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ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR L'HYDROGÉOLOGIE KARSTIQUE AU MAROC R. HAZAN Ingénieur Hydraulicien, Chef du Service des Ressources en Eau de l'Office National des Irrigations L. MONITION Docteur ès-Sciences, Chef adjoint du Service des Ressources en Eau de l'Office National des Irrigations RÉSUMÉ Après avoir brièvement rappelé les conditions du climat et du relief les auteurs passent en revue les formations géologiques à circulation karstique puis définissent l'écoulement karstique en s'appuyant sur des exemples pratiques. En effet, si ce phénomène peut s'observer directement, il peut être aussi découvert par l'intermé- diaire d'essais de débit. L'investigation de ces formations présentent quelques difficultés, mais l'intérêt est très important pour la réalimentation de nappe et le drainage. Dans certains cas, la karstification peut être artificiellement développée par explosifs et acidification. 1. INTRODUCTION L'Hydrogéologie karstique au Maroc n'a pas fait jusqu'ici l'objet d'une étude particulière permettant de tirer des lois générales. A côté des investigations géologique et spéléologique, l'hydraulique souterraine basée à la fois sur l'observation des phéno- mènes naturels et sur l'analyse mathématique des écoulements aquifères enrichit nos connaissances sur cette branche de l'hydrogéologie encore mal connue. La réunion d'Athènes, organisée par la F.A.O., a donc été l'occasion pour le Maroc de faire le point de ses connaissances en hydrogéologie karstique. Le présent rapport a utilisé les documents fournis par les hydrogéologues du Service des Res- sources en Eau de la Direction des Études Générales de l'Office National des Irrigations ayant la charge d'un Centre Régional, en particulier MM. Nguyen Quang Trac, Dcrekoy et Saddek pour le Maroc Oriental, M. Chapond pour la région de Fès et le Moyen Atlas, M. Thauvin cl les associations spéléologiques du Maroc pour la dorsale calcaire du Rif, le Moyen Atlas, la Côte Atlantique, MM. Colas des Francs et Ferré pour la région de Casablanca, M. Cochet pour le Haouz de Marrakech et le Haut Atlas, MM. Dijon, Chamayou et Ruhard pour le flanc sur du Haut Atlas, le Souss, le Haut Atlas et les régions sahariennes. Après avoir passé en revue les principales formations karstiques du Maroc et rappelé les traits du relief et les caractères du climat, une définition de l'écoulement karstique est établie. De nombreux exemples de phénomènes touchant à l'hydrogéolo- gie karstique illustrent la complexité du problème soumis à notre étude. 2. APFRÇU SUR LE KELIKF ET LK CLIMAT Pour mieux saisir l'irrégularité de l'écoulement dans les formations karstiques définies précédemment, il y a lieu de rappeler brièvement les grands traits du relief et du climat du Maroc, facteurs aussi importants que la lithologie. Ces données peuvent en outre rendre plus aisées les comparaisons avec d'autres pays. Le Maroc est situé entre le 28èmc et le 36cme degré de latitude Nord. Il présente 455

ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR …hydrologie.org/redbooks/a064/064040.pdf · L'examen des qualités chimiques de l'eau souterraine, de la température, l'emploi de traceurs aident au

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ÉTAT DES CONNAISSANCESSUR L'HYDROGÉOLOGIE KARSTIQUE AU MAROC

R. HAZANIngénieur Hydraulicien, Chef du Service des Ressources en Eau de l'Office National

des Irrigations

L. MONITIONDocteur ès-Sciences, Chef adjoint du Service des Ressources en Eau de l'Office National

des Irrigations

RÉSUMÉ

Après avoir brièvement rappelé les conditions du climat et du relief les auteurspassent en revue les formations géologiques à circulation karstique puis définissentl'écoulement karstique en s'appuyant sur des exemples pratiques. En effet, si cephénomène peut s'observer directement, il peut être aussi découvert par l'intermé-diaire d'essais de débit.

L'investigation de ces formations présentent quelques difficultés, mais l'intérêtest très important pour la réalimentation de nappe et le drainage. Dans certains cas,la karstification peut être artificiellement développée par explosifs et acidification.

1. INTRODUCTION

L'Hydrogéologie karstique au Maroc n'a pas fait jusqu'ici l'objet d'une étudeparticulière permettant de tirer des lois générales. A côté des investigations géologiqueet spéléologique, l'hydraulique souterraine basée à la fois sur l'observation des phéno-mènes naturels et sur l'analyse mathématique des écoulements aquifères enrichit nosconnaissances sur cette branche de l'hydrogéologie encore mal connue.

La réunion d'Athènes, organisée par la F.A.O., a donc été l'occasion pour leMaroc de faire le point de ses connaissances en hydrogéologie karstique. Le présentrapport a utilisé les documents fournis par les hydrogéologues du Service des Res-sources en Eau de la Direction des Études Générales de l'Office National des Irrigationsayant la charge d'un Centre Régional, en particulier MM. Nguyen Quang Trac,Dcrekoy et Saddek pour le Maroc Oriental, M. Chapond pour la région de Fès et leMoyen Atlas, M. Thauvin cl les associations spéléologiques du Maroc pour la dorsalecalcaire du Rif, le Moyen Atlas, la Côte Atlantique, MM. Colas des Francs et Ferrépour la région de Casablanca, M. Cochet pour le Haouz de Marrakech et le HautAtlas, MM. Dijon, Chamayou et Ruhard pour le flanc sur du Haut Atlas, le Souss,le Haut Atlas et les régions sahariennes.

Après avoir passé en revue les principales formations karstiques du Maroc etrappelé les traits du relief et les caractères du climat, une définition de l'écoulementkarstique est établie. De nombreux exemples de phénomènes touchant à l'hydrogéolo-gie karstique illustrent la complexité du problème soumis à notre étude.

2. APFRÇU SUR LE KELIKF ET LK CLIMAT

Pour mieux saisir l'irrégularité de l'écoulement dans les formations karstiquesdéfinies précédemment, il y a lieu de rappeler brièvement les grands traits du reliefet du climat du Maroc, facteurs aussi importants que la lithologie. Ces données peuventen outre rendre plus aisées les comparaisons avec d'autres pays.

Le Maroc est situé entre le 28èmc et le 36cme degré de latitude Nord. Il présente

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deux façades maritimes : l'une atlantique de Tarfaya au cap Spartel( 1.300km) l'autreméditerranéenne de Ceuta à l'Oued Kiss (450 km).

2.1. Les grande traits du relief

Dans ce pays couvrant une superficie de 500.000 km2 environ, de hautes monta-gnes, des plaines et des plateaux s'y répartissent harmonieusement.

2.1.1. Les montagnes s'orientent sensiblement suivant une direction SW-NS :Anti-Atlas et Sarho, Haut-Atlas avec le point culminant du Maroc : le Jbel Toubkal(4.161 m), Jbilet et Rehamna, Moyen Atlas, Rif, Béni-Bou-Yahi et Béni-Snasscne.

