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Examen clinique articulaire et bilan M. Dufour L’examen clinique d’une articulation demande une pratique aguerrie de la mise en application des principes de base : distinction entre les critères qualitatifs et quantitatifs, choix du geste examinatoire le mieux adapté à la recherche du renseignement souhaité, choix de la technique de mobilisation passive la plus appropriée à la mesure, choix des items pouvant être remis en cause par la pathologie, élaboration d’un bilan et choix du mode de transmission le plus simple et le plus adapté au cas présenté. La notion d’évaluation ne se limite pas à la mesure, et la notion de normalité doit être appréciée dans le contexte du patient : ainsi, il est « normal » qu’un flessum articulaire de genou se traduise par une boiterie. De plus, l’abord d’une zone articulaire doit faire prendre en compte la qualité des rapports osseux (axialité d’un segment par rapport à un autre, courbure du rachis), ainsi que l’état des parties molles immédiatement en rapport (cul-de-sac synovial, gonflement ligamentaire...). Au total, les gestes reprennent toujours les mêmes éléments, avec une adaptation propre à l’articulation concernée. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Articulation ; Bilan articulaire ; Examen articulaire ; Rapports osseux ; Mobilisation passive Plan Introduction 1 Généralités 1 Sémantique examinatoire 1 Examen orthopédique 4 Examen qualitatif 4 Examen quantitatif 5 Analyse des informations 10 Bilan articulaire 11 Examens régionaux 11 Examen articulaire de l’épaule 11 Examen articulaire du coude 13 Examen articulaire du poignet 13 Examen articulaire de la main 14 Examen articulaire de la hanche 15 Examen articulaire du genou 17 Examen articulaire de la cheville 18 Examen articulaire du pied 18 Examen articulaire du rachis cervical 19 Examen articulaire du rachis thoracolombal 19 Examens articulaires complémentaires 19 Conclusion 22 Introduction L’examen clinique d’une articulation est une nécessité courante en kinésithérapie. Il permet de procéder au bilan articulaire, établi dans le cas où une déficience articulaire paraîtrait être impliquée dans un trouble segmentaire. Cette évaluation suppose quatre remarques. Comme tout examen, celui-ci doit être daté (pour être comparable dans le temps), reproductible et fidèle (c’est-à- -dire fiable), simple (c’est-à-dire rapide) et comparatif (au côté sain, lorsqu’il existe, ou à la norme habituelle dans le contexte concerné). • La pratique utilise les moyens classiques (inspection, palpa- tion, mensuration, mobilisation), sans les hiérarchiser indivi- duellement puisque ce sont des moyens, non des buts, et qu’ils sont souvent intriqués. Nous ne mentionnons donc pas, volontairement, ces procédés examinatoires. • Un examen doit donner un résultat, qui doit être exprimé clairement, de façon immédiatement compréhensible par un membre quelconque de l’équipe soignante, ou correspondant médical. Ce résultat est une évaluation, qu’elle résulte d’un fait objectif (mesure) ou subjectif. • L’examen articulaire tient compte de l’appréciation conjointe de la morphologie régionale, du tissu cutané de recouvre- ment, voire des muscles régionaux. Les informations se recoupent. Il convient simplement de dissocier les critères propres à chaque domaine afin de gagner en clarté sur le plan pédagogique et d’éviter les assemblages hétéroclites propices à la confusion. Généralités Sémantique examinatoire Afin d’éviter les confusions de langage, il est utile de préciser le sens qui est donné aux mots à l’occasion de l’examen clinique et des mouvements recherchés. Nous indiquons les principaux. Examen L’examen désigne l’acte de prendre en considération un élément en vue d’en déterminer les caractéristiques essentielles. Concernant l’examen du malade, cet acte est différent selon le but et les modalités : examen radiologique, examen bactériolo- gique, examen clinique... 26-074-A-10 1 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

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Examen clinique articulaire et bilan

M. Dufour

L’examen clinique d’une articulation demande une pratique aguerrie de la mise en application desprincipes de base : distinction entre les critères qualitatifs et quantitatifs, choix du geste examinatoire lemieux adapté à la recherche du renseignement souhaité, choix de la technique de mobilisation passive laplus appropriée à la mesure, choix des items pouvant être remis en cause par la pathologie, élaborationd’un bilan et choix du mode de transmission le plus simple et le plus adapté au cas présenté. La notiond’évaluation ne se limite pas à la mesure, et la notion de normalité doit être appréciée dans le contexte dupatient : ainsi, il est « normal » qu’un flessum articulaire de genou se traduise par une boiterie. De plus,l’abord d’une zone articulaire doit faire prendre en compte la qualité des rapports osseux (axialité d’unsegment par rapport à un autre, courbure du rachis), ainsi que l’état des parties molles immédiatementen rapport (cul-de-sac synovial, gonflement ligamentaire...). Au total, les gestes reprennent toujours lesmêmes éléments, avec une adaptation propre à l’articulation concernée.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Articulation ; Bilan articulaire ; Examen articulaire ; Rapports osseux ; Mobilisation passive

Plan

¶ Introduction 1

¶ Généralités 1Sémantique examinatoire 1Examen orthopédique 4Examen qualitatif 4Examen quantitatif 5Analyse des informations 10Bilan articulaire 11

¶ Examens régionaux 11Examen articulaire de l’épaule 11Examen articulaire du coude 13Examen articulaire du poignet 13Examen articulaire de la main 14Examen articulaire de la hanche 15Examen articulaire du genou 17Examen articulaire de la cheville 18Examen articulaire du pied 18Examen articulaire du rachis cervical 19Examen articulaire du rachis thoracolombal 19Examens articulaires complémentaires 19

¶ Conclusion 22

■ IntroductionL’examen clinique d’une articulation est une nécessité

courante en kinésithérapie. Il permet de procéder au bilanarticulaire, établi dans le cas où une déficience articulaireparaîtrait être impliquée dans un trouble segmentaire. Cetteévaluation suppose quatre remarques.• Comme tout examen, celui-ci doit être daté (pour être

comparable dans le temps), reproductible et fidèle (c’est-à-

-dire fiable), simple (c’est-à-dire rapide) et comparatif (au côtésain, lorsqu’il existe, ou à la norme habituelle dans lecontexte concerné).

• La pratique utilise les moyens classiques (inspection, palpa-tion, mensuration, mobilisation), sans les hiérarchiser indivi-duellement puisque ce sont des moyens, non des buts, etqu’ils sont souvent intriqués. Nous ne mentionnons doncpas, volontairement, ces procédés examinatoires.

• Un examen doit donner un résultat, qui doit être expriméclairement, de façon immédiatement compréhensible par unmembre quelconque de l’équipe soignante, ou correspondantmédical. Ce résultat est une évaluation, qu’elle résulte d’unfait objectif (mesure) ou subjectif.

• L’examen articulaire tient compte de l’appréciation conjointede la morphologie régionale, du tissu cutané de recouvre-ment, voire des muscles régionaux. Les informations serecoupent. Il convient simplement de dissocier les critèrespropres à chaque domaine afin de gagner en clarté sur le planpédagogique et d’éviter les assemblages hétéroclites propicesà la confusion.

■ Généralités

Sémantique examinatoireAfin d’éviter les confusions de langage, il est utile de préciser

le sens qui est donné aux mots à l’occasion de l’examenclinique et des mouvements recherchés. Nous indiquons lesprincipaux.

ExamenL’examen désigne l’acte de prendre en considération un

élément en vue d’en déterminer les caractéristiques essentielles.Concernant l’examen du malade, cet acte est différent selon lebut et les modalités : examen radiologique, examen bactériolo-gique, examen clinique...

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1Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

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CliniqueLe terme de clinique (du latin clinicus, désignant le médecin

se rendant au lit du malade, c’est-à-dire avec ses propres moyensd’investigation, excluant, par exemple, les examens dits com-plémentaires) évoque des gestes examinatoires pratiquésmanuellement, c’est-à-dire en prise directe sur le malade, sanspasser par l’intermédiaire de procédures instrumentales (tell’électromyogramme ou enregistrements divers). Les seulscompléments de la main concernent le petit matériel tel que lemètre à ruban et le goniomètre.

Examen articulaireCet examen clinique se cantonne à l’examen de l’articulation

et de ses annexes (il n’exclut pas les temps examinatoiresconsacrés à la peau, aux muscles, au système vasculaire, quisont traités par ailleurs et entrent dans le résultat final del’examen clinique). Il est divisé schématiquement en trois tempsconsécutifs et complémentaires prenant en compte : l’abordorthopédique, l’aspect qualitatif de la mobilité et son aspectquantitatif.

BilanIl suit l’examen clinique. Le terme de bilan (du latin bi-,

deux, et lanx, -cis, plateau d’une balance) évoque une balance àdeux plateaux servant à peser le pour et le contre, c’est-à-direles éléments qui vont faire pencher la balance en faveur de telleou telle opinion. Le bilan financier d’une entreprise reflète lasanté de celle-ci et un bilan non équilibré relève du contrôlefiscal. Le bilan se différencie de l’examen clinique : l’examencumule les preuves, le bilan détermine les responsabilités.

Le bilan articulaire prend en compte les différentes conclu-sions de l’examen et établit une opinion, pour solde de toutcompte. Il peut commencer par ces mots : « Au total... ». À sonterme, on doit connaître l’essentiel et pouvoir en tenir compte,tant pour proposer un objectif thérapeutique adapté, que pourétablir le pronostic probable.

ROMPCe sont les initiales de « relaté – observé – mesuré – planifié »

(Delplanque, 2005 ; Viel, 2000), adaptées par Viel par rapport audossier du patient anglo-saxon (SOAP notes : subjective, objective,analysis, plan). C’est une façon concise de reprendre les moyensprécités. Le relaté regroupe tout ce qui est recueilli par lepraticien, aussi bien dans le dossier du malade que dans soninterrogatoire ou ce qui est appris incidemment au cours desséances. L’observé regroupe tout ce que le praticien a puconstater, que ce soit par l’inspection, la palpation ou touteévaluation. Le mesuré regroupe tout ce que le praticien a puobjectiver à l’aide d’instruments. Le planifié évoque la déduc-tion (bilan) qui découle de l’examen et permet une vue pros-pective du traitement (buts et moyens).

MesureElle désigne tout système d’objectivation d’une grandeur

grâce à une référence étalonnée. En matière articulaire, il peuts’agir de distances droites (linéaires, exemple : distance talon-fesse) ou non (périmètres, exemple : périmètre du genou en casd’hydarthrose), d’angles (degrés, exemple : angulation d’uneflexion du coude), d’ampliations (différentiel entre deuxpérimètres, exemple : écart entre les périmètres inspiratoire etexpiratoire à un niveau donné, pour traduire [entre autres] lamobilité articulaire des côtes).

ÉvaluationElle désigne toute appréciation qualitative, par définition

subjective (exemple : les bruits et ressauts articulaires), ouquantitative, mais ne pouvant faire l’objet d’une mensuration(exemple : la liberté fémoropatellaire doit être évaluée enquantité, mais n’est guère mesurable). Tout est évaluable, mêmeune douleur ligamentaire qui doit faire l’objet d’une évaluationde type échelle visuelle analogique (EVA) ou être mise enparallèle avec la posologie d’un antalgique.

Mouvements et secteursIl ne faut pas confondre un mouvement de flexion (type

d’action) et un secteur de flexion (lieu de l’action). Ainsi,lorsqu’on a le bras derrière le dos et qu’on le ramène à laverticale, on fait une flexion tout en étant dans le secteurd’extension d’épaule (Fig. 1). Si l’on prolonge ce mouvementvers l’avant, la flexion s’effectue dans le secteur de flexion.Inversement, le retour le long du corps est une extension, dansle secteur de flexion.

Mouvements analytiquesCe sont des mouvements (flexion-extension, abduction-

adduction, rotations latérale et médiale, pronosupination, cf.infra) qui sont artificiellement isolés de leur contexte fonction-nel (Fig. 2). De ce fait, ils se définissent comme ayant un plan,un axe (on sait que, fonctionnellement, ces mouvements nes’effectuent jamais dans un plan pur, ni autour d’un axeunique), une amplitude nette et visible, des muscles moteurs.Ainsi, il n’est pas admissible de parler d’adduction du coude (cf.mouvements spécifiques).

