Ecrit Oral

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  • 7/23/2019 Ecrit Oral

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    Post-face : oral et crit, inclusions et modlisationsrciproques, in L oral dans lcrit, Colloques dAlbi, 15 p.,2001.

    POST-FACE :

    LORAL & LECRIT,

    INCLUSIONS ET MODELISATIONS RECIPROQUES

    IntroductionTenter la synthse dun colloque est une gageure, mais aussi

    un geste smiotique convivial lgard des participants : un geste derestitution et de relecture, mais soumis un point de vue, uneinterprtation la recherche dune cohrence transversale, maiscontrainte par une coute attentive. Cen est une autre, peut-treinsurmontable, que de faire partager ce point de vue et cette synthse ceux qui nont pas suivi le colloque, qui nont pas entendu lesinflexions ou les hsitations que chacun des communicants aexprimes en prsentant sa propre contribution. Essayons pourtant

    Celui qui intervient aprs-coup recueille un ou plusieurs effetsdensemble. Leffet principal de ce colloque pourrait tre dfini ainsi :dans le jeu dinclusions multiples qui lassocient lcrit, loral

    devient un modle pour comprendre le discours crit. En tant quemodle, il est porteur dun ensemble de schmes explicatifs, de

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    reprsentations sociales et de paramtres observables qui valent alorscomme explication de lcrit.

    On pourrait poser le problme autrement, dans le langagetechnique de la smiotique : lensemble de ces proprits observables,et des contenus des reprsentations socio-culturelles associes, sont

    distribues dans le discours crit, o elles forment une smiotiqueconnotative, parfois mme les lments dun style, et le travail ducommentaire, lanalyse qui en est faite, convertissent peu peu cettesmiotique connotative en un modle interne, qui merge comme uneautre explication. En ce sens, loral dans lcrit nest quune desmultiples formes de lhtrognit textuelle, pose par Hjelmslev,notamment, comme point de dpart pour sa typologie des smiotiques.

    Tout au long de ce colloque, la relation entre loral et lcrit at travaille, dplace, spcifie, retourne, et les distinctions ontfleuri : oraliturevs littrature; scriptoralit vs oralcriture;parlvs chant; rap vs chant. Dautres notions attendent encore leur

    contraire, comme par exemple : oralographiquevs ??? La plupart deces termes sefforcent de saisir une impuret, un mlange porteurdaxiologies spcifiques. Loralit elle-mme apparat finalementcomme un ensemble de proprits associes loral, mais pouvanttre considres indpendamment de lui, et notamment dans lcrit.

    Globablement, en somme, lensemble des contributionssefforcent de dtacher loralitde loral, de la plonger dans lcrit, etdobserver, dans le dtail, les formes impures qui en rsultent. Mais,une fois plonges dans le texte crit, ces formes doralit nont plusrien doral : nous sommes bien dans lordre de la simulation et de lamodlisation.

    Les lments de la problmatiqueObserver et saisir loral et lcrit, dans leurs inclusions

    rciproques, oui, mais quel niveau de pertinence ? Celui de codeslinguistiques ? Celui de leurs rgimes dnonciation respectifs ?Celui des types de discours qui leur sont propres ? Celui des genres ?Celui des modalits et des supports smiotiques ?

    Du ct des codes linguistiques, il faut supposer quil y auraitdes sous-systmes ou des usages du schma de la langue, voire des

    dialectes et des vernaculaires, spcifiques de loral ou de lcrit. Maisla socio-linguistique a montr que la variation des usages et des

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    vernaculaires ne recoupe ni ne confirme la distinction entre oral etcrit, et quelle renvoie plutt des variations de la reprsentation quele locuteur/scripteur se fait de sa propre position dans la stratificationsocio-culturelle.

    Du ct des rgimes dnonciation, il faut distinguer deux

    approches possibles. Sil sagit de la gamme des rgimesdnonciation socialement marqus, alors on retombe dans ladifficult prcdente : ces rgimes (par exemple le code restreint etle code labor de B. Bernstein) ne peuvent pas fournir de critresdistinctifs pour loral et lcrit, car ils reposent sur des distinctions quiles traversent de part en part : on peut pratiquer un code restreint lcrit, et un code labor loral. Mais si, par rgimesdnonciation , on entend des types dexpriences diffrentes,reposant elles-mmes sur des dispositifs perceptifs et

    phnomnologiques diffrents, alors on anticipe sur la question desmodalits smiotiques, sur laquelle on reviendra tout lheure

    La typologie des discours, et notamment les syntaxesspcifiques qui les caractrisent (par exemple : le discours didactique,le discours potique, ou le discours juridique) ne permet pas non plusune franche distinction entre loral et lcrit, puisque ces syntaxes

    peuvent former aussi bien des discours oraux que des discours crits.La classification des genres semble plus opratoire, en

    loccurrence, car les contraintes qui les caractrisent intressentsouvent jusqu la modalit smiotique autorise, et parfois mme le canal , le support et le rgime dnonciation (au sens de type

    phnomnologique ). Intuitivement, par exemple, on voit que legenre policier peut trs difficilement tre ralis oralement, et que legenre du discours lectoral souffre dtre reproduit lcrit ; enrevanche, le genre discours didactique magistral doit tre la fois,et successivement, crit et oral. Certes, les genres nexpliquent ni lesdiffrences ni les relations entre oral et crit, mais ils en conditionnentlapparition, exclusive, conjointe ou successive.

