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26 botanique botanique Jean-Louis Gathoye Si un nombre important d’espèces animales sont aujourd’hui menacées, c’est aussi parce que la situation des plantes à fleurs et des autres espèces végétales, qui leur servent de refuge ou de nourriture, et qui composent leur environnement vital, n’est pas beaucoup plus enviable… Des données insuffisantes Sur les quelque 307 674 plantes dé- crites sur notre planète (comprenant 16 236 mousses, 12 000 fougères et es- pèces alliées, 1 052 conifères et alliés, 268 000 plantes à fleurs, 4 242 algues vertes et 6 144 algues rouges), seules 12 873 (soit à peine plus de 4 %) ont été évaluées dans la version 2010 de la Liste rouge dressée par l’Union interna- tionale pour la conservation de la nature (UICN). Seuls les Gymnospermes (coni- fères et alliés) ont été presque complè- tement pris en compte avec 926 espè- ces. Le travail est encore plus lacunaire pour ce qui est des lichens (2 espèces les espèces État de la biodiversité : végétales Une gestion simple et bien pensée de zones de friche ou de talus de bords de route peut souvent donner de belles surprises, telles ces orchidées appelées ophrys abeilles. Bernard de Cuyper Jean-Louis Gathoye

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natagora numéro 40 novembre-décembre 201026

botaniquebotanique

Jean-Louis Gathoye

Si un nombre important d’espèces animales sont aujourd’hui

menacées, c’est aussi parce que la situation des plantes à fleurs et des

autres espèces végétales, qui leur servent de refuge ou de nourriture,

et qui composent leur environnement vital, n’est pas beaucoup plus

enviable…

Des données insuffisantesSur les quelque 307 674 plantes dé-crites sur notre planète (comprenant 16 236 mousses, 12 000 fougères et es-pèces alliées, 1 052 conifères et alliés, 268 000 plantes à fleurs, 4 242 algues vertes et 6 144 algues rouges), seules

12 873 (soit à peine plus de 4 %) ont été évaluées dans la version 2010 de la Liste rouge dressée par l’union interna-tionale pour la conservation de la nature (UICN). Seuls les Gymnospermes (coni-fères et alliés) ont été presque complè-tement pris en compte avec 926 espè-ces. Le travail est encore plus lacunaire pour ce qui est des lichens (2 espèces

les espècesÉtat de la biodiversité :

végétales

Une gestion simple et bien pensée de zones de friche ou de talus de bords

de route peut souvent donner de belles surprises, telles ces orchidées appelées

ophrys abeilles. Bernard de C

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(CR), 2 381 (27 %) sont en danger (EN) et 4 695 (54 %) sont vulnérables (vu). Ces proportions sont analogues si l’on ne considère que les plantes à fleurs, en y ajoutant l’extinction de 104 espèces. Les chiffres sont sans doute un peu plus réa-listes pour les Gymnospermes puisque, à côté des 4 espèces qui ont disparu, il y en a 371 autres (40 % des espèces évaluées par l’uICN) qui sont menacées (75 en CR, 125 en EN et 171 en vu), ce qui est encore beaucoup !

Mieux chez nous ?On estime entre 17 000 et 18 500 le nombre d’espèces de plantes, algues et champignons en Belgique. Parmi el-les, 20 à 25 % n’auraient pas encore été identifiées. Le nombre des espèces de plantes vasculaires (fougères, co-nifères et plantes à fleurs), mousses, algues rouges et vertes atteint environ 3 100 en Belgique. La connaissance des divers groupes est cependant très inégale. Seules les plantes vasculaires ont fait l’objet d’évaluations complètes et structurées.

En Flandre, sur 1 418 espèces retenues, 56 ont disparu, 108 sont menacées de disparition, 40 sont jugées vulnérables et 69 autres menacées. Si on y ajoute les 203 espèces rares, c’est près de 30 % des plantes vasculaires qui ont un statut préoccupant.

À Bruxelles, sur les 793 espèces recon-nues, 66 (8 %) figurent dans une Liste rouge.