Mouvements spécifiquesCe sont des mouvements physiologiques, existant au sein de

certaines articulations non congruentes et non concordantes(Fig. 3). Ils se traduisent par de minimes bâillements ouglissements, non mesurables, simplement appréciables qualita-tivement. Leur importance varie en fonction de la laxité dusujet. S’ils dépassent une certaine importance, ils deviennentanormaux et traduisent une instabilité passive de l’articulation.Ainsi au coude, lorsqu’une légère flexion désengage l’olécranede sa cavité humérale, un petit bâillement médial est possible,ce n’est pas une adduction.

Figure 1. Mouvement de flexion effectué dans le secteur d’extension del’épaule.

sup

antlat

Figure 2. Mouvements sagit-taux de la scapulohumérale cor-respondant à un pivotement de latête sur la glène.

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Mouvements anormauxIls sont de deux types.Mouvements analytiques ou spécifiques, donc normaux, mais

en amplitude anormale. Par exemple, un bâillement médial dugenou peut devenir, pathologiquement, un mouvement delatéralité médial (distension ou rupture du ligament collatéraltibial).

Mouvements anormaux d’emblée traduisant une subluxationarticulaire ou un diastasis (ballottement du talus dans la pincetibiofibulaire).

Flexion et extensionCe sont des mouvements analytiques effectués dans le plan

sagittal du corps, autour d’un axe situé à l’intersection des planstransversal et frontal passant par le centre articulaire théorique.Il faut dissocier le sens mécanique et le sens anatomique. Lepremier parle de flexion quand les deux extrémités d’unsegment se rapprochent, et d’extension quand elles s’éloignent,le deuxième parle de flexion et d’extension de façon conven-tionnelle (et non systématisable), par exemple : la flexiontraduit un déplacement généralement en avant du plan frontaldu corps et l’extension en arrière. Mais ce n’est pas toujours lecas : ainsi, au genou c’est l’inverse. De même, le terme peutparfois prêter à confusion et l’on précise : flexion dorsale ouflexion plantaire de la cheville.

Rectitude, déflexionCes deux termes animent parfois des querelles stériles. Le

terme de déflexion, ou retour de flexion, est parfois utilisé àpropos d’une articulation ne possédant pas de secteur d’exten-sion (coude, genou). En effet, l’étymologie indique que larectitude est une position où deux segments sont alignés et quele terme d’extension a une double signification : soit rectitude(synonyme), soit mouvement allant vers la rectitude, c’est-à-dire tendant à aligner deux segments qui ne le sont pas.

Abduction et adductionCe sont des mouvements analytiques effectués dans le plan

frontal du corps, autour d’un axe situé à l’intersection des planssagittal et transversal passant par le centre articulaire théorique.Le segment distal mobile s’écarte du corps (ab-) ou s’en rappro-che (ad-).

Rotations latérale et médialeCe sont des mouvements analytiques effectués dans le plan

transversal du corps, autour d’un axe situé à l’intersection desplans sagittal et frontal passant par le centre articulaire théori-que. Le déplacement s’effectue vers le latéral ou le médial.

Pronation et supinationMouvements analytiques. Le terme est utilisé pour l’avant-

bras et pour le pied.

• Pour l’avant-bras, ce sont des rotations axiales du segmentpar déplacement du radius (en haut par rotation de sa tête,en bas par translation circonférentielle de son extrémitéinférieure). Le mouvement doit être isolé d’une participationd’une rotation d’épaule et, pour ce faire, le coude est généra-lement fléchi à angle droit. La position de référence est laposition intermédiaire (main dans le plan vertical), la supina-tion amène la main paume en l’air, la pronation paume enbas (supinare signifie « être couché sur le dos » et pronare :« pendre en avant » [dans cette position, la main chute versl’avant]).

• Pour le pied, c’est une rotation du pied autour de son axelongitudinal. La supination est le relèvement du bord médial(et abaissement du latéral) et inversement pour la pronation.

Mouvements du piedLa complexité de leur dénomination vient du fait des nom-

breuses articulations concernées, de leur interaction, due àl’impossibilité d’effectuer des mouvements purs et, enfin, du faitque l’axe du pied est perpendiculaire à l’axe anatomique ducorps et que, de ce fait, la dénomination risque de porter àconfusion, par exemple à propos du plan transversal (celui dupied diffère de celui du corps). Il est donc utile de préciser. Unecaricature conventionnelle permet d’établir dix mouvements dupied (dont huit sont théoriques puisque difficiles à isoler) enfonction des plans dans lesquels on les prend en compte(Tableau 1) (Fig. 4, 5).

Mots latinsL’examen articulaire utilise parfois des mots latins. Classique-

ment, ces termes sont réservés à des positions et non à desmouvements. De plus, ils ont une connotation pathologique. Ilest donc recommandé de veiller à leur emploi. Par exemple, unpied pronatus est une variété de pied bot dans lequel le pied estinstallé en position de pronation (réductible ou non). On parleaussi de pied valgus, de metatarsus varus, de genu varum (dansun certain nombre de cas, la dévaluation des mots a conduit àutiliser le terme de façon courante et physiologique ; dans ce

Figure 3. Pied orthogonal à la jambe : de légers glissements antéropos-térieurs sont possibles au niveau talocrural.

Tableau 1.Mouvements du pied.

Dans un plan (Fig. 4) Dans deux plans Dans trois plans (Fig. 5)

Flexion plantaire - Inversion

Adduction Varisation Inversion

Supination Varisation Inversion

Abduction Valgisation Éversion

Pronation Valgisation Éversion

Flexion dorsale - Éversion

Figure 4. Le plateau instable est un instrument de choix pour l’entraî-nement proprioceptif de la cheville.

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cas, il est bon de préciser que la valeur est physiologique, parexemple : valgus physiologique du genou, recurvatum physio-logique [ou non], lordose physiologique...).

Examen orthopédiqueC’est la première démarche, souvent rapide, parfois évidente,

mais pouvant revêtir une importance capitale. Il s’agit d’obser-ver si l’articulation est normoaxée ou non (déformation). Parexemple, arrivant au lit d’un malade porteur d’une prothèse dehanche, il est inutile de sortir un goniomètre si le premier coupd’œil montre un grand trochanter remontant dans la surfaceglutéale (signe de Nélaton), preuve d’une luxation de la pro-thèse, parfois survenue entre deux séances de rééducation, aucours d’un retournement nocturne. En d’autres endroits, celaconcerne la position des malléoles, la ligne bistyloïdienne dupoignet, le valgus du coude, l’axialité vertébrale, ou autres.

En cas d’anomalie, l’ensemble de l’examen clinique doitimmédiatement préciser le contexte ; c’est-à-dire indiquer s’ils’agit d’un cas nécessitant l’envoi du patient en secteurd’urgence (afin de diagnostiquer une fracture ou une luxationprésumées) (Fig. 6) ou si l’on reste dans un cas relevant de lacompétence kinésithérapique. Dans ce dernier cas, la déforma-tion observée doit être appréciée en valeur et en réductibilité.

Cette phase de l’examen doit conclure sur le fait que l’articu-lation est, ou n’est pas, normoaxée, et, dans ce dernier cas, enquoi elle s’écarte de la norme et dans quelle proportion. Parexemple, un genu valgum observé peut être plus important que

du côté sain, mais rester dans une marge acceptable, ce qui doitamener à surveiller son évolution éventuelle, mais il peut aussiêtre très marqué (et donc chiffré).

Examen qualitatifIl porte sur des éléments évaluables, mais non mesurables. On

y trouve plusieurs items, absents dans le cas d’un sujet sain, etreprésentant donc des aspects négatifs.

Mobilité spontanéeBien qu’un examen articulaire doive toujours utiliser le

mouvement passif (cf. infra), cette règle connaît ponctuellementquelques exceptions :• devant un sujet présentant une éventuelle atteinte articulaire,

il est utile de lui demander s’il souffre et s’il peut bouger, cequ’il effectue en actif. La souffrance est généralement le motifpremier qui justifie la demande du patient. La difficulté àbouger permet, avant tout examen, de constater quelssecteurs et quels plans doivent être plus spécialement inves-tigués. C’est donc un préalable ;

• dans le cadre d’un examen déjà bien cerné, on peut êtreconduit à raccourcir le temps d’examen en se contentantd’une mobilisation active (cf. infra) ;

• certaines articulations se prêtent mal au maniement d’uninstrument de mesure en même temps qu’une mobilisationpassive (cf. infra).

DouleurLa douleur articulaire ne doit pas être confondue avec une

douleur d’une autre origine (musculaire, tendineuse, cutanée).Elle peut se manifester de trois façons.• Douleur spontanée. Le malade y fait référence, en dehors de

tout élément tendant à la provoquer. Son articulation estl’objet d’un ressenti douloureux, soit global et imprécis(exemple d’un épanchement synovial), soit parfaitementlocalisé (exemple d’une entorse), plus ou moins intense, àrythme mécanique ou inflammatoire.

• Douleur liée à la palpation. Elle est recherchée sur tout lepourtour de l’insertion capsulaire, voire des culs-de-sac,quand c’est le cas. Autant cela est aisé pour une articulationsuperficielle comme celle du genou, autant cela ne l’est paspour une articulation profonde comme celle de la hanche.Cette palpation doit être étendue aux ligaments, sur leursinsertions et leur trajet selon les modalités habituelles (miseen tension et palpation transversale).

• Douleur liée au mouvement. La douleur peut apparaître aucours d’un mouvement. Cela peut concerner un mouvementnormal, lors de la mise en tension capsulaire en fin d’ampli-tude. Par exemple, dans le cas d’une hydarthrose du genou,on parle de douleur symétrique, puisque la position de plusgrande contenance est la position moyenne et que la flexioncomme l’extension majorent la douleur. Dans le cas d’unesouffrance ligamentaire, la douleur est de type asymétrique,du fait qu’elle est provoquée par le mouvement qui met entension le ligament lésé et non par le mouvement inverse.Cela peut aussi concerner les micromobilités provoquées afinde créer une convergence, ou une divergence, de l’interligne.Dans le premier cas, la douleur met en cause la compressiond’un élément intra-articulaire, de type synovial, inclusionméniscoïde, ménisque, cartilage. Dans le second cas, ladouleur met en cause des éléments extra-articulaires, de typeligamentaire. Par exemple, une douleur apparaissant enforçant le valgus du genou peut mettre en cause le ligamentcollatéral tibial, si la douleur est médiale, ou le ménisquelatéral, si la douleur est latérale.

Manque de fluiditéIl se traduit par un mouvement au glissement ralenti, freiné.

Pour ce faire, il faut mobiliser l’articulation, plan par plan,secteur par secteur, en allers et retours lents (mouvement detype conduit, à ne pas confondre avec le geste du ballantmusculaire, dans lequel le segment est balancé librement enva-et-vient, qui est un mouvement lancé). Un secteur peut êtrelibre et un autre non. Il convient de les noter.

Figure 5. La cheville s’associe aux mouvements globaux du pied pourdonner de l’inversion (A) et de l’éversion (B).

Figure 6. La fracture de Pou-teau-Colles provoque une désaxa-tion du poignet.

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RessautsIls traduisent des accrochages, des ruptures du rythme

articulaire au cours du déroulement du mouvement, voire desdésaxations soudaines lors de la mobilité physiologique. Il fautles différencier des ressauts tendineux périarticulaires provoqués,eux aussi, par le mouvement lors de la mise en tension d’untendon sur un amarrage déficient (comme ce peut être le caspour les tendons fibulaires, au contact de la malléole latérale, àla cheville).

Arthrophonie (bruits articulaires)Ces sonorités accompagnent souvent les ressauts. Elles sont

délicates à interpréter. Le bruit peut être mat et sourd, évoquantun choc cartilagineux, ou plus sec et aigu, évoquant le claque-ment d’une partie molle. C’est le contexte (symétrique ou non,reproductible ou non, douloureux ou non, suite à un accidentarticulaire ou non) qui permet de donner une appréciationpathologique.

