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Effet d’âge et effet de génération dans le vote des jeunes en France. Introduction. La jeunesse est un enjeu lors des élections. Selon les périodes, l’électorat peut être important ou moindre mais il reste une cible à conquérir pour les candidats, puisque ces jeunes qui entrent alors dans le mode politique, et qui acquièrent leurs droits sont plus susceptibles de s’intéresser aux discours, aux idées, aux changements que peuvent apporter les candidats. Alors que l’on peut penser que leurs aînés ont déjà fait leurs choix politiques depuis plusieurs années. L’âge est une donnée politique fondamentale, c’est une variable clé pour expliquer les comportements politiques. Dans les sondages, l’âge des interrogés est demandé dans les enquêtes d’opinions et les sondages. Et les votants sont classés dans cinq classes d’âges depuis 1974 et l’abaissement de la majorité électorale a 18 ans au lieu de 21 : les 18-24 ans, les 25-34 ans, les 35-49 ans, les 50-64 ans et les 65 ans et plus. Il s’agit de comparer le vote des jeunes à celui de leurs ainés pour caractériser, essayer de définir des tendances dans leurs votes. A priori l’effet de l’âge est assez évident : la jeunesse vote à gauche et la vieillesse vote à droite. Mais l’âge n’est pas le seul facteur de diversité d’opinion politique. L’effet de génération doit être pris en compte même si peu d’études s’intéressent à ce phénomène car il est difficile de dissocier l’âge et la génération dans le vote. L’âge caractérise une personne à un moment donné de la vie, comme une photographie Dans ce sens on regarde le vote des jeunes par rapport à celui de leurs aînés. Par contre il existe plusieurs définitions au terme génération. La notion de génération peut s’entendre de 4 manières : familiale, démographique, sociale et politique (ou historique). Du point de vue démographique, une génération désigne un ensemble d’individus né au même moment (soit la même année, soit dans le même espace temps). Et qui aurait donc le même âge tout au long de la vie ; on parle aussi de cohorte dans ce sens. Du point de vue politique (ou historique) la génération renvoie a un groupe d’individus sensiblement du même âge qui, par leur mobilisation, leur expérience politique face a des événements particuliers ou encore leurs conflits avec d’autres générations, fabriquent une identité collective : on parle dans ce sens de la génération de la guerre d’Algérie ou encore de la génération 68. Les définitions qui nous intéressent, les générations politiques et démographiques, se confondent.

Effet d'âge et effet de génération dans le vote des jeunes en france

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Effet d’âge et effet de génération dans le vote des jeunes en France.

Introduction.

La jeunesse est un enjeu lors des élections. Selon les périodes, l’électorat peut être important ou moindre mais il reste une cible à conquérir pour les candidats, puisque ces jeunes qui entrent alors dans le mode politique, et qui acquièrent leurs droits sont plus susceptibles de s’intéresser aux discours, aux idées, aux changements que peuvent apporter les candidats. Alors que l’on peut penser que leurs aînés ont déjà fait leurs choix politiques depuis plusieurs années.

L’âge est une donnée politique fondamentale, c’est une variable clé pour expliquer les comportements politiques. Dans les sondages, l’âge des interrogés est demandé dans les enquêtes d’opinions et les sondages. Et les votants sont classés dans cinq classes d’âges depuis 1974 et l’abaissement de la majorité électorale a 18 ans au lieu de 21 : les 18-24 ans, les 25-34 ans, les 35-49 ans, les 50-64 ans et les 65 ans et plus. Il s’agit de comparer le vote des jeunes à celui de leurs ainés pour caractériser, essayer de définir des tendances dans leurs votes. A priori l’effet de l’âge est assez évident : la jeunesse vote à gauche et la vieillesse vote à droite. Mais l’âge n’est pas le seul facteur de diversité d’opinion politique. L’effet de génération doit être pris en compte même si peu d’études s’intéressent à ce phénomène car il est difficile de dissocier l’âge et la génération dans le vote.

