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FRANCTS MOIIHEIM Ecrire est un honrretrr ) BRUXELLES 1974

ecrire est un honneur (Davister-Chomé)

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Francis Monheim, "Ecire est un honneur, à propos de l'affaire Chomé-Davister, Bruxelles, 1974.

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FRANCTS MOIIHEIM

Ecrireestun honrretrr

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BRUXELLES 1974

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FRANCIS MONHETM

Ecrireestttrr horrneur

\r proposde l'tffaireCIrOME-DAVISTERBRUXELLES 1.974

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... dans les convulsions du temps, i'ai êté soutenu parle sentirnent obscur qu'écrire était auiourd'hui unhonneur...

Albert Camus

Discours de Suè.de

I0 décembre 1957

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I'ai écrit ces pagespour Myriam, ma Iille,pour Philippe et Pierre,pour Alain et Pascal

- nos lils -afin qu'un jour, ils sachent

F.M .

Préface

Ceci n'est pas une plaidoirie.

Les plaidoiries viendront lorsque I'affaire qui opposeJules Chomé et Pierre Davister connaîtra sa phase judi-ciaire.

Ceci est un plaidoyer.

Un plaidoyer pour une certaine façon de concevoirl'acte d'écrire en général, et le journalisme en particu-lier.Un plaidoyer pour un peuple que mon père m'apprit àconnaître et à respecter, en l'appelant par son nom il ya trente ans déjà : le peuple da Zaire.Un plaidoyer pour un homme qui, ces jours-ci, futaccusé sans raison et condamné en dépit d'elle : PierreDavister.

Ceci n'a de sens que dans la mesure où I'on admetqu'écrire est un honneur.

Bruxelles, Pâques 1974

Francis Monheim

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ardi 24 novembre 1,964. A I'aube, six centspara-commandos belges ont sauté sur I'aéro-drome de Stanleyville dans l'espoir de sauver

quelque deux mille Européens, otages des rebelles. Aumême moment, venant du Katanga et du Kivu, lespremiers éléments de I'armée nationale congolaiseavaient pénétré dans la dernière place-forte de la ré-bellion.

Lorsque nous atterrissons, vers midi, sur le tarmac deStan, les para-commandos viennent d'achever la pre-mière partie de leur mission. Ils ont été en ville, y ontlibéré les otages, les ont ramenés à l'aéroport. L'arméecongolaise, par contre, se heurte toujours à une viverésistance de la part des bandes rebelles.

Les rebelles sont partout et nous avons pu le constaterau moment où le petit Cessna allait toucher le sol. Descoups de feu avaient claqué, de part et d'autre de lapiste, tandis que de petits nuages blancs s'élevaient deshautes herbes. Aux commandes de I'appareil, un hommeavait gardé tout son sang-froid: c'étaii le généralMobutu, commandant en chef de l'armée nationalecongolaise et qui avait accepté de nous prendre à bordde son avion de commandement.

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ECRIRE EST UN HONNEUR

Les otages ont été rassemblés sous les hangars. Parmieux, beaucoup de femmes et d'enfants.

Ils ont les yeux rougis par les larmes et la fatigue; ils se

tiennent par la main; ils parlent très bas.

Parfois, un petit cercle se forme autour d'une silhouetteque les sanglots agitent. Cette femme a perdu son mariet ses deux grands garçons; cette autre a vu sa petitefille mourir à côté d'elle; telle autre encore n'a plusaucune nouvelle des siens : les rebelles les ont emmenésdans la brousse.

Les paras restent à distance, comme si la douleur lesempêchait d'approcher. Graves, émus, ils regardent ducôté des hautes herbes, là où les rebelles sont toujoursembusqués. De temps à autre, une rafale déchire lesilence; quelques appareils de chasse font du rase-motteset laissent derrière eux des gerbes de flammes.

Dans une autre partie de I'aéroport, des centaines deCongolais sont accroupis sur la terre rougeâtre. Desfemmes et des enfants surtout : les hommes ont été mas-sacrés par les rebelles, parce qu'ils étaent instituteursou fonctionnaires restés fidèles au gouvernement cen-tral. Les mamans, exténuées, tentent de calmer desbébés que la soif tenaille et qui n'ont plus mangé depuislongtemps. Quelques hommes ont le regard fixe deceux qui ont échappé à la mort mais qui ne parviennentpas à chasser de leur mémoire les images d'épouvante.

Plus loin encore, les soldats de l'armée nationale ras-semblent les premiers prisonniers rebelles. Des prison-niers souvent très jeunes et qui portent tous une petitecicatrice sur le front: cette incision rituelle aurait dûles rendre invincibles.

ECRIRE EST UN HONNEUR

Nous rencontrons Patrick Nothomb, le jeune consul deBelgique qui a négocié pendant plus de trois mois, avecles chefs de la rébellion, la survie des otages. Sa chemiseest maculée de sang. Il nous raconte que, le matinmême, il faisait partie d'une colonne de trois centsEuropéens dont les officiers rebelles voulaient faireu un bouclier humain > pour résister aux paras-com-mandos. Devant l'hôtel Victoria, un officier rebelle adonné I'ordre d'ouvrir le feu, à bout portant, sur lesprisonniers. u Il y a eu vingt morts au moins, nous ditPatrick Nothomb, nous avons rangé les cadavres dansune petite parcelle, à côté de l'hôtel u...

Les heures passent, lourdes, chaudes, angoissantes. l.esoleil amorce déjà sa chute dans le vert-sombre de laforêt. Une forêt qui est toujours aux mains des rebelleset qui s'est refermée, hermétique, sur d'autres otages.

Les para-commandos tentent de dégager l'ensemble dela piste, pour assurer la sécurité des avions de secourset surtout, pour prévenir toute attaque nocturne.

Nous étions trois journalistes à bord de I'avion du gé-néral Mobutu : Pierre Davister, Pierre Fannoy (de Bel-gavox) et moi-même. Nous décidons d'aller en ville pourvoir ce qui s'y passe et, surtout, pour recueillir destémoignages sur ce qui vient de s'y dérouler. Un officierpara nous déconseille qatégoriquement de tenter l'expé-rience. Il y a, nous dit-il, sept kilomètres entre I'aéroportet le centre de la ville; les rebelles sont en embuscadedes deux côtes de la route et personne n'acceptera devous y conduire...

Nous trouvons quelqu'un qui accepte. Un vieux colonqui veut retourner à Stan pour vérifier u si on n'aoublié personne > et qui dispose d'une camionnette-cabriolet.

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Un spectacle hallucinant nous attend tout le long decette route. Les para-commandos I'ont empruntée cematin pour aller chercher les européens et ils ontouvert le feu sur tout véhicule en marche. Sur lesaccotements et, parfois même, en travers de la route,il y a des dizaines de voitures dont le pare-brise a voléen éclats ou dont les portières sont criblées de balles.

Notre chauffeur roule très vite mais cela ne nousempêche pas de voir des amas de corps dans les véhi-cules abandonnés. Rebelles ou personnes essayant deleur échapper, nul ne le saura...

A l'entrée de la ville, nous croisons plusieurs patrouillesde I'armée nationale qui se retranchent dans les fosséspour passer la nuit. De temps à autre, un coup de feuclaque à travers les palmiers; alors le chauffeur couchela tête sur le volant et fonce de plus belle. De temps à

autre aussi, le chauffeur doit faire une embardée pouréviter des cadavres que semblent garder des chiensfaméliques. Plus loin, nous voyons deux formes humai-nes liées à des troncs d'arbre. Avant d'abandonner leursprisonniers à une agonie atroce, les rebelles leur ontcoupé une jambe à coups de machette.

Nous arrivons enfin à I'hôtel des Chutes. Cet hôtel aété, pendant plusieurs semaines, un des quartiers géné-raux des rebelles et hier encore, plusieurs dizaines d'ota-ges européens y ont vécu leur dernière nuit d'horreur.

Des éléments de l'armée nationale se sont emparés dugrand bâtiment blanc au terme d'un bref combat. Lesbaies vitrées ont volé en éclats et les rafales de mitrail-lette ont dessiné sur les murs des grains de chapelet.

Dans le patio de l'hôtel, des soldats ont rassemblé unbutin pitoyable. Ils en ont fait deux tas : un tas d'armes,

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parmi lesquelles de vieux fusils, des machettes, des

lances, des chaînes de vélo; et un tas de documents :

journaux, tracts, proclamations, ordres de mission.

Pendant toute la nuit, des fusillades sporadiques vont se

poursuivre tout près de nous tandis que plus loin, onentend gronder le canon et le mortier : I'armée nationaleveut prendre pied sur la rive gauche du fleuve, où legros des forces rebelles s'est retranché. De temps àautre, une balle vient frapper la façade de I'hôtel avec lebruit mat d'un æuf dur que l'on casse sur un zinc debistrot. Des vitres volent en éclats. Parfois aussi, le ciels'illumine, embrasé par une rafale de balles traçantes etle feu se déchaîne.

Bruits de balles et bruits de voix : les soldats ont fait denombreux prisonniers qu'ils regroupent dans le patio.Nous les verrons à I'aube : hagards, tremblant de peur,couverts de sueur et de poussière. Parmi eux, un enfantde neuf ans qui était ,, colonel u dans I'armée rebelle.