2.1.2. Les plaines et les plateaux offrent des aspects variés. De larges dépressions(Feija, basse vallée du Dra, Tafilalet) et les plateaux rocailleux (Hammada) inclinésen pente douce vers le Sud bordent l'Anti-Atlas au S et l'E. La plaine de l'oued Souss,le Haouz de Marrakech drainé par l'Oued Tensift, la plaine de la Bahira entre lesRehamna et les Jbilet, le Tadla sur le bord ouest du Moyen Atlas, les plaines côtièresatlantiques des Doukkala, de la Chaouïa, du Rharb, le plateau central el les plateauxde la haute Chaouïa avec le plateau des Phosphates qui s'intégrent dans la Mesetamarocaine, les hautes plaines de Meknès-Fès, plaine de Taourirt-Guercif, de Naima-Angad, les plaines côtières méditerranéennes : Triffas et Zelouane-Zaïo, enfin à l'Eles Hauts Plateaux parsemés de cuvettes fermées (chotts).

2.1.3. Le Réseau hydrographiqueII est exceptionnellement dense et actif à cette latitude. Les principaux fleuves

descendent de l'Atlas central. Sur le versant méditerranéen, la Moulouya (520 km)s'oppose aux courtes rivères du Rif.

Sur le versant atlantique, le Sebou (550 km) compte de nombreux affluents venantdu Moyen Atlas et du Maroc Central (Guigou, Mikkes, Beth) et du Rif (Lben etOuergha). Son cours inférieur est tout en méandres et en période de crues la plainedu Rharb est en grande partie inondée.

L'oum Er Rbia (550 km) est bien alimenté par ses affluents, l'oued El Abid etl'oued Tessaout. Son débit et son profil ont permis d'importants aménagements hydro-électriques.

Parmi les autres fleuves atlantiques : le Souss, le Tensift et le Loukkos sont debien moindre importance.

Sur le versant saharien, le Dra, le Ziz et le Rhcris confondus dans la Daoura, leGuir se perdent dans le Désert.

L'importance de l'endoréisme est manifeste :11 existe un endoréisme rigoureux dans le SE du pays : bassins de chotts aux

confins algéro-marocains, bassins sahariens de la Saoura et de la Daoura. D'autresbassins fermés se rencontrent sur le versant saharien mais aussi dans le reste du pays,dans l'oriental (Bou Houria, Guerrouaou), dans le Moyen Atlas et le Haut Atlas(lacs), dans l'occidental (Bahira).

Ainsi une zone de 130.000 km2, soit le quart du pays échappe air drainage versla mer.

Il existe aussi un endoréisme dû à l'aridité qui fait que certains oueds neconduisentpas l'eau jusqu'à leur émissaire.

Il est également d'autres entraves à l'écoulement comme la structure : aplatisse-ment de certaines basses plaines comme le Rharb, hauts plateaux soulevés (HautsPlateaux), formes dunaires plio-quaternaires sur la côte altantique, formes karstiquesdans le Moyen Atlas. Si l'on considère que ces diverses formes d'endoréisme intéres-sent plus de la moitié du pays, on pourra d'autre part expliquer dans une large mesurela concentration en sels par lessivages existant dans de nombreuses régions.

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2..2 Le Climat du Maroc

Le climat du Maroc est du type aride caractérisé par une faible pluviométrie etune forte evaporation potentielle.

La carte pluviométrique dressée par le Service de la Physique du Globe et de laMétéorologie montre que la quantité moyenne annuelle d'eau de pluie diminue du Nau S du littoral vers l'intérieur et qu'elle augmente avec l'altitude.

Ainsi les moyennes annuelles sont pour Tanger : 827 mm, Kénitra (Port-Lyautey)550 mm, El Jadida (Mazagan) 386 mm, Essaouira (Mogador) 314 mm, Agadir 204 mm.Rabat reçoit en moyenne 550 mm, mais 60 km à l'est il ne tombe plus que 450 mm età Casablanca qui se trouve à 90 km au sud, cette quantité est de 400 mm; globalementla pluviométrie moyenne est de 240 mm/an(ou 33Omm/an sur 330.000 km2 en excluantles zones désertiques); elle est inférieure à 250 mm/an et la fréquence des pluies estinférieure à 30 jours sur plus de la moite du pays.

Les apports de la rosée dans la zone littorale sont mal connus mais ils ne sauraientêtre négligés, s'ils n'alimentent pas les nappes du moins ralentissent-ils dans une cer-taine mesure l'évaporation des eaux souterraines.

Les montagnes accusent une forte pluviométrie dépassant localement 1 m (Ifranedans le Moyen Atlas 1.100 mm).

L'hiver est doux et l'été partout chaud et sec, la température décroît moins viteavec l'altitude pendant la saison chaude que pendant la saison froide. Des températuresélevées ont été notées à Kénitra, Khouribga, Sari, Tiflet, Taroudant... avec 50uC, lesplus basses températures ont été notées en montagne (—10°) à A/.rou mais encore àKénitra ( - 6"C) Oujda ( - 6,8"C), Khénifra ( - 7»C) etc..

L'évaporation potentielle mesurée à l'évaporomètre de Piche est de l'ordre de2 m sur la plus grande partie du pays mais les données de l'appareil de Piche sont àdiviser par 2 pour approcher la réalité. De son côté, les calculs de Thornthwaite admet-tent les valeurs de 0,6 à 1,1 m/an.

La méthode Thornthwaite a été utilisée au Maroc pour préciser le caractère aridedu climat. Ainsi les 2/3 du pays sont arides avec un indice compris entre — 20 et — 40.

Sur les 9/10 du pays la pluviométrie est inférieure à l'évaporation potentielle.

3 . GÉNÉRALITÉS SUR L ' H Y D R O G É O I . O C I E KARSTIQUE

3.1. Définition des formations à circulation karstique

Généralement, le terme de circulation karstique concerne le mouvement des eauxdans les régions formées de calcaires massifs, souvent purs, facilement dissous par leseaux de pluie chargées de gaz carbonique.

Cependant d'autres roches sédimentaires comme les grès quartzites présentant desjoints et diaclascs plus ou moins ouverts, d'élargissement difficile et rare, les formationsgypseuses, les roches cristallines, les laves d'epanchements, les roches cristallophyl-liennes, contiennent des fissures d'origine tectonique, étroites, d'extensionlimitéemaisadmettant néanmoins un écoulement karstique tel qu'il sera défini plus loin.

