16
EDITORIAL Lutter contre la pauvreté, renforcer la couverture sociale au profit des inactifs et réduire le chômage sont des défis actuels pour la plupart des pays et surtout en Afrique. Avec des économies appuyées essentiellement par les revenus se rattachant à l’extraction minière et des ressources naturelles, la plupart des pays africains se trouvent dans l’obligation d’instaurer un mécanisme fiscal stable permettant de relever les défis sus indiqués. Un tel mécanisme ne doit en aucune manière porter atteinte à la justice fiscale. A travers la publication trimestrielle de « Africa Tax Spotlight », le Réseau pour la Justice Fiscale-Afrique (TJN-A) vise à inculquer des valeurs qui sont de nature à garantir l’équité fiscale dans le continent. La présente édition comporte des articles traitant des sujets suivants: q La nécessité de militer pour la justice fiscale en Afrique q Une présentation du cadre fiscal de la région CEMAC q La réforme fiscale dans les Comores q Le secret bancaire et échange d’informations fiscales q L’aide belge au développement dans les paradis fiscaux q Actualités sur la campagne pour la justice fiscale EDITION FRANÇAISE Africa Tax Quarterly newsletter of the 2011, fourth quarter, volume 2 Spotlight Edition Française Bienvenue à la 8 ème édition de « Africa Tax Spotlight », une édition dédiée aux plumes francophones. Constatant la participation limitée des militants et partenaires francophones dans le développement d’articles traitant de la justice fiscale dans le continent, le Réseau pour la Justice Fiscale-Afrique (TJN-A) a décidé de faire de la 8 e édition une Edition en langue Française. Cette édition n’est pas restreinte à un thème spécifique afin d’octroyer aux contributeurs une marge de liberté.

Edition Française Africa Ta x Spotlight · Le document examine les politiques qui ont contribué au système de l’impôt ... sur le continent africain, ... impôt sur le bénéfice

Embed Size (px)

Citation preview

EDIT

OR

IAL

Lutter contre la pauvreté, renforcer la couverture sociale au profit des inactifs et réduire le chômage sont des défis actuels pour la plupart des pays et surtout en Afrique.

Avec des économies appuyées essentiellement par les revenus se rattachant à l’extraction minière et des ressources naturelles, la plupart des pays africains se trouvent dans l’obligation d’instaurer un mécanisme fiscal stable permettant de relever les défis sus indiqués. Un tel mécanisme ne doit en aucune manière porter atteinte à la justice fiscale.

A travers la publication trimestrielle de « Africa Tax Spotlight », le Réseau pour la Justice Fiscale-Afrique (TJN-A) vise à inculquer des valeurs qui sont de nature à garantir l’équité fiscale dans le continent.

La présente édition comporte des articles traitant des sujets suivants:

q La nécessité de militer pour la justice fiscale en Afrique

q Une présentation du cadre fiscal de la région CEMAC

q La réforme fiscale dans les Comores

q Le secret bancaire et échange d’informations fiscales

q L’aide belge au développement dans les paradis fiscaux

q Actualités sur la campagne pour la justice fiscale

EDITION FRANÇAISE

Africa Ta xQuarterly newsletter of the

2011, fourth quarter, volume 2

SpotlightEditi

on França

ise

Bienvenue à la 8ème édition de

« Africa Tax Spotlight », une

édition dédiée aux plumes

francophones. Constatant la

participation limitée des militants

et partenaires francophones

dans le développement d’articles

traitant de la justice fiscale dans

le continent, le Réseau pour la

Justice Fiscale-Afrique (TJN-A)

a décidé de faire de la 8e édition

une Edition en langue Française.

Cette édition n’est pas restreinte

à un thème spécifique afin

d’octroyer aux contributeurs une

marge de liberté.

page �

TJN-A NewsletterEd

itor

ial

Rep

ort

1. Editorial

2. Taxez-noussivouslepouvez:Pourquoil’Afriquedoit

défendrelajusticefiscale

3. Lafiscalitédespaysd’Afriquecentrale

4. Larefonteducodedesimpôts:Uneopérationsimpleà

intérêtsmultiples

5. Reculdusecretbancaireetéchanged’informations

fiscales:Quelprogrèspourl’Afrique?

6. L’aidebelgeaudéveloppements’envoledanslesparadisfiscaux

7. Nouvelles

•LancementdurapportnationalsurlafiscalitéenSierraLeone

•TroisièmeréuniondespartenairesauprojetCRAFT

•Réuniondespartenairesauprojet‘TowardsTaxJustice’

8. Profil

Taxez-Nous Si Vous Le Pouvez:Pourquoi l’Afrique doit défendre la justice fiscale

Email: [email protected] by the Tax Justice Network-Africa, Nairobi Secretariat© TJN-A www.taxjusticeafrica.net

Forfreecirculation

En outre, à travers la rubrique « Profil », cette édition rend hommage à Monsieur Julien TINGAIN pour tous ses efforts déployés en vue de promouvoir la justice fiscale.

Pour finir, je voudrais bien exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l’édition de ce bulletin tout en invitant tous les fiscalistes Africains à créer des forums de discussions en vue de se concerter et réfléchir davantage à remédier aux sources de toute injustice fiscale dans le continent Africain.

Contents

Le rapport a pour objet d’aider le lecteur à comprendre les problèmes

de fond dans la mire de la lutte africaine pour la justice fiscale. Le

rapport commence par explorer le sens de la justice fiscale dans

le contexte africain, avant d’examiner quelques-uns des principaux

canaux de fuite des recettes fiscales générées au niveau du continent

et l’impact de ces pertes en termes de recettes publiques.

Rédacteur invité: Slim GargouriCollaboratrice à la rédaction: Sandra Kidwingira

Le rapport présente ensuite les principales causes systémiques de l’injustice fiscale en Afrique, expliquant tout d’abord comment des décennies de développement sélectif ou « maldéveloppement » dans les États riches en ressources naturelles ont conduit à l’épuisement des fonds publics et à l’exposition de nombreux pays aux conflits. Le document examine les politiques qui ont contribué au système de l’impôt régressif en Afrique ainsi que les problèmes inhérents à l’inefficacité des administrations fiscales et douanières.

