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Ence ´phalites limbiques parane ´oplasiques de l’enfant : a ` propos de 2 observations Paraneoplastic limbic encephalitis: 2 pediatric cases J. Mollier-Saliner a, *, S. Thouvenin a , S. Darteyre b , F. Jaziri c , C. Vasselon d , P. Convers b , J.-L. Stephan a a Unite ´ d’onco-he ´matologie pe ´diatrique, service de pe ´diatrie, CHU de Saint-E ´ tienne, avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-E ´ tienne cedex 2, France b Unite ´ d’explorations fonctionnelles neurologiques pe ´diatriques, service de neurologie, CHU de Saint-E ´ tienne, avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-E ´ tienne cedex 2, France c Unite ´ de re ´animation ne ´onatale et pe ´diatrique, service de pe ´diatrie, CHU de Saint-E ´ tienne, avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-E ´ tienne cedex 2, France d Unite ´ de cytologie, laboratoire d’he ´matologie, CHU de Saint-E ´ tienne, avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-E ´ tienne cedex 2, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 1. Introduction Les syndromes parane ´oplasiques neurologiques (SPN) consti- tuent un groupe d’affections auto-immunes du syste `me nerveux central (SNC) ou pe ´riphe ´rique, caracte ´rise ´es par une dysfonction neurologique, inaugurale ou compliquant l’e ´volution d’un cancer [1]. Des anticorps, baptise ´s onco- neuronaux, sont parfois mis en e ´vidence dans le se ´rum ou le liquide ce ´phalo-rachidien (LCR) des patients atteints de SPN [2]. Chez l’adulte, les tumeurs concerne ´es sont les can- cers a ` petites cellules du poumon, les tumeurs ovariennes et du sein, les lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens. La pre ´valence des SPN, de l’ordre de 1 % dans ces tumeurs, n’est pas connue chez l’enfant en raison de leur rarete ´ (en dehors du tre `s classique syndrome opsomyoclonique associe ´ au Summary The term ‘‘paraneoplastic neurologic disorders’’ refers to a group of syndromes mediated by immune responses triggered by tumors that express neuronal proteins or by immunological disturbances caused by the tumor. In most cases, limbic encephalitis is a disorder of adulthood, particularly in association with small-cell lung cancer or a testicular germ-cell tumor. The clinical picture of this disorder includes anxiety, depression, confusion, delirium, hallucinations, short-term memory loss and sometimes seizures. We report on 2 new pediatric cases from a single hospital: in the first case, limbic encephalitis revealed Hodgkin lymphoma; it heralded meningeal relapse of acute lymphoblastic leukemia in the other. Despite its extreme rarity, this syndrome is a possible diagnosis in childhood. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Re ´sume ´ Les syndromes neurologiques parane ´oplasiques de ´ signent un groupe de manifestations auto-immunes du syste `me nerveux central ou pe ´riphe ´rique observe ´es au cours d’un cancer. Leur e ´tiopathoge ´nie est complexe et parfois lie ´e a ` l’expression aberrante par les cellules ne ´oplasiques des antige `nes neuronaux. L’ence ´phalite limbique (EL) parane ´oplasique, surtout de ´crite chez l’adulte porteur d’un cancer pulmonaire ou d’une tumeur germinale du testicule, est caracte ´rise ´e par des troubles anxieux et de la me ´moire, une agitation, des hallucinations et des crises e ´pileptiques. Nous rapportons 2 obser- vations pe ´diatriques d’EL. Chez le premier enfant, l’EL avait e ´te ´ re ´ve ´latrice d’une maladie de Hodgkin et dans la seconde observa- tion, elle avait pre ´ce ´de ´ une rechute me ´ninge ´e d’une leuce ´mie lymphoblastique. Malgre ´ sa rarete ´, un tableau d’EL chez l’enfant doit faire rechercher une ne ´oplasie. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] Rec ¸u le : 10 aou ˆt 2012 Accepte ´ le : 20 janvier 2013 Disponible en ligne 6 mars 2013 Fait clinique 386 0929-693X/$ - see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.01.009 Archives de Pe ´diatrie 2013;20:386-390

Encéphalites limbiques paranéoplasiques de l’enfant : à propos de 2 observations

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Fait clinique

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Encephalites limbiques paraneoplasiques del’enfant : a propos de 2 observations