    Enfin, on entend par modalit smiotique lensemble desproprits substantielles du support et de la matire dinscription ou detransfert, la syntaxe propre ce support, la nature matrielle dessignes, ainsi que les modes sensoriels de leur production et de leurrception. En ce sens, on est en droit daffirmer quil y a bien une ou

    plusieurs modalits spcifiques de loral, une ou plusieurs modalitsspcifiques de lcrit, et que les rapports dinclusion qui forment le

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    thme de ce colloque impliquent des conversions entre modalitssmiotiques.Dfinir un point de vue

    Jlimine, au moins provisoirement, lhypothse selon laquelleil y aurait des codes spcifiques de loral et de lcrit, de mme

    celle selon laquelle il y aurait des types de discours qui leur seraientrservs : en effet, le caractre trs bien dfini du discours didactique,dans son traitement du savoir, ses stratgies persuasives et ses

    positions dnonciation, nempche pas quil puisse combiner deloral, de lcrit, de limage, des reprsentations graphiques, etc.

    En revanche, je traiterai lcrit et loral comme desphnomnes (et non comme des concepts ), et je fonderai parconsquent leur spcificit, dun point de vue smiotique, surlexprience sensorielle et la syntaxe figurative qui leur sont propres.

    Lexprience sensorielle permettra de tenter une modlisationdu champpropre lexercice de loral et de lcrit ; il faut prciser

    tout de suite que la forme de cette exprience est indpendante, dedroit, de la substance sensorielle (auditive ou visuelle) qui est mise enuvre par le canal de rception ; lexprience perceptive sous-jacente nimporte quelle nonciation, ds lors quelle est signifiante, est pardfinitionpolysensorielle.

    La syntaxe figurative permettra de prciser le modedorganisation des figures (au sens de Hjelmslev) propres chacundeux. Par exemple, C. Rubin montre bien que les modesdassociation et de construction des syllabes et des syntagmes de loraldeviennent mconnaissables dans le rap, et font place dautresfigures, dautres modes dassociation, de nature iconique et indicielle.A cet gard, les conversions entre modalits smiotiques peuventtre dcrites comme des transformations de syntaxes figuratives ; cestransformations, tout comme le travail du rve chez Freud, conjuguentdeux types doprations : (1) dun ct la condensation, qui se saisitdes parties dune figure ou dune configuration pour en supprimer ouen ajouter, et pour les associer autrement, et (2) de lautre, ledplacementdes accents dintensit (dans lexpression comme dans lecontenu).

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    Proprits de champ

    LE CHAMP DE LORAL

    Le champ de loral (de substance auditive et vocale) est unchamp volumtrique, sphrique, dont les horizons dapparition et dedisparition avancent ou reculent en mme temps que le centre de

    perception se dplace ; il est mme trs difficile de fixer et dfinir cesderniers. La profondeur de ce champ est une profondeur de variationen continu, selon la distance et lintensit, une profondeur multi-directionnelle continue (comme dans lesthtique baroque, selonWlfflin).

    Le champ de loral est aussi un champ sensoriel de lasimultanit, de la co-existence et de la pluralit des voix, des sons etdes sources : cette simultanit devenant une difficult, la valorisation

    du champ oral reposera sur les catgories de lharmonie et de ladisharmonie, de la consonance et de la dissonance, de la concordanceet de la discordance.

    Enfin, le centre de ce champ est la chair et non le corpspropre. Dun ct comme de lautre (en production comme enrception), ce nest pas la surface et la forme du corps qui sontaffectes (le corps propre), mais bien la substance matrielle,musculaire, sensori-motrice (la chair). Par consquent, la mmoiresmiotique de loral (les inscriptions corporelles), ncessaire laformation des figures et configurations signifiantes, sera constitue demarquages sensori-moteurs.

    LE CHAMP DE LCRITLe champ de lcrit est un champ sensoriel de la profondeur

    htrogne et discontinue : des obstacles, des couches et des surfacesencombrent et segmentent lespace visuel. Et (sauf sil ny a rien voir !) il se prsente comme une stratification de plans htrognes(comme dans lesthtique classique, toujours selon Wlfflin). Leshorizons se confondent la plupart du temps avec un de ces obstacles,une de ces couches ou de ces surfaces, qui forment le fond ultime duchamp visuel. Par consquent, les horizons tant fixs, ou fixables,

    lobservateur de ce type de champ nentrane pas le champ tout entier

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    dans son propre dplacement ; il peut se rapprocher ou sloigner deshorizons.