Vu l’impact néfaste de l’évasion fiscale sur le continent africain, le rapport présente un « Who is Who » de l’injustice fiscale en Afrique. « L’industrie » de l’évasion fiscale (ceux qui pratiquent l’injustice fiscale) tient toujours à faire une distinction claire entre la fraude fiscale, qui

Par Slim GargouriExpert Comptable - Tunisie

[email protected]

page �

TJN-A Newsletter

MD

Gs

Rep

ort

des recettes publiques dans de nombreux pays. La section se penche ensuite sur certaines organisations internationales qui tentent d’aborder les différents aspects de l’injustice fiscale, en particulier l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE), et aborde enfin le rôle de différentes organisations africaines ainsi que la contribution croissante de la société civile.

La Section finale met l’accent sur l’importance de la fiscalité pour l’avenir de l’Afrique et explore une série d’options propres à contribuer à la réalisation de la justice fiscale. Parmi les principales options on peut citer: la sensibilisation aux questions fiscales et la promotion du civisme fiscal; le renforcement de la transparence fiscale entre les États et les sociétés multinationales; l’amélioration de la coopération internationale en matière fiscale; et le renforcement de l’assistance internationale pour aider les pays africains à améliorer leur situation fiscale. Enfin, un glossaire de la fiscalité est fourni pour aider le lecteur à comprendre certains termes techniques utilisés dans ce domaine.

Tout État a besoin de recettes fiscales pour répondre aux besoins fondamentaux de ses citoyens. En Afrique, les recettes fiscales seront essentielles pour l’établissement des États indépendants constitués de citoyens libres, moins dépendants de l’aide étrangère et des aléas des capitaux extérieurs. Nous espérons que bon nombre d’idées présentées ici seront réalisées, et que la justice fiscale peut aider tous les États africains à atteindre un plus haut degré d’autodétermination.

est illégale dans la plupart des pays, et l’évasion fiscale, qui implique généralement l’exploitation des failles juridiques. Un examen de quelques-uns des principaux acteurs impliqués dans l’exploitation de telles failles est donc entrepris: les comptables, les avocats, les banquiers, les sociétés multinationales et, surtout, les territoires opaques. Le rôle des gouvernements, des parlements et des contribuables n’est pas oubliée, et à cet égard, des propositions sont faites sur ce que devraient faire les différentes parties prenantes pour contribuer à la justice fiscale.

Comme la campagne sur la justice se déroule dans un environnement international, le rapport examine la façon dont les organismes multilatéraux, tels que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), ont influencé la politique fiscale en Afrique. Il montre comment le « consensus fiscal » appuyé par ces organisations a abouti à une diminution

La fiscalité des pays d’Afrique Centrale

Cet article présente succinctement la fiscalité des entreprises implantées dans la région CEMAC (Cameroun,

République du Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République Centrafricaine et Tchad). Les règles fiscales de ces

Etats sont relativement similaires en raison:

• d’une part, de la fiscalité commune qui y était applicable jusqu’à leur indépendance (à l’exception de la Guinée Equatoriale);

• d’autre part, de leur appartenance à la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC), organisation régionale ayant pour objet l’union économique

via notamment l’harmonisation des règles fiscales et douanières de ses Etats membres.

Les entreprises qui s’y implantent sont soumises à des impôts « classiques »: impôt sur le bénéfice des sociétés, taxe sur la valeur ajoutée, impôts fonciers, patente (ou taxe professionnelle), ainsi qu’à des impôts « spécifiques » selon la nature de l’activité exercée.

page �

TJN-A NewsletterA

rtic

les

1) L’impôt sur les sociétés (IS)

Il est calculé sur le résultat fiscal de la société, c’est à dire, schématiquement, le résultat comptable affecté de certains retraitements fiscaux spécifiques, notamment:

• charges non justifiées comptablement,

• provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges non précisées,

• intérêts d’emprunts calculés selon des taux dépassant de deux points ceux fixés par la Banque Centrale des Etats d’Afrique Centrale (BCEAC),

• rémunérations excessives des dirigeants, etc.

2) La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

Les transactions économiques ont longtemps été taxées par des impôts pénalisant les échanges. Depuis une quinzaine d’année, les six pays ont adopté un mécanisme moderne de taxation: la TVA. Sous réserve de quelques exonérations limitativement fixées par les Codes des impôts, la TVA frappe toutes les ventes et prestations réalisées à titre onéreux, ainsi que les importations. En contrepartie, la TVA ayant grevé les acquisitions de biens et services est déductible de la TVA due au titre du chiffre d’affaires réalisé.

Les taux de TVA sont de 15 à 20 % selon les pays. Les biens de première nécessité sont généralement exonérés ou soumis à des taux réduits, les produits de luxe ou ayant des effets nocifs sur le fonctionnement de la société (alcools, parfums, tabacs, foie gras, caviar, etc.) étant de leur côté soumis à des droits d’accises supplémentaires.

Les exportations font l’objet d’une taxation à taux zéro, ouvrant droit à déduction de la taxe d’amont afin de ne pas pénaliser les entreprises exportatrices.

Les taux de l’IS varient, selon les pays, de 30 à 40 % du bénéfice imposable, et l’impôt ne peut être inférieur à un minimum fiscal d’un montant en moyenne égal à 1 % du chiffre d’affaires de

l’entreprise.

Les rémunérations de services rendus par des entreprises non implantées en zone CEMAC (redevances d’assistance technique, redevances de propriété industrielle ou intellectuelle, intérêts d’emprunt notamment) font le plus souvent l’objet de règles restrictives quant à leur déductibilité fiscale. Elles peuvent également être soumises à des retenues à la source selon des taux variant de 10 à 20 %. Ces retenues peuvent toutefois être réduites voire neutralisées si les rémunérations concernées sont versées à des entreprises ressortissantes de pays ayant signé des conventions de non double imposition avec le pays africain d’où proviennent les flux. La France a ainsi conclu des conventions fiscales avec le Cameroun, la République du Congo, le Gabon et la République Centrafricaine; les pays de la CEMAC ont aussi signé entre eux une convention fiscale multilatérale.

Les taux de l’IS varient, selon les pays, de 30 à 40 % du bénéfice imposable, et l’impôt ne peut être inférieur à un minimum fiscal d’un montant en moyenne égal à 1 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Les dividendes distribués sont également soumis à une retenue à la source (de 10 % à 20 % selon les pays).

