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N° d’ordre 2005-ISAL-00119 Année 2005 Thèse Etude des mécanismes de transport électrique dans des structures à base de nanocristaux de silicium ordonnés Présentée devant L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon Pour obtenir Le grade de docteur Formation doctorale Dispositifs de l'Electronique Intégrée Ecole doctorale École doctorale Electronique, Electrotechnique, Automatique de Lyon Par Arnaud Beaumont Soutenue publiquement le 12/12/2005 devant la commission d’examen : Rapporteur J. Gautier Directeur de recherche (CEA-LETI) Rapporteur P. Dollfus Chargé de recherche habilité (CNRS) Examinateur T. Baron Chargé de recherche habilité (CNRS) Examinateur P. Normand Directeur de recherche (NCSR, Grèce) Examinateur C. Plossu Professeur (INSA de Lyon) Examinateur A. Souifi Professeur (INSA de Lyon) Invité V. Aimez Professeur agrégé (Université de Sherbrooke, Canada) Thèse préparée au Laboratoire de Physique de la Matière (LPM, CNRS-INSA Lyon)

Etude des mécanismes de transport électrique dans des ...theses.insa-lyon.fr/publication/2005ISAL0119/these.pdf · Arnaud Beaumont Soutenue publiquement le 12/12/2005 devant la

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N° d’ordre 2005-ISAL-00119

Année 2005

Thèse

Etude des mécanismes de transport électrique dans des structures à base de nanocristaux de silicium ordonnés Présentée devant

L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon

Pour obtenir

Le grade de docteur

Formation doctorale

Dispositifs de l'Electronique Intégrée

Ecole doctorale

École doctorale Electronique, Electrotechnique, Automatique de Lyon

Par

Arnaud Beaumont

Soutenue publiquement le 12/12/2005 devant la commission d’examen :

Rapporteur J. Gautier Directeur de recherche (CEA-LETI)

Rapporteur P. Dollfus Chargé de recherche habilité (CNRS)

Examinateur T. Baron Chargé de recherche habilité (CNRS)

Examinateur P. Normand Directeur de recherche (NCSR, Grèce)

Examinateur C. Plossu Professeur (INSA de Lyon)

Examinateur A. Souifi Professeur (INSA de Lyon)

Invité V. Aimez Professeur agrégé

(Université de Sherbrooke, Canada)

Thèse préparée au Laboratoire de Physique de la Matière (LPM, CNRS-INSA Lyon)

i

Titre Etude des mécanismes de transport électrique dans des nanostructures à base de nanocristaux de silicium ordonnés.

Résumé en français Les nanocristaux de silicium sont des amas sphériques d’atomes de silicium, dont le diamètre est typiquement de l'ordre de la dizaine de nanomètres. Si on les utilise comme zone active dans un composant électronique, leurs très faibles dimensions font apparaître des phénomènes qui pourraient les amener à jouer un rôle important dans la microélectronique, à court et à long terme. A court terme, ils pourront être utilisés comme nano-grilles flottantes dans les mémoires FLASH, dont la miniaturisation pourra ainsi être poursuivie. A partir de mesures de courants transitoires effectuées sur ce type de composant, nous avons montré qu’il était possible de mettre en évidence le rôle prépondérant que jouent les îlots de silicium dans l’effet mémoire observé. Cette méthode a été validée sur des dispositifs comportant des nanocristaux élaborés par implantation ionique et par dépôt chimique en phase vapeur (CVD). A plus long terme, les nanocristaux pourraient représenter la brique de base d'une électronique mono-charge, en utilisant le phénomène de blocage de Coulomb. Nous avons montré que ce dernier régissait en particulier le transport dans une chaîne de trois îlots de silicium à température ambiante. Ce travail propose également une projection sur les caractéristiques morphologiques que devront respecter ces composants pour jouer un rôle dans la microélectronique.

Mots-clés MOS, Mémoire FLASH, Nanocristaux, Courant transitoire, SET, Blocage de Coulomb, Modélisation, Eléments finis.

ii

iii

Title Transport through ordered nanocrystals based nanostructures.

Abstract Silicon nanocrystals are spherical clusters made of silicon atoms whose diameter is in the order of ten nanometers. If they are used as active area in electronic components, their low dimensions give rise to phenomenona which could bring them to play an important role in the future of microelectronics, in the short and in the long run. In the short run, they could be used as nano-floating gates in FLASH memories, what would then enable their downscaling to go on. With transient current measurements made on this kind of components show evidences of the prominent role of the nanocrystals in the charging observed in our samples. This method was corroborated on components where nanocrystals have been fabricated by ionic implantation and by chemical vapor deposition (CVD). In the long term, nanocrystals could be the base brick for mono-electronics, thanks to the Coulomb blockade phenomenon. We showed that it governs the transport through a three-islands chain at room temperature. Furthermore, the structural characteristics required by these devices to play a significant role in microelectronics are evaluated.

Keywords MOS, Flash memory, Nanocrystals, Transient current, SET, Coulomb blockade, Modelling, Finite elements.

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Liste des écoles doctorales de l'Institut National des Sciences Appliquées de Lyon Mars 2005

SIGLE ECOLE DOCTORALE NOM ET COORDONNEES DU RESPONSABLE

CHIMIE DE LYON

M. Denis SINOU Université Claude Bernard Lyon 1 Lab Synthèse Asymétrique UMR UCB/CNRS 5622 Bât 308 2ème étage 43 bd du 11 novembre 1918 69622 VILLEURBANNE Cedex Tél : 04.72.44.81.83 [email protected]

E2MC

ECONOMIE, ESPACE ET MODELISATION DES COMPORTEMENTS

M. Alain BONNAFOUS Université Lyon 2 14 avenue Berthelot MRASH M. Alain BONNAFOUS Laboratoire d’Economie des Transports 69363 LYON Cedex 07 Tél : 04.78.69.72.76 [email protected]

E.E.A.

ELECTRONIQUE, ELECTROTECHNIQUE, AUTOMATIQUE

M. Daniel BARBIER INSA DE LYON Laboratoire Physique de la Matière Bâtiment Blaise Pascal 69621 VILLEURBANNE Cedex Tél : 04.72.43.64.43 [email protected]

E2M2

EVOLUTION, ECOSYSTEME, MICROBIOLOGIE, MODELISATION http://biomserv.univ-lyon1.fr/E2M2

M. Jean-Pierre FLANDROIS UMR 5558 Biométrie et Biologie Evolutive Equipe Dynamique des Populations Bactériennes Faculté de Médecine Lyon-Sud Laboratoire de Bactériologie BP 1269600 OULLINS Tél : 04.78.86.31.50 [email protected]

vi

EDIIS

INFORMATIQUE ET INFORMATION POUR LA SOCIETE http://www.insa-lyon.fr/ediis

M. Lionel BRUNIE INSA DE LYON EDIIS Bâtiment Blaise Pascal 69621 VILLEURBANNE Cedex Tél : 04.72.43.60.55 [email protected]

EDISS

INTERDISCIPLINAIRE SCIENCES-SANTE http://www.ibcp.fr/ediss

M. Alain Jean COZZONE IBCP (UCBL1) 7 passage du Vercors 69367 LYON Cedex 07 Tél : 04.72.72.26.75 [email protected]

MATERIAUX DE LYON http://www.ec-lyon.fr/sites/edml

M. Jacques JOSEPH Ecole Centrale de Lyon Bât F7 Lab. Sciences et Techniques des Matériaux et des Surfaces 36 Avenue Guy de Collongue BP 163 69131 ECULLY Cedex Tél : 04.72.18.62.51 [email protected]

Math IF

MATHEMATIQUES ET INFORMATIQUE FONDAMENTALE http://www.ens-lyon.fr/MathIS

M. Franck WAGNER Université Claude Bernard Lyon1 Institut Girard Desargues UMR 5028 MATHEMATIQUES Bâtiment Doyen Jean Braconnier Bureau 101 Bis, 1er étage 69622 VILLEURBANNE Cedex Tél : 04.72.43.27.86 [email protected]

MEGA

MECANIQUE, ENERGETIQUE, GENIE CIVIL, ACOUSTIQUE http://www.lmfa.ec-lyon.fr/autres/MEGA/index.html

M. François SIDOROFF Ecole Centrale de Lyon Lab. Tribologie et Dynamique des Systèmes Bât G8 36 avenue Guy de Collongue BP 163 69131 ECULLY Cedex Tél : 04.72.18.62.14 [email protected]

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Liste des professeurs de l'Institut National des Sciences Appliquées de Lyon Novembre 2005

Directeur : STORCK A.

Professeurs :

AMGHAR Y. LIRIS

AUDISIO S. PHYSICOCHIMIE INDUSTRIELLE

BABOT D. CONT. NON DESTR. PAR RAYONNEMENTS IONISANTS

BABOUX J.C. GEMPPM***

BALLAND B. PHYSIQUE DE LA MATIERE

BAPTISTE P. PRODUCTIQUE ET INFORMATIQUE DES SYSTEMES MANUFACTURIERS

BARBIER D. PHYSIQUE DE LA MATIERE

BASKURT A. LIRIS

BASTIDE J.P. LAEPSI****

BAYADA G. MECANIQUE DES CONTACTS

BENADDA B. LAEPSI****

BETEMPS M. AUTOMATIQUE INDUSTRIELLE

BIENNIER F. PRODUCTIQUE ET INFORMATIQUE DES SYSTEMES MANUFACTURIERS

BLANCHARD J.M. LAEPSI****

BOISSE P. LAMCOS

BOISSON C. VIBRATIONS-ACOUSTIQUE

BOIVIN M. (Prof. émérite) MECANIQUE DES SOLIDES

BOTTA H. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Développement Urbain

BOTTA-ZIMMERMANN M. (Mme) UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Développement Urbain

BOULAYE G. (Prof. émérite) INFORMATIQUE

BOYER J.C. MECANIQUE DES SOLIDES

BRAU J. CENTRE DE THERMIQUE DE LYON - Thermique du bâtiment

BREMOND G. PHYSIQUE DE LA MATIERE

BRISSAUD M. GENIE ELECTRIQUE ET FERROELECTRICITE

BRUNET M. MECANIQUE DES SOLIDES

BRUNIE L. INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION

BUFFIERE J-Y. GEMPPM***

BUREAU J.C. CEGELY*

CAMPAGNE J-P. PRISMA

CAVAILLE J.Y. GEMPPM***

CHAMPAGNE J-Y. LMFA

CHANTE J.P. CEGELY*- Composants de puissance et applications

CHOCAT B. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Hydrologie urbaine

COMBESCURE A. MECANIQUE DES CONTACTS

COURBON GEMPPM

COUSIN M. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Structures

DAUMAS F. (Mme) CENTRE DE THERMIQUE DE LYON - Energétique et Thermique

DJERAN-MAIGRE I. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL

DOUTHEAU A. CHIMIE ORGANIQUE

DUBUY-MASSARD N. ESCHIL

viii

DUFOUR R. MECANIQUE DES STRUCTURES

DUPUY J.C. PHYSIQUE DE LA MATIERE

EMPTOZ H. RECONNAISSANCE DE FORMES ET VISION

ESNOUF C. GEMPPM***

EYRAUD L. (Prof. émérite) GENIE ELECTRIQUE ET FERROELECTRICITE

FANTOZZI G. GEMPPM***

FAVREL J. PRODUCTIQUE ET INFORMATIQUE DES SYSTEMES MANUFACTURIERS

FAYARD J.M. BIOLOGIE FONCTIONNELLE, INSECTES ET INTERACTIONS

FAYET M. (Prof. émérite) MECANIQUE DES SOLIDES

FAZEKAS A. GEMPPM

FERRARIS-BESSO G. MECANIQUE DES STRUCTURES

FLAMAND L. MECANIQUE DES CONTACTS

FLEURY E. CITI

FLORY A. INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATIONS

FOUGERES R. GEMPPM***

FOUQUET F. GEMPPM***

FRECON L. (Prof. émérite) REGROUPEMENT DES ENSEIGNANTS CHERCHEURS ISOLES

GERARD J.F. INGENIERIE DES MATERIAUX POLYMERES

GERMAIN P. LAEPSI****

GIMENEZ G. CREATIS**

GOBIN P.F. (Prof. émérite) GEMPPM***

GONNARD P. GENIE ELECTRIQUE ET FERROELECTRICITE

GONTRAND M. PHYSIQUE DE LA MATIERE

GOUTTE R. (Prof. émérite) CREATIS**

GOUJON L. GEMPPM***

GOURDON R. LAEPSI****.

GRANGE G. (Prof. émérite) GENIE ELECTRIQUE ET FERROELECTRICITE

GUENIN G. GEMPPM***

GUICHARDANT M. BIOCHIMIE ET PHARMACOLOGIE

GUILLOT G. PHYSIQUE DE LA MATIERE

GUINET A. PRODUCTIQUE ET INFORMATIQUE DES SYSTEMES MANUFACTURIERS

GUYADER J.L. VIBRATIONS-ACOUSTIQUE

GUYOMAR D. GENIE ELECTRIQUE ET FERROELECTRICITE

HEIBIG A. MATHEMATIQUE APPLIQUEES DE LYON

JACQUET-RICHARDET G. MECANIQUE DES STRUCTURES

JAYET Y. GEMPPM***

JOLION J.M. RECONNAISSANCE DE FORMES ET VISION

JULLIEN J.F. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Structures

JUTARD A. (Prof. émérite) AUTOMATIQUE INDUSTRIELLE

KASTNER R. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Géotechnique

KOULOUMDJIAN J. (Prof. émérite) INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION

LAGARDE M. BIOCHIMIE ET PHARMACOLOGIE

LALANNE M. (Prof. émérite) MECANIQUE DES STRUCTURES

LALLEMAND A. CENTRE DE THERMIQUE DE LYON - Energétique et thermique

LALLEMAND M. (Mme) CENTRE DE THERMIQUE DE LYON - Energétique et thermique

LAREAL P (Prof. émérite) UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Géotechnique

LAUGIER A. (Prof. émérite) PHYSIQUE DE LA MATIERE

LAUGIER C. BIOCHIMIE ET PHARMACOLOGIE

LAURINI R. INFORMATIQUE EN IMAGE ET SYSTEMES D’INFORMATION

ix

LEJEUNE P. UNITE MICROBIOLOGIE ET GENETIQUE

LUBRECHT A. MECANIQUE DES CONTACTS

MASSARD N. INTERACTION COLLABORATIVE TELEFORMATION TELEACTIVITE

MAZILLE H. (Prof. émérite) PHYSICOCHIMIE INDUSTRIELLE

MERLE P. GEMPPM***

MERLIN J. GEMPPM***

MIGNOTTE A. (Mle) INGENIERIE, INFORMATIQUE INDUSTRIELLE

MILLET J.P. PHYSICOCHIMIE INDUSTRIELLE

MIRAMOND M. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Hydrologie urbaine

MOREL R. (Prof. émérite) MECANIQUE DES FLUIDES ET D’ACOUSTIQUES

MOSZKOWICZ P. LAEPSI****

NARDON P. (Prof. émérite) BIOLOGIE FONCTIONNELLE, INSECTES ET INTERACTIONS

NAVARRO Alain (Prof. émérite) LAEPSI****

NELIAS D. LAMCOS

NIEL E. AUTOMATIQUE INDUSTRIELLE

NORMAND B. GEMPPM

NORTIER P. DREP

ODET C. CREATIS**

OTTERBEIN M. (Prof. émérite) LAEPSI****

PARIZET E. VIBRATIONS-ACOUSTIQUE

PASCAULT J.P. INGENIERIE DES MATERIAUX POLYMERES

PAVIC G. VIBRATIONS-ACOUSTIQUE

PECORARO S. GEMPPM

PELLETIER J.M. GEMPPM***

PERA J. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Matériaux

PERRIAT P. GEMPPM***

PERRIN J. INTERACTION COLLABORATIVE TELEFORMATION TELEACTIVITE

PINARD P. (Prof. émérite) PHYSIQUE DE LA MATIERE

PINON J.M. INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION

PONCET A. PHYSIQUE DE LA MATIERE

POUSIN J. MODELISATION MATHEMATIQUE ET CALCUL SCIENTIFIQUE

PREVOT P. INTERACTION COLLABORATIVE TELEFORMATION TELEACTIVITE

PROST R. CREATIS**

RAYNAUD M. CENTRE DE THERMIQUE DE LYON - Transferts Interfaces et Matériaux

REDARCE H. AUTOMATIQUE INDUSTRIELLE

RETIF J-M. CEGELY*

REYNOUARD J.M. UNITE DE RECHERCHE EN GENIE CIVIL - Structures

RICHARD C. LGEF

RIGAL J.F. MECANIQUE DES SOLIDES

RIEUTORD E. (Prof. émérite) MECANIQUE DES FLUIDES

ROBERT-BAUDOUY J. (Mme) (Prof. émérite) GENETIQUE MOLECULAIRE DES MICROORGANISMES

ROUBY D. GEMPPM***

ROUX J.J. CENTRE DE THERMIQUE DE LYON – Thermique de l’Habitat

RUBEL P. INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION

SACADURA J.F. CENTRE DE THERMIQUE DE LYON - Transferts Interfaces et Matériaux

SAUTEREAU H. INGENIERIE DES MATERIAUX POLYMERES

SCAVARDA S. (Prof. émérite) AUTOMATIQUE INDUSTRIELLE

SOUIFI A. PHYSIQUE DE LA MATIERE

SOUROUILLE J.L. INGENIERIE INFORMATIQUE INDUSTRIELLE

x

THOMASSET D. AUTOMATIQUE INDUSTRIELLE

THUDEROZ C. ESCHIL – Equipe Sciences Humaines de l’Insa de Lyon

UBEDA S. CENTRE D’INNOV. EN TELECOM ET INTEGRATION DE SERVICES

VELEX P. MECANIQUE DES CONTACTS

VERMANDE P. (Prof émérite) LAEPSI

VIGIER G. GEMPPM***

VINCENT A. GEMPPM***

VRAY D. CREATIS**

VUILLERMOZ P.L. (Prof. émérite) PHYSIQUE DE LA MATIERE

Directeurs de recherche C.N.R.S. :

BERTHIER Y. MECANIQUE DES CONTACTS

CONDEMINE G. UNITE MICROBIOLOGIE ET GENETIQUE

COTTE-PATAT N. (Mme) UNITE MICROBIOLOGIE ET GENETIQUE

ESCUDIE D. (Mme) CENTRE DE THERMIQUE DE LYON

FRANCIOSI P. GEMPPM***

MANDRAND M.A. (Mme) UNITE MICROBIOLOGIE ET GENETIQUE

POUSIN G. BIOLOGIE ET PHARMACOLOGIE

ROCHE A. INGENIERIE DES MATERIAUX POLYMERES

SEGUELA A. GEMPPM***

VERGNE P. LaMcos

Directeurs de recherche I.N.R.A. :

FEBVAY G. BIOLOGIE FONCTIONNELLE, INSECTES ET INTERACTIONS

GRENIER S. BIOLOGIE FONCTIONNELLE, INSECTES ET INTERACTIONS

RAHBE Y. BIOLOGIE FONCTIONNELLE, INSECTES ET INTERACTIONS

Directeurs de recherche I.N.S.E.R.M. :

KOBAYASHI T. PLM

PRIGENT A.F. (Mme) BIOLOGIE ET PHARMACOLOGIE

MAGNIN I. (Mme) CREATIS**

* CEGELY CENTRE DE GENIE ELECTRIQUE DE LYON

** CREATIS CENTRE DE RECHERCHE ET D’APPLICATIONS EN TRAITEMENT DE L’IMAGE ET DU SIGNAL

*** GEMPPM GROUPE D'ETUDE METALLURGIE PHYSIQUE ET PHYSIQUE DES MATERIAUX

**** LAEPSI LABORATOIRE D’ANALYSE ENVIRONNEMENTALE DES PROCEDES ET SYSTEMES INDUSTRIELS

1

Table des Matières

Table des Matières_________________________________________ 1

Introduction _____________________________________________ 3

Chapitre I. Le nanocristal de silicium, une brique de base proposée à la micro-électronique pour miniaturiser ses composants__________ 7

I. Les mémoires Flash à nanocristaux_________________________ 7

II. Les composants mono-électroniques ______________________ 22

Chapitre II. Caractérisation en courant de capacités MOS contenant des monoplans de nanocristaux de silicium ____________ 41

I. Description des échantillons caractérisés ___________________ 42

II. Etude expérimentale des courants de chargement ___________ 56

III. Modélisation par un circuit électrique équivalent et extraction de paramètres _________________________________ 64

IV. Influence du chargement observé sur les caractéristiques électriques des composants________________________________ 88

V. Confrontation à un modèle cinétique de chargement __________ 92

VI. Conclusion __________________________________________ 99

Chapitre III. Etude de composants comportant quelques nanocristaux de silicium : vers l’étude de l’îlot unique. __________ 105

I. Présentation d’un procédé d’isolation de capacités ___________ 107

II. Elaboration de composants à quelques îlots par AFM ________ 117

III. Modélisation simple des composants à quelques îlots _______ 129

IV. Conclusion _________________________________________ 160

Conclusion générale _____________________________________ 165

Bibliographie ___________________________________________ 169

2

3

Introduction

a technologie MOS parvient à miniaturiser ses composants électroniques, mémoires et transistors, à un rythme quasi-constant depuis plusieurs dizaines d'années. Elle suit en

cela une ''roadmap'', rédigée par des acteurs industriels, selon des critères technologiques et économiques. Ces derniers sont conditionnés par deux tendances : d'un côté, la miniaturisation, qui conduit à élaborer de plus en plus de composants par unité de surface, et diminue par conséquent leur prix de revient. D'un autre côté, ces gains sont en partie contrebalancés par les investissements massifs qu'ils nécessitent, en termes d'équipements et de recherche/développement. Cette dualité confère à l’évolution de la technologie MOS un rythme certes rapide mais aussi relativement constant et très bien contrôlé, comme le montre la Figure 1, où l'on peut constater que le nombre de transistors dans les processeurs INTEL a augmenté de façon continue entre 1970 et 1990 et également, bien qu’un peu plus lentement, entre 1990 et aujourd’hui.

Figure 1 : Nombre de transistors intégrés dans les micro-processeurs de marque INTEL produits entre 1970 et 2002 [Intel].

Du point de vue de la recherche, ce développement permet de travailler sur des composants élaborés par des techniques très pointues, et donc d'étudier des dispositifs de très faibles dimensions qui donnent alors lieu à des phénomènes physiques nouveaux, que l’on peut décrire par la physique classique ou dans le cadre de la mécanique quantique. Dans de tels composants, il est par exemple possible d'exploiter la granularité de la charge, c'est à dire le fait que toute charge électrique résulte de la présence d'un nombre entier d'électrons. Pour ce faire, les nanocristaux de silicium ont suscité un vif intérêt ces dernières années. Il s'agit d'îlots sphériques dont le diamètre est compris entre 1 et quelques dizaines de nanomètres. On les présente souvent comme l'une des solutions les plus réalistes pour accompagner la technologie MOS dans sa miniaturisation, que ce soit à court ou à long terme.