Paraneoplastic limbic encephalitis: 2 pediatric cases

J. Mollier-Salinera,*, S. Thouvenina, S. Darteyreb, F. Jaziric, C. Vasselond,P. Conversb, J.-L. Stephana

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Recu le :10 aout 2012Accepte le :20 janvier 2013Disponible en ligne6 mars 2013

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a Unite d’onco-hematologie pediatrique, service de pediatrie, CHU de Saint-Etienne,avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-Etienne cedex 2, Franceb Unite d’explorations fonctionnelles neurologiques pediatriques, service de neurologie,CHU de Saint-Etienne, avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-Etienne cedex 2, Francec Unite de reanimation neonatale et pediatrique, service de pediatrie, CHU de Saint-Etienne,avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-Etienne cedex 2, Franced Unite de cytologie, laboratoire d’hematologie, CHU de Saint-Etienne,avenue Albert-Raymond, 42055 Saint-Etienne cedex 2, France

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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SummaryThe term ‘‘paraneoplastic neurologic disorders’’ refers to a group of

syndromes mediated by immune responses triggered by tumors that

express neuronal proteins or by immunological disturbances caused

by the tumor. In most cases, limbic encephalitis is a disorder of

adulthood, particularly in association with small-cell lung cancer or a

testicular germ-cell tumor. The clinical picture of this disorder

includes anxiety, depression, confusion, delirium, hallucinations,

short-term memory loss and sometimes seizures. We report on 2 new

pediatric cases from a single hospital: in the first case, limbic

encephalitis revealed Hodgkin lymphoma; it heralded meningeal

relapse of acute lymphoblastic leukemia in the other. Despite its

extreme rarity, this syndrome is a possible diagnosis in childhood.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

ResumeLes syndromes neurologiques paraneoplasiques designent un groupe

de manifestations auto-immunes du systeme nerveux central ou

peripherique observees au cours d’un cancer. Leur etiopathogenie

est complexe et parfois liee a l’expression aberrante par les cellules

neoplasiques des antigenes neuronaux. L’encephalite limbique (EL)

paraneoplasique, surtout decrite chez l’adulte porteur d’un cancer

pulmonaire ou d’une tumeur germinale du testicule, est caracterisee

par des troubles anxieux et de la memoire, une agitation, des

hallucinations et des crises epileptiques. Nous rapportons 2 obser-

vations pediatriques d’EL. Chez le premier enfant, l’EL avait ete

revelatrice d’une maladie de Hodgkin et dans la seconde observa-

tion, elle avait precede une rechute meningee d’une leucemie

lymphoblastique. Malgre sa rarete, un tableau d’EL chez l’enfant

doit faire rechercher une neoplasie.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

1. Introduction

Les syndromes paraneoplasiques neurologiques (SPN) consti-tuent un groupe d’affections auto-immunes du systemenerveux central (SNC) ou peripherique, caracterisees parune dysfonction neurologique, inaugurale ou compliquant

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected]

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0929-693X/$ - see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.01.009 Archives de Pediatrie 2013;20:386-390

l’evolution d’un cancer [1]. Des anticorps, baptises onco-neuronaux, sont parfois mis en evidence dans le serum oule liquide cephalo-rachidien (LCR) des patients atteints deSPN [2]. Chez l’adulte, les tumeurs concernees sont les can-cers a petites cellules du poumon, les tumeurs ovariennes etdu sein, les lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens. Laprevalence des SPN, de l’ordre de 1 % dans ces tumeurs, n’estpas connue chez l’enfant en raison de leur rarete (en dehorsdu tres classique syndrome opsomyoclonique associe au

Encephalites limbiques paraneoplasiques

neuroblastome [3]). Parmi ces SPN, les encephalites limbi-ques (EL) sont caracterisees par des modifications de lapersonnalite, une perturbation de l’humeur, une agitation,une depression parfois des convulsions, des hallucinations ouencore des troubles de la memoire. Le processus inflamma-toire concerne les structures du systeme limbique : hippo-campe, amygdales et gyrus cingulaire [4].Nous rapportons 2 observations d’EL paraneoplasiques obser-vees dans un seul centre et discutons les enjeux diagnostiquesde ces manifestations neurologiques.