Les exportations font l’objet d’une taxation à taux zéro, ouvrant droit à déduction de la taxe

d’amont afin de ne pas pénaliser les entreprises exportatrices

page �

TJN-A Newsletter

Art

icle

s

3) L’imposition des salaires

Les rémunérations versées aux salariés des entreprises font l’objet de retenues à la source mensuelles non seulement au titre des cotisations sociales et des taxes et contributions diverses sur les salaires, mais également au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

L’impôt est progressif et tient compte des charges de familles du contribuable. Sur un plan pratique, le personnel étranger est en général passible de l’impôt sur les revenus localement après 183 jours de présence dans l’année (14 jours en République du Congo).

4) Fiscalités spécifiques

L’Afrique centrale disposant de nombreuses ressources pétrolières, minières et forestières, les Etats ont progressivement adopté des régimes spécifiques d’imposition: redevances et taxes sur les productions, redevances superficiaires sur les terrains d’exploitation, etc.

Un accent particulier doit être mis sur les recettes pétrolières qui, dans tous les pays de la zone CEMAC, hormis en Centrafrique dépourvue pour l’heure d’une telle ressource, alimentent l’essentiel du budget de ces Etats. La plupart des anciennes concessions d’exploitation pétrolière qui faisaient l’objet de conventions fiscales déterminant les impôts et taxes auxquels elles étaient soumises, ont été progressivement transformées en contrats de partage de production (CPP) qui, aujourd’hui, constituent la norme internationale pour l’exploitation des hydrocarbures. Dans le CPP, la notion de fiscalité s’efface totalement au profit d’un partage économique de la production entre le contractant et l’Etat, partage dont les taux sont déterminés dans les contrats et qui varient selon, notamment, la nature et la difficulté d’accès aux gisements. La part d’hydrocarbures perçue par l’Etat dans les CPP est ainsi réputé « couvrir » l’impôt sur les sociétés des compagnies pétrolières.

Pour ce qui concerne les sous-traitants pétroliers disposant d’un établissement stable en CEMAC, il a été mis en place dans quatre des pays de la zone des régimes de taxation forfaitaire calculée sur la base d’un taux, variable selon les pays, appliqué au chiffre d’affaires.

Les sous-traitants pétroliers non implantés en zone CEMAC, sont pour leur part assujettis aux retenues à la source au titre de leurs prestations de services facturées aux entreprises exerçant leurs activités dans la zone (le plus souvent la retenue à la source applicable est celle en vigueur pour l’assistance technique étrangère, voir tableau).

5) Imposition du patrimoine des entreprises

La patente, ou taxe professionnelle, frappe le patrimoine des entreprises industrielles et commerciales à des taux ou tarifs fixés selon l’activité de la société.

Des impôts fonciers s’appliquent également sur les terrains bâtis ou non bâtis, ainsi que sur les immeubles des entreprises; leurs taux varient selon la nature du terrain taxé et sa localisation géographique.

6) Incitation aux investissements

Plusieurs régimes incitatifs coexistent:

• les chartes des investissements prévoient, outre des garanties sur la pérennité de l’investissement étranger ou national, des régimes d’exonérations fiscales pour plusieurs années, selon la taille, les moyens et les secteurs d’investissement;

• des régimes de sociétés mères et filiales permettant aux entreprises d’exonérer très largement les produits nets des actions ou parts sociales perçus de leurs filiales;

• d’autres régimes qui prévoient des réductions d’impôt en cas de réinvestissement des bénéfices, des régimes de quartier généraux, ou de fusions de sociétés ou d’apports partiels d’actifs, etc.

page �

TJN-A NewsletterEd

itor

ial

Art

icle

s

Taux des principaux impôts

Pays

Impôt sur

les sociétés

(en % des

bénéfices)

Minimum de

perception

des sociétés

(en % du CA)

Impôt sur

les salaires

- IRPP (en %

des salaires

nets)

TVA (taux

réduit / taux

général)

Sous-traitants

pétroliers,

régime

forfaitaire

(en % du CA)

Assistance

technique

(en % des

sommes

versées)

Cameroun 38,5% 1,1% 11 à 38,5% -/19,25% 15% 15%

Congo 34% 1 à 2% 1 à 50% 5,25/18,9% 7,7% 20%

Gabon 35% 1% 0 à 50% 10 %/18% 8,3% 10%

Guinée Equatoriale 35% 1% 0 à 35% 6 %/15% 6,25% 10%

Rép.Centra-fricaine 30% 1,85% 0 à 50% -/19% - 15%

Tchad 40% 1,5% 20 à 60% -/18% - 25%

Claude Bouillot et Grégoire Héber-SuffrinDroit-Afrique.com

[email protected]

LAREFONTEDUCODEDESIMPÔTS:UNEOPÉRATIONSIMPLEÀINTÉRÊTSMULTIPLES

La Direction Générale des Impôts (DGI) des Comores vient de procéder à une refonte globale de son système fiscal, qui s’est

traduite par l’adoption d’un nouveau Code général des impôts. Les travaux, menés par des experts en fiscalité panafricaine,

ont permis de restructurer et de moderniser, en moins d’un an, un système fiscal devenu obsolète. L’aboutissement: une

augmentation des rendements de l’impôt, une meilleure formation des agents et la restauration de la relation avec les

contribuables.

1) Etat des lieux

De son passé colonial, l’Union des Comores a hérité un système fiscal qui, en 2009, était non seulement devenu désuet, mais aussi ingérable de par la multiplication de textes législatifs indépendants, voire contradictoires:

• des références aux institutions coloniales persistaient dans

le Code;

• des impôts cédulaires se superposaient pour aboutir dans

certains cas à un taux d’imposition globale de 75 %;

• la disparité et la complexité des textes empêchait une

bonne formation des agents des impôts et favorisait ainsi la

soustraction des contribuables à leurs obligations fiscales;

• les modèles de déclarations étaient devenus obsolètes et insuffisamment exploités par l’administration dans ses contrôles;

• plus personne, que ce soit dans l’administration ou parmi les contribuables, ne disposait d’un Code des impôts complet et à jour.

page �

TJN-A Newsletter

MD

Gs

Art

icle

s

2) Le déclenchement des travaux

Devant ce constat, un remède unique s’est imposé sous la forme d’une refonte globale de la fiscalité comorienne. Trois solutions s’offraient:

• réaliser ce travail en interne, mais il s’agit d’un travail chronophage que les meilleurs fiscalistes de la DGI n’auraient pas eu le temps de faire à plein temps;

• avoir recours à des avocats fiscalistes nationaux, mais leur intervention est sujette à caution puisque ces experts ont toujours pour clientèle les contribuables et non l’administration;

• avoir recours à des experts indépendants spécialisés en fiscalité panafricaine.