VolumeIl représente celui de la poche articulaire. Cela concerne

exclusivement les articulations suffisamment sous-cutanées pourqu’il soit visible (comme au genou). Il doit être différencié d’unœdème local, ou d’un hématome, concernant les parties mollesenvironnantes. Son appréciation peut être objectivée par uneprise de circonférence au niveau articulaire ou l’existence d’unsigne particulier (choc patellaire, sensation de flottement à lapalpation). L’augmentation de volume traduit soit un épanche-ment (hydarthrose, hémarthrose), soit une réaction inflamma-toire avec épaississement synovial.

Mouvements anormauxAux mouvements normaux, dont on apprécie les qualités, il

faut ajouter la recherche de mobilités pathologiques traduisantun dysfonctionnement plus ou moins grave, soit en rapportavec une perte de la stabilité passive (par exemple une ruptureligamentaire), soit avec une destruction des surfaces articulaireset donc une perte de guidage du mouvement.

Les mouvements anormaux sont répertoriés et varient d’unearticulation à l’autre. Ils sont à type de bâillements ou glisse-ments, mais d’existence ou d’importance non physiologique.Ainsi, au niveau du genou, il existe deux grands types demouvements anormaux : ceux de latéralité (bâillements médialet/ou latéral majorés) et ceux de tiroir (antérieur et/ou posté-rieur). Un affinement fait intervenir les placements rotatoiressimultanés, qui permettent de définir les structures incriminées.La recherche de tels mouvements procède du diagnostic médi-cal, cependant le kinésithérapeute doit les connaître, car, étantdes éléments de référence, ils font partie du langage commun.

Il faut noter que, en fonction de la laxité propre à un sujet,il existe toujours de minimes mobilités physiologiques annexes,dites spécifiques, à différencier des mouvements anormaux,pathologiques (rappel : il faut différencier clairement lesmobilités spécifiques des analytiques et ne jamais les nommeravec des noms semblables. Ainsi, un bâillement frontal del’interligne du coude peut être appelé : « bâillement en valgus »ou « en varus », « exagération » ou « diminution du valgusphysiologique », bâillement médial ou latéral, mais jamais« abduction » ou « adduction »).

TestsPour clore cet aspect qualitatif, il faut mentionner les

différentes façons d’investiguer une articulation. Les recherchesde mouvements anormaux, notamment, font l’objet de testspermettant de définir un type de lésion. Ainsi, au genou, le testde Lachmann est un mouvement de tiroir effectué à 20° deflexion du genou et témoigne d’une lésion du ligament croiséantérieur, ou postérieur selon le sens trouvé. Ces tests sontsouvent répertoriés par des noms propres, ils sont parfoisnombreux pour une même articulation et seuls les plus impor-tants sont connus. Il faut savoir que leur valeur prédictive estvariable selon les tests : généralement, quand il existe plusieurstests pour un même signe, c’est qu’aucun n’est fiable et il fautfaire se recouper plusieurs signes positifs pour conforter une

conclusion pathologique. En effet, il existe des faux positifs etdes faux négatifs et, comme dans une enquête policière, il fautune convergence de preuves pour faire un coupable.

Examen quantitatifC’est le cadre de l’objectivation d’amplitude. Plusieurs

éléments sont à prendre en compte.

Règles• Mouvement passif. Pour se rapporter uniquement à l’articula-

tion, la mobilisation doit concerner le seul mouvement passif.Ainsi, l’impossibilité d’élever le bras en abduction, en raisond’une paralysie du deltoïde (examen musculaire), ne doit pasêtre confondue avec une raideur articulaire empêchant lemouvement d’abduction (examen articulaire). Une seconderaison est qu’une amplitude active est généralement infé-rieure à l’amplitude passive, ce qui est une sécurité fonction-nelle. Cette règle connaît parfois des exceptions :C dans le cadre d’un examen déjà bien cerné, il est possible

de raccourcir le temps d’examen en se contentant d’unemobilisation active. C’est le cas, par exemple, des estima-tions intermédiaires pratiquées en cours de séance. En effet,la marge d’erreur est constante et, en dehors du cas deretranscription sur un dossier, le geste reste suffisammentfiable pour donner une estimation en cours de traitement ;

C certaines articulations se prêtent mal au maniement d’uninstrument de mesure en même temps qu’une mobilisationpassive. C’est, par exemple, le cas de la région cervicale. Latechnique passive est toujours possible mais, par souci desimplification, certains praticiens utilisent le mouvementactif, comme évoqué ci-dessus. Cependant, le plus satisfai-sant est de demander au patient de faire le mouvement, lepraticien s’assurant passivement de la fin de l’amplitude(Fig. 7).

• Mouvement analytique. C’est une nécessité afin de ne pasrisquer d’imputer un déficit à un autre élément d’un com-plexe articulaire.

Différents types de mesures• La mesure angulaire est la plus courante. Elle reflète la valeur

de l’angle formé par le débattement des segments concernés.Ces déplacements étant très généralement de type angulaire,il s’ensuit que la mesure l’est aussi.

• La mesure linéaire est moins fréquente. Elle correspond à deuxcirconstances : soit dans le cas d’une articulation servie pardes segments de grande taille, lorsque ceux-ci arrivent en finde course articulaire. Par exemple, en fin de flexion dugenou, la mesure linéaire fesse-talon (plus exactement d’os àos : ischion-calcanéus), soit dans le cas d’un segment polyar-ticulé (comme le rachis, par exemple). Il faut signaler le cas

Figure 7. Utilité d’une contre-prise pour mesurer une amplitudearticulaire.

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

5Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

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particulier du rachis thoracolombal, où l’on mesure unedistance cutanée comme étant le reflet d’une amplitudearticulaire (il existe une cohérence entre les qualités mécani-ques des différents tissus d’une même zone, raide ou laxe ;lorsque les articulations sont peu mobiles, les muscles sontfortement fibreux et aponévrotiques, la peau épaisse etadhérente, et inversement dans les zones laxes).

Valeur des mesuresSelon le mode choisi• Le chiffre a une valeur intrinsèque : c’est le cas des chiffrages

angulaires. Une amplitude de 30° d’abduction de scapulohu-mérale est facile à imaginer quel que soit le sujet, l’angulationest toujours identique à elle-même, qu’il s’agisse d’un petitenfant ou d’un géant.

• Le chiffrage n’a aucune valeur intrinsèque : c’est le cas deschiffrages linéaires. À l’inverse de la valeur angulaire, lenombre de centimètres n’a aucune valeur en lui-même : unécartement du coude (olécrane-crête iliaque) de l’ordre de15 cm chez un petit enfant ne représente pas la mêmeamplitude s’il s’agit d’un adulte, a fortiori d’un géant.

Selon l’unité choisie• Les degrés sont à donner à 5° près, c’est-à-dire de 5 en 5.

Quelles que soient les qualités du praticien, la marge d’erreurest d’environ 5°. On parle donc de 65° d’abduction de lascapulohumérale et non de 67°. L’exception réside dans lecalcul des angles radiologiques (par exemple dans les scolio-ses), où l’angle est calculé au degré près, avec un rapport, oubien lorsqu’on effectue des mesures sur toute une populationde sujets (l’erreur est ainsi traitée statistiquement).

• Les centimètres ne sont exploitables qu’à condition deprendre en compte une distance courte (une flexion dugenou traduite par une distance ischion-calcanéus de 7 cm estacceptable, mais pas une valeur de 83 cm). Ils donnent uneprécision de l’ordre du centimètre ou, au mieux du demi-centimètre, mais certainement pas du millimètre.

• Les travers de doigts ne relèvent pas d’une unité de mesure(cf. infra), mais d’une simple quantification faite par lemalade, ou d’une approximation faite par le praticien.

• Les pourcentages. Ils sont utilisés pour les débattementsarticulaires ne pouvant faire l’objet d’une mesure, soit enraison du manque de repérage fiable (exemple pour l’articu-lation fémoropatellaire), soit en raison de l’assemblage deplusieurs interlignes rendant le mouvement complexe et peuisolable (exemple pour l’inversion-éversion du pied). Il s’agitlà d’une estimation et les chiffres doivent donc être arrondis :100 % étant la norme de mobilité, on peut dire que la patellaest libre à 80 % dans le sens transversal (c’est-à-dire avec despourcentages allant de 20 en 20, ou de 25 en 25...).

• Les croix. Elles sont réservées à l’évaluation des mouvementsanormaux et sont réparties en trois valeurs croissantes :+ (mouvement anormal discret), ++ (mouvement anormalnet), +++ (mouvement anormal très important). C’est ainsique l’on nomme, par exemple, les mouvements de tiroir dugenou, ou ses latéralités. Le nombre de croix traduit en faitune mesure qualitative ordonnée (« discret », « net », « trèsimportant »).

Instruments• Le mètre à ruban, ou mètre souple. Il est utilisé pour les

mesures linéaires. Il doit être tendu entre deux repères osseuxet non dans le relief cellulograisseux et, de ce fait, les pointsde mesure du ruban doivent être appuyés sur les tissus pourprendre appui sur l’os sous-jacent. Par exemple, la flexion dehanche mesurée par la distance « bord supérieur de la patella– mamelon » est critiquable pour toutes les raisons : d’unepart, le segment mesuré intègre la bascule pelvienne et lerachis lombal, d’autre part la prise en compte du mamelonest trop sujette à erreur en fonction de la position, chez unefemme. De même, la distance connue sous le vocable « talon-fesse » est en réalité une mesure « calcanéus-ischion » (Fig. 8).

• Le goniomètre à branches. Il est utilisé pour les mesuresangulaires. Il existe plusieurs modèles, des plus simples (deuxaxes de matière plastique montés sur un rapporteur) aux plussophistiqués (électrogoniomètres), en passant par toutes les

variantes de tailles (petit goniomètre de Balthazar pour lesdoigts, goniomètre à bras télescopiques pour les grandssegments) (Fig. 9). Le meilleur choix est celui de la simplicité :le goniomètre simple, dit « de Cochin » est le plus fréquem-ment utilisé.

• L’inclinomètre. Il est utilisé pour les mesures angulaires pourlesquelles la référence est la verticale. Les modèles utilisent unindex plombé monté sur un rapporteur (cadran de 360°,mobile) et placé sur une branche axiale (Fig. 10). Le plurimètrede Rippstein est un modèle semblable. L’inclinomètre peutêtre monté sur un serre-tête auquel est adjoint un rapport,placé latéralement et muni d’un index mobile et plombé quiindique la verticale : la flexion-extension cervicale est ainsimesurée directement (Fig. 11). Un glissement du serre-têtepermet de placer le rapport dans le plan frontal et de mesurerl’inclinaison latérale. La critique que l’on peut apporter à tousces appareils de mesure spéciaux est que la pratique courantes’accorde mal avec la multiplicité instrumentale.

• Les travers de doigts. Ils sont le reflet d’une époque oùl’évaluation était très figurée. Les recettes de cuisine parlaientde cuillère à soupe, à dessert, à café, de petite pincée ou degrosse pincée, et la médecine parlait de tumeur de la tailled’une noisette, d’une petite prune, d’un petit œuf, d’un belœuf, ou de pamplemousse (on peut noter qu’au niveauintestinal, le mot « duodénum » est un mot latin signifiant« douze (travers de) doigts » et qu’au Moyen Âge, le duodé-num s’appelait, effectivement, le « douze doigtier »). Actuel-lement, le scanner donne des valeurs millimétriques. Danscette logique, le travers de doigts (sous-entendu : les doigts dumalade, car il faut tenir compte du gabarit du sujet) étaitpratique courante pour les mesures linéaires de peu d’étendue(en dessous de dix doigts). De fait, ce mode d’appréciation esttoujours très utile, soit au cours d’une séance (par exemple aucours d’une posture du genou en flexion) lorsqu’on serapproche d’une distance inférieure à une dizaine de centi-mètres, soit lorsque le malade lui-même s’autocontrôle chezlui, pour ces mêmes valeurs (Fig. 12).

