mettant en place des contrats groupes ouverts. Les Conventions successives en faveur de l’assurabilité des Risques Aggravés40 ont joué un grand rôle dans ce mouvement. Les contrats emprunteurs sont sources de revenus importants (près de 7 milliards d’euros pour 2010 selon la FFSA41) pour les banques via leurs contrats groupe emprunteur et leurs filiales de bancassurance. En 10 ans, les tarificateurs ont été les témoins privilégiés de l’évolution de couverture demandée par les banques : alors que seule la couverture contre le décès était imposée en 2000, il est désormais très difficile d’obtenir un emprunt sans une couverture étendue aux complémentaires (Incapacité / Invalidité voire Perte d’emploi et autres accessoires).

37 Entretien d’Olivier Dessus du 22/11/12 38 Assurance emprunteur - Ne signez plus les yeux fermés ! – Enquête UFC Que Choisir – Décembre 2007 39 Article L312-9 40 Les Conventions des séropositifs, Bélorgey et AERAS – Cf . II-b-ii 41 Les contrats d’assurance emprunteur en 2010 – FFSA – http://www.ffsa.fr/

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« La production de crédits immobiliers aux particuliers a connu une forte progression depuis 2001, passant de 71 milliards d’euros en 2001 à 169 milliards en 2010 selon l’Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers. »42 Au global, les tarificateurs ont une activité fortement « emprunteur » (80% des personnes interrogées43 déclarent sélectionner des contrats emprunteurs) synonyme de peu d’anti-sélection, donc des conditions de sélection simplifiées, des garanties standardisées (décès, PTIA44, ITT/IPT45), peu de variantes ou de fantaisies, de marge de manœuvre ou créativité. Et le poids de la bancassurance laisse encore peu de place aux acteurs offrant des contrats dits individualisés. Le développement de l’assurance individualisée, la loi Lagarde et les alternatives aux contrats groupe Alternatives aux contrats groupe, les contrats « individualisés » proposés par les courtiers et compagnies d’assurance, sont segmentés et sélectionnés plus finement autorisant un tarif plus avantageux pour certains, une couverture et des garanties souvent mieux adaptées aux particularités des proposants dont ceux présentant une aggravation du risque. Pour favoriser la concurrence et la transparence, la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation et lutte contre le surendettement dite loi Lagarde a mis en place des mesures facilitant la comparaison entre les conditions d’assurance proposées par les assureurs et renforçant le libre choix du proposant. Dans la presse, les compagnies et courtiers se disent encore régulièrement « freinés » par les banques ; les garanties alternatives (hypothèque, caution, etc.) sont souvent sous-employées ou cumulées avec l’assurance. Les difficultés de la vente liée ne semblent pas encore réglées. Elle représentait encore 89% des cotisations d’assurance emprunteur totales46. Nous reviendrons plus tard sur la Convention AERAS47, mise en place pour faciliter l’accès à l’emprunt des proposants ayant un problème de santé. Le développement des contrats individualisés se traduit par un besoin renforcé de tarificateurs compétents : une opportunité pour le souscripteur de risques aggravés en compagnie d’exercer son art. Certains « rapprochent le développement des tarificateurs de celui de la bancassurance »48 ; d’autres, au contraire, estiment « qu’il y a certes eu un élargissement de la base ou accroissement en nombre mais pas forcément corrélé à une croissance du niveau de compétences des tarificateurs »49. 42 Marché de l’emprunteur, les nouvelles opportunités - Les dossiers techniques d’information Optimind – Avril 2012 43 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012 44 Perte Totale et Irréversible d’Autonomie 45 Incapacité Temporaire de Travail / Invalidité Permanente Totale 46 Les contrats d’assurance emprunteur en 2010 – FFSA – http://www.ffsa.fr/ 47 s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé – Cf. II-b-ii 48 Entretien de Véronique Sagot 03/01/13 49 Entretien d’Olivier Dessus du 22/11/12

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Compte tenu de l’ampleur prise par les contrats emprunteurs dans le travail du tarificateur, les questions sont nombreuses :

- L’âge d’or de l’assurance emprunteur en France va-t-il durer ? - « Le produit emprunteur est-il celui de l’épanouissement pour le tarificateur ? - Le marché de l’emprunteur biaise-t-il la vision du tarificateur qui pense l’univers mono-

produit, gère des garanties très semblables (DC/PTIA, ITT/IPT) de produits très similaires ? »50

Des garanties multiples aux définitions hétérogènes rendant leur appréciation complexe S’agissant le plus souvent de contrats sur des durées longues (décès, invalidité, dépendance), le tarificateur sélectionne et détermine les conditions d’assurance au moment de l’adhésion sans pouvoir les faire évoluer en cours de contrat même si le risque augmente. Le poids de sa décision est d’autant plus important. Les définitions et catégories de garanties d’invalidité, d’incapacité et de dépendance sont nombreuses et hétérogènes. Il n’existe pas de définition uniforme sur le marché ; chaque compagnie choisira au moment de la construction du produit, la définition et l’étendue de la couverture proposée aux candidats à l’assurance. Leur appréciation par le tarificateur au moment de la sélection n’est pas aisée même si cela participe à la complexité et la richesse du métier. L’assurance dépendance Destiné à faire face aux dépenses liées à une perte d’autonomie, il s’agit d’un produit ô combien d’actualité. Les tergiversations des gouvernements successifs tendent à laisser penser que la solution se trouvera plutôt dans le secteur privé. En matière de sélection des risques, la philosophie et les schémas de tarification sont spécifiques et représentent là-aussi pour le tarificateur, des opportunités de diversification et de polyvalence intéressantes. « Le développement de la prévoyance, le lancement de la dépendance a mis en lumière les métiers de la tarification. »51 Dans certaines compagnies, le choix de la spécialisation sur un produit en particulier peut conduire à la création de deux profils de postes : celui de tarificateur dépendance vs celui de tarificateur emprunteur ou autre produit. Au contraire des marchés anglo-saxons, les produits « Maladies graves », destinés à compenser les effets pécuniaires d’une maladie grave, listée au contrat, sont très peu développés sur le marché français, une opportunité de diversification en moins pour le tarificateur. Les courtiers grossistes, « version marché français », font figure d’exotisme pour tout assureur international : au plus près de leurs clients ou réseaux de courtiers, ils tentent de se différencier en dessinant des produits et services toujours plus segmentés, complets et innovants. Ils investissent sur des ressources et des compétences spécialisées en tarification et acquièrent un bon niveau d’expertise. Les assureurs se retrouvent alors parfois simples porteurs de risque.

50 Entretien d’Olivier Dessus du 22/11/12 51 Entretien du Dr. Catherine Tchoreloff du 23/01/13

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L’image de l’industrie, de la sélection et du tarificateur Les tarificateurs évoluent dans une industrie et au cœur d’une activité en déficit d’image : « Assureurs, voleurs », « Assureurs, mauvais payeurs ». S’y ajoute l’incompréhension ou méconnaissance de la sélection du grand public qui y voit une « boîte noire »52 ; les débats autour de la discrimination des plus faibles (malades) participent à donner à la sélection des risques une image peu flatteuse en externe ; et en interne, le sentiment parfois d’être « l’empêcheur de tourner en rond ou de souscrire ». Par extension, les tarificateurs participent au « scandale » de l’assurance emprunteur « souvent vendue à la va-vite par le banquier ou l’établissement de crédit spécialisé »53, dont le refus de couverture mène « à l’impossibilité de mener à bien leur projet immobilier ou professionnel. […] (Une) forme d’exclusion sociale… »54 . Tous ces éléments participent à un déficit d’image de la profession. Dans la majorité des cas pourtant, le tarificateur assure son rôle social et explore toutes les pistes d’assurabilité pour proposer la solution la plus adaptée au risque (ou sur-risque) que présente le proposant à l’assurance. C’est probablement le message à passer : une meilleure communication pour celui qui, loin de profiter du système, est davantage celui qui oeuvre pour repousser les limites de l’assurabilité.

iii. Le profil statistique des Risques Aggravés et de la population des tarificateurs en France

Comme le rappelle le Dr. Catherine Tchoreloff, « Le métier n’est pas pratiqué partout de la même façon, […] il n’existe pas de définition commune de l’industrie concernant les risques aggravés »55. Voici quelques exemples de situations, partant du postulat qu’un risque aggravé présente une anomalie déclarée quelle qu’elle soit : déclaration de bonne santé non signée, réponse positive à une ou plusieurs questions du questionnaire de santé, maladie déclarée etc.

Intervention du tarificateur (Proposant à l’assurance présentant un) Risque

Normal Aggravé Conditions d’acceptation Simple Complexe Très pointu

Normales ? ? ? oui

Modifiées

Exclusion ou faible surprime s/o ? oui oui

Surmortalité ou refus s/o ? oui oui

52 Entretien de véronique Sagot du 03/01/13 53 Assurance emprunteur - Ne signez plus les yeux fermés ! – Enquête UFC Que Choisir – Décembre 2007 54 Convention AERAS et accès à l’emprunt – rapport UFC Que Choisir – Juin 2008 55 Entretien du Dr. Tchoreloff du 23/01/13

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Autant l’intervention du tarificateur paraît indispensable à l’étude des risques aggravés complexes voire très pointus, autant pour les risques normaux ou simples, elle peut être discutable ; laissant apparaître une zone grise dans laquelle l’apport du spécialiste de la sélection, moins évidente, sera fonction du choix d’organisation de la compagnie. Les risques d’aggravés sont au cœur de l’activité d’une grande majorité des tarificateurs (70%) mais partie ou accessoire pour presque 20% des sondés56. Il paraît donc difficile de délimiter le champ d’action du tarificateur. Nous nous proposons d’en dresser une image avec les éléments et statistiques à notre disposition. Combien de tarificateurs compte le marché français ? Combien de dossiers de sélection passent chaque année entre leurs mains ? Nous l’avons vu, les « Risques Aggravés » constituent une base mouvante en fonction de la définition adoptée par l’entreprise, de son mode d’organisation. Elle est donc très difficile à déterminer : il n’existe aucune statistique fiable sauf sur les demandes d’assurance emprunteurs où la Convention AERAS57 et son reporting fournissent des éléments statistiques détaillés. La part des Risques Aggravés, notamment dans les portefeuilles des (ré)assureurs On a coutume de parler des « 80/20 où les 20% mobilisent 80% des moyens, ressources. Même s’ils semblent toujours d’actualité, nous sommes plus certainement autour du 70/30 (Risques normaux / Risques Aggravés) par le jeu du reversement après analyse fine du tarificateur, dans les risques normaux d’une partie des risques dits aggravés»58. Cette part ne représentait qu’environ 6% du portefeuille total à l’époque d’Etienne de Dardel et de l’élaboration des fameux livrets bleus59 qui constataient déjà à la fin des années 1970 : « En fait, il n’existe pas de critère absolu pour apprécier la valeur d’un risque. Il n’existe en particulier aucune limite précise entre les risques normaux et les aggravés ». Une autre estimation des risques aggravés est celle des personnes bénéficiant du régime des affections de longue durée (ALD), retenue par le Gouvernement en septembre 200160 : « D’après le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, 7,5 millions de personnes [étaient] en ALD en France. […] Les affections de longue durée semblent constituer la meilleure approximation possible de la population « à risque aggravé de santé » ».

56 Cf. Résultats du sondage E.L. Tascon mené en décembre 2012 57 s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé – Cf. II-b-ii 58 Entretien d’Olivier Dessus du 22/11/12 59 Cf. Les Risques Aggravés en Assurance sur la vie – Fascicule I – Etienne de Dardel – Services techniques de la Suisse de Réassurance, avec le concours du Bureau de Tarification de Risques Aggravés (BTRA)- p 11 60 Rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre de la convention du 19 septembre 2001 – http://www.senat.fr/

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Le reporting statistique de la Convention AERAS61 fournit un excellent indicateur. Un bon indicateur du volume des risques aggravés, mais aussi du travail quotidien des tarificateurs, de leur poids dans l’industrie, et somme tout de leur succès (quoi qu’en dise les médias) nous est fourni par la FFSA et le GEMA avec les statistiques de la Convention AERAS. Pour 2011, parmi les 3,7 millions de demandes d’assurance emprunteur, 472 923 demandes62 présentent un risque aggravé de santé. Cet indicateur est suivi dans le temps : les demandes d’assurance emprunteur « risques aggravés » étaient 431 028 en 2007, 385 567 en 2008, 399 773 en 2009, 528 395 en 201063. Même en recul cette année, le nombre de risques aggravés « emprunteur » constitue probablement une part considérable des risques aggravés « tous produits ». Cependant, la prévoyance, la dépendance, ne faisant pas l’objet de statistiques, il nous est impossible d’estimer le nombre global de risques aggravés. Une population des tarificateurs difficile à chiffrer Le volume de dossiers de sélection à traiter chaque année est probablement supérieur à 500.000 dossiers, mais pour combien de tarificateurs ? L’absence de recensement « officiel » et une estimation peu aisée Contrairement aux médecins conseil avec leur annuaire AMCAP ou aux actuaires, il n’existe aucun annuaire des tarificateurs ou professionnels de la sélection des risques. L’identification et l’accès à ces ressources est une des principales difficultés rencontrées par les entreprises du secteur en mode de recrutement. Nous avons vu qu’il y a des intitulés différents, des descriptifs de postes différents, des modes d’organisation et responsabilités variées : tout cela concoure aujourd’hui à l’estimation trop approximative de la population de tarificateurs. Une place mieux identifiée dans la nouvelle nomenclature OEMA64 : un mieux mais une catégorie encore trop large L’Observation de l’Evolution des Métiers de l’Assurance (OEMA) a révisé et lancé récemment une nouvelle nomenclature des métiers de l’assurance. Elle intègre, à compter de 2012, au sein de la catégorie ou famille « Gestion des contrats ou prestations », la sous-famille « Souscripteur de Risques Non Standards ». Il s’agit d’une avancée dans la reconnaissance de l’activité du tarificateur qui connaît désormais la famille et sous-famille à laquelle il appartient. Cependant, la sous-famille de « Souscription de Risques Non Standards » est encore trop large pour en tirer de véritables statistiques sur la population des tarificateurs. Elle regroupe, en effet, les souscripteurs de risques non standards vie et non-vie et pas seulement ceux de l’assurance de personnes. Par ailleurs,

61 Signée par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles de la banque, de ‘assurance et de la mutualité et les associations de malades et de consommateurs, la Convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) a pour objet de faciliter l’accès à l’assurance et à l’emprunt des personnes ayant ou ayant eu un problème grave de santé - http://www.aeras-infos.fr/ - Cf. II-b-ii pour plus d’informations sur la Convention AERAS. 62 Convention Aeras : statistiques 2011 – FFSA-GEMA – Septembre 2012 63 Convention Aeras : statistiques 2011, 2010, 2009, 2008, 2007 – FFSA-GEMA 64 Crée en 1996, l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance est responsable d’études métiers, d’études transversales à caractère prospectif et constitue une base de donnés sociodémographiques avec l’élaboration chaque année du ROMA et du ROFA. L’OEMA publie un ensemble de travaux consultables sur internet http://www.metiers-assurance.org/, dont un outil de gestion prospective des ressources humaines de l’assurance – Le baromètre.

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elle compte également des métiers tels que les souscripteurs grands risques, les techniciens et conseillers techniques souscription, les souscripteurs de traités en réassurance. Le tarificateur, bien que nommé dans la fiche OEMA « Souscription des risques non standards »65 n’est qu’une sous-sous-famille dont il est impossible de déterminer quantitativement la part.

Source : Nomenclature des métiers de l’assurance - http://www.metiers-assurance.org/

La famille « Gestion des contrats ou prestations » représentait en 2011, 27,5% de la population globale du secteur de l’assurance et les « Souscripteurs des risques non standards » 10,2% doit 3982 personnes66. Les données quantitatives qui s’y rapportent sont les suivantes : des métiers plutôt féminins (59,4%), un âge moyen à 44,5 ans, une ancienneté moyenne de 16,9 ans, 25,5% de cadres, 92,2% de CDI, 51,9% des salariés ont un niveau de diplôme égal au Bac +2/3/4, la branche vie-capitalisation représente 5,5%. La fiche de la sous-famille « Souscription des Risques non Standard » - 04A de l’OEMA67 décrit sa mission comme étant de « contribuer à la maîtrise des risques assurantiels de l’entreprise en acceptant ou non de couvrir un risque spécifique ne relevant pas de la compétence des gestionnaires de contrats, et en déterminant les conditions de sa couverture ». Une liste des compétences attendues y figure, qui paraissent pour la plupart adaptées au tarificateur : Connaître

- La politique de souscription de l’entreprise - Les contrats et les produits relevant de son domaine - Les aspects du droit applicables en matière de souscription des contrats - La coassurance et la réassurance - Les techniques d’expression écrite

65 Nomenclature des métiers de l’assurance - http://www.metiers-assurance.org/ 66 ROMA – Rapport de l’Observatoire sur les Métiers des salariés de l’Assurance – Statistiques 2012 (pour la population au 31/12/2011) 67 Nomenclature des métiers de l’assurance - http://www.metiers-assurance.org/ Cf. Annexe 3 pour la fiche complète.

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Savoir - Mettre en œuvre les règles et techniques de souscription des risques - Rechercher, analyser puis synthétiser des informations, données et problématiques utiles

dans son domaine d’activité - Pratiquer, si besoin, une langue étrangère - Négocier, argumenter, convaincre - Comprendre le client et lui apporter des réponses claires - Agir avec réactivité et adaptabilité

Source : Fiche de la sous-famille « Souscription des risques non standards » - Nomenclature des métiers de l’assurance - http://www.metiers-assurance.org/

Une estimation de 500 souscripteurs de risques aggravés Les professionnels interrogés68, responsables de sélection en réassurance (pour leur vision globale du marché et de leurs clients), se rejoignent sur une population de tarificateurs en France autour de 500 personnes. Les résultats du 1er sondage réalisé pour mieux cerner une population « discrète » En l’absence de base ou d’étude réelle sur la population des tarificateurs, j’ai pensé intéressant d’élaborer un sondage à leur intention via internet. Le premier sondage dédié à l’élaboration du profil de cette population a vu le jour. Intitulé « Le métier de Souscripteur de Risques Aggravés »69 et réalisé via le site SurveyMonkey70, il fut réalisé entre le 27 novembre et le 20 décembre 2012. Les questions portaient sur plusieurs problématiques discutées dans cette thèse : le poste : intitulé, contenu (missions, autonomie, marché(s), etc.) et outils ; les tarificateurs : leur profil (âge, ancienneté, statut, parcours, diplômes, formation, rémunération), leur intérêt ou motivation pour leur métier, l’avenir et la reconnaissance de celui-ci. La présentation de l’étude et de ses biais La principale difficulté rencontrée était l’absence de listing ou d’annuaire des tarificateurs. Le sondage fut donc adressé à 480 contacts environ, réputés tarificateurs, responsables de sélection et quelques autres interlocuteurs (pour transmission aux personnes concernées). La liste des membres et prospects de l’Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés (AFSRA) a servi de base ; elle a été revue et complétée par les membres du conseil et moi-même. Il n’est pas possible de savoir aujourd’hui si l’ensemble des tarificateurs ou professionnels de la sélection ont reçu le sondage et pu y répondre. La cible principale du sondage était les tarificateurs en poste, occupant ou non des responsabilités managériales, les préparateurs de dossiers, les gestionnaires tarificateurs de risques simples. Les médecins conseil et actuaires, partenaires des tarificateurs au quotidien ont été écartés de l’étude. Pour favoriser la réponse au sondage et aux questions revêtant un caractère sensible (ex : rémunération), il était anonyme. Toutefois la possibilité était laissée en fin de questionnaire de 68 Entretiens d’O. Dessus, de V. Sagot, du Dr. Tchoreloff, D. Leman, P.Y. Le Corre 69 https://fr.surveymonkey.com/s/le_metier_de_tarificateur . Cf. Annexe 1 pour le script du sondage 70 http://www.surveymonkey.com

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laisser son adresse mail pour recevoir une synthèse des résultats. Le taux de retour sur cette question (62% des sondés ayant accepté de laisser une adresse mail professionnelle ou personnelle) et sur le sondage71 au global, ainsi que la teneur des réponses valident la cohérence et l’efficacité du sondage. L’analyse des résultats et les principaux enseignements 220 personnes ont répondu au sondage. Parmi elles, 52,7% de souscripteurs de risques aggravés, 25,9% de responsables de départements de sélection des risques, 11,4% de gestionnaires ou préparateurs de dossiers, 10% d’autres fonctions. Pour ceux qui sont dans l’antichambre de la sélection72, 40% sont des « Gestionnaires », 28% des « Chargés de sélection », 8% des « Préparateurs de dossiers » et 8% des « Aide-tarificateurs ». Un métier relativement jeune : En matière d’ancienneté en sélection des risques, 35% pratiquent depuis 5 ans ou moins, 63% depuis 10 ans ou moins, 80% depuis 15 ans ou moins, 90% depuis 20 ans ou moins. Parmi les sondés, 75% ont moins de 50 ans, 45,6% ont 40 ans et moins, 8,5% ont 30 ans et moins. Parcours : Plus de 75% des sondés occupaient un poste dans l’assurance ou la réassurance avant de travailler en sélection des risques : 31,5% en tant que gestionnaires de contrat et 15,2% en tant que Tarificateurs de risques standards, tandis que 17,6% des sondés ont été responsables d’un pôle, d’un service ou d’une équipe : la filière se précise… La complémentarité des activités fournit du personnel en sélection des risques : 21,8% étaient gestionnaire / rédacteur ou expert sinistres auparavant. Pour 10% des sondés, au contraire, il s’agit du premier poste : peut-on en déduire que les métiers de la sélection des risques fidélisent leurs « agents » ? Parmi les 209 personnes ayant répondu à la question sur les diplômes obtenus, 53,5% déclarent avoir obtenu un Bac+2 (dont un tiers en assurance), 30% une Licence ou Maîtrise (dont un tiers en droit), 12% un Master ou diplôme supérieur. Et globalement, les sondés estiment que leur arrivée dans les métiers de la sélection est liée dans près de 42% à une opportunité, pour 33,2% à une promotion interne ou évolution, pour 7,7% une réorganisation ; elle ne constitue un choix de carrière que dans seulement 14,4% des cas. Concernant leur formation en sélection des risques, les sondés sont moins de 10% à être passés par un organisme de formation externe, 7,7% par un consultant tandis que la plupart ont été formés en interne par des médecins conseil (78%), d’autres tarificateurs dans 60,6% des cas, un responsable ou référent pour 41,3 % d’entre eux. Les réassureurs occupent également une place de choix dans la montée en compétences des tarificateurs puisque 57, 2% des sondés ont été formés en externe par

71 Cf. Résultats du sondage 72 Cf. I-c-ii – Les préparateurs de dossiers : l’antichambre de la tarification

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un réassureur : c’est un des nombreux services que se doit de proposer le réassureur à ses clients cédantes. Exercice L’exercice de l’activité de sélection des risques pour le marché français, se fait majoritairement à Paris (55,4%), moins souvent en province (42%), rarement depuis l’étranger (2,3% seulement). Cœur d’activité Le cœur d’activité des sondés est la sélection des risques aggravés ou l’encadrement d’équipe pour 70% d’entre eux ; l’étude et le traitement des risques standards ou simples pour 20% d’entre eux. L’étude des sinistres constitue l’essentiel de l’activité de 3% des personnes et à la fois la sélection et les sinistres pour 2,5% des sondés. Les missions et tâches Cf. tableau I-b-i Les risques étudiés sont sans surprise : 98% pratiquent la sélection médicale (l’aggravation est liée à un problème de santé ou antécédent médical) ; une large majorité étudie également les risques sportifs (78%), professionnels (75%), de séjours (72%). Avec 51% et 39,2%, la sélection financière et les risques de transport ne concernent qu’une partie des tarificateurs. Le décès lié à la Perte Totale et Irréversible d’Autonomie est une garantie incontournable pour le tarificateur (99%) ; il en est de même pour de l’incapacité et Invalidité (96%) ; la polyvalence vers la dépendance ne concerne qu’un tarificateur sur deux, les maladies redoutées un sur cinq. La grande majorité des sondés sélectionne les produits Prévoyance individuelle (88,2%) ou emprunteur (81%), à 64% ceux de la Prévoyance entreprise (de type homme clé) et à 46% la prévoyance collective. Le tarificateur est bien le spécialiste de l’étude individualisée. Le tarificateur en France intervient presqu’uniquement (85% des sondés) sur le marché français. Les missions complémentaires Cf. tableau I-b-i Les outils utilisés L’outil de tarification du réassureur est la référence des tarificateurs : 87% d’entre eux l’utilisent au quotidien tandis que moins d’un tarificateur sur deux utilisent encore un manuel interne de tarification. Les sites médicaux sur internet constituent une source d’information déterminante pour 81% des sondés, tandis que les modes opératoires et référentiels internes sont suivis par 68% d’entre eux. Les outils sont désormais informatiques (98%) et de moins en moins papier (40%). Délégation, autonomie du tarificateur La responsabilité principale du tarificateur est de prendre une décision sur chaque dossier et d’engager sa compagnie sur l’adhésion d’un proposant. A l’exception de 4% des sondés ayant répondu à la question, ils justifient pour la plupart d’une autonomie ou délégation majoritairement supérieure à 500.000€ (31% seulement justifient d’une autonomie inférieure) ; entre 500.000€ et

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1.000.000€ pour 23%, entre 1.000.000€ et 3.000.000€ pour 20% d’entre eux, au-delà pour 13%. Chaque semaine, un tarificateur accepte probablement un cumul d’assurance proche de 10.000.000€73. Le statut 57% des tarificateurs ne sont pas cadres contre 8% seulement des responsables. En matière de classe professionnelle, les réponses sont assez hétérogènes. La coexistence de plusieurs conventions collectives (sociétés d’assurance, courtage, mutualité, etc.) en est certainement pour partie responsable mais on sent également que le sujet rend mal à l’aise : presque la moitié des personnes interrogées ont évité la question ou indiquer ne pas souhaiter y répondre… Pour les sondés dépendant de la Convention Collective Nationale des Sociétés d’Assurance (162 personnes), 30% des sondés sont en classe 3 ou 4 ; 26,5% en classe 5 ; 26% en classe 6 et au-delà. S’agissant de leur rémunération là-aussi, 60 personnes n’ont pas répondu soit 27% des sondés. Parmi les réponses, 47% des tarificateurs, 63% des préparateurs er seulement 2% des responsables gagnent moins de 30.000€ annuel ; ils sont 67% au global à gagner moins de 40.000€ et seulement 21% à gagner plus de 50.000€ (des responsables principalement). Inutile de dire qu’on ne devient pas tarificateur pour l’argent. Le rôle Lorsqu’ils sont interrogés sur leur rôle, les professionnels de la sélection sont :

- 98% à estimer qu’ils déterminent les conditions d’acceptation des risques les plus justes pour les clients, dans le respect des intérêts techniques de l’entreprise,

- 74% à considérer qu’ « écarter les mauvais risques » fait partie de leur rôle, - Un tiers seulement (32%) ne reconnait pas le rôle social, offrir une solution d’assurance à

des personnes présentant des risques aggravés ou complexes. Satisfaction et reconnaissance Exercer la sélection des risques rend-il heureux ? Il est difficile de rentrer dans ce genre de considération. Quoi qu’il en soit, ils sont presque 91% des tarificateurs, préparateurs et responsables de tarification à avouer que leur activité leur procure entière satisfaction ou une satisfaction globale. Même en admettant que les répondants à ce sondage sont par essence, ceux dont l’intérêt pour leur métier est réel74, peu de professions peuvent s’enorgueillir d’un tel taux de satisfaction. Au chapitre des difficultés, les tarificateurs reconnaissent :

- la gestion des contraintes de production (52%) : le rythme et le volume de travail, la pression des délais,

- la gestion des contraintes commerciales (52%) : la pression des clients ou courtiers, les dérogations commerciales,

- la maîtrise des contraintes règlementaires (45%).

73 Postulat de 5 dossiers de 700.000€ chacun acceptés par jour par tarificateur. 74 Ils sont 62% à avoir laissé une adresse mail pour recevoir les résultats de ce sondage, anonyme.

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Ils sont 58,3% à estimer que le tarificateur de risques aggravés n’est pas reconnu à sa juste valeur ; ce qui est moins important qu’attendu, pour une profession méconnue et peu structurée. Un futur rose ? Non… mais pas tout gris non plus Interrogés sur leur avenir dans le marché français, les souscripteurs interrogés reconnaissent que leur activité sera probablement transformée par les contraintes règlementaires (56%) et les évolutions technologiques de type télé-sélection ou e-sélection75 (58%) mais ils sont 80% à le voir toujours comme un métier indispensable à l’assurance dans le futur et plus de 70% à estimer qu’il ne sera pas un métier en sursis. Ouverture sur l’international ? C’est une des faiblesses des tarificateurs du marché français : seulement 5% des sondés estiment avoir une bonne vision et connaissance des missions et place du tarificateur à l’étranger ; 21% en ont quelques notions ; soit presque 74% qui avouent ne rien en connaître ou peu de choses. C’est certainement dommageable pour leur activité, l’organisation et la structure de la profession : il existe des choses très intéressantes dont on peut s’inspirer, voire reproduire ou adapter, sur les autres marchés. L’AFSRA L’Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés est connue de 62% des sondés même si un peu plus de la moitié (33%) y adhère. Deux enseignements peuvent en être tirés pour le futur : la nécessité d’une action de communication auprès des 38% de sondés qui ne connaissent pas l’association pourrait attirer de nouveaux membres et élargir sa réputation ; il pourrait être intéressant d’identifier les raisons de la non-adhésion des 28% connaissant l’association : s’agit-il du prix de l’adhésion ? Un manque d’intérêt pour l’objectif poursuivi ? Un manque de réalisations ou concrétisations de ses actions ? Le portrait-robot du tarificateur sur le marché français en 2013 Le « Tarificateur type » est un cadre de moins de 50 ans, gagne moins de 40.000€ annuels et dispose de moins de 10 ans d’expérience en sélection des risques. Il a un niveau de diplôme Bac+2 et a occupé auparavant un poste de gestionnaire ou tarificateur de risques standards. Il a été formé en interne par un médecin conseil ou collègue. Il exerce à Paris, pour le seul marché français, a peu de vision sur les pratiques de sélection et ses homologues à l’étranger ; il n’est pas corporatiste. Son cœur d’activité est de s’assurer de la constitution spécifique (fonction des anomalies et déclarations du proposant) du dossier, d’analyser principalement les risques médicaux, professionnels et de séjours pour les garanties Décès/PTIA et Incapacité/Invalidité des produits de prévoyance individuelle ou emprunteur du marché français ; de prendre une décision concernant l’assurabilité de chaque risque et d’élaborer une réponse à son client. Il justifie d’une autonomie intéressante (délégation supérieure à 500.000€). Cette activité « dossiers » est complétée par des missions complémentaires (principalement l’initiation et l’accompagnement d’un tarificateur moins expérimenté). Il tire de l’exercice de son métier une satisfaction globale et n’est pas pessimiste pour l’avenir de son activité mais est conscient des prochains défis. 75 Voir la partie 2-a-ii pour plus d’informations sur l’e-sélection et la télé-sélection.

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Conclusion de la sous-partie : Même si les professionnels en charge de la sélection des risques n’ont pas d’appellation commune, ils peuvent avoir des descriptifs de poste variables et partagent une finalité – la recherche de solutions d’assurance adaptées aux proposants présentant une aggravation de leur risque - et un tronc commun de tâches : la constitution spécifique76 et l’analyse du dossier, la prise de décision et réponse au client. L’ensemble des composantes du traitement des dossiers et l’étendue des missions complémentaires font de cette activité, un métier d’une grande richesse.