Son front porte la cicatrice blanche et il brandit unecarte du parti dont il ne sait d'ailleurs pas lire les ins-criptions. Les soldats qui le gardent ne I'on pas attaché :

" il est trop jeune pour cela o.

- Cet enfant s'est battu ?

- Oui, il s'est battu et il dit qu'il a tué beaucoup.

- dysç quoi ?

- Avec une mitraillette sten.

- Quand ?

- Les derniers jours surtout; lorsque les chefs rebelles

ont dit qu'il fallait tuer tous les prisonniers.

- il 1'a jamais été à l'école ?

- Jamais.

- Que va-t-il se passer maintenant ?

- frJsus allons le rernettre à nos officiers.

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- Que vous dit-il?

- Qu'il voudrait apprendre à lire et à écrire.

D'autres prisonniers sont allongés sur les dalles dupatio. Ils ne disent rien mais de temps en temps, ilsdemandent une gorgée de bière.

L'un d'eux est couché sur une civière. Il est entièrementnu et il cache son sexe sous un livre ouvert qu'il atrouvé Dieu sait où. Je lis le titre : < l'Amant de ladyChaterley u. Sa jambe gauche n'est plus qu'un horriblemoignon que la gangrène attaque déjà. Sous son bras,il serre une bouteille de bière que les soldats lui ontdonnée; il a le regard fou et de l'écume sur les lèvres.

- Ç'sst un soldat de I'armée rebelle, me dit un de ses

gardiens; il n'avait pas obéi aux ordres, et les rebellesI'avaient enchaîné dans un garuge. Quand ils ont dûprendre la fuite, hier matin, ils lui ont écrasé la jambeà coups de hache et de pierre...

I1 est sept heures du matin, mais le soleil brûle déjà dansun ciel d'argent.

Pierre Davister nous propose d'aller sur les lieux de lafusillade de la veille, près de l'hôtel Victoria.

Le concierge de I'hôtel, qui n'a jamais abandonné sonposte et qui continue d'ailleurs d'établir avec applica-tion les notes de ses clients, nous indique le chemin àsuivre.

A trois, nous déanbulons dans les avenues mortes, écra-sées de soleil. Des cadavres reposent un peu partout,les bras en croix, auréolés de flaques de sang sèché.L'un d'eux porte encore sur la tête la crinière de lionqui devait le rendre invulnérable.

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Nous traversons le quartier résidentiel; toutes les villasont été pillées; des débris de mobilier jonchent les par-celles.

De temps à autre des coups de feu éclatent dans lesjardins ou les hautes herbes. Nous plongeons dans lesfossés et puis, quand le silence est revenu, nous repar-tons à l'aveuglette. Parfois des chiens approchent denous, l'æil luisant, la langue pendante. Ils ont été aban-donnés, sans doute, par leurs propriétaires et ils se

débattent dans l'étau de la soif.

L'hôtel Victoria dresse devant nous sa masse silen-cieuse. C'est ici, nous a dit Patrick Nothomb, que lecarnage a eu lieu.

L'avenue est déserte mais nous découvrons, dans unpetit enclos, une vingtaine de corps recouverts de cou-vertures grises.

Ce sont les corps des Européens, tués la veille par lesrebelles, alors que les C-130 tournoyaient dans le cielde Stanleyville, avant de larguer leurs cargaisons deparachutistes.

Les corps ont été allongés côte à côte, sur trois rangées.

Par miracle, il n'a pas plu cette nuit et les visages decire sont empreints d'une étrange sérénité.

Je reconnais immédiatement celui du docteur Carlson,un missionnaire américain, dont la presse a publié denombreuses photographies. Au milieu de son front,une étoile vermeille : une balle I'a frappé de plein fouetet a anaché I'arrière de son crâne. Il y a plusieurs fem-mes aussi, cinq si mes souvenirs sont exacts. Et puis,il y a deux fillettes : de six et de neuf ans. Les cheveux

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Pendant quelques minutes, je n'entendis plus que lecrissement saccadé de l'appareil photographique et lebourdonnement de la caméra.

Puis, il y eut à nouveau ce silence et cette immobilité.Comme si nous hésitions à rendre ces morts à leursolitude, comme si nous voulions dans un dernier gested'affection et de respect, partager sous le soleil deplomb, leur veillée funèbre.

Revenant sur nos pas, nous arrivons au rond-point surlequel se dresse un monument érigé à la mémoire dePatrice Lumumba. C'est ici même que ce sont dérouléesles scènes atroces dont le récit nous est parvenu depuisplusieurs mois. Au pied de ce monument, les chqfsrebelles rassemblaient la population de Stanleyville pourlui permettre d'assister à des mises à mort d'un extrêmecruauté. Ici, des prêtres noirs, des instituteurs, des offi-ciers demeurés fidèles à l'armée nationale, des fonc-tionnaires nommés par le gouvernement central ont étéémasculés, éventrés, décapités. L'ancien bourgmestrede Stanleyville a été dépecé vivant à coups de baion-nette; son foie et son cæur ont été distribués à desrebelles que le chanvre avait rendus ivres. Les dalles quientourent le monument sont rouges encore du sang desvictimes, des essaims de mouches ont installé leurs nidsdans les pelouses environnantes tandis que des lam-beaux de vêtements

- chemises, pantalons, pagnes

aus5l -

sont accrochés, ensanglantés, dans les matitis.

En'face du monument : une grande villa qui a servi dequartier génêral aux jeunesses commandées par Gbenyeet Soumialot.

Les portes ont êtê, arrachées, les vitres n'existent plus,une partie du mobilier, éventré, gît dans les parterresde fleurs abandonnés depuis longtemps.

eollent sur leur visage mais elles ont les traits sereins;leur mort ressemble à un sommeil étrange. Leurspetites mains sont croisées sur la couverture grise; quel-ques gouttes de sang perlent à la commissure des lèvres.

Tous trois, nous nous sommes figés, comme si la dou-leur nous empêchait de parler, de bouger, de remuerl'air.

Je ne sais pas combien de secondes, combien de minu-tes, nous sommes restés là, pétrifiés et muets. La mortefface le temps, pour ceux qu'elle frappe et pour ceuxqu'elle nargue.

Je me souviens seulement d'un long, très long silence.Et puis d'une sorte de rupture, comme si nous voulionsbriser le maléfice, secouer le malheur, sortir d'un rêve.

Notre métier de journaliste -

donc de témoin - nousimpose des actes douloureux. Puisque nous étions là etque nous voulions que l'on sache ce que nous savions,puisque nous voulions témoigner de tant d'absurdité etde tant de souffrance, il nous fallait construire ce témoi-gîage, produire les pièces à conviction.

Tandis que Pierre Fannoy mettait au point sa lourdecaméta, Pierre Davister arma son Asahi-Pentax. Puis, ilme prit par la main et d'un geste de la tête, me désignale docteur Carlson et la petite fille. Davister ne dit pasun mot, mais j'avais compris ce qu'il attendait de moi.Il voulait que je me penche sur les deux cadavres pouréloigner l'essaim de mouches qui les entourait. Ce geste,je I'accomplis avec une émotion que je parvenais mal àcontrôler mais, surtout, avec une infinie tendresse.

C'était notre façon à nous de préserver la beauté dedeux visages morts auxquels nous liaient déjà une trèsétrange et très profonde connivence.

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Nous pénétrons dans la villa. Il n'y a personne maisnous sommes assaillis par une odeur fâde et écæurante :

celle de la mort. Des papiers jonchott le sol; des armoi-res baîllent; dans I'une d'elles, nous trouvons un cada-vre recroquevillé et sanguinolant. Les documents quenous ramassons portent tous le sceau de u l'état major del'armée populaire de libération nationale >. PierreDavister me montre I'un d'eux

- une copie au car-

bonne -

qui atteste que le missionnaire C... rêsidantau kilomètre I de la route de Buta

- est sourd et est

habilité à porter un appareil auditif pour mieux enten-dre.

La veille, hélàs, nous avons appris que le missionnaireC... avait été assasiné parce qu'il portait dans le creuxde l'oreille un appareil émetteur lui permettant decommuniquer avec d'autres espions...

D'autres documents dénoncent les nombreux viols com-mis par les soldats rebelles et demandent à la popula-tion de signaler aux autorités de pareils actes illégauxqui sont souvent commis par bon nombre de Simbas.

Nous trouvons également des journaux dans lesquelsles chefs rebelles annoncent que les Belges s'apprêtent àlancer une bombe atomique sur Stanleyvil/e et des tractsinvitant les simbas à se revêtir de la peau des blancs...

Nous quittons le quartier général des jeunesses rebellesdans I'espoir de rejoindre notre hôtel. Chernin faisant,nous sommes surpris par une fusillade particulièrementvive. Devant nous, une patrouille de I'armée nationalefait face à un assaut d'une bande rebelle. Les soldatsont pris place dans deux jeeps, munies de mitrailleuses.Les rebelles foncent sur eux, entièrement nus, coiffés depeaux de buffles et brandissant des fusils, des lances etdes arcs.