11 n' y a donc pas lieu de réserver letcrmed'écoulemenlkarstiqueauxseulesforma-tions calcaires. Dans le présent rapport, si les formations calcaires occupent la plusgrande place parmi les niveaux aquifères à circulation karstique, quelques cas intéres-sants comme ceux des grès quartzites et les basaltes sont signalés. Dans le cas des cal-caires, le caractère karstique est très variable d'une formation à l'autre et il en résultetoute une gamme de possibilités de circulation des eaux. Ainsi des calcaires lités à ris-sures peu ouvertes donc peu attaqués, on peut passer à des calcaires lités présentantdes circulations préférentielles dues à l'élargissement des joints et des diaclases pardissolution, pouvant aller jusqu'à des fissures et des chenaux créant par endroits des

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tavernes et donnant lieu à des ruisseaux ou rivières souterraines. Il existe même descalcaires poreux admettant une circulation laminaire et karstique.

3.2. Moyens d'investigation

L'investigation des formations karstiques est avant tout basée sur l'observationgéologique de surface. L'étude lithologiquc apporte des renseignements sur la naturedu calcaire, calcaire compact imperméable admettant un réseau de fissures (lias, céno-mano-turonien) calcaire poreux et fissuré permettant la coexistence des circulationslaminaires et karstiques, et permet de comprendre la circulation dans les fentes desbasaltes. La tectonique facilite la compréhension de l'élaboration du karst par l'élar-gissement sans action de l'eau, de failles ou fractures dans les calcaires et explique lacirculation karstique dans les roches non calcaires comme les quartzites. La strati-graphie et les reconstitutions paléogéographiques rendent compte de l'existence dekarst ancien, dissimulé sous des formations plus récentes. La climatologie (pluvio-métrie, température), l'hydrologie (sources) et la spéléologie (grottes et avens) appor-tent également leur concours dans l'étude du karst. L'examen des qualités chimiquesde l'eau souterraine, de la température, l'emploi de traceurs aident au repérage de cescirculations. Les méthodes de géophysique ont été largement mises à profit, méthodeélectrique (bassin de Fès Meknès et de l'Oued El Haï) ou sismique refraction (couloirOujda Taza et Triffa); si elles ne permettent pas de préciser la nature du karst, ellesfacilitent la découverte d'horizons calcaires sous des séries de nature lithologique diffé-rente. Un carottage aux gamma-rays neutrons effectué dans un forage ayantatteintlesformations aaleno-bajociennes des Hauts Plateaux a permis une différenciation trèsnette entre les niveaux calcaires fissurés et les intercalations fréquentes de marnes etcalcaires marneux. L'interprétation des essais de pompage reste un élément de trèsgrande importance pour définir l'écoulement karstique, en particulier dans les forma-tions non calcaires.

4 . RÉPARTITION GÉOLOGIQUE DES FORMATIONS A ÉCOULEMENT KARSTIQUE

Les formations karstiques examinées se placent dans l'un des domaines géologiquesissus chacun d'un des cycles orogéniques qui peuvent être distingués au Maroc, surla bordure du Bouclier Saharien :

— Domaine de l'Anti Atlas;— Domaine Atlasique;— Domaine Rifain.Chaque cycle comporte une phase de dépôt marin (lithogénèse) une phase oro-

génique (orogenèse) et une phase de démantèlement de cette chaîne (glytogénèse) ;l'aboutissement en est l'incorporation à la plateforme africaine.

Le Domaine de l'Anti-Atlas est le premier bourrelet orienté E.W. par les plisse-ments d'âge précambien II et III. Le Domaine Atlasique constitue la deuxième chaîneliminaire orienté N.S dans la partie Ouest, N.E dans le massif central marocain. Lesplissements sont calédoniens, hercyniens et alpins. Le Domaine Rifain est la troisièmechaîne correspondant au cycle alpin. Il y a évidemment à chaque cycle replissementou exhaussement des chaînes antérieurement formées. Ces trois domaines sont séparéspar des couloirs déprimés bordés au N au pied du Haut Altlas par l'accident sud atlasiqueet le sillon rifain passant sensiblement par le front de la première nappe de charriage.

4.1. Principales formations calcaires

Les principales formations calcaires donnant lieu à des ciculations du type karsti-que sont :

— les calcaires géorgiens de l'Anti Altas

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ANTI-ATLASAffleurements des calcaires géorgiens

d'après G. CHOUBERT

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— les dolomies et calcaires du Lias;— les calcaires ccnomano-turoniens;— les calcaires gréseux du plio-quaternaire.Il convient de signaler d'autres formations calcaires karstiques de moindre exten-

sion comme les calcaires aaleno-bajociens des Hauts Plateaux, les calcaires à gypsede Safi, les calcaires hauterivicns de Dridrat et les calcaires lacustres du pliovilla-franchien.

Enfin parmi les formations karstiques non calcaires il faut citer les grès quartzitcscambro-ordoviciens, les basaltes quaternaires.

RIF Affleurements des calcaires liasiques (unité charriée)d'après G. SUTER et J. MARÇAIS

Fig. 2.

4.1.1. Les calcaires géorgiensDans ce domaine les seules formations anciennes marquées par érosion karstique

sont les calcaires géorgiens bien développés (carte n° 1) dans la partie occidentale del'Anti Atlas et en bordure du Souss où ils peuvent atteindre une épaisseurdc400m. Ilssont lapiazés; mais les sources qui en sont issues ont un débit très faible bien que, desdépôts puissants de travertins attestent des débits élevés à une époque du quaternaireancien ou moyen. Des forages ont montré qu'en profondeur les calcaires géorgiensétaient peu fissurés et les écoulements semblent limités aux zones fracturées et faillées,les calcaires le plus souvent silicilïés et dolomitisés sont peu attaqués par l'eau. Leurfaible perméabilité.jointe à une faible pluviométrie permet d'expliquer le faible débitdes sources qui en sont issues.

4.1.2. Les calcaires et dolomies du LiasL'examen des calcaires liasiques de la dorsale calcaire du Rif et des Sofs, seules

formations karstiques du domaine rifain, a été fait conjointement avec ceux du domaineatlasique (Fig. 2).

Le domaine atlasique a été recouvert en grande partie par la mer liasique (Kig. 3).Des calcaires et des dolomies se sont déposés sur les terrains argileux du permo-triaset ils ont été eux mêmes recouverts par des marnes au lias supérieur. Le complexeaquifère du lias inférieur et moyen se trouve inséré entre deux dépôts marneux. Forte-ment marqué par la tectonique et l'érosion, les calcaires et les dolomies du lias n'afïlcu-rent plus que sur près de 30.000 km2.

L'épaisseur de cette série calcaire et calcaréo-dolomique est variable. Dans la zonedes Horsts du Maroc Oriental elle est de 10 à 400 m, dans les Beni-Snassene de 50 à250 m, dans le Moyen Atlas elle est supérieure à 300 m et dans le Haut Atlas elle peutatteindre 500 m.