    La proprit la plus spectaculaire de ce type de champ rsidedans la possibilit du dbrayage et de la construction en abme :lenveloppe corporelle (le corps propre) dont le sujet fait lexprience

    dans tous les autres champs sensoriels peut tre ici dbraye etprojetesur les obstacles et les surfaces ; en somme, lexprience quiconsiste avoir une enveloppe est ici prte aux figures duvisible : ce sont des corps qui ont eux aussi une enveloppe propre.

    Le champ visuel de lcrit repose par consquent surlexprience dune profondeur stratifie en couches, surfaces et plans,o lon rencontre des obstacles pourvus de leur propre enveloppecorporelle, limage du centre sensoriel du champ. Ds lors, lammoire de lcrit (les inscriptions et marquages) seront enconsquence des inscriptions portes par la surface des enveloppes.Ces marquages et leur interprtation suppose, entre autres, une autre

    conversion : les enveloppes doivent passer du statut de contenants qui englobent un objet celui de surfaces dinscription quisupportent les signifiants du visible . Tout comme le Moi-peau setransforme en surface dinscription pour les tats psychiques intrieurs(selon Anzieu), le Il-peau des figures du visible devient lammoire des interactions entre figures et le support de leurs tracesrmanentes. Il suffit alors de rgler la syntaxe de cette surface pourobtenir une criture1.

    Par ailleurs, la co-prsence dans ce type de champ fait ici aussidifficult, mais la valorisation nempruntera pas ses critres lharmonie ou la consonance, comme dans le prcdent, mais un

    principe d occupation partage , et de localisation relative, soit parrapport laxe latral (plus ou moins droite ou gauche, ou plus oumoins au centre), soit par rapport laxe de profondeur (la srie des

    plans de profondeur) ; la distribution des lieux peut alors recevoir unegrille dvaluation, et chacune des diffrentes places, un poidsaxiologique relatif2.

    1 Il faut ici rappeler le bel exemple avanc par Anne-Marie CHRISTIN, dansLimagecrite, quand elle voque les pratiques de divination chez les Dogons : on trace unquadrillage sur le sol (dfinition de la syntaxe du support), on attend que le renard

    passe sur cette grille (distribution des figures-empreintes), et on interprte le rsultat.2 La couleur fonctionne pourtant sur un principe harmonique et disharmonique,comme les sons : ce qui tendrait prouver que les structures de champ ne sont pas

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    Remarques sur la syntaxe des figures

    PROTENSION / RTENSION

    Dans le champ de loral, la protension et la rtensionfonctionnent par rmanence et projection : il y a donc toujours co-

    prsence entire des nappes de pass qui y sont retenues, et des nuages de futur projets et attirs au prsent.

    Dans le champ de lcrit, la protension et la rtension nepeuvent fonctionner que par fentres ouvertes dans le plandinscription, et des ouvertures qui sont discontinues : cest ainsi quela rtension, lcrit, ne peut produire que des segments antrieurs, etque la protension ne peut produire que des segments postrieurs. Lartension se fait alors antriorit ; la protension, postriorit , etles fentres temporelles de lcrit, loin de faire co-habiter pass,

    prsent et futur, forment des analepses et des prolepses discontinues.

    TRI-DIMENSIONALIT & MOMENT DUNITLe champ dinscription de loral tant la chair mme du sujet,

    ce champ est en trois dimensions ; en outre il se caractrise surtout, lecentre tant sensori-moteur et kinesthsique, par sa capacit inventerdes agencements de figures polysensoriels et dynamiques : lemouvement de la chair est dans ce cas le principal moment dunitdes

    parties du champ. On joue tout particulirement de cette propritdans ce quA. Ntabona appelle la parole-patrimoine , ainsi quedans toutes les approches de loral commeperformance syncrtique etmultimodale.

    Le champ de lcrit est lui aussi tri-dimensionnel, mais sur untout autre principe : chaque strate et chaque objet tant dot de sa

    propre enveloppe, la tri-dimensionalit est ici une stratification decouches bi-dimensionnelles. Le moment dunit de lensemble nest

    plus la sensori-motricit ou le mouvement de la chair, mais bien leprincipe propre toute enveloppe : la connexion, lassemblage desparties, le rseau des relations entre les diffrentes localisations desparties. Lassemblage des parties devient ici montage, collage,juxtaposition.

    troitement dpendantes des canaux sensoriels qui les illustrent canoniquement (ici,une partie du visuel fonctionne sur le mme effet de champ que le sonore).

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    DIALOGISME ET POLYPHONIELa prdominance de lun ou de lautre des types

    dassemblage procure lcrit et loral des capacits fort diffrentes accueillir lhtrognit textuelle, et notamment la diversit des

    rgimes dnonciation, le conflit des axiologies, et le mouvemententre les registres de langues et les idologies. Au moment de leurinclusion lun dans lautre, ladaptation de ces capacits va engendrerdes configurations bien identifiables.

    Le dialogue est un type de segment textuel de lcrit, olhtrognit des tours de parole est distribue selon un modedoccupation partage et discontinue, sans aucun rapport avec ce quise passe dans une conversation orale, o lhtrognit est dployeen tous sens, en profondeur et en succession, avec deschevauchements et des transitions complexes.

