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C haque semaine, la téléréalité Say Yes to the Dress (sur TLC) montre des futures mariées venues dénicher la robe de leurs rêves chez

Kleinfeld Bridal, une mégaboutique spécialisée au cœur de Manhattan. Et chaque semaine, l’émission martèle son évangile au petit écran: il existe UNE robe parfaite pour chaque femme. Le prix de cette merveille est trois fois plus élevé que le budget de la cliente? Qu’importe! Un mariage, c’est le plus beau jour de la vie de toute femme, non?

Environ 1,2 million de personnes prêtent une oreille attentive à ce message à chaque épisode. Cette cote d’écoute est à peu près la même que celle d’œuvres de fiction (avec acteurs, décors, scénario et tout le h

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Des futures mariées en compétition pour remporter

une chirurgie esthétique. Des demandes en

mariage sur YouTube. L’union sacrée est-elle

en train de se transformer en vulgaire spectacle?

TeXTe: THomas LeBLaNC eT marTiNa dJogo

À L’AUTELDE LA TÉLÉRÉALITÉDE LA TÉLÉRÉALITÉ

dossiermariage

tralala) comme Big Love ou Califor-nication. Say Yes to the Dress est loin d’être la seule téléréalité sur le ma-riage. Il existe déjà deux variations sur le même thème: Say Yes to the Dress: Atlanta et Say Yes to the Dress: Big Bliss (on y suit de futures mariées bien en chair). Flairant la bonne af-faire, le réseau CW a récemment lancé Shedding for the Wedding, un jeu où des couples obèses entrent en compétition pour perdre du poids et gagner une réception «tout inclus».

Au Québec, nous ne sommes pas en reste. La bosse des noces, une émission où une équipe aide un cou-ple à dénicher une tenue nuptiale et à apprendre une chorégraphie, séduit plus de 270 000 spectateurs chaque semaine. Un «score» honorable, qui la place parmi les plus popu laires auprès du public féminin âgé de 25 à 54 ans de Canal Vie. L’union légitime a beau être à la baisse dans la réalité, à la télé, elle a encore ses adeptes!

Comment expliquer qu’on soit si accro de ce coupable plaisir télévi-suel? Selon Pamela Rutledge, une psychologue américaine spécialisée dans les médias, cela est dû au désir des spectateurs de se rassurer en com-parant leurs valeurs morales à celles des participants. «Ces émissions montrent souvent des gens qui ont des réactions extrêmes. Quand on les regarde, on se compare à eux et on se console, explique-t-elle en rigolant au bout du fil. On se dit que, finalement, on n’est pas si mal que ça! Et puis,

ces comportements extrêmes donnent souvent lieu à des situations intéres-santes à l’écran.» C’est ce qui pour-rait expliquer le succès de la télé-réalité Bridezillas, qui présente des fiancées disjonctées, au bord de la crise de nerfs. Un exemple? Une femme hystérique qui accuse son fu-tur mari de gâcher le plus beau jour de sa vie en lui refusant une bague de 30 000 $!

Le fantasme et La réaLitéCérémonies grandioses, robes cou-vertes de cristaux Swarovski, vœux prononcés au coucher du soleil sur la plage, hélicoptères qui tournoient au-dessus de la tête des invités… Quoi, cela ne ressemble pas au ma-riage de votre tante Monique? Ce sont pourtant les images que nous renvoie la télévision américaine des noces idéales. «La téléréalité est ba-sée sur un paradoxe, estime l’auteu-re et psychologue Vivian Diller. Elle présente de vraies personnes, pas des acteurs; cela brouille les pistes et donne l’impression que ce qui est montré est réalisable. Or, l’image qu’elle donne d’une cérémonie, par exemple, est totalement irréaliste!» Le problème, c’est que les gens entretiennent le fantasme que le jour de leur mariage doit être le plus beau de leur vie.»

«Tout le monde veut se faire accroire qu’il est riche et célèbre, ne serait-ce que pour un jour», croit aussi Margot Ricard, une réalisatrice qui enseigne aujourd’hui à l’École des médias de l’UQAM. En 1998, Radio-Canada lui avait confié la réa-lisation de quelques épisodes d’une émission estivale intitulée... J’me ma-rie cet été! «On suivait des gens le jour de leurs noces et on les surpre-nait. On invitait des artistes comme Ginette Reno ou Mario Pelchat à interpréter de grands airs romanti-ques. Les couples étaient souvent h

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«Nous aimerions tous croire que nous sommes riches et célèbres, ne serait-ce que pour un jour.» margot ricard, réalisatrice

Say Yes to the Dress

DOSSIERMARIAGE

émus, ça leur faisait passer de beaux moments!» Qu’est-ce qui motivait ces amoureux à participer à l’émission, à une époque où le phénomène de la téléréalité n’était pas aussi répandu? «L’attrait de la télévision! s’exclame-t-elle. Je me souviens d’une femme née avec une malformation qui vou-lait prendre part à l’émission pour prouver à ses anciens amis qu’elle avait réussi dans la vie... puisqu’elle se mariait!» Mme Ricard croit qu’au-jourd’hui les femmes jugent plutôt la réussite de la cérémonie en fonction de considérations matérielles: il leur faut la robe parfaite, la limousine parfaite, la réception parfaite.