L

4

A court terme tout d'abord, il est apparu que le fait de remplacer la grille flottante poly-cristalline des mémoires Flash conventionnelles par un plan très dense de ces nanocristaux permettait d'envisager la miniaturisation de ce type de cellules mémoires. Dans ce cas en effet, l'information stockée est discrétisée, ce qui augmente beaucoup la fiabilité des composants mémoires, même soumis à une miniaturisation importante. On trouve dans la littérature des démonstrateurs qui illustrent le concept de la mémoire FLASH à nanocristaux. Certains fonctionnent de manière tout à fait correcte mais il est rarement démontré que les charges stockées par ces composants le sont bien dans les nanocristaux eux-mêmes. Le chapitre II montre que plusieurs techniques d’élaboration de nanocristaux peuvent aboutir à des composants montrant un effet mémoire. Mais là encore, il s’avère a priori impossible de connaître précisément où a lieu ce chargement. C'est dans ce sens que nous proposons une technique de mesure des courants transitoires qui permet d’estimer la valeur de la capacité existant entre les lieux de stockage des charges et la grille de contrôle des composants. Dans cette optique, plusieurs modèles ont été développés pour estimer cette capacité de manière théorique, en partant des caractéristiques structurales des populations d'îlots. En comparant les valeurs théoriques et expérimentales, il est possible de conclure si le chargement caractérisé électriquement est en adéquation avec les paramètres microstructuraux des îlots. Cette approche nous donne donc la possibilité de différencier les mémoires pour lesquelles le chargement a lieu dans les nanocristaux des mémoires suspectées de stocker leurs porteurs dans les défauts présents dans les éléments isolants. Selon ce critère, il est alors possible d'évaluer les différentes techniques d'élaboration d'îlots de silicium. L'estimation du couplage îlots/grille de contrôle par nos modèles peut elle s'avérer intéressante pour évaluer le potentiel de miniaturisation qu'ont ces différentes techniques d'élaboration. La partie expérimentale et les modèles proposés par ce chapitre sont donc particulièrement indiqués pour guider les choix technologiques en matière de procédés d'élaboration, mais aussi en ce qui concerne le diamètre des îlots, leur densité et la taille des barrières d'isolants, en fonction des nœuds technologiques visés. Selon la littérature, le règne des mémoires à nanocristaux pourrait commencer au nœud 65 nm et se prolonger jusqu’au nœud 40 nm et peut-être même 20 nm, constituant ainsi le trait d’union entre la technologie MOS et les composants à un électron (Figure 2). Ces derniers sont donc présentés comme les alternatives aux technologies d’aujourd’hui, et la littérature montre que les efforts de recherche sont intenses pour trouver les techniques de fabrication et les architectures qui permettront de réaliser ces composants. C’est dans cette problématique que s’inscrit le chapitre III, en évoquant deux pistes permettant d’envisager la caractérisation électrique de composants dont la zone active ne comporte que quelques îlots. Ces deux pistes concernent donc des applications à long terme, et reposent sur l'utilisation des propriétés particulières des nanocristaux de silicium, autour desquelles s'articule donc véritablement ce travail de thèse.

5

Figure 2 : ''Faisabilité'' des mémoires FLASH en fonction de l’échelle, c’est à dire du nœud technologique atteint par la production [Baik03].

La première piste évoquée par le chapitre III propose la création de composants ''verticaux'', c'est à dire qu’en leur sein, le transport se fait perpendiculairement à la surface du substrat. Nous présentons dans la première partie du chapitre III un procédé d'élaboration compatible avec la technologie MOS et qui permettra à terme de mesurer le courant passant par un plan de quelques nanocristaux de silicium, et pourra déboucher sur des architectures innovantes tirant partie des propriétés des îlots de ce plan. La seconde piste est très différente du point de vue de la conception ; il s'agit en effet de créer des composants ''horizontaux'', où les îlots, le drain, la source et la grille sont disposés sur le même plan, typiquement la surface d'une couche d'oxyde. Les caractéristiques expérimentales de tels composants seront présentées, ainsi que des simulations en courant réalisées grâce à un modèle analytique (pour les composants comportant un îlot unique), et grâce à un simulateur Monte Carlo faisant référence dans le domaine, MOSES 1.1, pour les dispositifs à plusieurs îlots. Les simulations montrent que les capacités existant entre les îlots et les éléments conducteurs qui les entourent sont cruciales pour l’observation de blocage de Coulomb, un phénomène physique qui est à la base du fonctionnement des transistors à un électron (SET, pour Single Electron Transistor) et des mémoires à un électron (SEM, pour Single Electron Memory). C’est pourquoi, là encore, le couplage entre les îlots et les électrodes a été modélisé par des expressions analytiques simples et par la méthode des éléments finis. Cette modélisation capacitive est donc un autre axe important de ce travail de thèse. Dans le cas des dispositifs à quelques charges, elle nous permet de déterminer la température à laquelle un composant peut fonctionner en fonction de ses dimensions. Ces différents aspects sous-tendent la faisabilité de composants innovants à court et à long terme qui s'intègrent parfaitement dans l'évolution historique des mémoires FLASH et des composants monoélectroniques, évoquée au cours du chapitre I.

6

7

Chapitre I. Le nanocristal de silicium, une brique de base proposée à la micro-électronique pour miniaturiser ses composants

L’objet de ce chapitre est de décrire l’état de l’art dans les domaines abordés par les chapitres II et III, ainsi que les problématiques auxquelles cette thèse s’attache à apporter des réponses. La première partie de ce chapitre décrit le fonctionnement des mémoires FLASH, ainsi que les limitations que subit actuellement leur miniaturisation. A partir de ce constat, on décrit ensuite en quoi les mémoires contenant des nanocristaux de silicium constituent un apport intéressant, et quelques réalisations relevées dans la littérature sont également évoquées. Enfin, nous verrons que d’importantes questions se posent encore, notamment en ce qui concerne le rôle des îlots dans les caractéristiques électriques des composants montrés dans la littérature. Comme nous l’expliquerons, c’est dans ces questions que le chapitre II trouve toute sa pertinence en proposant une technique de mesure permettant de discerner le lieu de stockage des porteurs. La deuxième partie de ce chapitre traite de composants qui ne contiennent que quelques îlots de silicium. Par un bref aperçu historique, nous montrerons dans un premier temps que l’on peut remonter jusqu’au début du 20ème siècle pour trouver les origines de la caractérisation expérimentale de l’aspect granulaire de la charge. C’est bien de cela qu’il s’agit lorsque l’on cherche à faire fonctionner des composants à un électron ; dans un deuxième temps, nous évoquerons un certain nombre de réalisations technologiques allant dans ce sens. Enfin, une troisième partie conclura sur les objectifs qui ont motivé l’élaboration des composants décrits dans le chapitre III.

I. Les mémoires Flash à nanocristaux Les mémoires sont des dispositifs électroniques pouvant stocker des informations sous forme binaire afin de les rendre ultérieurement disponibles. Le fonctionnement de ces dispositifs s'appuie généralement sur leur bi-stabilité, c'est à dire qu'il est possible de les faire fonctionner de manière stable dans deux états électriquement discernables. Lire l'information revient donc dans de tels composants à déterminer leur état à un instant précis. On divise couramment les mémoires en deux catégories : les mémoires volatiles et les mémoires non-volatiles. Elles se distinguent par le temps pendant lequel elles peuvent garder l'information qui leur est confiée. Les mémoires volatiles les plus courantes sont les DRAM (Dynamic Random Access Memory), qui résultent de l'association en série d'un transistor et d'une capacité MOS (Figure 3a). Cette dernière stocke sous forme de charge l'information qui lui est amenée et qui dépend de l'état du transistor qui lui est associé. Ce type de dispositif, très rapide, nécessite des opérations de rafraîchissement périodiques très fréquentes. Sans elles, l'information serait perdue, ce qui est

8

par exemple le cas lorsqu'on cesse des les alimenter, d'où son classement parmi les mémoires volatiles. La DRAM est souvent utilisée en informatique, en tant qu'intermédiaire entre les microprocesseurs et les périphériques d'un ordinateur, ou pour stocker temporairement les données importantes de calculs complexes.

Transistor Capacité

Grille flottante

(a) (b)Transistor Capacité

Grille flottante

(a) (b)Figure 3 : Schémas électriques d'une cellule-mémoire de type DRAM (a) et de type Flash (b).

Dans ce dernier cas, l'information est stockée dans la grille flottante et la cellule élémentaire

correspond à un unique composant, ce qui est favorable à une forte intégration.

Les mémoires non-volatiles compensent quant à elles leur relative lenteur de fonctionnement par leur faculté à conserver l'intégrité des informations qui y sont stockées pendant plusieurs années (au moins 10), en ne nécessitant aucune opération de rafraîchissement. Ce sont elles, et plus particulièrement les mémoires FLASH, qui font l'objet de cette première partie, dans laquelle les différentes évolutions qu'elles ont connu depuis leur conception sont décrites. Par la suite, l'étude de leur fonctionnement montrera pourquoi, dans le cadre de la réduction des dimensions des dispositifs MOS, la structure de ces composants nous amène à constater leurs limitations et à chercher à les faire évoluer (ou à leur apporter des alternatives).

I.1. Evolution des mémoires Flash

I.1.1. Des mémoires ROM aux mémoires Flash Plusieurs grandes familles de mémoires non-volatiles existent, elles sont le fruit de l'évolution du composant initial, la ROM (Read Only Memory), ainsi baptisée car elle n'était pas conçue pour que le circuit dans lequel elle était implantée puisse modifier l'information qu'elle contenait, mais pour qu'il y accède seulement en lecture. Ces composants répondaient au besoin des ordinateurs de conserver en permanence le microprogramme nécessaire à son démarrage (le BIOS dans le cas du PC). La PROM (Programmable ROM) fut inventée pour que les ROM puissent être vendues vierges (en général par des fabricants de cartes électroniques) et que le stockage de l'information puisse y être effectué indépendamment à partir des données informatiques propres aux assembleurs d'ordinateurs. Suite à cette nouvelle façon d'utiliser les ROM, apparurent les EPROM (Erasable PROM), qui sont des PROM réinscriptibles. Une exposition de ces mémoires à la lumière ultraviolette suffit à effacer leur contenu par effet photoélectrique, ce qui était très intéressant pour les assembleurs d'ordinateurs, car la possibilité leur était offerte de modifier le contenu des mémoires mortes des ordinateurs qu'ils produisaient, pour corriger les éventuelles erreurs de programmation de leur microprogramme ou tout simplement pour l'améliorer, et ce jusqu'à un stade avancé de la production.

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L’utilisation de la lumière U.V. pour l'effacement représente une contrainte, qui fut levée par l'arrivée des mémoires EEPROM (Electrically EPROM), pour lesquelles l'effacement et l’écriture se font par un signal électrique. Le circuit contenant les EEPROM peut donc lui-même modifier leur contenu, ce qui permet non seulement au fabricant d'ordinateurs mais aussi à l'utilisateur final de mettre à jour le microprogramme de la machine. Cette mémoire est donc d'un usage plus souple que l'EPROM, mais elle souffre en contrepartie de la plus grande complexité de sa cellule de base, constituée d'un assemblage de plusieurs transistors, ce qui limite son intégration et augmente ainsi son coût de production. La dernière évolution en date est la mémoire Flash, apparue dans les années 80, et qui se présente sous la forme d'un seul transistor, ce qui lui donne un avantage certain par rapport aux EEPROM. C'est ce potentiel d'intégration qui explique en partie son essor rapide pour la mémorisation de données ou de programmes, notamment pour les systèmes portables nécessitant le stockage d’informations sans approvisionnement en énergie (téléphones portables, clés USB, etc.). Les mémoires Flash ont par exemple beaucoup participé à la démocratisation des appareils photographiques numériques en rendant possible le stockage de volumes de données importantes à bas prix et pour une consommation électrique faible. A plus long terme, elles sont candidates au remplacement des disques durs (magnétiques) actuellement largement utilisés en micro-informatique. Leur plus grand avantage tient dans leurs faibles dimensions. Dans le domaine de la fiabilité, l'absence de parties mécaniques de précision devrait leur assurer une robustesse supérieure aux disques durs, une consommation dix fois inférieure, un temps de recherche de l'information bien moindre, ainsi qu'un fonctionnement silencieux. Un démonstrateur de disque dur à base de mémoires Flash a été réalisé dès 1993, mais le coût engendré par les technologies utilisées était alors bien loin de justifier la mise en production de ces systèmes [Wells93]. De plus, les disques durs magnétiques ont l'avantage de ne pas nécessiter d'effacement avant réécriture, contrairement aux mémoires FLASH dont la supériorité en vitesse d'écriture est donc à nuancer lors d'une utilisation intensive et continue. Pour résumer, les mémoires Flash pourront remplacer avantageusement les disques durs magnétiques si leur coût est suffisamment bas et si leur vitesse d'écriture est encore abaissée. La compréhension de leur fonctionnement permet de déterminer les moyens d'y parvenir et les obstacles qui s'y opposent ; c'est l'objet des deux parties suivantes.

I.1.2. Fonctionnement des mémoires Flash Les mémoires Flash sont des mémoires à grille flottante. Leur structure est simple, elle est identique à celle d'un transistor MOS, à ceci près qu'une couche de polysilicium est enterrée dans l'oxyde de grille, entre la grille et le canal (Figure 3b et Figure 4). Comme on l'a déjà mentionné, un seul transistor compose donc cette cellule mémoire, et c'est bien ce qui a motivé sa création en 1980 par les ingénieurs de Samsung [Masuoka84], qui voulaient réduire le prix de revient des EEPROM. On appelle ''grille flottante'' la couche de polysilicium enterrée, car elle est totalement isolée du reste du composant. L’information y est contenue sous la forme de charges électriques. La présence ou l’absence de cette information pourra être discernée de par l’influence électrostatique que les charges la composant exercent sur le canal du transistor.

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Pour comprendre cette influence, rappelons que les états ''bloqué'' ou ''passant'' d'un transistor MOS se différencient par l'absence ou la présence d'une couche d'inversion à l'interface canal/oxyde de grille. C'est cette couche d'inversion qui sert de canal conducteur entre la source et le drain lorsque le transistor est passant.

Figure 4 : Schéma en coupe d’une cellule mémoire FLASH. [Bez03].

Dans le cas d'un transistor MOS classique, pour une tension de grille nulle VG=0, le transistor est bloqué. Pour une polarisation de grille supérieure à une tension appelée tension de seuil et notée VT, la couche d'inversion est créée et le transistor est passant. C'est également ce qui arrive lorsqu’aucune charge n'est stockée dans la grille flottante d'une mémoire Flash. Par contre, lorsqu'elle est chargée, c'est à dire lorsqu'on a injecté une quantité suffisamment importante de charges dans la grille flottante, l'influence électrostatique de ces charges va modifier la courbure des bandes d'énergie du semi-conducteur. Ainsi, la tension de seuil va être modifiée, c'est à dire que pour une tension de grille qui aurait correspondu à l'état passant dans le cas d'une grille flottante déchargée, le transistor va être dans l'état bloqué. Il va donc falloir polariser la grille avec une tension plus élevée pour aboutir à l'état passant : les charges stockées agissent comme un écran électrostatique entre la grille et le canal (Figure 5).

Figure 5 : Courant de drain en

fonction de la tension appliquée à la

grille d'une mémoire Flash. La

tension de seuil est différente, selon

que la grille flottante est chargée ou

non.

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Etant donné que la grille flottante est totalement isolée, elle forme un puits de potentiel pour les porteurs qui y sont piégés, et ce même en l'absence de champ électrique dans la structure, ce qui confère à ce type de mémoire le qualificatif ''non-volatile''. L'opération qui consiste à tester la présence ou l'absence de charges dans le composant s'appelle la lecture. Pour la réaliser, il suffit d'appliquer entre le drain et la source une tension telle que le transistor est bloquant si la grille flottante est chargée et passant si tel n'est pas le cas. Dans ce cas, on n'aura un courant de drain (état ''1'') que si la mémoire est chargée. L'écriture, c'est à dire l'injection de charges dans la grille flottante, se fait quant à elle par effet tunnel depuis le substrat en polarisant fortement et positivement la grille. A l'inverse, l'effacement est obtenu en polarisant fortement et négativement la grille.

I.1.3. Limitations des mémoires Flash actuelles Pour réaliser une mémoire qui puisse être qualifiée de non-volatile selon les critères industriels, il est nécessaire d'assurer la rétention de l’information stockée pendant un temps très long, et il apparaît nécessaire d'entourer la grille flottante de couches très épaisses d’isolant. Il faut par ailleurs que les dispositifs puissent transférer efficacement des charges à travers l’isolant, et ce de manière rapide, afin de limiter le temps d’écriture/effacement. Cette opération doit pouvoir être réalisée en utilisant des champs électriques peu élevés, afin de rendre la consommation électrique la plus faible possible. Ces contraintes sur les paramètres d’écriture/effacement aboutissent donc plutôt à l’amincissement du diélectrique entourant la grille flottante. Ces spécifications contradictoires demandent des compromis, mais ces derniers sont déséquilibrés par la pression de réduction des dimensions qui régit l’ensemble de la filière MOS, et la tendance est par conséquent de s'orienter vers des isolants toujours plus fins de part et d'autre de la grille flottante. Pourtant, un consensus existe dans la littérature à propos de la relation étroite qui existe entre l'épaisseur d'oxyde entourant la grille flottante et le nombre des défauts créés par une succession d'écritures/effacements. Ces défauts, générés par des mécanismes qui sont aujourd'hui encore discutés [Burignat04], engendrent un courant de fuite appelé SILC (Stress Induced Leakage Current). Des études expérimentales prouvent que le nombre de ces défauts augmente lorsqu'on diminue l'épaisseur de l'oxyde tunnel, c'est à dire entre la grille flottante et le canal, de 10 nm à 5 nm, comme le montre la Figure 6, où l’on peut voir les sur-courants dus au SILC, en pointillés [Olivo88]. D'ailleurs, la Figure 7 montre que c’est pour une épaisseur d'oxyde tunnel d'environ 5 nm que le SILC est le plus important. En effet, en dessous de 5 nm, le SILC diminue quand on réduit l'épaisseur d'oxyde [Kafai95]. Il apparaît donc clairement que la réduction de ce paramètre aboutira à l'augmentation des fuites dues au SILC et réduira par conséquent le temps de rétention de la mémoire, à moins qu'il ne soit décidé de passer sous la valeur de 5 nm. Cette solution paraît difficilement envisageable. En effet, si on observe la Figure 7, il faudrait une épaisseur de moins de 4.5 nm pour arriver à un SILC aussi faible que dans les mémoires produites actuellement (pour lesquelles l’oxyde tunnel a typiquement une épaisseur de 9 nm).

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Figure 6 : Courants de grille en fonction de la tension de grille pour des capacités MOS ayant

différentes épaisseurs d'oxyde. Les courbes pleines correspondent aux mesures faites sur les

capacités vierges. Les courbes en pointillé correspondent à des échantillons stressés. Les

épaisseurs d'oxyde sont respectivement : 5.1 nm (courbe a), 6.0 nm (b), 7.5 nm (c) et 9.7

nm (d) [Olivo88].

Figure 7 : Courants de fuite dûs au stress en fonction de l'épaisseur de SiO2 pour deux doses de stress électrique, 10 et 100 mA/cm², à champ constant [Kafai95].

Cette valeur pourrait s'avérer trop faible pour assurer les temps de rétention visés par les industriels, qui spécifient qu'une mémoire non-volatile doit conserver 80% de sa charge sans rafraîchissement pendant plus de 10 ans (Figure 8). En effet, la probabilité qu'un nombre non-négligeable de charges passent de la grille flottante au substrat par effet tunnel devient alors trop grande, ce qui est synonyme de perte de l'information. Selon cette même figure, il apparaît que le SILC reste quoiqu'il arrive élevé pour des oxydes de 4 nm d'épaisseur lorsqu'un stress important (100 mA/cm2) est appliqué à la structure. Enfin, on sait que pour des couches d'isolant aussi fines, la transparence tunnel varie très vite (environ comme l'exponentielle inverse de l'épaisseur de l'oxyde). Par conséquent, une rugosité même faible de l'interface canal/isolant ou grille flottante/isolant peut faire varier sensiblement la probabilité que des charges s'échappent de leur lieu de stockage.

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Année 2004 2005 2006 2007 2010 2013 2016

Noeud technologique (nm) 90 80 70 65 45 32 22

Tension maximale

d'écriture/effacement (V) 8 8 8 8 8 8 8

Epaisseur de l'oxyde tunnel (nm) 9 9 8,5 8,5 8,5 8 8

Epaisseur de l'oxyde de grille (nm) 12 12 12 11 9 7 5

Nombre de cycles

d'écritures/effacements 105 105 105 105 106 106 107

Temps de rétention (années) 10/20 10/20 10/20 10/20 10/20 20 20

Figure 8: Quelques paramètres relatifs aux mémoires non-volatiles spécifiés par la

''roadmap'' pour les années 2004 à 2016. Les cases de couleur jaune représentent les

paramètres pour lesquels des solutions technologiques sont actuellement en développement.

Les cases de couleur rouge représentent les points de blocage pour lesquels les solutions

étaient, en 2004, au stade de la recherche [ITRS04].

L'exemple des épaisseurs d'isolant entre le canal et la grille flottante ou entre la grille flottante et la grille de contrôle montre que l'optimisation des paramètres est difficile. Ces épaisseurs sont cruciales pour la miniaturisation des mémoires FLASH au delà du nœud 65 nm prévu en 2007, un nœud pour lequel ce sont les deux barrières d'isolant qui posent problème, comme le montre la Figure 8. Pourtant, jusqu'ici, la réduction des dimensions des mémoires non-volatiles ont suivi celle de la DRAM (Figure 9), qui est toujours considérée comme la référence en la matière [Bez03].

Figure 9: Comparaison

entre les dimensions

des cellules mémoires

DRAM et FLASH entre

les années 1990 et

2003 [Bez03].

Comme le montre la Figure 9, la cellule de base des mémoires FLASH a vu ses côtes diminuées d'un facteur 30 depuis qu'elle est apparue sous sa forme industrielle, au début des années 90. Mais ces résultats ont été obtenus grâce à la miniaturisation de composants passifs périphériques qui ont parfaitement suivi la technologie standard CMOS, et grâce à des évolutions de procédés comme par exemple le STI (Shallow Trench Isolation), permettant d'isoler les composants les uns des autres en les séparant par des distances réduites, ou encore en travaillant sur les interconnexions [DeBlauwe02]. Il en résulte que certains paramètres n'évoluent pas suffisamment vite au cours des générations.

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La difficulté que l’on rencontre pour diminuer les épaisseurs d’oxyde implique que les tensions utilisées pour écrire et effacer les mémoires ne peuvent être diminuées, comme le montre la Figure 8. Ainsi, la puissance dissipée par le fonctionnement des cellules mémoires reste constante. Dans le même temps, la surface occupée par les composants mémoires diminue et l’énergie émise par unité de surface augmente donc sensiblement au cours de la miniaturisation. Il faut ajouter à cela le fait que les tensions d’écriture et d’effacement sont obtenues à partir des tensions standard fournies par les circuits intégrés. Ces tensions sont elles aussi revues à la baisse dans le cadre plus large de l'évolution des technologies CMOS, et elles devront être limitées à 1.2 V dans les années qui viennent [ITRS04]. Il en résulte donc des circuits complexes et encombrants pour obtenir les tensions de 8 V et plus nécessaires aux opérations d'écriture et d'effacement, ce qui limite à nouveau la miniaturisation des cellules mémoires élémentaires. Enfin, on peut citer un autre paramètre critique, le budget thermique des procédés de formation de la grille flottante poly-silicium et de l'oxyde de grille, qui s'avérera trop important dans les années à venir [DeBlauwe02, ITRS04]. Ces quelques exemples montrent donc que le simple fait de respecter les objectifs en termes de taille de cellule ne permet pas à la mémoire Flash de se conformer aux performances attendues. Comme cette tendance sera probablement confirmée dans les prochaines années, des alternatives sont d'ores et déjà envisagées à long et à moyen terme.