Cette dernière solution a donc été retenue sans hésitation puisqu’elle permettait à la fois:

• d’apporter un regard neuf sur notre système fiscal;

• de bénéficier de la connaissance des meilleures législations d’Afrique francophone;

• de s’assurer de l’indépendance d’experts pouvant conjuguer les intérêts des finances publiques avec les doléances des contribuables, sans subir de pression locale.

Plus concrètement, le consultant retenu a été la société Droit-Afrique.com, basée à Paris et spécialisée dans l’assistance aux administrations fiscales des pays d’Afrique.

3) Financement des travaux

Pour les besoins de ce travail, l’administration a obtenu un financement de la Banque Africaine de Développement dans le cadre d’un don de la facilité des Etats fragiles. A notre connaissance, l’Union Européenne avait financé une mission similaire à Djibouti.

4) Déroulement des travaux

La mission s’est déroulée sur 10 mois comme suit:

1° lancement d’un appel d’offre sur financement extérieur destiné à recruter les experts;

2° premier voyage d’étude des deux experts afin de collecter les informations nécessaires à la réforme et de définir, en concertation avec la DGI, la Direction du Budget et le Ministre des finances, les orientations à donner aux travaux;

3° réalisation d’une compilation des textes fiscaux (codifiés ou non) destinée à valider la base du travail des experts;

4° sur cette base, rédaction par les experts d’un premier rapport destiné à dresser l’état de la fiscalité comorienne et valider les orientations techniques;

5° réalisation d’un premier projet du nouveau Code des impôts, relu systématiquement, article par article afin de vérifier sa cohérence et procéder aux dernières modifications;

6° présentation du texte définitif à l’ensemble de l’administration et aux représentants des contribuables (patronat, chambres de commerces, avocats, experts comptables, etc.) afin de pouvoir communiquer autour du projet;

7° sur la base des éventuelles dernières remarques, adoption par l’administration du texte définitif;

8° remise du texte définitif au Ministre des finances en vue de son adoption en Conseil des Ministres puis de sa présentation au vote du Parlement;

9° adoption par le Parlement de la loi portant nouveau Code général des impôts.

Plus concrètement, le consultant retenu a été la société Droit-Afrique.com, basée à Paris et spécialisée

dans l’assistance aux administrations fiscales des pays d’Afrique

page �

TJN-A NewsletterEd

itor

ial

Art

icle

s

5) Résultat des travaux

Techniquement, la refonte du Code Général des Impôts (CGI) s’est traduite par:

• la suppression des numérotations complexes de l’ancien Code;

• l’introduction de systèmes modernes d’imposition des revenus et bénéfices (Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP), Impôt sur les Sociétés (IS);

• l’introduction de retenues à la source (sur les loyers, sur les rémunérations extérieures) que l’ancien Code ignorait, sécurisant ainsi le recouvrement de l’impôt;

• l’uniformisation des procédures fiscales au sein d’un livre unique;

• la création une charte du contribuable vérifié;

• la mise à jour de l’ensemble des imprimés fiscaux, notamment une liasse fiscale conforme au droit OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) applicable aux Comores;

• l’impression en 1.000 exemplaires du Code, destinés à être distribués aux agents des impôts et à être revendu aux contribuables.

6) Effets attendus

Ce travail a permis, en concertation avec les statisticiens de la Direction du Budget, de diminuer le taux de certains impôts afin de faciliter l’investissement étranger et de s’aligner sur les pays de la sous-région. Le manque à gagner est compensé par l’amélioration du recouvrement lié à l’entrée en vigueur du nouveau Code.

En matière de formation, les impôts étant désormais similaires à ceux appliqués dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne membres du Centre de Rencontre et d’Etudes des Dirigeants des Administrations Fiscales - CREDAF (IS, IRPP, retenues à la source, etc.), nos inspecteurs et agents des impôts peuvent désormais bénéficier d’une formation (séminaires, écoles d’impôts, livres et revues) beaucoup plus pertinente au regard du nouveau système fiscal comorien.

La DGI attend d’ailleurs un accroissement significatif des recettes fiscales de par l’amélioration des mécanismes de recouvrement, la création de taxes et retenues nouvelles et une meilleure formation de ses agents.

Nous espérons également développer de meilleurs rapports avec les contribuables puisque cette mission a permis de réunir autour d’une même table les représentants des entreprises et des cabinets juridiques ou comptables avec ceux de l’administration. Il ne pourra plus non plus être reproché une quelconque opacité dans la gestion des textes fiscaux à la DGI.

La création et l’édition d’un nouveau Code permet également à l’Union des Comores de communiquer auprès des investisseurs internationaux au sujet de cette nouvelle fiscalité, puisque l’édition et la diffusion du nouveau Code participe à la transparence des investissements, de même qu’à l’accomplissement des recommandations du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale.

Par M. Mohamed Ali WadaanDirecteur de la législation fiscale

Direction Générale des ImpôtsUnion des Comores

[email protected]

La DGI attend d’ailleurs un accroissement significatif des recettes fiscales de par l’amélioration des mécanismes de recouvrement, la création de taxes et retenues

nouvelles et une meilleure formation de ses agents.

page �

TJN-A Newsletter

MD

Gs

Art

icle

s

RECUL DU SECRET BANCAIRE ET ÉCHANGE D’INFORMATIONS FISCALES:

quel progrès pour l’Afrique?

On l’oublie trop souvent: l’échange d’informations fiscales entre pays différents (« l’assistance administrative ») sera toujours

basé sur des exceptions. Exception tout d’abord au secret professionnel qui s’impose à toutes les administrations fiscales.