    Le dialogismeest une proprit de loralit, en ce sens que leshtrognits nonciatives et les conflits axiologiques sy mesurenten termes de concordances et discordances , en tensions etrapports de force continus. Mais, quand elle apparat dans lcrit, cette

    proprit devient un modle de simulation de concurrence entreidologies.

    La polyphonie est le mode de simulation et la structuredaccueil, lcrit, des proprits dialogiques du champ oral, et en

    particulier un moule et un mode de rgulation crite pour lacapacit de mouvement continu entre idologies et rgimesdnonciation, propre loralit.

    Ds lors, on peut imaginer que, par exemple, lesfonctionnements intertextuels diffreront sensiblement : du ct deloral, lintertexte se coule dans la dynamique syncrtique etmultimodale de ce type de champ, sans en perturber ni le cours ni lastructure ; du ct de lcrit, lintertexte napparat que dans dessegments spcialiss, sous forme de mentions, de citations ,sous la responsabilit de voix identifiables, rparties en plans dnonciation, etc.

    Le fonctionnement de la tradition orale (cf. la parole-patrimoine ) est trs significatif de cette proprit : une chane

    continue dnonciations-relais, htrognes mais sans hiatus etsolidaires, continue se faire entendre dans la dernire dentre elle, au

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    prsent. La rgle principale, pour que cet effet-tradition gardetoute sa valeur, est la saturation des relais nonciatifs: la continuitentre la parole des anctres et celle daujourdhui suffit lgitimercette dernire. Les relais en continu suffisent assurer la prsencermanente du pass (cf. supra), et les proprits harmoniques du

    champ oral confirment cette continuit. Dans ce cas de figure, il est,par exemple, impossible dappliquer les notions de plan dnonciation ou de voix nonciative.

    Au contraire, lcrit, lintertexte apparatra dans des fentres textuelles, grce des changements de plans dnonciation, pour contrler le passage discontinu dune couche une autre. Chaque couche doit avoir une identit propre(contrairement loral) : chaque couche, une voix ; et, comme danslesthtique classique (cf. supra) les couches sont tanches. Cest

    justement ce qui fait le caractre oral de la polyphonie clinienne (cf.la contribution de C. Rouarenc) : les couches nonciatives ne sont pas

    tanches, elles nont pas didentit stable et de voix propre ; les voixqui se font entendre sont solidaires, quoiquhtrognes, et formentune sorte de chane sans hiatus ; toutefois, dans ce cas, lhorizon nest

    pas celui de la tradition, mais celui de la destine commune, la mort,le bout de la nuit.

    P. Bernie parle dune profondeur pr-discursive , oprennent place, dit-il, des processus intermdiaires , et, dans cesprocessus intermdiaires, on rencontre plusieurs systmes dereprsentation en interaction. On pourrait dire dans ce cas que cest lechamp dexprience de loral qui vient ici configurer et modliser la

    pratique de lcrit scolaire, notamment en lui transfrant sa capacitdaccueil pour les structures polyphoniques mouvantes et continues.

    R. Bouchard fait lui aussi clairement apparatre cette propritdans son analyse de l oral prparatoire (qui prpare lcrit),notamment dans son rle mta-discursif : l o lcrit devraitdistinguer des segments et des types textuels, cet oral prparatoire vaet vient en continu entre les niveaux de la production textuelle et ducommentaire.

    Plus gnralement, la relation mme entre loral prparatoire etlcrit qui en rsulte nest pas la mme selon quon adopte le point devue du champ oral ou celui du champ crit. Du point de vue du champ

    oral, lcrit qui en rsulte nest quun lment de la productionsimultane et harmonique (ou dissonante) ; du point de vue du champ

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    crit, loral apparat comme mention , citation ou mta-discours , cest--dire comme un autre plan dnonciation.

    Elments danalyse des interactions entre crit et oralLes interactions entre ces deux rgimes smiotiques se

    prsentent donc, par hypothse et conformment au point de vueretenu, comme des interactions entre :

    - des rgimes sensoriels de lexprience ;- des modalits smiotiques :- des rgimes dnonciation associs aux deux prcdents.Pour ce qui concerne les interactions entre les rgimes de

    lexprience sensorielle, il ny a aucune difficult de principe ce

    quils soient compatibles, puisque par dfinition, et dun point de vueneuro-cognitif, toute exprience doit tre polysensorielle pour tresignifiante. Mais la polysensorialit connat elle-mme des rgimesdiffrents, selon que le moment dunit de toutes les informationssensorielles et de la totalit de lexprience est le mouvement, la

    phorie proprioceptive, le rseau des contacts sensoriels, celui desmarques de surface, etc.

    Entre lcrit et loral, plus particulirement, il sagit alors de lacompatibilit entre le moment dunit fourni par le mouvement

    proprioceptif (pour loral) et celui fourni par le rseau des marques desurface (pour lcrit).

    Pour ce qui concerne les interactions entre modalitssmiotiques, il faut envisager une syntaxe des syncrtismes et desrelations entre modalits, lintrieur des smiotiques syncrtiques,relations qui sont elles-mmes conditionnes par des proprits dechamp spcifiques.