I.2. Une solution possible : les mémoires à nanocristaux

Si les problèmes rencontrés par les mémoires Flash ne sont pas résolus, il est prévu qu'aux alentours de 2010 des composants complètement alternatifs soient développés. Il s'agit notamment des MRAM, des mémoires ferroélectriques, et des dispositifs à changements de phase. Mais ces solutions ont l’inconvénient d’utiliser de nouveaux mécanismes de stockage, dont la physique est moins bien décrite que dans le cas des mémoires FLASH. De nouveaux matériaux sont également utilisés, et leur développement au stade industriel est encore peu avancé. De plus, il apparaît difficile dans certains cas de diminuer leurs dimensions, comme le demandent les acteurs industriels. Il semble donc nécessaire de continuer à utiliser la technologie FLASH jusqu’à ce que les dispositifs alternatifs soient techniquement matures et économiquement viables [DeSalvo04]. Si la rétention est importante pour les mémoires Flash, on peut dire que l'endurance est quant à elle cruciale. De fait, le milieu industriel est prêt à abandonner l'objectif d'une rétention de 20 ans si c'est au profit d'une endurance supérieure à 105 cycles d'écritures/effacements [ITRS04]. Ils sont prêts à ce compromis parce que le SILC, s’il est engendré par la succession de stress électriques, pourrait en apparaître à partir de défauts intrinsèques déjà présents dans l’isolant vierge, des espèces chimiques étrangères par exemple. Ceci pourrait donc signifier que le SILC ne peut être évité au stade actuel des connaissances technologiques. On peut donc penser que ces fuites seront toujours présentes tant il semble impossible de maîtriser la pureté de l'oxyde jusqu'à éliminer toute inclusion d'atomes étrangers. Dans un circuit mémoire, les cellules dont les oxydes tunnel sont les plus défectueux vont donc

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rapidement présenter des fuites importantes, et l'information qu'ils contiennent ne sera plus contrôlée. C'est ainsi, en admettant le SILC comme incontournable, que l'idée de remplacer la grille flottante en polysilicium massif par un plan d'îlots conducteurs ou semi-conducteurs est apparue il y a une dizaine d'années [Tiwari96]. L'idée est la suivante : si on stocke l'information dans une grille flottante massive, elle est entièrement perdue quand un cluster d'impuretés se met à servir de relais pour le SILC (Figure 10a). Dans le cas d'un plan d'îlots, seule l'information contenue dans quelques îlots est perdue, ce qui est négligeable par rapport à la totalité de la charge stockée dans la mémoire (Figure 10b).

(a) (b)

ee e

Grille

Substrat

(a) (b)

ee e

Grille

Substrat

Figure 10 : Représentations schématiques des mémoires FLASH conventionnelles (a) et à nanocristaux (b). L’étoile située dans l’oxyde tunnel représente un défaut, dû par exemple à un grand nombre d’opérations d’écriture et d’effacement [DeSalvoO4].

Il est donc possible qu'une telle cellule mémoire fonctionne tout à fait correctement avec plusieurs clusters engendrant du SILC au sein de son isolant tunnel.

I.2.1. Principe des mémoires à nanocristaux Le concept de mémoire à nanocristaux a été inventé au milieu des années 90 [Tiwari96]. A l'époque, il s'agissait de créer une cellule mémoire volatile de type DRAM sans utiliser de capacité. En effet, ce composant posait de plus en plus de problèmes de couplage entre cellules à mesure qu'on diminuait les dimensions des circuits. Dès 2000, ce concept a été appliqué au cas des mémoires non-volatiles [DeBlauwe00, Ishii00] et, depuis, les progrès ont été rapides, notamment dans le sens de démonstrateurs ayant des règles de dessin similaires aux composants déjà entrés en production. On peut citer l'exemple de Motorola [Muralidhar03], qui a présenté des cellules mémoires où ce sont des nanocristaux de silicium qui servent de grilles flottantes et permettent des tensions d'écriture de 6V. Les performances se sont montrées analogues aux dispositifs standard et les règles de dessin des cellules étaient conformes au nœud 90 nm alors en vigueur. Les premiers effets positifs du plan d'îlots sont déjà sensibles : tout d’abord, les tensions d'écriture sont inférieures à celles utilisées par les mémoires flash conventionnelles, ce qui est à mettre au crédit de la diminution de l'épaisseur de l'oxyde d’injection, ramenée à des valeurs situées entre 5,5 et 7 nm. Ensuite, les auteurs ont noté que le procédé utilisé semblait moins coûteux que celui des mémoires Flash conventionnelles. En effet, il est nécessaire de faire moins de modifications sur le procédé de fabrication des transistors MOS classiques pour fabriquer des mémoires FLASH à nanogrilles flottantes que pour les mémoires FLASH

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conventionnelles. Cet avis est d’ailleurs partagé par d'autres auteurs [DeBlauwe02, DeSalvo04]. Si on ajoute à cela le fait que la diminution des tensions d’écritures/effacement à 6 V permet de réduire la taille des composants annexes d’alimentation, les mémoires à nanocristaux semblent être en mesure d’afficher un prix de revient relativement bas. Ceci est très favorable à leur entrée en production à court terme. Mais les avantages attendus de cette innovation ne s'arrêtent pas là : • Les mémoires contenant des îlots où la charge stockée est discrétisée, ne souffrent pas du couplage entre leur drain et leur grille flottante. Ceci leur permet d’être moins sujettes à l’abaissement de la barrière formée par l'oxyde tunnel, un effet appelé DIBL (Drain Induced Barrier Lowering). Ainsi, lors de la lecture de l’information contenue dans la mémoire, il est possible d’utiliser des tensions de drain plus élevées que dans le cas des mémoires FLASH classiques. Les temps d’accès en lecture sont par conséquent diminués, ce qui pourrait permettre aux mémoires Flash de rattraper leur retard dans ce domaine par rapport aux mémoires volatiles de type DRAM. Ceci rend également possible l’utilisation de canaux plus courts que ceux des mémoires FLASH classiques, avec pour perspective la réduction de la surface des cellules et donc une plus grande intégration [DeBlauwe02]. • Le couplage entre les grilles flottantes de cellules mémoires voisines fortement intégrées dans des circuits est également moins important dans le cas des mémoires à nanocristaux que pour les mémoires FLASH conventionnelles. Ceci devrait permettre là encore de pousser la diminution des dimensions des cellules [DeSalvo04]. • La discrétisation de l'information est tout à fait compatible avec le stockage de plusieurs bits par cellule mémoire, comme c'est envisagé pour les mémoires Flash conventionnelles. Ceci permettra l'utilisation de logiques multi-bits et, par conséquent, de démultiplier les informations pouvant être contenues dans les mémoires. Une plus grande intégration est donc encore à la clé, cette fois en termes de bits par unité de surface ; ceci pourra être mis à profit pour diminuer encore le prix de revient des mémoires à nanocristaux.

I.2.2. Désavantages des mémoires Flash à nanocristaux Si les avantages de la solution présentée ici sont nombreux, elle présente également des points faibles. Tout d’abord on peut citer un inconvénient qui est lié à l'un des avantages que l'on a cités précédemment : le faible couplage entre les grilles flottantes des cellules mémoires voisines a comme corollaire un moindre couplage entre la grille extérieure et la grille flottante d'un même composant. Ceci pourrait nuancer les attentes en matière de tensions d’écriture/effacement, car il faudrait alors polariser plus fortement la grille extérieure pour obtenir un champ suffisant à l'injection rapide de porteurs dans les îlots [DeBlauwe02]. Un autre problème se pose : comment contrôler la taille des îlots afin de s'assurer de l'homogénéité des caractéristiques des cellules mémoires ? Il s'agit en effet de s'assurer que différentes cellules stockent des quantités de charges comparables, et il faut par conséquent maîtriser le nombre et la taille des îlots. C'est l'une des raisons qui ont poussé de nombreuses équipes de recherche à expérimenter plusieurs techniques d'élaboration de ces îlots.

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I.2.3. Différentes techniques d'élaboration des nanocristaux Si l’on s'en tient aux nanocristaux de silicium, qui sont les objets étudiés au cours des chapitres qui suivent, il existe plusieurs façons de les élaborer, et on peut citer par exemple les techniques suivantes : • Dépôt de silicium par dépôt chimique en phase vapeur (CVD, pour Chemical Vapor Deposition) sur une couche d'oxyde thermique : Il s'agit d'un dépôt chimique en phase vapeur sur une fine couche d'isolant, le plus souvent de l'oxyde thermique, par CVD [Tiwari96], PECVD (Plasma Enhanced CVD) [Ifuku97, Hinds00, Nishiguchi00]] ou LPCVD (Low Pressure CVD) [Baron00,Baron02]. Le gaz utilisé, du silane (SiH4), est décomposé à haute température, donnant du silicium et de l'hydrogène gazeux selon les équations [Baron00]:

4 2SiH (g) Si (s) 2H (g)→ + Une couche d'oxyde est déposée sur les nanocristaux, et il est nécessaire que cette couche soit de bonne qualité, dans sa stœchiométrie et au niveau de l'interface avec les nanocristaux. L'avantage de cette technique est la haute densité (~1012 cm-2) et la relativement faible dispersion en diamètres des nanocristaux (Figure 11) [Mazen03].

(a) (b)(a) (b)Figure 11 : (a) Image MEB d'un plan de nanocristaux d'environ 10 nm de diamètre, de densité 3,2.1011 cm-2. (b) Dispersion en diamètres des îlots autour de leur taille moyenne [Mazen03]. • Précipitation de silicium excédentaire dans une couche d'oxyde, suivie par un recuit. Dans ce cas, le but est de faire précipiter les atomes de silicium présents dans une couche d'oxyde non-stœchiométrique. Cette couche peut être obtenue de deux manières : - En créant une couche de SiOX avec X<2 par réaction de silane SiH4 (g) et de N2O (g) dans une enceinte CVD, sur un substrat préalablement oxydé [Hitchman81, DiMaria83]. Ensuite, un recuit permet la démixtion du SiOX en oxyde stœchiométrique et

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en atomes de silicium isolés qui ont dans ces conditions tendance à s'agglomérer en nanocristaux par diffusion. En faisant varier les paramètres de cette réaction, il est possible de faire varier la densité et la taille des îlots. Cette technique a le désavantage de ne pas permettre de contrôler la position des îlots au sein de la couche d'oxyde. Il est également courant d'observer d'importantes fuites de courant; elles sont généralement attribuées à la non-stœchiométrie de l'oxyde, qui peut subsister même après des recuits oxydant importants. C'est pourquoi un oxyde de grille déposé est généralement ajouté par-dessus la couche de SiOX. Mais il n'en reste par moins que les temps de rétention de ces mémoires sont souvent faibles, amenant les auteurs à parler de mémoires quasi-volatiles, ou à jouer sur de très petites épaisseurs d'oxyde tunnel afin d'augmenter la vitesse d'écriture/effacement [King99]. Le but affiché est alors de proposer des alternatives aux mémoires DRAM, car dans ce cas les temps de rétention très courts sont acceptés, étant donné les fréquences élevées à laquelle l'information qu'elle contient est rafraîchie. Enfin les tailles des îlots ainsi formés sont souvent largement dispersées. Tous ces éléments font de la précipitation du SiOX une technique où tous les paramètres doivent être contrôlés pour donner des résultats électriques satisfaisants. - En implantant des ions Si+ dans une couche de SiO2 thermique réalisée à la surface d'un substrat de silicium [Hanafi96]. L'implantation a pour effet d'apporter des atomes de silicium excédentaires [Bonafos01], qu'on va chercher à faire précipiter en îlots comme dans le cas du SiOX par un recuit. Celui-ci va favoriser la diffusion du silicium dans la matrice d'isolant et, dans le cas de l'implantation, il est possible de contrôler plus ou moins finement la position du plan d'îlot dans l'isolant (Figure 12), ce qui est un avantage certain par rapport à la technique précédemment citée [Carrada03].

Figure 12 : Images TEM de plans d'îlots créés dans des couches d'oxyde de 10, 7 et 5 nm. La

distance séparant le plan d'îlots du substrat est dans chaque cas différent, ce qui laisse

entrevoir son contrôle [Normand04].

Il est cependant à tempérer par un inconvénient inhérent à l'implantation ionique : les dommages créés dans l'isolant lors du passage des ions, encore aggravés si les ions sont accélérés avec une énergie élevée. Ce constat est à l'origine des recherches récentes menées sur l'implantation de silicium à très basse énergie dans des couches minces d'oxyde [Normand98, Normand04]. Des résultats structuralement satisfaisants ont été montrés en ajoutant à cette technique des recuits oxydants afin de guérir les défauts de la matrice

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d'oxyde [Carrada03]. Les îlots se trouvent en effet à une profondeur très homogène dans la couche d'oxyde. Cette faible dispersion acquise, il reste à mieux maîtriser encore la relation qui existe entre la profondeur de ce plan quasi-bidimensionnel d'îlots et les paramètres d'implantation pour obtenir des structures mémoires idéales. • Oxydation de couches minces de silicium Le principe est très simple : une couche de silicium est déposée par PECVD sur une couche d'oxyde thermique. Un recuit rapide permet au silicium amorphe de former des coalescences de clusters de silicium [Maeda99]. Un recuit long en four traditionnel est souvent réalisé afin de poursuivre la formation des îlots [Nicollian93], avec une rampe de température assez longue. En effet la recristallisation du silicium amorphe provoque des contraintes, un phénomène atténué par une montée en température lente au cours du recuit. Il n'en reste pas moins que la réalisation de petits îlots est difficile, car dans ce cas le comportement électrique est trop perturbé par la présence des contraintes, qui sont susceptible de piéger les porteurs qui sont injectés dans le composant. Enfin, d'autres techniques ont été mises au point pour résoudre de manière originale les obstacles rencontrés par les moyens conventionnels : on peut citer par exemple l'aérosol de silicium [Ostraat01], ou encore le dépôt de silicium dans des matrices de polymères, qui ouvre la perspective de l'auto-organisation [Guarini03].

I.3. Positionnement de la thèse

La technologie des mémoires non-volatiles à nano-grilles flottantes est assez jeune (milieu des années 90) et, finalement, peu d'études vraiment physiques ont été menées à propos de leur caractérisation électrique. Comme on l'a dit, les mémoires à plans d'îlots n'ont vraiment été considérées comme solutions possibles aux problèmes d'intégration des mémoires Flash que depuis 2000 environ. L'engouement qu'elles ont alors suscité a abouti à la fabrication de nombreux démonstrateurs, par des équipes de recherche aux motivations très applicatives. Cette profusion de démonstrateurs met en oeuvre une variété de procédés importante et intéressante du point de vue du matériau. En ce qui concerne la caractérisation de ces composants, l’accent est rarement mis sur la compréhension des mécanismes physiques qui régissent les grandeurs électriques. Le courant de grille, par exemple, est peu étudié sur ce type de dispositif. On peut tout de même citer le travail de B. De Salvo, qui propose la caractérisation et la modélisation du courant statique de grille, c’est à dire le courant traversant le plan d’îlots et les barrières isolantes [DeSalvo01a]. La Figure 13 montre le résultat de cette modélisation, pour une structure asymétrique typique des mémoires, c’est à dire ayant une épaisseur d’oxyde tunnel (d’épaisseur T1) inférieure à celle de l’oxyde de contrôle (d’épaisseur T2). Cette approche est intéressante car elle peut permettre de remonter à des paramètres structuraux tels que la densité d’îlots, ou leur diamètre, si on fait l’hypothèse que ce sont bien les îlots qui servent de relais pour le transport des porteurs à travers la structure, et non des pièges pouvant être présents dans les barrières isolantes.

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Néanmoins, si l’épaisseur T2 est importante, les modes de conduction notés I et II dans la Figure 13b ne sont plus discernables, en raison de la faible transparence qu’aura alors la barrière d’épaisseur T2. C’est pourtant ce qu’on trouve dans les mémoires FLASH actuelles, pour lesquelles l’approche statique est donc d’un intérêt limité. Actuellement, T2 vaut environ 12 nm dans les dispositifs produits industriellement (Figure 8). De plus, dans les mémoires FLASH, les valeurs de T1 sont elles aussi relativement importantes (9 nm dans les dispositifs actuels, cf. Figure 8), rendant très faibles les courants issus du mode de conduction noté III dans la Figure 13b. Expérimentalement, pour des structures analogues à celles produites industriellement, l’approche statique risque donc de se limiter à l’étude du mode de conduction IV et ainsi de donner peu de renseignements sur les paramètres structuraux des composants caractérisés.

(a)

(b)

(a)

(b)

Figure 13 : (a) Densité de courant de

grille simulée traversant une structure de

type mémoire en fonction du champ

électrique appliqué à la grille. La

structure étudiée comprend un plan

d’îlots inséré entre un oxyde tunnel

(d’épaisseur T1) et un oxyde de grille

(d’épaisseur T2>T1). Deux cas ont été

étudiés, T1=2nm et T1=3nm et deux

modes de conduction sont représentés, le

tunnel direct à travers la barrière

d’épaisseur T1 (en pointillés) et le tunnel

assisté par les îlots (en trait plein).

(b) Représentation schématique des

différents modes de conduction pris en

compte dans le graphe (a) [DeSalvo01a].

A partir de ce constat, le chapitre II propose une technique de mesure basée sur l’étude des courants transitoires au moyen de balayages rapides de la tension de grille. Cette technique offre l’avantage d’être exploitable quelles que soient les épaisseurs d’isolants rencontrées. De plus, en modélisant ces courants transitoires, on verra qu’il est possible d’extraire des paramètres structuraux, et donc de déterminer le lieu de stockage des charges. C’est également un point important, car les méthodes proposant cette détermination sont peu nombreuses dans la littérature, a fortiori parmi les techniques de caractérisation électrique. Bien souvent, celles-ci montrent l’existence d’un chargement en porteurs au sein des composants mémoires. Il s’agit la plupart du temps de l’observation d’hystérésis dans les courbes C-VG (capacité de la structure en fonction de la tension de grille, voir Figure 14) [Busseret02, Crupi03] ou ID-VG (courant de drain en fonction de la tension de grille, sur des transistors, Figure 15) [DeSalvo01b, DeBlauwe02, DeSalvo04]. Si ces observations attestent bien du piégeage de charges dans les structures étudiées, elles ne suffisent pas à prouver que le chargement a lieu dans les îlots eux-mêmes, à leur surface ou dans les défauts situés dans le volume d’isolant entourant les plans d’îlots.

21

Figure 14 : Capacité d'une structure de type mémoire contenant un plan de nanocristaux de

silicium, en fonction de la tension de grille appliquée. La ligne pleine représente une mesure

sur une capacité vierge et les courbes en pointillés ont été réalisées après un stress positif (à

droite) et négatif (à gauche). Le décalage de ces courbes par rapport à la mesure sur capacité

vierge atteste de l'apparition d'un chargement, qui est schématisé dans les deux cas de figures

par les inserts [Busseret02]. Les résultats du chapitre II constituent donc sur ce point également un progrès, en donnant des précisions sur le lieu de stockage des porteurs au sein des composants mémoires. Il existe dans la littérature un consensus selon lequel la maîtrise des dispersions statistiques des paramètres relatifs aux nanocristaux (comme par exemple leur diamètre) est un enjeu capital concernant les mémoires FLASH à nano-grilles flottantes. Sur des populations d’îlots aussi larges que celles que l’on y rencontre, toute dispersion a pour effet de rendre indiscernables les phénomènes qui sont étroitement liés aux paramètres sujets à la dispersion. Les effets monoélectroniques comme le confinement quantique ou le blocage de Coulomb, par exemple, dépendent fortement de la taille des îlots. Toute inhomogénéité en diamètre compromet donc leur observation. Pourtant, l’observation de ce type de phénomène permettrait de montrer que ce sont les îlots qui assurent la conduction ou la rétention de charges. En effet, l’apparition de blocage de Coulomb ou de confinement quantique ne peut être associée à des pièges. Premièrement, ces derniers sont bien souvent distribués en énergie, ce qui est incompatible avec l’observation de résonances tunnel. Deuxièmement, dans l'hypothèse de pièges situés à l'interface des îlots, ces défauts sont distribués en localisation, autour des nanocristaux. Par conséquent, leurs paramètres capacitifs (qui dépendent notamment de la distance séparant les lieux de stockage de l’électrode injectante) seraient bien trop inhomogènes pour permettre l'observation d'un blocage de Coulomb cohérent sur toute la zone active d'un composant.

22

Figure 15 : Courant de drain pour une mémoire FLASH dont la grille flottante est constituée

d'un plan de nanocristaux de silicium, en fonction de la tension de grille appliquée. La

courbe en trait plein représente une mesure réalisée après avoir effacé le composant, et les

points correspondent à des mesures effectuées après un pulse d'écriture, pour des durées

variables. Tous ces pulses aboutissent à un décalage identique de la courbe ID(VG), ce qui

prouve qu'un chargement de la structure a lieu, et de façon relativement rapide, même pour

les temps les plus courts. [DeSalvo04]. On peut ainsi considérer que l’observation d’effets mono-électroniques est la preuve que ce sont les îlots et non les pièges qui contribuent de manière prépondérante dans les mécanismes de transport ou de stockage de porteurs et il apparaît donc naturel de vouloir s’affranchir des dispersions structurales concernant les îlots. Le moyen le plus évident pour y parvenir est de limiter le nombre d’îlots compris dans les composants et, en prolongeant ce raisonnement, à s’orienter vers des dispositifs qui ne comprennent que quelques îlots. Ce type de composant est l’objet d’intenses recherches, que nous allons évoquer après un récit rapide de l’histoire des composants mono-électroniques, c’est à dire des composants dont le fonctionnement est régi par seulement quelques électrons, voire par un seul.

II. Les composants mono-électroniques Dans un milieu soumis à la gravité, un fluide libre a tendance à se déplacer des points d’altitude élevée vers les points d’altitude moindre. Le courant électrique, observable dans un conducteur entre deux points de potentiels différents, peut être vu au niveau macroscopique comme étant analogue à l'écoulement d'un fluide entre deux points d'altitudes différentes. Si on poursuit l’analogie, de la même manière que le fluide est composé d'atomes, le courant est, on le sait aujourd'hui, un flux de particules discrètes, les électrons.

23

Dès le début du 20ème siècle, des dispositifs expérimentaux ont été créés dans le but de montrer macroscopiquement l'existence de ces quanta de charges. Si on voulait donner une définition simple de ce qu’est un composant mono-électronique, on pourrait dire que c’est un composant qui montre lui aussi l’existence des quanta de charge, en délivrant un signal électrique qui peut être modifié de façon discernable à l’échelle macroscopique par la présence d’un seul de ces quanta. Un résumé historique rapide permet ainsi de se rendre compte de la progression qui a été faite au cours du 20ème siècle, de la preuve de l'existence de l'électron au contrôle charge par charge d'un composant électronique.

II.1. Brève histoire des composants mono-électroniques

C’est par paliers qu’a été réalisée cette progression, dont on pourrait dater le commencement à 1909, lorsque Robert A. Millikan réalise à l'université de Chicago ce qu'il appelle lui-même ''l'expérience de la goutte d'huile'' [Millikan11]. Elle lui vaudra, accompagnée d'autres travaux expérimentaux sur les photons, le prix Nobel de physique en 1923 [Millikan24]. A l'époque, il s'agit de démontrer expérimentalement l'hypothèse qu'un électron est une particule discrète, de charge constante. Cette hypothèse a été théoriquement formulée à la fin du XIXème siècle (1871) mais une quarantaine d'années plus tard, peu d'expériences ont encore été réussies pour la vérifier et elle est par conséquent largement contestée. De plus, il est à cette époque essentiel de donner à la charge, sensée être constante, une valeur précise et reproductible, ce que permettra l'expérience de Millikan. Elle a pour principe d'envoyer de petites gouttes d'huile entre deux électrodes à l'aide d'un atomiseur, le tout à l'intérieur d'une enceinte emplie d'air et isolée de tout champ électrostatique extérieur (Figure 16).

Figure 16 : Dispositif expérimental de Millikan. On y trouve un atomiseur (A), qui produit des gouttelettes d'huile dans une enceinte (C) où l'air est ionisé. Une partie des gouttes peuvent pénétrer dans un dispositif à deux électrodes (M et N) auxquelles on peut appliquer un potentiel au moyen des piles (B) et de l'interrupteur (S) [Millikan11].