• L’estimation à l’œil. Appelée vulgairement « pifomètre », ils’agit d’une évaluation réservée aux habitués, c’est-à-dire auxexperts. Comme dans tout métier, le coup d’œil du maître estplus fiable que celui du novice. Il n’en reste pas moins que,quand il y a doute, il est bon de préciser par l’objectivationinstrumentale.

Validité des mesuresQuel que soit le type d’instrument choisi, la validité des

mesures est fonction de la qualité des points de repère choisiset de leur constance. Cette dernière exige parfois de reprendreles points de repérage cutané, la peau pouvant bouger au coursdu mouvement.

RéférencesRéférence spatiale

Elle concerne l’un des plans anatomiques.Les avantages sont doubles. D’une part, c’est d’avoir une

référence stable et connue, facile à situer et, par voie deconséquence, d’avoir une lecture directe sur le goniomètre.

Figure 8. Distance centimétrique calcanéus-ischion.

26-074-A-10 ¶ Examen clinique articulaire et bilan

6 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 7: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

D’autre part, c’est que la recherche du centre articulaire estinutile, puisque deux angles ayant leurs bords parallèles sontégaux (cela dit, lorsque la mesure est faite à partir d’un gonio-mètre à deux branches, il est intellectuellement rassurant deplacer le centre du goniomètre en regard du centre articulairethéorique) (Fig. 13).

L’inconvénient réside dans le risque de compensation dusujet, en cas de difficulté (Fig. 14).

Les techniques utilisant cette référence doivent donc impéra-tivement inclure une contre-prise de bonne qualité (Fig. 13). Il

faut toutefois mentionner que celle-ci n’a d’importance quepour la réalisation de l’amplitude maximale, elle peut êtreabandonnée sans inconvénient au moment de la prise demesure qui ne prend en compte que le plan de l’espaceconcerné.

Référence segmentaireElle concerne le segment fixe.L’avantage est le rapport segmentaire direct de l’angle

mesuré. Nous sommes dans le cas d’une contre-prise inutile,puisque seuls sont pris en compte les segments adjacents del’articulation concernée, quel que soit leur placement spatial(Fig. 15).

A

2021

2223

2425

2627

2829

3031

3233

3435

12

34

0

12

34

56

78

910

1112

1314

1516

12

34

0

90

90

0

180

B

1

C

9090

0 18000 180

Figure 9.A, B, C. Modèles de goniomètres à deux branches. 1. Branches repliables.

0

3040

5060

7080

90100

110

120130

140 150 160 170180

170160

150

140

130

120

110

100

9080

70

6050

403020

20

1010

A

1

040

6080

100

120

140160180160

140

120100

8060

4020 20

B

1

Figure 10.A, B. Modèles de goniomètres avec un index plombésoumis à l’action de la pesanteur. 1. Verticale.

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

7Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 8: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

Cela se prête parfaitement au cas des articulations desextrémités des membres, sauf rare exception, ou aux intermé-diaires (coude, genou).

En revanche, les inconvénients sont que ce type de référenceest malaisé et complexe pour les articulations proximales.Malaisé, car la morphologie d’une scapula ou d’un os coxal seprête mal au placement fiable d’une branche de goniomètre,malaisé car ce repérage est tel qu’en position anatomique deréférence, l’angle de départ n’est pas nul : il faut donc mesurerl’angle de départ et en soustraire l’angle d’arrivée, ce qui estplus long et augmente le risque d’erreur (Fig. 16).

Le meilleur choixCompte tenu de ce qui vient d’être dit, on peut comprendre

que le meilleur choix soit tantôt une technique, tantôt l’autre.Ainsi, pour mesurer la flexion du coude, il serait vain de choisir

la référence spatiale alors que les deux longs segments adjacentsdu coude se prêtent très bien à la référence segmentaire. Enrevanche, pour les articulations de la racine des membres, il estdifficile d’objectiver le segment crânial et donc plus faciled’opter pour la référence spatiale ; cependant, dans ce cas, lacontre-prise est obligatoire.

PratiqueElle fait référence à la notion de technicité, c’est-à-dire des

choix requis.• Savoir ce que l’on veut mesurer. On cherche à mesurer l’angle

d’amplitude maximale ; il est donc inutile et maladroitde chercher à mobiliser le sujet et le goniomètre en même

Figure 11. Mesure de la flexion à l’aide du plurimètre de Rippstein.

Figure 12. Flexion dorsale de la cheville en charge, appréciée en traversde doigts par le patient.

Figure 13. Lecture directe sans recherche du centre articulaire.

Figure 14. Risque d’erreur en l’absence de contre-prise.

Figure 15. Flexion du coude, avec références segmentaires.

26-074-A-10 ¶ Examen clinique articulaire et bilan

8 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 9: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

temps. Le goniomètre ne doit être mis en place qu’une foisl’amplitude maximale atteinte.

• Savoir si l’on pourra interpréter les résultats. Utiliser une mesurespéciale, connue ou utilisée par un seul praticien, limite laportée des renseignements obtenus. Il faut rester dans ledomaine de la pratique courante.

• Choix de la technique. Selon l’articulation (grands segments ounon), selon l’amplitude (importante ou non) et surtout selonla variation entre deux mesures (grande ou réduite), on peutopter pour une mesure de type angulaire, ou linéaire. Unefaible flexion de genou est plus facile à objectiver par mesureangulaire. Inversement, en fin d’amplitude, on appréciemieux une faible variation par une mesure linéaire : lorsquela distance talon-fesse (cf. paragraphe sur l’utilisation dumètre-ruban) passe de 8 cm à 7 cm, le progrès est réel, maisne serait pas nettement appréciable avec une mesure angu-laire.

• Choix de la procédure passive. Plusieurs choix sont utiles :C celui d’une technique autopassive, ce qui libère les mains

du thérapeute. On peut aussi demander au patient departiciper en maintenant le segment, qui a été mobilisé parle praticien, avec une autre partie de son corps (main,jambe...) ;

C celui de dissocier les différentes phases de l’opération,lorsqu’on se réfère à un plan de l’espace. Dans ce cas, il ya un premier temps où la contre-prise neutralise lescompensations jusqu’au terme de l’amplitude maximale. Àce stade, la contre-prise peut être abandonnée puisque latricherie du segment proximal n’intervient pas dans lamesure, ce qui libère une main. Cette mesure prend encompte l’angulation entre le segment distal, mobilisé, et laverticale (ou l’horizontale, selon le cas) ;

C celui de reporter le moment de la lecture du résultat aprèsréalisation de la manœuvre.

• Choix de repères. Ils doivent être osseux. Il importe donc dechoisir soit des repères sous-cutanés, facilement visibles, soitde se fier à l’axialité d’un segment long. Tout autre repère,même s’il est défendable, nécessite un marquage cutané, cequi n’est pas pratique sur un malade, plus long à effectuer etsujet à erreur du fait du déplacement de la peau au cours dela mobilisation.

• Position du sujet. Il semble évident que le sujet doit êtreinstallé confortablement, dans une position stable et lerestant au cours du mouvement.

• Position du praticien. Il ne doit pas se contorsionner, maisgarder une position ergonomiquement correcte (proscrire lespositions accroupies, à genoux, tordues). L’inverse limite lasystématisation des examens en raison de leur caractèrepénible pour le praticien. Pour s’assurer du bon placement dugoniomètre, le kinésithérapeute doit placer son regard dansl’axe du segment concerné. Par exemple, pour placer une

branche de goniomètre sur la face latérale de la cuisse, plutôtque se placer face à celle-ci (à moins d’avoir un instrument àgrandes branches), il est plus facile d’être dans l’axe de lacuisse et de s’assurer que la branche de l’appareil est biendans l’alignement de l’épicondyle latéral et du grand tro-chanter.

• Technique de lecture. La lecture se fait à bonne vue et non surun goniomètre en place sur le patient. C’est un défautcourant chez les étudiants, qui n’imagineraient pourtant pasune infirmière lisant la température du malade sur unthermomètre en place ! On peut ajouter qu’il faut connaîtrel’usage d’un goniomètre et éviter les erreurs de confusionentre un angle et son angle complémentaire.

Interprétation des valeursOn ne peut statuer sur ce que signifie une flexion maximale

à 100° pour un coude. Par rapport à la valeur normale absolue,d’environ 150° à 160°, il est évident que celle-ci est en dessous,mais on ne peut en conclure que ce chiffre est normal ou non.En effet, si le sujet vient d’être déplâtré le matin même, cechiffre n’a rien de surprenant, c’est un état normal relatif ; enrevanche si ce même sujet conserve 100° à 2 mois de sondéplâtrage, on peut conclure que cela est anormal.

RetranscriptionElle pose le problème de l’écriture chiffrée et du choix qui en

découle : comment aligner des chiffres et faire en sorte qu’ilssoient facilement et rapidement compris, signifiants de l’étatarticulaire. Différents auteurs justifient leurs préférences eninvoquant des références administratives, à caractère plus oumoins international ; la réalité reste floue et il est nécessaire decomparer les avantages et inconvénients des différents systèmes.

Modèle littéral

C’est un système simpliste, car spontanément utilisé dans lacommunication écrite. Facile à lire et à comprendre, il pose vitele problème du cumul des données. Dans le temps, il devientimpossible de retrouver l’information là où elle se trouve, noyéedans le texte d’un compte-rendu. Cela peut convenir, à larigueur, pour l’information donnée par un simple courrier,encore qu’il y ait plus radical (cf. infra : « Modèle engraphique »).

Modèle à six chiffres

C’est un système codé. Il est utilisé, mais sujet à difficultésd’interprétation. Il se présente sous la forme de six nombresdonnés dans un ordre conventionnel immuable : flexion/extension/abduction/adduction/rotation latérale/rotationmédiale. Ce qui donne, par exemple, un chiffrage de la hanchecomme ceci : « 60/10/40/20/40/30 ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vue de ces chiffresn’en donne pas la portée immédiate et que, lorsqu’oncommence à aligner les chiffres des examens ultérieurs, la

Figure 16. Abduction scapulohumérale : sous-traction de l’angle de départ formé par l’épinescapulaire et l’axe huméral vertical (A) et l’angled’arrivée (B).

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

9Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 10: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

comparaison devient difficilement lisible : rien ne se détacheclairement. De plus, toutes les articulations ne possèdent pastrois degrés de liberté, ce qui est d’autant plus délicat que l’onne mesure, généralement, que les amplitudes déficitaires. À lacomplexité s’ajoute donc un risque d’erreur de lecture.

Modèle à trois chiffres, dit du zéro neutre (de Brunner)C’est un système codé et intellectuel. Il requiert une bonne

connaissance de la méthode décrite par Brunner. Il se veutcomplet, car prenant en compte la position neutre. Or, cedernier élément n’apporte aucune connaissance nouvelle etpeut être une source de difficulté de compréhension pour uncorrespondant non initié, voire une source d’erreur (en effet,certains praticiens utilisent parfois aussi un système à troischiffres, pour certaines articulations (notamment le genou), enincluant une mesure active, afin de regrouper les aspectsarticulaires et musculaires).

Par exemple, une hanche avec une flexion de 60° et uneextension de 10° est retranscrite : « 60/0/10 ». S’il y a un flessumde hanche de 5° interdisant l’extension et créant donc uneposition initiale à 5° de flexion, on écrit : « 60/5/0 ». Si lahanche est bloquée en flessum à 20°, on écrit : « 20/0/0 ».

Certaines fiches de bilan reprennent ce modèle, ce quimontre l’écart entre l’approche intellectuelle et l’utilisationpratique au quotidien, car la transposition dans le temps seheurte aux mêmes critiques que pour la méthode à six chiffres.

Modèle en tableauC’est un système synthétique. Il permet de regrouper toutes

les amplitudes, date par date. Le problème est la lisibilité : tousles chiffres n’ont pas le même intérêt et, lorsqu’il y en abeaucoup, cela devient vite illisible, à moins d’entourer certai-nes valeurs en rouge, ou de les distinguer par tout autre signe.Un tableau se veut exhaustif, mais exhaustivité et limpidité fontrarement bon ménage.