    Par exemple, dans le discours scientifique, il existe un sous-genre, la confrence ou la communication en colloque ou encongrs, o la modalit smiotique dominante, celle de loral,accueille de plusieurs manires diffrentes la modalit de lcrit :

    - sous forme de citations, accompagnes de mentionsrituelles (je cite, fin de citation), ou dune gestualit qui

    mime la forme graphique des guillemets crits ; il y adonc une transition et une gradation possible dans la

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    traduction dune modalit lautre, et le rgime smiotiquepolysensoriel en continu de loral accueille ainsi dessimulacres gestuels mais visuels des formes visuelles delcrit.

    - sous forme de transparents (texte et/ou image) qui sontaussi des citations, des complments, des titres ou deslments du corpus ;

    - sous forme de prsentationde diaporama informatique etprojet sur cran.

    Dans le dernier cas, loral est lapport, commentatif, en relation mta-discursive et descriptive avec lcrit, qui est alors lesupportvisuel.

    Le statut de la partie orale reste trs ambig : selon lesmoments, ou selon le point de vue, il apparatra comme redondant, en

    expansion, actualisant, voire, plus gnralement, commelinterprtation par un acteur et un corps vivant du texte projet (quidoit tre alors rapproch du texte qui dfile sur le prompteur ), oucomme une aide la lecture grce une oralisation publique etexpressive

    Le statut du support crit est alors, et de manire clatante, detype visuel : une projection sur cran, une inscription lumineuse sur lemur de la salle de confrences, le plus souvent accompagnes dunabaissement de la luminosit ambiante, comme dans toute salle olon projette des images. Do lvolution, actuellement observable,de ces textes crits vers un fonctionnement cinmatographique : latypographie se veut expressive et dcorative, le texte sanime, sedplace, se dcompose et se recompose, etc. : dans ce texte-l, lasmiotique visuelle tend prendre le pas sur la smiotique verbale.

    Mais le cas de la confrence avec diaporama informatiqueinvite une autre distinction : les relations entre oral et crit y sont dedeux ordres, respectivement sur laxe paradigmatique (la co-prsence)et sur laxe syntagmatique (la squence).

    Sur laxe paradigmatique, les modalits de la co-prsence sontelles-mmes de deux ordres :

    - dans le cas de la projection de transparents, le fil dudiscours est assur par loral, et les projections crites sont

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    des inclusions, des embotements, avec toutefois desdistorsions locales, quand loral se fait commentaire destransparents projets.

    - dans le cas de la projection informatique, cest lediaporama qui sert de fil conducteur, et cest alors lcrit et

    limage (la smiotique visuelle) qui contraignent etordonnent le commentaire oral : ce dernier forme desinclusions, occupe des interstices, moins quil ne sesuperpose en continu avec la projection.

    Au sein mme de cette smiotique syncrtique, on observe donc desdominances et des renversement de dominances, selon que la force dulien syntaxique et de la cohsion discursive est plutt du ct de lasmiotique verbale (oral) ou du ct de la smiotique visuelle (crit +images). Ces dominances se marquent de la manire suivante :

    - un des deux champs impose ses proprits lautre ;- un des deux rgimes nonciatifs contrle et contamine

    lautre ;- une modalit smiotique impose sa syntaxe lautre.

    Et, pour identifier le rgime dominant dans le syncrtisme, il faut alorsse demander :

    - Quelle est la modalit qui fournit la source des oprationsdancrage entre les deux rgimes (relation de rfrence,dillustration, de commentaire, de complment) ?

    - Quelle est la modalit qui planifie le droulement dudiscours (qui impose un ordre, qui sature les transitionsargumentatives, qui supporte la segmentation thmatique) ?

    - Quelle est la modalit qui mobilise lattention desauditeurs, et qui mdiatise la relation entre nonciateur etnonciataire, etc. ?

    Sur laxe syntagmatique, loral et lcrit, dans lexempleconsidr, sont aussi en relation de succession et denchanement.Pour lorateur, lcrit prcde loral : cest un crit prparatoire, voireun guide de prsentation orale. Pour lauditeur, loral prcde lcrit :cest alors un crit de conservation et dinterprtation individuelle dela confrence entendue.

    Mais cette relation syntagmatique se complique du fait de la

    phase intermdiaire : ce qui est avant (lcrit) continue dtre prsentpendant ce qui est aprs (loral), que ce soit sous forme de guide pour

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    lorateur seul, ou de projection pour les deux partenaires ;inversement, ce qui doit rester aprs (lcrit de conservation) est plusou moins dj prsent, dans les projections. En raison de cesrtensions et de ces protensions (le encore l et le dj l), onrencontre rarement de modalits crites ou orales pures, mais plutt

    des chevauchements, des quilibres et des renversements dedominances.Nanmoins, lordre dans lequel crit et oral apparaissent dans

    la squence reste une bonne indication de lopration cognitive,affective et pragmatique qui rgle la relation entre les deux : quandlcrit prcde loral, il est question de prparation (loral prparelcrit), puis dinterprtation (loral interprte lcrit) ; quand loral

    prcde lcrit, il est question de notation, defixation, de conservationou de confirmation.