Exception supplémentaire dans les pays où existe le secret bancaire, puisqu’on demande à des administrations de fournir

des renseignements qu’elles-mêmes ne pourraient pas obtenir selon leur pratique locale. Ces obstacles ne peuvent être

levés que grâce à des conventions internationales.

Comme le secret bancaire est le socle sur lequel se sont créés le succès et la prospérité des « paradis fiscaux », on comprend qu’il ait fallu des circonstances exceptionnelles pour commencer à fissurer leur opacité, et obtenir de leur part des engagements de coopération fiscale. A cet égard, s’il est excessif d’affirmer comme l’a fait Nicolas Sarkozy qu’on est arrivé à « la fin des paradis fiscaux », il est vrai que le monde fiscal n’est plus, après 2009, ce qu’il était auparavant. La quasi-totalité des paradis fiscaux ont pris des engagements de coopération fiscale. L’entraide existait déjà avec presque tous les pays en cas d’enquête pénale. Mais il suffit désormais, pour les pays qui ont obtenu ces avancées, d’une simple demande formulée par une administration fiscale, pour obtenir des renseignements autrefois couverts par le secret bancaire. Pour prendre l’exemple de la France, elle a signé depuis 2009 des avenants aux conventions fiscales qui la liaient notamment à la Suisse, à Saint Martin, à Singapour, à Maurice

et au Luxembourg. Elle a conclu en même temps des accords d’échange d’information (Tax Information Exchange Agreements-TIEAs) avec une douzaine au moins de paradis fiscaux comme le Liechtenstein, les îles Caïman, les îles Anglo-Normandes avec lesquels il n’existe pas de convention fiscale proprement dite. Certes, il n’y a pas d’échange automatique, mais il suffit que l’administration fiscale française ait un minimum de renseignements plausibles pour les faire vérifier et obtenir toutes les informations permettant d’asseoir une imposition.

Le défaut de ces avancées est qu’elles ne profitent qu’aux pays qui les ont obtenues. On aurait pu rêver d’une cascade de transmission. Par exemple, le Maroc, qui n’a avec la Suisse qu’une convention fiscale sans clause d’échange de renseignements, demanderait à la France d’utiliser son récent avenant pour obtenir de la Suisse des informations sur un contribuable marocain, pour les retransmettre ensuite au Maroc sur la base de la convention fiscale franco-marocaine qui prévoit un échange de renseignements. Ceci n’est pas possible, car toutes les conventions fiscales contiennent des clauses qui imposent au pays requérant le secret sur les informations obtenues du pays requis1. Quelques conventions autorisent en théorie le pays requérant à retransmettre les informations à un troisième pays, mais c’est toujours sous réserve de l’accord du pays requis. Et les autorités ne peuvent normalement pas donner un tel accord, sous peine de violer le secret professionnel qui s’impose à eux.

1 Sur les clauses de secret, voir Assistance fiscale internationale et droits de la défense JCP E, 1993, n°11, Etude n°228, p.128 Fabrice GOGUEL Avocat à la Cour

page 10

Art

icle

sTJN-A Newsletter

Quelle est, à cet égard, la situation des pays d’Afrique?

Au sein du continent africain, il existe une base juridique de coopération fiscale notamment grâce aux conventions conclues sous l’égide des unions de pays. La convention fiscale de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) contient la formule préconisée par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) pour écarter les effets du secret bancaire. Mais, bien entendu, ces conventions ne lient pas les « paradis fiscaux ».

Les conventions bilatérales sont nombreuses, mais d’effet limité. Par exemple, toutes les anciennes colonies françaises ont signé avec la France des conventions autorisant l’assistance administrative, et parfois l’assistance au recouvrement. En revanche, les rares conventions signées avec la Suisse ou le Luxembourg par des pays d’Afrique ne contiennent dans les meilleurs cas que des clauses d’assistance administrative anciennes qui ne permettent donc pas d’écarter le secret bancaire (Algérie/Suisse, Maroc/Luxembourg, Tunisie/Luxembourg). Dans d’autres cas, elles ne contiennent aucune clause d’assistance administrative (Côte d’Ivoire/Suisse, Maroc/Suisse, Tunisie/Suisse).

Les deux « paradis fiscaux » traditionnels d’Afrique, Seychelles et Liberia, n’ont à ce jour signé qu’un nombre limité d’accords d’échange d’informations répondant aux normes de l’OCDE. En outre, le Liberia n’a signé avec aucun pays africain, et les Seychelles n’en ont signé qu’un en Afrique avec Maurice.

Il apparait donc qu’à ce jour, le continent africain n’a pas tiré de profit direct de l’affaiblissement du secret bancaire. La disparité de poids économique et l’existence de multiples priorités plus graves à court terme ne favorisent pas l’engagement de négociations bilatérales sur ce sujet. Or, le temps presse, car on peut redouter que lorsque les « paradis fiscaux » auront signé le minimum d’accords d’échange d’information leur permettant de sortir de la liste des pays « non coopératifs » du Comité des affaires fiscales de l’OCDE, ils n’aient plus de pression particulière pour lever le secret bancaire avec d’autres pays.

Des négociations bilatérales nécessitent l’engagement de ressources inaccessibles pour la plupart des pays d’Afrique. L’OCDE a lancé en 2009 une initiative de négociations multilatérales. Conçue initialement pour permettre aux pays membres de l’OCDE d’obtenir à moindres frais la levée du secret bancaire de la part de pays ‘moins importants’, elle est aujourd’hui ouverte aux pays non membres de l’OCDE. Plusieurs pays d’Afrique sont membres du « Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales » animé par l’OCDE, et l’ATAF (African Tax Administration Forum) participe comme observateur à ses travaux. Le rapport publié le 4 novembre 2011 par le Forum mondial sur la transparence pour le sommet du G20 souligne l’importance de la coopération fiscale pour les pays en développement.

Bien entendu, la signature de conventions fiscales conformes au modèle désormais préconisé par l’OCDE ne suffira pas à établir la transparence fiscale. Dans une déclaration du 24 Novembre 2011, le Ministre français du Budget faisait état d’un taux de réponse de seulement 30% sur les 230 demandes formulées par la France sur la base des nouvelles conventions. La vigilance restera de mise, et il serait souhaitable que l’OCDE n’hésite pas à remettre sur la liste noire des Etats qui, après avoir signés des accords d’échange d’information ne les appliqueraient pas de façon effective. Mais ces conventions n’en sont pas moins un passage obligé. La participation active des pays d’Afrique aux négociations multilatérales lancées par l’OCDE parait donc indispensable pour leur éviter de rester les « laissés pour compte » de la nouvelle transparence fiscale.