24

Quand un champ électrique est appliqué entre les électrodes, deux forces opposées s’exercent sur la goutte d'huile : l’une est due au champ électrique et l’autre à la gravitation. L'expérience revient alors à déterminer le champ à appliquer pour que la goutte ne tombe pas et traverse entièrement l'espace inter-électrodes. Pour augmenter la charge contenue dans chaque goutte, il ionisait de plus en plus l'air de l'enceinte à l'aide d'une source de rayons X. Il observa que, dans ces conditions, le champ nécessaire pour que la goutte ne tombe pas augmentait de manière continue. Ceci prouva que les gouttes accumulaient un nombre entier de charges unitaires, valant environ 1,592.10-18 C. On sait aujourd'hui que cette valeur est trop importante, l'erreur étant probablement due aux valeurs erronées utilisées pour la viscosité de l'air, qui entre en compte dans les calculs. Ainsi, cette expérience ne valide rigoureusement la nature discrète de la charge que de manière qualitative ; il n'en reste pas moins qu'il s'agit là de sa première mise en évidence macroscopique claire. L'histoire des composants mono-électroniques continue avec Cornelis J. Gorter, un physicien hollandais, qui découvrit au début des années 50 d'étonnantes caractéristiques électriques à un film de métal granulaire [Gorter51]. Il menait alors des recherches sur la supraconductivité de plusieurs matériaux et il observa que la résistance d'une couche de petites particules métalliques entourées d'isolant augmentait lorsqu'on diminuait la température, ce qui n'était pas du tout attendu. C. J. Gorter était reconnu comme un excellent expérimentateur, mais les idées plus théoriques qu'il a développées pour expliquer ce phénomène se sont montrées également très bonnes. En 1968, une expérience similaire à la sienne est réalisée par I. Giaever et R. H. Zeller, dans le but d'étudier la supraconductivité de particules nanométriques d'étain enrobées dans un isolant [Giaever68]. Là encore, en mesurant la résistance entre les deux couches d'aluminium (insert de la Figure 17), ils montrèrent qu'elle augmentait avec la température (Figure 17).

Figure 17 : Courbes donnant la résistance électrique dynamique dV/dI d'une couche (représentée en insert) composée de particules d'étains séparées d'oxyde d'aluminium (parties hachurées), en fonction de la polarisation V qu'on lui applique [Giaever68].

25

Plusieurs observations de ce phénomène inattendu avaient été reportées par d'autres équipes au cours des deux années précédent cet article, mais Giaever et Zeller y apportèrent une interprétation physique, qui s'avéra la bonne. Ils proposèrent en effet un modèle où les grains métalliques sont considérés comme des électrodes de condensateurs. Tout d'abord, ils firent l'hypothèse que le courant mesuré provient principalement de deux contributions. Premièrement, un courant de fuite dû à l'effet tunnel au travers des couches d'oxyde séparant les particules. Etant donnée l'épaisseur de ces couches, les auteurs s'attendaient à ce que cette contribution soit faible. L'autre partie du courant, considérée comme largement majoritaire, était attribuée à un transport de porteurs via les particules elles-mêmes. Les faibles barrières de potentiel dues à l'oxydation interfaciale de l'aluminium en contact avec le métal laissaient passer un courant important par effet tunnel de part et d'autre des particules, qui servaient de relais. Mais pour que ce courant puisse passer, il doit être possible d'ajouter un électron dans les particules métalliques, ce qui n'est possible qu'en donnant aux porteurs une énergie suffisante pour contrer la répulsion coulombienne due aux porteurs déjà présents dans les grains. Afin de quantifier l'énergie nécessaire, on peut considérer les particules comme des électrodes de condensateurs, et écrire que la tension nécessaire pour ajouter un électron dans l'une de ces capacités est, d'après les lois élémentaires de l'électrostatique :

Si la valeur de C est petite, le transfert d'électrons est bloqué, à moins qu'ils soient portés à un potentiel suffisant, supérieur à ∆V. La capacité des grains est donc le paramètre crucial pour l'observation du blocage, et on sait qu'elle ne dépend que de la géométrie des dispositifs expérimentaux, et plus précisément des jonctions entre les grains. A l'époque, les outils d'élaboration permettaient de réaliser des jonctions de capacité relativement élevée. Ainsi, pour faire transiter des porteurs via ces jonctions, il suffisait d'appliquer aux dispositifs des différences de potentiel du même ordre que l'énergie thermique des électrons. A température ambiante, l'énergie thermique était donc suffisante pour permettre aux électrons de pénétrer dans les grains. Par contre, à très basse température, l'énergie thermique devient très petite par rapport à l’énergie apportée par la différence de potentiel entre les deux électrodes d'aluminium pour permettre aux électrons de transiter. Si la tension appliquée est trop faible, la conduction via les particules métalliques devient négligeable devant le courant de fuite par effet tunnel au travers des couches épaisses d'oxyde d'aluminium présentes entre les particules métalliques. Comme ce courant est très faible, la résistance du film est donc grande, ce qu'ont observé les auteurs. De nouvelles vérifications expérimentales furent publiées [Lambe69, Cavicchi84] mais c'est entre le milieu et la fin des années 80 qu'un nouveau tournant s'amorça. A cette époque, il manquait un élément fondateur pour les dispositifs à quelques électrons : l'idée que ces phénomènes physiques peuvent être exploités pour la logique numérique, c'est à dire pour réaliser un transistor capable d'avoir plusieurs états stables, macroscopiquement

qVC

∆ =

26

discernables et différenciés par la présence ou l'absence d'un unique quantum de charge. C'est à Konstantin Likharev que l'on doit cette idée, à partir de résultats expérimentaux présentés en 1985 [Likharev85]. Il souligne l'intérêt d'ajouter une électrode et de la polariser de différentes manières pour observer les changements de conductivité d'un film granulaire. Peu après, en puisant dans les articles historiques déjà évoqués, il a décrit de manière théorique les critères que devraient respecter les composants électriques pour présenter des états stables contrôlés par des charges uniques [Likharev87]. Ces critères étaient donnés en fonction de la température de fonctionnement désirée, incluant notamment la température ambiante, ce qui était bien entendu l'objectif visé pour en faire des dispositifs utilisables en microélectronique. La différence avec tous les travaux qui ont précédé réside dans le fait que, cette fois, l'objectif est de contrôler les paramètres électriques du blocage, au lieu d'en observer l'effet sur le fonctionnement d'un composant. Ceci nécessite une maîtrise de la géométrie de la couche contenant les particules métalliques. Le contrôle doit se faire par la polarisation de la 3ème électrode, séparée du système par un isolant, et qui va permettre aux particules conductrices de changer d'état. Il s'agit d'un fonctionnement analogue à celui de la grille d'un transistor MOS, à la différence près que seule une charge est nécessaire pour passer d'un état à l'autre. On peut donc voir ce tournant décisif comme la rencontre entre le progrès qu'a connu l'observation des phénomènes de charges uniques et les intérêts de la filière MOS. Cette dernière tendant vers une miniaturisation extrême à long terme, il était très important pour elle de pouvoir s'appuyer sur une avancée théorique permettant d'affirmer qu'elle pourrait un jour fonctionner avec quelques quanta de charges seulement. En effet, la stratégie d'évolution du transistor MOS passe avant tout par une réduction des coûts de production, qui est majoritairement assurée par l'augmentation du nombre de composants par unité de surface. C'est un domaine où les travaux de Likharev ouvrent des perspectives qui vont intéresser les industriels, puisque les critères qu'il énonce comprennent notamment la réduction des dimensions de la zone active des composants à moins de 10 nm. C'est donc la naissance du concept de transistor à un électron, défini comme étant un unique réservoir conducteur (appelé îlot, ou point quantique, en raison de ses faibles dimensions) entre deux électrodes (appelées drain et source par analogie avec le transistor MOS) et dont on peut moduler l'énergie par une grille. Les progrès technologiques engendrés par la miniaturisation rapide des composants MOS ont permis en 1987 à Fulton et Dolan de publier une étude expérimentale vérifiant les prédictions de K. Likharev [Fulton87]. On y trouve notamment la preuve que les capacités de couplage des jonctions (représentées sur la Figure 18a) déterminent la largeur de la plage de polarisation donnant lieu à une augmentation de la résistance du système (Figure 18b), ce qui est conforme à la théorie. De plus, si on polarise sinusoïdalement le substrat du composant, la plage de tension varie de la même manière (Figure 19). Ceci prouve l'influence du substrat qui, telle une grille de transistor MOS, influe par effet de champ sur la conduction du composant.

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V+ -

I

VV+ -

I

(a) (b)

Figure 18 : (a) : Schéma du dispositif expérimental mis au point par Fulton et Dolan. Il s'agit de quatre électrodes métalliques, 3 verticales et une horizontale. Une faible épaisseur d'isolant sépare l'électrode horizontale des autres, et le recouvrement est faible (parties hachurées), ce qui donne des capacités de couplage très faibles. On mesure le courant dans l'électrode horizontale, en fonction de la tension appliquée entre 2 des éléments verticaux. (b) : Courant I dans l'électrode principale en fonction de la polarisation V appliquée entre deux électrodes verticales, mesuré à très basses températures (Tє[1.1K;4.2K]). Les courbes S et L correspondent à deux échantillons présentant des capacités de couplage différentes. En insert, est représentée la variation de la valeur de l'offset de tension mesuré en fonction de la surface de recouvrement A entre les électrodes verticales et l'électrode horizontale, ce qui revient à évaluer les capacités de couplage qui sont proportionnelles à A. [Fulton87]

Figure 19 : Courant I dans l'électrode

principale en fonction de la

polarisation V appliquée entre deux

électrodes verticales, mesuré à très

basses températures (Tє[1.1K;4.2K]).

Au cours de ces mesures, le substrat

des dispositifs a été polarisé avec une

tension sinusoïdale. Les lettres

correspondent à différentes valeurs

de capacités de couplages [Fulton87].

28

II.2. Quelques composants et leurs caractéristiques électriques

Les avancées prometteuses du milieu des années 80 ont amené de nombreuses équipes à travailler sur la thématique du composant mono-électronique, ce qui a abouti à la publication de nombreux travaux expérimentaux. On trouve beaucoup de dispositifs fonctionnant à très basses températures et seules quelques études font état de phénomènes de blocage de Coulomb à température ambiante. On peut classer ces réalisations en deux groupes : d'un côté, les composants dont la zone active est amenée à respecter les critères favorables à l'observation de phénomènes mono-électroniques grâce à des techniques de structuration de couches minces (lithographie, attaques chimiques, nano-oxydation AFM...). De l'autre, on trouve les dispositifs qui utilisent comme zones actives des objets dont les dimensions sont intrinsèquement compatibles avec leur propension à présenter du blocage de Coulomb. Cette distinction trouve sa pertinence dans le fait que les deux approches se heurtent à des obstacles différents. Le premier groupe s'appuie sur la structuration de couches minces et il s'agit classiquement de la structuration d'un fil de silicium ou métallique reliant deux électrodes (drain et source). On fait pour cela appel à des techniques apparentées à la lithographie, et c'est un domaine où il est aujourd'hui encore difficile de définir des motifs de dimensions inférieures à 10 nm. Des évolutions importantes ont contribué à faire évoluer cette approche, comme par exemple l'apparition de l'e-beam (lithographie par faisceaux d'électrons) ou de la nano-oxydation locale par AFM (Atomic Force Microscope). Le deuxième groupe, légitimé par les limites de la lithographie que l'on vient d'évoquer, se heurte quant à lui au problème de la dispersion spatiale des objets que l'on doit utiliser comme zones actives. En effet, ils sont généralement créés par des techniques de croissance, et leur position sur le substrat est par nature aléatoire, comme c'est le cas par exemple pour les îlots de silicium. Pour jouer pleinement leur rôle dans les composants mono-électroniques, il faut pourtant qu'ils soient placés entre deux ou même trois électrodes, si on ajoute la grille de contrôle. Dans cette partie, quelques exemples de dispositifs illustrent les différentes technologies répertoriées dans la littérature.

II.2.1. Composants utilisant des îlots désordonnés Comme on l'a vu, les premiers effets de blocage de Coulomb ont été observés sur des films métalliques granulaires, c'est à dire composés de particules conductrices désordonnées et séparées par des couches isolantes. Ainsi, la solution la plus simple pour réaliser un composant reproduisant ce comportement consiste à créer des îlots sur un substrat isolant et à les utiliser dans un composant sans chercher à les ordonner. Les composants utilisent alors les îlots disponibles entre les électrodes. Si le dépôt est suffisamment dense, le courant trouvera un chemin entre les électrodes. Il est courant de constater la présence d'îlots proches du chemin de conduction, qui agissent comme des nano-grilles flottantes et font alors fluctuer la conductance du composant. Cet effet peut être intéressant pour réaliser une mémoire, comme l'a montré K. Yano dans un travail qu'on peut considérer comme précurseur dans le domaine des mémoires à un électron [Yano94].

29

Dans son composant, un film de polysilicium est utilisé comme zone active. Les grains cristallins qui le composent sont isolés les uns des autres par des barrières de potentiel. Le potentiel de chaque grain est variable, notamment à cause de la faible épaisseur du polysilicium (de 1 à 5 nm) et des autres dimensions des grains (inférieures à 10 nm), qui doivent être à l'origine d'effets de confinement. Dans un grain, l'énergie d'un porteur ne peut prendre dans ces conditions que des valeurs discrètes, qui dépendent grandement des dimensions du grain. Si pour chaque grain on s'en tient au niveau d'énergie le plus bas, appelé niveau fondamental, on peut s'attendre, en appliquant une tension entre le drain et la source, à ce que le courant passe par les grains ayant les niveaux fondamentaux les plus bas. Il en résulte la création d'un chemin de percolation, représenté en noir sur la Figure 20a.

(a) (b)(a) (b)

Figure 20 : (a) Schéma du dispositif mémoire de K. Yano. La zone active, située entre le drain et la source, est polycristalline. Quand elle est polarisée, des chemins de conduction se forment entre les grains (b) et certains grains peuvent servir de grille flottante (storage node). [Yano94].

Il est par ailleurs probable qu'en dehors de ce chemin de percolation se trouvent plusieurs autres grains dont le niveau fondamental permet d’accueillir préférentiellement des porteurs. Si ces grains peuvent être amenés à faire partie d'un autre chemin de percolation créé en appliquant une tension de grille suffisante, des porteurs peuvent y être stockés, et le système pourra alors se trouver dans un état différent et stable. Les porteurs stockés dans les grains périphériques modifient la répartition du champ électrique dans la zone active et on observe alors une conductance différente pour une même tension drain-source. Il s'agit donc d'un effet mémoire, pour lequel les grains périphériques font office de grille flottante. La Figure 21 montre qu'un tel dispositif permet l'observation à température ambiante de la modification du champ électrique induite par des charges uniques stockées dans un grain périphérique. Par exemple, la tension de seuil du dispositif évolue par palier quand on augmente la polarisation de la grille (Figure 21a), chaque palier correspondant à une charge supplémentaire stockée dans la grille flottante. Le déchargement de cette dernière ramène le courant de drain à sa valeur originale, là-encore par paliers (Figure 21b), chacun d'eux correspondant à la perte d'un électron par un grain périphérique.

30

Ce type de mémoire fonctionne donc bel et bien, même si il est impossible de contrôler des paramètres comme la taille du grain périphérique et sa position. La compréhension précise de ce type de composant est rendue complexe par les dimensions aléatoires de chaque grain, dont l'énergie du niveau fondamental est par conséquent également aléatoire. Du point de vue fondamental comme du point de vue applicatif, ces réserves montrent la nécessité de l'organisation des particules granulaires qui sont à la base des composants monoélectroniques [Yano94]. De plus, la grille doit être isolée du chemin de conduction pour n'avoir qu'un effet de champ, ce qui impose la présence d'une couche d'oxyde supplémentaire par dessus les îlots. De ce fait, la simplicité du procédé apparaît moins évidente. Les travaux de A. Dutta et al. [Dutta97] sont représentatifs d’une toute autre technique d’élaboration. A partir d’une structure SOI, une ouverture a été réalisée par e-beam jusqu’à atteindre l’oxyde enterré (Figure 22a). Des îlots ont ensuite été déposés sur le SOI ainsi structuré. Un plan d’îlot est alors présent sur la totalité de la surface, y compris là où l’ouverture a été pratiquée. Une partie des îlots est par conséquent localisée entre deux plots de silicium (Figure 22b). Ainsi, cette technique originale aboutit à un amas d’îlots placé entre deux électrodes (les plots de silicium), formant le drain et la source d’une structure similaire à un SET si on se sert du substrat comme d’une grille. Sur la Figure 23b, on peut voir le courant mesuré entre les deux électrodes en fonction du potentiel appliqué entre elles. Si l’écart entre le drain et la source est trop important (70 nm, Figure 23a), on observe un courant continûment croissant à température ambiante.

(a) (b) Figure 21 : (a) Tension de seuil en fonction de la polarisation appliquée à la grille pour le

dispositif mémoire présenté Figure 20a. (b) Après écriture dans la mémoire, si on mesure le

courant de drain en fonction du temps, on peut voir la grille flottante se décharger des

porteurs qu'elle avait accumulé au cours de l'écriture, par paliers, montrant qu'il s'agit de

charges uniques [Yano94].

31

Par contre, pour un écartement plus faible (26 nm, Figure 23b), des sauts, d’amplitude modeste, apparaissent dans l’évolution croissante, que l’on peut mieux distinguer par les pics de conductance représentés sur le même graphe. Une technique moins originale a été adoptée par Choi et al. [Choi98]. Pour réaliser leur composant, ils ont fait croître un plan d’îlots sur un isolant, et trois électrodes métalliques de faibles dimensions ont été élaborées par e-beam Figure 24b. L’une, plus grosse et placée assez loin des deux autres, est utilisée comme grille et appelée ''side gate''. Les deux autres, distantes d’à peu près 30 nm, font office de drain et de source. La Figure 24b montre le courant mesuré entre le drain et la source en fonction de la polarisation qui est appliquée entre elles.

(a)

(b)

Figure 22 : Des îlots sont déposés sur un substrat SOI où une zone est lithographiée jusqu'à

l'oxyde enterré. Schéma de la structure après dépôt des nanocristaux (a) et représentation du

phénomène de transport entre les nc-Si (b) [Dutta97].

(a) (b)(a) (b)

Figure 23 : Courbes I(V) à température ambiante pour un écart entre les électrodes de 70 nm

(a) et 26 nm (b). Pour cette dernière valeur (b), la conductance est également représentée en

fonction de la tension appliquée [Dutta97].

32

(b)(a) (b)(b)(a)(a)

Figure 24 : Image MEB du composant élaboré sur un plan d'îlots de silicium (a) et courant de

drain mesuré en fonction de la polarisation appliquée entre le drain et la source (b, axe de

gauche). On peut observer des paliers, confirmés par la conductance dynamique représentée

sur le même graphe (b, axe de droite) [Choi98].

On peut observer que ce courant augmente en marquant des paliers, ce qui est confirmé par les oscillations de la conductance, montrée sur le même graphe. Il semble s’agir des manifestations du blocage de Coulomb, ce qui est remarquable quand on sait que ces mesures ont été effectuées à température ambiante. Si la tension drain-source est fixée et qu’une rampe de tension est appliquée au substrat, on utilise ce dernier comme une grille et on observe des oscillations qui confirment la présence du blocage de Coulomb à température ambiante (Figure 24b). De même, si on applique une rampe de tension à la troisième électrode (side gate), on obtient des oscillations dans le courant mesuré entre le drain et la source, mais leur période est moins régulière, et le rapport signal/bruit est moins avantageux. Ceci s’explique par l’absence d’organisation des îlots qui entraîne la présence d’îlots entre le canal conducteur du composant et la grille, comme on en évoquait la possibilité lors de la présentation de ce type de technique. Il y a alors conduction entre la zone active et la grille, dont le rôle n’est alors plus purement capacitif. Il en résulte que le courant de grille contribue de manière non-négligeable au courant de drain, et perturbe les oscillations de Coulomb. De plus, les caractérisations électriques et structurales de cette étude n’ont pu déterminer le nombre d’îlots présents dans la zone active, et encore moins leur localisation. Ces deux paramètres sont donc impossibles à contrôler par cette technique. Cet argument, ainsi que la possibilité restreinte d’utiliser une grille coplanaire avec le drain et la source, font de l’organisation des îlots une étape indispensable à la compréhension des SET.

II.2.2. Quelques exemples de SET élaborés par lithographie Les premiers dispositifs mono-électroniques élaborés par lithographie sont apparus au milieu des années 90, quand les techniques utilisant des faisceaux d’électrons ont pu atteindre des résolutions de l’ordre de la dizaine de nanomètres.

33

Plusieurs architectures sont possibles ; par exemple, H. Ishikuro et T. Hiramoto ont créé un SET fonctionnant à basse température en gravant le silicium d’un substrat SOI, de façon à obtenir deux blocs de silicium reliés par une zone quasi-ponctuelle, en faisant varier finement les paramètres de l’e-beam et de la gravure [Ishikuro97]. Les deux blocs sont destinés à être le drain et la source du composant et une grille est formée au dessus du système (Figure 25a). La taille du contact drain-source est déterminante, comme prévu par la théorie. En la réduisant, les auteurs ont en effet observé que leur composant avait d’abord les caractéristiques d’un MOSFET puis d’un SET (Figure 25b).

Il est par ailleurs évident que cette transition implique la formation de barrières de potentiel dans le contact drain-source, car si tel n’était pas le cas, le phénomène de blocage de Coulomb ne pourrait apparaître. Dans ce cas précis, le processus de formation des barrières de potentiel n'est pas connu et il s'agit là d'une des limitations majeures de cette technique. La nature aléatoire de l’apparition des barrières est liée à plusieurs facteurs. Tout d’abord, la dose d’électrons utilisée pour la lithographie n’est pas toujours reproductible. De plus, les attaques chimiques utilisées pour retirer le silicium sont source d’incertitudes critiques à l’échelle nanométrique. Enfin, les résultats de la lithographie e-beam dépendent de la propension des résines à être '' insolées '' de manière très localisée sans que les zones les plus proches ne changent de propriétés chimiques. Un composant similaire à celui de H. Ishikuro et T. Hiramoto a été créé par L. Zhuang et al. Un canal fin (30 nm) est réalisé par e-beam et gravure sèche entre un drain et une source [Zhuang98]. Sa largeur n’est pas homogène et sa largeur varie, à cause des imprécisions de la technique de lithographie e-beam elle-même. De plus, un oxyde thermique est créé, avec une épaisseur de 10 nm, ce qui entraîne des contraintes dans le silicium du canal. Ceci augmente encore les fluctuations de sa largeur, et des constrictions apparaissent. Des porteurs amenés à transiter entre le drain et la source rencontreront finalement plusieurs ''îlots'' de 10 nm de diamètre séparés par des constrictions très fines, qui sont autant de barrières de potentiel (Figure 26a).

(b)(a) (b)(a)

Figure 25 : Schéma d’une structure SET à constriction ponctuelle quantique (a) et sa

caractéristique IDS(VDS) à T=4.2 K (b) [Ishikuro97].

34

Cette configuration est favorable au blocage de Coulomb, et les dimensions plus faibles que dans le SET de Ishikuro et al. permettent son observation à température ambiante (Figure 26b).