Modèle en graphiqueC’est un système synoptique. Il est plus visuel qu’intellectuel

et du premier coup d’œil, on peut se faire une idée juste de laprogression du malade, au jour le jour, sans être obligé de lirele chiffrage précis. Ce système ajoute un élément important etnouveau par rapport aux autres : la pente de la courbe, témoinde la vitesse de progression, ce qui est un élément déterminantpour le bilan qui suivra. Pour toutes ces raisons, c’est unprocédé nettement supérieur à tous les autres.

Le graphique est mis à jour à chaque examen, il peut êtretransmis par simple photocopie à un correspondant qui auraainsi, à chaque fois, une idée fidèle non seulement des valeursquantitatives atteintes, depuis le début de la prise en charge,mais aussi de la valeur qualitative de la progression, ce qui estun élément très important à prendre en compte. Contrairementaux autres modèles, ce système n’a pas d’inconvénient.

De plus, tout changement de progression de la courbe peutfaire l’objet d’une remarque, comme on le fait pour une courbede température ou des volumes d’urine. Ainsi, un « plateau »doit être fléché avec l’indication du contexte (par exemple :fenêtre thérapeutique, interruption momentanée des séances),une « inflexion descendante » de la courbe de même (parexemple : crise inflammatoire), une « inflexion ascendante tropraide », donc trop rapide, doit éveiller l’attention sur un risquede surdosage (avec son corollaire de risque inflammatoire).

Cas particuliersMobilité des segments rachidiens. Elle est difficilement

abordée en goniométrie. On utilise classiquement des mesureslinéaires de deux types.

Test de Schöber. C’est la transposition de la mobilité du rachissur celle de la peau le recouvrant. C’est ainsi que Schöber a misau point son test, mesurant une distance de référence enposition d’axialité du tronc entre deux points de repère marquéssur la peau et une nouvelle mesure entre ces mêmes repères enflexion rachidienne. Ce procédé connaît plusieurs variantes :initialement décrit au niveau lombal à partir de L5 (et 10 cmau-dessus), il a été modifié en prenant l’origine sur S1 (afind’inclure la mobilité du dernier arthron, qui est importante),puis en étageant le procédé de 10 cm en 10 cm sur le reste durachis.

Distance doigts-sol. Elle prend, théoriquement, en compte lamobilité thoracolombale dans son ensemble, soit en avant(flexion), soit latéralement (inclinaisons latérales). Principale-ment utilisé en flexion, ce test a deux inconvénients impor-tants :• il mesure autant l’extensibilité des muscles ischiojambiers

(sinon plus) que la flexion du rachis ;• il est décrit à partir d’une position debout, et le test, pratiqué

chez des patients lombalgiques, réalise justement le type demouvement proscrit ! Il est donc conseillé, si l’on veutl’utiliser, de placer le patient en décubitus dorsal, sur unetable dont une extrémité est plaquée contre un mur, ou unobjet vertical ; on demande alors au patient, quitte à l’aider,d’aller toucher le mur avec ses mains (toucher les piedsexpose à la compensation par une flexion dorsale des che-villes et une extension des orteils).Mouvements globaux du rachis (rachis cervical excepté). Ils

sont souvent appréhendés par des mesures linéaires entre pointsde repère osseux. Ainsi la rotation du tronc est appréciée par ladistance entre le bord latéral de l’acromion et l’épine iliaqueantérosupérieure du côté opposé.

En ce qui concerne le rachis cervical, on reste dans le casclassique des mesures linéaires entre deux repères osseux :menton-sternum, menton-acromion, tragus-acromion.

Mobilités spécifiques à un étage (arthron). Elles ne peuventêtre chiffrées, mais peuvent être évaluées sur un graphe appelé« étoile de Maigne ». À noter que cette étoile, dont les rayonsont une longueur égale, connaît deux versions, celle de RobertMaigne, puis celle de son fils J.-Y. Maigne.• Dans le premier cas, l’étoile figure une croix dont chacun des

deux secteurs supérieurs est traversé par une bissectrice. Lesegment supérieur représente la flexion, l’inférieur l’exten-sion, le bras gauche la rotation gauche, le bras droit larotation droite, la bissectrice gauche l’inclinaison latéralegauche et la bissectrice droite l’inclinaison latérale droite.

• Dans le second cas, les deux bissectrices sont remplacées pardes arcs de cercle légèrement recourbés vers le côté. Lessegments verticaux sont les mêmes, mais le bras gauchereprésente l’inclinaison latérale gauche, le droit la droite, l’arcde cercle gauche représente la rotation gauche et l’arc droit larotation droite.Dans les deux cas, on indique la limitation du mouvement et

sa cause : soit arrêt pur et simple (blocage) marqué d’une croix,soit arrêt dû à une douleur faible (une barre oblique), forte(deux barres) ou très intense (trois barres). À chaque fois, lacroix ou les barres sont placées dans le secteur incriminé : prèsdu centre de l’étoile, lorsque l’arrêt est dès le début du mouve-ment, au milieu du rayon, lorsque l’arrêt est en secteur moyen,ou dans la partie distale du rayon, lorsque l’arrêt est proche dela fin de l’amplitude physiologique.

Au total, on peut regrouper les principales caractéristiques desméthodes proposées dans un tableau (Tableau 2).

Analyse des informationsL’examen d’une articulation attire l’attention sur tout ce qui

peut perturber la mobilité. Il est complété par une suite :l’examen clinique fonctionnel, où sont testées la mobilitéfonctionnelle (tests), la stabilité et la capacité à supporter descontraintes. Par ailleurs, nous avons indiqué que l’examen doitfaire se recouper des informations d’autres provenances (cuta-née, musculaire...) que de l’examen articulaire. Les causes d’unegêne peuvent être extra-articulaires : ainsi, une rétractioncapsuloligamentaire peut donner le même tableau que larétraction d’un muscle monoarticulaire croisant le mêmeinterligne.

Dans ce but, nous pouvons présenter deux tableaux schéma-tiques.• Le premier concerne les manifestations (signes de limitation

ou de gêne), le type de sensation recueilli et les interpréta-tions possibles (Tableau 3).

• Le second propose l’exemple d’un raisonnement déductif, àpartir de questions-réponses binaires. L’exemple est parfaite-ment schématique et ne peut servir de recette à diagnostic(Fig. 17).

26-074-A-10 ¶ Examen clinique articulaire et bilan

10 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 11: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

On constate ainsi qu’une plainte, provenant d’un ressentiarticulaire plus ou moins net de la part du patient, met en causeneuf causes possibles. Cela illustre le fait que l’articulation estun théâtre d’opération aux implications multifactorielles et quela perspicacité du praticien est de savoir poser les bonnesquestions, comme de pratiquer les bons gestes.

Bilan articulaireIl clôt le processus d’enquête. Comme dans une enquête

policière, le praticien a relevé des indices et des coupablespotentiels. Certains ont des alibis irréfutables (symptomatologiepréexistante, symptomatologie concourante mais imputable àune autre cause), d’autres ont des alibis suspects (signes nonpathognomoniques), d’autres enfin n’en ont pas, ce qui n’enfait pas pour autant des coupables certains, il peut y avoir unecoïncidence. Toute la difficulté réside donc dans l’établissementdu bilan.

■ Examens régionauxNous allons, non pas développer l’examen articulaire complet

de chaque région articulaire, ce qui serait lourd et fastidieux,mais énumérer les caractéristiques propres à l’examen dechacune d’elles. De même, nous ne rappelons aucun principegénéral (tel l’élément comparatif).

Examen articulaire de l’épauleRappel

L’épaule regroupe cinq, voire six articulations, au sensfonctionnel du terme. La scapulohumérale, l’acromioclaviculaireet la sternoclaviculaire sont des articulations à synovialeclassiques, bien que de types différents ; la scapulothoracique estaussi une articulation anatomique, mais d’un type particulier(syssarcose), la coracoclaviculaire est une syndesmose incons-tante, quant à la « fausse articulation de de Sèze », ou subdel-toïdienne, ce n’est pas une articulation, au sens anatomique,mais on la considère comme telle fonctionnellement parlant, dufait de l’importance de ses glissements.

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire, la palpation et le déroulementdes mouvements.• L’abord orthopédique doit situer le centrage de la tête sur la

glène, sous la voûte acromiale. Tout décalage inspire unesuspicion de placement en subluxation ; a fortiori, uneabsence de volume en dessous de l’acromion (signe del’épaulette) associée à une exagération du volume antérieurtraduisant une tête luxée.

• La palpation ligamentaire est effectuée grâce au repérage, car lesfaisceaux ne peuvent pas être individualisés par la palpation.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie les éventuelscraquements, les amplitudes douloureuses, les ressauts, lesconflits mécaniques.

• La recherche de mobilités anormales recherche les glissementspathologiques de la tête sur la glène, les instabilités passives.

Examen quantitatif du complexe globalCe type d’appréciation est souvent assimilé à du fonction-

nel du fait de l’association des différents interlignes. En fait ilfaut distinguer ce qui est global, le cas ici, et le fonctionnel(l’examen clinique fonctionnel prend également en compteles mobilités, mais en les traitant de façon différente, notam-ment à l’aide de gestes-tests [main-bouche, main-front, main-tête, etc.]), ce qui est différent. Cette globalité élimine lapréoccupation des contre-prises et les mesures sont simplespuisque référencées à la verticale. À noter que la techniqueautopassive, consistant à incliner le tronc par rapport au brasqui pend verticalement, facilite grandement les choses. Pourles rotations, il faut distinguer les positions mettant entension les ligaments (position coude au corps, dite R1) decelles les détendant (coude en élévation antérieure, dite R2,ou latérale, dite R3).

Tableau 3.Manifestations à l’examen d’une articulation.

Manifestation Sensation Causes possibles

Butée, maintien impossible Sec et dur Os, ostéome...

Arrêt brutal, élastique dure Ferme Capsuloligamentaire

Arrêt brutal, résistancevisqueuse

Plastique Musculotendineux

Arrêt progressif, avecrebond

Élastique Spasme musculaire

Résistance modérée,douloureuse

Mou Souffrance musculaire

Résistance soudaine,douloureuse

Saccadé Contracture

Aucune sensation d’arrêt « Vide » Laxité ou lorsquele mouvement est arrêtéavant sa limitearticulaire (douleur,protection...) et quele mouvement pourraitse poursuivre

Fourmillement, paresthésie Électrique Nerf

Douleur à la convergence Écrasement Ménisque, synoviale

Douleur à la divergence Dstension Ligament

Douleur symétrique Global Capsule, hydarthrose

Douleur non symétrique Localisé Ligament

Douleur si modificationpolyarticulaire

Extra-articulaire

Muscle, fascia

Douleur en dynamique seule Glissement Gaine synoviale

Tableau 2.Modèles de retranscription des mesures de l’examen.

Méthode Type Avantages Inconvénients

Littérale Simple Évident Difficile à consulter date après date

À 6 chiffres Codé Normatif Complexe

Difficile à lire date après date

À trois chiffres

(zéro neutre)

Codé Normatif Peu évidente

Difficile à lire date après date

Tableau Synthétique Exhaustif

Consultable dans le temps

Peu utile quand il y a peu de chiffres

Illisible quand il y a trop de chiffres

Graphique Synoptique Visuel

Évident

Pente de progression

Consultable dans le temps

Compréhension immédiatement lisible, indépendamment des chiffres

Insuffisamment pratiqué

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

11Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 12: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

Niveau scapulohuméralC’est l’articulation la plus examinée, compte tenu de la

complexité de son fonctionnement et, partant de là, de lafréquence de ses atteintes. La recherche quantitative portegénéralement sur trois mouvements principaux : l’abduction, laflexion, la rotation latérale (les mesures inverses répondent àune stratégie équivalente).• L’abduction. Elle peut utiliser soit la technique spatiale, avec

une contre-prise efficace (cf. Fig. 13), soit la techniquesegmentaire, avec soustraction de l’angle d’arrivée à l’angle dedépart (cf. Fig. 16).