Une émission comme Bridalplasty(diffusée sur la chaîne E!) mise sur cette obsession. «Toutes les femmes rêvent d’un beau mariage, mais seule une cérémonie absolument parfaitecontentera les participantes de Bridal-plasty!» clame un communiqué de ce réseau qui ne craint pas les clichés. Au menu? De futures épouses prêtes à tout pour obtenir le cortège de leurs rêves... et les nombreuses chirurgies

esthétiques qu’elles veulent s’offrir depuis longtemps. «Elles s’imaginent que, si seulement elles avaient un nez bien droit, des dents régulières ou quelques livres en moins, leurs noces seraient réussies», croit Vivian Diller, qui a signé un article sur le sujet dans The Huffington Post. «Pourtant,

cette journée ne permet pas d’évaluer le succès futur d’une union! C’est simple, les rela-tions qui durent sont celles où les deux partenaires sont tolé-rants. Il faut de la tolérance envers l’imperfection…»

CHACUN SON SHOWPeut-être voulons-nous réin-venter une tradition qui ne

sent plus très «frais». Peut-être sommes-nous blasés depuis que nous avons vu trop de faux contes de fées. Quoi qu’il en soit, il semble que, dé-sormais, nous désirons tous en mettre plein la vue et créer des images qui resteront gravées dans la mémoire de nos invités. h

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DEMANDES EN MARIAGE 2.0En 2008, Greg Rewis serait devenu le premier homme à faire sa demande en mariage par l’intermédiaire de Twitter. Réponse de sa belle? «Je serai heureuse de passer le reste de ma vie de geek avec toi.» Pas suffisamment romantique à votre goût? Allez donc plutôt voir sur le site de YouTube. On y trouve des dizaines et des dizaines de demandes toutes plus délirantes les unes que les autres. Dans le lot, il y a notamment celle, ultraspectaculaire, d’un certain Woodrow qui a réquisitionné une armée de danseurs et d’acrobates pour demander la main de sa copine, Claudine, au Madison Square Park ou, celle, ultra-cute, où un pilote d’avion, Zachary McNeal, demande à chacun des passagers de son vol de remettre une rose rouge à sa copine qui l’attend, ébahie, à sa sortie de l’avion. YouTube permet également de voir la vidéo où un présentateur météo de CBC demande en direct la main de sa copine, présentatrice à ABC. Évidemment, outre les mille et une demandes réussies, on peut en visionner mille et une autres extrêmement embarrassantes où les belles déclinent les propositions devant des stades pleins à craquer ou en direct à la télé. Ouch! YVES SCHAËFFNER

La bosse des noces

Bridezillas

Shedding for the Wedding

Bridalplasty

«Toutes les femmes rêvent d’un beau mariage, mais seule une cérémonie absolument parfaiteles contentera.» LA CHAÎNE E!

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C’est le cas d’Andrée-Anne et de Patrick, 24 ans. «On ne voulait pas utiliser la même formule que tout le monde, raconte Andrée-Anne, une organisatrice d’évènements originaire de la Beauce. On voulait se démar-quer, être originaux. Au lieu de se lancer dans une première danse tra-ditionnelle, on a préféré faire lever le party: on a préparé un numéro de tam-tam en secret, après avoir suivi des cours pendant six mois. Quand on est entrés dans la salle en jouant des percussions, nos proches n’en revenaient pas!»

Mise en scène, musique, décor, stylisme, direction artistique, surprises: le mariage contemporain se trans-forme peu à peu en un évè-nement qu’on scénarise comme... une production télé. La preuve? Sur You-Tube, les vidéos les plus populaires sont celles de danses traditionnelles qui se transforment brusquement en chorégraphies contemporaines sur un air de hip-hop. Un clip où les parents, les époux, les garçons et les demoisel-les d’honneur font leur entrée dans l’église en dansant sur un succès de Chris Brown a été vu presque 63 mil-lions de fois. Un autre où le marié et les garçons d’honneur se lancent soudainement dans une interpréta-tion de Thriller a fait l’objet de 13 millions de visionnements.

Chez nous, Thérèse et son mari, Xuan Hai, âgés respectivement de 34 et de 31 ans, ont surpris leurs pro-ches en apparaissant à leur réception coiffés de casques de moto identiques à ceux du duo musical Daft Punk, que tous deux apprécient beaucoup. «Un mois avant la cérémonie, nous nous sommes dit que ce serait trop cool de faire notre entrée comme des robots au son de la chanson Around the World, relate Thérèse avec enthousiasme. Mes parents, qui sont

assez conservateurs, ont beaucoup ri. Ils trouvaient que c’était à notre ima-ge, puisque nous aimons organiser des partys à thème.» Le soir même, des photos des fameux casques circulaient déjà sur Facebook…

La psychologue Pamela Rutledge souligne que, depuis l’apparition d’In-ternet, la production et la diffusion de vidéos et de photos sont plus impor-tantes que jamais. Fini les cassettes VHS et les albums poussiéreux qu’on ne regarde jamais! «Nous apprenons à nous adapter à notre environnement numérique, qui évolue rapidement», affirme-t-elle. Mais pour Vivian Diller, notre production effrénée d’images trahit autre chose. «Beaucoup de gens

consacrent tant d’efforts à la prépara-tion de leur mariage idéal qu’ils ne gardent aucun souvenir du jour J. Ils revivront tout au moment où ils ver ront les photos et les vidéos!»

Mais enfin, pourquoi accorder autant d’importance à une simple cé-rémonie, alors que le plus dur vient après? L’hypothèse de Mme Diller, c’est que l’union sacrée fait peur. Le fameux «ils vécurent heureux et eurent beau-coup d’enfants»? On n’y croit plus quand on voit les statistiques de divorce... «Je crois qu’une des raisons qui explique pourquoi les gens inves-tissent tant d’argent et d’espoir dans cette fameuse journée, c’est qu’ils se disent que, si leur mariage ne dure pas, ils auront au moins ça: le souvenir d’une cérémonie grandiose.»

Pour voir des demandes en mariage hors de l’ordinaire, rendez-vous sur ellequebec.com/magazine.

«... l’union sacrée fait peur. Le fameux “ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants”? On n’y croit plus.»

vivian diller, auteure et psychologue

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