Il n'en reste pas moins que les dimensions des îlots et des barrières de potentiel ne sont pas contrôlables, et qu’elles ont même un aspect plutôt aléatoire. Cette technique est intéressante si un grand nombre de dispositifs sont réalisés, pour discerner l'effet des différentes configurations sur les caractéristiques électriques. La position des constrictions doit tout de même pouvoir être contrôlée, ou tout au moins caractérisée avec précision, afin de pouvoir déterminer l’effet des paramètres géométriques sur les caractéristiques électriques. En ce qui concerne les mémoires à un électron (SEM pour Single electron memories), des conclusions similaires peuvent être tirées. Pour ce type de dispositif, il est en effet nécessaire de créer un îlot à la fois proche mais aussi isolé du canal d'un transistor, ce qui augmente souvent la complexité des procédés. Par exemple, L. J. Guo et al. ont proposé en 1997 une mémoire à un électron fonctionnant à température ambiante [Guo97], élaborée sur SOI par e-beam et gravure sèche (RIE, Reactive Ion Etching), dont on peut voir une représentation schématique sur la Figure 27a. L'îlot, de forme carrée, a après lithographie des dimensions trop élevées et elles sont réduites par la création d'un oxyde thermique. Là encore, il s'agit d'un procédé difficile à contrôler, d'autant que les auteurs comptent sur cette étape pour créer l'oxyde tunnel entre le canal et l'îlot, qui n'est pas présent jusque là. Leur mémoire montre pourtant des effets monoélectroniques discernables à température ambiante, comme le montre la Figure 27b, où la tension de seuil du transistor augmente par palier à mesure qu'on augmente la tension des pulses d'écriture sur la grille. Chaque palier est le signe que l'îlot contient un électron supplémentaire, dont la présence influe de façon macroscopique sur le courant transitant dans le canal. Une technique un peu différente (dite de grille auto-alignée) a été proposée par A. Nakajima et al. [Nakajima97], avec une technique également basée sur l'e-beam et la gravure sèche (Figure 28a).

(a) (b)(a) (b)

Figure 26 : (a) Représentation schématique d’un SET réalisé par constriction e-beam/RIE d'un

fil quantique sur SOI. (b) Courbes ID(VG) et G(VG) mesurées sur ce composant à température

ambiante (b) [Zhuang98].

35

Là encore, la taille de l'îlot n'est pas suffisamment faible pour observer du blocage de Coulomb à température ambiante, mais cette fois elle est réduite par une gravure humide. Des effets mono-électroniques sont alors observés à température ambiante, comme en attestent les brusques discontinuités sur le courant de drain que l’on peut voir sur la Figure 28b. Toutefois, l'hystérésis observée sur le courant de drain est de faible amplitude, ce qui signifie que le décalage de la tension de seuil est trop faible pour faire de ce composant une mémoire utilisable. De plus, le procédé de réduction par gravure humide pose les mêmes problèmes de contrôle et de reproductibilité que l'oxydation décrite par L. J. Guo et al.

(a) (b)(a) (b)

Figure 28 : Image MEB du composant (a) et courbe représentant le courant de drain mesuré à

température ambiante en fonction du potentiel appliqué à la grille (b) pour une mémoire à

nanogrille flottante auto-alignée [Nakajima97].

(a)

(b)

(a)

(b)

Figure 27 : Schéma en vue de dessus et en coupe du composant mémoire (a). Le graphe

représentant la tension de seuil du composant en fonction de la polarisation du pulse d'écriture

appliqué à la grille (b) montre une quantification de la tension de seuil, directement liée au

piégeage d'un faible nombre de charges dans l'îlot de polysilicium [Guo97].

36

Face aux limitations dont souffre la lithographie, même par faisceau d’électrons (e-beam), les avancées en matière de structuration de la matière à l’échelle nanométrique sont d’un grand intérêt pour la création de composants monoélectroniques. On peut citer par exemple la nano-oxydation AFM, utilisée pour la première fois par Matsumoto et al. pour créer des îlots conducteurs en oxydant un film de titane (Figure 29) [Matsumoto96]. Le principe de cette technique est de placer un échantillon composé d’une couche de titane déposé sur un isolant dans un milieu ayant un taux d’humidité assez élevé (Figure 29b)). Un ménisque aqueux est créé en approchant la pointe AFM du matériau à oxyder, et un apport d’énergie est effectué en polarisant la pointe, permettant ainsi à l’eau de se séparer de ses atomes d’oxygène pour les céder au métal.

Ceci à pour conséquence la formation locale d’un oxyde, dont le comportement est souvent bien moins conducteur que le métal. Ainsi, des barrières de potentiel peuvent être créées, et en entourant une zone de faibles dimensions de ces barrières, on obtient un îlot (Figure 29a). On fait alors en sorte qu’il sépare deux électrodes conductrices, définies elles aussi en oxydant les zones qui doivent être isolantes. Des phénomènes monoélectroniques peuvent alors être observés en faisant passer du courant entre les deux électrodes, si l’îlot à des dimensions adéquates, comme le montre la Figure 30, où des paliers de courant apparaissent à température ambiante. Ce travail utilise par ailleurs la particularité qu’ont les techniques de lithographie basse résolution de pouvoir observer la topographie réalisée avec le même instrument, l’AFM en l’occurrence, ce qui permet un contrôle in-situ des opérations réalisées. Par contre, l’oxydation étant irréversible, il n’est pas possible de changer librement la morphologie des structures après l’avoir observée. Il faut également ajouter les importantes imprécisions liées aux images AFM, dont les informations quantitatives quant aux dimensions exactes des objets observées se heurtent aux problèmes de convolution pointe-objet.

(a) (b)(a) (b)

Figure 29 : (a) Image AFM de la zone active du SET métallique créé par une technique de

nano-oxydation par AFM, qui consiste à oxyder localement le métal pour créer des barrières de

potentiel et former un puits (b) [Matsumoto96].

37

Figure 30 : Courbes IDS(VDS) et G(VDS) à température ambiante pour le SET métallique décrit Figure 28b [Matsumoto96].

Par exemple, si le diamètre de la pointe est du même ordre de grandeur que l’îlot montré par la Figure 29a, sa taille apparente sur les images ne peut être considérée comme une mesure fiable ; ceci pourrait par conséquent être une explication du fait qu’un îlot de taille si importante (25 nm) permette l’observation du blocage de Coulomb à température ambiante. Un exemple de mémoire à un électron a également été montré en utilisant cette technique [Matsumoto00]. Ce travail montre des résultats électriques interprétés comme le chargement d'un îlot à température ambiante, mais les caractéristiques, très bruitées restent difficiles à interpréter.

II.2.3. Composants utilisant des îlots auto-organisés L'auto-organisation consiste à favoriser la croissance d’îlots à des endroits bien déterminés, c'est à dire là où l'on désire créer la zone active. Les principes physiques mis en œuvre présentent des analogies avec ceux qui ont été découverts dans le domaine de l’épitaxie en ce qui concerne les sites préférentiels de formation des couches. Par exemple, si des marches sont présentes à la surface d’un substrat, on sait que c’est à leur proximité que les couches épitaxiées commencent à se former. Ces phénomènes trouvent leur origine dans les différences d’énergies de surface que rencontrent des molécules libres au contact du substrat. De tels phénomènes ont récemment été montrés dans le cas de la croissance d’îlots de silicium à partir de silane gazeux, suivant le processus décrit dans le paragraphe I.2.3 [Baron02]. Cette étude porte sur un substrat de silicium, sur lequel un oxyde thermique a été créé. En provoquant des dislocations dans le substrat de façon mécanique, l’énergie de surface de l’oxyde est localement perturbée, ce qui a pour effet de favoriser la fixation d’atomes de silicium, à la verticale des champs de contraintes. Ces atomes sont les précurseurs d’îlots de silicium plus gros, et dont la disposition suit la topographie des contraintes créées dans le substrat. Cette technique originale présente néanmoins le désavantage de reposer sur la formation de dislocations, dont la maîtrise peut s’avérer difficile. En effet, la position de ces dislocations dépend de nombreux facteurs dont tous ne sont pas contrôlables de manière reproductible.

38

Il est également possible de modifier localement l’énergie de surface d’une couche d’isolant avec des outils de nano-structuration comme le FIB (Focus Ion Beam) [Kammler03] ou de caractérisation structurale comme l’e-beam (faisceau d’électrons) [Mazen04]. L'avantage de ces techniques par rapport aux dislocations se trouve dans le contrôle de la position des sites préférentiels de nucléation. Ces techniques sont certainement promises à un bel avenir car les outils qu'elles utilisent ont maintenant des définitions suffisantes pour réaliser des points espacés de quelques nanomètres, ce qui conférera aux jonctions dot à dot des dimensions suffisamment petites pour permettre le transport de porteurs par effet tunnel. On peut remarquer que les réalisations sont au stade du matériau, c'est à dire que peu de composants ont encore été créés et caractérisés avec succès. Ceci peut s'expliquer par les difficultés rencontrées pour, une fois les îlots élaborés, reprendre le procédé de création des électrodes, qui doivent être parfaitement alignées avec les motifs d'auto-organisation.

II.3. Positionnement de la thèse : organisation post-process des

îlots

Parmi les composants monoélectroniques rencontrés dans la littérature, un certain sont élaborés par des procédés peu compatibles avec ceux qui sont utilisés dans la filière MOS. Dans le chapitre III, nous proposons une technique qui pourrait déboucher sur l’élaboration de composants dont la zone active contient quelques îlots de silicium, et ce à partir d’îlots déposés par LPCVD sur des substrats oxydés, c’est à dire selon une technique standard habituellement dévolue à la création de mémoires FLASH de dimensions décananométriques. Par ailleurs, les différentes techniques présentées dans cette partie ont souvent le défaut d’avoir une architecture figée une fois leur élaboration terminée. Or il est probable qu'une partie importante des recherches à mener sur les dispositifs monoélectroniques se situe au niveau de leur architecture. Des études systématiques sur les configurations et les géométries à donner aux composants s'avèrent longues, et ce d'autant plus que le contrôle des différents paramètres n'est pas toujours assuré. Par rapport à cette problématique, nous proposons dans le chapitre III un certain nombre de caractérisations électriques réalisées sur des composants au sein desquels l'organisation des îlots a été faite a posteriori à l’aide de la pointe d’un microscope AFM. Ce terme ''a posteriori'', signifie qu’après avoir élaboré des électrodes métalliques et des îlots de manière désordonnée, cette technique propose de déplacer les nanocristaux individuellement ou par groupes entre les électrodes, où ils pourront jouer leur rôle dans le fonctionnement des composants. Outre l’organisation des îlots, cette approche a l’avantage de produire des dispositifs qui restent modifiables à volonté, c'est à dire que l'on peut changer leur configuration autant de fois qu'on le désire. Ainsi, après avoir réuni quelques informations au cours de leur caractérisation électrique, il est possible de modifier la position des îlots, par exemple, et de mesurer à nouveau le comportement électrique qui en résulte.

39

La caractérisation de ces composants a permis d’observer le blocage de Coulomb à température ambiante, ce qui est relativement rare dans la littérature. De plus, de nombreux travaux proposent de déterminer les paramètres à respecter pour faire cette observation en se basant sur des modèles trop simples pour tenir compte de la géométrie particulière de nos composants. Nous avons plutôt cherché à déterminer ces paramètres au moyen de modèles analytiques, que l’on a comparés avec les résultats obtenus par la méthode des éléments finis, particulièrement en ce qui concerne les aspects capacitifs des composants.

40

41

Chapitre II. Caractérisation en courant de capacités MOS contenant des monoplans de nanocristaux de silicium

Ce chapitre présente une technique de mesure et de modélisation permettant de déterminer le lieu du stockage des charges dans les mémoires FLASH à nanocristaux. Cette détermination est d’une grande importance, car dans la littérature on trouve bon nombre de travaux montrant un chargement plus ou moins important, mais ces travaux ne précisent pas si ce chargement a lieu dans les îlots ou dans des défauts présents dans les isolants ou aux interfaces Si/SiO2. Ce dernier point est pourtant extrêmement important, car il est indispensable de s’assurer que les charges responsables des fenêtres mémoires observées sur les composants étudiés sont bien stockées dans les nanocristaux, et que l’on profite donc pleinement de leur apport, notamment en ce qui concerne la fiabilité. Expérimentalement, en caractérisant un nombre important de lots d’échantillons issus de plusieurs techniques d’élaboration de nanocristaux, nous avons pu mettre en évidence la rétention de charges au sein de capacités MOS contenant des îlots de silicium. Dans un premier temps, les travaux de caractérisation ont porté sur des composants élaborés par démixtion de SiOX (N. Buffet, CEA-LETI) et par dépôt LPCVD de silicium sur une couche d'oxyde (T. Baron, LTM-CNRS). Ces dispositifs ont clairement montré leur capacité à retenir des charges et donc à permettre un effet mémoire ([Beaumont03a, Beaumont03b]). En revanche, les isolants entourant les îlots se sont montrés systématiquement trop fuyants pour que les caractéristiques propres aux nanocristaux puissent être mises en évidence : les courants de fuite ne permettaient pas de discerner les courants de chargement des îlots. Ensuite, nous nous sommes intéressés à la technique consistant à implanter du silicium dans une couche d'oxyde pour former après recuit une couche de nanocristaux. Comme nous le verrons dans la première partie de ce chapitre, nous avons mis en évidence une rétention de charges assez importante dans ces échantillons, avec une forte dépendance par rapport aux paramètres d’implantation. Sous certaines conditions, cette technique a permis aux acteurs du projet européen NEON pouvant être programmées à basse tension et présentant des caractéristiques en termes de rétention des données et d’endurance aux cycles d’écriture/effacement proches de celles des mémoires Flash [Dimitrakis 04]. Les courants de fuite au sein de ces structures se sont en outre avérés suffisamment bas pour que le chargement de nanocristaux puisse être caractérisé grâce à la technique des courants transitoires [Beaumont04]. Enfin, la technique de démixtion de SiOX a récemment pu être développée par N. Buffet et P. Mur (CEA-LETI) pour que des capacités MOS fabriquées par ce procédé montrent à leur tour un chargement marqué tout en ayant des courants de fuite relativement bas [Leroy05], ce qui a permis de mettre en évidence les courants de chargement des îlots.

42

Sur ces échantillons présentant de faibles courants de fuite, une technique de caractérisation du chargement a été développée à partir des mesures de courants transitoires qui apparaissent lorsqu’on polarise la grille de contrôle avec des rampes de tension rapides. Cette technique propose de déterminer le lieu de stockage des charges dans ces dispositifs mémoires en extrayant la capacité liant le lieu de stockage à la grille. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d’un modèle permettant l’estimation de la capacité existant entre un plan d’îlots et une grille de contrôle. Deux approches sont proposées, la première s’appuyant sur la méthode des éléments finis. L’autre utilise des calculs analytiques après avoir fait quelques hypothèses, et elle s’avère plus légère en temps de calcul. Les résultats issus de ces calculs sont néanmoins confrontés à ceux obtenus par la méthode des éléments finis afin de déterminer les conditions dans lesquelles ils sont comparables. A partir des valeurs de capacité îlots/grille extraites des mesures dynamiques de courant présentées dans la deuxième partie de ce chapitre, il est alors possible de déterminer quels paramètres géométriques peuvent aboutir à de telles valeurs. Ceci permet en particulier de vérifier que ces paramètres correspondent à ceux des îlots, et ainsi de relier le chargement aux îlots eux-mêmes et non à des pièges situés dans leur voisinage, comme le montre la troisième partie. Dans la quatrième partie, nous verrons les conséquences du chargement des îlots sur les caractéristiques C-V des capacités-MOS étudiées. Enfin, dans une cinquième partie, les résultats expérimentaux seront confrontés aux simulations de courant issues d'un modèle développé par C. Busseret (LPM-INSA/IMEP-ENSERG). Nous discuterons alors des avantages et des inconvénients d'une telle approche par rapport aux calculs développés dans la troisième partie.

I. Description des échantillons caractérisés

I.1. Ilots obtenus par le recuit d’une couche d’oxyde contenant

des atomes de silicium implantés

I.1.a. Contexte et généralités Les échantillons élaborés par implantation et étudiés au cours de ce chapitre sont issus d’un projet appelé NEON. Il s’agit d’un programme de recherche européen qui a regroupé entre 2001 et 2004 plusieurs laboratoires ainsi que deux industriels, issus de cinq pays (France, Allemagne, Grèce, Italie, Danemark). Ce projet avait pour thème l’élaboration et la caractérisation de mémoires non-volatiles de type FLASH dont la grille flottante est un plan de nanocristaux de silicium. Pour former ce plan, plusieurs solutions technologiques ont été envisagées, et celle qui a finalement été retenue est l’implantation à très basse énergie d’atomes de silicium dans une couche de SiO2. Ceci permet d'obtenir une couche d'atomes de silicium faiblement dispersés dans la matrice de SiO2 et, après recuit, les atomes de silicium forment des nanocristaux dans un plan parallèle à l'interface Si/SiO2 [Normand98].

43

L'utilisation d'une énergie d’implantation très faible permet de contrôler la position de la couche d’atomes de silicium dans la couche d’isolant. Comme l'ont montré les analyses TEM de M. Carrada, ceci permet de placer les atomes de silicium à quelques nanomètres de l’interface séparant le substrat de la couche de SiO2 dans laquelle l’implantation est réalisée [Carrada03]. La distance entre la surface de l’isolant et la grille flottante est moins critique. Si elle est trop élevée, une simple gravure permet d’en diminuer la valeur. Si, au contraire, elle est trop faible, un dépôt de SiO2 (par LPCVD par exemple) peut même l’augmenter. Outre l’énergie d’implantation, d'autres paramètres relatifs à l'implantation ont des conséquences structurales sur les populations de nanocristaux obtenues [Carrada03]. On peut aussi faire varier la dose implantée. C’est la densité d’atomes de silicium présents avant le recuit qui est directement liée à ce paramètre, dont on peut s’attendre à ce qu’il modifie la densité, la taille et/ou la forme des îlots. Enfin, le recuit est une étape cruciale de l’élaboration des dispositifs mémoires, puisque c’est lui qui assure la formation des structures nanocristallines constituant la grille flottante. Ces trois paramètres sont donc susceptibles d’avoir un impact sur les caractéristiques des mémoires élaborées par implantation. Dans le cadre du projet NEON, la caractérisation électrique de capacités MOS élaborées avec des jeux de paramètres d’implantation différents était un sujet d’étude intéressant, dans le but de déterminer l’influence de la dose implantée, de l’énergie d’implantation et du type de recuit sur les propriétés intrinsèques des dispositifs mémoires comme la rétention.

I.1.b. Description des échantillons Les capacités MOS caractérisées par la suite ont été créées en faisant croître une couche d’oxyde thermique sur un substrat de type P. L’oxydation a été effectuée à ST-Microelectronics (Agrate Brianza, Italie). Dans cette couche d’oxyde, des atomes de silicium ont été incorporés par implantation ionique à très basse énergie (1 keV), avec une dose de 2.1016 cm-2. Ces implantations ont été assurées par Axcelis (un partenaire industriel du projet). Les structures ainsi obtenues ont ensuite été recuites sous deux atmosphères différentes : la première, appelée ''inerte'' et notée ''A1'', est composée de diazote ; la seconde appelée ''oxydante'' et notée ''A3'', est composée de dioxygène dilué à 1.5 % en volume dans du diazote. Ces deux types de recuits ont été réalisés à 950°C, pendant 30 minutes dans un four classique, avec une température d’entrée dans le four de 400°C et un temps de stabilisation de 5 minutes avant la montée en température [Normand03]. Un troisième type de recuit, noté ''A31'' a été réalisé dans une atmosphère identique à celle utilisée pour le recuit A3, mais avec une température d’entrée dans le four de 600°C et un temps de stabilisation de 30 minutes. Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques de ces trois recuits, qui ont été réalisés à l’IMEL (Athènes, Grèce). Le Tableau 2 présente les différents échantillons, qui se différencient par leur taille, l'énergie et la dose utilisées pour implanter le silicium, et enfin le type de recuit mis en œuvre pour former les nanocristaux et éventuellement guérir la matrice isolante des défauts dus à l'implantation.

44

30 600 O2/N2 30 950 A31

5 400 O2/N2 30 950 A3

5 400 N2 30 950 A1

Temps de stabilisation

(min.)

Température d'entrée dans le four (°C)

Ambiance

Durée du recuit (min.)

Température du recuit

(°C)

Recuit

Tableau 1 : Récapitulatif des paramètres concernant les trois recuits différents appliqués aux couches d’oxyde implantées. Il est à noter que le recuit A31 constitue un apport thermique supérieur aux deux autres, de par son temps de stabilisation et sa température d'entrée dans le four, tous deux supérieurs à ceux du recuit A3.

Sujet Epaisseur Energie

d’implantationDose

implantée Type de recuit

Identifiant

(Référence) 7 nm X X A1 ST7R01

7 nm 1 keV 1×1016 cm-2 A1 X721 Energie

d’implantation 7 nm 2 keV 1×1016 cm-2 A1 X7813

7 nm 1 keV 5×1015 cm-2 A1 X711 7 nm 1 keV 1×1016 cm-2 A1 X721

Dose implantée

7 nm 1 keV 2×1016 cm-2 A1 X731

7 nm 1 keV 2×1016 cm-2 A1 X731 7 nm 1 keV 2×1016 cm-2 A3 X732 Type de recuit 7 nm 1 keV 2×1016 cm-2 A31 AX73527

7+15 nm 1 keV 5×1015 cm-2 A1 X713 7+15 nm 1 keV 1×1016 cm-2 A1 X723

Dose implantée

7+15 nm 1 keV 2×1016 cm-2 A1 X733

Tableau 2 : Descriptif des échantillons selon les paramètres d’implantation utilisés

pour la formation de la grille flottante nanocristalline. Les échantillons sont regroupés

de telle sorte qu’en comparant leurs caractéristiques électriques, il est possible de

déterminer respectivement l’influence de l’énergie d’implantation, de la dose

implantée et du type de recuit.

45

I.1.c. Résultats des caractérisations

i. Influence de l’énergie d’implantation

Pour les échantillons X721 et X7813, une dose de 1×1016 cm-2 d’atomes de silicium a été implantée avec respectivement une énergie de 1 et 2 keV, dans un oxyde thermique épais de 7 nm. La Figure 31 et la Figure 32 montrent l’évolution de la capacité de ces deux échantillons avec la tension appliquée à leur grille.

-3 -2 -1 0 1 2 3

0

100

200

300

400

500

600

-3V / +3V +3V / -3V

C (

pF)

VG (V)

X721 : E=1keV, D=1016 cm-2

Figure 31 : Capacité de la

structure en fonction de la

tension appliquée à la

grille, pour une énergie

d’implantation de 1 keV.

Les mesures ont été

réalisées alternativement

de l’accumulation vers

l’inversion puis dans le

sens inverse afin de mettre

en évidence l’hystérésis de

la courbe.

-3 -2 -1 0 1 2 30

100

200

300

400

500

600

-3V / +3V +3V / -3V

C (

pF)

VG (V)

X7813 : E=2keV, D=1016 cm-2

Figure 32 : Capacité de la

structure en fonction de la

tension appliquée à la

grille, pour une énergie

d’implantation de 2 keV.

Les mesures ont été effectuées de façon dynamique, avec une fréquence de 10 kHz, dans l’obscurité, avec des rampes de tension allant alternativement vers les tensions négatives et positives, afin d’observer les hystérésis dus au chargement de la structure. On peut tout d’abord observer que le chargement se fait par le substrat, quelle que soit l’énergie d’implantation. En effet lorsqu’on applique une tension négative à la grille, la courbe est décalée vers les VG négatifs. Ceci traduit la diminution de la tension de bandes plates, ce que l’on interprète comme un chargement en trous, qui sont bien les porteurs majoritaires de la zone d’accumulation alors formée à proximité de la surface du substrat. En inversion, la courbe est décalée vers les VG positifs, ce qui est le signe d’un chargement en électrons, qui proviennent de la zone d’inversion du substrat et non de la grille.