En Wallonie, l’appauvrissement de la flore indigène n’est pas une constata-tion récente ; déjà en 1969, la sonnette d’alarme avait été actionnée par les bo-tanistes pour 297 espèces (59 espèces étaient déjà considérées comme dispa-rues). Aujourd’hui, sur 1 460 espèces et sous-espèces recensées, 110 (8 %) sont considérées comme éteintes, 293 (20 %) sont menacées d’extinction, 98 (7 %) sont en danger et 60 (4 %) sont vulnérables. La Liste rouge wallonne comprend donc 451 taxons, soit près de 31 % de l’ensemble des plantes vas-culaires. Pour l’établir, deux critères ont été utilisés : le degré de rareté de l’es-pèce (soit le nombre de carrés de l’at-las occupés après 1980) et le déclin de chaque espèce (soit l’évolution de l’oc-cupation des carrés de l’atlas « avant 1980 / après 1980 »). Les habitats les plus touchés par les pertes en espèces sont les pelouses à espèces annuel-les, les groupements des espèces des moissons et des cultures, mais aussi les espèces aquatiques au sens large. Les petites mares en milieu tourbeux, les pelouses métallicoles ou encore les milieux aquatiques ou tourbeux font partie des habitats les plus précieux. La plupart des espèces qui les composent sont actuellement menacées. Nos pe-louses calcaires en contiennent encore

Plusieurs années auront été néces-saires pour établir une mise à jour de la cartographie des plantes pro-tégées et menacées de Wallonie. Le résultat est la révision de plus de 600 espèces comprenant les 451 espèces de la Liste rouge et les 110 éteintes. Mais il reste tout autant d’espèces plus courantes à prendre en compte avant de pouvoir finaliser la révision de l’Atlas de la Flore en Wallonie. La procédure est en pla-ce, et de très nombreuses données sont validées chaque année dans cet objectif.

sur 17 000 décrites), des champignons (1 espèce sur 31 496 décrites) et des algues brunes (15 espèces sur 3 127 décrites). Si les espèces d’oiseaux, de mammifères et d’amphibiens ont été quasi toutes évaluées, les lacunes sont encore considérables pour le règne vé-gétal. Il est dès lors peu prudent d’avan-cer que ces pourcentages sont représen-tatifs de la situation réelle sur l’ensemble des continents, même s’il est un fait cer-tain que le temps qui passe n’est globa-lement pas favorable aux plantes.

En 2010, sur les 12 873 plantes étudiées, 8 692 sont considérées comme mena-cées (67 %). Parmi elles, 1 616 (19 %) sont en danger critique d’extinction

La prolifération actuelle du géranium pourpre, espèce méridionale découverte en 1997 en Wallonie, pourrait être le résultat du réchauffement climatique.

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plus de 50 % ! Il est vrai que beaucoup de ces milieux mis en exergue par leur flore rare sont rendus très vulnérables par leur isolement spatial.

Les tendances en fonction du temps ont été établies pour 437 espèces de la Liste rouge wallonne. Les analyses indiquent que 80 % ont régressé, sur la base d’une comparaison entre les périodes « avant 1980 » versus « après 1980 ». Seules 19 espèces de cet échantillon sont en progression.

à faire et ne plus faire…Pour les plantes comme pour les autres organismes, la dégradation des milieux (semi-)naturels reste la cause princi-pale des régressions constatées. La surexploitation, l’introduction d’espèces envahissantes, les pollutions diverses (dont l’eutrophisation généralisée qui peut être considérée comme une me-nace majeure pour la flore indigène), l’envahissement par les arbres des ha-bitats ouverts semi-naturels, l’isolement des populations et la fragmentation des habitats… en sont d’autres. Mais au-

delà de ces observations et conclusions plutôt alarmistes, des actions sont indis-pensables pour espérer pouvoir inverser la vapeur.

Les plantes étant habituellement recon-nues comme faisant partie des pans vi-taux de la diversité biologique mondiale, mais aussi comme des ressources es-sentielles pour la planète, les soucis liés à leur sauvegarde ont largement atteint aujourd’hui le niveau international. La Stratégie Globale pour la Conservation des Plantes, datant de 2002, dresse un modus operandi. Le texte comprend notamment 16 objectifs généraux dont la constitution d’une liste mondiale des espèces, l’établissement des statuts de conservation de toutes ces espèces aux niveaux national et international, la conservation d’au moins 10 % de cha-que région écologique de la planète, la constitution de collections de sauvegar-de ou encore la mise en place de plans de gestion pour contrôler les espèces envahissantes.

