Estimation de l exposition environnementale aux produits · Perrine de Crouy-Chanel (Institut de Veille Sanitaire, Département Santé-Environnement) 1 - Contexte et objectifs 2

Estimation de l’exposition

environnementale aux produits

phytosanitaires d’usage agricole

Utilisation des données géographiques nationales

disponibles

21 mars 2016

Perrine de Crouy-Chanel (Institut de Veille Sanitaire, Département Santé-Environnement)

1 - Contexte et objectifs

2 - Méthodologie et construction de l’indicateur

3 - Perspectives et applications des approches

géographiques

Estimation de l’exposition environnementale aux produits phytosanitaires d’usage agricole :

Utilisation des données géographiques nationales disponibles 21 mars 2016

• La France est l’un des tout premiers utilisateurs mondiaux de produits

phytosanitaires

• Forte corrélation entre usage de produits phytosanitaires et cultures :

4 cultures (céréales à paille, maïs, colza et vignes) représentent 80% des pesticides utilisés pour

moins de 40% de la SAU

• Majorité des produits phytosanitaires utilisés dans le milieu agricole :

Plus de 90% des quantités de substances actives vendues le sont pour usage agricole

MAIS :

• Grande diversité des substances utilisées, et évolution très importante et rapide

dans le temps

• Manque de données directement utilisables sur les usages pour apprécier les

expositions

Contexte :



Contexte :

• Les conséquences sanitaires connues ou suspectées :

- Cancers : → Prostate, Lymphomes non hodgkiniens, Myélomes, Leucémies - exposition professionnelle,

leucémies et tumeurs cérébrales de l’enfant - exposition environnementale

- Maladies neurologiques chroniques : → Maladie de Parkinson - exposition professionnelle et environnementale, Maladie

d’Alzheimer, Sclérose Latérale Amyotrophique - SLA en exposition professionnelle

- Effets sur la grossesse et le développement de l’enfant : → Malformations congénitales - exposition professionnelle, morts fœtales, croissance fœtale,

neuro-développement - exposition environnementale - proximité, usages domestiques ;

- Effets sur la fertilité : → grande majorité d’études sur la fertilité masculine ; effets avérés de certains pesticides en

milieu professionnel.

MAIS les connaissances restent encore à améliorer

concernant les impacts sanitaires de ces expositions.



Contexte :

• Quelles sont les populations exposées ?

- Population professionnelle :

- Milieu agricole : exploitants, salariés, aides familiaux, saisonniers, etc.

- Autres actifs : salariés chargés de l’entretien des routes, voies ferrées,

espaces verts, terrains de sport, ou encore de la désinfection de locaux, de

la désinsectisation, des jardineries, ou de la fabrication des pesticides.

MAIS AUSSI :

- Population générale :

- Population soumise aux expositions environnementales

- Usages domestiques (jardinage, antiparasitaires pour animaux, anti-poux,

etc.)



Contexte :



• Appréciation des expositions : les autres méthodes

Voie d’exposition Méthode d’approche de l’exposition

Exposition professionnelle Matrices emploi/exposition, matrices cultures/exposition

combinées à des questionnaires, mesures individuelles

(capteurs, dosimètres)

Exposition par usages

domestiques

Pièges à poussière dans le logement, questionnaire sur

les pratiques domestiques

Voie alimentaire Estimation de l’exposition par questionnaire alimentaire

Exposition totale sans

distinction de la voie

Mesure biologique de la présence de biomarqueurs

d’exposition

Travail mené en collaboration avec le Département Santé Travail :

- Recherche d’expositions professionnelles pour des salariés agricoles (cohortes)

- Questionnaires qui ne permettent pas forcément de reconstituer l’histoire de l’exposition en

allant jusqu’à la famille/SA, voire au produit (biais de mémoire)

- Objectif initial : contourner l’imprécision des informations reçues via les questionnaires par la

reconstitution de la localisation des différents lieux de travail, la caractérisation des cultures

dans ces lieux en vue de l’application des matrices cultures-exposition.

Une méthodologie et des données d’intérêt aussi pour la Santé-Environnement :

- Localisation des cultures que l’on peut croiser avec des localisations précises de sujets dans le

cadre d’enquêtes/études

- Intérêt accru dans le contexte actuel (inquiétudes de populations locales, saisines, etc.)