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DOMAINE ATLAS1QUE

Sedimentation calcaire d'après G. CHOUBERT et A. FAURE-MURET

LIAS INFERIEUR ET MOYENVer Méditerranée

L^^ j 1 Fosse de subsidence Icoico/re)

LJ.iLI 2 Calcaires massifs et doloimes

Colço/rpj ànlcrrrei de bordure

4 faciès réduits[ralcoire)

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CENOMANIEN ET TURONIEN

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Fig. 3.

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lÎL^'T] 2 Cclco:re gréseux rnoghrebten masque par Villafrcnchien

Fig. 3. (suite)

Les calcaires du lias affleurent dans les zones élevées et bien arrosées : MoyenAtlas (3.340 m au Bou Naceur), Haut Atlas (3.757 m au Jbcl Ayachi et 4. 071 auJbclMgoun), Maroc Oriental (1.765 m au Jbel Bou Kouali). La hauteur de pluietombantsur les calcaires est de l'ordre de 2.000 mm dans le Rif, 1.500 mm dans le Moyen Atlas,1.100 mm dans le Causse Moyen atlasique, 1.000 mm dans le Haut Atlas occidental,300 mm dans le Haut Atlas oriental, 700 mm dans le Maroc oriental. La pluie, la neigeles basses températures dans ces zones d'altitude favorisent l'attaque et la dissolutiondes calcaires, les reconnaissances spéléologiques ont montrés l'existence de gouffres,grottes, rivières souterraines, dans le Causse moyen atlasique (gouffre du Friouatoprès de Taza), dans la chaîne du Tadla, dans la dorsale calcaire du Rif (Toghobcit).

Les eaux infiltrées dans les calcaires du lias ressortent sous forme de sources, oualimentent latéralement des nappes phréatiques ou des sous-écoulements d'oued. Lesnappes profondes sont exploitées par forages (hauts plateaux, bassin de Fès-Meknès).

Les aboutissements des circulations karstiques sont les sources qui apparaissentà la faveur d'une coupure d'oued ou d'une flexure, grâce à une fracture où se déversentau contact du support imperméable permo-triasique. Dans le premier cas, se range legroupe Ribas-Bittit de type vauclusien au pied du Causse moyen atlasique, l'AinAsserdoum sur le flanc N.E du Haut Atlas, l'Ain Kbira de Debdou et l'Aïn Bourbahprès de Berkane.

Certaines sont intermittentes comme Aïn Regada (flanc nord des Béni-Snassene)et Aïn Sebou (Moyen Atlas). Dans le cas des sources de fractures souvent chaudeset

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minéralisées, il convient de citer celles du flanc nord des Béni-Snassene de Sidi Yayiaprès d'Oujda, de Guefaït dans l'oued Za, de Figuig dans le Haut Atlas. Dans le derniercas se placent les sources de l'Oum Er Rbia dans le Causse moyen atlasique.

Toutes ces sources sont caractérisées par leur débit élevé. Au Maroc, sur les 12sources dépassant 500 1/sec, 6 sortent directement du lias, dont les sources du Sebou3-4 m3/sec et l'Oum Er Rbia 6 à 8 m3/sec. La variabilité élevée de ces sources traduit lecaractère karstique de la circulation souterraine.

Les transmissivités déduites des essais de pompages sont de l'ordre de 10~2 à10"A m2/scc. mais en régime karstique l'interprétation des courbes d'essai de débitest toujours délicate.

Les sofs calcaires du Rif et du prérif sont des débris d'écaillés non autochtonesqui ont été poussés à travers la couverture secondaire et tertiaire au moment de lamise en place des nappes de charriages rifaines; l'importance des affleurements estvariable (100 m2 à 30 km2) et les plus importants sont ceux du Jbel Tifelouest, duJbel Ourtzagh et du Jbel Amcrgou. 11 n'y a pas de grottes ou gouffres reconnus maisdes sources au débit abondant comme l'A. Bou Addel près de Béni Oulid qui donne200 1/sec. et celle l'A. El Maddara au nord de Taharsouk qui débite 100 1/sec. tra-duisent l'existence d'un réseau karstique.

4.1.3. Les calcaires cénomano-turoniensLes calcaires cénomano-turoniens affleurent largement sur l'ensemble du pays

Plateau des phosphates, zone côtière El Jdida-Azemmour, N et S du Haut Atlas(Essaouira, Ncjjate vallée du Souss, sillon sud atlasique). Us sont très irrégulièrementfissurés.

La zone dans laquelle a été noté un écoulement karstique est celle du Souss. Unessai de pompage exécuté aux Hafïaias poursuivi durant 2 mois avec des débits allantjusqu'à 500 1/scc soit des débits spécifiques de l'ordre de 100 1/sec/m, montre que lescalcaires cénomano-turoniens sont ici très fissurés.

Ailleurs dans le synclinal d'Essaouira ou le sillon sud atlasique ces formationsadmettent peu de fissures et l'eau qui y circule, en petite quantité, ne s'écoule pas sui-vant un régime karstique.

4.1.4. Les calcaires plio-quaternaire.sLes calcaires plio-quaternaircs s'étendent tout au long de la zone atlantique de

Tanger à Tarfaya. Ce sont des calcaires coquillicrs et des dunes anciennes pouvantatteindre l'altitude de 100 m. Ils sont très carbonates (80% de CO3 Ca) et ont été facile-ment dissous par les eaux. A la fois poreux et largement fissurés (puits du douar Debaghde Rabat et Gorane près de Safi) ils admettent les types de circulations laminaire etkarstique. Ils constituent un bon réservoir aquifère.

4.2. Autres formations calcaires à écoulement karstique

4.2.1. Calcaires de VAaleno-bajocienLes formations calcaires de l'Aaleno-bajocien des Hauts Plateaux présentent un

grand intérêt hydrogéologique, les carottes retirées des sondages profonds montrentgénéralement un calcaire carié, fissuré à remplissage de calcitc avec des traces d'oxydesde fer et de manganèse. La puissance de cette formation, séparée du calcaire liasiquepar une épaisseur de 50 m de marnes et marno-calcaires du toarcien peut atteindre200 m. Les sources liées à la tectonique et issues de cette formation atteignent dans lesecteur Bergucnt-Tabouda un débit de 200 à 500 1/sec. Quinze forages artésiens débi-tant au total 400 I/sec. exploitent ces horizons.

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4.2.2. Formalion du Jurassique supérieur

4.2.2.1. Les formations calcaires et gypsifères de la région de SaliLe Jurassique supérieur de la région de Sari se présente sous forme d'une série

puissante de calcaires jaunes admettant des lits argileux et des bancs ou lentilles degypse fréquents et importants. Des sondages ont recoupé 100 m de gypse avec inter-calation de calcaire dans le secteur de l'Arba Rguibate; la puissance totale de la for-mation est estimée à 200 m.

Les affleurements sont limités aux collines des Mouissat et à la base des falaisesde Sari; ils constituent le substratum des formations plioquaternaires entre Safi etTleta Sidi M'Barek.