L’âge caractérise une personne à un moment donné de la vie, comme une photographie Dans ce sens on regarde le vote des jeunes par rapport à celui de leurs aînés. Par contre il existe plusieurs définitions au terme génération. La notion de génération peut s’entendre de 4 manières : familiale, démographique, sociale et politique (ou historique). Du point de vue démographique, une génération désigne un ensemble d’individus né au même moment (soit la même année, soit dans le même espace temps). Et qui aurait donc le même âge tout au long de la vie ; on parle aussi de cohorte dans ce sens. Du point de vue politique (ou historique) la génération renvoie a un groupe d’individus sensiblement du même âge qui, par leur mobilisation, leur expérience politique face a des événements particuliers ou encore leurs conflits avec d’autres générations, fabriquent une identité collective : on parle dans ce sens de la génération de la guerre d’Algérie ou encore de la génération 68. Les définitions qui nous intéressent, les générations politiques et démographiques, se confondent.

Ces deux effets, l’effet d’âge et l’effet de génération, s’enchevêtrent entre eux, parfois même, avec d'autres facteurs, comme l'évolution du système politique, les transformations de la société ou l'élévation du niveau d’études.

Pourtant nous allons tenter de voir s’il existe un vote jeune en France. Pour répondre nous allons tout d’abord voir l’influence de l’âge, puis nous étudierons l’effet de génération et ses conséquences.

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I _ L’influence de l’âge dans le vote.

A_ L’abstention.

Si on prend en compte le seul effet de l’âge la participation aux scrutins forme une cloche. La participation augmente en fonction de l’âge. Les jeunes participent moins, surement mois informés sur les enjeux politiques. La participation augmente jusque vers 60-69 ans ou elle commence à baisser. Au delà de cette limite, la population relativise la portée des élections et ont aussi des problèmes liés à leur âge et ne peuvent pas toujours se déplacer jusqu’aux urnes.

La participation politique est donc totalement lié a l’âge, plus on est jeune, moins on vote. Leur abstentionnisme se révèle toujours plus élevé lors des élections législatives, municipales et surtout européennes. Mais l’élection présidentielle reste malgré tout la plus mobilisatrice et le niveau de participation des jeunes ne connaît pas de fluctuations très significatives par rapport au reste du corps électoral. Par exemple, en 2002, l’augmentation de l’abstention d’une élection présidentielle à l’autre apparaît un peu plus prononcée dans la tranche d’âge des 18-24 ans que dans le reste de l’électorat (10 points entre les premiers tours de 1995 et de 2002 contre 7 points parmi leurs aînés). Un jeune inscrit sur trois reste en marge de l’élection (34% des 18-24 ans, contre 28% de l’ensemble du corps électoral).

Il faut préciser que les jeunes ne sont pas toujours inscrits et ne peuvent pas aller voter. Maintenant l’inscription sur les listes est automatique mais les jeunes ne sont pas toujours informés de l’organisation du vote en France. Lors des élections présidentielles de 1988 à 2002, les jeunes ont toujours moins voté que leurs ainés Les jeunes qui participent sont ceux qui vont s’inscrire sur les listes électorales. En 2002 l’inscription est automatique sur les listes électorales, cela fait baisser le taux de participation. Par exemple ceux né entre 64-70 ont voté à 77% en 1988, 70% en 1995 et 64% en 2002.

B _ Un vote jeune à gauche   ?

En ce qui concerne les opinions politiques des jeunes, il semble que le « cliché » jeune à gauche et plus âgés à droite, doit être relativisé.

Les différentes études sur les sondages nous permettent de dégager des attitudes politiques selon différents moments. Tout d’abord en 1958, les attitudes politiques des jeunes se différencient peu de celles de leur aînés, l’âge ne semble pas avoir une influence donc sur ce vote. En 1966, les jeunes sont plus familiers du jeu politique et il y a une plus grande sympathie pour le parti communiste mais cela n’est pas significatif. C’est après 1968 que les comportements entre les jeunes et les autres âges se différencient. L’engagement à gauche de la jeunesse est très marqué, et encore plus en 1978. Pourtant dans les années 80 et 90 c’est surtout le désintéressement envers le jeu politique qui marque les élections. Pour l’élection présidentielle de 2007, 57% des 65-74 ans ont voté pour Nicolas Sarkozy au second tour. Et même 63% des plus de 75 ans. Ceci est un vote d’âge: les mêmes avaient voté en majorité pour François Mitterrand en 1981, 26 ans plus tôt. En vieillissant, on voit de moins en moins ce que l’on gagnerait au changement, et il est sans doute plus difficile de s’y adapter.