76 Fonction des anomalies déclarées ; par opposition à la constitution contractuelle (des éléments prévus dans la grille de sélection). Pour plus d’informations, I-b-iii

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c. Les relations avec ses pairs et ses partenaires : une interdépendance essentielle Le tarificateur travaille rarement en autarcie. Au contraire, l’isolement serait dangereux pour l’exercice de son art, celui-ci nécessitant des échanges et une évolution régulière.

i. Le tarificateur avec ses pairs Plusieurs situations se distinguent : le cas du tarificateur unique en compagnie dont les échanges se feront avec le médecin conseil (présent qu’une partie de la semaine souvent) ou le responsable, ou des « non professionnels de la sélection » ; et le cas du tarificateur au sein d’une équipe ou cellule médicale plus développée (un médecin conseil et au moins 2 tarificateurs). Les échanges des tarificateurs entre eux seront plus ou moins riches et fréquents en fonction des situations ; le tarificateur n’étant presque jamais « isolé des autres tarificateurs » puisqu’il est au moins en contact avec le tarificateur du réassureur (et vice-versa chez le réassureur). Pour autant, la situation idéale d’échanges fréquents et nourris n’est pas non plus la plus fréquente. Un parrainage des plus anciens peut-être à l’origine d’une vocation Au moment de l’initiation à la sélection, le tarificateur est souvent pris en charge par un autre plus expérimenté de sa compagnie ou formé par un réassureur ou consultant. La formation et l’accompagnement sont déterminants dans son accès à la matière, la compréhension des enjeux et critères de sélection ; les relations créées à cette occasion sont particulières, entre le passage de témoin et le parrainage. Les échanges entre professionnels de la sélection d’une même compagnie Pour ceux qui ont la chance d’appartenir à une équipe de tarificateurs, les échanges sont nombreux en interne, sur les dossiers ou sur les différentes problématiques de sélection des risques rencontrées. Ces échanges qui permettent la confrontation des idées sur les différents sujets et la comparaison des positions sur les dossiers les plus complexes contribuent à la montée en compétences des tarificateurs. Les tarificateurs « isolés » en compagnie regrettent souvent le manque d’échanges. Des rencontres très occasionnelles avec les concurrents et tarificateurs des autres compagnies (évènements organisés par les réassureurs ou l’AFSRA) Les opportunités de rencontres et d’échanges avec les tarificateurs des autres compagnies (souvent concurrents) sont rares, sauf à participer aux sessions de formations organisées par les réassureurs, moments privilégiés avec leurs homologues leur permettant de comparer leur condition d’exercice, d’en tirer des idées d’organisation de leur travail ou de bons conseils. Sinon, les tarificateurs des compagnies sont régulièrement en contact avec les tarificateurs des réassureurs sur les dossiers et lors des formations ou points de suivi. Entre les tarificateurs de réassureurs concurrents, les occasions de rencontres sont encore plus rares. Les raison sont multiples : la concurrence toujours plus féroce entre les réassureurs, le peu d’évènements de rassemblement, et probablement aussi le spectre de l’entente, menace pour les tarificateurs. Mais cela évolue grâce à l’Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés (AFSRA) créée en 2010.

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ii. La complémentarité avec les autres acteurs de la sélection et de la vie du contrat

La nécessité de se détacher des gestionnaires Les tarificateurs sont encore trop souvent comparés ou assimilés à des gestionnaires de contrats dans les compagnies d’assurance. Cela tient probablement aux faits suivants :

- Les gestionnaires de contrats sont en charge d’établir et de gérer les contrats d’assurance : ils réalisent la souscription ou adhésion des risques standards dits non aggravés. Dans certaines compagnies, les tarificateurs sont même des gestionnaires, certes spécifiques, mais répondant au même statut, grille de rémunération, parfois descriptif de poste avec la seule particularité des risques qu’ils traitent.

- La souscription et la sélection des risques sont souvent considérées comme une étape de la gestion des contrats. Pour preuve, le souscripteur de risques non standards est placé au sein de la famille : « 5- Gestion des contrats ou des prestations » dans la nomenclature OEMA77,

- Le mode d’organisation des entreprises d’assurance : la cellule médicale et les tarificateurs peuvent être rattachés, en compagnie, à la Direction opérationnelle ou aux équipes de gestion de contrats.

Les gestionnaires fournissent, par ailleurs, de bons candidats au poste de tarificateur, pour ceux qui décident de franchir le pas et qui sont « élus ». L’assimilation des tarificateurs aux gestionnaires est cependant pénalisante pour leur reconnaissance, car elle ne reconnait pas leur spécificité au sein de la très vaste famille « Gestion des contrats », sa responsabilité d’engagement de la compagnie sur des risques atypiques et montants importants, un positionnement moins administratif mais davantage orienté sur la souscription, un aspect technico-commercial. Les préparateurs de dossiers : l’antichambre de la tarification Les préparateurs de dossiers interviennent en amont des tarificateurs dans la chaîne de tarification. Quelles que soient leurs missions, ils préparent les dossiers de sélection pour analyse par le tarificateur. Leur rôle est plus ou moins large et peut comprendre le tri des dossiers (entre les acceptations immédiates78 et les dossiers simples et/ou les risques aggravés), la saisie des données administratives et contractuelles dans les systèmes d’information des compagnies, ou encore la constitution administrative79 et/ou spécifique80 du dossier. Ces différents rôles se rencontrent dans les compagnies en fonction du mode d’organisation et des prérogatives et limites du tarificateur.

77 Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance http://www.metiers-assurance.org/ - Voir I-b-ii. 78 Dossiers ne présentant pas d’anomalie ou risque à l’adhésion (absence de déclaration au questionnaire de santé, déclaration de santé signée, etc.), ils ne nécessitent pas d’analyse à proprement parlé 79 Elle consiste à déterminer les éléments nécessaires à l’étude du risque, en fonction de l’âge du proposant et du capital souscrit. 80 Elle consiste à déterminer les éléments nécessaires à l’étude du risque, en fonction des anomalies, pathologies ou caractéristiques rencontrées.

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Souvent à la frontière de la sélection des risques et en contact étroit avec les tarificateurs, ils sont souvent les premiers à s’intéresser progressivement à la tarification et à postuler en tarification dès qu’une opportunité se présente. Le tarificateur face à la légitimité du médecin conseil Le médecin conseil est celui qui, au sein d’une entreprise d’assurance ou de réassurance, procède à l’analyse des éléments et à l’appréciation du risque médical des dossiers de sélection qui lui sont confiés. Il se distingue du médecin-examinateur, délégué par la compagnie ou médecin traitant, qui va examiner le proposant à l’assurance et rédiger le rapport qui sera ensuite étudié par le médecin conseil. Le médecin conseil est garant du secret médical au sein de l’entreprise Au terme du code de déontologie médicale :

« Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des malades, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi » (Article 4 alinéa 1). « Le médecin doit veiller à ce que les personnes qui l'assistent dans son exercice soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s'y conforment. » (Article 72 alinéa 1). « Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de ces documents. » (Article 73 alinéa 1).

Il pèse, sur le médecin conseil d’une compagnie, l’obligation d’organiser la sensibilisation des équipes (dont les tarificateurs), les circuits, la protection des données médicales ainsi que le respect du secret médical. Son rôle a encore été renforcé par le Code de bonne conduite de la Convention AERAS81. En France, le médecin conseil poursuit souvent une activité de patientèle ou d’expertise qui le maintient « au contact du malade ». Il peut être :

- un médecin spécialiste dans les grandes compagnies ou chez les réassureurs, pour répondre à des problématiques et des risques plus complexes ;

- un médecin expert dont les expertises en dommages corporels ou judiciaires constituent tout ou partie de son activité « hors siège » ;

- un médecin généraliste. Certains médecins ne pratiquent plus la médecine de soin au profit de celle d’assurance (médecine conseil et/ou d’expertise). Le manuel bleu du BTRA décrit ainsi le médecin conseil : « Le choix du médecin conseil est important […] sa valeur morale et professionnelle et son autorité doivent être indiscutées et indiscutables. […] Il doit connaître les grandes lignes de l’assurance-vie et les nécessités

81 Convention s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé – Cf. II-b-ii

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commerciales de la profession, être au courant des travaux statistiques et des méthodes de tarification. Enfin et surtout, il doit avoir constamment à l’esprit les notions de pronostic vital éloigné, de mortalité moyenne et de groupe d’assurés. »82 Comme pour le tarificateur, l’activité principale du médecin conseil en compagnie est souvent celle des dossiers (de sélection et/ou sinistres), comme lui, il apprécie « sur pièces »83 le risque présenté par le proposant. Il est également impliqué dans les actions de formation des collaborateurs, le développement ou l’évolution des schémas et politiques de sélection de la compagnie, des produits pour les aspects de sélection des risques. L’évolution de la médecine conseil Les origines du médecin conseil sont liées à celles de la médecine d’assurance et de la sélection médicale84. Son rôle a évolué :

- Au départ, devant les conclusions et assez subjectives du médecin examinateur, il se bornait à une acceptation simple des risques « normaux » et à un refus des risques aggravés ou « tarés », aboutissant à une sélection très empirique.

- Puis, les médecins examinateurs et déclarations du proposant ont fourni une information non interprétée et organisée permettant les statistiques ; le médecin conseil peut désormais procéder à une véritable analyse des pièces menant à une sélection plus « objective » : un classement en groupes de risque et dorénavant une appréciation plus fine des risques aggravés.

Une appréciation objective des risques aggravés requiert l’expérience des dossiers, notion qui existait déjà dans les livrets bleus de la Compagnie Suisse de Réassurance dans les années 70 : « l’acceptation des risques aggravés est devenue une spécialité. La plupart du temps, les médecins conseil n’en voient pas un assez grand nombre et n’ont ni l’expérience, ni la documentation, ni assez de temps pour pouvoir s’en occuper eux-mêmes. Ils envoient à leur réassureur […] »85. En Angleterre et aux Etats-Unis, les médecins conseil s’étaient regroupés en association dès la fin du XIXe siècle, début du XXe. En France, l’Association des Médecins Conseil en Assurance de Personnes (AMCAP) organise la profession, le réseau, des journées scientifiques, et son accès par un diplôme de 3ème cycle : le Diplôme Universitaire en Assurance de Personne délivré par la Faculté de Médecine de Marseille, formation d’une soixantaine d’heures sur l’assurance (les différents types de contrat), les instruments de la sélection, la tarification des risques aggravés, l’environnement règlementaire, le rôle du médecin conseil, etc.86

82 Cf. Les Risques Aggravés en Assurance sur la vie – Fascicule IV – Etienne de Dardel – Services techniques de la Suisse de Réassurance, avec le concours du Bureau de Tarification de Risques Aggravés (BTRA) – p3 et suivantes. 83 Ni le médecin conseil, ni le tarificateur ne voient le proposant, c’est sur le seul examen des pièces au dossier (questionnaire médical, pièces complémentaires (bilan de surveillance, examen médical, etc.) qu’ils fondent leur décision. 84 Lire I-a. 85 Cf. Les Risques Aggravés en Assurance sur la vie – Fascicule IV – Etienne de Dardel – Services techniques de la Suisse de Réassurance, avec le concours du Bureau de Tarification de Risques Aggravés (BTRA) – p8. 86 Information disponible sur le site de l’AMCAP : http://www.amcap.asso.fr/diplome.php

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Les médecins conseil à la fois médecin et professionnels de l’assurance forment une caste puissante. Leur légitimité s’appuie à la fois sur leurs connaissances médicales, sanctionnées par leurs diplômes de médecine et en Assurance de Personne. Il existe aussi une association de médecins pratiquant l’expertise en assurances (IRCA). Le déterminant du rôle du médecin conseil : la culture d’entreprise et/ou son mode d’organisation Il existe différents modèles d’organisation de l’activité de sélection des risques. Le médecin conseil en (ré)assurance sera tantôt « conseil » ou « décisionnaire » sur l’évaluation du risque médical des cas les plus complexes et ses problématiques autour de la sélection des risques. Les assureurs peuvent être rassurés de voir des médecins, à la solide formation, prendre la responsabilité de l’acceptation ou refus des risques. Les différents modèles ou choix d’organisation : Le Directeur médical : il est responsable des autres médecins conseil et parfois même de l’ensemble de la structure médicale (dont les tarificateurs) : il organise l’activité et les circuits, est impliqué dans la politique ou philosophie de sélection médicale. Le médecin conseil « tarificateur », maîtrise l’ensemble des concepts assurantiels, techniques, commerciaux et règlementaires nécessaires à une évaluation globale du profil du candidat à l’assurance. Il intervient sur la politique d’acceptation des risques, utilise cette intervention générale sur des dossiers spécifiques, a une bonne connaissance des produits, de leur conception, participent à toutes les problématiques autour de la sélection. Dans les faits, ils sont peu nombreux à maitriser tous ces aspects impliquant des connaissances dans beaucoup de domaines non-médicaux ; la plupart sont plutôt « tarificateur médical ». L’un et l’autre sont décisionnaires sur les dossiers ; ils engagent la société et sont souvent incontournables pour toutes questions relatives à la sélection des risques et ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Ex : le Dr. Tchoreloff à Munich Re, Médecin conseil Tarificateur et Directrice médicale. Leur légitimité et leur poids dans la structure ne font pas débat. Le troisième modèle est celui du médecin conseil « consultant » ou « assistant/expert technique du tarificateur » : la structure n’est pas créée autour du médecin conseil mais plutôt autour des tarificateurs qui restent « propriétaires » de leurs dossiers : ils en apprécient le risque et lorsque cela s’avère nécessaire, ils requièrent l’avis d’un ou plusieurs médecins conseil. Leur avis n’est pas engageant pour le tarificateur qui reste décisionnaire et autonome sur ses dossiers, même si dans la pratique ils le suivent presque toujours. « Pour les structures qui utilisent ce modèle, après avoir fait ces preuves, le cercle de confiance est créé et il est difficile de revenir en arrière. Mais ce n’est pas une impulsion naturelle. »87

87 Entretien d’O. Dessus du 22/11/12

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Y a-t-il une dimension générationnelle ? Le médecin conseil, ayant assisté à la création de la structure de sélection médicale ou ancien dans cette fonction, conserverait l’image du sacro-saint rôle du médecin conseil. Celui qui, au contraire, s’est greffé à une structure existante, a débuté dans un environnement dicté par la relation-clients, pourrait se mettre plus facilement au service de celle-ci. Le rôle du médecin conseil pourra varier également avec le cadre contractuel de son activité au sein de la société. Si le Médecin conseil est salarié, son implication et son emprise seront souvent plus fortes, son intégration étant entière ; il est donc plus difficile de s’en affranchir. Au contraire, quand il est prestataire, le modèle de la vacation et la mission attachée au statut facilitera l’approche « du Médecin conseil consultant. » Ici aussi, la distinction entre l’assurance et la réassurance peut jouer : les réassureurs vers lesquels remontent les risques les plus complexes, ont besoin de tarificateurs très aguerris sur ces risques, en capacité d’absorber la majorité du flux de dossiers et de se positionner sur les principales problématiques de sélection des risques. Ils sont donc sur un modèle « Médecin conseil Consultant » où celui-ci fournit le point de vue du spécialiste de la pratique de la médecine, soutien indispensable du tarificateur. Ce modèle se retrouvera également dans les entreprises qui auront fait le choix de l’investissement lourd (formations, ressources, etc.) dans la sélection des risques, visant l’autonomie par rapport aux réassureurs ; celles donc d’une certaine taille (ex : Metlife, Predica, etc.), les courtiers grossistes (ex : April). « Le Crédit agricole au moment du choix de la structure est « parti » d’une infirmière, formée par le BTRA, pour monter la structure (non d’un médecin) avec l’appui d’un médecin conseil à temps partiel. De même, la création des Unités de Gestion médicale s’est faite autour d’une infirmière tout d’abord, soutenue par un médecin conseil. […]Au Crédit Agricole, le médecin conseil est bien un collaborateur « conseil », qui aide, accompagne le tarificateur ou chargé de sélection médicale.»88 « A la Médicale de France, c’est la CCR qui a pris en charge la formation de la structure : pendant 2 ou 3 ans, une journée par mois, toutes les pathologies ont été étudiées par famille. Le responsable de l’époque a fait le choix de médecins conseil qui donnent une idée de la tarification ; le tarificateur reste propriétaire, maître du dossier »89. Ce n’est pourtant pas encore le modèle prépondérant dans la majorité des compagnies. L’organisation de la structure, l’ampleur des investissements nécessaires à sa modification et souvent l’influence du médecin conseil historique instituent un médecin conseil décisionnaire.

88 Entretien de M. Porta du 14/01/13 89 Entretien de M. Robiolle du 14/01/13

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Les problématiques posées par un « médecin conseil décisionnaire » sont multiples. L’appréciation globale du profil de risque du proposant est biaisée par le manque de connaissance des médecins des autres risques (sports, profession, analyse financière, etc.) : la prise en compte des interactions des différents aspects du risque est donc rendue impossible. Les soixante heures de formation du D.U. Assurance de Personne ne suffisent pas aux médecins conseil pour maîtriser l’ensemble des connaissances produit, assurance et règlementation indispensables à la sélection des risques. Il y a une cooptation par ses pairs et c’est ensuite la formation en compagnie avec les autres médecins ou le réassureur qui lui permettront d’acquérir les compétences sur la sélection. La prise en compte des enjeux commerciaux, des spécificités des clients sans renoncer à la technicité est désormais indispensable pour ceux qui apprécient les risques en assurance de personne. Les médecins conseil en ont-ils conscience et y sont-ils préparés ? En fonction de leur pratique professionnelle, il leur sera difficile, de se détacher de leur vécu au profit d’une appréciation objective. Chacun ne voit qu’un type de situations (ex : le médecin généraliste voit les asthmes sans problème, bien entretenus ; les médecins urgentistes ne voient souvent que les crises d’asthme) et a donc une perception du risque différente. Cette absence de vision partagée entre les médecins conduit à une hétérogénéité dans l’appréhension du risque. Cette différence existe même entre réassureurs, en fonction de l’appétence au risque, des médecins conseil collaborateurs, des moments mêmes et des évolutions médicales. L’activité de médecin conseil n’est souvent qu’une des activités du médecin : comment devenir spécialiste d’une activité pratiquée à temps partiel et en maîtriser tous les contours ? Le médecin conseil intervient souvent pour plusieurs compagnies : comment imaginer qu’il puisse maîtriser l’ensemble des finesses de chaque philosophie de sélection et les utiliser à bon escient en fonction des dossiers rencontrés au sein de chaque structure ? Ils sont censés baser leur décision sur l’outil de tarification interne mais il semble que ce ne soit pas toujours le cas. Or ils ne sont pas actuaires et ne peuvent donc traduire les études statistiques en tarification sur les dossiers qu’ils traitent. Les médecins conseil, par crainte de voir remise en cause ou réduite leur collaboration avec l’entreprise, peuvent être tentés d’empêcher le tarificateur, jugé non compétent sur la partie médicale, de participer à l’appréciation des dossiers ; faisant d’eux des « gestionnaires à vie », freinant ceux qui le souhaitent dans leur évolution. Le médecin conseil, meilleur ennemi du tarificateur ? Nous avons vu que le rôle du médecin conseil en compagnie varient en fonction des responsabilités qui lui sont confiées : de la consultation pour avis sur certains dossiers, au « monopole » sur l’ensemble des problématiques de sélection médicale, dont l’étude des dossiers. L’évolution du tarificateur, dans les 30 dernières années, vers plus de polyvalence le conduit à « empiéter » sur quelques-unes des prérogatives longtemps réservées au seul médecin conseil : le tarificateur, qui, parmi la palette de ses compétences, est amené de plus en plus souvent à apprécier

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le risque médical, peut rencontrer des problèmes de légitimité face au médecin, garant du secret médical90 qui parfois lui « interdit » l’accès à l’analyse des dossiers. La solution : le médecin conseil partenaire Ne nous méprenons pas, le médecin conseil est indispensable à la sélection des risques. Il est à la fois celui qui a les connaissances les plus pointues dans le domaine médical et celui qui apporte au tarificateur les connaissances médicales nécessaires à l’exercice de son art. Longtemps le seul à pratiquer la sélection, il a ensuite partagé son savoir avec des non-sachant (tarificateurs). Il est aujourd’hui probablement le plus menacé par la professionnalisation du tarificateur, qui représente un coût moindre pour les entreprises. Le tarificateur est tout autant indispensable : bien que non-médecin, il est un excellent spécialiste de la sélection, intégrant et maitrisant toutes ses dimensions dans un environnement assurantiel, commercial et règlementaire plus large. Ne pas être un médecin ne doit pas constituer un handicap, le tarificateur peut faire la part des choses entre l’usage strict d’une science médicale et ses applications à la sélection des risques. Il connait ses limites et sait se retourner vers les spécialistes, détenteurs de l’expertise, qui lui permettront d’accéder aux connaissances manquantes. Le médecin conseil fait partie de ces spécialistes, incontournables. C’est une question de culture d’entreprise mais également d’individus : certains prouvent au fil du temps qu’ils méritent la confiance accordée par les médecins et ont la capacité de devenir de bons tarificateurs. L’évolution du secteur va dans le sens d’un désengagement des médecins conseil ces dernières années. Il est de la responsabilité du top management et du responsable de la structure de sélection des risques de fixer le cadre d’intervention du médecin conseil. Ils y ont leur place au même titre que les tarificateurs. Ils doivent gagner, par l’enracinement et l’organisation de leur métier, l’autorité qu’ils leur manquent, dans l’exercice de celui-ci. Une relation médecin conseil / tarificateur idéale et saine doit être basée sur :

- Leur interdépendance et leur complémentarité, - Leur coopération, - Leurs échanges, - Leur confiance et respect réciproques, - Leur professionnalisme, - Leur finalité commune : la recherche d’une solution adaptée au profil de risque.

Adéquation des responsabilités et compétences des tarificateurs et médecins conseil : Soit l’entreprise fait le choix de tarificateurs ou gestionnaires peu compétents en sélection, la cellule aura besoin d’un médecin conseil « tarificateur », avec des compétences, responsabilités et disponibilités étendues, maîtrisant l’ensemble des dimensions (assurantielle, commerciale, règlementaire, etc.) et des risques (y compris non-médicaux). Soit la compagnie fait le choix d’investir sur des tarificateurs polyvalents et compétents, aux larges responsabilités et autonomie.

90 Cf. partie II-c-i

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Le besoin sera en médecin conseil « consultant » ou « assistant technique ». Le coût (entre 100 et 300€/heure en région parisienne) et les compétences du médecin sont déterminantes. Les médecins conseil sont à l’heure du choix : Faut-il rester sur des positions (et une vision) qui ne paraissent plus adaptées au contexte économique et commercial ? Le médecin conseil doit-il tarifer des risques simples ou peu complexes qui pourraient être confiés aux tarificateurs ? Ou est-ce le moment d’envisager une évolution de ses prérogatives et sa participation aux prochaines révolutions de la sélection : un médecin qui fait des recherches, travaille sur des outils d’automatisation de la sélection, participe à la formation des tarificateurs, les assiste techniquement sur les risques les plus complexes, et participe aux réunions de la FFSA ou AERAS ? Les sinistres : un retour d’expérience indispensable Il est difficile de parler des tarificateurs sans parler de leurs partenaires de l’autre versant du contrat, celui de l’indemnisation : les gestionnaires, rédacteurs ou experts sinistres, spécialistes de l’exécution du contrat. Ils sont deux éléments d’une « même chaîne ». Certains tarificateurs sont encore aujourd’hui polyvalents sur l’acceptation ET les sinistres. Les rédacteurs sinistres souffrent peut-être davantage que les tarificateurs du manque de reconnaissance au sein de l’industrie. Leur rôle est essentiel à l’équilibre du contrat, car ils font et défont les réputations des compagnies d’assurance en fonction de leur politique de règlement. L’échange avec « les régleurs », comme ils sont parfois appelés, fournit aux tarificateurs le retour sur expérience nécessaire et indispensable à leur remise en question et montée en compétences. Les experts sinistres ont un côté « enquêteur », ils vont au-delà des apparences, gomment l’empathie naturelle pour creuser, raisonnent différemment des tarificateurs. Certains plaident en faveur d’une « interaction entre l’acceptant de risques et celui qui indemnise, n’imaginent pas que l’on puisse travailler sur des produits ou des outils sans avoir en tête les deux pans du métier (adhésion & sinistres)»91. Exposer le tarificateur au sinistre, lui permettre de prendre en compte cet aspect dans son appréciation est un élément déterminant pour son analyse, même si d’autres incitent à la prudence pour ne pas générer une « peur du sinistre »92 excessive qui serait dommageable au tarificateur. D’autres regrettent le « manque de corrélation des décisions de tarification avec les sinistres sur les dossiers plusieurs années après. Combien de personnes surprimées arrivent au terme de leur contrat sans l’avoir fait jouer ? »93. Même le réassureur qui, par sa position sur le marché et la multiplicité de ses clients, pourrait jouir d’une vision intéressante, n’a pas accès à la totalité des informations94, ne voit pas la « masse », et ne peut donc en tirer des statistiques significatives. Le lien entre l’efficacité de la sélection et la sinistralité n’est, par ailleurs, pas évident dans la pratique : il est difficile de déduire d’un S/P satisfaisant, une sélection des risques efficace ou d’une

91 Entretien du Dr. Tchoreloff du 23/01/13 92 Entretien de Colin Kearney des 22 et 31/01/13 93 Entretien de M. Porta et M. Robiolle 14/01/13 94 Les risques refusés ne sont pas rentrés en portefeuille engendrent une perte d’infos sur ceux-ci et leur avenir.

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sinistralité plus élevée qu’attendue, des difficultés de sélection. L’estimation des sinistres attendus par les actuaires au départ, la gestion de sinistres, se combinent avec la sélection des risques. Les responsables de service : les passeurs Ils sont majoritairement d’anciens tarificateurs ou responsables d’équipe de gestion. Ces cadres de la sélection des risques donnent l’impulsion aux tarificateurs, sont responsables de leur formation, de leur montée en compétence, de leur reconnaissance. Ils pilotent l’activité de sélection pour la compagnie, et jouent le rôle de véritables « passeurs ». Ils parviennent souvent à ce poste parce qu’ils sont très investis, intéressés par le métier, par sa richesse et sa position au carrefour des évolutions du secteur. De nombreux défis attendent le responsable de sélection, parmi lesquels :

- Le recrutement des (futurs) talents de la sélection, - L’intégration, la formation et la montée en compétences de ses collaborateurs, - L’homogénéité et l’équité des décisions de tarification, - Le respect de la politique de sélection de la compagnie, - La conduite des projets du département et la relation avec les autres départements, - L’organisation de la veille sur les problématiques et tendances de la sélection des risques

pour maintenir son service ou activité « dans le marché », etc. Pour les compagnies, la difficulté dans le recrutement ou la promotion à ce poste de responsable d’équipe médicale tient à parvenir à coupler compétence managériale et technique. Et comme un très bon tarificateur senior n’a pas forcément vocation à être un bon manager, de nombreuses compagnies font le choix du dédoublement de postes : elles optent pour un manager, ayant le leadership nécessaire à l’encadrement de l’équipe de sélection, spécialiste de la gestion de personnel et l’assistent d’un référent technique pour les aspects « métier », problématiques de sélection. Ils doivent faciliter et encourager l’accès de leurs collaborateurs aux autres départements et experts de la compagnie. Ainsi, la « chaîne de valeur de la sélection » compte différents métiers qui collaborent au quotidien avec les tarificateurs pour proposer des solutions d’assurance aux proposants présentant une aggravation de leur risque. L’organisation de la profession pourrait permettre de créer des perspectives d’évolution de carrière :

- Pour les gestionnaires, de devenir tarificateur, - Pour les tarificateurs, de devenir référent ou responsable, - Pour les rédacteurs de sinistres, d’envisager la tarification comme le choix complémentarité,

etc.

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iii. L’accès aux autres partenaires : une partie intégrante du développement et de la reconnaissance du tarificateur

Les actuaires Les actuaires travaillent sur les estimations : ils sont les « rois de la statistique ». Les connaissances actuarielles sont probablement le talon d’Achille des tarificateurs qui gagneraient en compréhension avec quelques notions sur la détermination d’un tarif de base, d’une prime pure et commerciale, de la manière dont sont établies les tables de mortalité et d’expérience. De leur côté, les actuaires intègrent la sélection dans l’élaboration du tarif : ils demandent conseil auprès des professionnels de la sélection, celle qui serait appropriée en fonction du produit, des définitions des garanties, des exclusions, des franchises, des carences et autres caractéristiques du contrat. Une bonne compréhension du travail réalisé par les tarificateurs et de la sélection en général, rassure les actuaires sur la définition du tarif et des sinistres attendus. L’interaction entre les actuaires et les tarificateurs est nécessaire. Raccrocher la cellule médicale à la Direction marketing, commerciale ou opérationnelle au détriment de la Direction technique contribue parfois à les éloigner les uns des autres. Le plus souvent pour des impératifs de productivité, les tarificateurs sont « cantonnés » au traitement des dossiers, sont peu impliqués dans la construction et le développement de produits. Mais certains d’entre eux rechignent également à participer à ces travaux où voient la sélection comme un « pré carré » qu’ils ne souhaitent pas partager. En dehors du développement de nouveaux produits où les équipes sont mises en relations, les occasions d’échanger sont rares ce qui est aussi préjudiciable pour les tarificateurs et que pour les actuaires. Pourtant, dans sa volonté de professionnalisation de son activité, le tarificateur aura beaucoup à apprendre de l’actuaire qui lui aussi est acteur d’une science s’apprenant davantage sur le terrain que dans les seules études. La partie commerciale et/ou marketing : les courtiers, agents et souscripteurs de traité Les liens entre les structures de sélection et celles commerciales sont de plus en plus étroites tant au sein des compagnies d’assurance que de réassurance. L’évolution du secteur vers une orientation client plus prononcée95 engendre une collaboration de plus en plus étroite entre les professionnels de la sélection, les autres techniciens et les services marketing ou commercial : l’enjeu est d’être au plus près des besoins des clients, de vendre toujours plus de contrats, sans menacer l’équilibre du portefeuille. La sélection doit alors constituer un bon filtre sans gêner la souscription d’affaires. « La principale difficulté aujourd’hui est d’expliquer le métier de la sélection, sa nécessité aux métiers de la vente, à la partie commerciale ; y compris au sein même de l’assurance. »96

95 Cf. II 96 Entretien de S. Murillon du 13/12/13

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La relation avec les autres départements de l’entreprise Les professionnels de la sélection évoluent dans un environnement de contraintes : ils sont coincés entre des clients ou réseaux de courtiers toujours plus exigeants et des fournisseurs internes peu sensibilisés aux enjeux de la sélection. La relation est parfois rendue difficile avec les autres entités de l’entreprise, qui ont du mal à comprendre ou à s’adapter aux contraintes spécifiques et à « contre-courant » du tarificateur. Il convient de négocier au quotidien avec :

- les services informatiques pour l’élaboration d’outils adaptés, - les ressources humaines pour le recrutement de ressources qualifiées ou en devenir d’une

profession peu structurée, - la Direction, pour influer sur les choix déterminants d’organisation, de positionnement de la

cellule médicale. Il s’agit de favoriser le dialogue pour faciliter une prise de décision parfois ressentie comme trop longue ou déconnectée de la réalité et des contraintes de délais inhérentes au poste du tarificateur.

Ce sont autant de partenaires internes à sensibiliser aux spécificités de l’activité de sélection pour améliorer la coopération.

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Conclusion de la partie I : Comprendre les origines de l’activité et ses problématiques permet de prendre conscience du retard pris par l’assurance de personnes en France dans la reconnaissance de ses serviteurs en sélection des risques. Ce retard est la probable conséquence des particularités du marché mais aussi d’une désorganisation de l’activité, activité de surcroît souvent encore réservée aux seuls médecins conseil. En tant que garants du secret médical, la matière leur a été réservée pendant longtemps, en tant que seuls « sachant », ayant la légitimité pour traiter des informations – données médicales. Le développement de la bancassurance et de ses contrats emprunteurs a conduit à l’essor de la sélection des risques et de ses acteurs en France. La multiplication des dossiers dits aggravés, la diversité des risques à étudier, ont généré un besoin en personnel « non médecin », qui progressivement et devant son intérêt et sa compétence, s’est vu confier la matière avec succès. Comme toute croissance rapide, elle n’a pu être pensée ou suffisamment structurée. Chacun faisant au mieux de ses capacités et ressources disponibles, son adaptation, instituant des règles et des principes en réaction, parfois à la limite du « bricolage ». L’absence d’uniformisation, si elle n’était qu’en matière d’appellation, ne serait sans doute pas aussi préjudiciable si elle n’avait induit une telle diversité de situations rendant impossible les comparaisons. L’inventaire des conditions d’exercice de l’activité de tarificateur, tant en ce qui concerne les dossiers de sélection que la richesse de ses missions complémentaires et la variété de ses partenariats, nous amène à considérer une population, somme toute limitée, au profil bien particulier, peu ouverte sur ce qui se passe dans les autres compagnies, pays et agissant sur un marché très spécifique. La multiplicité des situations rencontrées, le manque d’homogénéité induit un manque d’identité et d’enracinement de la profession, une faiblesse du regroupement de ses acteurs. Le sort du tarificateur est directement lié au choix organisationnel de l’entreprise dans laquelle il évolue et notamment à sa relation avec le médecin conseil : le tarificateur doit souvent trouver sa place.