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Les mitrailleuses crachent leurs projectiles; je vois, àune cinquantaine de mètres de nous, un rebelle cisaillépar la rafale. Brusquement, son torse brun se colore derouge, puis tombe dans la poussière. Mais les jambes etune partie du tronc semblent se mouvoir encore surplusieurs mètres. Les cris d'agonie se vrillent dans lemur du silence.

Et cependant, nous ne sommes pas encore au bout dece calvaire, où I'horreur et la cruauté se chevauchentet se bousculent...

Nous sommes à peine rentrés à l'hôtel des Chutes lors-que nous apprenons que des coups de feu ont été tiréssur une patrouille de I'armée nationale, depuis les com-bles de la villa que nous venons de visiter. La patrouillea riposté en lançant plusieurs grenades offensives quiont provoqué l'effondrement du faux-plafond au dessusduquel plusieurs u simbas > s'étaient réfugiés.

Nous retournons au rond-point pour y découvrir unspectacle hallucinant. Les grenadès ont éventré littéra-lement la villa, obligeant une vingtaine de simbas àabandonner leur cachette. Blessés à mort, ils agonisentsur I'herbe dure des pelouses environnantes. La plupartd'entre eux bougent encore; ce sont de très jeunes genset je remarque qu'ils portent tous la culotte courte.

Un photographe français nous a suivis; il prétend tra-vailler pour un magazine parisien; il est grand, blond,élégant; il porte des grappes d'appareils photogra-phiques. Lorsqu'il apperçoit les mourants remuant aupied d'un bouquet de palmiers comme des poissons demer ramenés sur la berge, il se saisit d'un fusil automa-tique et se met à tirer à bout portant, sur les blessés.

Entre deux rafales, il pousse un juron parce que des

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éclats de cervelle sont venus s'écraser sur les objectifsde ses appareils.

Les balles font un bruit mat lorsqu'elles s'enfoncentdans les corps qui sursautent. Je bondis sur ce confrère-assassin, le prend à la gorge; et lui, me répète dans unhoquet, cette phrase démentielle : " je suis français,j'ai fait ça en Algérie, je fais ça ici u...

Comme dans un rêve, je vois Pierre Davister arracherle fusil des mains du forcené, jeter l'arme dans lesmatitis; puis il me prend par les épaules. Et nousrepartons, titubant d'horreur et de dégoût. ierre Davister, Pierre Fannoy et moi-même,

nous ne sommes pas les seuls à avoir vécu cesjours et ces nuits d'épouvante. D'autres confrè-

res ont été les témoins des mêmes drames ou de dramessimilaires et parmi eux, notre ami Jean-Marie van derDussen de Kestergat de La Libre Belgique.

Ces drames, nous avons dû non seulement les voir maisles regarder, parce que notre métier est de " vivre leschoses > avant de porter témoignage.

Nous avons vécu le drame de la rébellion, sur le terrain,dans l'odeur du sang et confrontés à I'horreur de lamort. Dès lors, que I'on veuille bien nous pardonner sinous méprisons ceux qui, dans le confort douillet deleur domicile bruxellois, ont encouragé, loué, exaltécette même rébellion, sans jamais prendre le moindrerisque.

Jules Chomé est de ceuxJà. Et je tiens à I'affirmerd'emblée : en tant que personne, Chomé ne nous inté-resse pas; il nous dégoûte.

Par contre, lorsque Chomé, par ses écrits, trahit lavérité,lorsqu'il s'en prend à ceux qui ont eu le courage

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d'être là et de faire quelque chose, lorsqu'il abuse denos témoignages pour servir ses haines et ses rancunes,alors nous éprouvons I'envie

- et nous avons le devoir

- de lui répondre.

Depuis quinze ans, cet écrivassier nous assomme de ses

libelles sordides. Depuis quinze ans, il déverse ses inju-res, ses accusations, ses crachats sur une histoire qu'ilne connait pas et sur des hommes qu'il n'a jamais tentéde comprendre ni de respecter.

Dans son dernier livre -

que, pour sa honte, FrançoisMaspéro a acceptê de publier

- Jules Chomé bat ses

propres records de vulgarité et de bêtise.

Mes confrères ont dit tout ce qu'il fallait penser de cetouvrage

- ou presque tout

-: qu'il était médiocre,

outrancier, méchant, incohérent, mal construit, inju-rieux, mauvais, inconsistant.

J'ajouterai, pour ma part, que l'ouvrage de Chomé estmalhonnête et qu'il est vulgaire.

Je sais que ces appréciations pourraient être tenuespour diffamatoires et c'est pourquoi, dès maintenant,je tiens à les étayer.

Je choisis, au hasard, trois passages du dernier livre deJules Chomé; un livre intitulé u L'ascension de Mo-butu >> et publié dans une collection que Maspéro

- est-ce par dérision ?

- intitule u cahiers libres u.

Un premier passage figure à la page 69 de I'ouvrage.

Il affirme qu'à l'époque de I'indépendance, Mobutu futun indicateur de la Sûreté belge et que ce fait estattesté par d'innombrables articles et livres. Chomé cite,

ECR]RE EST UN HONNEUR

en effet, des passages de plusieurs auteurs qui devraientlui donner raison mais qui, jamais, n'apportent lapreuve de ce qu'ils avancent.

Le procédé est odieux, même s'il risque de convaincreles amateurs de ragots. Au demeurant, si nous y prêtonsquelque attention c'est parce que nous n'excluons pasqu'un jour, un agent de la Sûreté fasse des o révéla-tions > confirmant, de façon rétroactive, ce minablebobard. Il se trouve toujours, parmi les fonctionnairesobscurs, des frustrés en mal de notoriété, des affabula-teurs, des mythomanes. A force d'entendre répéter que< Mobutu était un indicateur u l'un d'eux affirmerait-ilun jour en avoir la preuve, que cela ne nous étonneraitpas.

En fait, il faut savoir que la Sûreté belge mobilisa tousles agents dont elle disposait à I'occasion des deux tablesrondes belgo-congolaises qui eurent lieu à Bruxelles aucours du printemps 1960. A l'époque, les couloirs dupalais des Congrès étaient arpentés par des dizaines dejournalistes-marron et de conseillers-bidon, les uns com-me les autres travaillant u à la pige > pour la Sûreté duroyaume. Le cachet de ces messieurs était proportionnelau nombre de pages de leurs rapports; on les payait àla ligne...

C'est dire que tous les hommes politiques -

belges etcongolais

- qui participèrent à ces travaux, mais aussi

tous les vrais journalistes qui suivirent ies deux tablesrondes, ont figuré nommément dans les rapports destâcherons de la Sûreté. Par conséquent, il suffisait dedire tout haut une petite phrase, de formuler unemodeste réflexion, pour être cité dans I'un ou I'autrerapport et, partant, pour être considéré comme u indi-cateur >.

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devait être salué comme un succès inespéré par tous les

ennemis du Congo.

Pour preuve de ses allégations, Chomé cite un passage

d'un livre que j'ai eu l'honneur d'écrire en 1962 et quej'avais intitulé Mobutu I'homme seul. Yoici ce passage :

Le colonel Mobutu est écæuré. Sans consulter personneil donne ordre à ses'troupes de revenir à Léopoldvîlle.

Ce passage qui doit étayer le propos principal de son

ouvrage - l4 11 trahison > de Mobutu -

Jules Choméle cite en dehors de son contexte.

Aux pages Il4 et 115 de mon livre, j'avais raconté, en

effet, que Mobutu avait approuvé I'envoi de troupes àBakwanga, dans l'espoir de mater la sécession fomentéedans le Sud-Kasai par les partisans de Kalonji. Maisj'ajoutais que Mobutu ignorait la présence à Bakwangad'agents civils de la Sûreté nationale. Des civils quiallaient organiser un véritable pogrom. Des femmessont éventrées; Ies soldats pénètrent même dans lamaternité pour se livrer au carnage. Des enfants sontmassacrés à coups de baïonnettes : les ball'es sont troprares 'et :on les réserve aux adultes. On organise unevéritable chasse aux intellectuels et tous ceux qu'ondécouvre sont exécutés sur place. Mobutu reçoit plu-sieurs rqpports sur les atrocités de Bakwanga, dont l'unémane du président de la Croix-rouge tnternationale.(Jn mot revient constamment dans ces documents et illigurera plus tard dans le rapport de M. Hammarsk-

ioeld lui-même : gênocide. Le colonel Mobulu est

écæuré. Sans consuller personne etc......

L'historien Jules Chomé - on vient de le voir

- n'ss[

pas seulement un compilateur : c'est un escroc.

C'est pourquoi j'affirme -

sans risque de me tromperet sur base des critères qu'il applique aux autres

- que

Jules Chomé fut, lui aussi, un indicateur de la Sûretébelge.

Par le simple fait de communiquer avec des interlocu-teurs que nous ne connaissions pas toujours tous, nousfûmes tous des indicateurs. .. La chose est tellementgrotesque que nous relevons cette première allégationde Chomé par goût du folklore.

Par contre, un autre passage du livre de Chomé estfondamental et démontre, sur le fond comme dans laforme la malhonnêteté de son auteur.