    Quelques relations de co-prsence (axe paradigmatique)Lors de linclusion rciproque de lcrit et de loral, on observe

    des phnomnes dembotement, denchssement, de mention, decitation, de simulation, dintersection et de transposition. Danslimpossibilit o nous sommes den tudier exhaustivement toutes lesformes, nous nous limiterons lintersection, lembotement, et latransposition.

    LINTERSECTIONLes remarques sur la ponctuation (cf. Madini, Assadollahi) et

    sur les didascalies (J. Bernard) montrent que lors de linclusion,apparat une zone commune loral et lcrit, une zone detransaction, souvent limite des intersections minimales, parfois plustendues. Les didascalies notent ce que lcrit peut avoir de communavec loral en matire dnonciation et de manifestations para-verbales ; elles doivent alors tre interprtes non comme de simplesinclusions, mais dans une perspective dynamique et prospective :comme le dit J. Bernard, simples pierres dattente pour desactualisations venir, les didascalies ne notent en fait que le manqueactuel de loral, elles ne sont que lindicede ce qui doit tre encoreactualis dans lchange entre personnages.

    De la mme manire, certains usages de litalique, lcrit,supposs indiquer une mentionindirecte, manifestent en fait

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    seulement une troite et fugace zone daffleurement dune nonciationsous-jacente, dun univers dassomption diffrent et mergent, enattente dactualisation : l encore, pierre dattente, et indice, sinondun manque, du moins dun refoulement discursif

    Mais, mme lors de ces intersections a minima, la conversion

    entre champs fait problme. N. Auger, par exemple, montre que lesindications crites oraliser , dans le texte thtral, sont de typeintersubjectif, et que, de fait, leur oralisation sera paraverbale etgestuelle. On passe donc de linterprtation dun champ bi-dimensionnel, que rgle le montage et la juxtaposition entre parties distinctes (des modules textuels sparables), un champ tri-dimensionnel, o rgne la simultanit, et des aller et retour, entremodalits smiotiques mouvantes en continu.

    LEMBOTEMENTOn peut distinguer deux modes diffrents dembotement :

    avec ou sans contamination.Sans contamination, lintgration dune modalit smiotique

    dans lautre reste faible : une projection de diapositives crites aucours dune confrence, linsertion dun texte sonore dans un hyper-mdia (on clique et on entend le commentaire, la chanson ou ladclamation). Labsence de contamination isole chaque couchetextuelle, et ainsi, quel que soit le poids de chacune des modalits, lechamp dominant est celui de lcrit.

    Avec contamination, lintgration se fait par effacementprogressif des proprits de la modalit incluse. Par exemple, L.Barry, en analysant la polyphonie et la cacophonie dans Soleil desindpendances, montre comment cette cacophonie introduit une

    profondeur continue et htrogne la fois, sur le mode oral, ycompris les phnomnes de dissonance (avec contamination entre lescouches). Dans ce cas tout particulirement, on voit bien que ce nest

    pas lutilisation dun autre registre de langue, ou mme dun autredialecte, qui produit leffet doralit, mais la nature mme desmouvements entre registres et entre parlers htrognes : ce ne sont

    pas les langues ou les dialectes qui portent les proprits deloral, mais au contraire, certaines proprits de champ, qui affectentles relations entre registres, entre langues et entre dialectes, et qui

    ractivent lexprience sensible du champ de loral.

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    Pour sen convaincre, il suffit dimaginer une contre-exprience croise : dun ct, un mlange de langues contemporainesde grande diffusion (franais, anglais, espagnol, etc.), mais trait sur lemode du mouvement en continu, de la contamination incessante etfluente ; de lautre, une construction dispose en plans dnonciation

    bien identifis, qui accueilleraient plusieurs dialectes africains. Leffetdoralit ne serait pas du ct o on lattend dordinaire (africain =oral !), mais bien du ct du montage fluent et avec contamination .

    La polyphonie crite est donc un simulacre (embotement aveccontamination) qui ractualise dans le champ de linscription crite, etsur une surface dinscription, une simulation de profondeur

    perspective, avec des effets de simultanit et de concurrence, dedissonance et dharmonie.

    TRANSPOSITION ET CATGORISATIONAu cours des processus de conversion dun rgime

    dexprience dans lautre, on observe des mcanismes de traduction, plusieurs niveaux diffrents : par exemple, aux niveauxphonmatiqueet morphmatique; aux niveaux notionnelet configurationnel(I.Klock-Fontanille) ; aux niveaux desschmes dexprienceet des actesde langage (par exemple dans les pictogrammes) ; aux niveaux desrythmeset desschmes nonciatifs(cf. C. Rouarenc, et S. Feyermuth).

    Les diffrents niveaux de traduction possibles sont rarementsollicits tous ensemble : un ou quelques uns seulement sont affectsau moment de linclusion. La langue (phonmes, syntagmes, phrases)est seulement un de ces niveaux de traduction possibles, mais ellenest ni le seul, ni obligatoirement concerne ; et mme quand lesformes linguistiques constituent la passerelle entre crit et oral,elles ne suffisent pas, et dautres schmes communs sont ncessaires(rgimes dnonciation, schmes macro-discursifs, etc.).