2. Observations

2.1. Observation no 1L’histoire de cet adolescent de 14 ans avait debute par untableau associant une asthenie, des nausees, des vomisse-ments, des cephalees et une febricule evoluant depuis1 semaine. Le tableau avait brutalement evolue vers un etatd’agitation extreme associe a un etat anxieux, des dysmor-phophobies et des hallucinations auditives necessitant uneadmission en soins intensifs pediatriques. L’etat de cons-cience de l’enfant etait fluctuant. Il presentait un signe deRomberg et des mouvements anormaux oro-faciaux. Puis ilavait rapidement presente 2 crises convulsives tonico-cloni-ques generalisees necessitant une sedation par midazolam etsufentanyl conduisant a une intubation oro-tracheale et aune mise sous ventilation mecanique. La levee de la sedationet l’extubation avaient ete possibles 8 j apres son entree maisil avait persiste un etat confusionnel important et une agita-tion necessitant une contention physique et le maintien d’untraitement par cyamemazine et diazepam. L’etat neurolo-gique s’etait ensuite ameliore progressivement. A 3 semainesdu debut des signes, l’enfant etait oriente, son discours etaitredevenu coherent, et l’examen neurologique etait normalen dehors d’un syndrome extrapyramidal attribue aux neu-roleptiques, qui avait regresse en quelques jours. L’amnesiede cet episode avait ete totale.Les investigations biologiques initiales n’avaient montreaucun syndrome inflammatoire ni aucun trouble metabo-lique. Il n’y avait pas d’auto-anticorps circulants (facteursrhumatoıdes, anticorps antinucleaires, anticorps anti-car-diolipines) ni de complexes immuns circulants. L’analysecytologique du LCR avait revele la presence de 105 elementscellulaires blancs dont 81 % de lymphocytes, 15 % de mono-cytes, 1 % de polynucleaires neutrophiles et 3 % d’immuno-blastes. La glycorachie avait ete mesuree a 3,2 mmol/L, laproteinorachie a 0,3 g/L. Le dosage des lactates etait normal(1,7 mmol/L). La neopterine, marqueur de l’inflammationdans le LCR, etait elevee a 30 nmol/L (valeurs normales6–10 nmol/L). Les recherches microbiologiques (virus neuro-tropes, tuberculose, maladie de Whipple) avaient ete nega-tives. L’electroencephalogramme (EEG) avait montre unralentissement diffus du rythme de fond sans activite

paroxystique. L’imagerie par resonance magnetique (IRM)cerebrale etait normale. Les anticorps antineuronaux spe-cifiques (anti-recepteur du N-methyl-D-aspartate [NMDA],anti-HuD, anti-Ri, anti-Yo, anti-CV2, anti-amphiphysine,anti-Ta/Ma2, anti-Ma1, anti-GAD) recherches par immuno-blot etaient absents dans le LCR. Cependant, une etude enimmunofluorescence sur coupe de cerveau de rat avaitpermis de detecter la presence d’anticorps antineuropilesdans le LCR [5]. Le diagnostic d’encephalite auto-immuneavait donc ete retenu et la recherche d’une neoplasie sous-jacente avait comporte une scintigraphie au 18-fluorodeso-xyglucose (18-FDG) couplee a un scanner thoraco-abdomi-nal. Cette exploration avait mis en evidence de nombreusesadenopathies dans la loge mediastinale anterieure et supe-rieure fixant intensement le traceur. Ces adenopathiesn’etaient pas visibles a posteriori sur la radiographie dethorax de face realisee a l’admission. L’examen histopa-thologique du materiel tumoral preleve par mediastinosco-pie avait permis de retenir le diagnostic de maladie deHodgkin (MDH) classique de type sclero-nodulaire (stadeII A de Ann Arbor).Le traitement avait comporte une polychimiotherapie asso-ciant vincristine, etoposide, prednisone et doxorubicine selonle protocole europeen en vigueur (EuroNet-PHL-C1). L’adoles-cent avait presente ponctuellement des episodes d’amnesieanterograde la premiere annee suivant son traitement. Lorsde la derniere visite de controle, il etait en remission de sonlymphome avec un recul de 3 ans, son examen neurologiqueetait normal, il ne presentait plus aucun trouble mnesique etpoursuivait une scolarite normale.