Ces formations soumises à une dissolution karstique très intense qui se traduitpar quelques avens mais surtout par des colines nombreuses. La cuvette fermée deKhatazakan, de grandes dimensions (10 x 3 km) constitue un ouvala.

La circulation des eaux est mal connue dans l'arrière pays de Safi, ceci est dû aufait que la qualité chimique est mauvaise et que les débits sont très faibles. A Sari même,des sondages ont montrés que le Jurassique supérieur était formé de calcaires blancs,très durs, largement fissurés. Le caractère karstique a été démontré par les pompagesqui ont atteint dans des forages de gros diamètres (1,15 m) le débit de 330 l/sec. Lanappe des calcaires du Jurassique supérieur est pauvre et c'est l'eau salée marine quiprofite de la fissuration karstique.

4.2.2.2. Les formations calcaires Jurassique supérieur du Haut Atlas Occidental.Le plateau des Ida ou Tanane est formé de calcaire du Jurassique supérieur forte-

ment lapiazé et parsemé de colines et d'avens. Ce réseau karstique est drainé par larivière souterraine de Wit-Tamdoun reconnue par les spéléologues sur 6 km.

4.2.3. Les calcaires de DridratLa nappe des calcaires hauteriviens dits calcaires de Dridrat intéresse le Sahel

entre Safi et El Jadida. Son étude vient d'être entreprise mais le bilan n'a pas encoreété établi; son alimentation provient à la fois des infiltrations par les lapiez et colinesfréquents dans la région et du déversement des nappes supérieures (nappes du plio-quaternaire) dans ce niveau à la faveur de boutonnières dans les argiles rouges.

L'écoulement se fait dans ce niveau suivant un système karstique très anastomoséavec une direction générale perpendiculaire à la côte, le niveau piézométrique est trèsvoisin de la côte O.

Les exutoires sont visibles le long de la côte de Safi au Cap Cantin (Sources deSidi Bou Zid, Aïn Tamer).

Cette nappe est exploitée à Tleta Bou Arris par forages dont l'un a subi une opé-ration d'acidification réussie dont il sera question plus loin. Les risques d'invasionmarine étant grands, l'exploitation est amorcée avec prudence.

4.2.4. Les calcaires lacustres quaternairesDurant les périodes pluviales du quaternaire, des calcaires lacustres se sont édifiés

en de nombreux points du Maroc. Il en existe au S (Plaine de Bou Izakarn et Goulimine)et au N (Plaine de Tiznite) de l'Anti Atlas occidental, dans le Saïs, dans le Tadla, dansle N du Maroc (Plaines de Gareb et Triffa) mais leur degré de fissuration est variable,

Dans la plaine de Tiznite les calcaires lacustres ont comblé un ancien réseauhydrographique et l'écoulement de type karstique dont ils sont le siège s'effectue àgrande vitesse (4.800 m/j).

Dans la partie est de la plaine du Garcb, aux environs de Monte Arruit, la nappephréatique circule dans des calcaires lacustres de faciès variés : sublithographique,crayeux. Un forage exécuté dans ces formations a donné un débit de 35 l/sec pour unrabattement de 4 cm.

464

Dans les Triffas, les calcaires lacustres d'Aklim constituent un relais importantqui facilite le passage des eaux des calcaires du lias profond à la nappe phréatique. Cecas est cité plus loin en exemple.

Dans le Sais (plaine de Meknès Fès), les calcaires lacustres plio-villafranchiensoccupent une grande place. Leur puissance peut atteindre 80 m. Leur faciès pétrogra-phique est varié et ils peuvent être grumeleux, bréchiques, grenus à pseudo-oolithes.Des lapiez et abris sous roches se rencontrent dans les gorges de l'oued Bou Rkeis.De grosses sources apparaissent sur les flexures attestant l'existence locale de réseauxkarstiques : A. Chkeff, A. Cheggag, A Bou Rkeiss, A. Bergama kbira, après le captagede l'A Bou Rkeiss, le débit de l'A. Bergama kbira est passé de 700 à 100 1/sec.

4.3. Formulions non calcaires à écoulement karstique

4.3.1. Les quarizites combro-ordovicienCes roches rigides ont subi des actions tectoniques qui se traduisent par des cas-

sures d'ampleur et de répartition variables. Lorsqu'elles se trouvent insérées dans desformations schisteuses peu perméables naturellement, elles constituent de véritablesdrains. Il ya abaissement du niveau piézométrique et les filets liquides de l'assise lamoins perméable (perméabilité d'interstice) passent dans l'assise la plus perméable(perméabilité de fissures), par un véritable phénomène de refraction. On se trouve enprésence d'un véritable dioptre hydraulique formé de deux milieux de perméabilitédifférente.

Le caractère karstique de la circulation des eaux dans les quartzites a été mis enévidence à Si Amor près de Khouribga cet exemple sera développé plus loin.

4.3.2. Les formation volcaniquesLes formations volcaniques plio quaternaires de l'oued Nachef près d'Oujda con-

stituent une coulée de 22 km allant de Guenfouda à Oujda. Cette coulée joue un rôle derelais hydraulique entre les affleurements calcaires du haut bassin de l'oued Isly à l'a-mont et la nappe du Jbel Hamra à l'aval.

Les travaux de recherches ont montré que ces formations volcaniques possèdentdes caractères karstiques déterminant dans leur rôle de relais.

Du point de vue lithologique, cette formation est très hétérogène; elle comprenddes basaltes, des brèches basaltiques et dolomitiques, des graviers et des cinérites. Lesbasaltes souvent scoriacés et les cinérites, roches déjà poreuses présentent des fissurestapissées de calcite. Ces fractures et fissures se sont formées probablement au momentde la mise en place des roches par refroidissement et ultérieurement grâce à un tecto-nique post basaltique, visible à Guenfouda.

Les débits spécifiques exhaurés dans les forages de reconnaissance varient de17 1/scc/m à 33 l/sec/m.

5. ÉCOULHMENT KARSTIQUE

La connaissance qualitative des formations karstiques oriente la recherche d'hori-zons qui ne seront intéressants que s'ils sont aquiières et exploitables. Au Maroc,chaque forage subit après exécution et de façon systématique un essai de débit selonles règles de l'art. Cet essai permet de définir entre autres résultats l'exploitabilité per-manente de l'ouvrage du point de vue débit et qualité chimique de l'eau. Seul cet essaiqui doit être adapté aux circonstances, permettra de définir les normes d'exploitationconjointement avec les caractéristiques de l'écoulement.

465

5.1. Définition de l'écoulement kajstique

L'Hydraulique souterraine a eu, au Maroc, pour ses besoins d'interprétation,de calcul, d'investigation, à définir certaines natures d'écoulement :

— Écoulement laminaire : cet écoulement en comparaison avec l'écoulementhydraulique de surface peut se définir de sorte que la vitesse du filet d'eau à l'intérieurdes pores soit telle que le nombre de Reynolds soit inférieur à une certaine valeurlimite.