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II. FACE A UN ENVIRONNEMENT EN PLEINE MUTATION, L’INDISPENSABLE ADAPTATION DU TARIFICATEUR AUX PROCHAINS DEFIS

« Nous sommes les fruits d'une sécheresse, nés d'une transformation de l'environnement. »

Antoine Spire

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Aujourd’hui les appréhensions et inquiétudes des consommateurs rejoignent les défis des souscripteurs de risques aggravés :

- Le moratoire sur les résultats de tests génétiques et l’impact qu’ils peuvent avoir sur le travail du tarificateur (anti-sélection, renforcement de la dissymétrie de l’information tant qu’ils ne peuvent être considérés),

- L’intérêt spécifique pour les groupes : le traitement de masse synonyme d’appréciation moins fine du risque, favorise le traitement des grands ensembles au détriment de l’étude personnalisée chère au tarificateur,

- La tendance anti-discrimination et au droit à l’assurance pour tous, - Les lois en faveur de la protection de la vie privée, - L’ouverture Internet, téléphone mobile, etc., - L’assurabilité des risques de pointe (HIV, maladies orpheline), - La régulation et la législation.

Nous allons nous intéresser successivement à l’évolution du secteur de l’assurance et ses opportunités ainsi qu’au contexte règlementaire toujours plus menaçant pour le tarificateur.

a. Un secteur de l’assurance en pleine mutation Le contexte économique et financier actuel n’épargne pas les acteurs de l’assurance. La concurrence exacerbée entre les assureurs et autres fournisseurs d’assurance, sévit également dans la sélection des risques et se traduit pour l’industrie par deux tendances assez contraires :

- Une industrialisation des cas simples ou standards pouvant aller jusqu’à leur automatisation grâce à des outils de sélection électronique,

- Une logique de service sur-mesure y compris pour la sélection, et surtout pour celle des risques non standards.

Ces tendances contradictoires sont à la base des principales évolutions du métier.

i. L’industrialisation des process versus le client au cœur du dispositif Le monde évolue rapidement et le secteur de l’assurance n’y fait pas exception. Comme le rappelle l’Observatoire des Evolutions de Métiers de l’Assurance, « Face à une hyper concurrence, sur des marchés en stagnation, voire en décroissance, les assureurs doivent concilier maîtrise des coûts et personnalisation de leurs offres »97. La rationalisation : la recherche d’optimisation des moyens et des délais Dans un contexte de crise, synonyme de réduction budgétaire, les entreprises du secteur cherchent à mieux faire avec des moyens identiques ou inférieurs : il en va de leur survie face aux concurrents et de la satisfaction du client de plus en plus exigeant et friand d’innovations. Pour pouvoir dégager

97 Baromètre prospectif de l’évolution des métiers et des compétences de l’assurance – OEMA - Juin 2012

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les ressources nécessaires à ce renouvellement constant, il n’existe pas de formule magique mais une indispensable rationalisation. La réduction des coûts Les réductions budgétaires et l’obligation de compétitivité poussent les assureurs à réduire continuellement leurs coûts. La réduction des délais Les délais de réponse sont régulièrement au cœur de la bataille entre compagnies concurrentes. D’une part, parce que le client, habitué avec internet à avoir « tout sous la main » est impatient ; d’autre part dans un marché très marqué « contrats emprunteurs », les délais sont souvent imposés par la banque ou les contraintes de planning d’une acquisition immobilière. Même pour les risques aggravés où l’on s’attendait à pouvoir justifier un délai supplémentaire par la technicité de l’étude requise, la contrainte de délais est de plus en plus forte. Le client présentant une aggravation de son risque est un client comme les autres, ni moins exigeant ni plus patient. L’automatisation des tâches et cas simples Nous avons vu plus tôt que les risques aggravés constituaient entre 20 et 30% du total des dossiers d’adhésions. Il y a donc 70 à 80% de cas dits sans difficultés, sans anomalies. Une grande partie d’entre eux est incorporée à la délégation du réseau bancaire ou de courtage. L’automatisation consiste à supprimer les tâches (notamment administratives) à faible valeur ajoutée, les intermédiaires sans plus-value. Le temps récupéré est réinvesti sur des tâches à forte valeur ajoutée, permettant souvent de se recentrer sur le cœur de métier, report de l’activité vers de la valeur ajoutée. Accélérer le traitement des dossiers dits sans difficultés permet de se concentrer sur les 20 ou 30% des dossiers nécessitant une attention particulière (ceux aggravés). La personnalisation et l’orientation forte vers le service aux clients Depuis 2000, l’Observatoire de l’Evolution des Métiers de l’Assurance (OEMA) a constaté une inversion de tendance de l’offre à la demande. Désormais, c’est l’orientation client qui prime, se caractérisant par :

- une dynamique « en temps réel » : l’assureur doit fournir une réponse immédiate à une question

- un besoin d’accompagnement du client : le conseil ou l’accompagnement est d’autant plus important qu’il fait partie des services apportant beaucoup en ressenti positif du client, souvent seul indicateur de la satisfaction ou de la qualité de la prestation.

- Un choix d’alternatives : le client souhaite le service le plus adapté mais également pouvoir choisir entre différentes options, moduler son produit à sa guise en faisant jouer l’ensemble des critères (prix, garanties, services, prestations, etc.). Le produit idéal serait celui qu’il pourrait lui-même définir en fonction de ses besoins. Cela explique le succès des produits d’Amaguiz, etc.

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C’est une véritable culture du client et du service qui est mise en place dans les entreprises : tout est fait et orienté pour le client, sa satisfaction. Il s’agit de mettre en œuvre un service ou produit personnalisé tout en garantissant des coûts optimisés dans un secteur toujours plus concurrentiel : du sur-mesure pour des clients qui souhaitent un produit individualisé. Les assurés ont changé. Le tarificateur doit en tenir compte dans son analyse et la recherche de solution d’assurance. Le client plus débrouillard et exigeant Le client consommateur d’assurance est désormais connecté. Il utilise internet pour recueillir information et conseil avant chaque décision importante, comparer les offres et faire un premier tri. Pour cela, il a accès à un ensemble d’outils comparatifs, ainsi que les réseaux sociaux et autres blogs qui lui fournissent des retours d’expérience très concrets des autres consommateurs. Il a besoin d’informations simplifiées et délivrées rapidement, veut pouvoir acheter des biens et services n’importe quand et n’importe où, à sa convenance98. Il recherche une solution personnalisée, adaptée à son individualité. Les candidats à l’assurance sont de plus en plus nombreux à ne pas se limiter à la consultation de leur assureur historique. Dans son article du 4 mars 2013, L’Argus de l’assurance le rappelle : « En matière d’assurance, les 18-25 ans veulent du « cross-canal » et des offres personnalisées ».99 La révolution industrielle a permis aux individus d’avoir à disposition chez eux des biens industriels réservés aux grandes entreprises ou structure. Une compétitivité accrue sur les Risques Aggravés La Convention AERAS a renforcé la communication sur les possibilités et alternatives existantes pour les proposants présentant une aggravation de leur risque de santé. Sur le site d’information AERAS100, il est notamment conseillé de « demander plusieurs propositions d’assurance » mais aussi d’« anticiper la recherche de votre assurance emprunteur ». Les proposants à l’assurance emprunteur sont de plus en plus nombreux à demander un devis à différents acteurs (courtiers, assureurs, etc.) du secteur en complément de la proposition de contrat groupe faite par le ou les organismes bancaires. Les sites ou contrats spécialisés dans les « Risques aggravés » se multiplient : une rapide recherche sur Google le 11 mars 2013 ramène : 271 000 résultats. L’étude de la première page donne accès à :

- 4 sites d’assureurs ou courtiers

98 Niels Keuker, William Trump - Responding to the times – The distribution landscape as driver of innovation in L&H Underwriting – Présentation ELHUA – 2012 99 http://www.argusdelassurance.com/marketing-com/en-matiere-d-assurance-les-18-25-ans-veulent-du-cross-canal-et-des-offres-personnalisees.61245 100 http://www.aeras-infos.fr/site/aeras/Accueil/AERAS-en-pratique/Nos-conseils

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- 2 sites de spécialistes des risques aggravés multi-assureurs - 1 site institutionnel d’information sur la Convention AERAS - 3 Sites pour les « autres » risques aggravés (auto, moto par exemple) - 1 moteur de recherche - 1 site étranger

Segment longtemps ignoré par certains acteurs, les Risques Aggravés font vendre et intéressent de plus en plus le secteur. L’ensemble des entreprises de l’industrie de l’assurance / réassurance proposent de fournir des solutions d’assurance pour les risques aggravés désormais. L’affichage de cette expertise semble être plus souvent une porte d’entrée ou une vitrine pour la souscription de risques plus « standard », que la preuve de produits dédiés ou d’une réelle expertise et/ou appétence pour ces risques.

ii. Les progrès technologiques qui l’accompagnent : la sélection 2.0, entre tradition et révolution

Des clients de plus en plus pressés et exigeants face à une révolution informatique touchant à la fois les clients, la distribution des produits, le traitement des dossiers. Avec l’accélération des délais, le besoin de rationnaliser, l’orientation plus forte vers le client, se sont développées de nouvelles technologies : la dématérialisation, la gestion électronique des documents, etc. Les outils quotidiens des tarificateurs et préparateurs de dossiers évoluent. Aux traditionnels dossiers papier, succèdent leurs versions électroniques et les outils permettant leur traitement et leur conservation. Les bases de données et outils se sont transformés pour gagner en rapidité et fluidité, améliorer la gestion et le traitement des demandes des clients, pour favoriser le regroupement des différents produits d’un même client. Ces changements sont majeurs pour le tarificateur, l’appropriation de ces outils est indispensable : le tarificateur qui ne pourrait y faire face, ne serait pas adapté au poste. Les tarificateurs se retrouvent confrontés aux outils d’échanges ou de transmission (plateforme d’échanges sécurisée), ceux de workflow, censés recréés les circuits empruntés par les dossiers physiques auparavant et les outils de stockage (GED). Parmi ma panoplie des outils utilisés, il convient de distinguer les outils techniques nécessaires à l’exercice de la sélection des outils de gestion inhérents à toute activité d’assurance. Les outils de recueil des informations nécessaires à la sélection L’assureur ou porteur de risque doit avoir une bonne connaissance du risque pour une appréciation plus juste au moment de l’entrée dans son portefeuille. L’objectif étant de recueillir une information pertinente pour la souscription du contrat d’assurance, il dispose d’une palette d’instruments parmi lesquels il convient de distinguer les éléments dits contractuels (déterminés à l’avance par la grille de sélection du produit) des éléments de sélection dits spécifiques (demandés en fonction des anomalies déclarées).

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Les outils traditionnels Les éléments de sélection contractuels Au commencement est la grille de sélection : en fonction de l’âge du candidat à l’assurance et du montant souscrit, elle détermine les formalités à accomplir. Il n’y a pas une grille pour un marché mais plutôt une multiplicité de grilles : chaque compagnie élabore, pour chaque produit, selon le risque d’anti-sélection, le tarif, et d’autres considérations (marketing, législation, etc.), sa propre grille. Sur un produit emprunteur où l’obligation d’assurance posée par la banque, réduit l’anti-sélection, la sélection se limitera à un simple questionnaire jusqu’à des capitaux souscrits de 300 ou 400.000€. En prévoyance individuelle au contraire, le recours à ce genre de produit étant moins « naturel » en France, ce seuil (appelé « non medical limit » en Angleterre) sera plus bas et il conviendra de se demander si le proposant ne souscrit pas parce qu’il ressent de façon plus ou moins consciente des craintes sur sa longévité. L’assureur tentera de limiter les effets de cette anti-sélection en ayant recours à des formalités de sélection plus lourdes telles qu’un examen médical, un profil sanguin, etc. Les questionnaires de santé ou médicaux sont les éléments de base de la sélection médicale en assurance de personnes pour la déclaration du risque. Les informations sont celles déclarées par le candidat à l’assurance. Les informations sont simples, ne nécessitent pas de connaissances particulières ni examen, test, dosage, sur son histoire médicale, ses antécédents, les arrêts de travail, hospitalisations, examens, traitement, surveillance médicale, suivi, rendez-vous chez spécialistes, etc. L’obligation pèse sur les proposants de déclarer leur risque de bonne foi, fournir les informations nécessaires à la compagnie pour l’appréciation du risque, sous peine de nullité du contrat ou règle de proportionnalité en cas de fausse déclaration. La formulation des questions (clarté, précision, compréhension etc.) et la structure (organisation et ordre des questions) des questionnaires jouent un rôle important dans la sélection des risques. La mauvaise qualité des questionnaires n’est pas opposable aux candidats à l’assurance (le malentendu profite aux assurés en cas de contentieux devant les tribunaux) ; les souscripteurs de risques aggravés fournissent souvent leurs recommandations. Les questions doivent répondre aux règlementations en vigueur dont nous parlerons dans cette deuxième partie. Les questionnaires varient en fonction des compagnies et parfois même des produits ce qui induit, pour les tarificateurs en (ré)assurance, un besoin d’adaptation. L’enjeu pour le tarificateur sera, au travers de formulations simples, de se faire une idée suffisante sur le profil de risque du candidat pour accepter ou non ce risque. Les rapports d’examens médicaux, de visites médicales, ou comptes rendu d’examen clinique consistent en un examen clinique précis, identifier les antécédents, affections et facteurs de risque pouvant impacter le pronostic vital, la probabilité de survie, d’incapacité, d’invalidité, etc. Il est réalisé sur le candidat à l’assurance par le médecin examinateur qu’il soit médecin traitant ou du choix de celui-ci ou celui choisi par la compagnie. Ils constituent le bon complément du questionnaire de santé pour les souscriptions de montant plus élevés pour un coût limité. Viennent ensuite les examens sanguins qui testent différents dosages (numération de la formule sanguine, bilan lipidique, bilan enzymatique, sérologies etc.), sans le biais des déclarations du proposant ou celui d’un examen réalisé par un médecin qui ne connaît pas ses antécédents. Il n’est pas rare qu’à cette occasion, l’on découvre un diabète, une hypercholestérolémie ou autre anomalie

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sanguine. Ils sont plus invasifs car obligent le proposant à se soumettre à une piqûre mais fournissent de précieux renseignements. L’ECG ou électrocardiogramme isolé ou dans le cadre examen cardiovasculaire complet fournit des renseignements sur les facteurs de risques cardiovasculaires et l’état cardiologique du candidat à l’assurance. Son coût et sa réalisation par un médecin spécialiste (le cardiologue) le plus souvent font de cette formalité médicale, celle qui intervient le plus tard, pour les capitaux les plus élevés. Son interprétation est souvent plus difficile pour des tarificateurs non aguerris. Formalité non médicale, le questionnaire financier confidentiel et autres pièces de sélection financières, interviennent là-aussi sur les « gros capitaux » (largement supérieurs à 1.000.000€). Leur analyse est souvent réservée aux tarificateurs en réassurance ou compagnies d’assurance aux équipes de sélection de grande envergure. Il s’agit là des formalités médicales et financières les plus usitées mais elles ne sont pas exhaustives. Les éléments de sélection spécifiques Il s’agira de toute ou partie du dossier médical du proposant ayant déclaré une ou plusieurs anomalies au questionnaire de santé. Ce peuvent être également des questionnaires ou examens supplémentaires demandés au candidat sur sa pathologie. Généralement, pour éviter des délais trop importants mais obtenir le niveau d’information requis pour l’appréciation de son risque, la compagnie recherchera dans les documents de surveillance existants, les éléments manquants. Cas pratique : dans le cadre d’un contrat d’assurance emprunteur, un proposant de 40 ans déclare un diabète dans son questionnaire médical. Pour apprécier le sur-risque induit par le diabète, la compagnie d’assurance va rechercher à connaître le type de diabète, le recul par rapport à la découverte de l’affection, le traitement, le contrôle du diabète par le proposant, la présence ou l’absence de complications (qu’elles soient notamment neurologiques, rénales, cardiovasculaires ou encore rétiniennes). Pour cela, elle demandera au candidat son dernier bilan diabétologique ou endocrinologique spécialisé ou encore un questionnaire spécifique « Diabète » à faire compléter par le médecin traitant et accompagné de ses derniers dosages de glycémie et d’hémoglobine glycosylée. Le recueil d’information de demain : la collecte 2.0 Ces instruments de collecte « traditionnels », toujours indispensables actuellement sur le marché français, correspondent de moins en moins à ce que recherchent les consommateurs. Ils n’aiment pas les formalités médicales, ne supportent pas de perdre du temps à la sélection ou de répondre à des questions jugées intrusives et parfois associent à du harcèlement les demandes de pièces complémentaires. L’exemple Swiss Re’s Road to Health101 montre le chemin du renouveau : une plateforme online analyse la santé du candidat et lui propose un programme sur 6 semaines pour l’améliorer. Une assurance aux conditions « pré-acceptées » est définie et proposée. Lancée sur 5 marchés dont la

101 Niels Keuker, William Trump - Responding to the times – The distribution landscape as driver of innovation in L&H Underwriting – Présentation ELHUA – 2012

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France, les résultats semblent encourageants avec un engagement de progrès fréquent sur la plateforme. Il n’est cependant qu’un exemple des possibilités à l’heure du big data. Le big data C’est une expression employée pour parler de « l’explosion des données dans le Monde ». « Nous créons 2,5 trillions octets de données chaque jour. […] 90% des données mondiales ont été généré en seulement deux ans. […] En 2020, il y aura 35 zettaoctets de données. »102. La gestion des données est essentielle au secteur de l’assurance. L’inversion du cycle de production de l’assurance implique la méconnaissance ou l’estimation du prix du service au moment de la souscription du contrat. Tant la fixation du prix que la sélection et la gestion des risques s’appuient sur des données rassemblées d’expérience, de comportement. Une future exploitation de la masse de données générée chaque jour par le candidat à l’assurance dans sa vie courante ouvre des perspectives énormes à l’assureur qui saura la gérer. Leur gestion n’est pas simple pour autant : le coût de stockage implique un tri pertinent pour ne conserver que celles pouvant avoir une utilité ainsi qu’une organisation efficace de ses données pour rendre possible et facile leur accès. Le tarificateur pourrait-il être impliqué et/ou responsable de la partie des données qui le concerne et qui est aussi la plus confidentielle ? Les données constituent la base d’expérience pour alimenter les modèles et outils de plus en plus complexes et accompagner la décision. La stratégie d’utilisation des données se combine avec la nécessaire prudence pour en faire une aide et non un piège. La confidentialité et la protection des données devront rester des préoccupations de chaque instant : protéger d’une mauvaise utilisation, informer les individus de la collecte et de l’utilisation, assurer le libre accès et le droit à la rectification, respecter les restrictions (données non collectables ni utilisables) et les conditions de transfert. « Le big data permet d’intégrer de plus en plus d’informations qui rendraient l’étude du risque de moins en moins « moyenne » et de plus en plus discriminante. […] Une forme de “Pay as you live, pay as you behave”. »103. Les formidables opportunités du Big Data pour les (ré)assureurs supposent une indispensable réflexion sur l’adaptation aux contraintes de la collecte et son utilisation, la stratégie d’organisation et de gestion des données pour en optimiser la qualité et les coûts. L’e-sélection Il s’agit d’un outil qui améliore d’ores et déjà la collecte d’information mais n’est pas encore majoritairement diffusé et suffisamment exploité. L’e-sélection consiste à faire compléter le questionnaire informatisé en ligne ou e-questionnaire ; celui-ci se déroule et fonction des réponses aux questions, l’outil détermine, au fur et à mesure des déclarations, les questions complémentaires. Certains réseaux bancaires ou acteurs disposent déjà de ce genre d’outils sur le marché français. Les avantages sont nombreux :

102 Tad Montross – Big data – Publication « Thèmes » de Gen Re N°20 - 2012 103 Entretien de R. Durand du 29/11/12

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- Le bénéfice des nouvelles technologies : le proposant reçoit les adresse, login et code d’accès au questionnaire dans sa boîte mail, il peut y accéder sur PC, tablette ou téléphone mobile ; un accompagnement téléphonique ou sous forme de « chat » est possible pour guider et renseigner, etc.,

- L’efficacité : éviter les allers retours pour documents incomplets : le e-questionnaire ne se valide que lorsque l’ensemble des questions et précisions ont été apportées,

- La fluidité et rapidité du dispositif : le questionnaire est transmis en temps réel à la cellule médicale en charge de l’analyse du questionnaire et de la tarification, etc.

Ce modèle correspond certainement mieux aux besoins des prochaines générations que les antiques questionnaires papier à envoyer par courrier ou scan. Le télé-entretien Dans ce modèle (élément de la télé-sélection104), les informations nécessaires à la sélection ne sont plus collectées à l’aide d’un questionnaire papier ou électronique mais à l’oral par un entretien téléphonique : un téléopérateur ou télé-enquêteur contacte le proposant à l’assurance après avoir récupéré auprès de la compagnie d’assurance les données indispensables. Après avoir vérifié son identité, donné les mentions légales et expliqué en quoi consiste le dispositif, le téléopérateur commence à poser les questions sur la santé et le mode de vie du proposant. Le téléopérateur, en fonction des réponses du client, oriente le client sur des questions supplémentaires jusqu’au recueil complet du niveau d’informations requis au préalable. A la base un jeu (ou script) de questions communes à tous les entretiens (l’équivalent du questionnaire de santé de base). Chaque question, en fonction de la réponse du télé-interviewé, donne lieu à des questions ou demandes de précisions complémentaires ; en l’absence d’élément pertinent, au passage à la question suivante. Exemple : à la question sur les traitements, en cas de réponse positive, il est posé une question complémentaire sur la nature du traitement, la durée, le motif, etc. L’entretien fait l’objet d’un enregistrement vocal et donne lieu à un rapport de télé-entretien, fichier électronique qui peut être envoyé au proposant pour vérification des déclarations (et signature dans certains cas, principalement lorsque l’enregistrement vocal n’est pas conservé). Les avantages du télé-entretien105 :

- L’accompagnement du client et la relation de confiance qui s’instaure entre le proposant et le téléopérateur : le mode conversationnel, l’anonymat ou assurance de confidentialité, mettent le candidat à l’assurance dans des conditions favorables et les déclarations sont plus sincères et riches,

- La richesse et la qualité de l’information, - La fluidité : le process de constitution du dossier est réduit et accéléré, - Un recours aux rapports médicaux ou documents spécifiques réduit.

Le télé-entretien (ou tele-interview) est pratiqué avec succès aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Asie depuis plusieurs années déjà.

104 Lire plus loin paragraphe sur la télé-sélection 105 SCOR Global Life – La Télé-souscription, une étude mondiale – Enquête réalisée par SelectX – Focus 2010

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Les outils de tarification ou d’aide à l’appréciation du risque Véritable compagnon de route du tarificateur, l’outil de tarification, occupe une place particulière dans le parcours et la carrière du tarificateur. Au moment de son initiation, il lui fournit la source d’information, le cadre et les repères indispensables. C’est en quelque sorte « LA référence », « La parole du Dieu des tarificateurs, contre laquelle l’apprenti ou élève ne peut aller ». Au fur et à mesure de l’accroissement des compétences, il devient la canne sur laquelle il s’appuie pour les matières non encore maîtrisées. Avec l’autonomie grandissante, il devient un guide dont le tarificateur se détache pour « prendre son envol » et dont il ne garde que la philosophie. Cependant, il ne remplace jamais la formation et l’apprentissage entre professionnels, essentiels à la transmission des savoirs pratiques, des savoir-faire et des valeurs du métier. En France, depuis la disparition des fameux « livrets bleus »106, il n’existe plus « un seul ouvrage de référence pour le marché », comme les ouvrages du Chartered Insurance Institute107 pour les tarificateurs britanniques ou les « Textbooks » de l’Academy of Life Underwriting108 pour l’Amérique du Nord. Ce sont davantage les outils de tarification actuels qui jouent ce rôle. Colin Kearney, tarificateur en Irlande à l’époque se souvient : « En 1992, lorsque Swiss Re lance son outil « Magnum », le 1er manuel électronique, c’est une révolution dans les outils de sélection ; ensuite les autres réassureurs ont chacun développé le leur »109. Développés par les réassureurs, ils fournissent un contenu variable selon les acteurs : le « Life Guide » électronique de Swiss Re est souvent cité comme « La référence » sur le marché français et à l’international ; « Solem », l’outil du premier réassureur sur le marché français (SCOR Global Life) est très utilisé ; « MIRA » de Munich Re ou le « Web Human » d’Hannover Re, le « Clue » de Gen Re, le « PAR » de Partner Re, et quelques autres, complètent la gamme des outils de réassureurs existants et dont l’accès est offert aux clients du marché français. Les outils de sélection des risques individuels en assurance de personnes ont été le plus souvent développés par les réassureurs, y imprimant leur propre philosophie et appétence aux risques. Ces outils, utilisés par leurs tarificateurs en interne et mis à disposition de leurs clients, compagnies d’assurance, courtiers, bancassureurs, mutuelles, etc.), contiennent les informations et conditions d’acceptation pour chaque pathologie ou risque non médical. Entre l’élaboration et la distribution des manuels, ces outils ne sont parfois plus à jour, la médecine connaissant un développement nouveau (Exemple de l’hépatite). De ce point de vue, l’arrivée de l’informatique et des supports électroniques ont permis l’accélération des mises à jour… jusqu’à 106 Fascicules - Les Risques Aggravés en Assurance sur la vie – Etienne de Dardel – Services techniques de la Suisse de Réassurance, avec le concours du Bureau de Tarification de Risques Aggravés (BTRA) 107 Ou CII - Institut de formation ou de qualification professionnelle de l’assurance au Royaume Uni, reconnu par le marché et les autorités de régulation - http://www.cii.co.uk/ 108 ALU - The Academy of Life Underwriting (ALU) provides educational opportunities for professional underwriters. ALU produces a series of four exams leading to the professional designation, Fellow, Academy of Life Underwriting, web-based educational seminars and an annual management issues forum. - http://www.alu-web.com/ 109 Entretien de C. Kearney des 22 et 31/01/13

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l’avènement d’internet. Cela a grandement facilité la communication, l’ajout de documents, l’accès à l’information. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un outil de tarification qui ne soit pas « on line ». Désormais les outils de tarification sont « en ligne » et disposent des meilleures technologies, et principales fonctionnalités offertes par internet (pages dynamiques, liens, moteur de recherche, « chemin de fer », historique des pages consultées, calculettes, etc.). Véritables vitrines du savoir-faire des réassureurs en matière de sélection des risques, ils guident la plupart des tarificateurs du marché français sur les risques simples et complexes et sont un outil de transfert des connaissances et d’accompagnement efficace. Les tarificateurs en réassurance ont parfois l’opportunité de participer à l’élaboration des manuels de tarification de leur entreprise, pour les risques médicaux et non-médicaux. Les autres outils d’analyse : modes opératoires, fiches internes, etc. Ils sont les compléments naturels des outils de tarification des réassureurs ; ils les remplacent parfois, sur les risques simples ou de masse, ou sur les produits non réassurés. Les autres sources d’information Les manuels de tarification ne sont jamais tout à fait exhaustifs. Les maladies ou risques les plus rares, sans statistiques, ne disposent pas de schémas de tarification. Les descriptions, critères d’information ne balayent parfois pas toutes les situations ou profils de risques rencontrés par les tarificateurs. Ils doivent alors chercher l’information qui leur permettra de pallier à ce manque pour imaginer et créer les solutions d’assurance pour ces risques atypiques. Parmi les sources d’information ou « d’inspiration » se trouvent :

- Les ouvrages et livres de médecine - Les supports de formation des réassureurs ou des compagnies - Internet, source d’information inépuisable dans laquelle on peut puiser mais aussi s’épuiser ;

la pertinence et la fiabilité des informations doit rester une préoccupation. Les français « malheureux en anglais », n’ont souvent pour seule référence que la version française du manuel du réassureur et les sites médicaux français d’internet pour compléter. Ils se coupent d’une partie non négligeable des sources d’information. Une distinction doit être faite là-aussi entre les tarificateurs d’assurance, rarement à l’aise en anglais et ceux en réassurance, pour lesquels l’anglais est un critère de recrutement et donc plus ouverts à ce qui se fait à l’international. Les outils de gestion des dossiers, non spécifiques à la sélection L’environnement « outils » du tarificateur se compose généralement :

- Du système d’informations interne intégrant tout ou partie des autres outils - D’une base de données dans laquelle sont enregistrées les informations telles que l’identité,

le domicile, les coordonnées du candidat à l’assurance, les caractéristiques du contrat qui le lie avec l’assureur (type, garanties, produit, durée, capitaux sous risques, exclusions, etc.), mais également les données de santé, professionnelles, de loisirs, et autres informations nécessaires à l’appréciation de son risque,

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- D’un outil de recherche d’informations (internet le plus souvent), - D’un dossier papier ou outil de « workflow » et/ou de GED110 permettant, dans un cadre de

dématérialisation, de recréer le circuit d’un dossier, son passage par différentes étapes de souscription et de vie du contrat, ainsi que son stockage,

- D’un outil de rédaction des courriers de réponse aux clients, - D’un ou plusieurs outils d’échanges avec ses partenaires ou clients : boîte mail sécurisée,

fax, plateforme d’échanges d’informations, etc. Autant d’outils à « dompter » pour le tarificateur, indispensables à l’exercice de son art : un tarificateur qui ne serait pas familier avec l’outil informatique en général, les outils traditionnels de gestion, de tarification et d’échanges, pourrait difficilement exercer aujourd’hui. Les perspectives d’évolution : Dans l’industrie de la sélection, l’innovation est nécessaire pour être en ligne avec la concurrence. Un certain nombre d’évolutions, sans être tout à fait en œuvre sur le marché hexagonal, connaissent de beaux succès à l’international. Il est fort à parier que dans les prochains mois et années, elles impacteront les tarificateurs français. L’e-sélection L’e-sélection consiste en la collecte de l’information par la voie d’un questionnaire dématérialisé, rempli sur le site internet de l’assureur ou d’un prestataire. Couplé à un système expert, l’e-sélection pourra aller jusqu’à la tarification. Pour l’instant, ce modèle ne semble développé, sur le marché français, que pour la collecte d’information, pour les adhésions du proposant sans anomalies (dites acceptations immédiates), ou pour tarifer quelques risques très simples (obésité, affections ostéo-articulaires générant des exclusions, etc.). Les perspectives offertes par un dispositif qui intègrerait un outil performant de tarification et d’accompagnement pourraient être très intéressantes et donneraient probablement un avantage concurrentiel important à celui qui s’y lancerait. En effet, il s’intègre bien aux attentes du consommateur d’assurance 2.0. La télé-sélection Les définitions et les concepts Il existe une multitude de termes pour définir ce concept. J’ai choisi le terme de « télé-sélection » mais les termes de télé-souscription, télé-entretien, télé-déclaration auraient tout autant pu être employés. La télé-sélection consiste en une « sélection par téléphone » : de la collecte par entretien téléphonique des informations nécessaires à la sélection à l’appréciation du risque par un système expert.

110 Gestion électronique des dossiers – Outil de stockage des informations dématérialisées pouvant contenir quelques fonctionnalités de flux et traitements.