Genèse de la mise en œuvre d’une approche géographique de l’exposition à l’InVS :



Objectifs : construction d’un indicateur national

• Nécessité d’aboutir à un indicateur homogène sur l’ensemble du

territoire :

- Utilisation des bases de données nationales existantes sur les surfaces

cultivées et leur localisation ;

- Les bases de données locales plus précises ne sont pas retenues car elles

manquent souvent d’homogénéité ;

→ on ne retient pas les données d’occupation ou d’usage des sols disponibles à l’échelle de

certaines régions, ni les enquêtes régionales sur les pratiques ou les activités agricoles, bien

qu’elles soient souvent très détaillées

- L’indicateur à construire devra être disponible en tout point du territoire

→ difficile de ce fait d’imaginer mobiliser certaines sources possibles de données (mesures

ponctuelles dans l’environnement, par exemple)



• Les usages de pesticides et les substances actives épandues

ont beaucoup évolué au fil des 40 dernières années :

- Besoin de disposer de cet indicateur pour différentes dates :

→ essayer de construire un indicateur d’exposition pour différentes périodes

DONC

→ implique de pouvoir combiner des données historiques cohérentes entre elles

= une contrainte supplémentaire dans le choix des données.

Objectifs : possibilité de reconstituer des historiques



Objectifs : combiner des informations sur les surfaces cultivées avec des

matrices cultures/expositions

• En disposant d’informations sur :

- La période d’exploitation,

- La nature des cultures,

- La localisation géographique de ces cultures,

- Il deviendra possible d’appliquer les matrices cultures/expositions

→ des cultures présentes à une date donnée en un lieu donné on pourra

formuler des hypothèses solides sur les substances et les quantités

utilisées.



Méthodologie : les données nationales disponibles

• Recherche des données nationales existantes pour construire un indicateur

homogène sur l’ensemble du territoire

→ Trois bases de données nationales permettent actuellement

d’identifier les cultures, avec des dates plutôt cohérentes, mais à des

degrés de précision et un niveau d’exhaustivité variables :

- Le Recensement Agricole

- CORINE Land Cover

- Le Registre Parcellaire Graphique



Méthodologie : en résumé, avantages et limites des données disponibles

Données disponibles Atouts pour le projet Limites Aperçu

CORINE Land Cover

France - Couche

d’occupation du sol

Existe pour 1990, 2000

2006 et 2012.

Donnée géographique.

Existe pour le territoire

métropolitain pour trois

dates différentes →

historiques

Regroupement trop important

de certaines cultures.

Unité minimum cartographiée

très grande (25 ha)

Registre Parcellaire

Graphique

Diffusé annuellement

depuis 2007.

Déclarations exploitants

→ aides PAC

Donnée géographique

utilisable à une échelle

très fine, existe pour

plusieurs années.

Description des cultures

assez précise.

Certaines cultures sont plus

agrégées que dans le RA

Non exhaustif : potentielle

sous-déclaration de certaines

cultures

Recensement Agricole

Recensement au siège

d’exploitation.

Effectué en 1979, 1988,

2000 et 2010.

Donnée de référence

pour les cultures et les

surfaces.

Exhaustivité et précision

des données.

Assolements référencés à la

commune du siège de

l’exploitation indépendamment

du lieu exact des parcelles.



Données du RA à l’échelle des cantons

Méthodologie : évaluation des données disponibles

- Calcul des surfaces cultivées dans un SIG pour les données géographiques

(CLC et RPG),

- Comparaison de ces surfaces aux surfaces de référence du Recensement

Agricole

→ Définir comment les différentes données pourront être utilisées dans la

construction de l’indicateur final

On observe des discordances entre les superficies recensées au RA et les surfaces calculées

dans les bases de données géographiques



Comment utiliser CORINE Land Cover ?

Rappel :

- Regroupement important des cultures,

- Unité minimum cartographiée trop vaste

CORINE Land Cover identifie bien le fait agricole dans son ensemble,

mais n’identifie pas très bien les cultures

→ Utilisation de CORINE Land Cover pour

localiser le fait agricole sur le territoire



Comment utiliser le Registre Parcellaire Graphique ?

Rappel :

- Données très fines, mais plus agrégées que dans le RA

- Possibilité de non-exhaustivité des déclarations

Le RPG localise bien le fait agricole dans son ensemble, et localise bien

les cultures même s’il a tendance à les sous-estimer parfois

→ Utilisation du RGP pour localiser mais pas forcément

pour quantifier les cultures



Comment utiliser le Recensement Agricole ?