• La flexion. Elle est généralement pratiquée en lecture directe(technique spatiale) avec une contre-prise adéquate. Lepatient est assis. Le kinésithérapeute est assis du côté àmesurer, il maintient la scapula fixe (généralement à deuxmains) et mobilise le bras avec son avant-bras. Au terme del’amplitude permise, il lâche la contre-prise et saisit legoniomètre. Il en place le centre en regard du tuberculemajeur (deux doigts sous l’acromion), la branche de référenceest abaissée verticalement, la branche brachiale est endirection de l’épicondyle latéral de l’humérus (Fig. 18).

• La rotation latérale. Elle est également pratiquée en lecturedirecte (technique spatiale) avec une contre-prise adéquate.Le patient est assis, le praticien assis un peu plus haut,du côté à mesurer. De sa main dorsale, il maintient l’acro-mion, son avant-bras étant plaqué sur la face postérieure dela scapula pour empêcher tout recul. De l’autre main,il soutient le coude, fléchi, par dessous et supporte l’avant-bras qu’il entraîne latéralement. Au terme de l’amplitudepermise, il lâche la contre-prise et saisit le goniomètre.Il en place le centre sur la face supérieure de l’acromion,la branche de référence doit être alignée sagittalementvers l’avant, la branche mobile doit se superposer à l’axe del’avant-bras lors d’une observation faite par le dessus(Fig. 19).

• Les normes. Elles reflètent les valeurs suivantes :C flexion : 60° à 90° ;C extension : 30° ;C abduction : 60° à 100° ;C adduction : 30° ;C rotation latérale : 45°. Les 45° sont obtenus en position

Gêne articulaire

Y a-t-il douleur ?

Oui

Oui

Oui

Oui Oui

Oui Oui OuiOui

Non

Non

Non

Non Non

Non Non

Non

La mise en tension active est-elle douloureuse ?

Y a-t-il une explication radiologique ?

L'étirement à distanceest-il douloureux ?

Le relâchement à distancediminue-t-il la gêne ?

Muscle / tendonmono- ou polyarticulaire

Élémentarticulaire

Élément nonarticulaire

La sollicitationstatique est-elledouloureuse ?

La sollicitationdynamique est-elle

douloureuse ?

La douleurest-elle

symétrique?

MuscleTendon

Frottementen cause

Ligament Capsulearticulaire

Nerf oufascia

OsCartilageMénisque

Élémentpolyarticulaire

Élémentmonoarticulaire

Rétractionmuscle

polyarticulaireou fascia

Rétractionmuscle

monoarticulaire

Rétractioncapsulo-

ligamentaire

Figure 17. Arbre décisionnel. Analyse des informations à partir de questions/réponses binaires.

26-074-A-10 ¶ Examen clinique articulaire et bilan

12 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 13: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

coude au corps (position R1), en flexion (R2) et en abduc-tion (R3), les chiffres sont plus importants, presque ledouble, du fait de la détente ligamentaire ;

C rotation médiale : 90°.

Niveau des autres interlignesEn pratique quotidienne, ils font plutôt l’objet d’une estima-

tion, c’est-à-dire évalués en pourcentages, bien que la littératuredonne parfois des mesures centimétriques ou angulaires à titrede référence (ces mesures ne sont pas reproductibles en cliniquecourante, ce qui en limite l’intérêt).• La scapulothoracique doit passer en revue les mouvements

d’élévation-abaissement, abduction-adduction, sonnettemédiale et latérale (ces mouvements analytiques sont théori-ques, c’est-à-dire qu’ils représentent une vision caricaturale etdécomposée de la réalité tridimensionnelle).

• L’acromioclaviculaire est simplement testée sous forme demobilités spécifiques.

• La sternoclaviculaire de même, encore que l’élévation-abaissement soit associé à la scapulothoracique.

Examen articulaire du coudeRappel

La caractéristique de cette articulation est d’associer troisinterlignes au sein d’une seule et même capsule. Cela dit, lesmobilités sont clairement dissociées et leur mesure aisée. Laflexion-extension met en jeu les trois os (humérus, d’une part,radius-ulna, d’autre part), la pronosupination, à cheval sur lecoude et la région du poignet, seulement les deux derniers.

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire, la palpation et le déroulementdes mouvements.• L’abord orthopédique se caractérise par le respect des trois

repères osseux : l’olécrane et les deux épicondyles huméraux(alignés en rectitude et triangulés en flexion), ainsi que lavaleur du valgus physiologique.

• La palpation ligamentaire porte sur les ligaments collatéraux,plus spécialement l’ulnaire, qui contrôle le valgus. L’interlignelatéral peut témoigner de souffrances de l’interligne huméro-radial, où le contact varie selon la position et l’appui.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, lasensation d’arrêt brusque et surtout la localisation desdouleurs au mouvement (en flexion : douleur postérieure= tension postérieure, douleur antérieure = blocage antérieur,par exemple un ostéome).

• La recherche de mobilités spécifiques recherche les minimesbâillements latéraux, une éventuelle micromobilité huméro-radiale. Il n’y en a pas au niveau radio-ulnaire supérieur, ainsique démontré expérimentalement.

Examen quantitatif

• La flexion-extension. La taille des segments fait préférer latechnique segmentaire à la technique spatiale. La contre-prise et le centrage sur le centre articulaire sont particulière-ment faciles (cf. Fig. 15).

• La pronosupination. C’est une technique particulièrementsimple. Le patient tient une baguette à pleine main (laflexion en force des doigts stabilise le poignet et interdit lescompensations à ce niveau, sans affecter l’interligne ducoude). Celle-ci sert de référence, l’avant-bras étant placé enflexion de coude à angle droit et en pronosupination neutre,c’est-à-dire la baguette étant verticale. L’inclinaison de labaguette permet de caler la branche mobile du goniomètre,l’autre branche restant dans la verticale (référence spatiale)(Fig. 20) ou dans l’axe huméral (référence segmentaire).

• Les normes. Elles reflètent les valeurs suivantes :C flexion : 150° à 160° ;C extension : 0° ;C pronation : 80° ;C supination 85°.

Examen articulaire du poignet

RappelLe poignet intègre fonctionnellement la pronosupination (cf.

coude). Seule la jonction avant-bras est prise en compte ici. Elleconcerne deux interlignes indissociables : le radiocarpien et lemédiocarpien. Les mouvements analytiques affectent deuxplans : sagittalement la flexion-extension et frontalementl’abduction-adduction (ou inclinaisons radiale et ulnaire).

Figure 18. Flexion scapulohumérale, en référence spatiale.

Figure 19. Rotation latérale scapulohumérale, en référence spatiale.

Figure 20. Pronosupination en référence segmentaire (humérale).

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

13Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 14: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire, la palpation et le déroulementdes mouvements.• L’abord orthopédique se caractérise par l’observation de la ligne

bistyloïdienne (le processus styloïde radial est plus bas que lestyloïde ulnaire), l’axialité de l’avant-bras passant par l’axe du2e doigt (une désaxation caractérise une fracture de typePouteau-Colles), le plan de la main dans le prolongement duplan de l’avant-bras (un « dos de fourchette » caractérise aussiune fracture de Pouteau-Colles). Le diastasis radio-ulnaireinférieur ne peut être confirmé que radiologiquement.

• La palpation ligamentaire porte sur les ligaments collatéraux (ànoter qu’une douleur dans la tabatière anatomique peutcorrespondre à une entorse du ligament collatéral radial ou àune fracture du scaphoïde. En revanche, la percussion dansl’axe du pouce est douloureuse pour la fracture, pas pourl’entorse). Elle est complétée par la palpation de la facedorsale de l’articulation (seule atteignable), qui peut présenterdes kystes synoviaux.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, lesressauts (ne pas confondre avec les ressauts tendineux,fréquents à ce niveau), la sensation d’arrêt brusque, lesdouleurs associées.

• La recherche de mobilités spécifiques recherche les mouvementsde glissement de l’articulation radio-ulnaire inférieure, ainsique ceux de chaque os du carpe.

Examen quantitatif• L’extension. Les techniques autopassives sont les plus simples :

la main est fixe et l’avant-bras mobile ; elles permettent unetechnique de mesure segmentaire. La paume repose à plat surla table, avec la précaution de laisser les doigts pendre endébord de table afin de ne pas être limité par l’effet ténodèse.L’amplitude maximale est obtenue par une élévation ducoude au-dessus du plan de la table (Fig. 21).

• La flexion. Le placement est inverse, il suffit de placer lepatient en conséquence (Fig. 22).

• L’abduction-adduction. La main est posée à plat et le coude estrapproché ou écarté du corps (Fig. 23).

• Les normes. Elles reflètent les valeurs suivantes :C flexion : 75° ;C extension : 75° ;C abduction : 15° ;C adduction : 35°/45°.

Examen articulaire de la mainRappel

L’évaluation concerne les mouvements des doigts et, parti-culièrement, ceux du pouce. Deux niveaux sont à isoler : leniveau métacarpophalangien (flexion-extension et abduction-adduction) et les niveaux interphalangiens (flexion-extension) ;

la trapézométacarpienne du pouce est regroupée avec la colonnedu pouce ou traitée isolément. On peut distinguer une évalua-tion globale de la colonne du ou des doigt (s) et une évaluationpropre à chaque interligne.

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire, la palpation et le déroulementdes mouvements.• L’abord orthopédique doit noter l’alignement des rayons de la

main ou non, les altérations en regard des interlignes, lespositions en griffe et déformations typiques (col de cygne,maillet, etc.).

• La palpation ligamentaire porte sur les ligaments collatérauxdes doigts.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, lasensation d’arrêt brusque, les ressauts imputables à l’articula-tion et non à l’appareil musculofibreux (comme dans le doigtà ressort).

• La recherche de mobilités spécifiques recherche le jeu discretde chaque interligne, notamment au niveau méta-carpophalangien.

Examen quantitatif au niveau métacarpophalangien

• Pour l’abduction-adduction (écartement-rapprochement),deux techniques sont possibles. D’une part, la mesure centi-métrique (écartement entre l’extrémité de deux doigts voisins,ou écartement maximal entre l’extrémité du pouce et celle du

Figure 21. Extension du poignet en référence segmentaire. Figure 22. Flexion du poignet en référence segmentaire.

Figure 23. Adduction du poignet en référence segmentaire.

26-074-A-10 ¶ Examen clinique articulaire et bilan

14 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 15: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

petit doigt). D’autre part, la mesure angulaire, chaquebranche du goniomètre étant placée dans l’axe des deuxdoigts voisins (Fig. 24).

• Pour la flexion-extension, deux techniques sont possibles :globale (c’est-à-dire associée aux articulations interphalan-giennes) ou isolément (cf. infra).

Examen quantitatif au niveau interphalangien

Le seul mouvement est sagittal (flexion-extension) et peutêtre associé à la mobilité métacarpophalangienne (pour ce quiconcerne la flexion), ou dissocié.• En global : il s’agit d’une mesure centimétrique de la flexion.

Elle est mesurée par la distance ongle (coupé court), paumede la main (à proximité du sillon palmaire proximal).

• En analytique : il s’agit d’une mesure angulaire pour chaquemouvement (flexion-extension). Les différentes possibilitésconcernent le matériel employé. Ce peut être un goniomè-tre classique, un goniomètre plus petit, spécialement adaptéaux doigts : le goniomètre de Balthazar, un simple fil enplomb (utilisé pour la soudure) qui est moulé sur le doigtet permet ensuite d’appliquer les branches du goniomètresur les segments (Fig. 25), et enfin le marquage du contourdu doigt sur une feuille de papier pour y lire le résultat avecun goniomètre ou un rapporteur. Les moyens sont divers, ilfaut choisir le plus simple en fonction du matériel dont ondispose et l’intérêt recherché (global ou analytique).

• Les normes. Elles reflètent les valeurs données dans leTableau 4.