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Le modèle peut intégrer des étapes plus ou moins nombreuses du processus de souscription du contrat d’assurance de personnes. L’outil Télé-souscription dans son modèle le plus intégré permettrait de gérer l’ensemble de la souscription : le contact du proposant pour la prise de rendez-vous de l’entretien téléphonique, l’entretien téléphonique de recueil des informations, la définition des éléments complémentaires à fournir, la tarification du dossier (automatique ou par l’intermédiaire d’un tarificateur « dans la boucle »), la mise à jour d’un système d’information accessible par l’assureur et/ou le courtier pour constater l’état d’avancement du dossier, la prise de rendez-vous avec un spécialiste ou laboratoire pour examen complémentaire, jusqu’à l’annonce des conditions d’acceptation du contrat. Point commun de l’ensemble des business models de télé-souscription existants, le télé-entretien111 est le cœur du dispositif pour la collecte des informations nécessaires à la sélection. Les outils Le télé-entretien s’imaginerait difficilement sans outil informatique compte tenu du niveau et la multiplicité des domaines de compétences (téléphonique, commerciale, conversationnelle, en sélection de tous les risques, etc.) à maitriser. La télé-sélection repose donc sur un outil informatique composé de plusieurs centaines ou milliers d’arbres de décisions, permettant de répondre à toutes les situations et d’orienter le téléopérateur sur les questions principales ou complémentaires à poser. Le « système expert » est défini comme « un outil informatique d’intelligence artificielle, conçu pour simuler le savoir-faire d’un spécialiste, dans un domaine précis et bien délimité, grâce à l’exploitation d’un certain nombre de connaissances fournies explicitement par des experts du domaine » 112. Il est le pilier de tout système de télé-souscription. Son développement requiert outre un savoir-faire informatique, les compétences de professionnels de la sélection tels que les médecins conseil et les tarificateurs. Il permet l’enchaînement pertinent des questions en fonction des réponses, mais également, dans un modèle intégré, contient les règles de tarification qui conduisent à une prise de décision automatique par l’outil pour une ou plusieurs garanties, produits, en fonction des réponses du télé-entretien. Bien sûr, le modèle de télé-souscription intégrant la prise de décision par l’outil ne semble pouvoir s’appliquer qu’aux risques simples ou peu complexes ; les risques complexes nécessitent l’intervention et l’analyse d’un tarificateur. Mais, même pour ces risques complexes, la télé-souscription peut présenter l’avantage d’une collecte efficace des informations. Service externalisé ? La télé-sélection pourrait faire l’objet d’un développement interne par une compagnie ; cependant, l’investissement de départ, les ressources et compétences requises peuvent justifier que ce genre de service soit apporté par une structure externe, dédiée, ayant différents clients sur un ou plusieurs marchés. Les réassureurs ont presque tous une solution de télé-souscription à proposer à leurs clients, qu’elle soit interne ou auprès d’une filiale ou partenaire d’affaires. Exemple : SCOR dispose

111 Cf. le paragraphe sur le télé-entretien dans la partie des outils de collecte d’informations. 112 Définition de Jean Charles Pomerol présentée par Ana Villanueva - Télé-souscription : un système de sélection des risques automatisé – Présentation aux journées scientifiques de l’AMCAP du 8 juin 2012.

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d’une structure basée en Espagne appelée SCOR Telemed ; Gen Re propose son « Expert Underwriting System COMPASS »113 à ses clients ; certains ont travaillé avec Medical direct, etc. Une expérience internationale Appelée tele-underwriting à l’international, la télé-sélection a été lancée tout d’abord aux Etats-Unis dans les années 90, en Asie en 2000, en Europe (sauf France) à partir de 2003, en Afrique du Sud en 2005 et Amérique du Sud en 2009. La télé-souscription est largement utilisée dans le monde entier et fait l’objet de publications régulières. « L’exception française » Le marché français, là-aussi fait exception à la règle. Est-ce l’environnement règlementaire jugé plus contraignant qui a refroidi les envies des acteurs ? Est-ce un marché moins mature pour la télé-sélection ? Les médecins conseil, souvent peu convaincus des perspectives de la télé-souscription, ont-ils joué un rôle dans ce retard ? Est-ce le spectre « des outils avec intelligence artificielle » ? Parmi les tarificateurs ayant répondu au sondage, ils sont 60% à ne pas connaître l’e-sélection, 71% à ne pas connaître la télé-interview et un sur deux la télé-sélection / télé-souscription / tele-underwriting. Ces outils dits de « sélection facilitée par internet/téléphone ou automatisée » largement répandus et utilisés à l’international, sont pourtant perçus davantage comme une opportunité (41%) qu’une menace (25%). Etude de cas : La télé-souscription est sur le point d’être lancée sur le marché français : Alptis114, courtier grossiste, commencera à proposer ce service à ses clients en 2013 pour leurs contrats emprunteurs. Le télétravail Avec des avancées technologiques telles que la dématérialisation, la gestion électronique des données (GED), les plateformes sécurisées d’échanges de dossiers, il est désormais possible et aisé de travailler « en dehors » de l’entreprise, en étant relié à son réseau et en disposant donc de tous les outils habituels de travail. La sélection des risques et les tarificateurs, n’y font pas exception. Là-aussi, le marché français est en retard. Philippe Aussel, tarificateur au Canada, nous confie « qu’il [y] est plus difficile aujourd’hui de recruter un tarificateur qui accepte de se déplacer au bureau, plutôt que le contraire » 115. Les « Life Underwriters » travaillant en « Home office » sont nombreux en Amérique du Nord et disposent même d’une association très réputée116, qui publie la revue spécialisée OTR pour « On The Risk ».

113 Gen Re Life Health – Tele-Underwriting, your guide to success - 2008 114 Alptis innove en lançant la télédéclaration médicale - Article RiskAssur-hebdo du 05/02/2013 : « Suite à un entretien téléphonique de quelques minutes avec une équipe dûment habilitée, le prospect sera en mesure d’avoir sous 24 heures la décision concernant son adhésion. […]Suite à un entretien téléphonique de quelques minutes avec une équipe dûment habilitée, le prospect sera en mesure d’avoir sous 24 heures la décision concernant son adhésion. […]Ce nouveau service, simple et utile, s’inscrit dans le cadre de la politique d’innovation menée par le groupe Alptis, entièrement tournée vers les attentes de ses adhérents. » 115 Entretien du 26/11/12 116 L’Association of Home Office Underwriters (AHOU) - https://www.ahou.org/

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Le télétravail serait un progrès pour la sélection et ses acteurs : une amélioration des conditions de travail pour certains ; d’autres, en quittant la région parisienne ou les « villes d’assurance », ont dû renoncer à la pratique de la sélection et pourraient y revenir. Même s’il est dangereux d’imaginer les tarificateurs « isolés » chez eux pour l’exercice de leur art, un dispositif de télétravail à temps partiel pourrait avoir ses avantages. L’outsourcing Il consiste à déléguer la sélection à un prestataire extérieur. Au départ, le prestataire échange avec son client pour se familiariser avec la philosophie ou politique de tarification, son approche commerciale. Pour le traitement des dossiers ou cas, il utilise ensuite ses outils, émet pour chaque cas un rapport résumant son analyse. Des audits sont réalisés régulièrement par le client de l’outsourcing pour vérifier la qualité et la conformité du service. Le prestataire réalisant l’outsourcing est payé « au dossier », que la décision soit une acceptation ou un refus, que l’affaire se concrétise ou non. L’outsourcing a pour principaux avantages :

- Une certaine souplesse pour le client qui n’est pas obligé d’avoir les ressources pour traiter les dossiers, notamment en période de congés,

- Une réactivité (délais contractuels), - Une forme d’indépendance du prestataire, - Une réduction du conflit d’intérêt qui pourrait exister avec un courtier qui aurait intérêt à ce

que le dossier soit accepté pour toucher sa commission, - La fourniture d’un service « comparable » à celui du réassureur en matière de traitement des

dossiers, sans la nécessité de partager son risque avec lui (i.e. sans traité de réassurance). Quelques inconvénients toutefois :

- Cela suppose une « main d’œuvre très qualifiée », des tarificateurs expérimentés ou seniors. En l’absence de diplôme et de parcours de formation organisé, les ressources sont, pour l’instant, encore limitées,

- Cela suppose que le prestataire ou « outsourcer » puisse se familiariser et mettre en œuvre efficacement plusieurs politiques de sélection, se détache de toute croyance en la matière donc. Il paraît plus adapté pour les risques simples ou moyens,

- Un réassureur n’aurait pas intérêt à confier tout son savoir-faire à un prestataire susceptible de rentrer en concurrence avec lui plus tard ou avec d’autres clients,

- L’organisation de la confidentialité et de la protection des données en découlant que la structure soit sur le territoire ou hors de France (dans la limite probablement de l’Europe sous peine d’interdiction).

Un acteur réputé sur le marché britannique pour son savoir-faire est Medical Direct. En l’état du marché et du contexte, il est difficile d’imaginer l’émergence d’un nouvel acteur dédié. Une succursale ou filiale d’un acteur étranger serait probablement envisageable sous couvert d’un investissement conséquent en temps et ressources nécessaires à l’apprentissage du marché français, qui reste pour les étrangers, un grand mystère par ses nombreuses spécificités.

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Sur les progrès technologiques qui accompagnent la mutation du secteur : Une fois de plus le tarificateur est à la confluence des principales avancées technologiques. Les perspectives sont nombreuses (e-sélection, télé-sélection, télétravail, etc.) et s’annoncent passionnantes. Mais ce ne sera pas sans retentissement sur son activité, son travail au quotidien, la façon de l’appréhender, etc.

iii. Les répercussions pour le tarificateur Le métier de la sélection des risques est en train d’évoluer. Au sein d’une industrie aux multiples perspectives, le tarificateur en est impacté de différentes manières : La modification de la demande des entreprises Avec l’évolution des attentes des consommateurs, les entreprises vont avoir de nouveaux besoins et connaître des évolutions. Un besoin moindre de tarificateurs de risques simples L’automatisation des cas simples, principal effet de la rationalisation, combiné au développement des outils tels que la télé-souscription ou l’e-sélection rendent possible et probable l’appréciation des risques par un outil ou du personnel non-tarificateur. Un outil peut-il remplacer un tarificateur ? Seuls les risques simples ou peu complexes sont concernés par la télé-souscription. Les risques les plus pointus restent non-automatisables. L’intelligence artificielle ne peut pas identifier et analyser l’ensemble des situations de risques, les interactions entre plusieurs affections ou risques. Ce sont donc les tarificateurs de risques simples qui sont menacés dans les compagnies recherchant la rationalisation des processus de sélection. Cependant, si le tarificateur accepte une évolution de son activité ou de ses compétences, ces évolutions peuvent lui offrir autant d’opportunités :

- Celle de se spécialiser sur la sélection « classique » des risques complexes, moyennant une montée en compétences,

- Dans la télé-sélection, en tant que téléopérateur ou dans le développement et l’évolution de l’outil ;

- Dans le cadre d’un dispositif d’e-sélection, une perspective d’accompagnement des clients, etc.

La télé-sélection est peut-être l’opportunité de voir enfin une vraie ligne de démarcation entre le métier de tarificateur et celui des gestionnaires. La recherche de professionnels spécialistes Les risques les plus complexes nécessiteront toujours l’analyse de professionnels experts en la matière : les tarificateurs expérimentés et seniors, les médecins conseil. Pour ne pas se couper d’une partie de leur clientèle très médiatique et forte en terme d’image, pour apporter des solutions

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adaptées aux cas d’espèce des proposants présentant un risque aggravé de santé, pour se conformer aux contraintes règlementaires, les compagnies vont continuer à avoir besoin de tarificateurs risques aggravés. La probable augmentation de la pression de la productivité et des délais L’industrialisation des process, les fortes contraintes de délais sur les contrats emprunteurs et la concurrence de plus en plus vive sur les risques aggravés toujours plus nombreux font que les conditions de travail du tarificateur ne vont pas aller en s’améliorant : le rythme imposé par les délais toujours plus courts, l’impossibilité de procrastiner, de se laisser le temps de la réflexion, sont autant d’éléments qui participent à une certaine usure du tarificateur due à l’urgence et la pression quotidiennes. Le remède est de proposer régulièrement au tarificateur des moments de « recul » qui peuvent prendre la forme de formations, de missions complémentaires, de projets, etc. La relation clients au cœur du métier Pour le tarificateur, l’orientation clients se traduit par : Une nécessaire compréhension et prise en compte des attentes de son client… (qu’il s’agisse de l’assuré final ou du professionnel de l’assurance) Le tarificateur doit être acteur de la relation client et notamment :

- Accompagner le consommateur : o Lui apprendre ce qu’est l’assurance, comment elle peut répondre aux besoins, o Le guider dans les démarches assurantielles (dont la sélection), o Le tenir au courant de l’état d’avancement de son dossier, o Lui expliquer les conditions d’acceptation, exclusions, etc.

- Maitriser les nouvelles technologies et être acteur de la sélection « en ligne » : o Avoir une bonne connaissance de ce qui existe sur le marché, chez les concurrents, à

l’international, o Proposer les services d’e-sélection, de télé-sélection, etc. o Mieux utiliser le téléphone mobile, outil sous-utilisé en assurance,

- Chercher à simplifier les produits et les circuits de sélection : o Faciliter la collecte des informations nécessaires à la sélection (télé-entretien, e-

sélection, etc.). - Rechercher des propositions ou alternatives au refus.

Etude de cas : Les tarificateurs d’un courtier grossiste qui ont pratiqué le télé-entretien pendant une période de plusieurs mois, ont apprécié ce nouveau contact plus direct avec les proposants d’assurance, la relation de confiance instaurée par la conversation.

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… grâce à une dimension ou compétence commerciale… Le tarificateur doit faire entrer dans la palette de ses compétences, la dimension commerciale. Il ne peut plus, sous couvert d’indépendance technique, refuser de prendre en compte les enjeux commerciaux. … sans toutefois renoncer à la qualité et technicité. La conséquence pour le tarificateur est une modification de son rôle caractérisée par :

- Un renforcement du contact commercial avec les proposants ou réseaux, distributeurs, commerciaux,

- Une qualité de contact, - Une part technique contrebalancée par la part commerciale ; une perte d’indépendance

technique. La relation du tarificateur avec l’outil : Les outils de tarification ou d’appréciation des risques sont de plus en plus structurés, exhaustifs. Peut-on en déduire une marge de manœuvre moindre pour les tarificateurs, « obligés de suivre les préconisations du guide électronique » ? Certains le pensent probablement. Les guides sont certes de plus en plus complets et complexes mais il restera toujours des cas non recensés qui continueront à inciter le tarificateur à être autonome et créatif pour trouver des solutions d’assurance aux proposants concernés. Ces outils font, par ailleurs, de plus en plus appel à son esprit analytique, se limitant à des recommandations pour permettre une étude plus individualisée. Enfin, les outils de nouvelle génération laissent penser qu’il est plus facile et plus rapide désormais de devenir tarificateur. C’est une apparence trompeuse : l’utilisation d’un outil même très perfectionné et complet, ne remplacera ni l’initiation des « anciens » ou « passeurs », leur transmission de la philosophie de la sélection ni le long apprentissage du terrain sur les dossiers. En résumé pour le tarificateur : le choix d’une spécialisation Le tarificateur a plusieurs options mais doit faire un choix pour le futur en tout état de cause :

- Basculer vers la Recherche et le Développement et participer aux évolutions de la sélection. Ex : élaboration d’outils de sélection prédictive ou télé-sélection ou e-sélection, développement de nouveaux produits adaptés et simplifiés pour le candidat de demain,

- Se spécialiser sur les risques aggravés et complexes qui nécessiteront toujours l’intervention du tarificateur,

- S’orienter vers l’accompagnement du client au moment de la sélection. Ex : devenir téléopérateur de télé-interview par exemple,

- Ou les autres missions complémentaires (formation, etc.)

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En tout état de cause, malgré les menaces régulières de disparition de la sélection, il existe et continuera d’exister de multiples opportunités de poursuivre la sélection des risques, de se positionner en spécialiste et de participer aux évolutions. Si le tarificateur choisit de ne pas subir les prochaines évolutions de l’industrie mais de profiter des opportunités qu’elles offrent, il continuera d’y avoir sa place. Le tarificateur doit être l’acteur de l’évolution de son métier.

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b. La remise en cause du « Right to Underwrite » Une des problématiques auxquelles est confronté le tarificateur est celle de l’acceptabilité sociale de son activité. La sélection des risques est-elle aussi injuste et inéquitable que le laisse penser les débats anti-discrimination ? La menace régulière du « right to underwrite » (droit à sélectionner les risques) contribue certainement au manque d’enracinement et de reconnaissance du métier.

i. Du rôle social de l’assureur au droit à l’assurance pour tous Selon Alain Obadia, « l'assurance est perçue de manière forte comme une entreprise différente des autres, chargée d'une responsabilité sociale, presque d'un rôle de service public »117. Pourtant depuis quelques années, l’ensemble du secteur est entaché par des accusations de discrimination : envers les femmes/les hommes, envers les malades. La segmentation et la sélection sont dans le viseur des associations de consommateurs, jugées discriminantes. En Europe, le Test-achat : la Directive « anti-discrimination » et ses inquiétantes perspectives La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans son jugement du 1er mars 2011 a retiré la possibilité aux assureurs de fonder une différence de tarif sur le sexe de ses assurés. Le cadre législatif L’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne interdit « toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ». La Directive 2004/113/CE du Conseil Européen du 13 décembre 2004 enfonce le clou dans son article 5 : « les États membres veillent à ce que, dans tous les nouveaux contrats conclus après le 21 décembre 2007 au plus tard, l'utilisation du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations aux fins des services d'assurance et des services financiers connexes n'entraîne pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations » mais prévoit une dérogation dans son deuxième paragraphe : « Les États membres peuvent décider avant le 21 décembre 2007 d'autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises ». La France l’a autorisé notamment pour ses branches vie et auto118. Sous l’impulsion de l’association de consommateurs belges Test-Achats, un Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 1er mars 2011 déclare « l’article 5.2 contraire à l’objectif d’égalité des tarifs et des prestations ». La fin de l’utilisation du sexe comme critère de différenciation dans les tarifs est dès lors prévu pour le 21 décembre 2012.

117 Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation – 20/12/2010 – CORA / FFSA 118 Articles 111-4 et 111-7 du Code des assurances

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Peu d’implications en matière de sélection… Cette décision de la Cour de Justice Européenne reproche notamment à la dérogation son absence de terme, veut éviter les différences entre pays qui pourraient biaiser la concurrence et aux compagnies de faire « une supposition générale » des différences selon le sexe. La sélection des risques consiste en l’étude personnalisée de chaque dossier d’adhésion pour en apprécier le risque et faire payer la prime correspondante. Est-elle concernée ? Les lignes directrices du Conseil dans le secteur des assurances119 nous éclairent : « Il existe […] d’autres facteurs de risque, tels que l'état de santé ou les antécédents familiaux, sur la base desquels une différenciation est possible et dont l'évaluation exige des assureurs la prise en compte du sexe, compte tenu de certaines différences physiologiques entre les hommes et les femmes » et fournissent quelques exemples concernant les formulaires de demande, les examens médicaux, l’interprétation des résultats d’examens médicaux, les valeurs de référence différentes et les pronostics différents pour une même maladie120. La sélection des risques n’est donc pas impactée par la Directive Test-Achats. … mais un risque d’extension à d’autres critères (âge, état de santé) ? Des inquiétudes de la profession persistent, craignant une extension de l’interdiction à d’autres critères tels que l’âge, le handicap, l’état de santé, tous très pertinents pour la sélection des risques, et y voient la fin annoncée de la sélection des risques. L’âge et le handicap, cités eux-aussi dans la Charte de Droits fondamentaux sont-ils les prochains sur la liste ? Il est vrai qu’il existe une proposition « on implementing the principle of equal treatment between persons irrespective of religion or belief, disability, age or sexual orientation »121 mais selon les lignes directrices du Conseil dans le secteur des assurances : « l’utilisation de l’âge et du handicap continuerait d’être autorisée […] car elle ne serait pas considérée comme discriminatoire ». Cela ne semble pourtant pas avoir rassuré l’industrie qui continue de fantasmer et craindre la fin de la sélection et de la segmentation. Aujourd’hui, il est difficile de définir quelles orientations futures seront prises, sauf à espérer que les assureurs sauront défendre les fondements de l’assurance s’ils devaient être remis en cause. L’exemple unique de la Convention AERAS en France En France, sous l’impulsion des associations de malades et de consommateurs, depuis 1991, les pouvoirs publics ont pris des mesures pour favoriser l’accès à l’assurance emprunteur (rendue

119 Ligne directrice n°14 – Lignes directrices sur l’application de la directive 2004/113/CE du Conseil dans le secteur des assurances, à la lumière de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire C-236/09 (Test-Achats) - Journal officiel de l’Union européenne – 13/01/12 120 Pour les lire : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2012:011:0001:0011:FR:PDF 121 COM(2008) 426 final

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obligatoire par les banques pour l’obtention d’un emprunt) des personnes séropositives HIV tout d’abord puis de celles présentant une aggravation de leur état de santé. L’historique des conventions successives et le rappel des principales caractéristiques Trois conventions se sont succédées depuis 1991 pour permettre l’accès à l’emprunt et à l’assureur emprunteur aux malades, mais également pour inciter au respect du secret médical et mettre en place les outils de réflexion et reporting. La Convention sur l’assurabilité des personnes séropositives du 3 septembre 1991 a constitué un premier pas mais le périmètre limité de la convention en a certainement réduit les effets. La Convention Belorgey, du nom du Conseiller d’Etat en charge du rapport et de la proposition :

- Crée un mécanisme d’étude à 3 niveaux pour les dossiers risques aggravés d’un encours inférieur à 200.000€ pour les moins de 60 ans :

o Au 1er niveau : les contrats groupe emprunteur o Au 2ème niveau : les contrats groupe ouverts ou produits individualisés pour les

candidats refusés au 1er niveau o Au 3ème niveau : un Pool de réassureurs en charge de l’analyse des risques refusés

aux deux premiers niveaux, ultime chance pour les risques très aggravés - Incite les établissements de crédit à accepter les garanties alternatives (hypothèque, caution,

etc.), - Supprime les questionnaires de santé pour les prêts à la consommation affectés.

Pour faire progresser l’assurabilité des proposants présentant un risque aggravé de santé, la Convention « S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé (AERAS) » entre en vigueur en janvier 2007. Elle reprend le mécanisme d’étude à 3 niveaux et l’améliore. Elle est révisée en février 2011 et :

- met en place une Invalidité Spécifique AERAS, garantie dont la définition est commune à tout le marché, supposée favoriser la couverture proposée en invalidité et ne souffrant pas d’exclusions, favorisant la comparaison ;

- simplifie les formalités médicales : o harmonise les formulations de certaines questions des questionnaires de santé, jugées

difficiles ou sources d’ambiguïté par les malades, o oblige les assureurs à accepter les éléments médicaux d’un concurrent pour

l’appréciation d’un risque, - supprime la sélection des crédits à la consommation jusqu’à 17.000€ (contre 15.000€

avant) ; - élargit le périmètre du 3ème niveau de la convention aux demandes de 320.000€ (contre

300.000€ auparavant) ; - renforce le dispositif d’écrêtement et la communication sur AERAS.

Cette révision précipitée de la convention ainsi que sa rédaction imprécise a posé un certain nombre de difficultés aux assureurs, leurs services chargés de développer ou faire évoluer les produits, mais également aux tarificateurs pour en avoir une compréhension juste et se mettre en conformité avec les dispositions.

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Des résultats chiffrés en contradiction avec un ressenti général péjoratif des associations et proposants à l’assurance Convention AERAS : statistiques 2011122 sur la garantie Décès :

Face aux résultats du dispositif, les assureurs considèrent que « le bilan est positif »123 : sur 3,7 millions de demandes d’assurance emprunteur en 2011, « seulement » 2,70% - soit 101 000 demandes (dont 86 000 demandes sans suites ou en cours d’instruction, difficilement associables à des refus) n’ont pas trouvé de solutions d’assurance. A noter : Il s’agit de la seule garantie décès, le bilan est moins favorable sur les garanties complémentaires. Or il est de plus en plus difficile d’obtenir un prêt sans une couverture complète124. Par ailleurs, les taux de surprimes sont parfois trop importants pour être pris en charge par les proposants malades. Les taux de concrétisation sont peu connus. Le recul par rapport à la mise en place de la Convention est trop faible pour en tirer des enseignements en matière de sinistres. Trop de proposants restent sans solution d’assurance pour les associations qui reviennent régulièrement à la charge auprès de l’Etat pour demander des évolutions de la Convention et même un « droit de l’assurance pour tous ». 122 Dossier FFSA-GEMA – Septembre 2012 123 Interview d’Yves Couturier de CNP, membre de la Commission de suivi de la Convention AERAS – Site de la FFSA – 03/11/11 124 Comprenant à la fois la garantie Décès/Perte Totale et Irréversible d’Autonomie et Incapacité/Invalidité

Demandes d'assurance emprunteur en 2011

3 740 718

Demandes avec proposition de l'assureur aux

conditions standard

3 205 983 (85,71%)

Demandes avec risques aggravés de santé

472 923 (12,64%)

Demandes en cours d'instruction ou sans

suite de l'assuré 24 440 (0,65%)

Demandes ayant fait l'objet d'une proposition

d'assurance 433 154 (11,58%)

Présentation au Pool des risques très

aggravés 9 022 (0,24%)

Acceptation par le Pool des risques très

aggravés (0,05%)

Sans suite, en attente ou refus du Pool des risques très aggravés

(0,19%)

Demandes sans proposition et hors périmètre du Pool

6 308 (0,17%)

Demandes sans suite

61 812 (1,69%)

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Un « droit à l’assurance pour tous » ? Il y a d’abord eu la proposition de loi pour un fonds de garantie permettant à toute personne présentant un risque aggravé de santé de contracter un emprunt125 en 2007, restée sans suite. Puis la revendication d’un « droit à l’assurance emprunteur pour tous » En 2008, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, déçue des résultats d’une enquête sur la mise en œuvre de la Convention AERAS, « plaide pour la mutualisation totale du risque : obliger les assureurs à faire rentrer dans les contrats de groupe les personnes avec un risque aggravé de santé »126. Il est étonnant que cette revendication prenne le pas sur celle d’un « droit à l’emprunt pour tous » y compris pour ceux qui ne peuvent pas souscrire d’assurance, et l’on note qu’il n’est aujourd’hui pas reconnu à l’individu le droit de prendre le risque de se voir retirer le bien acquis par emprunt, en cas de difficultés (personnelles ou de santé) à rembourser celui-ci. La sous-utilisation des autres garanties telles que l’hypothèque ou la caution, font moins débat. Cependant, il est raisonnable de réfléchir aux questions de fond que cette revendication soulève.

ii. La sélection, la segmentation et la discrimination Pour les proposants à l’assurance, la sélection des risques en assurance peut être lourde de conséquences. Des conditions d’acceptation majorées ou modifiées (exclusion, limitation de la durée, du montant, des garanties, etc.) viennent augmenter la prime de l’assurance ou modifier la couverture souscrite mettant l’assuré dans une situation de potentielles difficultés financières ou sous-assurance. Un refus de garanties signifie certes l’absence de protection, mais aussi, l’impossibilité d’obtenir son emprunt auprès de l’établissement bancaire et donc la fin d’un projet de vie. La sélection des risques constitue-t-elle une discrimination ? Est-ce légal ? Est-ce légitime ? Est-ce juste ? Penchons-nous quelques instants sur ces termes et leur finalité : Qu’est-ce que la discrimination ? Le Larousse définit la discrimination comme l’« action de séparer deux ou plusieurs êtres ou choses à partir de certains critères ou caractères distincts ». Un synonyme en serait : distinction. Une définition assez neutre pour une notion le plus souvent très péjorative. Or c’est davantage la discrimination lorsqu’elle est inéquitable qui pose problème.

125 Proposition de loi de M. André WOJCIECHOWSKI et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'un fonds de garantie permettant à toute personne présentant un risque aggravé de santé de contracter un emprunt, n° 323, déposée le 24 octobre 2007et renvoyée à la commission des affaires sociales 126 Convention AERAS et accès à l’emprunt – rapport UFC Que Choisir – Juin 2008

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Une discrimination injuste serait une discrimination fondée sur des éléments non objectifs ; celle qui permettrait que deux individus présentant exactement le même profil de risque puissent être traités différemment d’un point de vue de la sélection en assurance. Le droit français établit qu’une distinction entre les personnes ou le refus de leur fournir un bien ou service fondé notamment sur leur état de santé, leur handicap, leur âge, etc.127 constitue une discrimination. Cependant il reconnait aux assureurs le droit de refuser la couverture d’assurance à un candidat en se basant sur ces mêmes éléments (santé, âge, handicap)128 sauf à prendre en considération les « tests génétiques prédictifs ayant pour objet une maladie qui n'est pas encore déclarée ou une prédisposition génétique à une maladie ». Jusqu’ici, les assureurs conservent la possibilité d’assurer ou non un proposant à l’adhésion (en dehors des contrats collectifs à adhésion obligatoire de type Evin en France). Comme l’a rappelé la FFSA et le CORA129, « la pratique de segmentation et d’évaluation des risques utilisée par les assureurs sur la base de données statistiques et actuarielles […] ne peut s’analyser comme une discrimination mais bien comme une différenciation selon les risques »130 et les assureurs ont « la possibilité de segmenter leurs tarifs, […] de fixer librement le prix d’une assurance en fonction du profil des assurés et des risques qu’ils représentent. Il leur faut donc évaluer les risques avant de faire entrer le candidat à l’assurance dans une mutualité, […] un groupe dans lequel l’assurance de tous signifie la protection de chacun. La segmentation permet à l’assuré de payer le risque qu’il représente réellement. »131 La segmentation et la sélection des risques sont donc bien des discriminations mais au sens « différenciation » et sont légales. La sélection des risques est-elle légitime ? La sélection des risques consiste en une pesée équitable pour fixer le juste prix d’entrée et écarter les mauvais risques qui pourraient déséquilibrer le portefeuille

127 Article 225-1 du Code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » 128 Article 225-3 du Code pénal : « Les dispositions de l'article […] ne sont pas applicables aux discriminations fondées sur l'état de santé, lorsqu'elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité. […] » 129 Le Conseil d’Orientation et de Réflexion de l’Assurance (CORA) 130 Réunion du 7 juin 2012, – Article La segmentation : un fondement essentiel de l’assurance - http://www.ffsa.fr/sites/jcms/p1_806935/la-segmentation-un-fondement-essentiel-de-lassurance?cc=fn_7369 131 Réunion de décembre 2010 - Article Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation - http://www.ffsa.fr/sites/jcms/p1_377695/assurance-acces-aux-informations-personnelles-segmentation-et-regulation?cc=fn_7369

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La segmentation de la sélection est à la base de l’assurance La sélection des risques au moment de l’adhésion permet à l’assureur de classer ces risques, de les apprécier pour en déterminer les conditions de couverture (standard, surprime, exclusion, franchise etc.) ou d’écarter ceux, trop élevés, qui menaceraient l’équilibre de son portefeuille et donc la protection des autres assurés. La sélection est une étape essentielle Une mauvaise déclaration du risque qui en gênerait l’appréciation ou une tentative de sur-assurance ou de fraude pourrait dé-corréler le niveau de prime défini de la sinistralité réelle. L’augmentation des primes nécessaire au rééquilibrage pourrait conduire à exclure une partie de la population peu aisée et une partie des risques devenus trop élevés pour être supportés. L’influence ou impact de la sélection médicale est intéressante et significative les premières années d’assurance : la mortalité des assurés étant inférieure de celle de la population générale. Ces effets sont reconnus pour être ressentis généralement pendant les 5 premières années132 du contrat mais certains les verraient même sur une durée plus longue. Lorsqu’ils sont interrogés sur leur rôle, les professionnels de la sélection (tarificateurs, préparateurs et responsables) sont 98% à estimer qu’ils déterminent les conditions d’acceptation des risques les plus justes pour les clients, dans le respect des intérêts techniques de l’entreprise.133 Le tarificateur : un explorateur en quête de solutions adaptées aux proposants présentant une aggravation de leur risque Même si 74% des tarificateurs interrogés considèrent qu’écarter les mauvais risques entre dans leur rôle, ils sont un tiers seulement (32%) à ne pas reconnaître en tant que rôle social, celui d’offrir une solution d’assurance à des personnes présentant des risques aggravés ou complexes.134 Les bénéfices et limites de la remise en cause de la sélection, de la mutualisation et de l’assurance pour tous Les différents mouvements antidiscriminatoires, de droit à l’assurance pour tous, d’une assurance plus juste ont le mérite d’obliger la profession à se remettre en cause. Ils nous font garder en tête que derrière une réalité statistique, il y a des individus et une protection à organiser. Poussés à l’extrême, ces mouvements pourraient aboutir à l’interdiction de la sélection des risques. Mais un monde sans sélection, rêve de certains, ne serait pas sans conséquences.