Dans ces conditions, les pertes de charges sont linéaires avec la vitesse d'écoule-ment des filets d'eau dans le temps.

— Écoulement turbulent : dans ce cas la vitesse est telle que le nombre de Reynoldscorrespondant soit supérieur à une certaine valeur limite.

Alors les pertes de charges sont de la forme s — A V -\ B V2 ou s- A V".L'un de nous (R. HAZAN) a démontré, que, statistiquement le passage de l'écoule-

ment laminaire à l'écoulement turbulent à la sortie des crépines se fait lorsque lenombre de Reynolds R est supérieur à 135, c'est-à-dire quand la vitesse réelle desfilets d'eau est supérieure à 1 cm/s en moyenne.

— Écoulement karstique : II est évident que l'écoulement naturel global des filetsd'eau constituant une nappe en mouvement, en dehors des zones situées à proximitéimmédiate (quelques mètres) de stations de pompage, est absolument laminaire'

La ponction d'une nappe en un point donné, et à un débit important provoque,selon les cas, une perturbation plus ou moins importante au mouvement naturel deseaux. Lorsqu'au niveau du forage d'exploitation, la perte de charge totale est constantedans le temps, on dit que l'on a affaire à un écoulement karstique 11 est à remarquerque nous ne parlons pas de stabilisation du niveau d'eau; ce qui impliquerait qu'il yait eu auparavant à cette stabilisation une évolution transitoire. Ces cas se présententlorsque, sous l'effet du pompage, l'onde de rabattement ayant progressé atteint unezone d'alimentation (cours d'eau, étang, lac, etc.).

Dans le cas d'écoulement karstique en grand, la stabilisation est quasi immédiate.Il est à remarquer que nous ne faisons pas de distinction sur la nature géologique

des terrains. Le phénomène en lui même seul compte. Les méthodes d'investigationsont semblables.

5.2. Constation directe du phénomène

Nous allons citer parmi de multiples exemples deux cas particuliers :

5.2.1. Alimentation en eau saumâtre du complexe de SafiLe complexe chimique de Safi nécessite un débit de 4 m3/s d'eaux saumâtres pour

le refroidissement.de ses machines. Le prélèvement de ces eaux en nier conduisait àde multiples aléas : grandes marées, nécessité d'un avant-port, entraînement de pro-duits marins, algues, etc.. La reconnaissance par des essais, dé terrains karstiquesformant le littoral côtier (grès calcaires du Plioquaternaire reposant sur du calcaireblanc du Jurassique supérieur) nous a fait penser que l'on pouvait utiliser ces terrainscomme filtres.

Les essais effectués sur ces terrains montrent que l'écoulement était karstique telque nous le définissons plus haut. La bonne valeur des caractéristiques hydrogéologi-que des terrains, nous incitait à proposer l'exécution d'une ligne de forages assezproches du rivage marin (10 à 20 m) de façon à ponctionner les eaux marines en évi-tant les aléas cités ci-dessus.

Trois ouvrages furent exécutés après une reconnaissance géologique détaillée,enfoncés jusqu'à une cinquantaine de mètres. Les essais ont donné les résultats suivants:

— forage FI Q — 125 1/s rabattement maximum 5 — 0,14 m constant

466

— forage F 2 Q = 165 1/s rabattement maximum s — 1,70 m constant— forage F 3 Q = 165 1/s rabattement maximum .s = 1,70 m constant.

11 est à noter que ces rabattements sont immédiats; par la suite l'évolution duplan d'eau est sinusoïdale de période égale à celle do la marée, d'amplitude plus faible,mais déphasée de 30 minutes par rapport à celle de la marée. Ce projet est en coursd'étude actuellement; il peut avorter pour des raisons de dissolution de calcaire sousl'effet des grandes vitesses des filets d'eau, dissolution qui risque dans le temps d'affai-blir l'assise des terrains sur lesquels reposera l'usine.

5.2.2. Zone entière du SahelLa zone côtière du Sahel est l'objet d'irrigation pour maraichage. Ce maraichage

utilise actuellement les eaux de la nappe phréatique du calcaire gréseux pliocène;zone surexploitée. Des travaux destinés à rechercher des zones aquifères plus favo-rables à proximité des cultures et non loin de la mer, nous poussèrent à exécuter desforages profonds. Ceux-ci ont rencontre du calcaire Hauterivien supérieur sous unecouverture d'argiles le séparant du Ploicène gréseux.

Les essais ont démontré un écoulement karstique, pour de faibles rabattementsconstants à des débits importants.

La nappe inférieure est caractérisée dans cette région par une pente d'écoulementtrès faible 1/10.000. Cette donnée est très caractéristique des terrains karstiquesaquifères.

Les essais ne donnant pas de valeurs permettant le calcul des débits d'écoule-ment, les pentes étant très faibles donc de valeurs peu précises, il est très difficile ouimpossible de fixer un débit d'exploitation. Une méthode sera proposée ultérieure-ment afin de tourner la difficulté.

5.3. Découverte d'ensembles karsitiques par l'intermédiaire dressais de debit

11 arrive bien souvent que des horizons à nature karstique soient découverts sousl'influence d'essais s'exercant dans une zone proche.

5.3.1. Puits d'AklimLa plaine des Triffas est constituée de remplissage quaternaire reposant sur du

Pliocène. Au sud de cette plaine se dresse le massif de calcaire liasique des Béni Snas-sen dont le plongement vers le nord et sous la plaine est certain. Ce massif n'avaitd'exutoire connu que ses sources de contact à son affluerement. Cependant un certainnombre de phénomènes attendaient explication. C'est ainsi que la nappe de surfaceétait anormalement alimentée; d'autre part l'oued Moulouya coupant cette plaine etcomportant un barrage en amont voyait dans son cours aval le débit passer de 0 à800 l/s à l'embouchure. Le drainage de la nappe des Triffas fut retenu pour l'expli-cation de ce dernier phénomène.

Le mystère fut éclaircie lorsque il y a quelques mois un essai fut exécuté sur unpuits à priori semblable aux multiples puits existant dans cette région.

La coupe du puits est la suivante :0-30 m dépôt alluvionnaire;

30-40 m calcaire caverneux fracturé,N.S. à 33 m du sol.Aux essais à 37 l/s-43 1/s et 69 1/s aucun rabattement ne fut observé ni sur le

puits ni sur les deux piézomètres situés à 12 et 22 m de là.Ces résultats absolument anormaux dans cette région conduisent à penser que le

calcaire liasique très profond par ailleurs remonte dans la région d'Aklim, et alimenteper ascensum la nappe phréatique située ici dans les calcaires lacustres. La pérennitéde la Moulouya ne peut également être due qu'au drainage de cet ensemble liasiquepar ailleurs en charge (15 m Ain Régada). Un projet est en cours de réalisation dont le

467

but est de distraire une partie de ces eaux perdues dans la Moulouya, au moyen desondages artésiens pour l'irrigation.