    Le cas du rythme est particulirement intressant (cf. S.Amedegnato) : en effet, quand le rythme est la seule passerelle entre crit et oral, il est nanmoins essentiel, car il est la forme mmede la syntaxe du plan de lexpression : il dfinit notamment lacomposition et les limites des modules qui forment les figures

    pertinentes (du ct de lcrit), ainsi que les conditions desynchronisation et de consonance /dissonance (du ct de loral).

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    Quelques relations de conscution (axe syntagmatique)

    LA TRANSFORMATION DES RGIMES FIDUCIAIRESLe phnomne le plus sensible, sur laxe syntagmatique des

    enchanements entre crit et oral, et quon pourrait mme considrer

    comme un des faits majeurs collectivement mis en lumire dans cecolloque, est le rle de la dimension fiduciaire: en passant du rgimesmiotique de loral celui de lcrit, en effet, la plupart descontributions signalent explicitement, ou voquent indirectement unchangement de rgime fiduciaire.

    Au-del (ou en-de) des adages populaires (Les parolessenvolent et les crits restent), ce changement repose probablementsur la conversion des proprits de champ, sur la relation au corps des

    partenaires, et sur les modes dagencement des rgimes dnonciationet des relations entre parties. Le dbrayage propre lcrit, cest--direla fixation matrielle sur une surface durable a un corrlat immdiat :

    laffaiblissement de la confiance intersubjective ; en dautres termes,la confiance ncessaire lchange se trouve en grande partiedbraye et dvolue au support matriel, et elle est se retire de larelation entre les partenaires de lchange ; on passe ainsi du croireenau croire et de la fiabilit de lautre la fiabilit matrielle.La confiance inscrite dans les choses du monde (en somme, confie un tiers actant) dispense de la confiance qui fonde le lien delintersubjectivit.

    Nous ne prendrons que deux exemples, particulirementsignificatif de cette transformation, celui de linscription de la paroledivine, et celui de linscription des engagements commerciaux.

    LES TABLES DE LA LOIMassimo Leone montre clairement comment la Parole inscrite

    dans la chair vivante, et qui fonde le tmoignage judo-chrtien estremplace par une Parole transcendante inscrite dans une pierre morte,qui fonde de son ct la loi judo-chrtienne.

    On peut remarquer en particulier que les Tables de la Loi sontproposes Mose au moment mme o le peuple dIsral est devenuidoltre, cest--dire au moment o la confiance intersubjective, o lesrelais nonciatifs de la tradition et de la Parole sont rompus : cest le

    moment o la Parole divine na plus quune position transcendante, etne bnficie plus de la mdiation charnelle que lui procure le

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    tmoignage humain. La figuration matrielle de la loi apparat commeune consquence (au moins comme une suite) dun moment derupture, de non-partage, et de dbrayage.

    En outre, ce dbrayage, et les enjeux axiologiques quilimplique, est marqu dans le texte par les changements de types

    passionnels : avant, la relation avec Dieu tait marque par lamour etla confiance ; aprs, elle est caractrise par la crainte et la dfiance.Ds lors, le problme pos par Massimo Leone est exactement

    celui de laposition de la coupuredans la squence oral/crit, entre lestrois positions actantielles occupes respectivement par Dieu, Mose etle peuple dIsral. Si la coupure entre oral et crit concide avec latransition entre Dieu et Mose, alors cela signifie que Dieu donne desTables dj graves. Si la coupure concide avec la transition entreMose et Isral, alors cela signifie que Dieu dicte les lois Mose, etque cest Mose qui les grave dans la pierre.

    Dans le premier cas, le changement de rgime fiduciaire se

    situe entre dune part Dieu et, dautre part, Mose et Isral ; dans lesecond cas, le changement fiduciaire se situe entre dune part Dieu etMose, et, dautre part, Isral. Lenjeu de cette discussion, bien sr,cest le statut modal et passionnel de Mose, car, derrire le mme rleactantiel de mdiateur, peuvent apparatre deux configurationsdiffrentes : un mdiateur qui ne serait quun reprsentant dIsralauprs de Dieu, ou un mdiateur qui serait un reprsentant de Dieuauprs dIsral ; le premier serait du ct de la crainte et de ladfiance, alors que le second est encore du ct de lamour et de laconfiance.

    LCHANGE COMMERCIAL INTER-CULTURELNathalie Spanguro tudie un autre cas particulirement

    clairant du mme phnomne et qui, en outre, implique un changeinterculturel, puisquil sagit de ltude dune phase de ngociationcommerciale entre une entreprise franaise et un acheteur russe. Lecorpus de cette ngociation se prsente sous la forme dune sried crits (lettres, tlcopies, courriels) et doraux (runions, djeunersdaffaires, conversations tlphoniques). Entre ces deux sries, lesrgimes de confiance ne cessent de se transformer, avec desimplications considrables dans le statut des partenaires.