132 Il en était déjà ainsi à l’époque d’Henri Stévenin et de son ouvrage « La médecine d’assurance sur la vie – Facteurs biologiques, médicaux et sociaux de la Mortalité et de la longévité » – Masson & Cie, 1951 et même de celle des statistiques de Katz nous dit-il. 133 Sondage EL Tascon « Le métier de Souscripteur de Risques Aggravés » – Décembre 2012 – I-b-ii 134 Sondage EL Tascon « Le métier de Souscripteur de Risques Aggravés » sur SurveyMonkey – Décembre 2012

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Un tarif unique pour tous, probablement prohibitif pour certains En répondant aux besoins de protection des Français, l’assurance joue un rôle social. De plus, comme le rappelle Philippe Poiget135 « une des principales finalités économiques et sociales de l’assurance […] est de rendre l’assurance accessible au plus grand nombre dans un marché concurrentiel en proposant des contrats dont le prix est déterminé en fonction du risque assuré ». Un individualisme grandissant des consommateurs d’assurance Un tarif unique pour tous engendrerait vraisemblablement aussi un produit unique pour tous : non adapté aux attentes des proposants en matière de personnalisation, de prise en compte de ses spécificités, le poussant à aller chercher ailleurs la protection recherchée ou à y renoncer. Le consommateur d’assurance recherche désormais l’offre qui lui correspondra le mieux : en termes de prix mais également de couverture, de délais de réponse, etc. Le philosophe et historien Marcel Gauchet, membre du CORA136 et directeur d'études à l'EHESS, indique que « les individus veulent également préserver leurs intérêts dans le système et refusent de payer pour des personnes avec lesquelles ils n'ont rien en commun. […] les jeunes manifestent une révolte rampante contre une mutualisation s'effectuant à leur détriment »137. Il semble que l’on puisse aller vers davantage de segmentation dans le futur. La probable disparition de certains acteurs du secteur de l’assurance Les entreprises qui ne justifieront pas d’une mutualité suffisamment large pour amortir la sur-sinistralité des proposants qui auraient dû être refusés ou surprimés vont disparaître, l’équilibre du portefeuille étant plus difficile ou impossible à trouver. La sélection des risques est-elle équitable et juste ? « L’assurance privée de personne repose sur la sélection des risques […]. Conformément à la technique de mutualisation des risques, les assurés sont répartis en catégories homogènes et payent la prime moyenne afférente au niveau du risque reconnu. Les assureurs qualifient ce système de classification d'« équité actuarielle », puisque le prix de l’assurance reflète aussi précisément que possible le degré de risque présenté par l’assuré (prime pure) augmenté des dépenses d’administration et de marketing (prime commerciale). »138 Ce qui parait injuste vis-à-vis des personnes malades pourrait vite le devenir aussi pour les risques standards dits normaux : le déséquilibre du portefeuille en cas d’acceptation de proposants présentant une aggravation du risque et d’une sur-sinistralité par rapport à celle attendue, menacerait l’équilibre du contrat d’assurance et les prestations potentielles de ces risques normaux.

135 Directeur des affaires juridiques, fiscales et de la concurrence de la FFSA - Assurer n°169-10 mars 2011 – http://www.ffsa.fr 136 Conseil d’Orientation et de réflexion de l’Assurance 137 Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation – 20/12/201 – CORA / FFSA 138 Document de consultation sur la Prédictivité, les Tests Génétiques et l’Assurance – Comité Directeur pour la Bioéthique (CDBI) – Conseil de l’Europe - 2012

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Les risques dits standards représentent le plus souvent 80% des assurés (85% sur les contrats emprunteurs selon les statistiques AERAS). Il ne s’agit donc pas de discrimination mais « d’exclusion sociale » comme le posait déjà l’association UFC Que Choisir139. La problématique principale de la sélection des risques et donc des tarificateurs est celle de l’acceptabilité sociale.

iii. Les enseignements et les perspectives La sélection des risques est légale, légitime du point de vue des assureurs, juste pour une grande majorité des assurés, mais continue à paraître injuste ou inéquitable pour les proposants « aggravés ». Comment faire pour qu’elle soit mieux acceptée socialement ? Sur le marché français, le ressenti d’une sélection injustement discriminante et les reproches adressés à la sélection, mis en lumière par AERAS et les associations de consommateurs ou de patients, tiennent à un manque d’homogénéité de l’industrie : la sélection n’est pas pratiquée de la même façon partout et n’aboutit pas au même résultat. Les conditions d’acceptation voire même l’accord ou refus varient d’une compagnie à l’autre. Ce sentiment est probablement accentué par le manque de connaissances médicales du grand public, dans l’impossibilité de distinguer parmi des situations de maladies jugées très proches comme deux cancers du sein. Le médecin ou le tarificateur, à la lecture du bilan de surveillance, en déduiront deux classifications de tumeurs donc deux pronostics et des conditions d’assurance différentes. L’impossibilité de donner une définition unique des produits et garanties, des niveaux AERAS est un vrai problème et participent à leur complexité et au flou ressenti par les associations. Mais les situations d’exercice de la sélection sont très disparates et elles contribuent certainement à ce que la sélection soit vécue comme inéquitable par les proposants. Le Dr. Tchoreloff, très impliquée dans le dispositif AERAS témoigne : « Il est difficile d’expliquer aux associations et aux malades que certains contrats groupe n’acceptent pas les risques aggravés, que certains autres les acceptent jusqu’à un sur-risque ou surmortalité de 100%, que d’autres encore iront au-delà ; chacun ayant ses propres limites et approches face aux risques aggravés »140. Trois approches ou modèles d’évolution de la sélection possibles se distinguent des autres pistes plus conventionnelles : L’exigence de réalité statistique (Evidence based Underwriting) Il est nécessaire de fonder l’appréciation et la sélection du risque sur des critères solides, fiables qui ne pourront être contestés.

139 Convention AERAS et accès à l’emprunt – rapport UFC Que Choisir – Juin 2008 140 Entretien du Dr. Tchoreloff du 23/01/13

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 81 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Une sélection plus proche de la réalité statistique du risque réalisée par un pool d’experts : les médecins conseil, tarificateurs, actuaires et scientifiques (épidémiologiste, statisticien, etc.) en feraient partie et cautionneraient une sélection qui paraîtra plus objective. Elle consisterait à évaluer le risque à sa réelle valeur, faire payer le vrai risque, preuves statistiques à l’appui. C’est l’idéal bien sûr mais la réalité du terrain montre que ce n’est pas évident à mettre en œuvre : les médecins ne s’appuient pas sur des études uniques, ils ne tirent pas les mêmes enseignements et conclusions d’une même publication scientifique ; les études conduisent à des appréciations actuarielles différentes elles-aussi. En France, AERAS, encore une fois, montre le chemin en instituant une commission d’études et de recherche, dont les missions seront notamment de :

- Répertorier toutes les modélisations utilisées par les compagnies d’assurance pour calculer le risque prévisible à 5, 10 et 15 ans en France et ailleurs.

- Etudier les modalités d’acceptation des risques ailleurs : aux Etats-Unis, au Japon, etc. - Fabriquer des cohortes virtuelles pour les séropositifs HIV et le cancer du sein : créer des

dossiers de tout pièce à partir de malades existants ; les documents seront étudiés par des médecins spécialistes qui porteront un diagnostic puis par les médecins conseil.141

Cette exigence statistique se heurte :

- Aux difficultés « d'obtenir des statistiques de la part des chercheurs, souvent réticents à partager leurs informations avec des assureurs privés. […] Les études épidémiologiques doivent porter sur des volumes importants de population de malades, avec un suivi de plusieurs années », témoigne Catherine Tchoreloff dans l’Argus de l’assurance142,

- Au besoin d’un recul suffisant « nécessaire entre la découverte d'un traitement et sa traduction en schéma assurantiel »143.

Au total, ces différentes mesures devraient permettre une approche plus scientifique de la sélection ou à minima, une meilleure compréhension de son exercice et peut-être une bonne surprise pour les observateurs : celle d’une sélection des risques professionnelle sur le marché français. Le modèle prédictif : un futur possible ? Est-ce qu’orienter progressivement la sélection vers une appréciation encore plus personnalisée et davantage comportementale pourrait faire taire les mouvements anti-discrimination ? Une sélection qui serait basée davantage sur les comportements réels et moins sur la moyenne. “A definition: the intelligent use of non-medical data held on consumers to reach a view as to their health status”144

141 Entretien du Dr. Tchoreloff du 23/01/13 142 La preuve par la cohorte – L’Argus de l’assurance – 24/08/2012 143 Interview Eve-Laure Tascon - La preuve par la cohorte – L’Argus de l’assurance – 24/08/2012 144 Niels Keuker, William Trump - Responding to the times – The distribution landscape as driver of innovation in L&H Underwriting – Présentation ELHUA – 2012

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La sélection traditionnelle consiste à écarter les mauvais risques et déterminer les conditions d’acceptation des risques aggravés. La sélection prédictive consisterait à identifier les « bien portants » grâce à certaines de leurs habitudes et informations « non-médicales », collectées pour en déduire des statistiques (Ex : les gens qui ne se déplacent qu’à pied ou en transport vs ceux qui se déplacent en voiture ; ceux qui pratiquent une activité sportive vs les autres). Il s’agit donc de profiter de l’ensemble des informations disponibles par recoupement, dans un système d’information global, tout produit (vie/non-vie) de l’assureur ; rattraper le retard par rapport au non-vie où les expériences et avancées sont plus importantes. Par exemple, en matière d’automobile notamment, à partir des données GPS d’un assuré auto, les assureurs réfléchissent à déterminer un profil de risque (courts trajets, vitesse réduite, heures creuses, semaine, etc.) et donc à proposer un tarif adapté. Nul besoin d’interroger l’assuré pour recueillir des informations : un produit d’assurance adapté au comportement et au besoin. Pourquoi ne pas envisager la même chose en assurance de personnes et essayer de déduire des comportements quotidiens la probabilité de décès en minimisant la demande d’informations au proposant ? La bancassurance, très développée en France, a accès à une mine d’informations sur ses clients et futurs proposants :

- à partir des informations nécessaires à l’ouverture d’un compte, le lieu de vie, etc. - à partir de ces comptes, les dépenses, la proportion des différents postes (ex : la Société

Générale propose à ses clients une analyse budgétaire avec un pré-classement : pour toutes les dépenses effectuées en CB notamment, elle est en mesure de connaître le budget mensuel alloué aux dépenses de nourriture, à celles d’habillement, de santé, d’assurance, etc.)

- à partir de l’emprunt qui nécessite une nouvelle collecte de données détaillées, etc. Avec un système d’information bien organisé et un outil efficace, il pourrait être possible et aisé d’en déduire certains comportements et de proposer une offre d’assurance personnalisée. « La « médecine prédictive personnalisée » […] qui se développe avec succès aux Etats-Unis et maintenant en Europe, correspond à l'idée qu'il est possible de prédire le risque de développer une maladie grâce à un ensemble de tests, notamment génétiques. Des centres médicaux personnalisés préviennent notamment le risque cardiovasculaire par check-up, et proposent ensuite des traitements préventifs « sur mesure ». Ils permettent de classer les personnes dans des catégories de risques. « Il est cependant établi que ces tests sont peu efficaces pour dépister les maladies à l'échelle individuelle », souligne le professeur de cardiologie »145. Une évolution possible du métier ou de la sélection est d’analyser davantage les comportements ; elle est renforcée par le débat sur la non-discrimination et la demande de personnalisation du consommateur, une approche plus « comportementale » de la sélection se développe. Il s’agirait d’un grand tournant pour la sélection : moins travailler sur des moyennes, des statistiques et partir des comportements constatés : une forme de « Pay as you drive » adaptée à la souscription d’assurance de personnes. Serait-ce là le moyen d’échapper à l’accusation de discrimination ? Difficile de le dire aujourd’hui, puisque cela supposerait une évolution des règlementations en vigueur en matière de protection des données, comme l’explique Romain Durand : « Une solution

145 Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation – 20/12/2010 – CORA / FFSA

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possible pourrait résider dans la progression des tarifications à base comportementale : primes liées au nombre de kilomètres parcourus, tarif « fumeurs /non-fumeurs », tarifs liés à un mode de vie (6). Ces solutions sont de plus en plus abordables grâce aux évolutions de la technologie, qui rendent […] le suivi des habitudes de vie plus simples. […] Encore faut-il que la Cour de Justice des Communauté Européenne ne restreigne pas ces possibilités au nom de la protection de la vie privée. »146 Le modèle prédictif est-il un créneau sur lequel le tarificateur doit se positionner ? L’orientation vers le modèle prédictif ou une sélection axée sur les comportements ne suppose plus la même technique : le tarificateur saura-t-il s’adapter ? Aujourd’hui, il n’en connaît que peu de choses. Rares sont ceux qui ont la chance de participer aux conférences et séminaires des réassureurs ou la curiosité et l’ouverture de s’informer sur ces sujets. Ce modèle est développé à l’international mais en France, le tarificateur ne connaît pas ces techniques qui ne sont pas encore matures sur notre marché. Il faut évoquer également les contradictions des clients entre leur souhait d’être sélectionnés sur la base de critères objectifs et personnalisés (donc comportementaux) et leur réticence légitime à mettre à disposition les informations personnelles nécessaires. Le tarificateur devra être à l’écoute des prochaines évolutions de sa profession : en interne si il y a accès sinon via l’AFSRA. Il aura peut-être l’occasion de prendre en compte les cas réels où l’on ne peut le faire automatiquement. Une autre opportunité pour le tarificateur pourrait être l’organisation d’un circuit très performant en matière de sécurisation des données et de confidentialité pour que les proposants lui confient leurs données les plus personnelles, en se positionnant en garants du traitement de leurs données de vie privée. Les produits préférentiels Dans un scénario où il devient interdit d’écarter, pour des raisons de santé, certains proposants présentant un risque trop aggravé ou de surprimer le sur-risque lié à l’état de santé, quelles seront les options pour les proposants qui ne veulent pas participer à cette mutualisation et recherchent un tarif compétitif ? Ils pourront s’orienter vers des pays où ces mesures n’ont pas cours et acheter une assurance plus adaptée à leur situation. Les assureurs du marché français, à côté des produits « anti-discrimination » pourraient être alors tentés, pour rattraper ces proposants, de créer des produits qui ne sélectionnent plus « les mauvais risques » mais « les bons » : des « produits préférentiels » qui moyennant la preuve volontaire de l’absence de facteurs de risques, proposeront un tarif et des garanties attractives. Peu à pas développés en France, il en existe une multitude aux Etats-Unis avec des listes de critères et des conditions tarifaires très différentes.

146 La tarification est-elle encore possible dans l’assurance ? – L’infotech n°11 - ACTUARIS

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Etude de cas : Un courtier grossiste propose depuis 2011, un contrat emprunteur « préférentiel » dans lequel sont versés les proposants justifiant d’un profil de risque standard (sans affection déclarée) ET de certains critères d’éligibilité supplémentaires : la non consommation de tabac, absence de surpoids, absence d’hypertension artérielle et d’hypercholestérolémie. Ils bénéficient d’un tarif dit « Preferred » (préférentiel) minoré par rapport au tarif de base. La distinction risques subis / risques choisis Une sélection plus juste, devrait-elle sanctionner davantage les sur-risques issus des comportements, donc « pouvant être évités » car relevant du choix de l’assuré de s’y exposer, au profit des risques dits subis, relevant davantage de la fatalité ? Le CORA, Conseil d’Orientation et de Réflexion de l’Assurance, par l’intermédiaire d’un de ses membres, Soumia Malinbaum, pose la question de la possibilité de « distinguer entre les risques subis, comme ceux liés à l'âge de l'assuré, et les risques choisis, tel le fait de fumer »147. Les partisans de la non-discrimination liée aux problèmes de santé verraient-ils d’un meilleur œil, une sélection moins favorable aux proposants présentant un sur-risque choisi ? Cette distinction paraît difficile à mettre en œuvre sur le marché français où l’esprit de la mutualité et de la solidarité sont uniques, mais la réflexion a sa place. D’autant qu’il ne serait pas si aisé de trier entre les risques subis et ceux choisis. La consommation de tabac, de drogue ou d’alcool seraient plus surprimées que des critères tels que l’âge, les maladies de naissance, les handicaps liés à des accidents « non responsables ». Mais qu’en serait-il des cancers et problèmes cardiovasculaires dont certains facteurs de risques sont reconnus pour les favoriser mais contiennent une part de fatalité ? Les autres pistes Sans nécessiter de changement de modèle de sélection, une dynamique allant vers davantage d’homogénéisation des pratiques sur le marché est incontournable. A côté des dispositifs mis en place par la Convention AERAS, le travail en cours sur la reconnaissance des tarificateurs, leur identité, leurs valeurs, leur formation est, de ce point de vue, un complément indispensable car ce sont eux qui pratiquent cette sélection au quotidien. Une éducation de la population à l’assurance et à ses mécanismes est sans doute nécessaire pour en comprendre les grands principes de fonctionnement, et mieux accepter la sélection des risques.

147 Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation – 20/12/2010 – CORA / FFSA - http://www.ffsa.fr/sites/jcms/p1_377695/assurance-acces-aux-informations-personnelles-segmentation-et-regulation?cc=fn_7369

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Des efforts pour gagner en transparence et en communication permettraient de mieux accompagner le proposant dans ses démarches de sélection. Il existe de nombreuses pistes pour améliorer l’acceptabilité sociale des tarificateurs et de la sélection des risques mais qui dépendent d’évolutions règlementaires, indispensable préalable à leur mise en œuvre sur le marché français.

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c. L’épineuse question du traitement des données L’assureur peut légitimement collecter des informations sur l’état de santé du proposant en vertu de l’article L.113-2-2° du Code des Assurances qui énonce : « L’assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ». En matière d’assurance de personnes, la collecte d’informations destinées à apprécier les risques de décès, d’incapacité, d’invalidité, concernera les facteurs qui influencent la mortalité et la morbidité du proposant à l’assurance c’est-à-dire notamment les données personnelles d’identité, d’habitudes de vie, de vie professionnelle, de santé et/ou financières. Ces données sont recueillies au travers des déclarations du proposant dans un questionnaire mais également grâce à des copies de tout ou partie de son dossier médical, et autres résultats d’examens médicaux réalisés. L’accès à ces données est essentiel pour le tarificateur. En leur absence, l’assureur ne sera pas en mesure d’apprécier le risque du proposant et de lui proposer une couverture adaptée à ses besoins réels.

i. Une règlementation et des principes en faveur du consommateur : de la sécurisation, la gestion, l’utilisation, le stockage à l’échange au transfert de données de sélection des risques

La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) définit148 :

- Une donnée à caractère personnel : « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres »,

- Des données sensibles : « origines raciales ou ethniques, opinions philosophiques, politiques, syndicales, religieuses, vie sexuelle ou santé des personnes »,

- Le traitement de données à caractère personnel : « toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ».

La question de la collecte et de la conservation de ses données personnelles dont la plupart sont soumises au secret médical est essentielle pour l’industrie de l’assurance et d’autant plus pour la sélection des risques. Le tarificateur de risques aggravés dont la mission est d’analyser ces données pour en déterminer l’éventuelle acceptation d’assurance, est au cœur de ces problématiques.

148 Article 2 de la loi du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée en 2004 et 2009

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 87 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les grands principes en matière de collecte, traitement et conservation des données de santé sont les suivants :

- La poursuite d’une finalité : le recueil et l’utilisation des informations ne peuvent s’éloigner de la finalité définie,

- La pertinence des données : seules les informations essentielles à la poursuite de la finalité doivent être considérées,

- Le « droit à l’oubli » ou durée de conservation limitée, - La sécurité et la confidentialité : les moyens doivent être mis en œuvre pour assurer la

sécurité des données, - L’information et les droits d’accès et de rectification.

Quelles informations sont concernées ? Dans le cadre de la sélection des risques, le niveau d’information variera en fonction des garanties, du contrat, du capital sous risque, de l’âge du proposant, des anomalies rencontrées. La loi Informatique et Liberté de 1978 intègre des restrictions concernant les informations qu’il est défendu de collecter : la religion, les origines ethniques et raciales, les préférences sexuelles, les opinions politiques, l’appartenance syndicale en font partie. L’industrie de l’assurance a par ailleurs accepté, en 1994, de ne pas utiliser les résultats des tests génétiques149. Les données collectées devront toujours être en rapport avec la finalité du contrat. Quelle collecte et traitement et par qui ? La collecte pourra se faire par déclaration, examen ou accès à tout ou partie du dossier médical existant du proposant, au point de vente, au domicile du proposant. Les éléments médicaux doivent toujours être adressés à l’attention du médecin traitant. Les intervenants ou acteurs de sélection des risques peuvent être :

- Les courtiers, agents, réseaux bancaires ayant reçu délégation pour la gestion des questionnaires sans anomalies ; le distinguo « avec ou sans anomalies » implique une pré-analyse qui est faite par eux,

- Les équipes de sélection des risques des compagnies, des réassureurs : préparateurs de dossiers, tarificateurs, médecins conseil.

En fonction de la complexité des risques, les intervenants seront plus ou moins nombreux. Etude de cas : Prenons l’exemple d’une demande d’assurance, présentant un risque aggravé de santé excédant le niveau d’expertise de la compagnie d’assurance : Le proposant remplit le questionnaire confié par le réseau bancaire ou courtier et déclare un antécédent de cancer. Ses informations sont collectées à des fins d’appréciation du risque. Le questionnaire est transmis au service médical de la compagnie d’assurance puis à celui du réassureur. La transmission des données se fait dans le respect du secret médical. Dans chacune des équipes, les préparateurs de dossiers, les tarificateurs et les médecins conseil auront accès aux données de santé du proposant. Ils les conserveront durant toute la durée du contrat en cas d’acceptation ou pour seulement quelques semaines ou mois en cas de refus. 149 Lire II-c-III

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ii. Le cas spécifique des données médicales : le respect du secret médical En matière de respect de la confidentialité, le département médical doit être placé sous la responsabilité du médecin conseil, garant du secret médical. La nécessaire protection de données dites sensibles et l’armada de lois en faveur du secret médical Les informations relatives à la santé ou données médicales sont particulièrement sensibles. La confidentialité des données médicales est dictée dans l’intérêt du malade et établie par différents textes :

- Le code pénal : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende »150,

- Le code de la santé publique repris dans le code de déontologie médicale : o « Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout

médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris »151,

o Les articles 12152, 24153, 28154, 104155 complètent et précisent. - La loi Informatique et libertés n°78-17 du 6 janvier 1978 (voir plus haut), - La loi du 4 mars 2002156 encadre et facilite l’accès du patient à son dossier médical, - Le Code de bonne conduite AERAS ou « Code de déontologie des assureurs » : annexée à

la Convention AERAS, il pose les principes de ce que doivent être la collecte et l’utilisation des données relatives à l’état de santé en vue de la souscription ou l’exécution d’un contrat d’assurance.157

150 Article 226-13du code pénal - http://www.legifrance.gouv.fr/ 151 Article R.4127 du code de la santé publique et article 4 du code de déontologie médicale - http://www.conseil-national.medecin.fr/ 152 « Le médecin doit veiller à ce que les personnes qui l’assistent dans son exercice soient instruites de leur obligation en matière de secret professionnel et s’y conforment. Il doit veiller à ce qu’aucune atteinte ne soit portée par son entourage au secret qui s’attache à sa correspondance professionnelle. » - http://www.conseil-national.medecin.fr/ 153 « Sont interdits au médecin : - tout acte de nature à procurer au patient un avantage matériel injustifié ou illicite ; […] » - http://www.conseil-national.medecin.fr/ 154 « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite. » - http://www.conseil-national.medecin.fr/ 155 « Le médecin chargé du contrôle est tenu au secret envers l’administration ou l’organisme qui fait appel à ses services. Il ne peut et ne doit lui fournir que ses conclusions sur le plan administratif, sans indiquer les raisons d’ordre médical qui les motivent. Les renseignements médicaux nominatifs ou indirectement nominatifs contenus dans les dossiers établis par ce médecin ne peuvent être communiqués ni aux personnes étrangères au service médical ni à un autre organisme.» - http://www.conseil-national.medecin.fr/ 156 Crée l’article L1111-7 du code de la santé publique - http://www.legifrance.gouv.fr/ 157 Réflexions sur l’assurabilité – rapport du comité présidé par M. Jean-Michel Belorgey, Conseiller d’Etat – mai 2000

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 89 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les principales dispositions sur le secret médical : - Le secret médical appartient au patient et ne lui est pas opposable. - Le secret médical concerne la souscription du contrat et la demande de prestations. - Sont soumis au secret médical : le médecin traitant, le médecin conseil d’assurance, le

service médical de la compagnie d’assurance ou de réassurance. - Le secret médical concerne l’ensemble des données de santé du proposant (questionnaire

médical, rapport médical, compte rendus d’examens, analyses sanguines, etc.). - Les données médicales nécessaires à la compagnie d’assurance pour l’appréciation de son

risque doivent toujours être collectées auprès du proposant ; celui-ci les transmet au médecin conseil de ladite compagnie. Le médecin traitant ni autre organisme de soin ne peuvent transmettre directement les informations à la compagnie d’assurance. Par exception, depuis 2002, « avec une autorisation signée du proposant, la compagnie d’assurance peut entrer directement en communication avec le médecin traitant pour obtenir tout renseignement médical utile à l’appréciation du risque ».

En tant que professionnel de la sélection et membre de la « bulle de confidentialité médicale » ayant accès aux informations relatives à la santé, les tarificateurs reçoivent une sensibilisation spécifique sur le secret médical. Elle concerne les éléments qui y sont soumis, les règles d’utilisation, de transfert, de conservation des informations médicales ainsi que les sanctions encourues en cas de violation du secret médical. Ils s’attachent au quotidien à respecter ces principes, participent régulièrement à la mise en place des circuits et à la sensibilisation de l’ensemble du personnel, en partenariat avec les médecins conseil. La prise de conscience a été longue depuis l’apparition du code de bonne conduite en 1991, la cartographie de l’audit interne y a souvent contribué mais désormais les tarificateurs ont globalement une bonne connaissance du secret médical et des mesures de protection des données. La problématique complémentaire des données sur support informatique ou dématérialisées L’article R1110-1 du Code de la santé publique, modifié par Décret n°2007-960 du 15 mai 2007 soumet la conservation et la transmission des informations médicales sur support informatique à des référentiels, à définir ultérieurement par arrêté ministériel, qui en déterminent les fonctions de sécurité. L’article R. 1110-2 impose un dossier de déclaration ou de demande d'autorisation auprès de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL). L’hébergement de données de santé à caractère personnel sur support informatique Il suppose l’obtention d’un agrément auprès du Ministère de la santé158 et l’accord de la personne concernée. Ses dispositions s’appliquent-t-elles au secteur de l’assurance et aux contrats d’assurance de personne ? Une compagnie d’assurance ou mutuelle qui conserve les dossiers de sélection - contenant les données médicales de ses assurés - dématérialisés sur son réseau doit-il être considéré

158 Cf. Article R 1111-9 et suivant du code de la santé publique.

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comme hébergeur ? Le cas échéant, doit-elle vérifier que son prestataire hébergeur dispose de l’agrément ? Le cadre légal ne semble pas prévoir explicitement la situation du secteur de l’assurance et laisse les assureurs dans un flou compliquant la gestion quotidienne. Même s’il semble logique que les entreprises du secteur de l’assurance qui conservent des données personnelles de santé soient soumises au même niveau de protection et de sécurisation que les établissements de santé, peu de compagnies semblent avoir franchi le pas. Etude de cas : Cet agrément a été demandé au BCAC, gestionnaire du 3ème niveau de la Convention AERAS lorsque celui-ci a fait la déclaration de son site d’échanges dématérialisés des dossiers entre les assureurs, le BCAC, gestionnaire et les réassureurs. Une protection adaptée ou exagérée ? Les limites d’une rigidité règlementaire Les dispositions prévues dans le cadre du secret médical protègent-t-elles le patient contre son propre intérêt en l’empêchant de bénéficier des nouvelles technologies ? Aujourd’hui le patient, même s’il tient au respect du secret professionnel entourant ses données de santé, n’en est pas moins un « consommateur de nouvelles technologies » : il souhaite obtenir un service ou produit qui réponde à ses besoins le plus finement possible. Il recherche la fluidité et la rapidité d’exécution, veut pouvoir tout faire à partir de son téléphone portable ou de son ordinateur. Pour faire face, l’assureur a besoin de technologies très innovantes. Un traitement et une circulation des données médicales fluides et rapides supposent des outils de traitement informatiques, certes sécurisés mais également compatibles avec des dispositifs toujours plus contraignants et parfois non adaptés à l’assurance. Les consommateurs de demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui : les préoccupations en matière de protection ne se font-elles pas au détriment des consommateurs ? Les acteurs de la nouvelle génération (Y et suivantes) partagent leur quotidien sur les réseaux sociaux avec des inconnus, semblent donc avoir beaucoup moins de préoccupations en matière de protection des données. Les impacts pour le tarificateur : Le cadre d’intervention du tarificateur est de plus en plus rigide. Il connaît et respecte les règles de confidentialité et de secret médical, mais n’apparaît souvent pas dans les débats autour de ceux-ci. Le secteur préfère laisser croire que seuls les médecins conseil ont accès aux données médicales et exercent la sélection au quotidien. Il s’agit de rassurer le grand public sur le fait que ce sont de grands professionnels qui traitent leurs dossiers. Mais les tarificateurs, pour une large majorité ont les connaissances et les compétences des grands professionnels, seule la reconnaissance leur manque.

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iii. Le cas particulier des résultats de tests génétiques La prédisposition génétique ou les résultats de tests génétiques sont des informations uniques, difficilement comparables à d’autres concepts en matière de sélection. Il est donc essentiel de s’y arrêter un instant. Les progrès de la médecine génétique laissent entrevoir de fabuleuses perspectives et autant de risques compte tenu du volume et du caractère sensible des données « mises à disposition ». Le document de consultation sur la prédictivité, les tests génétiques et l’assurance159 nous fournit une définition intéressante de la prédictivité : « la capacité à évaluer la probabilité de survenue ou de développement d’une maladie qui ne s’est pas encore exprimée ». Le principe de la non-utilisation des tests génétiques La collecte et l’utilisation des tests ou informations génétiques sont proscrites. « Les entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d'invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci. »160 Cette disposition est renforcée par la règlementation européenne mais seuls deux autres pays ont légiféré en dehors de la France. Les conséquences de l’interdiction L’interdiction d’utilisation des résultats des tests génétiques par les assureurs n’est pas choquante. D’un point de vue éthique, la mise à disposition de l’assureur de la cartographie génétique d’un individu peut paraître dangereuse et disproportionnée eu égard de l’objectif à atteindre. Il s’agit d’informations éloignées de tout symptôme, qui concerneraient un futur possible. La valeur prédictive des tests n’est pas avérée et la multiplicité des facteurs (y compris environnementaux) la rende complexe et variable. Cependant, il n’est pas incohérent de vouloir prendre en compte dans la sélection, des résultats de tests qui pourraient avoir une incidence sur la probabilité de réalisation du risque : les prédispositions pourraient être considérées comme des facteurs de risques pouvant augmenter cette probabilité et donc la sinistralité. Les récentes (r)évolutions du séquençage du génome complet relancent la réflexion car la mise à disposition, si elle est interdite aux assureurs, est envisageable pour les assurés (même si c’est à l’étranger) et aurait de sérieuses répercussions sur la sélection des risques. 159 Cf. Consultation Document on Predictivity, Genetic testing and Insurance – The Steering Committee on Bioethics (CDBI) (Final E consult doc_European Council 2012.pdf) - p20 et suivantes 160 Article L1141-1 du Code de la Santé publique modifié par la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 - art. 98 JORF 5 mars 2002

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Ses implications en matière de sélection des risques Elles sont multiples. La problématique principale posée par l’interdiction est celle d’une dissymétrie d’information entre le proposant (qui connaitrait ses prédispositions) et l’assureur (qui n’en aurait ni la connaissance ni le droit d’en user) générant une appréciation faussée du risque à couvrir. Exemple : Un résultat positif à la chorée d’Huntington constitue un risque d’anti-sélection majeur. Sans aller jusqu’à remettre en cause l’aléa, qui, s’agissant de « simples prédispositions » le plus souvent, ne serait pas menacé, c’est l’équilibre du contrat qui pourrait l’être. L’assureur ne pourrait-il avoir accès à ces données pour maintenir une symétrie d’information afin de pallier à cette menace de déséquilibre par l’anti-sélection, et empêcher l’augmentation tarifaire qui irait de pair ? Les résultats des tests génétiques s’inscrivent dans « le modèle prédictif » qui pourrait également permettre d’améliorer la sélection et peut-être d’être plus juste, socialement acceptable ou au contraire devenir trop intrusive. Les bénéfices d’une prise en compte pourraient ne seraient pas à sens unique : l’assureur pourrait participer à la prévention ou le traitement de certaines maladies. Il est difficile d’imaginer sélectionner sur un simple potentiel de risque sans accompagner les personnes porteuses du gêne par la prévention (accès mammographie). Et dans le futur ? Si d’aventure, la législation sur l’utilisation des tests génétiques évoluait et que l’on s’orientait vers une sélection sur le modèle prédictif, se poserait la problématique de l’interprétation des données et de leur prise en compte dans l’appréciation du risque. Parmi la masse d’informations qui pourrait être disponible, il conviendrait de trier les plus utiles, pertinentes : lister les dépistages, résultats de tests et pathologies qui pourraient aider à dessiner la future position de l’industrie ; se préparer à y répondre. Une réflexion sur leur potentielle accessibilité serait de toute façon intéressante pour déterminer les informations qui pourraient être utilisées, pour quelle sélection, pour quels produits, pour quelles garanties, à partir de quels montants souscrits. Que pourrait être la prise en compte des tests ? Serait-il acceptable de surprimer une prédisposition ? (Le fait-on déjà dans des domaines tels que l’hypercholestérolémie qui fait l’objet d’une surprime avant même d’en voir les symptômes ?) Les choses se précisent et l’on peut se demander si l’assureur doit attendre de connaître les orientations du corps médical et du grand public ou prendre la situation à bras le corps et participer au lobbying pour voir des avancées concrètes en la matière. Avec l’expérience sur le « test-achats », il paraît indispensable que les assureurs participent au débat avec les différents intervenants dans et

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 93 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

hors du secteur de l’assurance ; montrent aux comités d’éthique et aux associations de malades, que ce ne sera pas le moyen d’être plus inéquitable mais au contraire de s’approcher davantage de la réalité du risque. Les professionnels de la sélection pourraient être de bons alliés pour les décideurs, pour mettre en avant cette approche de la sélection plus équitable. Le traitement des données génétiques à l’international et ses perspectives Le moratoire accepté par le secteur d’assurance se retrouve dans la plupart des pays avec quelques exceptions. Au Royaume-Uni, the Association of British Insurers (ABI) et le Ministère de la Santé ont convenu d’une limite au moratoire : dans le cadre de contrats dont les montants souscrits excèdent les £500.000, les seuls résultats de tests « approuvés par le Gouvernement » peuvent être utilisés. Le moratoire vient d’être étendu jusqu’en 2017161. Les préoccupations en matière de protection des données médicales et non médicales sont nombreuses. Les tarificateurs, en tant que responsables des dossiers ne devraient-ils pas être les garants de la confidentialité globale du dossier ? Pour aller plus loin, il conviendrait de se demander : quel rôle pour le tarificateur ? Partenaire du médecin conseil en tant que garant du respect du secret médical seulement ou au-delà i.e. « LES professionnels de la sélection des risques » dorénavant garants de « la bonne collecte et utilisation des données personnelles médicales ET non-médicales, tout aussi sensibles » ?