Par Fabrice GOGUELGOGUEL CONSEIL

[email protected]

page 11

TJN-A Newsletter

Art

icle

s

La Société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO), dont l’Etat belge détient 84%, a engagé quelque

150 millions d’euros d’argent public dans des fonds d’investissement domiciliés dans des paradis fiscaux. Depuis les îles

Caïmans, Maurice ou le Luxembourg, l’essentiel de ces fonds spéculent sur des entreprises à fort potentiel de croissance

situées dans les pays en développement. Certains de ces investissements, réalisés dans le tourisme de luxe, les loisirs, ou

l’agroalimentaire, interpellent.

Comme ces fonds ont une durée de vie de 10 à 1� ans, on commencera à connaître leurs rendements réels à partir de l’année prochaine. » Jusqu’ici, BIO n’est sortie que d’un seul fonds, prématurément parce qu’insatisfaite du gestionnaire. La plus-value réalisée a été de 7%.

Depuis 2002, BIO a engagé pas moins de 151,7 millions d’euros dans 36 fonds d’investissement domiciliés dans 11 juridictions (voir tableau ci-contre). L’île Maurice est la destination privilégiée de BIO avec 11 fonds totalisant 42,7 millions d’euros. Viennent ensuite le Luxembourg (38 millions dans 5 fonds) et les îles Caïmans (22,9 millions d’euros dans 7 fonds). A l’exception du Maroc, tous les territoires sélectionnés offrent une fiscalité et un environnement administratif très avantageux pour les fonds d’investissement.

Certains fonds sont d’ailleurs situés dans des lieux symboliques de la finance offshore. Le Vietnam Investments Fund II, dans lequel BIO vient de s’engager

L’AIDEBELGEAUDÉVELOPPEMENTS’ENVOLEDANSLESPARADISFISCAUX

On a beau chercher: les îles Caïmans, Guernesey, les Bahamas ou l’île Maurice ne sont mentionnés nulle part sur le site internet ni dans les rapports annuels de la très discrète Société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO). C’est pourtant dans ces paradis fiscaux que BIO, dont l’Etat belge est actionnaire à 84%, a engagé ces dernières années quelque 150 millions d’euros d’argent public dans des fonds d’investissement.

L’essentiel de ces entités sont des fonds de capital-investissement (private equity) qui spéculent sur des PME à forte croissance dans les pays émergents. Ce sont des sortes de « cagnottes » réunissant investisseurs institutionnels et privés, qui atteignent parfois plusieurs centaines de millions de dollars. Ces fonds achètent des participations dans des entreprises non cotées qu’ils revendent quelques années plus tard, quand ces sociétés ont grossi et pris de la valeur. L’objectif est de récupérer le capital et d’empocher une belle plus-value en prime.

Le fonds Mekong Brahmaputra, domicilié à Guernesey, promet par exemple un retour sur investissement de 15% minimum. BIO y a engagé 5 millions de dollars en 2010. De ce montant, 2% de commission, soit 100.000 euros, sont directement revenus au gestionnaire du fonds, Dragon Capital. Cet intermédiaire se rémunérera en outre via une « prime de rendement » proportionnelle aux résultats obtenus. Ces primes au résultat sont souvent accusées d’inciter les gestionnaires à prendre des risques excessifs.

En tout cas ce type d’investissement comporte des risques: « L’environnement pour les investissements en private equity est volatile, et un investisseur ne devrait investir que s’il peut résister à une perte totale de l’investissement», prévient la banque JP Morgan dans un prospectus.

« BIO a commencé à investir dans ces fonds vers �00�, explique son CEO Hugo Bosmans. Le but poursuivi est double: créer des emplois durables et obtenir un rendement sur nos participations.

TJN-A NewsletterA

rtic

les

page 1�

pour 7 millions de dollars, est domicilié dans Ugland House aux îles Caïmans, une grosse villa de quatre étages qualifiée par Barack Obama en 2007 de « plus grande arnaque fiscale du monde » parce qu’elle abrite quelque 19.000 sociétés boite-aux-lettres.

Les engagements de BIO semblent en outre refléter les dernières tendances en matière d’ingénierie fiscale. Le fonds Aureos South-East Asia Fund II a été créé en 2011 dans la province canadienne de l’Ontario, sous une forme juridique qu’un avocat d’affaires canadien voit déjà concurrencer la très populaire « Limited Liability Company » du Delaware.

Si ces investissements réalisés par BIO sont tout à fait légaux, ils peuvent soulever certaines questions éthiques. Au nom de l’aide au développement, l’argent du contribuable belge emprunte en effet les mêmes circuits financiers que l’argent de la corruption, de la fraude fiscale et du crime international.

Dans un rapport de 2009 intitulé Tax Havens and Development, une commission du gouvernement norvégien concluait entre autres que les investissements publics dans les paradis fiscaux contribuaient à réduire les recettes fiscales des pays en développement, à renforcer l’économie des paradis fiscaux en leur fournissant du capital et de la légitimité, et donc à favoriser, indirectement, l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent.

Cette situation peut paraître d’autant plus paradoxale qu’une étude du think tank américain Global Financial Integrity a montré que 1.260 milliards de dollars de flux financiers illicites ont quitté les pays en développement en 2008 pour trouver refuge dans les pays industrialisés.

« Ces flux Sud-Nord ont en grande partie transité par les paradis fiscaux, note John Christensen, économiste et directeur du Tax Justice Network. En �00�, l’aide publique au développement versée par les pays riches aux pays pauvres a représenté moins de 1�0 milliards de dollars. Pour chaque euro d’aide, dix euros ont donc quitté les pays en développement pour les paradis fiscaux. »

Ces investissements de BIO semblent en outre contraster avec un objectif phare du G20. Celui de lutter contre les territoires dont l’opacité et la

réglementation financière « light » ont été épinglées parmi les catalyseurs de la crise financière de 2008.