Rappel :

- Précision et exhaustivité des surfaces déclarées

MAIS :

- Recensement à la commune du siège d’exploitation (et non à la commune de la

parcelle) → imprécision de la localisation

- Secret statistique à l’échelle communale

- Utilisation possible à l’échelle du canton mais perte de précision.

→ Utilisation du Recensement Agricole pour apporter des

précisions et caractériser la SAU délimitée à l’aide de CORINE

Land Cover



Méthodologie : combinaison des données dans un SIG

Etape 1 : Délimitation de la SAU grâce à CORINE Land Cover




Etape 2 : Caractérisation de la SAU grâce au Recensement Agricole




Etape 3 : Les données géographiques complètent cette caractérisation



Méthodologie : Indicateur combiné de présence vraisemblable

Etape 4 : Superposition du RPG et combinaison en un seul indicateur



Discussion : atouts de la méthode…

- Méthode qui permet de construire un indicateur homogène pour l’ensemble du

territoire

- Indicateur de présence qui identifie des zones avec différents niveaux de

vraisemblance de présence d’une culture

- Disponibilité à différentes dates qui permet de reconstituer des historiques,

nécessaire pour le croisement avec les matrices cultures/exposition qui sont en

cours de développement

- Méthode « ouverte » : Possibilité d’intégrer de nouvelles sources de données

pour améliorer l’indicateur (A venir : réflexion sur l’intégration des données de

l’occupation du sol à très grande échelle de l’IGN, couche végétation de la BD

Topo® de l’IGN pour certaines cultures quand elles sera homogène, et sur

l’utilisation des données de la BNV-D)



Discussion : … mais aussi de nombreuses limites à son utilisation pour

la caractérisation de l’exposition

- Proxy assez grossier de l’exposition, corollaire du choix de construire un

indicateur homogène pour l’ensemble du territoire

- Prise en compte de la seule voie aérienne

- Territoire couvert : difficulté persistante d’accès aux données concernant les

DOM/COM





Possibilités d’application des approches géographiques :

- Croisement avec les matrices culture/exposition

- Une quantification des surfaces permettrait d’appliquer les matrices

culture/exposition en cours de développement au DST

- On approcherait l’exposition non plus par la présence vraisemblable des

cultures, mais par les usages vraisemblables des substances sur ces

cultures

MAIS

- Implique une meilleure quantification des superficies qui sera rendue

possible avec l’amélioration des sources de données, notamment

l’occupation du sol

- Ne permettra pas de connaître avec certitude la nature et les quantités de

substances auxquelles la population est réellement exposée



- Croisement avec des données de biosurveillance

- Réalisation d’un premier croisement avec les données des dosages de

pyréthrinoïdes effectués dans le cadre du volet périnatal d’Elfe

- Des corrélations positives retrouvées avec l’indicateur combiné pour les

vignes et les cultures pérennes (vergers)

Des approches géographiques sont également développées pour le croisement

avec d’autres données de biosurveillance (projet POPEYE)




- Croisement avec des données sanitaires :

- Projet GEOCAP/Pesticides :

- Travail conduit avec l’équipe Inserm EPICEA

- Croisement des données du Registre National des Cancers de l’Enfant

avec l’indicateur combiné pour tous les regroupements de cultures définis

- Définition de l’exposition dans un SIG pour tous les sujets géocodés, en

aveugle du statut de cas ou de témoin ;

Puis :

Comparaison des statuts d’exposition des cas et par rapport

aux témoins à des fins d’amélioration des connaissances

épidémiologiques




- Croisement avec des données démographiques :

- Croisement possible avec des données sur la densité de population à

grande échelle (i.e. à échelle fine)

- Calculs de distance entre des zones résidentielles concentrant la population

ou des établissements (écoles, hôpitaux, par exemple) et les zones de

présence des cultures

Possibilité d’évaluer des populations impactées selon des

méthodologies comparables avec ce qui est pratiqué pour évaluer

les populations exposées dans le cas d’autres sources

d’exposition.




Conclusion et perspectives :

- A compléter par d’autres travaux : confrontation en cours avec des données de

biosurveillance, le croisement avec les matrices culture/exposition sera réalisé

quand les matrices seront disponibles

- Réflexion à mener sur l’utilisation des données de vente (BNV-D) bientôt

disponibles avec la localisation de l’acheteur et non plus du distributeur

- Espérer que des données plus précises sur les pratiques culturales soient

disponibles à des échelles fines

- les Aasqa ont démarré des campagnes de mesures, et travaillé sur l’élaboration

d’un cadastre d’émissions de pesticides → Nouvelles sources de données ?