Chomé consacre d'abord 56 pages à un réquisitoiremaladroit et bancal contre la colonisation belge avantl'indépendance et contre les derniers soubresauts decelle-ci au lendemain du 30 juin 1960. Son livre ayantpour but d'insulter \e général Mobutu, Chomé cherchele moyen de passer d'un problème général

- le néo-

colonialisrne de certains milieux d'affaires profondé-ment enracinés au Katanga

- à un problème plus par-

ticulier et plus personnel : l'attitude du général Mobutu,commandant en chef de I'Armée nationale congolaise.

Pour y. arriver, Chomé imagine de toutes pièces unesituation qui n'existait absolument pas en automne1960. Il prétend que l'Armée nationale congolaise étaitsur le point de mettre fin aux deux sécessions

- celle

du Sud.Kasai et celle du Katanga -

lorsque le généralMobutu rappela ses troupes à Léopoldville et laissa lechamp libre aux ( casques bleus u de I'ONU.

A la page 58 de son ouvrage, Chomé écrit que cerappel constituait évidemment une trahison et que i/

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ECRIRE EST UN HONNEUR

Un escroc et, de plus, un esprit vulgaire. Car s'il estune chose que Jules Chomé ne nous pardonne pas

- à

Davister et à moi-même -

c'est I'amitié que nous lieà Mobutu. Une amitié qui est née avant I'indépendance,dont I'acier fut trempé au feu d'événements souventtragiques et qui résista à toutes les tentatives de déni-grement et de diffamation.

En octobre 1961 déjà, Jules Chomé m'accuse dansRemarques alricaines d'être un ami intime de Mobutuet d'écrire sous sa dictée; en 1967, dans un petit ou-vrage intitulé Mobutu et la contre-révolution en Afri-que, il accuse Ie c'ouple Davister-Monheim d'avoit l'in-Tluence la plus néfaste sur les destinées du Congo et 1l

ajoute qùe une attitude ferme à l'égard de ces indésira-bles sera Ie critère auquel se reconnaîtra un gouverne-ment réellement indépendant... (ce qui est une curieusefaçon, soit dit en passant, de favoriser la liberté de lapresse).

Dans son dernier ouvrage -

le libelle publié par Mas-péro

- Chomé accuse Davister d'être passé avec armes

et bagages au service de Mobutu après avoir reç:u descapitaux très importants de Moïse Tshombe. Non seule-lement cette dernière assertion est-elle totalement faus-se, mais il faut rappeler que le journalisme avait rap-proché

- et lié

- Mobutu et Davister depuis 1956,

soit quatre ans avant f indépendance... Est-ce un crimeaux yeux de Chomé ? Et est-ce un crime, surtout, queles liens d'amitié entre un journaliste belge resté cequ'il était et un journaliste congolais, devenu présidentde la République du Zaïre, ait résisté à l'usure dutemps, des médisances, de la médiocrité jalouse dequelques chacals ?

De même, il faut noter qu'à la page 67 de son dernierlibelle, Jules Chomé croit me donner le coup de grâce

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en citant les sentimenls auxquels j'avais donné librecours à la fin de mon ouvrage sur Mobutu : Si, à tra-vers ces pages, I'admiration et l'alfection que je voueà Mobutu apparaissent, malgré tout, que mes lecteursveuillent bien me le pardonner. Je ne suis qu'un témoinmais personne ne peut m"empêcher de témoigner avecenthousiasme.

L'amitié, I'affection, I'admiration... Depuis quand cesmots sont-ils des injures ? Faut-il avoir honte de lesavoir prononcés, de les avoir écrits ? Quelle est cetteétange alchimie qui fait qu'un cerveau, qu'une bouchealtèrent et avilissent ce qu'il y a de plus précieux dansla vie d'un homme ?

Page 15: ecrire est un honneur (Davister-Chomé)

n février 1973, les étudiants africains de l'Uni-versité Libre de Bruxelles annoncent qu'ils ontinvité Jules Chomé à faire une conférence sur

u Mobutu et la contre-révolution en Afrique ,.

Le jour convenu, partisans et adversaires des thèses deChomé sont à leur poste, mais I'avocat n'y est pas.

Quelques minutes avant I'heure prévue, il fait dire partéléphone, qu'il est indisposé, qu'il ne sera pas là.

Adversaires et partisans se séparent, non sans avoirproclamé bruyamment leurs convictions.

Un an plus tard, les circonstances ont changé. Chomévient de publier son libelle chez François Maspéro.

Il faut que ce livre rapporte et il faut, par conséquent,que ce livre fasse du bruit.

Chomé accepte donc l'invitation qui lui est adressée parla section u tiers-monde " du foyer international desétudiants de Liège. Mais, dès qu'il s'empare du micro,ce jeudi 7 mars 1974, des étudiants zaïrois protestent.

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L'un d'eux , Mukuna Tshibombo, déclare qu'il seraitinconvenant que des étudiants zaïrois assistent au réqui-sitoire insolent que l'avocat bruxellois se propose deprononcer contre le président daZaire. Par conséquent,il invite ses compatriotes à évacuer la salle. Choméhausse les épaules, ricane et poursuit la lecture dutexte qu'il a pÉparé. C'est alors que Tshibombo monteà la tribune et qu'une brêve bagarre I'oppose à I'orateur.

Dans la confusion générale, Chomé encaisse un coupde poing, tombe puis retrouve ses esprits pour déclarerà quelques journalistes locaux : u Je ne comprends pas,je n'avais encore rien dit de méchant ". C'était oublierun peu vite - ou tenter de faire oublier - que lapublicité dont bénéficiait cette conférence avait étéaxée uniquement sur le tombereau d'injures que Chomé,par la grâce de Maspéro, versait sur Mobutu.

Quatre jours plus tard, Pierre Davister - rédacteur enchef de u Spécial v

- s'esfilne dans I'obligation, nonpas de justifier mais d'expliquer la réaction de Tshim-bombo et de ses amis.

Il connait parfaitement l'indignation que les Zaïroisont ressentie à la lecture des écrits de Chomé et il saitque ces Zakois n'ont pas I'habitude de cacher leurssentiments. Par conséquent, il fait remarquer qu'il seraitdifficile pour Jules Chomé << de continuer à insulterpubliquement le général Mobutu Sese Seko s'il veutgarder le faciès intact et connaître d'autres lits que deslits d'hôpitaux rr.

Bien entendu, Davister devine que Maspero et Choméveulent entourer la parution de ce méchant libelle d'unepublieité aussi tapageuse que possible. En fait, Choméencaisse les coups dans I'espoir d'encaisser le fric.

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Ce qui amène Davister à poser la question : ,, Maso-chisme ou évident besoin d'argent ? ,>. ,< De son pro-chain lit de souffrance, poursuit-il, s'i/ peut encoreécrire, s'il peut encore parler, Iules Chomé accepterasans doute de répondre. Sauf , bien'entendu, s'il nousfaut déplorer la mort du commis-voyageur >>.

Quelques jours plus tard, le président Mobutu quivient de rentrer d'un long voyage dans plusieurs paysdu Moyen-Orient, accuse la Belgique d'avoir une atti-tude équivoque dans cette affaire.

Il faut savoir qu'avant de partir pour les capitales ara-bes, le chef de l'Etat zakois a eu

- à Muniçfi

- un

long entretien avec Edmond Leburton, premier minis-tre, et Renaat Van Elslande, ministre des Affairesétrangères du gouvernement belge. Nos deux ministresont effectué ce déplacement dans l'espoir d'atténuer leseffets de la zaïrianisation sur les avoirs de nos compa-triotes et d'obtenir confirmation des commandes trèsimportantes que le Zake a confiées à l'industrie belge.

Les deux hommes sont revenus à Bruxelles, rassurés etsatisfaits, ce qui permet au président Mobutu de faireremarquer le 25 mars : " Iorsqu'il s'agit de discutermilliards, je redeviens aux yeux des autorités belgesle prêsident du Zaire, mais lorsque ie demande quecesse ce flot d'injures que l'on déverse impunément surma personne, je ne rencontre que le silence rr.

Il faut attendre une semaine encore avant que les auto-rités belges ne réagissent. Elles brandissent les grandsprincipes de la liberté d'opinion et s'en remettent auxautorités judiciaires. Cependant, le gouvernement con-sent à ajouter cette petite phrase : ... les autoritésbelges ont condamné dans le passé les actions imespon-sables de certains citoyens belges au Zaïre et regrettent

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et réprouvent auiourd'hui ce qui est de nqture à alfecterles relations belgo-zaïroises.

Notons, en passant, la tartufferie qui a inspiré la rédac-tion de ce document. Lorsque nos ministres parlent des

actions irresponsables de certains citoyens belges auZaïre, il ne peut évidemment s'agir de Me Chomépuisqu'il n'y a jamais mis les pieds; quant à la répro-bation de ce qui esl de nature à aflecter les relationsbelgo-zairoises, e)le est tellement vague, tellement peucourageuse qu'elle ne peut - en aucune façon -satisfaire les autorités de Kinshasa.

Le président Mobutu qui, lui, n'a pas I'habitude demâcher ses mots, fait remarquer que le document belgeconstitue une Tuite devant les responsabilités et la mani-f estation d' une hy pocrisi'e caractérisée.