Examen articulaire de la hanche

RappelL’articulation coxofémorale possède un interligne bien isolé et

bien emboîté. Sa mobilisation est cependant délicate en raisondu poids du segment mobilisé (le membre inférieur) et de ladifficulté à empêcher la participation de la colonne lombale(bascules du bassin). Il en ressort trois types de choix.• Le choix d’une technique segmentaire, qui offre une rigueur

théorique, mais une réalisation délicate (soustraction del’angle d’arrivée à l’angle de départ, avec un point de repère– l’épine iliaque antérosupérieure – difficilement situable enflexion).

• Le choix d’une technique autopassive, qui évite l’effortmobilisateur du praticien, mais nécessite encore une techni-que segmentaire délicate (cf. supra).

• Le choix d’une technique spatiale, qui, à condition d’unebonne contre-prise, offre une référence simple avec lecturedirecte.Ce dernier choix semble le plus réaliste. Il n’exclut

d’ailleurs pas la participation du patient.

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire, la palpation et le déroulementdes mouvements.• L’abord orthopédique se caractérise par la ligne de Nélaton-

Roser (alignement de l’ischion – grand trochanter – épineiliaque antérosupérieure) et, éventuellement, par l’apprécia-tion de la hauteur du membre inférieur à partir de la crêteiliaque (un raccourcissement apparent et une ligne de Néla-ton brisée en triangle indiquent une luxation de hanche ; parexemple, ce coup d’œil est immédiat au lit du malade en casde luxation de prothèse de hanche).

• La palpation ligamentaire est impossible à ce niveau.• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, la

sensation d’arrêt brusque, la douleur antérieure lors de laflexion (bursite du posas). Il n’existe pas de mobilitésspécifiques.

Figure 24. Écartement des doigts, en mesure angulaire.

Figure 25. Utilisation d’un fil en plomb plaqué sur l’interphalangienneproximale en flexion maximale.

Tableau 4.Normes à l’examen quantitatif au niveau interphalangien.

Niveau Flexion Extension Adduction/abduction

MP 90°(+5° par doigt enallant vers le V)

20°/40° 20°/30°

IPP 100° 0°

IPD 85° 30°*

MP : métacarpophalangienne ; IPP : interphalangienne proximale ; IPD :interphalangienne distale. *Amplitude passive uniquement. En actif : 0° à 5°.

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

15Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 16: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

Examen quantitatif

• Flexion. Le patient est couché sur le dos. L’opérateur est surle côté de la hanche à tester et, avant de soulever la cuisse(genou fléchi), il place l’éminence thénar de sa main crânialesous l’épine iliaque postérosupérieure afin de créer unobstacle à la rétroversion du bassin (contre-prise). Il réalise laflexion de hanche. Lorsque le mouvement est freiné, il doitgarder ferme l’appui sous l’épine iliaque postérosupérieure etil arrête le mouvement quand, malgré l’appui dû à la flexionde hanche, le bassin tend à décoller de la table. À cet instant,le kinésithérapeute lâche la contre-prise (qui n’a plus d’inté-rêt) et demande au patient de tenir sa cuisse immobile avecses mains. Il peut alors manier tranquillement le goniomètre :centre de rotation plaqué sur le bord supérieur du grandtrochanter, branche de référence parallèle à la table endirection des pieds (le goniomètre peut être posé sur la tablede façon à ce que la branche fémorale aligne le grandtrochanter et l’épicondyle), branche fémorale dans l’axe« grand trochanter – épicondyle latéral » (Fig. 26).

• Extension. Les positions respectives sont identiques. Il est bonque le patient soit près du bord de la table et la cuisseconcernée en légère abduction afin de pouvoir pendre dansle vide. Avant cela, le membre controlatéral doit être placé« en crochet » sur la table, afin d’éviter une antéversionpelvienne (voire le genou tenu par le patient chez les person-nes laxes, sans toutefois entraîner de rétroversion). La lectureest directe : une branche à l’horizontale de la table, l’autredans l’axe fémoral (Fig. 27). À noter que cette amplitude,faible, peut ne pas exister (flessum de hanche) et dans ce casc’est un angle de flexion irréductible qui est noté.

• Abduction. Le plus simple est souvent de mobiliser en abduc-tion un patient en décubitus dorsal, avec ou sans contre-

prise. Au terme de l’écartement, qui entraîne plus ou moinsune élévation de l’hémibassin homolatéral, on place le centredu goniomètre en regard du milieu du pli de l’aine, labranche fémorale dans l’axe de la cuisse (en direction dumilieu du bord supérieur de la patella), et la branche deréférence parallèle à la ligne bi-iliaque (reliant les deux épinesiliaques antérosupérieures). Cette ligne, facile à trouver, estperpendiculaire à l’axe mécanique de la cuisse en position deréférence ; il suffit donc de lire le chiffre de la mesure et d’ensoustraire 90° (Fig. 28).

• Adduction. Le processus est le même. Il faut toutefois penserà fléchir l’autre membre inférieur pour pouvoir mobiliser enadduction, en imprimant le mouvement (Fig. 29A) ou enutilisant la pesanteur (Fig. 29B).

• Rotations latérale et médiale. Les rotations sont classiquementplus importantes en flexion de hanche qu’en rectitude, dufait de la détente des ligaments, principalement antérieurs. Ilest donc nécessaire de le préciser dans les résultats. Le plussimple est, généralement, de placer le segment jambierpendant verticalement hors de la table (le sujet étant assis ouallongé, selon la mesure choisie). Le risque de compensation,par rapport au maintien horizontal du bassin, doit êtrecouvert par un appui des mains du sujet du côté opposé à latricherie possible (par exemple : pour une rotation latérale dela hanche droite, le sujet tient le bord de la table situé à sagauche) (Fig. 30).

• Les normes. Elles reflètent les valeurs suivantes :C flexion : 100°/110° ;

Figure 26. Flexion maximale avec contre-prise (A) et mesure en réfé-rence spatiale en lâchant la contre-prise (B).

Figure 27. Extension de hanche en référence spatiale.

Figure 28. Abduction de hanche en référence segmentaire (lignebi-iliaque).

26-074-A-10 ¶ Examen clinique articulaire et bilan

16 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 17: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

C extension : 0°/20° ;C abduction : 45° ;C adduction : 30° ;C rotation latérale : en flexion 50°/60° ; en rectitude 40°/

45° ;C rotation médiale : en flexion 30°/45° ; en rectitude 20°/30°.

Examen articulaire du genouRappel

Le genou associe deux articulations au sein d’une seule etmême capsule : fémoropatellaire et fémorotibiale. Ces articula-tions doivent être examinées séparément, en commençant parla fémoropatellaire (qui conditionne la flexion du genou).

Pour la première, il existe des mouvements isolés de glisse-ment et bascule, ainsi que des mouvements sagittaux associés àla flexion du genou. Pour la deuxième, il existe une flexion, uneextension (appelée aussi retour de flexion) et des rotations.

ÉvaluationExamen qualitatif des deux interlignes

Il porte sur l’aspect articulaire, la palpation et le déroulementdes mouvements.• L’abord orthopédique se caractérise par l’appréciation du valgus,

physiologique ou non, voire un varus, par l’aspect empâté del’articulation et son volume (périmètre), les signes témoignantd’un épanchement (choc patellaire), la position subluxée dela patella.

• La palpation capsuloligamentaire porte sur les ligamentscollatéraux et leur mise en tension, le glissement du cul-de-sac sous-quadricipital, le glissement des rampes capsulairesdes condyles fémoraux. Les ligaments croisés ne peuvent êtrepalpés mais doivent être testés par les glissements sagittaux(existence d’un tiroir ou non).

• La recherche de mobilité qualitative de la fémoropatellaire estappréciée sur un genou en extension maximale, dans les senstransversal et vertical. Elle apprécie la liberté (sauf si unflessum trop important de la fémorotibiale annule cetterecherche) et les éventuels ressauts pouvant traduire unetendance luxante.

• La recherche de mobilité qualitative de la fémorotibiale répertoriela fluidité du déroulement de la flexion, les éventuels décala-ges de trajectoire, freinage ou arrêt brusque.

• La recherche de mobilités spécifiques recherche les petitsbâillement latéraux sur un genu déverrouillé ainsi que lesminimes glissements sagittaux. Lorsque ces mouvements sontimportants, ils relèvent des mouvements anormaux.

• La recherche des mouvements anormaux est celle des latéralitéset des tiroirs. Ils sont cotés en croix (1, 2 ou 3) selon leurimportance.

Examen quantitatif

Pour la fémoropatellaire. La mobilité est appréciée enpourcentage, par rapport aux 100 % de la norme physiologique.Cela porte sur les mobilités transversale et verticale.

Pour la fémorotibiale.• La flexion est mesurée en technique segmentaire. Le patient

est allongé sur le dos, le praticien s’assoit sur le bord de latable de façon à pouvoir lui bloquer le pied en position deflexion maximale du genou. Le goniomètre est placé auniveau de l’épicondyle latéral du fémur, une branche endirection du milieu du bord supérieur du grand trochanter etl’autre en direction de l’apex de la malléole latérale. Lalecture est directe (Fig. 31) (cf. Fig. 8).

Figure 29. Adduction de hanche en décubitus dorsal (A) ou latéral (B).

Figure 30. Rotation latérale de hanche en flexion.

Figure 31. Flexion de genou (pied retenu) en référence segmentaire.

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

17Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 18: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

• L’extension est mesurée en position dorsale, un coussin sous lecou-de-pied de façon à laisser s’installer un éventuel recurva-tum (Fig. 32).

• Les rotations latérale et médiale sont mesurées en flexion degenou. La technique la plus simple est autopassive : le patientest assis sur un tabouret large, ou un banc, l’axe de son pieddoit être sagittal (2e rayon) et il glisse ses fesses du côtéhomolatéral (rotation latérale) ou controlatéral (rotationmédiale). Le goniomètre est placé au centre du genou, labranche de référence est sagittale (en superposition du 2e

rayon du pied), la branche fémorale est dans l’axe de lacuisse. Il faut soustraire l’angle lu des 180° de l’alignementinitial (par exemple : le goniomètre indique 150°, qui,soustraits à 180° donnent 30° de rotation) (Fig. 33).

• Les normes. Elles reflètent les valeurs suivantes :C flexion : 140° ;C extension : 0°. Il peut exister un léger recurvatum (0° à

10°) ;C rotation latérale : 40° à 50°. Ces chiffres sont variables,

notamment en répartition autour de la position moyenne ;C rotation médiale : 20° à 40°. Ces chiffres sont variables,

notamment en répartition autour de la position moyenne.

Examen articulaire de la chevilleRappel

Cette articulation, à un seul degré de liberté (sagittal), dépendde la liberté des articulations tibiofibulaires. L’appréciation decelles-ci est d’ordre subjectif (cf. supra, mobilités spécifiques).

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire et le déroulement fluide desmouvements.

• L’abord orthopédique se caractérise par la ligne bimalléolaire etl’éventuelle désaxation du pied (en varus ou valgus).

• La palpation ligamentaire porte sur les ligaments collatéraux,faisceau par faisceau.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, lasensation d’arrêt brusque. À noter qu’une douleur antérieurelors de la flexion dorsale traduit souvent une compression ducul-de-sac antérieur, coincé entre le pilon tibial et la crêtetransversale du talus.

• La recherche de mobilités spécifiques vise la liberté des articula-tions tibiofibulaires supérieure et inférieure (glissements). Elles’assure des minimes glissements sagittaux entre talus et tibia.

Examen quantitatif

Compte tenu des difficultés à mobiliser le pied, tout enmaintenant ses différents interlignes fixes, et à manier ultérieu-rement le goniomètre, le plus simple est généralement de placerle pied à plat au sol et de mouvoir l’inclinaison du segmentjambier (Fig. 34).• Les normes. Elles reflètent les valeurs suivantes :

C flexion dorsale : 20° ;C flexion plantaire : 40°.

Examen articulaire du pied

RappelLe pied (cheville exclue) regroupe les articulations d’arrière-

pied (subtalaire et transverse du tarse), du médiopied (tarsomé-tatarsienne) et de l’avant-pied (métatarsophalangiennes etinterphalangiennes).

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire et le déroulement fluide desmouvements.• L’abord orthopédique se caractérise par l’examen des différents

axes et angles du pied. Ils sont nombreux et leur choixdépend du ciblage de la zone examinée.