2.2. Observation no 2

Quinze mois apres le debut de l’induction d’une leucemieaigue lymphoblastique (LAL) de phenotype T selon le pro-tocole national francais FRALLE chez une fillette de 10 ans, lediagnostic de rechute meningee isolee avait ete porte aucours du traitement d’entretien suite a un controle pro-gramme du LCR. La remission de l’hemopathie avait eteobtenue rapidement par une seconde ligne de chimiothe-rapie comportant de nouvelles injections de cytotoxiquespar voie intrathecale pendant 6 mois. Par la suite, l’enfantavait developpe des troubles de la memoire anterogradeassocies a des hallucinations visuelles, des cephalees et unedesorientation temporo-spatiale. Elle etait apyretique. Lebilan biologique n’avait revele ni syndrome inflammatoireni trouble metabolique et le myelogramme et le frottissanguin avaient permis d’affirmer que la maladie etait enremission. L’etude du LCR avait montre une proteinorachie a0,31 g/L, une glycorachie normale, un compte de globulesblancs a 250 mm3 dont 70 % de lymphocytes morphologi-quement normaux et 30 % de polynucleaires neutrophiles. Iln’y avait aucune cellule blastique sur le cytospin. Le dosagedes anticorps onco-neuronaux realise selon les methodes

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J. Mollier-Saliner et al. Archives de Pediatrie 2013;20:386-390[(Figure_1)TD$FIG]

Figure 1. Observation no 2 : imagerie par resonance magnetiqueencephalique, coupe frontale, sequence Flair : hypersignaux des regionstemporales internes.

decrites dans la premiere observation avait ete negatif dememe que les recherches virales realisees par reaction depolymerisation en chaıne (PCR). L’EEG etait normal. L’IRMcerebrale avait mis en evidence un hypersignal symetriquedes regions temporales internes en sequences ponderees enT2 et en Flair (fig. 1). La presentation clinique, les donnees duLCR et l’aspect typique de l’imagerie cerebrale suggeraient lediagnostic d’EL.Malgre l’absence de cellules blastiques dans le LCR, et avant larealisation de l’IRM, la crainte d’une rechute meningee avaitjustifie la realisation d’une injection intrathecale de metho-trexate, dexamethasone et aracytine. La desorientation tem-poro-spatiale, les hallucinations visuelles et les troubles de lamemoire immediate s’etaient amendes progressivement enquelques jours. Le LCR, 1 semaine apres le debut de la symp-tomatologie, etait acellulaire. Une IRM de controle, realisee3 semaines apres la premiere, avait mis en evidence uneattenuation des hypersignaux encephaliques.A un mois de l’installation de ces troubles neurologiques,l’enfant etait de nouveau admise avec des cephalees intensesaccompagnees d’une diplegie faciale. Tres rapidement, uneatteinte respiratoire avait motive son transfert en unitede soins intensifs. Le LCR etait cette fois massivement envahide blastes. L’evolution avait ete defavorable malgre la reprised’une chimiotherapie systemique et intrathecale et l’enfantetait decedee en 3 mois de progression tumorale.

3. Discussion

Les EL, decrites initialement chez l’adulte, qu’elles soientparaneoplasiques ou non, se manifestent par la survenue

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aigue d’un syndrome confusionnel, de troubles de lamemoire anterograde ou de crises d’epilepsie. Le debutest parfois plus insidieux se manifestant par des signesd’allure psychiatriques associant anxiete, depression ethallucinations. Cette semeiologie peut se completer pardes signes dysautonomiques tels qu’une hyperthermie,une hypersialorrhee voire une hypoventilation [6]. Dansnotre premiere observation, l’extreme agitation et lesconvulsions avaient conduit l’adolescent en unite de soinsintensifs pediatriques pour une sedation et une ventilationmecanique. L’analyse du LCR peut parfois montrer unehypercellularite lymphocytaire non specifique, une eleva-tion de la proteinorachie et la presence de bandes oligo-clonales a l’electrophorese. Un ralentissement du rythme defond, des ondes lentes focales ou generalisees, des convul-sions infra-cliniques ou des decharges epileptiformes loca-lisees aux regions temporales sont observes sur le traced’EEG [7]. Chez 70 a 80 % des malades, il existe deshypersignaux sur les sequences ponderees en T2 et en Flairau niveau des structures limbiques (a la face interne deslobes temporaux) sur l’IRM [2]. Dans la seconde observation,l’imagerie cerebrale avait apporte ainsi des elements depreuve decisifs en faveur d’une EL du fait de la presenced’hypersignaux caracteristiques (fig. 1). Cette observationest tres proche de celle de Thuerl et al. [8] qui ont rapportele cas d’un jeune homme de 26 ans atteint d’une leucemielymphoblastique T, ayant presente un tableau d’EL, carac-terise a l’IRM par un hypersignal T2 des 2 lobes temporauxau cours d’une rechute meningee isolee et confirme al’autopsie par l’existence d’une encephalomyelite multifo-cale subaigue des regions temporales.Dans notre seconde observation, le bilan microbiologiqueetait negatif. Il n’y avait pas de cellules tumorales dans leLCR. La regression des signes cliniques et la quasi-normalisa-tion de l’IRM apres injection intrathecale de methotrexates’inscrivait en principe contre un effet adverse neurologiquedes cytotoxiques utilises pour obtenir une seconde remission.Un lien de causalite entre les troubles neurologiques et lalocalisation meningee de la maladie est vraisemblable pourcette fillette puisque ces manifestations avaient precede detres peu la rechute meningee massive.A notre connaissance, seulement 3 observations pediatri-ques d’EL liee a une MDH (ou syndrome d’Ophelia) [9] ontete publiees dont les donnees sont resumees dans letableau I. Dans le travail du reseau europeen des SPNassocies aux lymphomes de l’adulte [10], comportant24 MDH, une seule observation d’EL a ete rapportee chezun homme de 45 ans. L’entite neurologique la plus sou-vent associee a la MDH dans cette serie etait plutot ladegenerescence cerebelleuse paraneoplasique, tableaucomportant une ataxie, une dysarthrie, une diplopie, unsyndrome vertigineux et laissant de tres lourdes sequel-les. Cette entite a egalement ete decrite chez l’adolescent[11]. Les EL s’ajoutent ainsi a la liste des phenomenes