161 UK Moratorium on Use of Genetic testing Extended to 2017 says ABI – Insurance Journal – 08/04/2011 - http://www.insurancejournal.com/news/international/2011/04/08/193782.htm

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Conclusion de la partie II : Le tarificateur est au cœur des enjeux de l’industrie : le paradoxe de l’industrialisation et du traitement de masse face à la personnalisation liée à l’orientation client. Comme tout consommateur, le proposant à l’assurance veut, pour sa protection, ce qui se fait de mieux et qui correspond le plus finement à ses besoins, au meilleur prix. Le boom des nouvelles technologies fait du proposant à l’assurance un consommateur « connecté » et exigeant, tout est fait pour que son adhésion aille vite, que le filtre de la sélection ne gêne pas la commercialisation du produit d’assurance. Les outils, au début, très partiels favorisant autant l’autonomie que l’approximation ou la subjectivité, sont devenus les partenaires incontournables des tarificateurs, gage d’appréciation plus fine, d’homogénéité, de responsabilisation et de rapide accession au métier. En passe de pouvoir remplacer le tarificateur sur les risques les plus simples (télé-sélection), ils pourraient devenir son meilleur ennemi si ce dernier ne trouve pas le moyen de les utiliser à son avantage : le besoin de professionnels hyper-spécialistes restera nécessaire et l’accompagnement des proposants dans l’utilisation et le conseil face à ses nouveaux outils sera un atout. Tandis que le tarificateur se voit obligé de s’approprier de nouveaux outils et méthodes de travail, il doit également composer avec des contraintes légales et règlementaires plus fortes : le renforcement du secret médical, la Convention AERAS, la protection des données (loi Informatique et Libertés). Autant de règles de protection du proposant qui semblent parfois aller contre son propre intérêt car elles sont encore mal adaptées aux spécificités et évolutions récentes de la communication, de la distribution du secteur de l’assurance. Avec le poids de la tendance tant communautaire que française « contre les discriminations », l’environnement de l’exercice de sa profession se complexifie et le tarificateur, comme la sélection des risques doit gagner une acceptabilité sociale. Il se heurte de plus en plus souvent à la remise en cause du « right to underwrite » et s’inquiète, comme le secteur de l’assurance, de l’apparition, en France et en Europe, d’un Droit à l’assurance pour tous qui annihilerait toute sélection. Le spectre de la disparition de la sélection ressurgit régulièrement, menace l’existence du tarificateur et contribue aux difficultés d’encrage d’une population. Serait-ce en tant qu’explorateurs en quête de solutions d’assurance pour les proposants présentant une aggravation de leur risque que les tarificateurs devront s’ériger ? A la fois défenseurs de valeurs et d’une éthique irréprochables (à construire), ils s’assureraient de l’allégeance des membres aux règles de la profession. Ils devront faire preuve de créativité pour toujours rester indispensables à l’industrie (quitte à s’expatrier) ou trouver les moyens et produits détournés pour s’enraciner, exercer leur art… et continuer à exister.

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III. MANUEL DE SURVIE A L’ATTENTION DU TARIFICATEUR : D’UNE ACTIVITE PEU ORGANISEE A UN METIER DOTE D’UNE ACCEPTABILITE SOCIALE

« Au métier qu’il connaît, que chacun se consacre. » Cicéron

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La reconnaissance du métier de tarificateur est de l’intérêt des entreprises du secteur car non seulement elle contribuerait à l’acceptabilité sociale de la sélection des risques, mais encore fournirait les professionnels compétents qui lui garantiraient une image de sérieux et d’équité. Cette reconnaissance permettrait également un regain d’intérêt pour la profession et des perspectives d’épanouissement, d’évolution.

a. Le constat d’une situation qui amène des critiques Avant de nous pencher sur le cas français et pour avoir un élément de comparaison, nous allons nous intéresser à la place du tarificateur à l’international.

i. La comparaison avec le « Life Underwriter » à l’international Les exemples nord-américain et britannique sont représentatifs de marchés où le tarificateur jouit d’une certaine reconnaissance. Le “Life Underwriter“ du Canada Au Canada, en fonction de ses compétences, de l’offre de produits et des choix stratégiques de l’entreprise, le tarificateur apprécie tous les risques et garanties ou, au contraire, est spécialisé sur une ou plusieurs garanties : il est appelé dès lors « Life Underwriter » (ensemble des garanties) ou « Disability Income Underwriter » (spécialiste de l’invalidité) ou encore « Critical Illness Underwriter » (spécialiste des maladies redoutées). De même, certains sont “Individual Life Underwriter” ou “Group Life Underwriter”, “Living benefits Underwriter”, selon s’ils sont spécialistes de produits individuels ou groupe et de guaranties en cas de vie. Le tarificateur en recherche d’emploi postulera sur le poste correspondant le mieux à ses compétences (mono-produit ou pluri-produits). En réassurance, les Life Underwriters sont pluri-produits, avec la palette de compétences la plus large. Sur le marché canadien, comme en France, il est difficile de connaître le nombre de tarificateurs. Philippe Aussel, Life Underwriter sur le marché canadien estime à 65 à 70 au niveau de la réassurance, et environ 750 en assurance directe. La réassurance ne représente pas automatiquement le Saint Graal pour ceux qui ne cherchent pas les dossiers compliqués (avec sélection financière ou risques de pointe), la dimension marketing, la participation aux projets ou aux audits, estimés trop difficiles avec toutes les activités connexes. En matière de reconnaissance des Life Underwriters au Canada, la fonction est peu connue, moins considérée que les larges compétences nécessaires, la sélection y est toujours associée à un coût (les ressources, les médecins, les bureaux, les examens de sélection). Ils ne sont pour autant pas remis en cause, la nécessité de leur travail ne l’étant pas. Le marché canadien est très concurrentiel. Le système du « shopping around » est souvent employé par les compagnies : elles envoient à trois ou quatre réassureurs le dossier à apprécier ; ils se partagent le risque (suivant les parts automatiques définies au préalable) en cas d’acceptation ou prennent à 100% en fac s’ils sont les seuls à accepter le risque. Ce système fait qu’il existe toujours

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 97 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

une porte de sortie pour le proposant : un des réassureurs accepte toujours le risque. Toutefois leur réputation est vite engagée : il est important, pour un réassureur, d’avoir une politique sélection de risques équilibrée ; en accepter certains, rester ouvert, écouter les clients, revoir certains dossiers quand c’est nécessaire, rester dans le dialogue, argumenter sa position. Il ne peut pas être systématiquement plus long à répondre, ou plus cher que les autres. Les compagnies ne s’arrêtent pas au refus d’un dossier de la part du réassureur. Le marché est également très marqué, comme aux Etats-Unis par les produits « preferred ». Pour eux, il n’existe pas d’outil de tarification : beaucoup ont essayé, personne n’y est parvenu, faisant du métier du Life Underwriter un métier « manuel » dans lesquels les professionnels se sentent « encore des artisans »162. Le Life Underwriter ne travaille pas de manière isolée : en relation avec les courtiers, en compagnie directe, le métier est plutôt technique. En réassurance, il y a beaucoup de technicité mais un côté commercial également : une dimension globale, vis-à-vis de la relation d’affaire à prendre en compte. La prise de décision reste toutefois technique et non commerciale (même en cas de demande de révision du dossier). La relation ne tombe jamais avec un seul dossier. La pression commerciale peut exister ; le rôle du tarificateur est d’y résister. Il accepte ou non de revoir le dossier et de revenir sur sa position : les dérogations commerciales sont rares. En matière de transfert des dossiers et des réponses, aujourd’hui tout se passe par email sur le marché canadien. Le « Life Underwriter » du Royaume-Uni163 Le parcours est assez comparable à celui du tarificateur français : généralement, il découvre la sélection en tant qu’agent administratif ; il se voit offrir, après 9-12 mois, l’opportunité de faire l’assistant du tarificateur ou préparateur de dossier. Il reçoit une formation sur les bases de la sélection des risques, par l’assureur ou les réassureurs. Tout d’abord, lui sont confiés les dossiers standards sans délégation puis un premier niveau d’autonomie sur les contrats de moins de 200K€ et les proposants de moins de 50 ans. La formation En Angleterre et en Irlande existe un « Underwriting diploma » dédié à la sélection des risques de base. Standard de l’industrie organisé par le Chartered Insurance Institute (CII)164, il est très structuré et se compose de trois parties chacune sanctionnée par un examen : - Une éducation médicale dont le niveau correspondant à celui d’une deuxième ou troisième année de médecine. Un séminaire d’une semaine prépare à l’examen. - Une formation sur la gestion (l’historique de l’assurance, le développement des produits, le calcul de la prime par les actuaires, etc.) - La règlementation des assurances. Les contenus des connaissances sont mis à disposition via des classeurs ou internet. 162 Interview de P. Aussel – 26/11/12 163 Sur la base des entretiens d’O. Dessus et de C. Kearney 164 http://www.cii.co.uk/

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p. 98 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les examens se passent par correspondance ou en présentiel. Le coût est d’environ £5.000 ; le plus souvent payé par l’assureur ou réassureur. Il faut avoir un minimum de 60% à chaque examen ; on peut le passer et repasser jusqu’à obtention. Cette formation est le diplôme de référence sur le marché : il faut pouvoir justifier de ne pas avoir passé le diplôme. C’est donc un atout pour les postulants à un poste voire un passage obligé. Pour les réassureurs, il est, par exemple, difficile d’imaginer embaucher un non-diplômé ; pour les compagnies, cela dépend de l’offre et de la demande en tarificateurs. Legal & General qui dispose de 300 Life Underwriters, dispose d’un centre d’excellence à Cardiff au Pays de Galles dispensant un programme détaillé d’une semaine et aboutissant à un certificat de tarification de base, puis différents niveaux existent. Les compétences Grande différence sur le marché britannique par rapport à la France, les Life Underwriters en réassurance, ne consacrent que 40 à 50% de leur travail à la sélection des dossiers ; le reste du temps, il apporte une valeur ajoutée aux clients, développe les produits. Ils ont pour cela une ou plusieurs responsabilités clients, sont déjà tous polyvalents sur les risques. Le réassureur est, de ce point de vue, regardé comme un vrai expert. En assurance, le Chief Underwriter a le pouvoir de dire s’il apprécie tel ou tel réassureur. Au global, on note une maturité marquée par l’orientation clients, business, un sens commercial plus développé : les Life Underwriters savent vendre et négocier, ils ont une vision plus large, « macro », une ouverture, une compréhension de la hiérarchie des enjeux, une anticipation, une autonomie pour arbitrer eux-mêmes, davantage l’équivalent d’un responsable de la sélection qu’un tarificateur français. Le marché français est celui de l’expertise sur les garanties et produits les plus complexes. Le profil moyen « 15 ans d’expertise, la dimension commerciale, une réputation sur le marché, un diplôme et un fort potentiel ». Un cadre différent Les assureurs conservent moins de risques mais disposent d’une délégation sans commune mesure (ex : £3.000.000). Ils sont davantage impliqués : cela créé une émulation entre eux. Les réassureurs travaillent beaucoup sous forme d’audits, et ont la possibilité d’émettre un jugement sur un tarificateur de l’assureur. Une meilleure structure du métier Beaucoup de manifestations, conférences, évènements ont lieu autour de la sélection et sinistres. L’accès à l’information et à la formation est plus facile et naturel : les compagnies libèrent plus facilement leurs « Life Underwriters » pour les faire participer. Le marché est innovant et créatif : l’effet « produits ».

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 99 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Ce comparatif de la position du Tarificateur en France avec celui à l’international permet d’entrevoir le chemin restant à parcourir :

- La structuration de l’activité, - L’instauration d’un parcours qualifiant et certifiant, - Une ouverture et une appréhension globale des enjeux.

…et renforce le constat actuel du tarificateur sur le marché français.

ii. Une activité coincée entre l’absence d’organisation du métier et le déficit d’acceptabilité sociale

Après examen, on retient, au total pour le tarificateur, une activité passionnante et riche avec des domaines d’intervention très éclectiques, des missions et responsabilités étendues, des échanges et partenariats variés, dans des conditions de travail parfois difficiles du fait de la contingence très forte des délais. Cependant, les effets du manque d’organisation de l’industrie de la sélection et le manque de reconnaissance des tarificateurs, sont sources d’un déficit d’acceptabilité sociale de l’activité. L’absence d’identité partagée et de structuration du métier Les caractéristiques en sont :

- L’absence, sur le marché, de définition commune du tarificateur, des risques aggravés, ni d’éthique ou valeurs formalisées, de descriptif de poste ou référentiel pour définir le contenu de ses missions, ses connaissances, ses compétences,

- Un manque d’uniformisation menant à des situations d’exercice disparates, - Une position inconfortable pour le tarificateur, tantôt assimilé à un gestionnaire, tantôt

écarté de la sélection des risques par le médecin conseil ; très variable selon les choix d’organisation,

- Un défaut de considération en interne en tant que frein au développement des affaires face au marketing et départements commerciaux,

- Des progrès à réaliser en matière de professionnalisation : o Un manque d’ouverture à l’international et de prise de hauteur, o L’absence de formation pour mener à la carrière de tarificateur, o Aucune certification pour reconnaître et valider les compétences acquises,

- La faiblesse de la mobilisation des acteurs se traduisant par : o Une population difficile à rassembler, o L’absence de participation aux principaux débats concernant la profession, o Des difficultés à anticiper et à s’adapter aux règlementations.

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Un déficit d’acceptabilité sociale et de visibilité menaçant son avenir :

- Les situations d’exercice sont trop disparates pour paraître équitables et efficaces aux yeux des candidats à l’assurance ou assurés,

- Un déficit d’image sur les risques aggravés, de boîte noire et d’inefficacité (lenteurs des processus),

- Une activité enserrée dans des contraintes règlementaires fortes, - L’omission régulière de l’importance de la sélection dans l’équilibre du portefeuille, - Un manque d’investissement et de mobilisation des entreprises vis-à-vis de la profession.

L’épanouissement et la reconnaissance du tarificateur supposent donc la mise en œuvre d’un plan d’action pour faire évoluer la situation.

iii. La définition des concepts « activité », « métier » et « profession » Avant de détailler les pistes d’amélioration, il conviendra de définir différents concepts ou termes. La revue Santé publique nous aide à distinguer ces différents concepts :165 Activité : « à partir du moment où des individus réalisent individuellement ou collectivement un produit de travail, il y a activité de travail en réponse à des prescriptions ». Métier : « à partir du moment où des acteurs occupant certains postes se regroupent pour définir et défendre leurs rôles, débattent et tentent de stabiliser des savoir-faire spécifiques, encadrent ou cherchent à encadrer l’accès au marché du travail et revendiquent une identité spécifique, se la reconnaissent entre eux ou cherchent à se la faire reconnaître ». Profession : « à partir du moment où un métier est caractérisé par une structuration forte de l’accès au marché du travail (fermeture) que ses membres contrôlent, une identité largement revendiquée et reconnue socialement, des savoir-faire spécifiques bien identifiés, alors on pourra parler de profession ». L’examen des situations des tarificateurs, dans les précédentes parties, nous conduit à associer l’exercice actuel de la sélection des risques sur le marché français d’une activité en phase de constitution d’un véritable métier, mais pour lequel il reste à organiser : La revendication d’une identité spécifique et la définition des rôles (b)

- Un rôle « d’assistance » sociale, - Un rôle de garant du traitement équitable et professionnel du dossier, - Un rôle de conseil, - Un rôle d’éducateur.

165 Claire Tourmen « Activité, tâche, poste, métier, profession : quelques pistes de clarification et de réflexion », Santé Publique hs/2007 (Vol. 19), p. 15-20.

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La stabilisation des savoir-faire spécifiques (c) L’accès au marché du travail et le parcours de qualification (d)

- Un parcours menant à la professionnalisation des acteurs : formation et reconnaissance. Une mobilisation et une participation plus active aux évolutions et orientations de la sélection (e) :

- La spécialisation semble être redevenue indispensable ; la polyvalence étant recherchée moins au niveau de l’individu que de l’équipe,

- Les débats autour de la discrimination, AERAS, etc., - L’utilisation des résultats de tests génétiques et modèle prédictif, - En interne, en tant qu’expert qui accepte de partager sa matière avec le marketing et le top

management. La professionnalisation de l’activité vers une acceptabilité sociale, synonyme de reconnaissance à moyen terme, doit donc passer par :

b. La revendication d’une identité professionnelle spécifique et la définition des rôles

Une identité, c’est d’abord un intitulé de poste commun ou pour le moins une appellation dans laquelle chacun se reconnaîtrait. L’association française de tarificateurs (AFSRA) a retenu les termes de « Souscripteur de Risques Aggravés ». Le choix ne fut pas facile mais cette appellation a le mérite d’introduire sa capacité à souscrire des affaires et à engager la société. La prise de décision faisant partie du socle commun des tâches du tarificateur, cette terminologie est donc justifiée. Par contre, à l’heure des débats anti-discrimination et en quête d’acceptabilité sociale, l’intitulé du tarificateur a-t-il besoin de mentionner une notion plutôt péjorative, celle des Risques Aggravés ? Tout en conservant le terme de souscripteur, je lui associerai plutôt celui de « sélection des risques » qui recouvrent mieux la multiplicité et la diversité des missions du tarificateur et du service rendu au client, loin de la seule détermination d’un tarif. L’appellation de « Souscripteur - Sélection des risques » ou « Chargé de sélection des risques » me parait remplir ces objectifs. Mais, presque 3 ans après la création de l’AFSRA, les difficultés à « imposer » un intitulé perdurent d’autant qu’en coulisses, d’autres préoccupations se jouent telles que le statut, la rémunération, etc. Pour éviter d’être dans la situation de se voir demander « Qui sont ces gens ? Que font-ils ? », l’accession à la légitimité passe par le rappel des fondamentaux, l’institution de valeurs éthiques, de transformer l’activité de sélection telle que pratiquée en un véritable métier, de poser les jalons du parcours du tarificateur.

i. Le besoin d’une éthique et d’une déontologie affichées L’absence d’identité professionnelle, de code déontologique ou de valeurs clairement partagées est préjudiciable aux tarificateurs. Pourtant, la réflexion éthique, même inconsciente, se manifeste tant

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dans la considération du proposant lors de l’étude de son dossier, dans la prise en compte de l’impact social d’un refus de couverture, dans le respect des règles de confidentialité, que par l’appréciation fine du risque, par la recherche d’alternatives au refus et de solutions d’assurance « justes ». Pour s’assurer de la confiance des proposants qui ne craindront plus de voir leurs dossiers étudiés et leur risque apprécié par de « simples » tarificateurs, une formalisation des principes du tarificateur est nécessaire. L’exemple européen de l’ELHUA166 et celui canadien de l’AHOU / ALU167 et leurs « Guiding principles » sont intéressants de ce point de vue et pourraient servir de base. Tous deux insistent sur le professionnalisme du tarificateur, le respect de la confidentialité et des règlementations en vigueur, l’intégrité, l’objectivité de leurs décisions et encouragent la formation, la promotion du métier. D’une simple liste de principes à un code de déontologie semblable à celui des médecins dont les dispositions figurent même au Code de la Santé Publique, l’éventail des possibilités en la matière, est large. Si un véritable Code de Déontologie pourrait être très utile au tarificateur, pour formaliser et organiser l’ensemble des principes et devoirs issus des règlementations, une liste de grands principes rapidement mise en œuvre pourrait laisser le temps à un atelier d’organiser davantage la réflexion. Une réflexion éthique profonde serait utile au métier compte tenu des évolutions décrites dans la partie II. Cette liste de principe ou code de déontologie pourrait repréciser, pour le tarificateur :

- La finalité de l’exercice de la sélection, - Les définitions et principales dispositions du secret médical, du secret professionnel, - La recherche de solutions d’assurance « équitables » et justes, - Les données qui peuvent être collectées, traitées, transférées ; celles qui ne peuvent l’être

(ex : les résultats de tests génétiques, les informations concernant la race, religion, etc.) - Les moyens reconnus fiables pour stocker, transférer les données, - Le respect des critères de tarification de la compagnie, qui doivent être objectifs et le plus

souvent proches de la réalité statistique ou de l’expérience de l’assureur, - La transparence et la clarté du processus de sélection, - Le devoir de formation et mise à jour régulières des connaissances, la prise en compte des

évolutions de la médecine, etc.

166 European Life & Health Underwriters’ Association – L’association des tarificateurs européens définit les principes suivants : 1. Use sound actuarial principles when assessing any insurance risk. 2. Ensure all your underwriting decisions are objective, unbiased and as evidence based as possible. 3. Promote underwriting within your company and externally explaining what we do. 4. Always act with integrity and in a professional manner. 5. Respect absolutely the confidentiality of medical and other sensitive data. 6. Comply fully with all laws and regulations. 7. Encourage continuous education and development of all underwriters through all available sources. http://www.elhua.eu/ 167 The Academy of Life Underwriting (ALU) – The Association of Home Office Underwriters (AHOU). Ces deux associations très respectées sur le marché canadien, ont formulé les principes devant guider leurs « Life Underwriters ». https://www.ahou.org/

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ii. Les différents rôles du tarificateur Par la création ou le renforcement de certains des rôles du tarificateur, il s’agira de « recréer ou créer une image du métier et une manière de sélectionner différemment »168. Pour gagner en légitimité, le tarificateur devra maîtriser plusieurs rôles élargissant ou caractérisant sa palette de compétences : Un rôle d’assistance sociale Il s’agit, ici, de mettre en lumière le rôle d’« explorateurs de solutions d’assurance pour les proposants présentant une aggravation de leur risque » du tarificateur. L’importance qu’il accorde à la recherche de solutions pour des candidats à l’assurance « très aggravés », éprouvant des difficultés à trouver une assurance, les accompagner, trouver une solution et « lui redonner une dignité de membre de collectivité, en lui offrant une possibilité d’être écouté […] pour restaurer une dimension sociale à l’activité »169. C’est probablement un des rôles les plus naturels du tarificateur, mais sur lequel il communique insuffisamment pour gagner cette acceptabilité sociale qui lui fait défaut. Un rôle de garant du traitement équitable et professionnel du dossier Le tarificateur a régulièrement des difficultés à trouver sa place face au médecin conseil. Il est son partenaire indispensable et parfois son relais pour la sensibilisation au secret médical. Il met en œuvre, au quotidien, l’ensemble de ses connaissances techniques et règlementaires pour traiter le dossier du proposant dans le respect de la protection des données et aboutir à une solution équitable. Le positionnement à adopter est donc celui d’un garant du traitement équitable et professionnel du dossier. Le traitement de masse implique toujours une part de discrimination injuste car il est souvent large et approximatif, statistique. L’étude personnalisée du dossier, la prise en compte de l’ensemble des caractéristiques du profil de risque du proposant par le tarificateur, pourrait être le « lieu de l’équité ». Il s’agit de pouvoir démontrer que tout est mis en œuvre pour que deux individus présentant une même pathologie, une aggravation de leur risque similaire et par conséquent un risque de sinistre équivalent, soient considérés équitablement170, en matière de sélection d’un même risque d’assurance de personnes (décès, perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité, invalidité, dépendance, etc.).

168 Entretien de R. Durand du 29/11/13 169 Florence Osty - Le désir de métier – Engagement, identité et reconnaissance au travail – Rennes, PUR, 2003 – p118 170 Cf. Article Larry Kirsch - “Assessing the Actuarial Basis for Health-Related Underwriting in Medical and Disability Insurance” – www.Bazelon.org – Judge David L. Bazelon Center for Medical Health Law

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Un rôle de conseil Le tarificateur est placé au centre des intérêts de l’assureur - qui cherche à faire entrer dans son portefeuille, les risques assurables à leur juste prix - et du candidat à l’assurance qui recherche une protection. Il doit trouver une solution équitable pour les deux parties, en intégrant les spécificités et attentes du candidat et de son employeur. Il est donc important d’adopter la posture de conseil de l’expert en sélection dans les deux situations tant en interne, qu’en externe. Les clients ont besoin de savoir ce qui est le plus adapté à leur situation. Les tarificateurs permettent, en adaptant la couverture d’assurance aux besoins réels du proposant, une protection efficace de l’assuré, car il s’agit bien d’une protection contre l’aléa. Au sein de son entreprise, le tarificateur doit accepter de « partager sa matière – la sélection » avec les autres acteurs : ceux qui ont le contact clientèle, et sont donc susceptibles de remonter leurs attentes, ceux qui élaborent les produits et ont besoin de recommandations en matière de sélection. Un rôle d’éducateur Le tarificateur doit renforcer son rôle d’éducateur, là-aussi, à la fois :

- en interne : o pour expliquer la sélection et la promouvoir, o pour décrire les contraintes réglementaires, o pour participer à l’élaboration des produits et apporter son expertise en matière de

sélection, partout où elle est nécessaire, - en externe :

o pour expliquer aux proposants le fonctionnement de l’assurance, o pour légitimer la sélection et sa finalité, o pour expliquer les circuits de dossiers et permettre plus de transparence.

iii. La revendication de cette identité professionnelle Une fois définis ce que pourraient être l’identité professionnelle du tarificateur et ses différents rôles, il conviendra de les diffuser et de les revendiquer. La nécessaire prise de conscience et prise en main des tarificateurs Tous les tarificateurs ont un rôle à jouer dans la reconnaissance de leur métier et de son identité : que ce soit au travers de l’association ou chaque jour dans son entreprise, le tarificateur doit avoir à cœur d’apporter sa pierre à l’édifice : communiquer sur ses différents rôles, expliciter son activité, argumenter le caractère essentiel de la sélection pour la compagnie, faire évoluer la situation. Chacun contribue au quotidien à la vie du métier, y compris par les bonnes pratiques : chacun fait vivre le métier par son activité.

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Le changement des mentalités face à la sélection, mais aussi la légitimité vis-à-vis des partenaires internes (tels que le médecin conseil) etc. s’effectueront via la promotion et la revendication active de l’identité et des savoir-faire spécifiques. Cela passe par la nécessaire prise de conscience que c’est un travail de longue haleine. Le tarificateur doit être acteur de la reconnaissance de son activité. Rares sont les énergies, les volontariats : cela nécessite du temps à consacrer à un « militantisme » professionnel au détriment d’autres activités personnelles. C’est aussi une question de personnalité ; or le militantisme se perd un peu dans la population générale et n’épargne pas les tarificateurs. Il est toutefois indispensable de travailler pour soi ou son activité dans 10 ans. Faire des tarificateurs des militants, s’annonce difficile : ils ne sont généralement pas une population connue pour être très engagée (en témoigne, les difficultés de l’AFSRA à développer le nombre de ses membres) ou revendicatrice. Ils ont parfois déjà mis toutes leurs forces en œuvre pour atteindre le poste de tarificateur ou donnent l’impression de se satisfaire de leur condition. Est-ce un manque d’ambition ? Une réserve liée à leur personnalité souvent éloignée de l’aisance commerciale ? Cette tendance devrait s’accentuer davantage avec la génération Y caractérisée par un horizon de temps raccourci, empêchant toute projection à moyen ou long terme : la reconnaissance de leur travail sur le long terme pourrait leur paraître déconnectée de leurs préoccupations. La profession devra s’appuyer sur son association, les responsables de sélection, souvent très actifs, et sur quelques « têtes de pont » pour véhiculer l’importance de la revendication « pacifiste » de son identité, au bénéfice tant des entreprises que des acteurs de la sélection. L’affichage et la communication des valeurs pour améliorer l’image actuelle Nous l’avons dit, il existe un vrai problème d’image de cette activité : celui d’un métier jugé discriminant et injuste dans un secteur jouissant d’une mauvaise réputation. C’est davantage l’activité que ces acteurs qui est pointée du doigt ; un moindre mal compte tenu de la mauvaise image de la sélection des risques aggravés. Les rares fois où elle est évoquée c’est pour être critiquée et stigmatisée une situation « d’exclusion » : une femme avec un antécédent de cancer qui ne trouve pas d’assurance malgré le fait qu’elle « soit » (ou se pense) guérie. Sur le marché français, hormis les assurances obligatoires (prévoyance entreprise), le rendez-vous avec l’assurance a souvent lieu au détour d’un projet de vie, financé par un emprunt lui-même garanti par une assurance emprunteur. Et lorsque le proposant à l’assurance présente une aggravation de son risque (le plus souvent médicale, mais parfois professionnelle, sportive, financière ou de résidence), le refus d’assurance, la surprime ou l’exclusion sont très mal vécues. Toux ceux qui ont la possibilité de se faire entendre doivent donc tenter d’inverser la tendance, de mettre en avant le sérieux de ses acteurs, leur identité et leurs valeurs, la richesse et le rôle social de leurs missions.

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L’art de convaincre les entreprises du secteur Pour l’industrie, continuer à être attractives vis à vis des étudiants (et favoriser les études assurantielles), des jeunes diplômés (les attirer dans les compagnies du secteur) et l’ensemble des chercheurs d’emploi (créer des vocations, intéresser de bons profils) et disposer d’une main d’œuvre qui se renouvelle et satisfait à ses besoins, est incontournable. Les entreprises devront prendre part au processus de mis en place du parcours qualifiant, pour qu’il réponde à leurs besoins et contraintes. Réciproquement, les tarificateurs et autres professionnels de la sélection devront convaincre les entreprises du secteur pour qu’elles investissent sur eux (formation, rémunération, statut, etc.), qu’elles leur donnent accès aux interlocuteurs et aux informations nécessaires à un exercice efficace de leur métier et en obtiennent davantage de reconnaissance. Le rôle potentiel des institutions (FFSA-GEMA) Convaincre les compagnies, les employeurs est déterminant. Convaincre les regroupements de professionnels, la FFSA en tête, serait un atout majeur dans la reconnaissance du métier : nous verrons plus loin, que cela pourrait permettre la mise en œuvre d’un Certificat de Qualification Professionnelle, synonyme de future validation des acquis, et d’asseoir davantage le parcours certifiant. Participer aux réflexions et évolutions de la sélection, être entendu et avoir du poids, passent également par une reconnaissance des institutions professionnelles. Or dans cette période de renforcement de la règlementation, pouvoir dire que l’industrie de l’assurance dispose de vrais professionnels, dotés de connaissances fortes en assurance, en médical, et autres domaines et pratiquant la sélection des risques dans le respect des différentes législations (CNIL, code de l’assurance, secret professionnel et médical etc.) est primordial.

c. La cartographie des savoir-faire spécifiques Le Larousse définit le savoir-faire comme « une compétence acquise par l’expérience dans les problèmes pratiques, dans l’exercice d’un métier ». Nous allons donc lister ceux des tarificateurs. Il s’agit ici de définir un contenu commun, assez homogène du métier pour favoriser l’identification de ceux qui l’exercent.

i. Une finalité commune sans référentiel de compétences L’étude du profil du tarificateur et l’examen des situations d’exercice de son activité dans la première partie, a démontré que l’ensemble des tarificateurs poursuivaient une finalité commune : au moment de l’adhésion, l’appréciation d’un risque individuel, à la recherche d’une solution d’assurabilité adaptée à la situation du proposant à l’assurance et aux critères de couverture de la compagnie. Nous avons pu définir également un corps de missions ou responsabilités171.