Une méthode ouverte qui rend envisageable la prise en compte de nouvelles

sources de données en vue de l’amélioration de l’indicateur

Quelques ressources complémentaires :

Pesticides et santé :

• Pesticides, effets sur la santé – Expertise collective Inserm. Paris : Inserm, 2013. 1001 p.

• Coignard F, Lorente C. Exposition aérienne aux pesticides des populations à proximité de zones

agricoles. Bilan et perspective du programme régional inter-Cire. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille

sanitaire, juin 2006, 64p.

• Spinosi J, Févotte J. Programme Matphyto. Matrices cultures-expositions aux produits phytosanitaires.

Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, juin 2008. 17p.

• Dossier thématique Pesticides :

http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Pesticides/De-l-exposition-a-l-

evaluation-des-risques-sanitaires-lies-aux-pesticides

Méthodologie :

• Clementini E, Laurini R. Un cadre conceptuel pour modéliser les relations spatiales. Revue des

Nouvelles Technologies de l'Information (RNTI) 01/2008; RNTI-E-14:1-17.

• Billen R, Clementini E. Etude des caractéristiques projectives des objets spatiaux et de leurs relations.

Revue internationale de géomatique 14:145-165.



http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Pesticides/De-l-exposition-a-l-evaluation-des-risques-sanitaires-lies-aux-pesticides





























Développement d’un indicateur d’exposition aux pesticides et applications à la

problématique des riverains

Perrine de Crouy-Chanel

Institut de veille sanitaire (InVS – France)

Biographie

Perrine de Crouy-Chanel est géographe de formation. Elle a effectué une spécialisation en sciences

de l'information géographique. Un premier poste comme responsable des Systèmes d’Information

Géographique (SIG) et de la cartographie à l'Institut Français de l'Environnement de 2002 à 2004 lui a

permis de se familiariser avec la diversité des problématiques environnementales et des données

mobilisées dans ces domaines. Elle a rejoint fin 2004 l'Institut de Veille sanitaire comme chargée

d'étude en SIG et cartographie. Intégrée à une unité méthodes et outils du Département Santé

Environnement, elle a eu depuis cette date l'occasion de travailler dans de nombreux champs des

missions de l'Institut en Santé environnement, de la pollution de l'air aux et sols pollués, en passant

par les expositions liées à l'eau, aux installations industrielles polluantes ou encore l'habitat indigne,

avec des détours aussi par les maladies infectieuses et les arboviroses, ou encore la santé au travail.

La mobilisation des SIG et de l'information géographique à l'InVS, en interface avec l'épidémiologie et

les statistiques notamment, va de la simple cartographie thématique d'une information ou d'un

résultat statistique (carte d'incidence par exemple) au croisement complexe de données variées pour

évaluer une population impactée ou estimer une exposition. Les SIG s'avèrent un outil

particulièrement adapté pour la construction d'indicateurs d'exposition, au moins en première

approche.

Résumé de la présentation :

De plus en plus d'études ont mis en évidence une augmentation du risque de certains effets

sanitaires (cancer, effets neurologiques, ...) en lien avec l'exposition aux produits

phytopharmaceutiques. Toutefois, les programmes de surveillance et les études épidémiologiques

ont beaucoup de mal à évaluer, notamment de manière rétrospective, ces expositions dans la

mesure où il n’existe pas de bases de données historiques et localisées exhaustives de ces usages en

France. Pour pallier ces difficultés, le Département santé environnement de l'InVS a développé une

approche géographique, mobilisant les données nationales disponibles actuellement, afin d'estimer

cette exposition. Cette approche repose sur l’identification des cultures présentes en un lieu donné

dans la mesure où l’usage des substances actives phytopharmaceutiques est très dépendant du type

de culture et des périodes historiques.

Après un rapide rappel des objectifs et du contexte de la mise en œuvre de ce travail à l'InVS, la

présentation décrira la méthodologie et les données mises en œuvre dans l'indicateur combiné.

Enfin, les différents applications possibles de ce type d'approche seront également envisagées, du

croisement avec les matrices cultures/expositions développées par le Département santé travail de

l'InVS, aux données des études de biosurveillance, en passant par le croisement avec des données

sanitaires, ou avec des données démographiques pour tenter de mieux cerner les populations

impactées.

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