Encephalites limbiques paraneoplasiques

Tableau IEncephalites limbiques (EL) liees a la maladie de Hodgkin : donnees de la litterature.Auteurs Enfant Sous type

histologiqueDelaidiagnostique

IRM Anticorpsonconeuraux

Traitement Evolutionde l’EL

Carr et al.[9], 1982

F, 15 ans – 18 mois – – Chimiotherapie +radiotherapie

Guerison

Epaulard et al.[26], 2004

M, 18 ans Sclero-nodulaire

– Hypersignaltemporalet frontal T2 etFLAIR

Negatifs Chimiotherapie +radiotherapie+ echangesplasmatiques

Guerison,troublesmnesiquesmoderes

Rosenbaum et al.[15], 1998

F, 13 ans Sclero-nodulaire

– DiscrethypersignalT2 temporaldroit

– Chimiotherapie Etat vegetatif

Observationno 1, 2012

M, 14 ans Sclero-nodulaire

4 semaines Normale Positifs(specificite ?)

Chimiotherapie Guerison

– : non precise dans les articles ; IRM : imagerie par resonance magnetique.

dysimmunitaires decrits dans la MDH qui peuvent etreautant de signes trompeurs inauguraux au meme titreque les anemies hemolytiques auto-immunes, les purpurathrombopeniques d’allure idiopathique ou les syndromesnephrotiques deja decrits [12]. Tout comme le syndromed’Ophelia, les autres causes tumorales des EL ont uncaractere exceptionnel chez l’enfant car une recherchedans la litterature n’a retrouve que 4 observations pedia-triques d’EL paraneoplasique, une leucemie [13], un neu-roblastome [14], un ganglioneuroblastome [6] et uncarcinome de l’ovaire [15].D’autres manifestations neurologiques ont ete rapportees defacon anecdotique chez l’enfant dans un contexte neoplasiqueet notamment le syndrome de Lambert-Eaton dans le neuro-blastome [16], la myasthenie associee aux thymomes pedia-triques [17] et, de maniere plus classique, le syndromeopsomyoclonique du neuroblastome caracterise par des mou-vements anarchiques incontroles des globes oculaires, uneataxie et des myoclonies. Chez l’adulte, les SPN s’installentchez 60 % des patients avec une mediane de 3,5 mois avant quele diagnostic de cancer soit realise [18]. Chez l’enfant, ce delaidiagnostique est probablement plus long. En effet, dans unegrande serie de syndromes opsomyocloniques, la tumeur avaitete decouverte entre 1 semaine et 20 mois apres le debut dessymptomes [19]. La recherche par l’examen clinique d’unemasse abdominale ou dans les bourses chez le garcon etd’adenopathies tumorales est completee par l’imagerie. LaFederation europeenne des societes de neurologie [20] recom-mande a ce titre chez l’adulte la realisation d’une tomodensi-tometrie thoracique suivie d’une scintigraphie au 18-FDG etd’une echographie pelvienne, examens qu’il faut repeter tousles 6 mois s’ils sont normaux. On peut s’inspirer de ces recom-mandations pour l’enfant et lorsqu’un diagnostic de syndromeopsomyoclonique est pose, l’enquete doit comporter egale-ment le dosage des catecholamines urinaires, complete par unescintigraphie a la 131-meta-iodo-benzyl-guanidine [20].