5.3.2. Sondages de Sidi Amor— Alimentation en eau de KhouribgaCet exemple est, à notre avis, l'un des plus intéressants; il montre que l'analyse

des phénomènes particuliers hydrogéologiques, l'obstination du chercheur, l'intérêtqu'il porte à tout terrain même réputé peu perméable, amène à d'excellents résultatsdans des zones absolument dépourvues d'horizons réputés «aquifères». Nous ne nousattarderons pas aux détails qui nous ont amenés après plusieurs années de recherchesà découvrir dans un ensemble de schistes et de quartzites, très fissurés, caverneux àécoulement karstique, une nappe où un forage d'exploitation a donné les résultatssurprenants suivants :

Q = 75 l/s.v - 1,40 m5.3.3. Nous citerons également quelques exemples de phénomènes semblables

découverts dans des coulées volcaniques quaternaires; en particulier dans la régiond'Oujda où ces coulées font relais entre des massifs calcaires liasiques véhiculant d'énor-mes débits.

5.4. Méthodes d'investigation et difficultés rencontrées au cours de prospection d'en-sembles aquifères karstiques

Nous rassemblerons dans ce paragraphe quelques idées et faits de constatation,quelques méthodes, quelques remèdes et interventions que nous avons opérés dansla recherche d'eau en milieu karstique.

5.4.1. Action chimiqueNous avons déjà signalé ce fait lors du projet d'alimentation en eau saumâtre

du complexe chimique de Safi. C'est ainsi que l'analyse méthodique des échantillonsd'eau au cours de pompages d'essais et à 165 l/s montra une augmentation de car-bonates avec le temps. En effet l'eau pompée contenait un mélange d'eaux de mer etde nappe. L'eau de mer ne contient pas de CO2 libre; par contre l'analyse chimique duCO2 aux essais a donné pour un P H ^7 ,1

. - . ;

Temps |Avant pompage jDébut pompage 6 heures après Mer

CO2 mg/l j 4,4 20 26,4

Ainsi donc le CO2 libre contenu dans les eaux est-responsable de l'attaque descalcaires. La crainte de voir l'assise de l'usine s'affaiblir par tassement par suite dela dégradation de la composition chimique du calcaire Jurassique supérieur, fait hésitersur le choix définitif de la solution à adopter.

Il est évident qu'au stade définitif, et dans des délais plus ou moins proches, l'eaupompée sera entièrement de l'eau de mer, donc dépourvue de CO-j libre; le préalableà lever est le temps mis à atteindre la saturation du mélange qui est celle de l'eau demer. Or après 15 jours de pompage à 125 l/s sur F I, les proportions étaient toujours2/5 d'eau de la nappe 3/5 d'eau de mer; les maximums de salinité augmentant trèslégèrement avec le temps. Les réserves statiques d'eau du calcaire jurassique étanténormes et peu chiffrables sans travaux très importants, il ne faudrait se référer qu'auxessais exprérimemaux en vraie grandeur, sans toutefois pouvoir apprécier exactementl'évolution de la qualité mécanique des roches sous l'effet des pompages.

Cette action chimique mérite d'être citée pour les déboires qu'elle peut occasionner.

468

5.4.2. Difficultés d'exécution de forage et d'essaisL'exécution du forage en terrain karstique n'est pas aisée; les vides importants

rencontrés au fonçage (soit en rotary, soit à la percussion) amènent très souvent deschutes d'outils qui peuvent être catastrophiques. Une précaution spéciale est à prendrequant à leur exécution.

Une fois le forage achevé la question du tubage et la confection du massif filtrantse pose. L'équipement du sondage, dans ce cas, n"a pour but que de protéger l'ouvragecontre l'éventuel éboulement de blocs, sous l'effet soit de l'action chimique, soit desfortes vitesses d'entrée des filets d'eau. La protection du groupe de pompage peutégalement amener à équiper l'ouvrage.

Une attention particulière doit être exercée lorsque les terrains recoupés sonthétérogènes.

5.4.2.1. Alimentation en eau d'OujdaNous citerons le cas d'un forage où des ennuis sérieux sont survenus en cours

d'essais : Forage du Djebel Hamra (alimentation en eau d'Oujda). Les terrains tra-versés sont :

— 0 à 35 m Marno calcaires;— 35 à 47 m Marnes;— 47 à 53 m Conglomérats à galets;— 53 à 95 m Calcaire dolomitique très caverneux au sommet, très fissuré à la

base.Un premier essai de débit à 25 1/s montra les bonnes dispositions de l'ouvrage,

s = 0,40 cm.Aussi fut-il procédé à la mise en place d'un tubage plein 0 à 53 m cimenté jusqu'au

sol.Aux essais d'exploitation tout alla pour le mieux jusqu'au débit de 85 1/s pour un

rabattement de 2,20 m.Mais au débit constant de 125 1/s, le rabattement se mit à croître dangereusement

et rapidement jusqu'au désamorçage de la pompe. Une étude détaillée de l'évolutiond'eau des piézomètres et de la remontée du plan d'eau à l'arrêt montra que le phéno-mène était très local.

Nos conclusions étaient les suivantes :— à de forts débits, et dans la passe de 47 à 60 m, la grande vitesse des filets d'eau

a entrainé des éléments envoyés vers le centre du forage en obturant les ouvertureskarstiques du calcaire augmentant par là même les pertes de charge donc diminuantles possibilités d'exploitation de l'ouvrage à de très faibles débits (20 1/s).

Le remède est la réouverture de ces cavités karstiques. Il fut alors procédé àune emulsion à air à très forte pression au droit de la zone intéressée et durant denombreuses heures.

Le résultat fut satisfaisant, les pertes de charge diminuèrent même par rapportaux essais initiaux.

Actuellement l'ouvrage est exploité depuis I 5 mois au débit de = 80 1/s à rabatte-ment constant de — 3 m.

5.4.2.2. Calcul du débit évacué vers la mer dans la région d'OualidiaNous avons déjà signalé que la nappe circulant dans un terrain karstique, à une

pente très faible. Cette pente, de par sa faible valeur, est difficile à calculer; les risquesd'erreur étant aussi importants sinon plus que la valeur de la pente elle même. D'autrepart, aux essais de débit, aucune caractéristique hydrogéologique d'écoulement nepeut être appréciée valablement. Comment donc évaluer, du moins approximative-ment, le débit d'écoulement par front de nappe de cet ensemble vers la mer, pourpouvoir l'intercepter au passage et l'utiliser à des fins plus appropriées?