Carole Maman, directrice du secteur financier chez BIO, justifie l’installation de fonds dans ces territoires en invoquant « la sécurité et la stabilité politique, la sécurité juridique et l’environnement réglementaire propice, et une fiscalité favorable ». Elle rappelle que les entreprises du Sud soutenues par les fonds d’investissement paient des impôts sur les bénéfices dans leurs pays d’établissement. « Les centres financiers offshore permettent de limiter la charge fiscale supplémentaire au niveau de la structure intermédiaire, un niveau où il y a peu de création de valeur. Les revenus perçus par BIO via les centres offshore entrent dans sa base taxable.»

Autre argument invoqué par BIO: le coût. « Des juridictions telles que Maurice ou les îles Caïmans ont de bons administrateurs de fonds. Le coût de gestion des fonds à Maurice est d’environ �0 à �0.000 euros tandis que le coût d’un fonds au Luxembourg tourne autour de 100 à 1�0.000 euros.»

« L’opacité n’est jamais une raison pour BIO d’investir dans un centre financier offshore, poursuit Carole Maman. Nous prenons toutes les précautions pour que nos fonds soient utilisés de façon efficace et légitime. Nous réalisons des missions d’évaluation sur place afin de nous assurer de la qualité des équipes de gestion, nous connaissons tous les actionnaires investissant dans nos fonds, nous obtenons un reporting (trimestriel et annuel) détaillé sur l’utilisation de nos fonds, nous participons également aux instances de gouvernance des fonds afin de surveiller le bon fonctionnement et l’évolution de la stratégie d’investissement.»

David LeloupEnquête réalisée avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Com-

munauté française

page 1�

TJN-A Newsletter

MD

Gs

TJN-A Newsletter

Act

ualit

é

ACTUALITE

9Novembre2011

Le CRAFT est un projet qui a été développé par Oxfam Novib et le Réseau pour la Justice Fiscale-Afrique depuis la fin 2010.Dans ce projet, Oxfam Novib (ON), ses partenaires et le Réseau pour la Justice Fiscale-Afrique (TJN-A) mobilisent les forces de la société civile dans plusieurs pays d’Afrique (Mozambique, Angola, Ouganda, Mali, Sénégal, Nigéria et Egypte) sur la justice fiscale, en vue d’atteindre des systèmes fiscaux équitables, redevables et favorables aux pauvres. Cet effort sera soutenu par Third World Network Africa (TWN-A), qui fournit une expertise dans le domaine de l’exploitation minière et de fiscalité. Le Partenariat budgétaire international (IBP), le Secretariat International de Tax Justice Network (TJN-IS) et Oxfam France sont également associés au projet CRAFT. L’objectif global du projet CRAFT est de:

Contribuer à des États plus démocratiques, redevables et plus sensibles au Mozambique, en Angola, en Ouganda, au Mali, au

TroisièmeréuniondespartenairesauprojetCRAFT

8et9Décembre2011

Sénégal, au Nigéria et en Egypte en collectant plus d’impôts et en utilisant les recettes fiscales d’une façon plus transparente, responsable et redistributive; prévenant ainsi une fuite incontrôlée de ressources, l’évasion fiscale généralisée, la corruption et renforçant les politiques favorables aux pauvres. Cela réduira les inégalités et finalement, créera un espace budgétaire pour les acteurs nationaux pour progresser vers les objectifs de développement du millénaire (OMD).

Afin de maintenir l’élan généré par la phase de développement du projet CRAFT, Oxfam Novib et TJN-A ont décidé d’organiser une réunion des parties prenantes de deux jours pour:

1. Au niveau interne: Préparer la mise en œuvre en 2012, élaborer des plans opérationnels nationaux

Depuis 2008, TJN-A a commencé à produire une série de rapports nationaux sur la fiscalité destinés à donner une idée générale sur les systèmes fiscaux des pays d’Afrique et procurer une base pour le plaidoyer sur la justice fiscale en Afrique. Après les rapports sur le Ghana et sur le Kenya, le troisième rapport sur la fiscalité au Sierra Leone a été lancé le novembre 2011, à l’hôtel Hill Valley, à Freetown. Le rapport répond principalement aux questions suivantes: Quelles sont les principes d’un système fiscal juste et inclusif? Pourquoi l’administration fiscale est inséparable de la politique fiscale? Pourquoi est-il si difficile de taxer les ressources minières?

les organisations qui ont participé à la production du document sont le Budget Advocacy Network (BAN), la National Advocacy Coalition on Extractives (NACE), Christian Aid base en Sierra Leone et le Réseau pour la Justice Fiscale-Afrique (TJN-A).

LancementdurapportnationalsurlafiscalitéenSierraLeone

page 1�

TJN-A Newsletter

et discuter d’un projet de protocole d’accord (MoU) pour la phase de mise en œuvre, et;

2. Au niveau externe: Organiser un séminaire sur la gouvernance et la fiscalité internationale pour discuter de la façon dont la politique fiscale affecte l’Afrique

Les résultats de cette réunion sont:

q Une mise à jour claire sur l’état du projet à ce jour.

q Un lien fait entre le projet CRAFT et la campagne prioritaire d’Oxfam sur la mobilisation des ressources au niveau local pour l’exercice 2012.

q Un plan clair et consolidé sur le suivi de l’exécution pour 2012 et l’ébauche du protocole d’accord pour la phase de mise en œuvre du projet CRAFT.

q les domaines potentiels de collaboration entre les parties prenantes internes et l’ATAF, les administrations fiscales et les ministères des Finances en matière de mobilisation des recettes internes et l’éducation civique sur les taxes identifiés.

q l’identification des opportunités pour la mise en place des systèmes fiscaux plus équitables dans les pays sélectionnés

Réuniondespartenairesauprojet‘TowardsTaxJustice’

12-14Décembre2011

Pendant trois ans, l’Union Européenne a financé un projet d’envergure mondial sur la justice fiscale en vue d’établir des réseaux pour la justice fiscale à travers le monde entier. Vers la fin de ce projet, les partenaires provenant d’Asie, d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Europe se sont rencontrés pour conclure le projet et élaborer des stratégies de plaidoyer et de levée de fonds pour le futur. La réunion, qui s’est tenue à Londres du 12 au 14 décembre 2011, a discuté des approches de plaidoyers adoptées par les partenaires au niveaux national, régional et mondial et a conclu que les partenaires doivent être focalisés sur des sujets concrets par rapport aux politiques fiscales visées mais aussi avoir un certain niveau de flexibilité. Une idée originale qui a émergée de la réunion est l’élaboration d’une ‘Charte’ sur la justice fiscale qui serait signé par les parlementaires, gouvernements, les acteurs économiques privés et les individus. Christian Aid guidera les efforts de développement de la seconde phase du projet ainsi que la levée de fonds nécessaires à cet effet.