• La palpation ligamentaire porte sur les ligaments dorsaux qui,bien que moins importants que les plantaires, sont les seulspalpables.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, lasensation d’arrêt brusque, les douleurs localisées.

• La recherche de mobilités spécifiques recherche les petitsbâillements-glissements de chaque os du tarse, métatarse etphalanges.

Examen quantitatif

• Pour l’arrière-pied. L’évaluation donne le pourcentage demobilité autour de l’axe subtalaire (Henke), tant en inversionqu’en éversion (100 % étant la norme physiologique danschaque sens).

Figure 32. Extension de genou (avec recurvatum) en référencesegmentaire.

Figure 33. Rotation latérale de genou (pied fixe) en référencesegmentaire.

Figure 34. Flexion dorsale de cheville, pied fixe et horizontal.

26-074-A-10 ¶ Examen clinique articulaire et bilan

18 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Page 19: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

• Pour l’avant-pied. L’évaluation est souvent pratiquée au coupd’œil, les petites articulations métatarsophalangiennes etinterphalangiennes étant souvent le siège de variablesimportantes, voire d’ankyloses. Seule la métatarsophalan-gienne de l’hallux, dont la taille et l’importance fonctionnellesont considérables, fait l’objet d’un chiffrage goniométriqueclassique (Fig. 35).

Examen articulaire du rachis cervicalRappel

Le rachis cervical est composé d’un segment haut (occiput-atlas-axis) et d’un segment bas (C2 à C7).

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire et le déroulement fluide desmouvements.• L’abord orthopédique se caractérise par l’alignement de proces-

sus épineux et le port de tête. Ces éléments sont relatifs caraussi bien en rapport avec des souffrances musculaires. Deplus, l’examen radiologique est instructif, souvent plus riche,il ne doit cependant pas être l’objet d’une interprétationfantaisiste et s’en tenir à l’avis du spécialiste.

• La palpation capsuloligamentaire porte sur les ligamentsvertébraux accessibles (ligament nucal) et sur les capsules deprocessus articulaires postérieurs.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, lasensation d’arrêt brusque, les douleurs à la convergence ou àla divergence.

• La recherche de mobilités spécifiques cherche à apprécier le jeude chaque arthron.

Examen quantitatifIl est rarement d’ordre angulaire, bien qu’il existe des

inclinomètres destinés à mesurer les ampliations cervicales. Lanécessité de l’utilisation d’un matériel courant fait préférer lesmesures linéaires, bien qu’elles n’aient pas de valeur intrinsè-que.• La flexion-extension est mesurée par la distance menton-

sternum, comparée à la valeur en position neutre (regardhorizontal) (Fig. 36A, B).

• L’inclinaison latérale est mesurée par la distance tragus-acromion (Fig. 36C).

• Les rotations, droite et gauche, sont mesurées par la distancementon-acromion (Fig. 36D).

Examen articulaire du rachis thoracolombalRappel

Il est impossible d’isoler l’étage thoracique et l’étage lombal.Leur appréciation est donc conjointe. En revanche, il est utilede dissocier la mobilité costale au niveau thoracique.

ÉvaluationExamen qualitatif

Il porte sur l’aspect articulaire et l’appréciation des mouve-ments.• L’abord orthopédique se caractérise par l’alignement de proces-

sus épineux. Ces éléments sont relatifs car aussi bien enrapport avec des souffrances musculaires et des troublesorthopédiques (examen morphostatique) débordant le strictexamen articulaire. De plus, l’examen radiologique estinstructif, souvent plus riche, il ne doit cependant pas êtrel’objet d’une interprétation fantaisiste et s’en tenir à l’avis duspécialiste.

• La palpation capsuloligamentaire est impossible, les interlignesétant inaccessibles.

• La recherche de mobilité qualitative répertorie la fluidité, lasensation d’arrêt brusque, les douleurs à la convergence ou àla divergence, à la respiration.

• La recherche de mobilités spécifiques cherche à apprécier le jeude chaque arthron et y ajoute le jeu costovertébral, intercos-tal, costo-chondro-sternal.

Examen quantitatifAu niveau rachidien. Toutes les mesures cliniques sont de

type linéaire, car plus simples.Pour la flexion-extension, deux types de mesures sont utilisés.

• Le test de Schöber mesure l’extensibilité de la peau régionalecomme témoin de la mobilité articulaire sous-jacente, quoi-que de fiabilité relative (cf. généralités). Pour le test (adapté),on marque un point en regard de S1 et un 10 cm plus haut(Fig. 37). Lors de la flexion maximale, la distance entre lesdeux points doit passer à environ 14 à 15 cm. Pour ce faire,le patient est assis et procède à un enroulement du rachis ; ilpeut aussi être à genoux puis passer en position genu pecto-rale. Il est déconseillé de le placer debout et le faire sepencher en avant (cf. infra).

• La distance doigts-sol en flexion antérieure mesure, théori-quement, la flexion. Deux remarques importantes sont àfaire. D’une part, il est vraisemblable qu’une modification decette distance soit plus imputable aux ischiojambiers qu’aurachis. D’autre part, ce test, pratiqué souvent chez deslombalgiques, reproduit le mécanisme vulnérant (le redresse-ment favorise la poussée postérieure des noyaux discaux etrisque de provoquer une lombalgie aiguë, voire une lombo-sciatique ou, pire, une hernie discale). Ce risque peut êtreévité en demandant au patient de s’allonger sur le dos, piedsau contact d’un appui fixe (mur...), on lui demande de venirtoucher l’appui, quitte à l’aider, et on mesure la distancedoigts-appui (Fig. 38).Pour les inclinaisons latérales. On utilise aussi la distance

doigts-sol. Le sujet est assis haut (ou debout, avec un écart deconfort des pieds) et il doit abaisser ses doigts latéralement endirection du sol, à droite puis à gauche.

Pour les rotations. Il est habituel de se référer à la distancelinéaire entre le milieu du bord latéral d’un acromion et l’épineiliaque postérosupérieure du côté opposé (il est préférable deprendre la mesure à la face postérieure du tronc en raison desreliefs antérieurs : abdomen, et les seins chez la femme). Oncalcule le différentiel entre la longueur en position anatomiqueet la position en rotation maximale, d’un côté et de l’autre.Pour éviter le jeu de l’articulation scapulothoracique, il estrecommandé de stabiliser les épaules en faisant tenir un bâtonau patient, derrière son cou et en travers des épaules.

Au niveau costal. La mesure ne peut porter que sur l’amplia-tion thoracique, c’est-à-dire sur le différentiel des périmètresinspiratoire et expiratoire forcés (Fig. 39). Ces derniers sont prisau niveau axillaire et au niveau xiphoïdien (le niveau ditmamelonnaire est peu judicieux en raison des seins [chez lafemme] et de la variation positionnelle de leur volume).

Examens articulaires complémentairesJonction sacro-iliaque

Cette articulation a des caractéristiques très particulières.• Son type est mixte, mi-synoviale mi-symphyse, variant selon

les parties antérieure ou postérieure et selon l’âge. C’est un

Figure 35. Extension de la métatarsophalangienne de l’hallux en réfé-rence segmentaire.

Examen clinique articulaire et bilan ¶ 26-074-A-10

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Page 20: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

joint d’absorption de mobilité et de fragmentation descontraintes, en rapport avec la symphyse pubienne. C’estdonc un interligne de mobilité extrêmement réduite, trèsstable.

• Sa localisation profonde en rend la palpation très limitée à sapériphérie postérieure. Les projections douloureuses peuvents’étendre à distance et, inversement, les douleurs localespeuvent être en rapport avec une zone différente, notammentlombale haute.

• Son évaluation porte davantage sur l’aspect qualitatif quequantitatif. Il existe un nombre important de tests, ce quisignifie qu’aucun n’est satisfaisant et qu’il faut une conver-gence de tests pour affirmer une implication articulaire.

L’examen articulaire consiste en une série de gestes demobilisations spécifiques pour lesquels on relève s’ils sontdouloureux ou non. Les plus connus sont :C tests de nutation/contre-nutation (sur un sujet en décubi-

tus ventral) (Fig. 40) ;C tests d’antériorisation-postériorisation (sur un sujet en

décubitus latéral) (Fig. 41) ;C tests de cisaillement (sur un sujet en position debout)

(Fig. 42).

Jonctions sacrococcygienne et symphyse pubienne• La jonction sacrococcygienne est variable : un interligne, mais

parfois deux ou aucun (soudure). Sa symétrie n’est pasconstante et ne doit pas être interprétée comme forcémentpathologique. La palpation externe est généralement suffi-sante, elle peut toutefois nécessiter un toucher rectal (abordantérieur de l’interligne). Une éventuelle malposition n’estpas nécessairement en rapport avec la plainte manifestée. Deplus un placement résolument en flexion ne préjuge pasd’une avancée du coccyx, pas plus que l’extension pour unrecul (on peut parfaitement avoir un coccyx en position deflexion tout en ayant un recul de la berge coccygienne del’interligne). L’examen clinique se borne à un constat d’indo-lence ligamentaire ou non (les luxations restant de la compé-tence du médecin).

• La symphyse pubienne a un placement analogue : la symétrieabsolue est rare, elle doit être notée. Les douleurs siégeant àce niveau peuvent être d’origine ligamentaire, mais elles sontsurtout d’origine tendineuse.

Articulation temporomandibulaireIl s’agit d’une articulation très particulière : chaque côté est

divisé en deux compartiments par un disque articulaire mobileet elle est en rapport avec l’articulé dentaire. Sa physiologieest complexe et son évaluation aussi. Les mouvements

Figure 36. Mesures centimétriques des ampli-tudes cervicales.

Figure 37. Mesure de Schöber en position assise, à partir de S1

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Page 21: Emc -Examen Clinique Articulaire Et Bilan

(abaissement-élévation et propulsion-rétropulsion) font l’objetde deux appréciations :• une subjective, qui évalue l’importance, la fluidité et l’absence

de bruit et de ressaut, lors de l’ouverture de bouche (quiassocie un premier temps angulaire et un second tempslinéaire). Le mouvement de diduction, qui est une propulsionunilatérale, permet l’évaluation de chaque côté séparément ;

• une objective, qui comprend trois mesures :C l’ouverture de bouche, qui est mesurée en millimètres ou

centimètres, avec un pied à coulisse, entre le sommet desincisives supérieures et inférieures (Fig. 43). L’ouverture de

bouche maximale est évaluée à trois travers de doigtsdu patient ;

C la symétrie, qui est mesurée en millimètres, avec un pied àcoulisse, entre le sillon séparant les incisives supérieures etcelui séparant les inférieures ; la norme est de 0 ;

Figure 38.A. Distance doigts-mur (le praticien tient lemètre entre ses deux mains) et aide laflexion du tronc.B. Mesure classique, mais dangereuse : dis-tance doigts-sol.

Figure 39. Périmètre xiphoïdien.

Figure 40. Test de contre-nutation.

Figure 41. Test d’antériorisation.

Figure 42. Test de cisaillement.

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C le chemin d’ouverture, qui est la même mesure, priseen position d’ouverture de bouche maximale ; la normeest de 0.

■ ConclusionL’examen clinique articulaire doit refléter une approche

systématique et raisonnée, basée sur la biomécanique régionale.À partir de cette base, chaque interligne présente des particula-rités qui modifient plus ou moins les gestes d’investigation.

Le processus général est celui d’un cumul de critères, servispar différents indicateurs, permettant d’établir la mise en causede telle ou telle partie de l’articulation et d’établir son bilan.Celui-ci est complété par les autres domaines de l’examenclinique, notamment par l’aspect fonctionnel, qui comporte uneautre approche des mobilités.

Pour en savoir plusDebrunner HU. La cotation de la mobilité articulaire par la méthode de la

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M. Dufour ([email protected]).EFOM, 118 bis, rue de Javel, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dufour M. Examen clinique articulaire et bilan. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Kinésithérapie-Médecinephysique-Réadaptation, 26-074-A-10, 2007.

Figure 43. Mesure de l’ouverture de bouche.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

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