Bref, les relations entre Kinshasa et Bruxelles se dégra-dent rapidement, alors que notre gouvernement auraitpu, très facilement éviter qu'il en fût ainsi.

Admettons même que ce gouvernement ne dispose pasdes moyens juridiques qui lui permettent d'interdirela vente du livre de Chomé. L'hypothèse n'est passolide, puisqu'il y a dix ans à peine, le gouvernementfaisait saisir un numéro du u Pourquoi Pas ? , sousprétexte qu'il contenait des injures à I'endroit du prési-dent Kasavubu; à l'époque, il faut le rappeler, la déci-sion fut prise par le ministre de la Justice, Pierre Ver-meylen, qui est socialiste et qui est, de plus, un desjuristes les plus éminents de notre pays...

Mais admettons donc que les choses aient changé, quela jurisprudence ait évolué avec I'esprit du temps, quela médiocrité génêrale de nos mæurs politiques aitentraîné la caducité de certaines de nos lois, bref, que

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le gouvernement se trouvât réellement désarmé sur leplan juridique...

Il ne l'était pas, pour autant, sur le plan politique.

Il aurait pu, par exemple, faire une déclaration publiquepour dénoncer le caractère diffamatoire, injurieux,indécent, odieux des écrits de Chomé. Il aurait pu affir-mer publiquement que ce livre portait atteinte nonseulement à la vérité historique la plus élémentaire maisaussi à l'amitié qui unit nos deux pays et dont le gou-vernement, précisément, se prétend I'artisan. Il auraitpu rappeler ce que la Belgique doit au présidentMobutu. Ripostant aux injures d'un irresponsable, ilaurait pu rendre un hommage officiel - et combienjustifié

- à un chef d'Etat qui a sauvé la vie de milliersde nos compatriotes, qui a préservé les bonnes relationsentre son pays et le nôtre en dépit de toutes lesincompréhensions, de toutes les embûches, de toutes lesingratitudes.

Voilà ce que le gouvernement belge aurait pu faire, aulieu de se voiler la face et de se cacher derrière le para-vent d'un juridisme qui veut que la liberté d'opinion se

réduise à la licence de mentir ou d'insulter.

Et qu'on ne vienne pas nous dire qu'une prise de posi-tion de ce genre eût été incompatible avec la notiondes affaires courantes. Lorsque MM. Leburton et VanElslande s'en allèrent à Munich, personne n'y vit d'in-convénients. Et puis, la défense et I'honneur du paysest un devoir tellement élémentaire qu'il doit transcen-der toutes les vicissitudes de la vie politique.

Le gouvernement autait dû s'en souvenir. Il ne I'a pasfait et il est donc responsable de ce qui arrive aujour-d'hui.

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Mais nous vivons en pleine absurdité; à tel point queplusieurs éditorialistes belges attribuent la responsabilitéde cette nouvelle crise entre Bruxelles et Kinshasa à

d'autres journalistes qui auraient voulu ( gonfler > ou.. exploiter " I'affaire Chomé. En particulier, ils accu-sent Pierre Davister...

On croit rêver ! C'est Jules Chomé qui insulte le prési-dent Mobutu; c'est le gouvernement qui manque de

courage et de dignité; mais c'est Davister que I'oncharge de tous les péchés d'lsraëI.

Ique et

I serait fastidieux d'énumérer tous les articlesqui prétendent endosser à Pierre Davister laresponsabilité de la crise actuelle entre la Belgi-

le Zaire.

Nous nous bornerons à analyser I'un d'entre eux parcequ'il est représentatif de la vulgarité et de I'hypocrisiede l'ensemble.

Il s'agit de l'éditodal publié le 27 mars par u La LibreBelgique " et qui prétend faire le procès o d'un certainM. Davister ,.

Comme cet article n'est pas signé, je suppose qu'il estde la plume d'un certain M. Daloze, qui préside auxdestinées de ce journal. Et nous allons voir que ceM. Daloze a la mémoire bien courte et la gratitudeplus courte encore.

Ce M. Davister, donc, fut le correspondant de " LaLibre Belgique " le 4 janvier 1959, lorsque le généralJanssens fit ouvrir le feu sur les nationalistes kinois quiavaient commis le crime d'assister à un meeting poli-tique...

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Gbenye,obtenir l'autorisation de voir les carabiniers et,si possible, de parler aux prisonniers.

A Léo, des amis européens tentent de le dissuader. Il luifont remarquer, selon leurs tempéraments, soit qu'ilprend des risques énormes, soit qu'il est complètementcinglé, soit encore qu'il ne verra Jes " huit " que lors-qu'il sera enfermé, lui aussi, à la prison centrale de

Stanleyville.

Mais Davister s'obstine. Il se rend dans la capitalerebelle, obtient une audience de Gbenye et finit par ren-contrer les " huit u qui lui confirment d'ailleurs qu'ilssont en bonne santé.

Un exploit, répétons-le, dont la presse, en Belgique etailleurs, fait largement état. Faut-il penser que M. Da-loze ne lit pas les journaux ?

Un exploit qui suscite un écho très particulier dansI'imagination fertile de Paul-Henri Spaak.

Lorsque Davister rentre à Bruxelles, il est reçu auministère des Affaires étrangères.

Vous avez eu des entretiens cordiaux avec M. Gbenye,tui dit en substance M. Spaak, vous connaissez parfaite-ment la situation qui règne à Stan, accepteriez-vous d'vretourner et de négocier, au nom du gouvernementbelge, la libération des huit carabinters ?

Davister accepte; le 3 juin, il se retrouve dans I'avionBruxelles-Léo ayant, comme il l'écrira plus tard, corn-me seule lronde et comme seul b'ouclier, le message de

Paul-Henri Spaak. Un message fait de mots fragiles etprudents. I'avais I'impression d'être tout nu...

Plus tard, u La Libre Belgique > eut encore l'occasionde reparler de ce journaliste qu'elle feint de mépriseraujourd'hui.

C'était au printemps et en été de I'année 1961, lorsquela province orientale ne reconnaissait plus I'autorité dugouvernement central de Léopoldville et que M. Gizen;ga

- un autre ami de Jules Chomé -

avait installé à

Stan un régime d'arbitraire et de terreur.

La terreur s'était accentuée encore, lorsqu'était parve-

nue la nouvelle de l'assassinat de Patrice Lumumba, parles autorités sécessionistes du Katanga. Dans la Provinceorientale, les arrestations, les brimades, les passages à

tabac étaient devenus le pain quotidien des Européenset, en particulier, des Belges.

C'est à cette époqueJà cependant, que Pierre Davisterdécida de se rendre dans la capitale de Gizenga. Pour-quoi ? Parce que le L3 janvier, huit carabiniers belges

en garnison au Rwanda s'étaient trompé de chemin,avaient traversé sans le savoir la frontière entre Rwandaet le Kivu et s'étaient retrouvés aux mains des soldatsgizengistes.

L'arrestation de ces huit miliciens avait suscité une

émotion considérable en Belgique et malgré toutes les

initiatives - incohérentes, il est vrai -

du gouve:rne-

ment Lefèvre-Spaak, la détention des o huit > risquaitde se prolonger de façon dramatique.

Fin mars, Pierre Davister effectue un reportage à

Léopoldville et c'est 1à qu'il décide de tenter ce que le

" Pourquoi Pas ? > qualifiera lui-même u d'exploit , :

aller à Stanleyville, tenter d'y renconter AntoineGizenga ou son ministre de I'Intérieur, Christophe

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Le 10 juin, il se retrouve sur le tarmac de Stan et, lemême jour, dans le bureau de Gbenye. Commencentalors de longues et pénibles négociations au cours des-quelles Davister ne doit pas seulement se méfier de lasusceptibilité et de la versatilité de ses interlocuteursafricains mais aussi des coups-fourrés de I'ONU et des

crocs-en-jambes de I'ambassade de France qui -

I'unecomme l'autre

- veulent s'attribuer le bénéfice exclusif

de la libération éventuelle des huit carabiniers...

Lorsque, dix jours plus tard, les " rivaux u du jour-naliste belge espèrent enfin lui avoir porté le coup deIarnac (le 20 juin, en effet, Davister est expulsé deStanleyville), la décision de Gbenye est prise : les mili-ciens belges seront rendus à leurs familles.

A Bruxelles, M. Spaak déclare à la tribune du Sénatque Pierre Davister a agi avec audace et courage; aùnom de I'opposition libérale, M. Hougardy se joint à

cet éloge gouvernemental: au mépris de sa propresécurité, ce iournaliste a mis au service d'une causeparticulièrement louable ses connaissances et son cou-rage. La Belgique accorde à Pierre Davister ce qu'elleréserve habituellement à ses < grands hommes , : la< une > de ses journaux, une décoration dans un ordrenational, un dîner au Cercle Gaulois, des réceptionsauxquelles se presse le tout-Bruxelles.

Il est possible évidemment que M. Daloze n'y fût pasinvité. Qu'il se console, la prochaine fois il recevra sonbristol. ..

Où les choses se corsent, c'est lorsque le même édito-rialiste écdt: on ne peut que regretler de voir certainspersonnages prendre le risque de compromettre lesrelations entre la Belgique et Ie Zaïre pour satisfaire

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des rancwrcr personnelles. Me lules Chomé et M. Da-vister sont de ceux-Ià.