La première phase du projet Towards Tax Justice: Raising Awareness, Building Capacity, Supporting International Coordination and Policy Dialogue to Make National and International Tax Systems more Supportive of Development (Vers une justice fiscale: conscientiser, renforcer les capacités, soutenir un dialogue politique et une coordination internationale pour rendre les politiques fiscales nationales et internationales plus favorables au développement) s’est déroulée du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Le projet était coordonnée par SOMO (Stichting Onderzoek Multinationale Ondernemingen) – Centre de Recherche sur le Sociétés Multinationales basé en Hollande et avait comme partenaires: Afrodad , Isodec (Ghana), Action for Economic Reforms (Philippines), Jubilee South-Asia/Pacific Movement on Debt and Development (Philippines), Christian Aid, Latindadd et le Réseau pour la Justice Fiscale-Afrique.A

ctua

lité

page 1�

TJN-A Newsletter

MD

Gs

Profil: Julien Tingain1. Quelleestvotre formationacadémique?Quelssontvos

principauxcentresd’intérêtsprofessionnels?

J’ai une Maîtrise en Science de Gestion et un DESS en Gestion de Projets de Développement. Je prépare aussi un diplôme de 3ème cycle en Gouvernance.

Je souhaite et je travaille pour plus de justice dans la société, une plus grande transparence et une bonne gouvernance pour un développement harmonieux au profit des citoyens. C’est pourquoi, je milite au sein des réseaux Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) (qui est une campagne de promotion de bonne gouvernance des ressources naturelles) et de Tax Justice Network TJN (réseau pour la justice fiscale).

2. Quelle est votre position professionnelle actuelle?Pourquoi êtes-vous particulièrement intéressés par lesthèmesdejusticefiscaleenAfrique?

Je suis Coordonnateur de l’ONG Initiative pour la Bonne Gouvernance, la Transparence et la Justice Sociale en Côte d’Ivoire (Social Justice); je suis également Coordonnateur National de Publiez Ce Que Vous Payez -Côte d’Ivoire (PCQVP-Côte d’Ivoire). Je suis depuis 2008, membre du Conseil National de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives en Côte d’Ivoire (Conseil National ITIE – Côte d’Ivoire) à travers un arrêté interministériel.

Dans la lutte pour plus de justice sociale, l’impôt est outil sous-utilisé. Il est donc nécessaire que cet outil soit davantage analysé et que des pistes soient proposées pour réformer l’impôt en faveur de plus d’égalité et de justice fiscale. Il est temps de reconsidérer une approche fiscale qui prendrait mieux en compte les inégalités de patrimoine dans une perspective de réhabilitation des impôts directs.

Aussi, la plupart des pays africains ont-ils besoin d’une réforme fiscale plus juste qui devrait mieux financer l’action publique et corriger davantage les inégalités. Pour moi, la justice fiscale doit être un élément de justice sociale à laquelle je m’intéresse tant et pour laquelle je me suis engagé depuis plusieurs années. Je n’ai donc pas hésité à être un activiste pour la justice fiscale et demander à ce que mon organisation devienne membre de Tax Justice Network, qui est une initiative louable.

3. Avotreavis,quelrôledevraitjouerlesorganisationsdela société civile pour l’atteinte de la justice fiscale enAfrique?

Les organisations de la société civile doivent commencer par organiser, sensibiliser, former et mobiliser les organisations et communautés de base autour des thèmes liés à la justice fiscale. Ensuite, elles devront mettre en

Pro

file

page 1�

place un réseau bien outillé pour des plaidoyers et lobbying envers des réformes pour plus de justice fiscale. Ceci doit se faire tant au niveau national qu’au niveau régional.

4. Y a-t-il une évolution dans les politiques nationale et régionale enmatièrede justice,démocratieetdéveloppementde l’Afrique?Aquoiestduecetteévolution?

Effectivement les questions de justice, de démocratie et de développement qui étaient une affaire des politiques et des élites sont de plus en plus discutées aujourd’hui. Nous assistons à une légère amélioration des politiques nationales et régionales du fait de l’éveil et de l’émergence d’une société civile - de plus en plus est organisée. Une nouvelle classe de société civile et des réseaux plus efficaces se créent pour exiger plus de justice, de démocratie et un meilleur développement: des réseaux comme PCQVP, TJN et bien d’autres, sont crées et échangent avec les gouvernements sur les questions de justice, de gouvernance et de développement. La société civile commence à recevoir des invitations pour des échanges, des discussions. On assiste par ailleurs, à des populations et à une société civile plus exigeantes.

5. Quellessont,àvotreavis, lesactionsurgentesàentreprendreafindepermettreauxpaysAfricainde financer leurspropredéveloppement?Quidevraitprendrecetteinitiative?

Il faut lutter contre l’évasion et la fraude fiscale qui entrainent des pertes énormes de ressources qui auraient pu financer le développement des pays africains.

Cette action doit être une volonté politique au plus haut niveau. C’est pourquoi des reformes pour parvenir à la réduction de la fraude et de l’évasion fiscale doivent être mise en place par les décideurs africains. Pour y arriver, la société civile doit énormément contribuer par des actions de sensibilisation, de plaidoyers de t de lobbying.

Il faut par ailleurs, une bonne gestion et une répartition juste et équitables des ressources publiques. C’est pourquoi, le contrôle citoyen doit être développé et accentué et c’est le rôle de la société civile et des institutions de contrôle au niveau national et régional.

TJN-A Newsletter

JULIEN TINGAIN Social Justice- Côte d’Ivoire

This document has been produced with the financial assistance of the European Union. The contents of this document are the sole responsibility of Tax Justice Network-Africa and can under no circumstances be regarded as

reflecting the position of the European Union.