46

Si on observe le décalage entre les courbes, lorsque l’énergie d’implantation vaut 2 keV, la tension de bandes plates subit un décalage plus grand que pour une énergie de 1 keV. Ce comportement indique que le chargement est plus important dans le premier cas. Deux interprétations peuvent être proposées. Premièrement, lorsqu’on utilise une énergie de 2 keV, on génère un plus grand nombre de défauts dans le volume de l’isolant. En effet, les ions implantés étant plus énergétiques, les dommages occasionnés au matériau sont plus importants. Ceci aboutit à un nombre important de défauts électriquement actifs, qui peuvent être responsables du chargement observé. D’autre part, on peut attribuer l’augmentation de la charge stockée avec l’énergie d’implantation à la position des îlots formés après recuit. On peut considérer que plus le silicium est implanté avec une énergie élevée, plus RP (la distance parcourue par les atomes dans le volume d’oxyde) est grand. Les nanocristaux de silicium sont alors plus proches du substrat : d’après les analyses TEM, en passant d’une énergie de 1 keV à 2 keV, on peut estimer que la distance entre les îlots et l’interface Si/SiO2 diminue de 1,6 nm [Carrada03] et la probabilité pour que les îlots se chargent est alors plus élevée. De plus, la diminution de la distance entre les îlots et l’interface Si/SiO2 fait en sorte que la distance entre les îlots et la grille de contrôle augmente, ce qui contribue à diminuer les éventuelles fuites de porteurs vers la grille et peut donc expliquer que les dispositifs retiennent plus de charges. La comparaison de la Figure 31 et de la Figure 32 montre que les échantillons implantés à 2 keV ont une courbe C(VG) déformée en déplétion alors qu’à 1 keV la déformation est faible. La dérivée de la capacité en fonction de la tension de grille montre plus clairement cet effet (Figure 33).

-3 -2 -1 0 1 2 3

-1500

-1250

-1000

-750

-500

-250

0

X721 X7813 ST7R01(Réf)

dC

/d

VG (

pF/

V)

VG (V)

Figure 33 : Dérivée de

la capacité par rapport

à la tension de grille

pour des échantillons

implantés à 1 et 2 keV

(avec une dose de

1.1016 cm-2) et pour

une référence non

implantée.

On peut voir que pour la référence l’évolution de cette dérivée avec la tension de grille est monotone entre -3 V et -0.8 V et entre -0.8 V et +3 V. Par contre l’implantation d’atomes de silicium fait apparaître une rupture dans la monotonie des variations de la capacité avec la tension de grille : des plateaux apparaissent, d’autant plus marqués que l’énergie d’implantation est importante. De surcroît, les valeurs absolues de la dérivée sont plus faibles à mesure qu’on implante avec une énergie élevée, ce qui correspond à la diminution de la pente de la C(VG) en régime de déplétion.

47

L’évolution de la capacité de la structure en déplétion est liée à l’épaisseur de la zone de charge d’espace créée dans le substrat. Le résultat observé correspond donc à une modification de la charge de déplétion, qui peut être due à l’influence de charges localisées non loin de l’interface Si/SiO2. Le stockage de charge est donc à l’origine des déformations des courbes C(V). Toutefois, ces résultats expérimentaux ne permettent pas de trancher quant à la localisation précise du chargement : il peut s’agir des puits de potentiel formés par les nanocristaux, de l’interface de ces derniers avec la matrice isolante, de l’interface entre le substrat et le SiO2 ou de pièges se trouvant dans le volume de l’isolant. Cette dernière hypothèse se trouve d’ailleurs renforcée par le mode d’élaboration choisi, l’implantation ionique, qui est connue pour générer de nombreux défauts pouvant demeurer électriquement actifs après traitement thermique. Des atomes de silicium excédentaires, c’est-à-dire n’ayant pas été mis à profit pour former les nanocristaux, peuvent en outre se trouver dans l’oxyde tunnel et servir de lieu de chargement pour les porteurs injectés depuis le substrat.

ii. Influence de la dose implantée

L’étude de ce paramètre est menée grâce aux échantillons notés X711, X721 et X731, implantés respectivement avec des doses de 5.1015, 1.1016 et 2.1016 cm-2. Les échantillons identifiés par les références X713, X723 et X733 ont été implantés avec les doses respectives citées précédemment mais ont en plus un oxyde de grille déposé épais de 15 nm. Si on ajoute la référence (ST7R01) non-implantée déjà évoquée dans la partie précédente, on dispose d’un lot d’échantillons complet pour chaque épaisseur de grille (7 et 22 nm) et ce pour 3 doses, tous les autres paramètres, qu’ils soient d’implantation ou de recuit, étant par ailleurs comparables. La Figure 34 montre l’évolution de la capacité des structures implantées avec les 3 doses (5.1015, 1.1016 et 2.1016 cm-2, respectivement) et dont l’oxyde de grille n’a pas été rendu plus épais par le dépôt de SiO2. En comparant ces graphes, on constate tout d’abord qu’il n’y a aucun chargement pour la plus petite des trois doses utilisées. Lorsque l’implantation a été effectuée avec une dose de 1.1016 cm-2, on observe un chargement (depuis le substrat, comme l’atteste le sens antihoraire de l’hystérésis), qui est plus important que pour une dose de 2.1016 cm-2. Ce phénomène peut être interprété à la lumière des analyses structurales. Tout d’abord, les analyses TEM [Carrada03] montrent que pour une dose de 5.1015 cm-2, il n’y a pas formation de nanocristaux, ce qui peut expliquer l’absence de chargement. Pour les deux autres doses, des îlots de silicium sont présents. Lorsqu’on augmente la dose au delà de 5.1015 cm-2, les analyses TEM donnent les résultats suivants [Carrada03] :

• Le diamètre moyen des îlots ne varie pas de façon significative ; • On peut en revanche s’attendre à ce que la densité de nanocristaux augmente, même

si nous ne disposons pas de données expérimentales mettant ce phénomène en évidence ;

• L’épaisseur de l’oxyde de grille diminue. En particulier, lorsqu’on passe de 1.1016 à 2.1016 cm-2, elle passe de 2,2 à 1,9 nm ;

• Parallèlement, l’épaisseur de l’oxyde tunnel augmente.

48

-3 -2 -1 0 1 2 3

0

100

200

300

400

500

600

700

-3V / +3V +3V / -3V

C (

pF)

VG (V)

X711 : E=1keV, D=0,5.1016 cm-2

-3 -2 -1 0 1 2 3

0

100

200

300

400

500

600

-3V / +3V +3V / -3V

C (

pF)

VG (V)

X721 : E=1keV, D=1016 cm-2

-3 -2 -1 0 1 2 3

0

100

200

300

400

500

-3V / +3V +3V / -3V

C (

pF)

VG (V)

X731 : E=1keV, D=2.1016 cm-2

Figure 34 : Capacité de la structure en

fonction de la tension appliquée à la grille,

pour des échantillons implantés avec une

dose de 5.1015 cm-2, 1.1016 cm-2 et 2.1016 cm-2.

Comme la taille des îlots n’augmente pas, on ne peut relier l’augmentation de la charge stockée à l’augmentation du nombre de porteurs pouvant être stockés dans chaque îlot, à un champ électrique donné. L’augmentation de la densité des nanocristaux que l’on peut prévoir lorsqu’on augmente la dose implantée devrait aboutir à l’augmentation de la fenêtre mémoire, contrairement à ce que l’on observe. En effet, un plus grand nombre de nanocristaux par unité de surface offre un plus grand nombre de lieux de stockage pour les électrons injectés, ce qui permet une charge totale retenue plus importante. Il faut donc chercher ailleurs l’origine de la diminution du décalage des courbes C(VG) lorsqu’on accroît la dose implantée. L’augmentation de l’épaisseur de l’oxyde tunnel et la diminution de celle de l’oxyde de grille peuvent fournir une explication à ce phénomène. En étant plus proches de la grille, il est plus probable que les îlots échangent avec elle des porteurs par effet tunnel, ce qui limite leur capacité à retenir des porteurs. Cette interprétation peut être confirmée par les mesures effectuées sur les échantillons où l’on a déposé une couche d’oxyde après implantation et recuit (Figure 35). On observe cette fois un chargement de plus en plus important quand on augmente la dose. Il existe donc bel et bien une corrélation entre l’épaisseur de l’oxyde de grille et l’importance du chargement. Pour une dose de 5.1015 cm-2, un faible chargement est mesuré alors que, comme on l’a déjà vu, les nanocristaux ne sont pas formés. L’origine de ce chargement provient certainement de l’interface entre l’oxyde de grille initial et la couche déposée. En effet, ce procédé est réalisé à une température modérée (700°C), ce qui ne permet pas la formation d’une interface de bonne qualité.

49

-8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 80

50

100

150

200

-8V / +8V +8V / -8V

C (

pF)

VG (V)

X713 : E=1keV, D=5.1015 cm-2

-8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 80

50

100

150

200

-8V / +8V +8V / -8V

C (

pF)

VG (V)

X723 : E=1keV, D=1.1016 cm-2

-8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 80

50

100

150

200

-8V / +8V +8V / -8V

C (

pF)

VG (V)

X733 : E=1keV, D=2.1016 cm-2

Figure 35 : Capacité de la structure en

fonction de la tension appliquée à la grille,

pour des échantillons implantés avec une

dose de 5.1015 cm-2, 1.1016 cm-2 et 2.1016 cm-2

et dont l’oxyde de grille a été rendu plus

épais par le dépôt de 15 nm de SiO2.

Pour les deux autres doses étudiées, de larges fenêtres mémoires sont observées (5V pour une dose de 1.1016 cm-2 et plus de 7V pour une dose de 2.1016 cm-2). Ceci montre que l’ajout d’une épaisse couche d’oxyde déposée, en diminuant fortement la transparence de l’oxyde de grille, permet une meilleure rétention des porteurs injectés depuis le substrat. En revanche, l’oxyde déposé ne doit pas modifier la distance séparant les îlots du substrat. En conséquence, cette distance est plus importante pour les échantillons X733 (dose de 2.1016 cm-2) que pour les échantillons X723 (dose de 1.1016 cm-2). Les premiers montrent cependant des fenêtres mémoires supérieures aux seconds, ce qui peut signifier deux choses :

1. Soit l’augmentation de cette épaisseur ne fait pas significativement diminuer la transparence de la barrière tunnel. Pour expliquer ce cas de figure, on peut évoquer l’augmentation du nombre d’atomes de silicium excédentaires (c’est-à-dire ne servant pas à la formation des îlots) au sein de la barrière tunnel lorsqu’on augmente la dose implantée. Ces atomes excédentaires sont susceptibles d’augmenter la transparence de la couche d’isolant en offrant un nombre de relais de conduction plus important, dans le cadre d’un transport tunnel assisté par pièges.

2. Soit la densité de nanocristaux plus importante compense la diminution de la

transparence de la barrière tunnel. Dans ce cas, il faut envisager qu’une majorité de l’augmentation de la dose entre les échantillons X723 et X733 est utilisée pour la formation de nanocristaux supplémentaires. Si la transparence de la barrière est alors bel et bien rendue plus faible lorsqu’on augmente la dose, le plus grand nombre de lieux de destination des porteurs issus du substrat peut permettre au courant injecté de demeurer à peu près identique entre les deux types d’échantillons, à un champ électrique donné.

50

La présence de défauts dans l’oxyde tunnel, à proximité de son interface avec le substrat, peut être mise en évidence par la forme des courbes C(VG) en régime de déplétion. La Figure 36 montre la capacité des échantillons notés X711, X721 et X731, pour lesquels on n’a pas ajouté d’oxyde de grille supplémentaire, et des échantillons X713, X723 et X733, ayant reçu une couche de 15 nm d’oxyde déposé pour compléter leur oxyde de contrôle, en fonction de la tension appliquée à la grille.

-3 -2 -1 0 1 2 30

100

200

300

400

500

600

X711 (D=5.1015 cm-2)

X721 (D=1.1016 cm-2)

X731 (D=2.1016 cm-2)

C (

pF)

VG (V)

D

D

(a)

-8 -6 -4 -2 0 2 4 6 80

50

100

150

200

(b)

X713 (D=5.1015 cm-2)

X723 (D=1.1016 cm-2)

X733 (D=2.1016 cm-2)

C (

pF)

VG (V)

D

Figure 36 : Capacité de la structure en fonction de la tension appliquée à la grille, pour une énergie d’implantation de 1 keV et trois doses différentes, sans oxyde de grille supplémentaire (a) ou avec un oxyde de grille rendu plus épais par le dépôt de 15 nm de SiO2 (b). Les mesures ont été effectuées du régime d’accumulation (VG<0) vers le régime d’inversion (VG>0).

On peut constater lorsque la dose augmente, la capacité en régime d’accumulation diminue. De plus, lorsqu’on augmente la dose implantée jusqu’à 2.1016 cm-2 (X731 et X733), le régime de déplétion donne une courbe plus irrégulière que pour les doses inférieures, et dont la pente est sensiblement plus faible. L’abaissement de la capacité en régime d’accumulation avec l’augmentation de la dose peut être relié au plus grand nombre d’atomes de silicium présents dans la matrice d’oxyde, qui font augmenter la permittivité diélectrique globale de la structure. De surcroît, des études structurales ont montré que plus la dose implantée est importante, plus l’épaisseur totale de la structure est grande (phénomène de ''swelling'') [Carrada03, Normand04], ce qui aboutit là encore à la diminution de la valeur de la capacité en accumulation. En ce qui concerne la forme de la partie correspondant au régime de déplétion, on peut remarquer que plus la dose est importante, plus la déformation est importante. Pour mieux apprécier ce phénomène, les dérivées des courbes C(VG) ont été tracées en fonction de la tension de grille sur la Figure 37. Pour les composants ne comportant pas d’oxyde de grille supplémentaire (Figure 37a), outre le décalage de la tension de bandes plates, les courbes se différencient par le nombre de maxima observés : on en compte un seul pour les échantillons implantés avec des doses de 5.1015 cm-2 (pour VG=-0,6 V) alors qu’on observe deux maxima (VG=-0,5 V et VG=0,2 V) pour les échantillons implantés avec une dose de 2.1016 cm-2. La dose de 1.1016 cm-2 aboutit à un comportement intermédiaire, puisque si on ne distingue qu’un seul maximum (pour VG=-0,75 V), on note également une nette rupture dans la partie de la courbe correspondant à la déplétion (pour des tensions de grille comprises entre -0,5 V et -0,3 V).

51

-3 -2 -1 0 1 2 3 4-700

-600

-500

-400

-300

-200

-100

0

X711

(D=5.1015 cm

-2)

X721

(D=1.1016 cm

-2)

X731

(D=2.1016

cm-2

)

(a)

dC

/d

VG (

pF/

V)

VG (V)

-8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8-150

-125

-100

-75

-50

-25

0

X713

(D=5.1015

cm-2

)

X723

(D=1.1016 cm-2)

X733

(D=2.1016

cm-2

)

(b)

dC

/d

VG (

pF/

V)

VG (V)

Figure 37 : Dérivée de la capacité par rapport à la tension de grille, en fonction de VG , pour une énergie d’implantation de 1 keV et trois doses différentes, sans oxyde de grille supplémentaire (a) ou avec un oxyde de grille rendu plus épais par le dépôt de 15 nm de SiO2 (b). Les mesures ont été effectuées du régime d’accumulation (VG<0) vers le régime d’inversion (VG>0).

Pour les composants dont l’oxyde de grille a été rendu plus épais par le dépôt de 15 nm de SiO2 (Figure 37b), on retrouve des courbes comportant un seul maximum pour les deux doses les plus faibles (maximum observé respectivement avec des tensions de grille de -0,1 V et -2,2 V pour des doses de 5.1015 cm-2 et 1.1016 cm-2). Là encore, lorsqu’une dose de 2.1016 cm-2 a été implantée, on observe deux maxima, l’un pour VG=-5 V et l’autre pour VG=-2,2 V. Les courbes présentant un seul maximum sont typiques des structures MOS, et c’est d’ailleurs le comportement qui est observé pour les références sans îlots (Figure 33). Elles attestent de l’augmentation régulière de la charge d’espace créée dans le substrat lorsqu’on augmente la polarisation de la grille. L’apparition d’un deuxième maximum sur les dérivées de la capacité par rapport à la tension de grille traduit la modulation de la charge d’espace créée dans le substrat par des charges présentes dans l’isolant des structures MOS. Ces charges semblent être stockées dans les pièges présents dans l’isolant. On peut penser que la faculté de ces pièges à stocker des charges dépend de la polarisation appliquée à la grille et dans ce cas, lors d’un balayage en tension, ils vont stocker préférentiellement des porteurs pour les points de polarisation correspondant à leur plus grande probabilité d’accueillir des charges. On constate que c’est avec les doses les plus importantes que l’on met en évidence ce deuxième maximum dans les courbes dC/dVG=f(VG). L’augmentation de la dose implantée correspond par conséquent à l’augmentation du nombre de ces pièges et/ou à leur plus grande proximité par rapport au substrat. Dans ce dernier cas en effet, l’effet électrostatique des charges qu’ils contiennent est plus important, ce qui renforce leur influence sur l’état de charge du substrat. Comme on l’a déjà évoqué précédemment, lorsqu’on augmente la dose de silicium implantée, on peut s’attendre à ce que le nombre de défauts présents à proximité de l’interface substrat/isolant augmente. Les études structurales montrent que lorsqu’on augmente la dose de 5.1015 cm-2 à 1,5.1016 cm-2, la distance séparant la surface de l’isolant implanté et le centre de la couche d’atomes de silicium implantés avant recuit varie peu [Carrada03]. Ceci signifie que les atomes de silicium se trouvent à une distance identique de la surface, qu’ils soient utilisés ou non pour former les nanocristaux. En revanche, le profil implanté s’élargit et

52

la densité d’atomes de silicium augmente à proximité du substrat. De plus, lorsque la dose implantée augmente, le nombre d’atomes de silicium n’étant pas utilisés pour former les nanocristaux lors du recuit augmente. Ces deux phénomènes contribuent donc à augmenter le nombre d’atomes de silicium excédentaires présents entre les îlots et le substrat. Ces atomes excédentaires ne sont pas utilisés pour former les nanocristaux, et s’ils ne sont pas associés à des atomes d’oxygène, ils ne sont pas incorporés à la matrice isolante. Ils sont par conséquent susceptibles d’agir comme des centres électriquement actifs capables d’attirer des porteurs [Crupi03], ce qui aboutit aux effets décrits précédemment. L’augmentation de la dose implantée, nécessaire pour augmenter la densité d’îlots, conduit donc parallèlement à l’apparition d’atomes de silicium excédentaires pouvant piéger des porteurs. Ils peuvent par ailleurs expliquer la conductivité élevée de la couche d’oxyde séparant le substrat des îlots malgré son épaisseur relativement importante. On peut d’ailleurs trouver dans la littérature des travaux où il est envisagé d’utiliser une barrière d’oxyde enrichie en silicium pour augmenter la vitesse d’écriture et d’effacement des mémoires Flash [Maiti92]. Le silicium excédentaire présent dans l’isolant tunnel des dispositifs étudiés ici peut donc être à l’origine du fait que le chargement se fait par le substrat et non par la grille de contrôle, alors que la couche séparant les îlots du substrat est plus épaisse que celle qui se trouve entre les îlots et la grille de contrôle. Le stockage de charges dans l’oxyde tunnel peut en revanche s’avérer gênant, puisqu’une partie de la fenêtre mémoire risque d’être due à ces défauts. Pour y pallier, si l’élargissement du profil d’implantation est intrinsèque à l’augmentation de la dose, l’influence du silicium excédentaire peut quant à elle être limitée en faisant en sorte qu’une partie plus importante du silicium excédentaire soit inclus dans la matrice isolante séparant les îlots du substrat. Pour ce faire, il est possible de modifier l’ambiance gazeuse du recuit, et en particulier d’utiliser une atmosphère oxydante, ce qui est étudié dans la partie suivante.

iii. Influence de l’atmosphère du recuit

Pour étudier l’influence de la nature oxydante du recuit par rapport aux atmosphères réductrices utilisées pour les échantillons précédemment étudiés, deux séries de capacités ayant subi les recuits A3 et A31 ont été caractérisées (Figure 38). Tout d’abord, on remarque que par rapport au recuit réalisé sous atmosphère réductrice (Figure 38a), les recuits oxydants (Figure 38b et c) augmentent le nombre de charges stockées par les capacités MOS et font diminuer la capacité en accumulation. L’amélioration de la rétention trouve son origine dans l’augmentation de l’épaisseur de l’oxyde de grille : les observations par MET montrent en effet que de 4,2 nm pour les échantillons X731, l’épaisseur de l’isolant de contrôle passe à 5 nm pour les échantillons X732 [Carrada03]. Parallèlement, les couches de nanocristaux semblent plus fines lorsque l’ambiance du recuit est oxydante, ce qui laisse penser que l’augmentation de l’épaisseur de l’oxyde de grille est due à l’oxydation du silicium excédentaire présents dans l’isolant de contrôle, mais aussi d’une partie des atomes de silicium composant les nanocristaux.

53

-5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5-5

0

5

10

15

20

25

30

35(a)

Recuit : A1

-5V / +5V +5V / -5V

C (

pF)

VG (V)

X731 : E=1keV, D=2.1016 cm-2

(N2)

-5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 50

5

10

15

20

25

30

(N2+0

2)

(b)

Recuit : A3

-5V / +5V +5V / -5V

C (

pF)

VG (V)

X732 : E=1keV, D=2.1016 cm-2

-5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 50

5

10

15

20

25

30

(N2+0

2)

Recuit : A31

(c)

-5V / +5V +5V / -5V

C (

pF)

VG (V)

AX73527 : E=1keV, D=2.1016 cm-2

Figure 38 : Capacité de la structure en

fonction de la tension appliquée à la grille,

pour des échantillons implantés avec une

dose de 2.1016 cm-2 et recuits sous trois

atmosphères différentes, réductrice (a) et

oxydantes (b et c).

La Figure 39 confirme cette interprétation : d’après les images MET, on constate qu’il y a bien moins de nanocristaux de diamètre supérieur à 4 nm ou inférieur à 1 nm dans les échantillons recuits sous atmosphère oxydante que dans ceux qui le sont sous ambiance réductrice.

Figure 39 : Distribution en

diamètres des nanocristaux,

déduite des images MET en

vue plane d’échantillons

ayant subi les recuits A1 (à

gauche) et A3 (à droite)

[Normand03].

En revanche, le diamètre moyen reste de 2 nm environ. Tous les îlots subissent certainement l’oxydation, mais les plus petits disparaissent, et les plus gros voient leur taille sensiblement diminuer, ce qui aboutit à une moindre dispersion des diamètres des îlots dans le cas du recuit oxydant que dans celui du recuit réducteur. En ce qui concerne l’oxyde séparant les îlots du substrat, son épaisseur ne varie pas d’un recuit à l’autre [Carrada03]. Le silicium excédentaire qui s’y trouve n’est donc que très peu

54

oxydé, et peut encore servir de relais de conduction ou de lieu de stockage pour la rétention des porteurs injectés, même pour les échantillons recuits sous atmosphère oxydante. Ceci peut être interprété en précisant que les atomes d’oxygène, lors du recuit, pénètrent et diffusent dans la couche d’isolant depuis la surface libre, à savoir le ''côté grille''. Le silicium excédentaire se trouvant dans l’oxyde de grille est donc oxydé préalablement, ainsi que les nanocristaux les plus gros et les plus petits. Le silicium excédentaire situé dans l’oxyde tunnel n’est quant à lui pas concerné par l’oxydation. Il n’en reste pas moins que le recuit oxydant permet d’obtenir un oxyde de grille densifié et contenant peu de défauts. De plus, il permet à la distribution en diamètre des îlots d’être plus étroite. Ces propriétés particulières des échantillons recuits sous atmosphère oxydante nous ont conduits à choisir ces échantillons pour les études de courants transitoires. En effet, la densité importante des barrières isolantes, ainsi que la densité relativement faible de défauts qu’elles présentent (par rapport aux échantillons recuits sous atmosphère N2) aboutissent à des courants de fuite suffisamment bas pour distinguer les courants de chargement, comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce chapitre. De plus, en réduisant la dispersion du diamètre des îlots, on s’attend à rendre la réponse des îlots plus homogène, et plus particulièrement la tension de grille permettant leur chargement : on sait en effet que cette tension est liée au diamètre des nanocristaux pour les plus petits d’entre eux, du fait du confinement quantique.