Les syndromes paraneoplasiques sont lies a une perte detolerance aux antigenes partages par le SNC ou periphe-rique et la tumeur (antigenes ‘onconeuraux’) ou par laproduction par des clones lymphoıdes d’auto-anticorps diri-ges contre ces proteines onconeurales [5]. Leur depistage aune tres grande valeur diagnostique. Ces anticorps sontdiriges contre des proteines de surface, des proteines synap-tiques ou encore des antigenes intracellulaires. Les anti-corps les plus frequemment rencontres dans l’ELparaneoplasique de l’adulte sont les anticorps anti-Hu,anti-Ma2 ou anti-CV2 mais 10 % des patients sont serone-gatifs ou presentent, comme dans notre premiere observa-tion, des auto-anticorps dont la specificite antigenique n’estpas connue et mis en evidence indirectement par destechniques d’immunomarquage sur cerveaux de rat [5].Une revue recente de Dalmau et Rosenfeld [2] a proposeune classification des anticorps neuronaux associes auxsyndromes neurologiques qui facilite la demarche diagnos-tique, mais la plupart de ces anticorps et des tumeursassociees sont exceptionnellement decrites chez l’enfant.Le seul enfant porteur d’un ganglioneuroblastome de laserie pediatrique d’EL avait des anticorps anti-Hu [6].L’encephalite avec positivite des anticorps anti-recepteurdu NMDA est un SPN recemment decrit chez l’enfant oul’adolescent. Les patients ont des troubles de la personna-lite, du sommeil, des mouvements anormaux et des trou-bles de l’elocution. Dans la cohorte pediatrique dePhiladelphie (n = 81) cette entite n’etait associee a la pre-sence d’une tumeur (et en l’occurrence d’un teratomeovarien) que pour un tiers des filles et d’allure primitivepour tous les autres [21].Le traitement des SNP repose pour la plupart des auteurs surune mise en route urgente du traitement specifique du cancer[22]. Selon les recommandations europeennes, si l’evolutionn’est pas rapidement favorable et en presence d’anticorpsdiriges contre des antigenes de membrane, sont indiques des

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immunoglobulines intraveineuses a forte dose, des corticoı-des, puis des echanges plasmatiques [23]. Certaines publica-tions rapportent aussi l’interet du rituximab [11]. La presenced’anticorps ayant pour cible des antigenes intracellulaires est lereflet d’une reponse immunitaire T cytotoxique qui entraıneune mort neuronale irreversible et les immunosuppresseurss’averent alors decevants. Le pronostic est dans ce cas pejoratif.Il n’y a pas de donnees chez l’enfant. L’amelioration des signesneurologiques du syndrome opsomyoclonique est souventsuivie de rechute apres sevrage des corticosteroides et lessequelles sont frequentes [24]. La premiere observation quenous avons rapportee se distingue par le fait que les sympto-mes s’etaient amendes alors meme que l’adolescent n’avaitrecu aucun immunosuppresseur avant le diagnostic de sonlymphome. Nous avions deja rapporte des observations desyndromes nephrotiques lies a la MDH precedant la decouvertede l’hemopathie et guerissant avant meme le diagnostic [25].

4. Conclusion

La survenue de signes neurologiques est frequente chezl’enfant qui presente une maladie neoplasique. Ils sont liesdans la plupart des situations a l’infiltration par les cellulesmalignes du SNC, a des infections opportunistes, ou auxeffets metaboliques ou toxiques entraınes par la chimiothe-rapie. Mais les manifestations paraneoplasiques du SNC, eten particulier les EL, en depit de leur rarete, doivent etreconnues des pediatres car elles peuvent etre inaugurales etrevelatrices d’une neoplasie. Le diagnostic est porte sur unesemiologie particuliere faite de troubles psychiatriques etd’une atteinte limbique sur l’IRM. Le diagnostic est rarementfacilite par la presence d’auto-anticorps neuronaux. Larecherche de la tumeur repose sur l’examen clinique etl’imagerie medicale. En raison de sa rarete, la prise en chargedoit s’inspirer de celle proposee chez l’adulte et reposesurtout sur le traitement specifique du cancer.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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