Chez nous, les orientations données aujourd’hui à la conservation de la na-ture conduisent de manière très positive vers une amélioration de la situation.

Les plantes liées aux champs et aux cultures (appelées aussi messicoles) figurent parmi les plus menacées dans toutes les régions d’agriculture intensive d’Europe occidentale. Plus d’une espèce sur six a déjà disparu en Wallonie. Et si l’on tient compte des espèces annuelles, dominantes dans ces situations, c’est près de 70 % d’entre elles qui sont menacées. sont essentiellement en cause l’amélio-ration du tri des graines, l’utilisation d’amendements minéraux, l’abandon des terrains marginaux pour la cultu-re, et surtout l’utilisation généralisée des herbicides. seules quatre espè-ces de plantes messicoles sont léga-lement protégées.

La réserve Vivaqua/Natagora de Modave abrite la seule station belge de la fougère plume d’autruche ou matteuccie.

La joubarbe d’Aywaille n’existe qu’à... Aywaille ! Confinée à un seul site, l’espèce est considérée comme très vulnérable et en danger critique d’extinction (CR).

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La création de réserves naturelles et de plans de gestion conservatoire, la ges-tion écologique des bords de voies de communication, les plans de réhabilita-tion de carrières et autres valorisations d’espaces industriels (comme les ter-rils), l’aménagement de plans d’eau (y compris chez soi), la généralisation des mesures agri-environnementales… sans oublier bien sûr l’installation du Réseau Natura 2000 et la poursuite des projets LIFE, sont autant d’avancées significati-ves en termes de restauration de notre patrimoine végétal. Au niveau légal, les textes wallons datant de 2001 établissent la protection de 27 % de la flore indigène et de plus de 75 % des espèces jugées menacées. Mais encore faudrait-il les ap-pliquer de manière plus systématique.

Chacun peut aussi apporter sa propre pierre pour consolider l’édifice. Et le meilleur conseil que l’on puisse donner à ce niveau est de réserver au moins une partie de son jardin en espace (semi-)sauvage, dans lequel il suffira au plus de maintenir un entretien très extensif.

La reine des Andes, du Pérou et de la Bolivie, figure parmi les espè-ces en danger (EN). Elle forme des populations très isolées les unes des autres. Le nombre d’indivi-dus est encore de 800 000, mais c’est surtout grâce à un seul mais énorme peuplement. La plante ne produit de graines qu’une seule fois en 80 ans ou plus, avant de mourir. Les effets du réchauffe-ment climatique sur le potentiel de germination des graines inquiè-tent. En outre, le bétail, qui se dé-place librement dans ces régions, endommage parfois irrémédiable-ment les jeunes plantes.

Compte 068-2140331-53 de Natagora (Réserves Naturelles RNOB) à 5000 NamurÀ partir de 30 €, le montant des dons est déductible du revenu net imposable.

n° 1 : Haute Semois et Gaumen° 2 : Haute Sûre et Forêt d’Anliern° 3 : Lesse et Houillen° 4 : Famennen° 5 : Entre-Sambre-et-Meusen° 6 : Ourthe et Aisnen° 7 : Stoumont/vallée de l’Amblèven° 8 : Haute Ardenne

n° 9 : Entre Fagnes et Amblèven° 10 : Montagne Saint-Pierren° 11 : Haute Sambre et Charleroin° 12 : vallée de la Haine et

Campine hennuyèren° 13 : Brabant wallonn° 14 : Hesbayen° 15 : Plateau de Bastogne

n° 16 : Semois ardennaisen° 17 : vallée de la Meusen° 18 : Vallée de la Gueulen° 19 : Condrozn° 20 : Bruxellesn° 21 : Les Hauts-Paysn° 22 : Les Plaines de l’Escaut

Aidez-nous à protéger les pelouses calcaires. Soutenez nos programmes d’achat de réserves naturelles

Les pelouses calcaires ensoleillées où se rencontrent notamment les rares fétuque

des rochers (graminée) et hélianthème blanc sont restaurées par les programmes

LIFE menés par Natagora.

La gestion extensive par fauches et pâturage de la réserve naturelle Natagora du Thier à La Tombe à Ében-Émael assure le maintien de la seule station belge de la gentiane champêtre.

www.natagora.be/40

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