Que Jules Chomé en soit, il faudrait être aveugle pourne pas s'en rendre compte. Voilà bientôt quinze ans quecet avocat utilise toute sa hargne, toute sa méchanceté,tout son fiel pour empoisonner I'existence de la coopé-ration que des hommes de bonne volonté

- qu'ils

soient Belges ou Zaïrois -

tentent de préserver et derenforcer entre les deux pays.

Or, si u La Libre Belgique u possédait une once d'objec-tivité, elle serait obligée de reconnaître que PierreDavister est de ceux-ci, qu'il n'a jamais cessé de l'être etqu'il le fut contre vents et marées môme

- et surtout -dans les circonstances les plus difficiles.

Je viens de rappeler I'affaires des carabiniers. Je vou-drais rappeler aussi un autre souvenir que je conserveprécieusement et que, dans les circonstances actuelles,il me parait bon d'évoquer.

C'est à Stanleyville également, le 24 novembre 1964,au cours de la nuit d'épouvante décrite au début de cepetit ouvrage, que nous décidâmes, Davister et moi, decréet << Spécial >. Notre rêve était celui de tout jour-naliste : qéer un grand hebdomadaire d'information;mais notre but était aussi de mettre cet hebdomadaireau service d'une idée qui nous était infiniment précieuseet qui, cette nuitlà, paraissait gravement compromise :

I'amitié entre la Belgique et le Zaïre.

Nous mesurions alors combien la tâche serait difficile;mais devant ces victimes noires et blanches, que lamort unissait au terme d'une tragédie démentielle, nousdécidions de poser un acte de foi, nous faisions le ser-ment de ne pas désespérer.

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qui se battront jusqu'au bout pour défendre une certaineconception de I'amitié entre deux peuples libres etégaux.

C'est à tous ceux-là que je pense en écrivant ces lignes.Aux obscurs comme aux notables; à ceux qui travaillentdans I'anonymat et à ceux que tout le monde connait;aux anciens missionnaires qui se sont mis au service del'église nationale du Zaïre; aux médecins qui ont refuséde quitter leurs hôpitaux de brousse; à un Benoît Ver-haegen qui, depuis quinze ans, enseigne à Kinshasa età Kinsangani, malgré les sarcasmes de quelques intel-lectuels de gauche qui n'ont jamais eu le courage de se

mouiller; au professeur Doucy qui, dans des circonstan-ces extrêmement délicates, réussit à sauver les relationsentre Bruxelles et Kinshasa, dont il reste l'éminentdéfenseur; au ministre Alfred Cahen dont I'intel-ligence souriante vint à bout, pendant dix ans, deslacunes et des maladresses de notre diplomatie et quela mesquinerie

- qui a rang d'institution, rue des

Quatre-Bra5 - ylslf d'écarter de Kinshasa; à cet offi-

cier -

que les usages m'interdisent de nommer ici -et qui a mis toute sa vie au service de sa patrie d'adop-

tion; à ces capitaines d'industries -

car il y en a quel-ques uns malgré tout

- qui ont compris que l'élabora-

tion d'une nouvelle économie zaïroise devait avoir lepas sur leurs intérêts; à ce fonctionnaire de la coopéra-tion qui m'écrit spontanément : < vous ne direz jamaisavec assez de force que Mobutu a donné à son peuplela seule arme qui puisse assurer son développement etqui est la fierté d'être zaïrois, d'être africain ,.

Je pense à tous ceuxlà et à tant d'autres. Je connaisleur enthousiasme et leur obstination. Et je dis, pourI'honneur de mon pays, que cette obstination et que cetenthousiasme pèseront plus lourd que les écrits dequelques nabots.

Depuis lors, que d'articles écrits pour présenter les cho-ses sous leur jour véritable; que d'articles écrits pourcombattre les campagnes de haine, les provocations, lesmensonges systématiques; que d'articles écrits pourrépondre aux paniquards, aux revanchards, aux charo-gnards; que d'articles décrivant les efforts de tout unpeuple

- et de son chef

- pour sortir du marasme,

pour vaincre les convulsions d'une décolonisationbâclée, pour retrouver son indépendance, son identité,sa dignité, pour devenir en moins de neuf ans

- c'est

en novembre 1965 que le général Mobutu vint aupouvoir

- une grande nation africaine, une grande

puissance du tiers-monde.

Mais depuis lors aussi, en contre-partie, que d'attaquesmesquines, que d'insinuations malveillantes, que desous-entendus sordides, que de bave, que de venin !

Pourtant, si c'est là le prix qu'il faut payer, pour conti-nuer de parler du Zafue en termes réalistes et construc-tifs, que les Chomé, les Daloze, les scribouillards deu Pan ', en fassent leur deuil : nous le payerons.

Qu'ils en fassent leur deuil et qu'ils se consolent : ilsauront d'autres occasions de vilipender un certainM. Davister...

Mais qu'ils sachent aussi que Rous ne sommes pas seuls.

Qu'il y a une grande partie de l'opinion belge quidécouvre progressivement leur supercherie. Que des

milliers de Belges, connaissant l'état dans lequel nousavions abandonné le Congo, mesurent le chemin par-couru par le Zafte. Qu'il y a, au cæur de I'Afrique, des

centaines de nos compatriotes qui entendent resterfidèles à leur seconde patrie même si les choses devien-nent difficiles, qu'il y a en Belgique même des hommes

Page 22: ecrire est un honneur (Davister-Chomé)

u cours de son assemblée générale du 30 mars1964, I'Union professionnelle de la presse belgeadopte une motion qui condamne Pierre Davis-

ter pour l'article dans lequel il relatait I'incident provo-qué à Liège par la présence de Chomé. (1)

Cette motion me sidère d'autant plus que je sais ce queles dirigeants de cette Union ont fait

- en d'autres

circonstances, il est vrai -

pour valoriser notre profes-sion, pour en garantir l'indépendance et pour en fairereconnaître la dignité.

Ayant pris conna:issance de I'éditorial de M. PierreDavister paru dans Spécial du 13 mars 1974, sous letitne << La Chute de lules Chomé 'r, l'Union profession-nelle de la presse belge constate que M. Davister amanqué fondamentalement aux règles déontologiquesqui d'oivent régir l'exercice de Ia profession de iourna-liste. Elle souligne combien cette attitude est de natureà compromettre gravement Ia réputation de I'ensemblede la presse belge.

(I) Il est consternant de devoir constater que cette motion a étéadoptée par 223 voix contre une et huit abstentions. Mais il estsignificatif, sans aucun doute, que le vote négatif émane d'un desdoyens.de notre profession, dont I'indépendanèe d'esprit, la probitéprofessionnelle et le courage intellectuel sont exempfaires.

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A plus d'un titre, ce texte me parait franchement ahu-rissant.

Et tout d'abord, quel est ce tribunal qui condamne -sans même I'avoir entendu

- celui qu'il prétend

juger ?

Que Pierre Davister ne soit pas membre de I'Union,importe peu en I'occurrence. D'ailleurs, le serait-il qued'aucuns lui en feraient le reproche: I'Union ayantpour raison d'être de défendre les intérêts syndicaux desjournalistes, il est préférable que les propriétaires dejournaux n'en fassent pas partie. Il arrive cependantque des ( patrons > continuent d'exercer leur métierd'écrire; c'est incontestablement le cas de Davister.

Dès lors, comment comprendre -

comment admettre

- qu'une assemblée de professionnels ne convoque pas

un des siens, ne I'invite pas à s'expliquer, à se défendre,avant de le juger ?

En second lieu, la motion de I'Union professionnelleconstitue une ingérence intolérable dans une affairejudiciaire.

En effet, dès le lendemain de la parution de I'article dePierre Davister, Jules Chomé annonce qu'il entendpoursuivre le rédacteur en chef de u Spécial > pourprovocation à attentat et menaces sous condition.

Se taillant un joli succès parmi les gens de robe quiarpentent la salle des pas-perdus de la place Poelaert,Jules Chomé affirme même qu'il va traîner PierreDavister en Cour d'Assises. Le 2O mars, Me Chomédonne le feu vert à ses amis chroniqueurs judiciaires :

ils peuvent annoncer la nouvelle. Et va pour la courd'Assises !

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Dès lors, la motion adoptée par I'Union professionnelledix jours plus tard, apparait d'une rare inconvenance.On imagine I'usage que l'avocat de Chomé pourra enfaire, lorsqu'il s'agira de plaider...

L'affaire est d'autant plus scabreuse que, d'un point devue strictement juridique, l'article de Davister ne con-tient rien de répréhensible. Il ne suggère rien, nesouhaite rien : il prévoit. Davister évoque l'éventualitéde la mort du commis voyageur mais c'est pour /adéplorer. Ce sont ces mots-là qui figurent dans le texte.

Bien entendu, les défenseurs de Me Chomé soutien-dront-ils une thèse différente, se plaçant au niveau desintentions, des intonatons, des ellipses, bref, de ce qu'ilfaut lire entre les lignes. C'est, sans doute, leur droit etc'est, de toute évidence, leur affaire. Mais fallait-il pourautant que I'Union de la presse leur tende la perche,leur facilite la tâche, bref, prenne position dans uneaffaire qui

- si elle concerne la liberté d'expression

dont se réclame Jules ChomS -

çsnçs1ne également laliberté de la presse dont se prévaut Pierre Davister ?

