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Être un soignant heureux : le défi || Préface

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Page 1: Être un soignant heureux : le défi || Préface

Préface

Être un soignant heureux : le défi. Quoi de plus naturel pour celle ou celui qui a choisi ce beau métier ! Et pourtant, la chose ne paraît pas si simple… Car être heureux nécessite des relations harmonieuses, donc un savoir faire et un savoir être qui sont souvent peu enseignés au cours des cursus de formation initiale, que l’on soit médecin, infirmier(e), aide soignant(e)… Être un bon technicien demande déjà beaucoup d’efforts, et on nous de-manderait en plus de devenir psychologue ? Non, il ne s’agit pas de cela, il convient juste de savoir gérer des situations délicates, ce qui fait partie intégrante du soin. Là se trouve le défi !

Pour se convaincre que le bonheur n’est pas forcément dans le pré du soignant et que le sujet est peu abordé en tant que tel, il suffit de se mettre en quête de références. Si tant est qu’Internet devienne notre dictionnaire commun, certes insuffisant voire parfois approximatif, je n’ai pas résisté à l’envie de glaner quelque information là-dessus. Et quelle ne fut pas ma surprise de constater après avoir tapé les deux mots clé « bonheur » et «soi-gnant» qu’il fallait attendre la cinquième page sur un moteur de recherche bien connu pour trouver un site assez structuré qui traitait de ce thème… enfin presque : il s’agissait du mal-être des soignants ! De même, « soigner » et « bonheur » n’amenaient que des sites traitant de l’art de se soigner soi-même, de soigner son enfant, son corps, ses relations, ses animaux, ses plantes… Rien sur l’art de soigner et d’être heureux.

Même si beaucoup de soignants témoignent de leur satisfaction à exer-cer leur profession, il n’en reste pas moins qu’ils sont souvent en difficulté face au patient. Car il ne s’agit plus « d’ordonner » au malade un traite-ment ou des conseils d’hygiène, il faut également l’écouter, le convaincre éventuellement et l’aider à surmonter les émotions qu’il peut traverser. Et c’est là que les qualités humaines font la différence. Elles demandent de l’ouverture d’esprit et de cœur, et du temps. Si cette ouverture demande à être dilatée, le temps, lui, semble se compresser à mesure que les années passent au rythme d’une rentabilité de l’établissement de santé qui cherche lui-même à survivre, d’une qualité des soins toujours davantage requise, d’une technicité toujours plus complexe. En parallèle, l’exigence du patient s’accroit d’autant qu’il tolère de moins en moins souffrir, avoir mal, être angoissé, attendre. Il apporte parfois à l’intérieur des murs de l’hôpital, le malaise ambiant d’une société pressurisée, trop souvent angoissée, agressive et intolérante.

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Il fallait donc bien un livre pour nous éclairer sur les manières d’être et de se comporter afin d’être heureux tout en soignant. Comment rester zen, ne pas tomber dans la marmite du stress, ne pas être maltraité ? Face aux situa-tions difficiles, le soignant est souvent seul. Mais il existe des solutions…

Ce livre offre une superbe opportunité pour beaucoup de soignants d’ex-plorer leur pratique et de prendre conscience de certaines subtilités de la relation humaine afin qu’ils ne s’engouffrent pas dans le tourbillon négatif des débordements émotionnels.

Quatre thèmes sont ici proposés: l’exploration de la relation soignant –soigné, soignant-famille et soignant-soignant, ainsi que la gestion du stress et des émotions. Ces trois relations interpersonnelles sont pourvoyeuses de beaucoup de satisfactions, mais elles peuvent être aussi infernales. L’auteur relate des situations vécues qu’elle analyse avec nous et donne un éclairage nouveau, parfois paradoxal. Elle nous propose des attitudes et des compor-tements qui facilitent l’apaisement et la diminution de la souffrance pour le patient et le soignant. Elle fait référence à des techniques de communica-tion et de psychologie appliquée émanant de différentes écoles de pensées, comme la PNL (Programmation neurolinguistique), l’analyse transaction-nelle, l’école de Palo Alto, la communication non violente…, ainsi qu’à des principes de gestion du stress. Par delà les conseils pratiques, l’analyse des situations n’en est pas moins fine et subtile. Et l’auteur n’hésite pas à agrémenter son discours de considérations philosophiques, chose bien na-turelle pour qui parle de quête du bonheur.

Claudine Carillo nous invite au fil des cas présentés, à prendre conscience des risques de prise de pouvoir et de projections inconscientes sur autrui. Elle souligne la différence essentielle entre sympathie et empathie. Elle aborde le système des valeurs et du sens, qui engendrent en chacun de nous la cohérence et l’action, nous enseigne que le dialogue entre deux personnes requiert de subtils ajustements comme une musique qui, pour être juste, nécessite d’être harmonisée. Le non verbal prend ici une place considérable avec lequel il est possible de jouer. Elle souligne également les distances si importantes à respecter entre nous dans les relations profession-nelles et personnelles.

L’éducation thérapeutique est abordée en tant que nouvelle approche structurante afin d’aider le patient à participer activement à sa prise en charge. Le soignant et le soigné deviennent alors partenaires et chacun joue son rôle pour la réussite du projet commun : la guérison ou l’atténuation des souffrances.

Aux confins du malaise au travail se trouve la maltraitance. Sujet épineux et délicat qui n’est jamais loin lorsque s’instaurent entre des sujets des rela-tions de pouvoir avec son lot de projections, de besoins de reconnaissance, de séduction voire de manipulation. Le Rubicon est parfois dépassé dans le

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domaine moral et parfois sexuel. Également, poussé au bout de lui-même, le soignant qui « veut bien faire » peut rencontrer la saturation, le surmenage, voire la dépression ; c’est le fameux burn-out.

Tout ceci ne doit pas nous faire oublier que la vie hospitalière n’en reste pas moins agrémentée de moments délicieux, de rires, de sourires, qui constituent autant de petits bonheurs pour peu que l’on s’en aperçoive.

Claudine Carillo nous distille dans un style vif et direct, des connaissances approfondies sur la relation humaine acquise au cours de sa formation de psycho-sociologue, de son expérience professionnelle de formatrice dans le monde hospitalier, mais également lors de sa recherche personnelle. Les remarques humoristiques qui émaillent cet ouvrage sont autant de sourires qui allègent le propos et montrent que la dédramatisation est souvent ef-ficace.

À qui s’adresse ce livre ? À tout soignant qui a envie d’améliorer sa relation à autrui, aux infirmier(e)s, aides soignant(e)s, médecins mais également aux assistantes sociales, diététiciens, brancardiers, secrétaires médicales… sans oublier les étudiants dans les filières de santé. Si Voltaire a dit « J’ai décidé d’être heureux car le bonheur est bon pour la santé », ne devrait-on pas, en tant que soignant, développer notre compétence relationnelle en utilisant notre intelligence et nos émotions, afin de mieux vivre au sein de l’hôpital, avec les personnes malades, leur famille et nos collègues ? Et si notre bien-être individuel produit paix et harmonie en nous, autour de nous et par extension dans le monde, cela ne deviendrait-il pas un enjeu écologique ? Tout un sujet qui nous motive à déguster cet ouvrage avec bonheur.

Dr Xavier de la TribonnièreMédecin hospitalier, Formateur en éducation à la santé