I.2. Echantillons utilisés pour l'étude des courants de chargement

L'étude des courants de chargement a tout d'abord été menée sur les échantillons élaborés par implantation et recuits sous atmosphère oxydante (A3 et A31). Des analyses TEM sur ces échantillons ont fait l'objet d'une étude poussée à laquelle on fera référence tout au long de ce chapitre [Carrada03]. La Figure 40 reprend les dimensions qui ont été extraites de l'analyse des images TEM. En plus de ces échantillons, un lot élaboré par N. Buffet et P. Mur (CEA-LET) par démixtion de SiOX a montré un comportement transitoire comparable aux composants fabriqués par implantation. On a ainsi pu utiliser les modèles de capacité îlots/substrat sur les résultats expérimentaux relatifs à ces échantillons, même si nous ne disposions que de peu d'informations structurales à leur sujet. Rappelons qu'avec cette technique, le silicium en excès dans l'oxyde provient de l'élaboration même de l'isolant par LPCVD. Comme cela a déjà été évoqué précédemment, il s'agit de faire arriver du silane SiH4 (g) et de l'oxyde d'azote N2O (g) sur un substrat oxydé et porté à une température de plusieurs centaines de degrés Celsius. Un oxyde de silicium est alors formé, mais sa stœchiométrie dépend des débits respectifs des arrivées de gaz. Un recuit dit de démixtion est ensuite réalisé, afin d'obtenir un oxyde stœchiométrique d'une part et des précipités d'atomes de silicium excédentaires d'autre part. Ces derniers constituent des nanocristaux dont la taille et la densité dépendent du nombre d'atomes de silicium excédentaires.

55

Substrat

Oxyde tunnel

Plan d’îlots

Oxyde de contrôle

Grille

6.1 nm

2.3 nm

5 nm

Substrat

Oxyde tunnel

Plan d’îlots

Oxyde de contrôle

Grille

6.1 nm

2.3 nm

5 nm

Figure 40 : Représentation schématique des structures comprenant une couche de SiOX élaborée par implantation. Les épaisseurs des couches d'oxyde et du plan d'îlots sont également reportées.

Ce lot d’échantillons a été élaboré en faisant tout d'abord croître une couche d'oxyde thermique de 3 nm sur un substrat de type P. Grâce à la technique précédemment évoquée, une couche de SiO0.9 épaisse de 5nm est créée. Un recuit de démixtion est ensuite réalisé, à 1000°C pendant 3min 30s dans une atmosphère neutre de diazote. Une couche de SiO2 épaisse de 8 nm est ensuite déposée pour former l'oxyde de grille. L'élaboration se termine par le dépôt d'une épaisse couche de polysilicium fortement dopée N (250 nm). La Figure 41 montre un schéma en coupe de ces composants, et synthétise les dimensions visées par le processus d'élaboration.

Substrat

Oxyde tunnel

Plan d’îlots

Oxyde de contrôle

Grille

3 nm

5 nm

8 nm

Substrat

Oxyde tunnel

Plan d’îlots

Oxyde de contrôle

Grille

3 nm

5 nm

8 nm

Figure 41 : Représentation schématique des structures comprenant une couche de SiOX élaborée par LPCVD.

56

II. Etude expérimentale des courants de chargement Comme on l’a évoqué précédemment, les mesures statiques du courant de grille sur des structures respectant les dimensions des mémoires FLASH s’avèrent souvent impossibles, à cause de l’épaisseur des barrières isolantes. Rappelons qu’une mesure est considérée comme statique lorsque la rampe de tension utilisée est telle que pour toute rampe plus lente, la courbe IG(VG) demeure identique. Dans ce cas, les porteurs ont atteint leur état d’équilibre et tous les processus transitoires ont pris fin. Dans ce contexte, une bonne alternative consiste à étudier les courants transitoires observés lorsque la grille des dispositifs est polarisée par une tension variant rapidement. Par la suite, les courants mesurés sont considérés comme transitoires lorsque la vitesse de rampe a une influence sur les courbes IG(VG). Dans ces conditions en effet, la mesure intervient alors que les porteurs n’ont pas atteint leur état d’équilibre, et on a alors affaire à des processus qui ont une dépendance temporelle.

II.1. Caractérisation électrique des courants transitoires pour des

îlots obtenus par le recuit d’une couche d’oxyde contenant

des atomes de silicium implantés

Les mesures présentées ont été réalisées à l’aide d’un coulomb-mètre Keithley 595, qui produit des rampes de tension en marches dont on peut faire varier les paramètres. Ainsi, la vitesse des balayages en tension peut être modifiée en faisant varier la différence de tension et le temps écoulé entre chaque marche. Les résultats présentés dans cette partie ont été confirmés par des mesures effectuées à l’aide de femto-ampèremètres (Keithley 4200 SCS et HP 4156A). L’usage du Keithley 595 est justifié par la possibilité qu’il offre de mesurer, conjointement au courant, la capacité quasi-statique de la structure, avec pour perspective l’étude de l’influence des pics de courant sur les courbes C(VG), présentée dans la quatrième partie de ce chapitre. Les mesures exploitées dans ce chapitre sont réalisées en faisant varier linéairement la tension de grille de façon relativement rapide. Cependant, la méthode de mesure adoptée par les appareils de mesure consiste à effectuer plusieurs mesures à tension fixe et à les moyenner. En conséquence, les rampes de tension ne sont pas strictement linéaires : il s’agit au contraire de marches de tension, dont les paliers permettent aux mesures d’être effectuées à tension constante et d’être converties en données numériques (Figure 42). Les bas niveaux de courant mesurables par les picoampèremètres et les femtoampèremètres utilisés dans ce chapitre ont pour contrepartie une relative lenteur de mesure, liée notamment à la précision que doivent atteindre les convertisseurs analogique/numérique (au détriment de leur rapidité) et au fait que les paramètres temporels sont souvent adaptés aux mesures statiques, qui sont l’usage courant de ce type d’appareil.

57

Les limites des convertisseurs ne peuvent être contournées, car elles sont le résultat du compromis nécessaire entre vitesse et justesse des mesures, a fortiori sur des courants de l’ordre du pA ou plus faibles. En revanche, les paramètres de mesure peuvent être ajustés de façon à optimiser la vitesse de la mesure : on peut la plupart du temps éliminer la phase de stabilisation, limiter à une valeur faible le retard et fixer le temps de mesure proprement dit à la valeur minimale permettant l’obtention d’un rapport signal/bruit satisfaisant. Ces ajustements sont typiquement réalisés de façon empirique par essai-erreur, en visant un résultat reproductible et présentant un niveau de bruit acceptable. Si on veut obtenir des rampes de tension rapides, on doit toutefois faire face aux limitations intrinsèques des appareils utilisés, qui varient de l’un à l’autre. Le Tableau 3 montre les paramètres qui ont permis d’atteindre les rampes les plus rapides pour des charges capacitives d’une centaine de pF, pour trois appareils de mesure différents. Les rampes indiquées correspondent à des marches de tension de ∆Vmarche=0,1 V. Il s’agit de la hauteur de marche la plus élevée que peut atteindre le Keithley 595, alors que les deux autres appareils de mesure testés peuvent mettre en œuvre des hauteurs bien plus importantes, jusqu’à plusieurs volts. Néanmoins, de telles marches posent le problème de ne plus pouvoir approximer le signal excitateur résultant par une rampe linéaire, ce qui remet en cause l’application des modèles, qui s’appuient justement sur la linéarité de la rampe de tension délivrée par la source. C’est pour cette raison que la hauteur des marches de tension a été limitée à 0,1 V, quels que soient les appareils utilisés.

tension

temps

0

retard(delay)

stabilisation(hold)

mesure (*) retard(delay)

mesure (*) retard(delay)

mesure

(*) : Latence après déclenchement et stabilisation

∆Vmarche

∆Vmarche

Figure 42 : Diagramme temporel représentant une variation linéaire de tension en marches. Il détaille les différentes phases induites par les mesures effectuées au cours de la rampe.

58

Cette hauteur de marche permet en outre d’avoir un nombre de points significatif lors de nos mesures, dont les plages de tension sont habituellement situées entre 0 et 5 V. On a alors environ 50 points de mesure, ce qui représente un minimum pour obtenir des résultats significatifs. Les temps de mesure indiqués correspondent aux durées nécessaires pour intégrer un nombre suffisant de mesures afin d’obtenir un rapport signal/bruit satisfaisant. Les valeurs choisies sont adaptées à la mesure de courants de l’ordre de la centaine de pA comme ceux que l’on obtient avec les dispositifs et les surfaces des composants que nous avons étudiés. L’amplitude du courant de déplacement mesurée au cours de ces rampes de tension peut s’avérer plus importante. C’est le cas par exemple si on caractérise des composants présentant des surfaces plus importantes. C’est également le cas lorsque la capacité liant la grille de contrôle et la grille flottante est plus grande, ce qui est le cas lorsque la couche d’isolant les séparant est plus mince ou constituée d’un matériau doté d’une permittivité diélectrique supérieure à celle du SiO2. Dans ces conditions, le temps alloué à la mesure peut être diminué, mais dans de faibles proportions (jusqu’à 2 ms pour le Agilent-HP 4156A et le Keithley 4200). Au cours des caractérisations présentées par la suite, la polarisation a été volontairement limitée à 3 V. En effet, au delà de cette tension, on observe une forte croissance du courant, qui correspond à la triangularisation des bandes d’énergie (conduction Fowler-Nordheim). Dans ces conditions, on sait que des défauts de type SILC apparaissent, ce qui peut rapidement aboutir au claquage des structures. En se limitant à des polarisations modestes, il est possible d’effectuer toutes les mesures plusieurs fois sur la même capacité. C’est ainsi qu’il a été possible de vérifier que les caractéristiques montrées dans cette partie sont toutes hautement reproductibles.

Retard Modèle

Temps de stabilisation

Appareil de

mesure

Minimum

utilisateur

Temps de mesure

Total Rampe maximale

(∆Vmarche=0,1 V)

Agilent HP

4156A 20 ms 0 ms 0 ms

2 ms (0,1 PLC)

22 ms 4,5 V/s

Keithley 4200 SCS

17 ms 0 ms 0 ms 2 ms

(0,1 PLC) 19 ms 5,2 V/s

Keithley 595

3 ms 40 ms 27 ms

Compris dans le retard

minimum

70 ms 1,4 V/s

Tableau 3 : Paramètres temporels des mesures réalisées lors d’une rampe de tension en marches pour les appareils de mesure suivants : HP4156 A [HP95], Keithley 4200-SCS [Keithley02, Keithley04] et Keithley 595 [Keithley03].

59

Dans un souci similaire de reproductibilité, et pour pouvoir superposer les courbes correspondant à différentes rampes de tension, une procédure d’effacement a été établie, pour toutes les capacités. Préalable à chaque mesure, celle-ci vise à vider le composant des charges qui y ont été stockées. Des tests préliminaires (mesures C-t après stress) ont abouti à montrer qu’une tension de grille de –4,5 V appliquée pendant 500 ms permettait d’amener les capacités à l’équilibre et à la neutralité électrique. Sur les échantillons qui ont été recuits sous ambiance inerte (A1), si on fait varier la rampe de tension de grille, on constate que la courbe IG(VG) demeure identique à la courbe statique (Figure 43).

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00

5

10

15

20

25

30

I G (

pA

)

VG (V)

Figure 43 : Courant de grille en fonction de la tension appliquée à la grille pour des capacités ayant subi le recuit A1, sous ambiance inerte. Cette courbe reste identique si on fait varier la rampe de tension sur la grille.

Ceci montre que, dans ce cas, les effets des processus transitoires sur le courant mesuré sont négligeables par rapport au courant statique de conduction. Si, de la même manière, on applique des rampes de tension plus ou moins rapides sur la grille de capacités ayant été recuites sous ambiance oxydante (A3), on observe que cela influe sur la courbe IG(VG) (Figure 44).

Figure 44 : Courant de grille en fonction de la tension appliquée à la grille, mesuré en faisant varier la vitesse de la rampe de tension, pour des capacités ayant subi le recuit A3, ayant une surface de 4.10-8 m².

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3

-20

0

20

40

60

80

100

120

140 (a) K=0.9 V/s K=1.0 V/s K=1.1 V/s K=1.3 V/s K=1.4 V/s

K=0.2 V/s K=0.3 V/s K=0.4 V/s K=0.5 V/s K=0.6 V/s K=0.7 V/s

I G (

pA

)

VG (V)

60

On remarque qu’une bosse de courant apparaît, pour des tensions de grille comprises entre -0,5 V et 2 V. Son amplitude augmente à mesure que la rampe est plus rapide. Enfin, à haut champ (VG>2,5 V), le courant augmente rapidement quand on augmente la tension. Les mêmes mesures ont été effectuées sur les capacités ayant subi un recuit oxydant A31 (Figure 45).

Figure 45 : Courant de grille en fonction de la tension appliquée à la grille, mesuré en faisant varier la vitesse de la rampe de tension, pour des capacités ayant subi le recuit A31 ayant une surface de 4.10-8 m².

On observe un comportement similaire, mais les bosses de courant ont des formes légèrement différentes, et ce sont de véritables pics pour les rampes supérieures à 0,7 V/s. Les maxima de courant sont légèrement supérieurs à ceux notés pour les échantillons issus du recuit A3. Les polarisations donnant lieu à ces bosses de courant sont similaires pour les deux recuits.

II.2. Caractérisation électrique des îlots obtenus par le recuit

d’une couche d’oxyde sur-stœchiométrique en silicium

En se plaçant dans les mêmes conditions que pour les caractérisations présentées dans la partie II.1, des mesures de courant ont été réalisées sur des échantillons élaborés par LPCVD. Comme on l’a déjà évoqué dans la partie I.2., le silicium excédentaire n’est dans ce cas plus issu d’une implantation ionique mais de la formation d’un isolant par LPCVD et avec des paramètres tels qu’il contient intrinsèquement des atomes de silicium excédentaires par rapport à la stœchiométrie du SiO2. Les résultats sont présentés par la Figure 46. Cette fois, on note la présence de deux pics de courant dépendant de la rapidité du balayage en tension sur la grille. Le premier, de faible amplitude, apparaît pour des tensions comprises entre –1,5 et –0,5 V. Le deuxième, bien plus important, et très étroit, est observé lorsque la tension de grille est comprise entre 1 et 2 V.

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3

0

20

40

60

80

100

120

140

160 K=0.9 V/s K=1.0 V/s K=1.1 V/s K=1.3 V/s K=1.4 V/s

K=0.2 V/s K=0.3 V/s K=0.4 V/s K=0.5 V/s K=0.6 V/s K=0.7 V/s

I G (

pA

)

VG (V)

(b)

61

-4 -3 -2 -1 0 1 2

0

20

40

60

80

100 K=0.9 V/s K=1.0 V/s K=1.1 V/s K=1.3 V/s K=1.4 V/s

K=0.2 V/s K=0.3 V/s K=0.4 V/s K=0.5 V/s K=0.6 V/s K=0.7 V/s

I G (

pA

)

VG (V)

Figure 46 : Courant de grille en fonction de la tension appliquée à la grille, mesuré en faisant varier la vitesse de la rampe de tension, pour des capacités élaborées par LPCVD et ayant une surface de 1,42.10-7 m².

II.3. Interprétation des caractéristiques électriques transitoires

Des pics de courant similaires à ceux qui sont décrits dans la partie II.2 ont déjà été reportés dans la littérature. Ils ont donné lieu à plusieurs interprétations et trois d’entre elles ont été examinées pour expliquer l’origine des courants observés dans notre cas : • Une première interprétation fait l’hypothèse que la partie ascendante de la bosse de courant est due à un mécanisme de transport Fowler-Nordheim [Maeda99]. Dans un premier temps, selon cette hypothèse, le courant augmente donc rapidement. De nombreux porteurs sont injectés, et une partie d’entre eux sont stockées dans la structure lors de la mesure. Quand leur nombre est suffisamment important, le champ effectif dans le composant diminue de telle manière que le mécanisme de transport est de nouveau un mécanisme tunnel direct ou assisté par des pièges présents dans les barrières isolantes. Le courant mesuré diminue alors rapidement, car ces modes de transport donnent lieu à des courants dont l’intensité est bien inférieure à celle des courants Fowler-Nordheim. C’est cette diminution qui explique la partie décroissante de la bosse de courant. Ensuite, lorsque tous les lieux de chargement sont saturés en porteurs, le champ électrique augmente à nouveau avec la tension de grille croissante, et le transport est à nouveau assuré par un mécanisme Fowler-Nordheim, donnant un courant dont l’intensité augmente rapidement avec la tension de grille, que l’on peut observer à haut champ sur la Figure 44 et la Figure 45. Cette interprétation rend donc bien compte des variations du courant que l’on observe, mais elle se heurte à deux objections :

∗ Tout d’abord, elle repose sur l’apparition d’un courant Fowler-Nordheim pour une tension de grille de 2 V, ce qui semble incompatible avec l’épaisseur des échantillons étudiés. Celle-ci est au moins supérieure à 7 nm, l’épaisseur nominale de la couche d’oxyde avant implantation. M. Carrada a en outre montré que la couche séparant le substrat du plan d’îlots dans cet échantillon était épaisse d’environ 6 nm [Carrada03]. Cette valeur importante est due au recuit oxydant (A3), qui permet à un certain nombre d’atomes de

62

silicium excédentaires et isolés de former des molécules de SiO2. Leur volume est plus important que celui occupé par les atomes de silicium seuls, ce qui explique le gonflement des couches entourant le plan d’îlots. Dans ces conditions, on peut s’attendre à ce que le mécanisme Fowler-Nordheim devienne prépondérant pour des tensions de grille au moins supérieures à 3 V. C’est d’ailleurs le cas pour la deuxième augmentation du courant observée sur la Figure 44 et sur la Figure 45, que l’on peut donc certainement attribuer au transport Fowler-Nordheim, contrairement à la partie croissante de la bosse de courant.

∗ Cette interprétation doit aussi expliquer pourquoi l’aspect du courant observé pour des tensions de grilles légèrement supérieures à 2 V change quand on fait varier la rampe de tension. S’il s’agit bien d’un courant Fowler-Nordheim, son évolution avec le champ électrique est déterminée à la fois par la forme de la barrière de potentiel et par la tension appliquée entre les deux électrodes. Si, comme on l’observe, l’évolution de ce courant avec la tension de grille dépend de la vitesse avec laquelle on effectue la mesure, cela signifie donc que la forme de la barrière de potentiel et/ou le champ électrique sont modifiés au cours la mesure. L’importance de cette modification dépend de la vitesse de la mesure, ce qui n’a jamais été reporté à notre connaissance dans la littérature. Le plus souvent, on constate que le piégeage de porteurs a pour seule influence le décalage des courbes de courant F.N. vers les tensions positives ou négatives selon le type de porteurs. Par ailleurs, on peut remarquer que les courants Fowler-Nordheim observés pour des tensions de grille supérieures à 3 V ont une dépendance bien plus faible à la vitesse de la mesure. Les hypothèses relatives à la modification de la forme de la barrière et/ou du champ électrique au cours de la mesure ne s’appliquent donc alors plus, ce qui peut poser la question de leur validité.

Ces deux objections nous ont fait par la suite écarter cette interprétation. • La résonance tunnel peut être une autre interprétation de tels pics de courant, ainsi que l’ont formulée M. Fukuda et al. [Fukuda97]. Elle s’appuie sur le fait que lorsque les îlots sont de petite taille, un confinement important apparaît dans les trois dimensions de l’espace. La mécanique quantique montre que dans ces conditions, les porteurs qui y sont placés ne peuvent plus adopter que des énergies discrètes. Un courant ne passe par de tels îlots que si le niveau de Fermi de l’électrode injectante est aligné avec les niveaux d’énergie permis. Il est difficile d’expliquer en quoi la conduction par ces niveaux d’énergie dépendrait de la rampe de tension utilisée. Il s’agit en effet de phénomènes de conduction, que l’on peut a priori observer aussi bien par des mesures statiques que dynamiques. Ni M. Fukuda, ni aucun autre auteur ne semblent d’ailleurs avoir observé que de tels courants dépendent de la vitesse de la mesure. Cette hypothèse n’a donc jamais permis de vérifier expérimentalement l’influence de la rampe sur le courant, et d’un point de vue théorique, rien ne laisse penser qu’elle puisse expliquer les faits expérimentaux décrits précédemment. En conséquence, elle n’a pas été retenue par la suite. • Enfin, la troisième interprétation, qui a été proposée par V. Ioannou-Sougleridis et A. G. Nassiopoulou [Ioannou03] au moment où nous en émettions nous-mêmes l’hypothèse, repose sur la présence d’un courant transitoire de déplacement au cours de la mesure. Il s’agit d’un courant engendré par une modification rapide de la différence de potentiel entre les deux électrodes d’un système capacitif. Si on note cette variation de potentiel dV/dt, on peut mesurer dans les électrodes un courant I tel que :

63

(1) Dans cette expression, C désigne la capacité relative aux électrodes. Ceci signifie dans le cas d’une rampe de tension que plus celle-ci est rapide, plus le courant observé sera important. Cette tendance est en accord avec les courbes présentées précédemment (Figure 44, Figure 45 et Figure 46). Le pic de courant a donc, selon cette hypothèse, une origine radicalement différente des mécanismes évoqués par les interprétations citées précédemment. Les porteurs concernés par ce phénomène ne transitent pas entre le substrat et la grille, et il est par exemple tout à fait envisageable d’observer un tel pic de courant dans une structure aux barrières de potentiel épaisses, qui rendent par ailleurs tout courant de conduction négligeable. Le meilleur moyen de trancher définitivement en faveur de l’hypothèse d’un courant de déplacement est de réaliser des mesures identiques à celle présentées par la Figure 47 sur une structure très épaisse.

40 nm(c)

40 nm(c)

Figure 47 : Coupe schématique des capacités étudiées (a), courant mesuré entre les deux électrodes pour un composant de référence sans îlots (b) et avec îlots (c). Dans ce dernier cas seulement, un courant non nul est observé, qui n'est pas dû à la conduction de porteurs entre les deux électrodes mais à un courant de déplacement [Huang04].