171 Cf. Sous-partie I-b-i

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Cependant, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de référentiel de compétences homogène sur le marché mais une grande disparité, chaque entreprise définissant pour ses tarificateurs, les savoir-faire nécessaires et les limites de son activité. L’élaboration d’un référentiel ou cartographie des savoir-faire spécifiques est désormais la prochaine étape pour l’ancrage de ce métier.

ii. Les compétences ou qualités citées comme essentielles pour être un bon professionnel

Lorsque l’on interroge les responsables de la sélection en (ré)assurance sur ce qui fait « un bon tarificateur ou souscription en sélection des risques », les réponses sont très variées172 :

- Une curiosité et une ouverture : « aux différents types de cas » ; « ne pas avoir peur de parler avec les autres, avoir une discussion, s’écarter du guide » ; « chercher toujours plus loin » ; « ne pas avoir peur d’apprendre des choses » ; « une envie d’évoluer » ; « à renouveler son savoir » ; « il est important de garder une ouverture pour accepter ces évolutions, changements » ; « une appétence pour le domaine médicale qui conditionne souvent la curiosité »,

- Une organisation et un esprit logique dans son approche : « le pragmatisme » ; « une approche scientifique » ; « avoir une logique de traitement du dossier qui justifie la conclusion posée dans le dossier et conduit à une certaine homogénéité »,

- Une objectivité : « une démarche s’appuyant sur des faits objectifs » ; « savoir oublier les cas particuliers pour revenir aux statistiques » ; « une certaine rigueur mais une connaissance des critères de décision, pour gommer la part de subjectivité du tarificateur »,

- Une capacité d’analyse et de synthèse : « une analyse» ; « une analyse et une déduction », - Une remise en question permanente : « sortir du confort de ce qui est connu » ; « la

motivation […] à se remettre en question : rien n’est jamais acquis dans notre métier » ; « savoir se remettre en cause »,

- Une indépendance et une autonomie : « avoir la maturité pour prendre des libertés avec le guide sans mettre en péril l’équilibre du portefeuille »,

- Une compréhension globale et une vision commerciale : « une vision client » ; « ou vision globale » ; « comprendre les enjeux » ; « le tarificateur senior qui tient compte de l’ensemble des dimensions de l’affaire et paramètres »,

- Un esprit d’initiative, - Une polyvalence sur les différents risques (médical, risques spéciaux et financier), produits,

garanties. La sollicitation des professionnels fournit les éléments et les qualités recherchées sur le profil de tarificateur.

172 Ces citations proviennent des différents entretiens avec les responsables de sélection de plusieurs assureurs et réassureurs du marché.

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iii. La stabilisation des savoir-faire spécifiques

La profession devra pallier à l’absence de référentiel de compétences, commun au marché, en dressant la liste des connaissances et savoir-faire spécifiques attendus chez un tarificateur. Préambule Nous allons en dresser une esquisse en nous attachant aux seuls savoir-faire et compétences qui seraient spécifiques au tarificateur, c’est-à-dire que l’on ne rencontrerait pas dans les référentiels des autres professionnels de la sélection que sont les préparateurs de dossiers, les médecins conseil, autres experts appelés en support. L’hypothèse retenue dans cette thèse professionnelle, est que le tarificateur est spécialisé dans l’appréciation des risques dits aggravés en assurance de personnes, nécessitant une véritable analyse. Ses missions spécifiques en matière de sélection, commencent donc avec la définition des éléments spécifiques, non définis contractuellement, nécessaires à l’étude et se terminent avec la communication d’une réponse argumentée, issue de sa prise de décision. Des éléments de structuration en cartographie / référentiel

CONNAISSANCES SAVOIR-FAIRE SPECIFIQUES Procéder aux vérifications d’usage concernant :

- Le client, la souscription l’engagement de la compagnie, le besoin d’une éventuelle réassurance,

- Le cumul des capitaux et le calcul de l’engagement de la compagnie.

La politique de la compagnie en matière d’éléments constitutifs. Les instruments de la sélection.

Constituer le dossier de sélection : - Déduire des anomalies ou pathologies déclarées par le

proposant et dans les éléments du dossier, le besoin ou non d’éléments spécifiques complémentaires indispensables à l’appréciation du risque.

- Formuler la demande de pièces complémentaires nécessaires à l’appréciation du risque.

La politique de sélection de l’entreprise dont les critères de sélection, facteurs pronostics, et autres impacts des différents risques sur chaque garantie. Les caractéristiques majorant le risque de réalisation du sinistre. Le marché, les clients, les produits, leurs conditions générales.

Analyser le dossier, son assurabilité au regard des conditions du contrat et de la politique de sélection de l’entreprise :

- A partir de l’ensemble des données disponibles, être capable de faire une synthèse des seuls éléments pertinents pour la tarification.

- Apprécier les différents risques et mesurer le sur-risque représenté par rapport au risque standard défini dans le contrat, en utilisant les outils et les guidelines préconisés par la compagnie.

- Mettre en relation les différents risques pour en mesurer les éventuelles interactions et déduire un profil de risque global.

- Elaborer, pour chacune des garanties, une proposition de décision sur le dossier (condition d’acceptation, ajournement, refus) qui prenne en compte les spécificités du produit, du client et corresponde au risque présenté.

- Evaluer si la consultation d’un spécialiste (ex : médecin

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 109 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les outils de sélection.

conseil) ou d’un référent (ex : responsable) est nécessaire ; le cas échéant, lui présenter le dossier, échanger les points de vue.

- Procéder aux vérifications en matière de fraude / lutte anti-blanchiment éventuelles.

Appétence de la compagnie aux différents risques.

Etre autonome dans la prise de décision de couverture : - Prendre la responsabilité de refuser le risque ou d’engager

l’entreprise sur sa couverture. Elaborer une réponse au client :

- Déterminer la couverture ou non de tout ou partie du risque, les modalités d’acceptation (capitaux souscrits, surprimes, limites de couvertures), la formulation des exclusions,

- Détailler les motivations de la décision, - Préciser le calcul de la cotisation finale si nécessaire, - Trouver le bon équilibre entre les intérêts des clients et ceux de

l’entreprise. Règlementation en matière de secret médical et protection des données sensibles. La Convention AERAS.

Communication de la réponse : - Faire parvenir la réponse à l’assureur (tarificateur réassureur)

ou à l’assuré (tarificateur assureur ou courtier). - Etre en mesure d’argumenter la décision, de conseiller le

client. - Déterminer une proposition d’aménagement si la relation

avec le client le requiert. - Accompagner le client dans le dispositif AERAS.

Corréler des savoirs polyvalents : - Savoir comment interpréter chaque proposition d’assurance,

chaque profil de risque de façon personnalisée. S’organiser et être capable de gérer son temps pour répondre aux

dossiers dans les délais définis et imposés par le marché. Réaliser un reporting efficace. Les principes de base de détermination d’une prime, d’équilibre du contrat, etc.

Permettre une communication et une coopération avec les départements partenaires (marketing, actuariat, développement de produits et des ventes) de l’entreprise.

Techniques d’écoute. Construire une relation de confiance avec le client pour identifier ses besoins et répondre à ses attentes.

Politique de sélection de l’entreprise. Aspects règlementaires. Environnement marché. Techniques de conduite d’audit.

Appréhender l’ensemble des problématiques liées à la sélection des risques :

- Être la référence en la matière, - Organiser et animer la transmission des savoirs aux moins

expérimentés (clients ou collaborateurs), à la diffusion des bonnes pratiques,

- Participer ou mener des audits, - Participer au développement, à l’élaboration ou l’évolution de

produits, - Promouvoir l’offre de services en matière de sélection des

risques en interne et en externe, - Représenter la compagnie et participer aux débats et échanges

sur le sujet.

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p. 110 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

d. L’accès au marché du travail et le parcours de qualification « L’établissement d’un cursus de formation est considéré comme l’espace majeur de socialisation en organisant les modalités de transmission du savoir, des pratiques professionnelles, des normes, des valeurs (liberté, dignité et responsabilité) et des représentations du métier (désintéressement, rationalité scientifique, utilité sociale du service rendu). Mais il occulte en partie les mécanismes d’apprentissage entre professionnels au cours des interactions de travail. »173 En France, la reconnaissance passe par les diplômes. Les tarificateurs ne pouvant justifier d’aucun diplôme spécifique, leur légitimité est plus facilement remise en cause, d’autant qu’ils travaillent au quotidien avec des médecins conseil et des actuaires dont la profession et l’accès sont règlementés ou très organisés. Pour doter le secteur de l’assurance et ses entreprises de professionnels compétents en sélection des risques, la mise en place d’un parcours menant à la professionnalisation est indispensable et doit répondre à deux objectifs complémentaires :

- Permettre l’accès au métier par la formation, - Valider et reconnaître les compétences et savoir-faire spécifiques acquis, pour attester et

faire reconnaître l’expérience. Pour compléter, le parcours qualifiant devrait également poser de solides bases de connaissances et la prise en compte de l’ensemble des dimensions pour des tarificateurs qui semblent parfois avoir appris des automatismes sans peut-être en maîtriser les fondements, les amenant à perdre de vue la raison d’être de la sélection et de ses principales caractéristiques ou manquer de vision globale.

i. La nécessité d’encadrer l’accès au marché du travail « Les métiers dont on a vu qu’ils se déploient sous des formes empiriques variées, se caractérisent par l’importance accordée à la formation, comme mode d’intégration des savoirs et des savoirs pratiques mais aussi comme vecteur du modèle culturel sous-jacent. »174 Il ne s’agit pas d’empêcher l’accès au métier ou de le limiter à une élite mais de s’assurer que ceux qui souhaitent y entrer auront à leur disposition une formation pour acquérir les bases et ne pas s’exposer aux errances que certains ont connues ou aux difficultés d’un exercice de la sélection sans maîtrise des fondements. C’est d’autant plus important qu’avec les accusations de discrimination, il faut désormais être beaucoup plus attentif à l’image véhiculée par chacun des acteurs. « Le métier se réfère à la construction d’un référentiel commun de jugements et à des modes de coopération efficaces. Mais elle dessine également les contours d’un collectif d’appartenance, repérable par ses normes de comportements, ses valeurs ou ses représentations. »175 173 Florence Osty – Le désir de métier – Engagement, identité et reconnaissance au travail – Les Presses Universitaires de Rennes, 2003, p99 174 Florence Osty – Le désir de métier – Engagement, identité et reconnaissance au travail – Les Presses Universitaires de Rennes – 2003 – P99

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 111 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Pour aller plus loin, l’idée est de créer un parcours qualifiant assurant aux entreprises une source de recrutement de tarificateurs professionnels crédibles sur lesquels s’appuyer pour démontrer aux clients et associations de consommateurs le sérieux de leur sélection ; en quelque sorte un « label ». Créer un parcours de la sélection, c’est aussi organiser les passerelles entre le métier de tarificateur et les autres, et réciproquement. Le sondage réalisé auprès des tarificateurs montre que 80% d’entre eux occupaient un poste dans l’assurance auparavant, principalement en tant que gestionnaire de contrat (40%), ou sinistres (25%) ou Tarificateurs de risques simples ou standards (17%). Il est donc possible d’imaginer la progression de carrière suivante : gestionnaire préparateurs de dossiers acceptants de risques standards tarificateurs de risques simples tarificateur de RA formateur référent responsable de sélection. Quels peuvent être les autres perspectives d’évolution pour un tarificateur ? Plusieurs options pourraient être envisagées :

- Pour celui qui est pédagogue et apprécie le rôle d’éducateur : formateur (en sélection des risques ou autre discipline adjacente),

- Pour celui qui est rigoureux et orienté « procédures », l’audit interne ou externe - Pour celui qui a la fibre commerciale, devenir commercial ou rejoindre le département

marketing pour faire bénéficier de son expérience en sélection dans le développement des produits,

- Pour ceux qui ont un intérêt particulier pour le contact avec le client, des facilités ou expériences en plateforme téléphonique, le métier de téléopérateur ou d’accompagnement téléphonique,

- Pour le tarificateur qui serait davantage dans le contrôle, qui apprécierait l’investigation, le métier de rédacteur ou expert sinistre peut compléter son parcours de façon intéressante.

Suivant la personnalité, il existe plusieurs voies possibles ; certaines sont encore peu exploitées par les entreprises mais devraient se développer dans le futur.

ii. Les options et perspectives d’approfondissement des savoirs et de validation des acquis

L’étude des situations et population des tarificateurs nous a révélé une grande hétérogénéité, des différences notables entre l’assurance et la réassurance, des niveaux d’expérience et de compétences (junior / intermédiaire / senior) qu’il est sans doute nécessaire de prendre en compte. Actuellement, la formation par un réassureur ou un assureur reconnu pour son expérience en matière de sélection des risques aggravés, est un gage de qualité pour un tarificateur en recherche d’emploi.

175 Florence Osty – Le désir de métier – Engagement, identité et reconnaissance au travail – Les Presses Universitaires de Rennes – 2003 – P95

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p. 112 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

L’objectif ultime serait que les entreprises qui montent une cellule ou équipe de sélection des risques puissent accéder à des tarificateurs « certifiés » ou « labélisés ». Il s’agirait de mettre en place un parcours de formation ou certification, un système de qualification, un label représentatif d’un minimum de connaissances, de qualité, de compétences ou savoir-faire spécifiques permettant l’accès au métier. Tout tarificateur justifiant de cette qualification serait vu comme professionnel, qui connait son métier – ou en a reçu les bases - et traite les dossiers en toute équité, maitrise les aspects règlementaires et a à cœur de respecter la confidentialité des données confiées. Un socle de formation assez homogène sur le marché favoriserait l’élaboration de règles et de principes clairs, une appréciation juste du risque et moins de subjectivité. L’effet pourrait être bénéfique en matière de légitimité - vis-à-vis des médecins conseil qui travailleraient avec des partenaires « certifiés » - et d’acceptabilité sociale : les « non-médecins » en sélection devenant les acteurs d’une profession valorisée et régulée. L’obtention d’une qualification peut prendre la forme d’un diplôme, d’un titre (homologué, professionnel), d’un certificat dont le CQP (Certificat de Qualification Professionnelle). Toutes ces certifications sont enregistrées au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP).176 Le choix du dispositif passe par l’examen de chacune des qualifications envisageables. Le Diplôme : La création d’un diplôme Seuls sont habilités à délivrer un diplôme les ministères de l’Education Nationale, de l’Agriculture, de l’Emploi et de la Santé. Les diplômes de 3ème cycle Licence, Master et Doctorat (LMD), diplômes nationaux, en sont des exemples. Ils sont très généralistes : par exemple, il existe au CNAM, une Licence professionnelle assurance, banque, finance spécialité Conseiller, souscripteur, gestionnaire en assurance. La spécialisation dans un diplôme Il existe déjà le BTS Assurance. Même s’il n’est pas assez spécialiste de l’assurance de personnes pour être adapté au cas du tarificateur, il paraît peu envisageable d’obtenir des institutions du secteur (FFSA et GEMA) et de la Commission Paritaire Consultative (CPC) du Ministère de l’Education Nationale dédiée à la Banque et à l’Assurance, la mise en place d’un nouveau BTS ou une branche plus particulière de celui-ci. L’étude des nouveaux besoins de diplôme auprès des représentants des entreprises du secteur, ne serait sans doute pas probante. Pour la Licence et le Master, ils relèvent du Ministère de l’Enseignement Supérieur. Le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) a la capacité de délivrer des diplômes en tant qu’émanation directe du Ministère de l’Enseignement Supérieur. Il peut donc représenter une possibilité pour la création ou la spécialisation de diplômes nationaux, enregistrés de droit au

176 Cf. Béatrice Mesnil – IFPASS - Les CQP de la branche assurance : Le CQP CRCA et les 4 CQP du courtage – Septembre 2011

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Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP)177 et accessibles donc par la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE)178. Le Diplôme d’Université (DU) Il s’adresse à une population plus réduite. Il s’agit de Diplômes « maison » des universités. La contrainte est de convaincre une université et de justifier d’un volume d’étudiants suffisant à chaque session pour lui assurer des revenus permettant d’amortir la mise en place de la formation. Pour exemple, le DU en Assurance de Personne de la faculté de Médecine de Marseille, formation spécifique des médecins pour l’accès à la médecine conseil en assurance. A l’exception du Diplôme d’Université, les diplômes sont, le plus souvent, trop généralistes pour intéresser le tarificateur en assurance de personnes et reconnaître sa seule expérience. La population réduite, estimée autour de 500 tarificateurs en tout, signifie probablement un taux de renouvellement ou de création d’emploi d’une vingtaine de personnes chaque année seulement. De ce point de vue, la création d’un diplôme ou d’une spécialisation d’un diplôme existant, tel qu’une Licence « Tarificateur » ou « Sélection des risques » en Assurance de personnes semble être à écarter, au moins dans un premier temps. Le Titre Seuls les instituts de formations peuvent créer des titres. Les Titres à finalité professionnelle sont homologués au RNCP sur demande d’un institut de formation, auquel le titre est attaché, après instruction de la commission nationale de la certification professionnelle. Faut-il envisager la création d’un titre de « Souscripteur – Sélection des risques » ? A brève échéance, cela paraît nécessiter une mobilisation et un niveau de structuration que l’activité n’a pas encore atteint. Le Certificat Il en existe plusieurs sortes. Le plus reconnu et le seul à permettre un accès par VAE est le CQP. Le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) Il s’agit d’une certification « officielle » délivrée par une branche professionnelle avec les partenaires sociaux. Dans le cadre de l’assurance, ce seraient les représentants des salariés et du patronat, la FFSA, le GEMA ou encore la Chambre Syndicale des Courtiers d’Assurance (CSCA) pour les courtiers. Il couvre les métiers qui n’ont pas de formation ou de diplôme dédiés, mais relève d’une expertise ou d’une connaissance particulière. Il vise la reconnaissance d’une technicité, d’une spécialité, de compétences ou de savoir-faire propres à un métier. Ex : le CQP de Chargé de relations clientèle en assurance (CRCA) auquel l’IFPASS179 a participé à la mise en place. 177 « Le RNCP a pour objet de tenir à la disposition des personnes et des entreprises une information constamment à jour sur les diplômes et les titres à finalité professionnelle ainsi que sur les certificats de qualification figurant sur les listes établies par les commissions paritaires nationales de l'emploi des branches professionnelles. […] Les certifications enregistrées dans le répertoire sont reconnues sur l'ensemble du territoire national. » - http://www.cncp.gouv.fr 178 « La VAE permet d’obtenir tout ou partie d'une certification à finalité professionnelle sur la base d'une expérience professionnelle […] à condition que la certification visée soit en lien direct avec l’expérience. » - http://www.cncp.gouv.fr 179 Institut de Formation de la Profession de l’ASSurance (IFPASS).

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Le CQP est inscrit au RNCP et son accès se fait par la formation ou la VAE : il s’agit d’un des seuls certificats accessibles par VAE. Ce dispositif pourrait correspondre au besoin des tarificateurs, répondant à la fois à l’accès au métier et à la reconnaissance de l’expertise. Toutefois :

- il suppose la mobilisation de la profession : si elle souhaite que le métier soit reconnu avec un système de qualification et si, là-aussi, la population très réduite ne la décourage pas,

- il implique donc une période d’instruction et de mise en place probable de 3 ou 4 ans, - il ne supporte pas les niveaux hétérogènes (débutant, intermédiaire, expérimenté et senior)

qui pourraient être nécessaire à la certification des tarificateurs pour répondre à la grande variété des situations.

En dehors du CQP, qui est assez proche de notre objectif, il existe de nombreuses possibilités de certificats dits « maison ». Le certificat « maison » Il est question des certificats hors RNCP. Il est élaboré à partir d’un référentiel de formation et non des compétences. Il prend le nom de l’institution de formation qui le développe. Ex : Il peut s’agir d’un certificat IFPASS. Il offre une grande souplesse tant dans le mode d’organisation (possibilité de niveaux, de modularité dans la formation, etc.) que dans celui de l’évaluation (quizz, étude de cas, observation sur le poste de travail) et associe l’entreprise qui valide les connaissances. Il existe de nombreux instituts de formation susceptibles de mettre en œuvre ce genre de certificats : une université partenaire, l’IFPASS, le CNAM, etc. Le certificat « maison » peut ensuite être inscrit au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) après 3 ans, mais il faut suivre les candidats et s’assurer de l’évolution de ses missions ou rémunération lors du suivi des stagiaires. Les autres pistes L’exemple pourrait être pris sur ce qui se fait à l’international où des instituts très réputés sur le marché organisent des formations reconnues en sélection des risques. Le rapprochement avec le Chartered Insurance Institute britannique ou l’ALU nord-américaine, pour envoyer des tarificateurs français se former ou développer un programme en commun, serait-il une piste ? Bien que l’idée soit séduisante, le manque de structuration de la profession, les aptitudes insuffisantes en langue étrangère des tarificateurs français et les spécificités du marché français (notamment en matière de garanties), semblent prouver le contraire. Toutefois, des échanges avec ces deux organismes seront de toute façon fructueux. Au global, après étude des différentes pistes, sous réserve d’une mobilisation forte de la profession et des entreprises du secteur, un CQP serait envisageable à moyen terme, repoussant d’autant la professionnalisation de l’activité.

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 115 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

En l’absence de mobilisation et devant l’exigence de mise en place rapide d’un dispositif, la meilleure option, même si elle ne constitue qu’une étape vers quelques chose de plus « officiel » (un titre, un CQP, etc.), reste la création, avec un institut de formation, d’un certificat « maison » - Sélection des risques.

iii. Le certificat « maison » - Sélection des risques L’option de certification qui semble, à plus court terme, envisageable est donc celle d’un certificat « maison » en partenariat avec un institut de formation. L’implication de l’entreprise Les recommandations qui vont suivre ont pour objet de dessiner ce que pourrait être cette certification, à partir des entretiens réalisés, des rencontres et discussions avec les tarificateurs. Cependant le préalable à toute mise en œuvre de cette certification devra être la validation auprès des entreprises du secteur des hypothèses prises concernant leurs besoins en « ressources tarificateurs » (mesure du volume, de la périodicité, des connaissances et du niveau à acquérir, etc.), de leur implication (quelle partie de l’acquisition des connaissances et de la validation des acquis peuvent prendre en charge les entreprises), de leurs contraintes (coûts, période d’indisponibilité du collaborateur, etc.) et impératifs, sans lesquels la nécessaire adéquation de leurs attentes et de la certification proposée ne pourrait être atteinte et leur adhésion recueillie. Les bénéfices de la certification pour l’entreprise La formation et/ou la certification de leurs employés constituent un investissement pour les compagnies dont le principal coût n’est souvent pas celui de la formation (les frais et l’obligation de formation étant déjà prévus légalement) mais celui de l’absence des collaborateurs, de la gêne potentielle occasionnée sur l’activité. Pour recueillir l’implication de l’entreprise, le tarificateur ne devra pas manquer de lister les avantages de la certification professionnelle :

- le moyen de former et de reconnaître la valeur professionnelle de leurs tarificateurs, - une main d’œuvre plus vite opérationnelle et professionnelle, - une démarche qualité : la sélection est un élément clé de l’activité de l’assureur, non neutre ;

tous les éléments qui concourent à l’améliorer y participent, - un outil de maîtrise ou gestion des risques : l’erreur pouvant être lourde de conséquences en

matière de sinistralité, d’équilibre du portefeuille, de réputation, voire de responsabilité (règlementation sur le secret médical, la protection des données, etc.),

- la démonstration aux autorités, de la mise en œuvre des moyens nécessaires à une sélection conforme aux contraintes règlementaires.

« Une certification professionnelle désigne l’acte par lequel un organisme (certificateur) atteste qu’une personne a bien acquis (par la formation initiale ou continue ou par son expérience

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professionnelle) un ensemble de compétences nécessaires pour l’exercice d’un métier clairement identifié. »180 L’initiative de la mise en place du certificat Rien n’empêche une entreprise isolée, justifiant d’une population suffisante, de mettre en œuvre un certificat pour ses tarificateurs. Ce fut le cas, dans le passé, pour au moins une compagnie : Etude de cas : Une compagnie d’assurance a mis en place avec l’IFPASS un certificat de « gestionnaire expert médical ». L’institut de formation a été en charge de la transmission des connaissances juridiques, de l’élaboration du questionnaire à choix multiple de validation, de l’examen final et de la délivrance du certificat. L’entreprise a pris en charge le reste de la formation et produit des cas pratiques pour l’évaluation. Ils ont bâti ensemble un référentiel de formation de 12 modules à l’appréciation des risques. Pour permettre au dispositif de s’adresser au plus grand nombre, de se mettre en place rapidement et de répondre au maximum des besoins des entreprises du secteur, il serait intéressant qu’un tiers prenne en charge la coordination. L’AFSRA, association des tarificateurs ou souscripteurs de risques aggravés, est la mieux placée : c’est dans ses objectifs, elle est la seule existante, regroupe le panel le plus représentatif de la profession, est susceptible de pouvoir sensibiliser le plus d’acteurs du marché, et enfin dispose de contacts et déjà d’une centaine de membres, personnes physiques et morales, susceptibles d’être intéressés, etc. Le modèle de l’alternance : Une certification professionnelle efficace serait celle qui à la fois :

- Permet au candidat accédant au métier de s’initier à la sélection et d’acquérir les connaissances nécessaires,

- Valide et certifie les compétences des tarificateurs « en poste », leur permet d’accéder au(x) niveau(x) supérieur(s),

- Répond aux besoins et contraintes des entreprises : les doter de professionnels tout en gênant le moins possible leur activité,

- Prend en compte les spécificités de l’activité : la réalité des dossiers, la nécessaire confrontation régulière et quotidienne avec les cas variés et complexes.

Le modèle préconisé serait alors, celui de l’ « alternance » :

- De sessions de formation, acquisition de connaissances, - Et de périodes d’apprentissage en entreprises, sur le terrain des dossiers, moment de

rencontre véritable avec la matière, d’échanges avec les autres professionnels (ses pairs mais également les médecins conseil, partenaires).

180 Notice d’aide à la rédaction du dossier « Cas général » - Commission Nationale de la Certification Professionnelle (CNCP) – Juillet 2011

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En effet, la sélection des risques « s’ancre sur un savoir pratique, indissociable des situations de travail, le métier ne peut se satisfaire d’un cursus de formation initiale, aussi complet soit-il. Il suppose alors des modes de transmission exigeant le face-à-face en situation professionnelle, l’imitation du geste, l’incorporation des mots techniques. L’exemple de l’artisanat vient ici illustrer la fonction des groupes primaires dans la formation d’une identité de métier, et montre que ces relations sont organisées autour de la transmission perpétuelle des savoirs, système de valeurs, représentations et attitudes. L’apprentissage constitue le mode de transmission du métier, véhiculant la culture du groupe dans une relation interindividuelle. »181 Des niveaux pour répondre aux différents objectifs et à la variété des situations des tarificateurs Pour répondre au double objectif d’une formation initiale et d’une reconnaissance de compétences acquises ainsi qu’à la richesse du métier et aux situations très disparates d’exercice, il paraît nécessaire d’envisager plusieurs niveaux. Pour ne pas éparpiller une population, déjà modeste, en sous-ensembles, ces niveaux devront être limités. Nous en proposerions trois :

- Un premier niveau d’accession au métier, d’acquisition des connaissances de bases, - Un deuxième niveau de confirmation d’une expérience et de polyvalence sur des dossiers et

des risques variés et complexes, - Un troisième niveau, celui de l’expertise sur les risques et problématiques très complexes,

une autre dimension amenant vers des missions complémentaires à forte valeur ajoutée. Le choix de l’institut de formation Il existe un certain nombre d’acteurs susceptibles de « monter » ce genre de certificat parmi lesquels l’IFPASS, qui sans avoir le monopole des formations du secteur de l’assurance, jouit d’une certaine réputation sur le marché et entretient des partenariats avec la profession ; le CNAM semble développer de nombreux certificats, jouit d’une reconnaissance sur les questions de formations continues. Pour un choix éclairé, l’AFSRA devra rédiger un cahier des charges précis, une fois les entreprises du secteur interrogées, les référentiels de compétences et de formation définis, puis rencontrer et interroger plusieurs instituts de formation.

iv. Un projet de référentiel de formation Le cadre est fixé, il reste à se pencher sur la réalisation d’un référentiel de formation, préalable nécessaire à la mise en place de la certification professionnelle. Le référentiel de formation est un outil de recensement de connaissances sur lequel s’appuie l’organisme de formation pour élaborer la certification professionnelle.

181 Florence Osty – Le désir de métier – Engagement, identité et reconnaissance au travail – Les Presses Universitaires de Rennes, 2003, p100

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e. La mobilisation et la participation active aux évolutions et orientations de la

sélection Selon Raymond Bourdoncle, la professionnalisation consiste, pour les individus qui l’exercent, à « faire progresser leur profession en lui permettant de se démarquer nettement des activités voisines ». Dans le cas des tarificateurs de risques aggravés, se distinguer des gestionnaires principalement mais aussi des souscripteurs de risques simples, des conseillers et commerciaux en assurances, des médecins conseil. Catherine Paradeise indique en 2004 que « les professions une fois reconnues ne le seront pas pour l’éternité » ; il s’agira donc ensuite de veiller régulièrement à la délimitation de son périmètre et la conservation de son territoire.

i. Un regroupement entre pairs pouvant être amélioré Une association jeune à développer La création, en 2010, de l’Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés (AFSRA) à l’initiative de quelques tarificateurs et responsables de sélection est très récente. Son rôle est la promotion et la défense des tarificateurs travaillant en assurance et réassurance de personnes sur le marché français ; l’aide à leur développement et formation ; la représentation de la profession dans les instances182. Le Conseil regroupe une dizaine de professionnels de la sélection, particulièrement motivés et intéressés par la reconnaissance du métier. Cependant, l’association ne dispose pas de ressource permanente qui pourrait faire avancer les différents thèmes de façon plus efficace : les chantiers sont nombreux et les disponibilités des membres réduites. Le mécénat et le militantisme sont, par ailleurs, moins développés que dans d’autres pays. Des opportunités de rencontres limitées et la nécessité d’en tirer profit La participation du tarificateur aux évènements organisés par les réassureurs, les associations (l’AFSRA, l’ELHUA, l’ICLAM, l’AMCAP, etc.), l’entreprise elle-même est indispensable à son ouverture et sa montée en compétences : rencontrer d’autres tarificateurs, d’autres professionnels de la sélection ou de l’industrie, être au fait des dernières actualités et évolutions de la profession, des perspectives qu’offrent certains développements pour l’activité, est vital pour la profession. Elle constitue pourtant un investissement que peu d’entreprises font systématiquement : cela implique pour les compagnies un coût immédiat (frais d’inscription, de voyage, de repas et d’hôtel, etc.) associé au manque de productivité lié à l’absence des ressources concernées. Mais il s’agit bien d’un investissement et ne doit pas être ressenti par l’entreprise comme une menace : les collaborateurs en tireront profit, seront plus compétents et professionnels, reviendront avec des idées qui pourront peut-être conduire à des évolutions positives de leur travail et leur organisation.