L’âge a donc un effet sur le vote. En règle générale, en vieillissant le vote se porte plus a droite qu’a gauche mais ce n’est pas toujours le cas. Si l’âge a toujours un effet sur la participation politique, on voit que ce n’est pas le cas en ce qui concerne les idées politiques. Cette analyse ne

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prend pas en compte l’effet de génération. On voit que c’est après 1968 que le vote de jeunes se positionne plus à gauche. Les évènements de mai 68 ont-ils un effet dans cette nouvelle attitude ? La prise en compte de l’effet de génération est donc essentielle pour analyser le vote des jeunes. Pierre Brechon écrit d’ailleurs dans comportements et attitudes politiques : « les effets de l’âge sur le vote apparaissent très difficile à analyser. On peut néanmoins conclure que cette variable n’a pas un impact évident, fort et constant sur le vote. En ce sens, ce n’est pas une variable lourde du comportement électoral ». L’âge n’a souvent donc qu’un effet indirect sur le vote.

II _ Le vote des jeunes soumis à l’effet de génération.

A _ L’évolution du vote jeune.

Une génération politique ou historique est donc un groupe d’individu ayant connu des événements particuliers durant leur socialisation qui les a marqués. Ce groupe a une identité collective qui influence toute leur vie leur choix politique. Pierre Brechon dit d’ailleurs : « Avoir 20 ans en 45, 65, ou 95 correspond à des contextes sociétaux extrêmement différents. Le fait d’être socialisé à un moment donné a probablement des effets structurants qui peuvent se prolonger au cour de la vie. »

Par exemple, les hommes qui ont eu 20 ans au moment de la Première guerre mondiale adhérent souvent a des missions patriotiques ou au contraire a la dénonciation de la guerre. Certains ont rejoint par la suite des ligues d’anciens combattants ou des mouvements pacifistes ou internationalistes. Toujours est-il qu’ils partageaient une expérience commune à l’ occasion de laquelle s’étaient fixés leurs attitudes idéologiques, leurs orientations culturelles et leurs antagonismes.

Les jeunes nés dans les années 40 sont largement en faveur du parti socialiste et même avec son déclin, ils continuent a voté pour ce parti. Il s’agit la d’un effet de génération, en vieillissant, il ne vote pas plus à droite. Leur expérience de la seconde guerre moniale les a sans doute influencé.

Il est vrai que pendant longtemps les partis étaient mieux définis. Par exemple le parti communiste français fut longtemps le premier parti de France et les jeunes votaient massivement en sa faveur. Les jeunes étaient marqués, notamment par son rôle de résistance durant la seconde guerre mondiale. Mais la montée du libéralisme entraîne des changements d’opinion politique. La génération de mai 68 a ouvert, dans le vote, une brèche qui marque profondément le vote de génération. On voit à cette occasion que les jeunes se différencient totalement face a leurs aînés. Le Général De Gaulle ne plaît plus, il incarne la vieillesse, le conservatisme. Les jeunes veulent un changement et le montre dans le vote.

Les cohortes nées dans les années 60-70, se caractérisent surtout pas leur absence de préférence partisane. Ils votent en faveur des écologistes, des groupes marginaux ou des listes hétérogènes. Le désintéressement envers les partis politiques se ressent de plus en plus. La cohorte née dans les années soixante (18-27 ans en 1988), est moins à gauche et plus au centre que la cohorte l'ayant précédée, celle des années cinquante. La différence est massive à âge égal (dix points de différence dans les "scores" de la gauche et du centre entre les 18-27 ans de 1978 et ceux de 1988), mais elle subsiste, très atténuée, en 1988, avec un écart de 2-3 points entre les 18-27 ans et les 28-37 ans.

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Les jeunes sont beaucoup plus sensibles à la conjoncture politique. S’il est certain que le vote conservateur est plus présent chez les personnes âgées, parce qu’il traduit un souci de protection du patrimoine acquis, les jeunes sont bien plus contestataires, surtout face aux interrogations qu’ils peuvent avoir sur leur avenir surtout en période de crise. L’exemple le plus flagrant date de 1995. Jacques Chirac, aux élections présidentielles a réussi a mobiliser les jeunes avec son thème de la « fracture sociale ». A cette élection les jeunes ont massivement votés à droite.

Aussi les jeunes aujourd’hui s’expriment dans l’abstention mais peuvent aussi s’exprimer dans un vote protestataire d’extrême droite ou en faveur des écologistes. Les jeunes ont une confiance limitée dans la sphère politique. Il est possible que les affaires politico-financières donnent une mauvaise image des hommes politiques. On peut donner l’exemple de l’affaire Clearstream qui a marqué ces dernières années ou l’affaire Elf dans les années 90. Ces affaires ternissent l’image des partis politiques et cela peut se ressentir dans les votes.