    Le premier partenaire (une entreprise franaise du secteuragro-alimentaire) ne demande lchange oral que tardivement. Le

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    second le demande le plus vite possible : visites lusine, dgustation,etc.. Le premier refuse de se rfrer cette phase de rencontre directeet aux changes oraux, pour fixer les termes de la ngociation, alorsque le second ne cesse de sappuyer sur eux, tout en ngligeant lesdocuments crits. La ngociation senlise, et chacun ne cesse

    dinsister sa manire : le premier en crivant et en se rfrant sescrits antrieurs, et le second en rclamant un nouveau contact directet oral.

    La difficult de lchange inter-culturel tient donc ici trsprcisment la place, la position hirarchique et lordre quechacun des deux partenaires accorde loral et lcrit dans langociation, sachant que lun comme lautre admettent que les deuxrgimes sont ncessaires la russite de lchange. De fait, ce ne sont

    pas les rgimes de loral et de lcrit qui sont ici en cause, ni mmepeut-tre les rgimes fiduciaires sous-jacents, mais lordre dans lequelils doivent apparatre et se renforcer lun lautre.

    Pour lentreprise franaise, lordre optimal est le suivant :- rgime fiduciaire dbray / rgime fiduciaire embrayPour lacheteur russe, lordre optimal est le suivant :- rgime fiduciaire embray / rgime fiduciaire dbray

    En somme, pour le premier, lembrayage sur la confianceintersubjective ne peut tre que le produit dune confiance inscrite

    pralablement dans les choses mmes (dans lcrit et danslexprience accumule au fil dchanges professionnels satisfaisants).Pour le second, en revanche, le dbrayage de la confiance dans leschoses, les crits et les pratiques ne peut tre que le produit duneconfiance intersubjective pralable et rgulirement ractive.

    Lchec de la ngociation sexplique finalement par ladiffrence non pas de limportance accorde chacun des rgimesfiduciaires, mais de la diffrence de leurs mises en perspectives : laconfiance scripturale et la confiance orale sont alorsalternativement le fond prsuppos et prgnant , et la figure poseet saillante .

    ConclusionLes relations entre crit et oral, telles quelles sont abordes

    par ce colloque, illustrent de manire originale un des aspects de la

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    relation entre linguistique et smiotique. Un des aspects seulement,mais significatif.

    Le thme apparat de prime abord comme purementlinguistique, ventuellement stylistique au sens o la stylistiquerecueille la forme de certains usages linguistiques particuliers . Il

    apparat tel au nom de la tradition linguistique, voire pdagogique :lide selon laquelle il y aurait des codes spcifiques de loral et delcrit est en effet bien ancre dans la vulgate linguistique. Mais cettevidence (qui nest pas vraiment remise en cause dans les approchesstylistiques de loral dans lcrit) se heurte bien vite deux faits ttus.Le premier assaille celui qui cherche travailler concrtement surloral : la situation de recueil des donnes, lappareillage, les critresdanalyse, la mthode dapproche du corpus sont tellement loigns deceux que requiert lcrit, quon nose plus mme voquer une simplediffrence de code . Le deuxime est un enseignement de la socio-linguistique et de la socio-smiotique : les variations socio-culturelles

    sont proportionnellement peine inflchies par le passage de lcrit loral, par comparaison avec dautres paramtres.

    Apparat alors un autre fait, qui trouble le linguiste : les genres,en revanche, sont dterminants dans lusage de l crit et de loral,mais de la mme manire quils le sont aussi pour des modalitssmiotiques concrtes et diverses (limage, fixe ou mobile, parexemple).

    Ce fait trouble le linguiste pour deux raisons. Tout dabord, silegenreest dterminant, le texte(voire le discours) lest aussi, et, parconsquent, la diffrence et les relations entre oral et crit relveraientdune linguistique du texte (au sens de Rastier, actuellement, et pas ausens des annes 70) et non dune linguistique de la phrase et du mot.Ensuite, si le genre dtermine les relations entre oral et crit au mmetitre que celles entre limage, le geste et le texte, alors cest que laquestion se pose aussi (et dabord) un tout autre niveau de

    pertinence, celui des formes smiotiques.Mais, une fois ce dplacement admis, une autre question se

    pose, celle de lapport de ces formes smiotiques une linguistique dutexte : on la vu, cet apport consiste en une schmatisation desconditions pour que lexprience sensible soit signifiante, par exemplesous la forme de proprits de champ . Cette schmatisation vient

    alors prter sa forme aux ralisations linguistiques observables ;du mme coup, on peut du mme coup essayer de comprendre

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    comment chacune des modalits parvient accueillir et traduirelautre : grce une simulation des formes de lautre exprience dansles limites et les conditions du schme daccueil. Mais on a vu aussiqu linverse, ces simulacres de loralit , notamment, travaillaientde lintrieur la structure smiotique de lcrit pour la travestir ou

    linflchir, et susciter, comme chez Cline ou dans les textestraditionnels africains, dautres esthtiques, cest--dire de nouvellesformes dexprience.