Enfin, il est une question que je ne puis m'empêcher deposer. L'Union professionnelle accuse Davister d'avoirmanqué fondamentalement aux règles de la déontologie.

Quelle déontologie ?

Celle de la prudence ou celle de l'engagement ? Celleque l'on se mitonne dans la quiétude des salles derédaction ou celle que l'on se forge sur le terrain ?

Celle qui est enfermée dans des textes de loi ou cellequi est libre comme la vie, comme I'action ?

J'ai toujours pensé que le journalisme était un métier

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difficile dans la mesure où il consiste à témoigner;c'est-à-dire, de connaître et ensuite, d'exprimer ce que['on connait.

On dit généralement que notre premier devoir est d'êtreobjectif. Après avoir exercé ce métier pendant vingtans, je crois pouvoir dire que ce n'est pas tout à faitexact. Tout simplement parce que l'objectivité meparait impossible.

Le journaliste n'est pas un historien, même s'il estplongé dans I'histoire immédiate. Sa première tâche estde vivre dans le concret, de côtoyer des hommesvivants, de réagir en homme vivant à des situationsconcrètes. Même s'il voulait être objectif, le pourrait-il ?

Je ne crois pas.

Par contre, il a le devoir d'être honnête. L'honnêteté,voilà notre tâche première. Nous ne pouvons pas trahir,ni ceux dont nous parlons, ni ceux auxquels nous nous

adressons; et nous ne pouvons pas nous trahir nous-mêmes, en tombant dans les pièges de l'écriture.

Mais je pense aussi que ce devoir fondamental - celuide I'honnêteTé - s'accompagne d'un double droit : ledroit à f indignation et le droit à I'enthousiasme.

C'est de cela qu'il s'agit dans I'affaire qui nous occupe.

Dans nos journaux, on a beaucoup médit du Zaire etde ses dirigeants. La plupart de ces articles négatifsétaient écrits par des gens qui n'avaient jamais mis lespieds à Kinshasa; d'autres séjournèrent at Zdire letemps qu'il fallait pour habiller leurs préjugés et leursparti-pris des oripeaux de la véracité.

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prolongés, étalés dans le temps et dans l'espace, ceux-làont une opinion très différente.

Hélàs, nous ne fûmes qu'une douzaine à suivre réguliè-rement, sur le terrain, les évènements des années som-bres que le Congo connut entre 1960 et 1965. Et depuisque le général Mobutu a pris le pouvoir, nous ne som-mes plus que cinq ou six, en vertu du principe regretta-ble qui veut que le métier d'envoyé spécial s'accomodedes guerres et des drames, mais perd sa raison d'êtrelotsqu'un pays retrouve la paix et la prospérité. (1)

Depuis quinze ans, qu'avons nous vu - et vécu - auCongo, puis au Zaire ?

Dans un premier temps, des sécessions, des luttes fratri-cides, des interventions étrangères, des trahisons, desdéchirements, des défaites diplomatiques.

Et pourtant, à l'époque déjà, un homme seul fait frontdevant tant de malheurs. Au lendemain même de sonindépendance, la jeune république se trouve brusque-ment privée d'une armée disciplinée, amputée de saprovince la plus riche, abandonnée par quatre-vingtpour cent de ses cadres administratifs. Par son extra-ordinaire sang-froid, sa force de persuasion, un labeurincessant, Mobutu réussit - en quelques mois - àconjurer la mutinerie, la panique, le désastre écono-mique.

En 1961 et 1962, le chef de I'armée congolaise livre unlong combat contre la sécession katagaise et les impé-rialistes qui la soutiennent. Finalement, il en vient àbout.

(l) Actuellement, il n'y a pl:us qu'un serrl journaliste belge quiréside en permanenoe au Zaïre: Omer Marchal, envoyé spécialpermanent de n SÉcial ,.Ceux ont effectué, au Zaire, des séjours fréquents,

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En 1963 et 1964, il doit affronter une rébellion san-glante qui frappe tour à tour le Kwilu, le Kivu et laProvince orientale. La lutte est inplacable mais, unefois de plus, Mobutu force la victoire et sauve I'unitéde son pays.

Pendant toutes ces années, iI a eçpéré que les hommespolitiques enterrent leurs querelles, renoncent à leursdivisions, organisent I'Etat. En vain.

En novembre 1965, l'armée congolaise constate lescarences et les errements de la classe politicienne.

Le 24, elle confie le pouvoir au général Mobutu.

Depuis lors, les évènements ont subi une accélérationvertigineuse.

Sur le plan politique, le président Mobutu réussit àforger une conscience nationale pour ce peuple dontnous avions dit si souvent qu'il était composé d'unemultitude d'ethnies. Il crée des institutions solides pource pays qui s'était balkanisé, deux ans plus tôt, en plusde vingt n républiquettes >. It rétablit I'ordre et la sécu-rité dans des régions que les luttes tribales et les ambi-tions personnelles avaient déchirées. Il veut que leZaire puisse disposer d'un bureau politique qui décide,d'un conseil exécutif qui gouverne, d'une assembléenationale qui réfléchisse, d'un parti qui anime. Et il yréussit.

Sur le plan économique, le président Mobutu natio-nalise les ressources naturelles, met fin au pillage deson pays par les sociétés multinationales, rend vigueuret crédit à une monnaie qui s'était littéralement effon-drée, encourage la création de tout un réseau d'indus-tries de transformation et d'entreprises de services, veuttransformer I'agriculture coloniale en cultures vivrières,

enfin, par la zaïrianisation, entend confier l'ensemble dusecteur économique à des nationaux zaïrois.

Sur le plan culturel, le président Mobutu crée l'univer-sité nationale, encourage les églises à se rapprocher desvaleurs authentiques du peuple, appelle à une réformeradicale de I'enseignement afin qu'il soit mieux adapTéaux réalités nationales, invite tous les Zaïrois à sedébarasser des aliénations coloniales et à retrouver leuridentité profonde.

Sur le plan international enfin, alors que le Congo étaitdevenu l'homme malade de l'Afrique, le Zifue estaujourd'hui une des nations-pilotes du tiers-monde.Le président Mobutu à joué un rôle déterminant sur leplan de I'unité africaine et il est un des grands artisansde la solidarité entre I'Afrique noire et les pays arabes.Avec les présidents Kaunda et Nyerere, il â pris la têtede la lutte contre le colonialisme portugais, le racismerhodésien, I'impérialisme sud-africain. Il a su établir desrapports d'un type tout nouveau avec la Chine popu-laire mais il n'a pas rompu, pour autant, ni avèc

-les

Etats-Unis d'Amérique, ni même avec l'Union sovié-tique. Dans les capitales européennes, il s'est imposécomme un interlocuteur de tout premier plan. Dans lesconférences internationales

- Organisation de I'Unité

Africaine, sommet des non-alignés, assemblée généraledes Nations-Unies

- il est un des leaders les plus

écoutés de ce monde nouveau qui entend faire respeiterses droits face à I'impérialisme et à la domination éco-nomique. Il est, avec le président Boumediène et leshah d'Iran, de ceux qui veulent remplacer les rapportsde pillage par des rapports de coopération.

Voilà l'homme qui préside aux destinées du Zaire etvoilà l'énumération très succinte des évènements aux-quels nous avons assisté.

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Et l'on voudrait nousthousiasme ?

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d'en parler avec en-

Et I'on voudrait condamner I'indignation qui nousenvahit lorsque nous lisons les écrits de ceux qui

- par

pure bêtise, par pure ignorance ou par pure méchan-ceté

- insultent cet homme-là, le traînent dans la

boue, I'accusent des pires turpitudes ?

C'est que je reviens à I'affaire Chomé-Davister.

Parce que je comprends mieux que quiconque l'enthou-sias'me de celui qui fut le témoin le plus assidu et leplus proche de la renaissance zaïroise, je comprendsaussi mieux que quiconque, son indignation. Je lacomprends et je la partage. Et je comprends que dansun article, concernant les écrits de Chomé, il utilise desexpressions que d'aucuns jugeront passionnelles et d'au-tres malhabiles. Peu importent, après tout, les sensibi-lités et les sensibleries. Ce qui compte c'est que dansnotre monde d'allusions prudentes et d'euphémismesIénifiants, un journaliste puisse encore veuilleencore, ose encore

- dire ce qu'il pense et l'écrire sans

fard.

Voilà notre déontologie. Et il me semble qu'elle en vautbien d'autres.

u'ils soient de gauche ou de droite, les nostal-giques du Congo Belge ont en commun lahargne dont ils poursuivent les Zaïrois et leurs

dirigeants.

Les nostalgiques de droite ne pardonnent pas à cesdirigeants de les avoir dépossédés de leurs privilèges.économiques. Les nostalgiques de gauche de leur avoirenlevé le privilège de penser à leur place.

Cela se vérifie pour le Zaïre comme cela se vérifie pourI'Algérie.