Le vote générationnel est évident. En fonction du contexte de socialisation, les jeunes sont plus enclin a choisir tel parti ou tel autre. La crise la plus marquante date de mai 68. Les jeunes contestataires ont totalement abandonné le vote de leurs aînés qui était bien moins marqué dans les générations précédentes. Mais l’effet de génération et d’âge sont difficile à cerner car les changements de la société jouent un rôle déterminant dans le vote.

B _ les autres facteurs.

Si les générations changent d’opinions politiques par rapport à celles de leurs ainés c’est a cause de transformations socio-économiques et culturelles qui ont structuré leur façon de penser. Ce n’est pas essentiellement le fait d’événements fondateurs majeurs. Ces transformations de la société ont entrainé un bouleversement des valeurs.

Plusieurs facteurs entrent dans la différence entre les générations. La principale est l’allongement des études. Le niveau d’étude a un rôle essentiel sur le vote. Les jeunes générations sont plus éduquées, ils s’intéressent donc bien plus a la politique que leurs aînés au même âge. Et sont donc plus enclin à aller voter. Cela ne joue pas tellement sur la participation mais surtout sur le choix du parti. La hausse du niveau d’étude entraîne une arrivée tardive dans le monde du travail, cela joue particulièrement sur le vote. En effet, par exemple, 48% des étudiants déclaraient s’intéresser à la politique en 2007 contre 25% des jeunes actifs.

Il faut aussi noter comme autre facteur la religion. On dit souvent que le vote des plus croyants est plus à droite qu’à gauche. Les plus âgés et donc les plus croyants votent alors plus à droite. Ce n’est pas seulement l’âge qui joue mais la génération. La religion a de moins en moins de poids dans la société et les jeunes ne font plus de choix politiques au regard de leur religion.

Les jeunes ne sont plus attirés par le vote mais ne sont pas pour autant désintéressés de la politique. En effet si les jeunes ne votent plus aujourd’hui on voit en parallèles la montée de nouvelles formes d’expressions politiques. Les jeunes manifestent, participent à des boycotts, signent des pétitions … L’éventail des pratiques s’élargit. Anne Muxel a montré que « les jeunes ne sont pas dépolitisés (…) s’ils sont relativement plus distants de la scène électoral que leurs ainés, en revanche, ils témoignent d’une certaine vitalité pour la mobilisation collective ». L’intérêt politique ne fléchit pas. Et si l’effet de génération joue, il pourrait même modifier le système de valeurs des plus âgés, les héritiers de 68 arrivants à l’âge de la retraite.

Les nouvelles formes de participation politique vont aussi, à leur tour, influencer les générations actuelles. En 2006, les manifestations contre le CPE par exemple vont surement participer à nos choix politiques futurs.

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Conclusion

Les effets de l’âge sur le vote des jeunes nous tendent à penser que les jeunes votent plus a gauche

Mais le vote des jeunes est très lié aux événements historiques qu’ils vivent au moment de leur socialisation politique. Des faits majeurs structurent leurs opinions politiques et sont un facteur essentiel dans leur vote.

Les effets de générations sont flagrants et mettent en lumière les évolutions sociales qui influencent le vote des jeunes comme le niveau d’étude, la religion par exemple.

De plus, les nouveaux modes d’expression politiques qui sont de plus en plus utilisés ces dernières années montrent que les jeunes sont intéressés par leur avenir, par la politique même s’ils ne se rendent pas aux urnes par la suite.

Analyser le vote des jeunes reste très difficile car il intéresse seulement depuis quelques décennies les historiens et sociologues politiques. Le manque de données ne permet pas de faire une étude sur une longue période car c’est seulement depuis les années 1970 que l’effet de générations est véritablement étudié comme facteur a part entière de choix politiques. De nombreuses données entrent en ligne de compte et étudier un seul de ces facteurs ne rend pas compte de la réalité.

Le vote toute génération confondue est aussi soumis à l’effet de période qui reste important. Les changements qui interviennent dans la société ne marquent pas seulement les jeunes générations qui pourront expliquer leurs choix politiques mais marquent les générations plus âgées qui influenceront aussi leurs comportements.