182 http://www.afsra.fr

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 119 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Les coûts peuvent tout à fait entrer dans ceux de formation réduisant leur impact. Il faut probablement considérer ce genre d’ouverture comme une mission à part entière du souscripteur de risques aggravés que de maintenir ses connaissances « à jour », de lire les publications et participer aux séminaires existants.

ii. L’intérêt de la professionnalisation : avoir des prises de position Le métier de tarificateur et sa population, une fois organisée, vont pouvoir tenter d’influencer les réflexions en matière d’utilisation des résultats des tests génétiques, de modèle prédictif, de règlementation sur les traitements des données. Aujourd’hui le point de vue des souscripteurs de risques aggravés est peu entendu. Les sujets et débats ne manquent pourtant pas : la discrimination, la Convention AERAS, les résultats des tests génétiques, le modèle prédictif, la protection des données sur support informatique, le développement des outils d’automatisation, etc. Lors des débats, en dehors du Dr. Tchoreloff qui siège aux différents comités de suivis AERAS, des quelques comités de gestion AERAS, la sélection des risques sur le marché français manque de têtes de pont, quelques interlocuteurs de référence sur les questions que posent les évolutions de l’environnement et de l’industrie.

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Conclusion de la partie III Fondement indispensable, l’activité de sélection des risques telle qu’exercée par les tarificateurs doit s’organiser en un véritable métier : le fondement. Il s’agit de lui donner une identité à part entière : un nom, un cadre, des valeurs et une éthique à formaliser, partager et sur laquelle communiquer. Le contenu du métier ou référentiel des savoir-faire spécifiques qui distingue le tarificateur des autres professionnels de la sélection est également à définir pour pouvoir ensuite envisager l’organisation du parcours qualifiant. L’objectif est double : permettre l’accès au métier et certifier les compétences acquises. Ces compétences ne s’acquièrent pas du seul fait d’une formation initiale mais nécessitent l’expérience régulière du terrain sur les dossiers, de la variété des cas rencontrés. L’absence de diplôme est gênante mais imaginer la création par un Ministère d’un diplôme pour une population si modeste est illusoire. Une certification, qui attesterait de compétences acquises, rythmerait l’accession aux différents niveaux, assurerait la passerelle avec les autres métiers, semble à portée mais n’en sera pas moins difficile. En fonction de la certification visée et de son objectif la mobilisation des tarificateurs pour convaincre les instances professionnelles ou les entreprises du secteur sur le sujet sera déterminante. La mobilisation des acteurs, tout à la fois pour revendiquer l’identité du métier, participer à la construction des référentiels de compétences et de formation, ne peut plus attendre. L’acceptabilité sociale du métier découlera de son institutionnalisation. L’ouverture des tarificateurs aux pratiques et évolutions dans les autres compagnies, activités, marchés, pays est également essentielle : participer aux évènements et conférences de la profession, aux échanges avec leurs pairs, lire les publications et articles sur les sujets, bref être l’expert ou référent en matière de sélection ; se tenir prêt à monter dans le wagon de la prochaine révolution en matière de sélection des risques.

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CONCLUSION Le métier de tarificateur ou souscripteur de risques aggravés est un métier de transversalité. Nombreux sont les domaines à maîtriser pour espérer être un bon tarificateur (assurance, médical, légal, profession, géopolitique, etc.). Il est au carrefour des évolutions du secteur, concerné par tous les développements, tendances ou grands débats actuels : le Big Data, le modèle prédicatif, les lois anti-discriminations, la protection des données personnelles, l’utilisation des résultats de tests génétiques, les progrès technologiques qui modifient son environnement de travail, etc. Qui pourrait se targuer d’avoir un métier aussi riche ? Cependant, l’activité des tarificateurs, est une fois de plus menacée, accusée de participer à l’exclusion sociale, en voie d’automatisation pour des contraintes de rationalisation, souffrant du manque de structuration en un véritable métier qui jouirait d’une identité propre, d’une déontologie affichée, d’un référentiel structuré et homogène, d’un parcours de qualification. Les tarificateurs ou souscripteurs en sélection des risques doivent-ils assister impuissants à la disparition de leur activité ? Ou ceux-ci inverseront-ils la tendance, prouvant par l’organisation de leur métier et l’exercice efficace de leur art, le caractère indispensable de leur métier, pour mieux saisir les opportunités qui s’offrent à eux ? Il est donc à la fois nécessaire, pour la profession, de poser les bases de l’identité et de la reconnaissance du tarificateur mais en parallèle indispensable de lui faire franchir les nombreux défis qui s’annoncent en participant aux prochaines (r)évolutions du secteur dont les télé-déclaration, télé-sélection ou télé-souscription. Le tarificateur doit être acteur de sa reconnaissance et de son évolution au sein du secteur. C’est probablement l’heure du choix entre la spécialisation sur les risques les plus complexes, l’accompagnement du client ou la réorientation mais en tout état de cause, l’heure de la mobilisation générale des tarificateurs. A l’instar de Stéphane Hessel, récemment disparu, et de son célèbre « Indignez-vous ! », manifestons pour la mobilisation des tarificateurs, leur reconnaissance et leur avenir : « Tarificateurs de France, mobilisez-vous ! » Et quand la sélection des risques fera enfin office de « vrai métier », ses humbles serviteurs pourront réfléchir à l’opportunité d’en faire une profession…

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ENTRETIENS Pour permettre à mes interlocuteurs de pouvoir se livrer plus facilement, j’ai accepté de ne pas ou peu les identifier ou citer leurs propos. Mais chacun a contribué à cette thèse et y a amené des idées et perspectives. 15/05/2012 – Michelle Fablet – Consultante - Cabinet « Michelle Fablet Conseil » 22/05/2012 – André Loye – Ancien responsable du Bureau de Tarification des Risques Aggravés (BTRA de la Compagnie Suisse de Réassurance) 22/11/2012 – Olivier Dessus – Head of Medical Underwriting & Claims Paris – Partner Reinsurance Europe plc 26/11/2012 – Philippe Aussel – Life Underwriter – SCOR Global Life Canada 29/11/2012 – Romain Durand – CEO – Actuaris 29/11/2012 – Didier Leman – Chief Life Underwriter – Hannover Re 30/11/2012 – Pierre-Yves Le Corre – Directeur Assurances de personnes France – Swiss Re Europe S.A 11/12/2012 – Jean Lalili – Retraité – Ancien tarificateur et responsable du Bureau de Tarification des Risques Aggravés (BTRA de la Compagnie Suisse de Réassurance) 13/12/2012 – Sandrine Murillon – Chargée de mission Risques Aggravés – April Santé Prévoyance 03/01/2013 – Véronique Sagot – Responsable de la Sélection des Risques et Sinistres – RGA International Reinsurance Company Limited 14/01/2013 – Michèle Porta et Michelle Robiolle – Expertise Prévoyance – Crédit Agricole Assurances – Predica 16/01/2013 – Béatrice Mesnil – Chargée d’études et de recherche – Institut de Formation de la Profession de l’Assurance 17/01/2013 – Anne-Marie Cona et Laurence Vignon – Directrice adjointe Relation clients et développement et Chef de projet intra entreprise - Institut de Formation de la Profession de l’Assurance 22/01/2013 – Dr Jacques-Louis Boucher – Médecin conseil – SCOR Global Life Paris 22 et 31/01/2013 - Colin Kearney – Responsable d’équipe Support et Développement – SCOR Global Life Paris 23/01/2013 – Dr. Catherine Tchoreloff – Directeur Médical – Munich Re

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 123 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

BIBLIOGRAPHIE Ouvrages : Benjamin Coriat – Penser à l’envers – Travail et organisation dans l’Entreprise japonaise –1991 Etienne de Dardel – Les Risques Aggravés en Assurance sur la vie – Fascicule I, VI, VII, VIII – Services techniques de la Suisse de Réassurance, avec le concours du Bureau de Tarification de Risques Aggravés (BTRA) Michel Liu - Technologie, organisation du travail et comportements des salariés – Florence Osty - Le désir de métier – Engagement, identité et reconnaissance au travail – Rennes, PUR, 2003 Nicolas Postel-Vinay – Histoire et sciences sociales – Facteurs de risque : la contribution méconnue des premiers médecins d’assurance sur la vie – m/s n°3, vol. 16, mars 2000 Jean-Daniel Reynaud - Les régulations dans les organisations : régulation de contrôle et régulation autonome –, Revue française de sociologie - Volume 29 - 1988 Renaud Sainsaulieu - Changement social et ruptures des légitimités institutionnelles – Des sociétés en mouvement : La Ressource des institutions intermédiaires, Desclée de Brouwer, Paris, 2001. Henri Stévenin - La médecine d’assurance sur la vie – Facteurs biologiques, médicaux et sociaux de la Mortalité et de la longévité – Masson & Cie, 1951 R.D.C Brackenridge / R.S.Croxson / B. R. Mackenzie – Brackenridge’s Medical Selection of Life Risks - Fifth Edition. 2006 Rapports et dossiers : The Steering Committee on Bioethics (CDBI) of the European Council – Consultation Document on Predictivity, Genetic Testing and Insurance - January 2012 Les tests génétiques à des fins médicales – Conseil de l’Europe – 2012 La loi sur le diagnostic génétique et ses implications pour l’examen des risques et des prestations d’assurance – L’exemple allemande – SCOR inform – Octobre 2010 Marché de l’emprunteur, les nouvelles opportunités - Les dossiers techniques d’information Optimind – Avril 2012 Rapport Convention AERAS et accès à l’emprunt – UFC Que Choisir – Juin 2008

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p. 124 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Convention Aeras : statistiques 2011 – FFSA-GEMA – Septembre 2012 Les contrats d’assurance emprunteur en 2010 – FFSA – http://www.ffsa.fr/ Guide Professionnels de santé – CNIL – Edition 2011 Baromètre prospectif de l’évolution des métiers et des compétences de l’assurance – OEMA – Juin 2012 Gérard Lobjeois et Norbert Girard - Etude de métier – Les métiers du marketing : d’une activité à un métier – OEMA, juin 2002 Glossaire – OEMA (Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance), Groupe de travail « Nomenclature », 21/10/11 Fair risk assessment in life & health insurance – Swiss Re - 2011 La télé-souscription - Une étude mondiale, une enquête réalisée par SelectX – FOCUS – Août 2010 Tad Montross – Big data – Publication « Thèmes » de Gen Re N°20 - 2012 Tele-Underwriting, your guide to success – Gen Re Life Health - 2008 Andres Webersinke – Voulez-vous devenir une star du rock ou conquérir l’Everest – Thèmes N°20 - Gen Re – 2012 Nomenclature des métiers de l’assurance - http://www.metiers-assurance.org/ ROMA – Rapport de l’Observatoire sur les Métiers des salariés de l’Assurance – Statistiques 2012 (pour la population au 31/12/2011) - OEMA Rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre de la convention du 19 septembre 2001 – http://www.senat.fr/ Articles et extraits : Romain Durand - La tarification est-elle encore possible dans l’assurance ? – L’infotech n°11 – ACTUARIS Assurance emprunteur – Ne signez plus les yeux fermés – UFC Que Choisir – Décembre 2007 La segmentation : un fondement essentiel de l’assurance - Réunion du Conseil d’Orientation et de Réflexion de l’Assurance (CORA) 7 juin 2012 – Site de la FFSA

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 125 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

http://www.ffsa.fr/sites/jcms/p1_806935/la-segmentation-un-fondement-essentiel-de-lassurance?cc=fn_7369 Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation - Réunion de décembre 2010 - Site de la FFSA - http://www.ffsa.fr/sites/jcms/p1_377695/assurance-acces-aux-informations-personnelles-segmentation-et-regulation?cc=fn_7369 N. Potsel-Vinay – Le déplacement des frontières entre le normal et le pathologique : une médicalisation accrue - Revue Actualités en hypertension & prévention cardiovasculaire n°8 Octobre 2000 Claire Tourmen - Activité, tâche, poste, métier, profession : quelques pistes de clarification et de réflexion - Santé Publique hs/2007 (Vol. 19), p. 15-20. Larry Kirsch - “Assessing the Actuarial Basis for Health-Related Underwriting in Medical and Disability Insurance” – www.Bazelon.org – Judge David L. Bazelon Center for Medical Health Law UK Moratorium on Use of Genetic testing Extended to 2017 says ABI – Insurance Journal – 08/04/2011 Alptis innove en lançant la télédéclaration médicale - RiskAssur-hebdo du 05/02/2013 La preuve par la cohorte – L’Argus de l’assurance – 24/08/2012 Dépendance : les assureurs veulent trouver leur place – Le Figaro – 11/03/2013 Présentations : Béatrice Mesnil – IFPASS - Les CQP de la branche assurance : Le CQP CRCA et les 4 CQP du courtage – Septembre 2011 Dr Peter Miller de Swiss Re Life & health - Cooperation between medical directors, underwriters & actuaries - Congrès de l’ICLAM - Mai 2007 Andrew Morrison – The Underwriting Manual: a Piece or the Whole – ELHUA – Avril 2012 Ana Villanueva – Télé-souscription, un système de selection des risques automatisé – MAPFRE RE – AMCAP, Paris – 8 juin 2012 Niels Keuker, William Trump - Responding to the times – The distribution landscape as driver of innovation in L&H Underwriting – Présentation ELHUA – 2012

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p. 126 Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

Sites internet : Association of Home Office Underwriters (AHOU) - https://www.ahou.org/ CII – The Chartered Insurance Institue - http://www.cii.co.uk/ ALU - The Academy of Life Underwriting (ALU) - http://www.alu-web.com/ AERAS : http://www.aeras-infos.fr/site/aeras/Accueil/AERAS-en-pratique/Nos-conseils L’Argus de l’assurance : http://www.argusdelassurance.com/ AMCAP : http://www.amcap.asso.fr/diplome.php OEMA - Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance http://www.metiers-assurance.org/ Site de sondage Surveymonkey.com : http://www.surveymonkey.com Sénat : http://www.senat.fr/ FFSA – http://www.ffsa.fr/ L’Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés : http://www.afsra.fr/ Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/ http://www.conseil-national.medecin.fr/ CNCP : http://www.cncp.gouv.fr

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Eve-Laure Tascon – MBA ENASS – 2011/2013 p. 127 Activité, métier, profession : quelle place pour les Tarificateurs en (ré)assurance de personnes en France ?

ANNEXE 1 - SCRIPT DU SONDAGE « LE METIER DE SOUSCRIPTEUR DE RISQUES AGGRAVES »

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés

Bonjour,  Je vous remercie d'accepter de répondre à ce sondage sur le métier de souscription / sélection / tarification des risques aggravés ou non standards en assurance de personnes. Cette enquête, ouverte jusqu'au 20 décembre minuit, comprend une trentaine de questions rapides réparties sur 10 pages. Elle ne devrait vous prendre que 5 minutes pour la compléter.  En fin de page, veuillez cliquer sur "Page suivante" pour passer à la page suivante ou sur "Page précédente" pour revenir à la page précédente (et éventuellement modifier vos réponses). En fin de questionnaire, veuillez cliquer sur "Terminer l'enquête" pour mettre fin au sondage et enregistrer vos réponses.  Pour la réussite de cette enquête, veuillez ne compléter ce questionnaire qu'une seule fois.  N'hésitez pas à parler de cette enquête autour de vous, à ceux qui exercent cette activité au quotidien et à leur transmettre le lien vers ce sondage.  Si vous rencontrez des diffcultés ou vous souhaitez signaler tout problème avec l'enquête, je vous remercie de m'envoyer un mail à l'adresse suivante : [email protected].  Cordialement  Eve­Laure Tascon MBA ­ ENASS [email protected] 

1. Quel poste occupez­vous ?

2. Veuillez préciser l'intitulé de votre poste :

 

 

 

Tarificateur(rice) / Souscripteur(rice) de risques aggravés ou non standards 

nmlkj

Gestionnaire ou préparateur(rice) de dossiers ou chargé de pré­sélection 

nmlkj

Responsable d’un service/département ou cellule médicale 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

Tarificateur(rice) 

nmlkj

Tarificateur(rice) de risques aggravés 

nmlkj

Tarificateur(rice) de sélection médicale 

nmlkj

Souscripteur(rice) de risques aggravés 

nmlkj

Souscripteur(rice) de risques non standards 

nmlkj

Souscripteur(rice) médical(e) 

nmlkj

Chargé(e) de sélection médicale 

nmlkj

Chargé(e) de sélection des risques 

nmlkj

Unité de gestion médicale 

nmlkj

Cellule médicale 

nmlkj

Risques spéciaux / Grands risques 

nmlkj

Référent(e) technique 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

Autre 

Autre 

Autre 

Autre 

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés

3. Veuillez préciser l'intitulé de votre poste :

4. Depuis quand exercez­vous l'activité de souscription / sélection / tarification de risques aggravés ou non standards ?

 

5. Où exercez­vous votre activité ?

6. Quel âge avez­vous ?

7. Quel poste occupiez­vous auparavant ?

 

6

 

Gestionnaire 

nmlkj

Préparateur(rice) de dossiers 

nmlkj

Chargé(e) de pré­sélection 

nmlkj

Aide­tarificateur(rice) 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

En France, en région parisienne 

nmlkj En France, en province 

nmlkj A l'étranger 

nmlkj

Si à l'étranger, veuillez préciser dans quel pays : 

Moins de 30 ans 

nmlkj

Entre 30 et 40 ans 

nmlkj

Entre 41 et 50 ans 

nmlkj

Entre 51 et 60 ans 

nmlkj

Plus de 60 ans 

nmlkj

Aucun 

nmlkj

Un poste dans l'assurance / la réassurance 

nmlkj

Un poste hors du secteur de l'assurance (veuillez préciser) 

 nmlkj

Autre 

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés8. Veuillez préciser le poste occupé auparavant dans l'assurance/réassurance :

9. Quels sont les diplômes que vous avez obtenus ? Dans quel(s) domaine(s) ?

10. Comment en êtes­vous arrivé à pratiquer la Souscription de Risques Aggravés ?

11. De quelles formations spécifiques avez­vous bénéficié en matière de souscription / tarification / sélection des risques ?

 

Assurance Droit Economie Commerce Médical/Paramédical Sciences Autre

Avant le bac gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc

Bac gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc

Bac +2 gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc

Licence­Maîtrise gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc

Master gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc

Au­delà gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc gfedc

 

Gestionnaire de contrat 

nmlkj

Gestionnaire / Rédacteur(rice) / Expert(e) Sinistres 

nmlkj

Tarificateur(rice) / Souscripteur(rice) de risques standards 

nmlkj

Actuaire 

nmlkj

Responsable d’un(e) pôle / service / équipe 

nmlkj

Commercial(e) 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

Evolution/Promotion interne 

nmlkj

Opportunité 

nmlkj

Choix de carrière 

nmlkj

Réorganisation 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

En interne par d’autres souscripteurs de risques aggravés 

gfedc

En interne par le(s) médecin(s) conseil 

gfedc

En interne par le responsable ou référent(s) 

gfedc

En externe par un organisme de formation (université, école, 

etc.) 

gfedc

En externe par un consultant 

gfedc

En externe par un réassureur 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Non. 

Autre 

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés

12. Quel est votre coeur d'activité ?

13. Parmi ces missions ou tâches de sélection des risques, lesquelles réalisez­vous ?

14. Si vous avez coché "La prise de décision sur les dossiers", vous la réalisez : (sinon, veuillez cocher "Sans objet")

 

 

La sélection / tarification / souscription de risques standards ou simples 

nmlkj

La sélection / tarification / souscription de risques aggravés ou non standards 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

Saisie des informations dans le système d’Information, base de données ou outil interne 

gfedc

Tri des dossiers entre ceux standards et ceux "risques aggravés" ou non standards 

gfedc

Constitution du dossier ­ Pré­sélection (par rapport à la grille de sélection) 

gfedc

Recueil des éléments complémentaires en fonction des anomalies ou pathologies déclarées 

gfedc

Analyse du dossier, des données 

gfedc

Proposition de refus ou d’acceptation (avec conditions d’acceptation) 

gfedc

Dossiers sensibles – VIP ­ AERAS 

gfedc

Prise de décision 

gfedc

Transposition au contrat 

gfedc

Réponse au client 

gfedc

Argumentation de la décision, accompagnement 

gfedc

Proposition d’aménagement (garantie, durée, franchise) 

gfedc

Vie du contrat dont modifications ou évènements (dont sinistres) 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Avec validation / contrôle d'un médecin 

gfedc

Avec validation / contrôle d'un responsable 

gfedc

Avec validation / contrôle d'un référent 

gfedc

En autonomie 

gfedc

Avec un double regard 

gfedc

Sans objet 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Oui. 

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés15. Si vous avez coché "La transposition au contrat", quelles tâches effectuez­vous ? (sinon veuillez cocher "Sans objet")

16. Si vous avez coché "Les tâches de la vie du contrat", lesquelles effectuez­vous ? (sinon cochez "Sans objet")

17. Quels risques étudiez­vous ?

18. Quelles garanties étudiez­vous ?

 

L'application des surprimes 

gfedc

La formulation des exclusions 

gfedc

Le calcul du risque / de la cotisation finale 

gfedc

La communication de la proposition / des conditions du contrat 

gfedc

Sans objet 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

La modification en cours de contrat 

gfedc

La révision des conditions d’acceptation 

gfedc

L'analyse / expertise des sinistres 

gfedc

Sans objet 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Les risques médicaux / de santé 

gfedc

Les risques professionnels 

gfedc

Les risques sportifs 

gfedc

Les risques financiers 

gfedc

Les risques de transport 

gfedc

Les risques de séjours 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Décès/PTIA 

gfedc

Incapacité/Invalidité 

gfedc

Dépendance 

gfedc

Maladies redoutées 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés19. Sur quel type de produit, exercez­vous votre activité ?

20. Intervenez­vous en sélection de risques sur d’autres marchés que le marché français ?

21. Quelles sont vos missions complémentaires ?

22. Quels sont les outils que vous utilisez ?

23. Sur quels supports sont ces outils ?

 

Prévoyance collective 

gfedc

Prévoyance individuelle 

gfedc

Emprunteur 

gfedc

Prévoyance entreprise (Homme­clé) 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Non 

nmlkj

Oui (veuillez préciser le(s)quel(s)) 

 nmlkj

Aucune 

gfedc

Formation / Initiation de collaborateurs moins expérimentés 

gfedc

Formation de clients, commerciaux, autres partenaires 

gfedc

Contrôle interne ou audit 

gfedc

Référent technique 

gfedc

Projet(s) outils 

gfedc

Projet(s) d'organisation 

gfedc

Développement de produit (travail sur les formalités, les 

conditions générales, etc.) 

gfedc

Encadrement d’équipe, management 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Référentiel, modes opératoires et fiches internes 

gfedc

Manuel interne de tarification 

gfedc

Outil de tarification du réassureur 

gfedc

Sites médicaux sur internet 

gfedc

Autres sites internet 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Papier 

gfedc Informatique 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés24. De quelle autonomie / délégation bénéficiez­vous ?

25. Quel est votre statut ?

27. Quelle est votre rémunération annuelle brute ?

28. Quel est, selon vous, le rôle des souscripteurs de risques aggravés ?

29. Diriez­vous que votre activité vous procure :

26. Quelle est votre classe ?Classe

Selon la convention collective nationale des sociétés d’assurance 6

Selon une autre convention collective 6

Pas du tout Pas vraiment Plutôt oui Oui, tout à fait

Ecarter les mauvais risques nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

Déterminer les conditions d’acceptation des risques les plus justes pour les clients, dans le respect des intérêts techniques de l’entreprise

nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

Un rôle social : offrir une solution d’assurance à des personnes présentant des risques aggravés ou complexes

nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

Aucune 

nmlkj

Moins de 500.000€ 

nmlkj

Entre 500.001 à 1.000.000€ 

nmlkj

Entre 1.000.001 à 3.000.000€ 

nmlkj

Au­delà de 3.000.000€ 

nmlkj

Je ne souhaite pas répondre à cette question 

nmlkj

Non cadre 

nmlkj

Cadre 

nmlkj

Je ne souhaite pas répondre à cette question 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

Veuillez préciser la convention collective dont il s'agit : 

Inférieure ou égale à 20.000€ 

nmlkj

Entre 20.001 et 30.000€/an 

nmlkj

Entre 30.001 et 40.000€/an 

nmlkj

Entre 40.001 et 50.000€/an 

nmlkj

Au­delà de 50.000€ 

nmlkj

Je ne souhaite pas répondre à cette question. 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

Entière satisfaction 

nmlkj

Une satisfaction globale 

nmlkj

Une insatisfaction partielle 

nmlkj

Une insatisfaction totale 

nmlkj

Autre (veuillez préciser) 

 nmlkj

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés30. Comment évaluez­vous ces différents aspects de votre activité ?

31. Pensez­vous que le tarificateur / souscripteur de risques aggravés ou non standards soit reconnu à sa juste valeur ?

32. Connaissez­vous l'Association Française des Souscripteurs de Risques Aggravés (AFSRA) ?

33. Que savez­vous des missions, de la reconnaissance, de la place des souscripteurs de Risques Aggravés à l’étranger ?

Très complexe Difficile Facile Très facile Sans objet

La gestion des contraintes de production (ex : le rythme)

nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

La gestion des contraintes / dérogations commerciales nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

L'actualisation des connaissances nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

L'accès à l’information et/ou la formation nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

La maîtrise des contraintes règlementaires nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

 

Autre(s) contrainte(s)/difficulté(s) rencontrée(s) (veuillez préciser) 

55

66

Oui 

nmlkj

Non. Selon vous, que manque­t­il à l'activité, au métier, à ses acteurs ? 

 

nmlkj

55

66

Oui, j'y adhère 

nmlkj

Oui mais je n'y adhère pas 

nmlkj

Non 

nmlkj

Rien 

nmlkj

Peu de choses 

nmlkj

J'ai quelques notions 

nmlkj

J'en ai une bonne vision 

nmlkj

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques Aggravés34. Connaissez­vous l'e­sélection, la télé­interview, la télé­souscription ou télé­sélection ou tele­underwriting ?

35. Pensez­vous que l’e­sélection (sélection par internet) et/ou la télé­sélection (sélection par téléphone) représentent, pour le souscripteur de risques aggravés :

36. Quel avenir, selon vous, pour les souscripteurs de risques aggravés ?

37. Comment expliqueriez­vous la souscription / sélection / tarification de risques aggravés ou non standards à un ami ?

 

38. Souhaitez­vous obtenir les résultats de cette enquête ?

Oui Non

L'e­sélection nmlkj nmlkj

La télé­interview nmlkj nmlkj

La télé­sélection ou télé­souscription ou tele­underwriting nmlkj nmlkj

Pas du tout Pas vraiment Oui, peut­être Oui, tout à fait

Enfin un métier reconnu ! nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

Un métier (toujours) indispensable à l’assurance nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

Une activité transformée par les contraintes règlementaires (Solvabilité II, mesures anti­discrimination, consumérisme, etc.)

nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

Une activité transformée par les évolutions technologiques (e­sélection, télé­sélection)

nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

Un métier en sursis nmlkj nmlkj nmlkj nmlkj

55

66

Une utopie 

gfedc

Une menace 

gfedc

Une opportunité 

gfedc

Autre (veuillez préciser) 

 gfedc

Autre proposition (veuillez préciser) 

Non 

nmlkj

Oui. Veuillez préciser votre adresse mail 

 nmlkj

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Le métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésLe métier de Souscripteur de Risques AggravésMerci pour vos réponses à cette enquête.  N'oubliez pas de cliquer sur "Terminer l'enquête" pour enregistrer vos réponses.  Si vous avez rencontré des diffcultés ou que vous souhaitez signaler tout problème avec l'enquête, je vous remercie de m'envoyer un mail à l'adresse suivante : [email protected].  Cordialement  Eve­Laure Tascon MBA ­ ENASS [email protected] 

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ANNEXE 2 - DETAIL DES RESULTATS DU SONDAGE

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Le métier de Souscripteur de Risques Aggravés

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ANNEXE 3 - FICHE « SOUSCRIPTION DES RISQUES NON STANDARD » DE L’OEMA

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Gestiondes contrats

ou prestations

Souscription des risques non standard 05A

• Souscripteur/Souscripteur d’assurance/de réassurance• Souscripteur grands risques• Technicien souscripteur conseil/Conseiller technique souscription• Tarificateur de risques aggravés

Connaître• La politique de souscription de l’entreprise• Les contrats et les produits relevant de son domaine• Les aspects du droit applicables en matière de souscription des contrats• La coassurance et la réassurance• Les techniques d’expression écrite

Savoir• Mettre en œuvre les règles et techniques de souscription des risques• Rechercher, analyser puis synthétiser des informations, données et problématiques utiles dans son domaine d’activité• Pratiquer, si besoin, une langue étrangère• Négocier, argumenter, convaincre• Comprendre le client et lui apporter des réponses claires• Agir avec réactivité et adaptabilité

Exemples d'intitulés de métiers

Exemples de compétences attendues

M i s s i o nContribuer à la maîtrise des risquesassurantiels de l’entreprise en acceptantou non de couvrir un risque spécifique nerelevant pas de la compétence desgestionnaires de contrats, et endéterminant les conditions de sacouverture.

Recueilet identification

des besoinsdes clients

• Prendre connaissance de la demande d’assurance ou de réassurance et recueillir les informationsnécessaires auprès du demandeur

• S’il y a lieu, solliciter l’avis d’un expert (médecin conseil, inspecteur vérificateur…)

Acceptationet tarification

des risques

• Analyser le risque sur pièces ou sur place, déterminer son assurabilité sur le plan technique,juridique, médical…

• Effectuer les calculs préalables à l’acceptation et à la tarification des contrats, notamment en vie,retraite ou prévoyance

• Accepter ou non de garantir le risque, en argumenter les motifs, définir les conditions desouscription (tarification, franchises…) et rédiger les conditions particulières

Conseil,accompagnement

et aide à la décision

• Informer et conseiller le client sur la gestion de son dossier• Venir en appui des commerciaux et des gestionnaires pour leur apporter une expertise technique

Gestionde la réassurance

ou de la coassurance

• Pour la cédante : décider de co-assurer ou réassurer tout ou partie du risque, en négocier lesconditions en direct ou par le canal de courtiers, élaborer et suivre les plans de réassurance

• Pour le réassureur : étudier les appels d’offres ou demandes de réassurance, déterminer et négocierles conditions d’acceptation et de tarification, rédiger les traités de réassurance ou les conventionsde réassurance facultative

Exemples d'activités mises en œuvre

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Observatoire de l’Evolution des Métiers de l’Assurance1 rue Jules Lefebvre –75431 Paris Cedex 09Secrétariat : Tél : 01 53 21 51 20 - Fax : 01 53 21 51 [email protected] - http://www.metiers-assurance.org

Formation initiale ou continue• Licence professionnelle d'assurances

• Diplôme de l’Ecole Nationale d’assurances

• Diplôme des Instituts des assurances

• Master 2 en droit des assurances

• Ecoles d’ingénieurs ou écoles de commerce

Expérience professionnelle antérieure• Sous-famille Gestion des contrats hors plateforme

• Sous-famille Gestion des sinistres complexes ou contentieux

• Famille : Contrôle technique et prévention des risques (Sous-famille : Evaluation des risques, contrôle technique, préven-tion - Sous-famille : Expertise salariée)

• Famille : Actuariat (Sous-famille : Actuariat et études techniques)

Voies possibles d'accès aux métiers

Mobilité envisageable vers toutes les sous-familles de la famille d'appartenance, selon l'expérience acquise,et en particulier vers :

• Contrôle et surveillance du portefeuille

Mobilité également possible vers les familles :

• Contrôle technique et prévention (Sous-famille Evaluation des risques, contrôle technique, prévention - Sous-familleExpertise salariée)

• Distribution et développement commercial (Sous-famille support et appui aux réseaux)

• Pilotage et gouvernance d’entreprise (Sous-famille Etudes stratégiques et prospectives)

Exemples de passerelles de mobilité vers d'autres sous-familles

Tendances d'évolution des métiers

Gestiondes contrats

ou prestations

NB : Certaines activités et compétences décrites dans cette fiche ne concernent qu’une partie des métiers relevant decette sous-famille. Par ailleurs, ne sont pas mentionnées les activités et compétences liées à des responsabilitésmanagériales.

Cette rubrique n’est pas renseignée pour l’instant. Elle est destinée à s’enrichir au fur et à mesure des statistiques disponibles etdes enquêtes spécifiques que l’Observatoire conduira.

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Thèse professionnelle soutenue en mars 2013

pour l’obtention du MBA Manager d’entreprise majeure Assurance

Sous la direction de : Norbert GIRARD

Président du Jury : François EWALD

Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances.

L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires :

• les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles qu’on peut les observer à l’étranger ;

• les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ;

• « les travaux de l’Enass » sont destinés à faire bénéficier la profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur papier ou même, être édités.

Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables.

François Ewald Président du Conseil scientifique et pédagogique de l’Université de l’Assurance