Une partie de la gauche française, qui s'était montréefavorable à la lutte de libération nationale

- et qui,

parfois même, I'avait soutenue activement -

ne cessede critiquer I'Algérie indépendante et insulte, en parti-culier, les hommes qui depuis le 19 juin 1965, présidentà son destin.

Il faut noter ici que le régime du président Mobutu estattaqué uniquement par des ( progressistes ) belgesalors que le régime du président Boumediène I'est uni-quement par des ( progressistes " français.

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Cela nous confirme dans la conviction qu'il s'agit cha-que fois d'un phénomène de post-colonialisme intellec-tuel. Dans un cas comme dans I'autre, ces censeursu durs et purs > sont des colonisés du cerveau. Qu'ilsparviennent à entraîner dans leur sillage quelques étu-diants expatriés ou quelques opposants politiques nechange rien aux faits. A chacun ses harkis !

Cette attitude de dénigrement systématique procèded'un mépris très profond et même d'un certain racisme.

Lorsqu'elle est le fait de journalistes, elle leur permetd'écrire n'importe quoi, sur base de ( sources générale-ment solides )) ou de u rumeurs émanant de milieux bieninformés " dont la nature n'est jamais précisée.

Prenons un exemple concret et récent, qui concerneprécisément le Zaire. Dans son numéro du 5 mars der-nier, le u Journal d'Europe > annonce I'arrestation ducommandant en chef de I'Armée zaïroise, le capitaine-gén&al Bumba-Moasa. Information qui ne repose suraucun fondement et que le capitaine-général démentiraquelques jours plus tard en venant lui-même à Bruxel-les. Mais le petit frère hebdomadaire du u Soir ,, nes'arrête pas en si bon chemin. Dans le même article, eneffet, il écrit que le décès du directeur politique duMPR, Mandrandele-Tanzi, ne serait peut-être pas toutà fait naturel.

Et voilà. Cette information est lancée sans la moindreprécision, sans la moindre preuve, sans indiquer lamoindre source et même sans porter de signature.

Imagine-t-on le u Journal d'Europe > écrivant que lamort du président du Sénat belge, Paul Struye, ne seraitpeut-être pas tout à |ait naturelle ou que le décès duprésident de la République française, Georges Pompi-

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dou, pourrait être dû à une cause qui ne serait pas lamaladie ? Poser la question, c'est y répondre. Et laréponse est négative.

Le président Struye était Belge et il est mort en Belgi-que; le président Pompidou était Français et il est morten France. Mandrandele-Tanzi,lui, était Zaîrois, et ilest mort au Zaïre. Dès lors, aux yeux de certains, toutesles insinuations sont permises, tous les ragots, toutes lesmalveillances. La déontologie journalistique là-dedans ?

Pas d'importance ! On nous dirait que l'auteur de ceslignes

- qui ne respecte même pas la mort d'un hom-

me pour la seule raison que cet homme est noir -

onnous dirait que cet auteur a voté la motion de I'Unionprofessionnelle condamnant Pierre Davister, que celane nous étonnerait pas. Pire : cela procéderait d'unecertaine logique...

La hargne et les sarcasmes avec lesquels certains u spé-cialistes > ont accueilli la politique d'authenticité lan-cée par le président Mobutu, est sans doute de lamême veine.

Que les Zaïrois appliquent des critères qui ne sont pasles nôtres, inventent des catégories qui ne sont pasles nôtres, retrouvent des valeurs qui ne sont pas lesnôtres, cela parut invraisemblable, intolérable même,aux yeux de certains ( penseurs ).

Cette réaction relève d'ailleurs d'une attitude beaucoupplus générale qui veut que l'Afrique centrale n'ait pasde pensée propre et qu'elle soit incapable de définirpour elle-même un système de valeurs"

D'où la justification fallacieuse donnée pendant silongtemps à la colonisation : notre but n'était pasd'exploiter les ressources naturelles de I'Afrique, ilétait de " civiliser " les Africains. . "

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Ce respect-là nous amène à comprendre le sens profondde cette première mesure, prise dans le cadre de lapolitique d'authenticité: la substitution des noms. I1s'agissait de faire comprendre à des hommes souventpeu cultivés, qu'ils avaient une culture; de les convain-cre qu'ils devaient se libérer de la forme la plus abjectedu colonialisme: celle qui consiste à conquérir les âmes;de les amener à poser un acte personnel qui les rappro-che de leur identité réelle; de les inciter à retrouver leurdignité, leur originalité; en un mot, de les aider à êtreeux-mêmes.

Comme tant d'autres, Jules Chomé est de ceux quin'ont pas pu

- qui n'ont pas voulu

- comprendre

cela. Le sous-titre de son livre l'indiqte: du sergentI,oseph-Dêsiré... Comme si Mobutu (qu'un règlementimbécile de l'administration coloniale ernpêchait d'avoirun grade supérieur à ce grade-là) était responsable de ceprénom imposé par les missionnaires... Si Chomé avaitlu honnêtement le livre que j'ai écrit sur Mobutu en1962, il aurait peut-être retenu ce passage : on lui donnaun d'ouble prénom : Ioseph-Désiré et son père y aioutale nom de Mobutu pour faire honneur à l'oncle guer-rier.L'authenticité déjà ! Parce qu'elle n'est pas I'inven-tion d'un régime, parce qu'elle répond au génie sécu-laire d'un peuple.

Un peuple dont Mobutu est le fils avant d'en être lechef. Et qui

- pour son bonheur et par fidélité

- le

reconnaît comme tel.

Ce complexe de supériorité imbécile n'a pas disparuavec I'accession de l'Afrique à son indépendance poli-tique : bien au contraire. Très souvent, il cache unevulgarité intellectueile ahurissante et, de toute façon,une méconnaissance totale des valeurs culturelles desAfricains.

Faut-il rappeler comment fut reçue, ici, la décision duprésident Mobutu d'inviter ses concitoyens à échangerles prénoms que les missionnaires ou les administrateursleur avaient imposés, contre des noms appartenant auxtraditions et aux langues du Zaïre?

Que de commentaires désobligeants, que de sous-enten-dus malveillants et, même, que de plaisanteries de corpsde garde. .. Pire

- et c'est cela qui est franchement

infâme -

que de fausses traductions de la part deprétendus linguistes, que d'interprétations fallacieusesdans la bouche de pseudo-ethnologues ! Que de phrasesdans le genre de celle-ci : ( ce nom-là, savez-vous ceque cela veut dire ? moi je le sais ! u, suivies de préci-sions grotesques et farfelues.

Quelle dérision et quelle honte ! C'est à ce moment-là,sans doute, que j'ai le plus ressenti la bassesse et labêtise dont certains sont capables, qui prétendent con-naître I'Afrique etle Zaire et qui ne cessent de répéter :

u ces gens-là, je les connais, je sais comment les pren-dre, au fond je les aime bien u.. .

Mais vous ne les respectez pas, salauds, alors que c'estçsln

- et rien que cela

- qui importe. Le respect,

c'est-à-dire, la déférence; la certitude d'être égaux mêmesi I'on est différents; la volonté de connaître I'autre pourlui-môme; le sentiment profond d'appartenir à la mêmerace qui transcende les races.

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POSTFACE

A propos de l'affaire Chomé-Davister, j'ai dit ce quej'avais à dire. Mieux

- ou pire ?

- je I'ai écrit.

Que les esprits soupçonneux se rassurent : je ne fais pas

partie de la rédaction de u Spécial " et je ne suis pasappointé par la société qui édite cet hebdomadaire.J'ai quitté la rédaction de " Spécial , il y a cinq ans,pour des raisons personnelles. Je suis un homme libreet c'est de cette liberté-là que j'ai fait usage dans lespages qui précèdent.

Je n'ai pas montré ce manuscrit à Pierre Davister, nià son avocat, ni à aucun de ses proches. En fait, je nel'ai montré à personne et je n'en aurais d'ailleurs pas eule temps : je l'ai écrit d'un trait, en deux jours, puis jeI'ai remis à I'imprimeur. (1)

J'espère que ces pages puissent contribuer à cerner lavérité dans une affaire qui a soulevé tant de passions,

tant de malentendus, tant d'hypocrisies.

(l) Si j'ai eu I'occasion de publier cette plaquette - et de la

publier en un temps si court - je le dois aux encouragements et

aux appuis de quelques amis, parmi lesquels je cite avec plaisirAndré et Rayrnond Naumann des éditions Dereume.

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J'espère qu'elle puissent servir un métier que j'aimepar dessus tout et qui fut mis en cause ces jours-ci.

J'espère qu'elles puissent faire mieux connaître l'actiond'un homme qui a fait d'un pays à la dérive, une grandenation.

Mais la franchise exige son tribut. J'en mesure tout lerisque. L'enthousiasme dérange, f indignation indispose.

On ne prend pas position impunément, surtout lors-qu'on le fait par écrit.

Je devine quels seront, demain, les reproches qui meseront adressés. J'imagine les procès d'intention qui meseront faits, le doute que feront planer certains de mesconfrères sur les mobiles cachés, sur les motivationsréelles de ma démarche.

Auraient-ils oublié - ceux-là - qu'écrire est un hon-

neur ?

Francis Monheim

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