469

On procède sur un forage de reconnaissance (exemple 1 = 500 m du rivage) àdes essais de débit à paliers croissants; on observe pendant tout le palier l'évolutionde l'analyse chimique de l'eau. Lorsqu'à un palier Q déterminé il y a augmentationnette de la concentration en sels marins de l'échantillon d'eau, on arrête immédiate-ment le pompage. On peut alors estimer à la limite supérieure que le débit d'écoulementest de Q 1/s par km de front.

Cette méthode purement expérimentale, et tout en prenant des précautionsd'usage, permet de se donner des débits limites inférieurs d'exploitation.

5.4.3. Réalimentation artificielle de nappes déficientes et injection pour drainaged'eaux excédentaires

La structure karstique de terrains aquifères est sans doute la plus appropriée àla réalimentation artificielle des nappes.

Cette note n'ayant pas pour but d'exposer ces méthodes mais de citer simplementdes exemples, nous nous bornerons à mettre en relief deux cas précis d'injectionsartificielles différentes.

5.4.3.1. Alimentation en eau de TangerL'injection se fait de la surface dans des grès pliocène en affleurement affectés

des fissures sans doute prolongées de phénomènes karstiques.Débit injecté 10.000 m3/j soit 112 1/s avec possibilités bien supérieures.

5.4.3.2. Drainage par injection de colatures dans le Périmètre irri-gué des Doukkalas

Les terrains aquifères fissurés avec de grosses ouvertures se situant vers 40 à 50 m,un forage d'injection a été exécuté jusqu'à 60 m.

Le débit absorbé est de 120 1/s maximum.La recherche d'horizons appropriés, pour de tels travaux nécessite de nombreuses

et délicates méthodes d'investigation actuellement mises au point au Maroc, et quidonnent entière satisfaction quant à leur déroulement successif.

5.4.4. Application au drainage de terrains sursaturés d'eauNous analyserons ce problème particulier de drainage dans la plaine du Tadla.Cette plaine est mise en valeur depuis un certain nombre d'années, et une irriga-

tion intense, voire anarchique, a été exercée sur les parcelles de culture. Aussi le niveaugénéral de la nappe n'a pas manqué de croître allant même jusqu'à voir le jour etsubmerger certaines parcelles ou étouffer les cultures.

La nappe circule dans un remplissage de formations marneuses dans lesquelleson peut trouver des lentilles parfois réduites de calcaires villafranchiens, disposées dansun désordre des plus navrants.

Or ces calcaires sont très perméables en grand ou même karstifiés formant unesorte «d'épongé» dans leur entourage aquifère marneux. Ces calcaires sont donc despoints de prédilection pour le drainage et en particulier pour le drainage par pompage.

Des expériences et cas précis ont montré combien la nette différence de perméa-bilité entre ces calcaires et ce remplissage pouvait jouer un rôle important dans ledrainage d'une zone hétérogène par simple ponction en des points favorables.

La recherche et la délimitation de ces lentilles permettra de dresser un programmede pompage généralisé, ayant un double but de drainage de la nappe et de recyclagede l'eau dans les canaux d'irrigation.

L'allure de la nappe izopiézométrique peut aider grandement à la détection deces zones focales. 11 est évident que ces terrains de dimensions très limitées, se com-portent aux essais différemment de terrains semblables mais ayant une extensionimportante.

470

5.4.5. Sondage artésiensLa majorité des ensembles aquifères artésiens se situe dans le lias quand celui-ci

présente les conditions topographiques et de charge favorables.Dans la zone d'alimentation, le lias en affleurement présente des caractéristiques

indiscutables de karstification du moins sur la plus grande surface.11 doit en être de môme en profondeur; la charge importante d'eau exercée sur

les niveaux calcaires, la circulation vers les exutoires naturels ou artificiels aident lar-gement dans la réalisation de ce phénomène.

Il est difficile au Maroc, étant donné le nombre limité d'ouvrages artésiens exé-cutés, à ce jour, et surtout les grandes dépenses à investir pour toute étude de ce genre,d'établir des lois comparatives d'écoulement en terrains karstiques.

5.4.6. Développement de la karstification11 arrive souvent que, lors d'exécution de forages dans des terrains réputés pou-

vant être karstiques, les résultats que l'on est en droit d'attendre se révèlent insuffisants,voire inexploitables.

La cause en est à une karstification insuffisante, soit locale, soit générale (surplusieurs mètres) des terrains traversés par le forage.

Il faut alors procéder artificiellement, à l'échancrure de fissures ou pores insuf-fisamment ouverts ou développés.

Plusieurs méthodes ont été essayées souvent au Maroc avec succès :

5.4.6.1. ExplosifsOn procède en forage nu, à une explosion mesurée, dont le rôle est de remuer le

terrain à l'usage d'une petite tectonisation locale.

5.4.6.2. Bombardement de zones aquifèresOn peut également, comme le font les géophysiciens, procéder en tube plein ou

vide à l'éjection, par l'intermédiaire d'un canon de 3 m, de billes métalliques sous despressions adéquates; cette méthode rend service quand il s'agit de fissures bouchéeslocalement par de l'argile.

5.4.6.3. AcidificationCette dernière méthode consiste en l'attaque par dissolution du calcaire par de

l'acide sulfurique ou chlorhydrique. Des rendements allant jusqu'à 800% en rabat-tements spécifiques, ont été obtenus permettant d'une part de livrer l'ouvrage àl'ejn»lr>ita*«>n, d'autre part d'améliorer grandement les conditions d'exploitabilité en

lisant des économies sur l'énergie de pompage, et sur les coûts des groupes, sansrler de l'augmentation du débit d'exploitation.

\

>. Quelques normes de traitemenià

Région/ ' Acide Quantité j Durée

Souss ' Cl H ! 2.000 kg 4 heures6/1959

Cl H i 4.000 kg17 heures

7/1962

Dimension :Coût forages Résultats

400.000 AF ; 0 --, 8" l/2 40%i h •= 20m |1

1.000.000 A F 0 -= 14h == 30 m 800%

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Ces traitements ont été effectués sur :— du calcaire dolomitique du Turonien au Souss (voir note de R. HAZAN dans

Terres et Eaux n° 33 de Décembre 1959);— du calcaire hauterivien (Dridat) cote atlantique;— du grès du Pliocène.— Lavage aux polyphosphates :Lorsque les fissures sont remplies d'argiles un lavage aux polyphosphates peut

aider au débourrage el améliorer les débits.

6. CONCLUSION

Le présent rapport n'est qu'un premier pas vers une connaissance plus appro-fondie de l'hydrogéologie karstique. Tant dans le domaine géologique que dans celuide l'hydraulique souterraine de nombreux points restent à étudier ou à éclaircir. Lesobservations citées sont trop ponctuelles pour pouvoir être érigées en lois générales,et la seule ambition de ce rapport était d'apporter une contribution à l'étude si com-plexe du karst.

472

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