Malheureusement, un tel composant n’a pas été réalisé dans les conditions de recuit oxydant A3. S. Huang et al. ont proposé un exemple qui illustre tout le bénéfice qu’une telle structure peut apporter à l’interprétation [Huang04]. Comme le montre la Figure 47a, ils ont placé des îlots de silicium nitrurés entre une couche d’oxyde très fine (2 nm) et une autre très épaisse (≈ 40 nm). La caractéristique IG(VG) montre pourtant un pic de courant tout à fait similaire à celui que l’on mesure dans notre cas (Figure 47c). Il ne peut être ici question d’un courant de conduction, et seule la présence d’un courant de déplacement peut expliquer les observations. L’analyse de nos données nous a amenés nous aussi à privilégier l’interprétation des pics de courant par les courants de déplacement. La troisième partie de ce chapitre propose de s’appuyer sur elle pour établir un modèle électrique équivalent permettant de l’étayer et d’extraire les paramètres structuraux relatifs à nos dispositifs.

dVI C

dt=

64

III. Modélisation par un circuit électrique équivalent et extraction de paramètres Dans la partie précédente, nous avons proposé d’interpréter les caractéristiques électriques dynamiques particulières observées sur nos échantillons par des courants de déplacement. Une analyse quantitative reposant sur un modèle électrique équivalent à nos structures est maintenant développée au cours de cette partie. Elle permet d’extraire la quantité de charge impliquée par ces pics de courant et de montrer que le nombre de porteurs concernés est indépendant de la rampe, ce qui confirme notre interprétation. Dans un second temps, on peut extraire du modèle la valeur de la capacité reliant les lieux de stockage de la grille. Pour déterminer si ces lieux de chargement correspondent aux îlots, il faut calculer la capacité liant un plan d’îlots à une électrode plane. Si la comparaison de cette valeur avec les résultats expérimentaux est satisfaisante, on peut conclure que le chargement est lié aux îlots. Plusieurs modèles sont proposés pour calculer la capacité entre un plan d’îlots et une électrode plane. Dans un premier temps, nous proposons pour cela des modèles analytiques. Ils reposent sur des relations simples car un certain nombre d’approximations sont faites sur la géométrie du système îlots-grille. La méthode des éléments finis a également été utilisée, grâce au logiciel FEMLAB. Les éléments finis sont connus pour être une approche précise mais assez lourde, et on a cherché à déterminer dans quelle mesure les modèles analytiques étaient suffisants pour calculer la capacité îlots/grille et ainsi conclure quant au lieu de chargement de nos composants.

III.1. Présentation du modèle

Les capacités contenant un plan d'îlots peuvent être modélisées par le circuit électrique équivalent présenté par la Figure 48. L’oxyde de contrôle, séparant la grille du plan d’îlots, est modélisé par une capacité notée CCF. L’oxyde tunnel, séparant les îlots du substrat, est modélisé par une capacité notée CFS en parallèle avec une résistance RFS. Ces deux composants en parallèle sont couramment utilisés pour modéliser une jonction tunnel, car bien qu’une telle jonction adopte un comportement capacitif (en accumulant des charges à chacune de ses extrémités lorsqu’elle est polarisée), elle laisse par ailleurs passer du courant par effet tunnel, ce dont rend compte la résistance. Celui-ci étant faible, on donne généralement une valeur élevée à RFS. L’approximation faite par une telle représentation tient au fait que la valeur de la résistance n’est en réalité pas constante, mais dépend de l’énergie des porteurs qui y sont injectés, c’est- à-dire de la polarisation de la jonction.

65

Grille

Substrat

Grille flottante QFG

QCF

-QCF

QFS

-QFS

CCF

CFS RFS

VCF

VFS

Figure 48 : Schéma électrique équivalent d’une capacité contenant un plan d’îlots.

Les potentiels sont reliés entre eux par la relation : (2) Les charges QCF, QFG et QFS peuvent s’écrire en fonction des différences de potentiel :

(3) Lorsque la grille est polarisée de façon dynamique, et que la grille flottante se charge, le courant tunnel de chargement est compensé par un courant de déplacement pouvant être mesuré sur la grille et dont l’intensité s’écrit : (4) On en déduit la valeur de la charge mise en jeu dans ce courant en intégrant cette relation par rapport au temps : (5) Dans cette relation, V1 et V2 sont respectivement les potentiels appliqués à la grille aux instants t1 et t2. On considère que dVG/dt est constant et on note K sa valeur ; on peut alors écrire : (6)

FS FS FS

CF CF CF

FG FS CF

Q C .V

Q C .V

Q Q Q

⎧ =⎪⎪ =⎨⎪ = −⎪⎩

CF CFCF

dQ dVI C

dt dt= =

2 2

1 1

t Vt VCF G CF G G

G

dtdQ I .dt Q I .dt I .dV

dV= ⇒ = =∫ ∫

2

1

V-1VCF G GQ K . I .dV= ∫

G CF FSV V V= +

66

Il est intéressant de calculer QCF à partir des courants mesurés pour plusieurs valeurs de rampes, dans le but de vérifier que le pic de courant correspond bien à un courant de chargement dû au transfert d’un certain nombre de porteurs entre le substrat et le plan d’îlots. Si cette interprétation est juste, quelle que soit la vitesse de la mesure, on devrait trouver une charge identique, du moins tant qu’on applique des vitesses de rampes suffisamment lentes pour que la couche d’inversion ait le temps de se former dans le substrat. De plus, un tel calcul permet de connaître le nombre de charges stockées au cours de ce processus, afin de déterminer si un tel chargement est quantitativement suffisant dans la perspective de la réalisation de mémoires Flash, dont la fenêtre mémoire doit être suffisamment large pour assurer la distinction entre les états ''écrit'' et ''effacé''.

III.2. Extraction de la charge stockée dans la capacité au cours de

la mesure

III.2.a) Description du mode opératoire et étude préliminaire Pour calculer la charge QCF et vérifier qu’elle ne dépend pas de la rampe, il est nécessaire de séparer le courant de déplacement du courant de conduction. On peut écrire que IG=Idéplacement+Iconduction et comme pour les rampes les plus faibles (K≤0,1 V/s) on a Idéplacement≈0, il suffit de retrancher le courant correspondant à la rampe de tension la plus lente à tous les autres courants. En effet, si pour K≤0,1 V/s, on a IG≈Iconduction, et donc :

Idéplacement(K>0,1 V/s)= IG(K>0,1 V/s)- IG(K≤0,1 V/s) C’est ce courant de déplacement que l’on va intégrer, par exemple entre les tensions de grille qui correspondent au début et à la fin de la bosse de courant. Pour chaque rampe de tension, il suffit alors d’intégrer le courant de déplacement par rapport à la tension de grille, sur la plage de tension correspondant à la bosse de courant. Afin de vérifier la conservation de la charge impliquée dans le courant de déplacement quelle que soit la rampe, on a réalisé cette intégration pour de nombreuses valeurs de rampes, comprises entre 0,1 et 4,5 V/s. Ce travail expérimental préliminaire a permis de déterminer les paramètres qui permettaient de se placer dans des conditions optimales, par rapport à la capacité des appareils de mesure à acquérir rapidement des valeurs de courants de l’ordre du picoampère. La Figure 49 montre le résultat de l’intégration du courant, noté P, reporté en fonction de la rampe (notée K) pour des capacités de surface 10-8 m² ayant subi un recuit A31. Cette surface est la plus petite disponible parmi les différents échantillons caractérisés, et de ce fait, c’est elle qui donne les courants les plus faibles. Ainsi, toute conclusion par rapport à la résolution des appareils de mesure peut être appliquée a fortiori pour les capacités de surfaces supérieures. On peut remarquer que les points semblent alignés lorsque la rampe est comprise entre 0,1 V/s et 2 V/s. Pour des rampes plus élevées, le produit de l’intégration est sous-linéaire par rapport à la droite de régression correspondant aux rampes les plus faibles. Ce comportement

67

peut trouver son origine dans la limite de résolution des appareils de mesure. Il est également possible que la rapidité de la mesure ne permette plus de réaliser complètement le processus de chargement .Pour des rampes plus faibles que 0,1 V/s, il devient trop difficile de discerner le courant transitoire du courant de conduction ; en d’autres termes le rapport signal/bruit n’est plus suffisamment grand pour pouvoir donner des valeurs justes pour le courant de déplacement.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5

0

20

40

60

80

100P = 2.41785.10-11 x K

P (

pV

.A)

K (V/s)

Figure 49 : Résultat de l’intégration du courant de déplacement (P) en fonction de la rampe (K) utilisée pour mesurer le courant de grille. Ces calculs ont été réalisés pour des capacités ayant subi le recuit oxydant A31, et de surface 10-8 m². Les mesures de courant ont été réalisées à l’aide d’un pico-ampèremètre Keithley 4200 SCS.

Par la suite, seules des rampes comprises entre 0,1 V/s et 1,5 V/s seront utilisées. Ce n’est en effet que pour de telles valeurs que des résultats absolument similaires et reproductibles ont été obtenus pour les différents appareils de mesure utilisés. Il est intéressant de déterminer la valeur de la pente de la droite passant par les points obtenus pour les rampes les plus faibles, comme cela a été fait sur la Figure 49. Dans ce cas, on trouve K x 10.242,2 P 11−≈ . Ce coefficient directeur correspond à la valeur de la charge qui engendre les courants de déplacement observés. Les droites obtenues passent par l’origine, ce qui était attendu d’après le modèle électrique. En effet, pour une rampe nulle, il est tout à fait normal de trouver une charge nulle elle aussi. Il est intéressant de déterminer si la charge mise en jeu dans ce processus a un ordre de grandeur comparable à celui de la densité d’îlots. Bien sûr, rien ne permet d’affirmer que le chargement se fait dans les îlots, et il ne s’agit là que de vérifier que le chargement est compatible avec l’hypothèse du chargement des îlots par quelques électrons. On peut déterminer que les bosses de courant sont dues au déplacement d’une densité de charges moyenne D telle que : (7) Des études TEM menées sur ce type d’échantillon ont montré, malgré la difficulté de ce type de décompte, que la densité d’îlots était dans des conditions de recuit oxydant de l'ordre de 1,5.1012 cm-2 [Carrada03]. On peut donc dire que la densité de charge impliquée dans les courants de déplacement calculés pour le recuit A31 est proche de la densité d’îlots présents

-112 2Q K .P

D 1,5.10 cmq.S q.S

−= = ≈

68

dans ces échantillons. Si le chargement se produit dans les îlots, cela signifie qu’en moyenne, un électron est stocké par îlot.

III.2.b) Résultats et interprétation Ce travail préliminaire une fois terminé, la méthode de calcul de la charge présentée précédemment a été appliquée aux caractéristiques dynamiques déjà présentées dans la partie II de ce chapitre, correspondant aux échantillons issus de l’implantation de silicium et ayant subi les recuits A3 (Figure 44) et A31 (Figure 45), ainsi qu’à ceux qui ont été élaborés à partir d’un isolant contenant des atomes de silicium excédentaires élaboré par LPCVD (Figure 46). La Figure 50 montre le résultat de l’intégration de la densité de courant, noté PS, reporté en fonction de la rampe (notée K) pour les trois types d’échantillons étudiés dans ce chapitre.

C’est cette fois la densité de courant qui a été intégrée, dans le but de pouvoir comparer la charge mise en jeu dans les trois échantillons étudiés. En effet, en passant par les densités de courant, les surfaces respectives des capacités MOS n’interviennent pas dans les résultats obtenus, et l’information que l’on peut extraire de ces courbes concerne une densité surfacique de charge. On constate que les bosses de courant observées dans les échantillons pour lesquels les îlots sont obtenus par implantation (A3 et A31) concernent un nombre de porteurs bien plus important que dans le cas des échantillons obtenus à partir de SiOX LPCVD contenant du silicium excédentaire. Il suffit de diviser la pente des droites de régressions tracées sur la Figure 50 par la charge élémentaire d’un électron pour obtenir la densité de charge impliquée dans les pics de courant. Les résultats des calculs pour chaque échantillon se trouvent dans le Tableau 4. Ils confirment qu’une densité de charge bien plus importante est stockée dans les échantillons élaborés par implantation que dans ceux qui le sont par LPCVD.

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.20.0

1.0x10-3

2.0x10-3

3.0x10-3

4.0x10-3

SiOX LPCVD

P=2,339.10-4 x K

Si implanté + recuit A31

P=3,324.10-3 x K

Si implanté + recuit A3

P=3,157.10-3 x K

PS (

V.A

/m

²)

K (V/s)

Figure 50 : Résultat de l’intégration de la densité de courant de déplacement (PS) en fonction de la rampe (K) utilisée pour mesurer le courant de grille. Ces calculs ont été réalisés pour les trois types d’échantillons décrits dans la première partie de ce chapitre.

69

SiOX LPCVD Implantation + A3 Implantation + A31

PS (V.A.m-2) 2,339.10-4 3,157.10-4 3,324.10-4 D (cm-2) 1,5.1011 2,0.1012 2,1.1012

Tableau 4 : Valeurs des intégrales du courant de déplacement (PS) effectuée sur la Figure 50 et de la densité de charges correspondantes (D), pour les trois types d’échantillons étudiés.

La partie III.2.a. montre le calcul effectué pour une capacité de petite taille (10-8 cm2), élaborée par implantation et ayant subi un recuit A31 (Figure 49). La densité trouvée est 1,5.1012 cm-2, alors que pour les capacités étudiées ici, de surface 4.10-8 cm2, on obtient une densité de 2,1.1012 cm-2. Pour expliquer cette différence, le premier argument que l’on peut avancer est d’ordre métrologique. En effet, les appareils de mesure ne sont pas les mêmes dans les deux cas : c’est un Keithley 4200 qui est à l’origine de l’intégration présentée par la Figure 49 alors que pour la Figure 50, c’est un Keithley 595. Ce dernier a une moindre résolution sur les bas courants, mais ceci ne devrait pas aboutir à une telle différence dans les résultats. En revanche, les différences trouvées entre les densités de charges injectées peuvent résulter de la présence d’îlots de plus grosse taille. Si la probabilité de les trouver est faible, leur présence est tout de même statistiquement plus probable dans les capacités ayant des surfaces importantes. Leur taille importante pourrait permettre de stocker plusieurs charges dans chacun d’eux. A densité égale, de tels îlots sont par conséquent susceptibles d’augmenter la densité de charges stockées dans la structure. Cette analyse a montré quantitativement les aptitudes des différentes capacités à retenir des charges au cours des balayages en tension. Nous nous attachons par la suite à préciser qualitativement le lieu physique où ces porteurs sont stockés. En effet, à ce stade, rien ne permet de déterminer si les porteurs sont chargés dans les îlots ou si au contraire ils sont capturés par des pièges présents dans le volume où à l’interface isolant/substrat, par exemple. Pour tenter de remédier à cela à partir des mesures de courant de déplacement, il est possible d’extraire un paramètre important, qui est la capacité liant le lieu de stockage au substrat. On peut ainsi déterminer la profondeur à laquelle sont localisés les porteurs responsables du chargement et c’est l’objet de la partie suivante.

III.3. Détermination du lieu de stockage

III.3.a) Extraction de la valeur de la capacité grille de contrôle/grille flottante à partir les courants transitoires

Si on reprend le modèle électrique utilisé précédemment (Figure 48), on a QFG=QFS-QCF , ce qui permet d’écrire : (8) FG FS FS CF CFQ C V C V= −

70

(9) (10) (11) (12) Lorsque le courant de déplacement est établi, le chargement peut être considéré comme un processus quasi-statique. La variation du nombre de charges stockées dans la structure (noté dQFG) est alors égale à l’opposé de la variation de la charge dQCF. Ainsi, (13) (14) (15) (16) (17) (18)

(19) Cette expression indique que lorsque l’équilibre quasi-statique dQFG=dQCF est atteint, le courant tunnel (dont l’intensité est égale à dQFG/dt) donne lieu à un courant de déplacement d’intensité –K.CCF, où K est la vitesse de la rampe de tension appliquée à la grille. Un chargement en électrons (QFG<0) aboutit donc à un courant de déplacement positif.

CF CF FS CF FS

CF FS CF FS CF FS

C C C C COr 1

C C C C C C

⎛ ⎞ + −− = =⎜ ⎟⎜ ⎟+ + +⎝ ⎠

FG FS FSCF

CF FS CF FS

dQ C CDonc K.C

dt C C C C

⎛ ⎞ ⎛ ⎞= −⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎜ ⎟ ⎜ ⎟+ +⎝ ⎠ ⎝ ⎠

FGCF

dQAinsi, K.C

dt= −

( )FS FG FS FGCF FS G CF

CF CF CF CF

C Q C QV V V V

C C C C⇒ = − = − −

FS FS FGCF G

CF CF CF

C C QV 1 V

C C C

⎛ ⎞⇒ + = −⎜ ⎟⎜ ⎟

⎝ ⎠

CF FS FGCF G

CF FS CF CF

C C QV V

C C C C

⎛ ⎞⇒ = −⎜ ⎟⎜ ⎟+ ⎝ ⎠

FS FGCF G

CF FS CF FS

C QV V

C C C C⇒ = −

+ +

FG CFFG CF

dQ dQdQ dQ 0 0

dt dt+ = ⇒ + =

FG CFCF

dQ dVC 0

dt dt⇒ + =

FG FS G CF FGCF

CF FS CF FS

dQ C dV C dQ C

dt C C dt C C dt⇒ = − +

+ +

FG CF FS GCF

CF FS CF FSK

dQ C C dV 1 C

dt C C C C dt

⎛ ⎞⇒ − = −⎜ ⎟⎜ ⎟+ +⎝ ⎠

71

Comme, dans notre cas, K.CCF est constant par rapport au temps, cet équilibre implique la nullité de la dérivée du courant : (20) Dans le cas des courants que l’on observe expérimentalement, cela correspond aux maxima locaux des bosses de courant. L’expression qui découle de l’équilibre électrostatique implique donc que la valeur maximale du sur-courant soit proportionnelle à la rampe. La constante reliant ces deux variables est CCF, la capacité de l’oxyde de contrôle. Dans un premier temps, l’étude préliminaire de la partie III.2.a. a été utilisée pour vérifier que les paramètres introduits dans le calcul de la charge injectée dans les échantillons peuvent être utilisés pour mesurer les maxima de courant de déplacement. La Figure 51 montre la valeur des maxima des pics de courant en fonction de la vitesse de balayage utilisée pour polariser la grille de capacités contenant des îlots formés par implantation et ayant subi un recuit A31. Pour les rampes inférieures à 2 V/s, on obtient une droite, comme prévu par le modèle électrique. De nombreux points ont été considérés et leur alignement est remarquable. Pour des vitesses de balayage plus élevées, les points sont de plus en plus éloignés de la droite à mesure qu’on augmente K. Les rampes comprises entre 0,1 V/s et 1.5 V/s sont donc adaptées à l’étude des maxima du courant de déplacement. D’après le modèle, la pente de la droite permet d’obtenir la valeur de la capacité de la barrière séparant la grille du lieu de stockage des charges mises en jeu par le courant de chargement. Dans notre cas, on trouve CCF=34,38 pF.

0 1 2 3 4 50

25

50

75

100

125

150

175

200

IMAX=34,38.K + 26.76

I MA

X (

pA

)

K (V/s)

Figure 51 : Maxima des pics de courant en fonction de la rampe appliquée à la grille. Ces calculs ont été réalisés pour des capacités ayant subi le recuit oxydant A31.

On remarque en outre que la droite qui passe par les points correspondant aux rampes les plus faibles ne passe pas par l’origine. Ceci est tout à fait compatible avec le mode opératoire choisi, étant donné que l’on n’a pas enlevé le courant de conduction pour ne garder que le courant de déplacement. Comme on l’a précédemment évoqué, la composante dynamique du courant dépend de la rampe. C’est donc elle qui est en rapport avec le coefficient directeur de la droite de régression. La composante statique est indépendante de la rampe et, comme les

( )2CFFG

2

d K.Cd Q0

dtdt= =

72

maxima de courant apparaissent toujours pour des tensions de grille proches, on peut considérer la valeur du courant de conduction comme étant quasi-constante. Cette composante statique correspond par conséquent à l’ordonnée à l’origine de l’équation de la droite de régression. Ces considérations faites, comparons les extrema de courant pour les trois échantillons étudiés dans ce chapitre. Là encore, pour pouvoir comparer les échantillons entre eux, c’est en fait la densité de courant maximale (notée JMAX) qui doit être représentée en fonction de la rampe (Figure 52). Pour chacun des échantillons étudiés, on peut tracer une droite passant par les points ou tout au moins suffisamment près d’eux pour rendre la régression satisfaisante. Le mode opératoire choisi ne comprend pas la soustraction du courant de conduction. Comme on l’a déjà évoqué, ceci explique que les courbes ne passent pas par l’origine. Cela permet en revanche une meilleure précision, car le fait de soustraire le courant de conduction introduit des incertitudes dans les courants considérés et explique pourquoi le calcul de la charge injectée présenté sur la Figure 50 aboutit à une dispersion des points légèrement supérieure par rapport au cas présent (Figure 52).

0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,40,0

1,0x10-3

2,0x10-3

3,0x10-3

4,0x10-3 SiOx LPCVD

JMAX

=4,696.10-4xK+8,271.10-5

Si implanté + recuit A31

JMAX

=3,403.10-3xK-5,019.10-4

Si implanté + recuit A3

JMAX

=2,406.10-3xK-5,617.10-4

J MA

X (

A/

m²)

K (V/s)

Figure 52 : Maxima des pics

de densité de courant en

fonction de la rampe

appliquée à la grille, pour

les trois types d’échantillons

décrits dans la première

partie de ce chapitre. En

trait plein, on peut voir les

droites de régression

passant au plus prés des

points représentés.

Selon le modèle, les pentes trouvées sur la Figure 52 sont égales aux capacités surfaciques (notées CCF,S) liant la grille aux lieux de stockage des porteurs mis en jeu dans le processus transitoire observé. On remarque que la valeur de CCF,S est plus élevée pour les échantillons issus de l’implantation que pour ceux qui sont élaborés par LPCVD. Deux interprétations peuvent être avancées : la première tient au fait que l’isolant séparant les îlots de la grille est plus épais dans le cas des échantillons élaborés par LPCVD (8 nm) que dans le cas des échantillons fabriqué par implantation (5 nm). En effet, plus une couche d’isolant est épaisse, plus sa capacité est faible. On peut également invoquer la plus faible densité de lieux de chargement, que l’on peut déduire du calcul de la charge réalisé dans la partie III.2 de ce chapitre. On peut en effet supposer que les lieux de chargement sont discrets, qu’il s’agisse de pièges situés dans le volume de l’isolant ou des îlots eux-mêmes. La capacité d’une couche d’isolant ne dépend pas seulement de son épaisseur, mais elle est également proportionnelle à sa surface. La capacité surfacique CCF,S dépend donc de la surface efficace couverte par les pièges

73

responsables du stockage des charges. Cette surface efficace dépend de la densité surfacique des pièges considérés, mais aussi de leur section de capture. Ainsi, la faible capacité surfacique notée dans le cas des dispositifs élaborés par LPCVD peut trouver son origine dans la densité plus faibles des lieux de chargement qu’elles contiennent, ou par leur faible section efficace. Les courbes présentées sur la Figure 52 montrent également qu’en ce qui concerne les capacités contenant des îlots provenant de l’implantation de silicium, le recuit A3 aboutit à une valeur de CCF,S plus faible que le recuit A31. Or le recuit A3 représente un budget thermique inférieur au recuit A31. En effet, comme le montre le Tableau 1, le recuit A31 diffère du recuit A3 par les conditions d’entrée des échantillons dans le four. Cette phase, réalisée sous atmosphère inerte (N2), précède le recuit oxydant proprement dit. La durée de cette phase préliminaire est plus longue et sa température est plus élevée au cours du recuit A31 que pour le recuit A3. On peut là encore considérer qu’une capacité surfacique plus faible entre la grille et les lieux de stockage peut être due soit à une densité surfacique plus faible des îlots, soit à leur diamètre inférieur. Pourtant, sur des échantillons identiques, il a été démontré expérimentalement que la température du recuit sous atmosphère inerte n’a qu’une influence limitée sur les caractéristiques structurales de la population d’îlots [Carrada03]. Ceci est dû au fait que la longueur de diffusion du silicium est très faible, a fortiori pour des températures aussi faibles que celles utilisées ici pour l’entrée dans le four, 400°C pour le recuit A3 et 600°C pour le recuit A31 (Tableau 1). Ainsi, en ce qui concerne les implications structurales des valeurs de capacité entre la grille et les lieux de chargement, on peut dire qu’il est difficile de conclure à une augmentation de la surface couverte par les îlots ou de leur densité surfacique. Il est nécessaire d’évaluer quantitativement les différences que l’on peut attendre au niveau des caractéristiques de la population des îlots entre les recuits A3 et A31 pour aboutir aux différences des valeurs de CCF observées sur les échantillons. C’est cette évaluation qui fait l’objet de la partie suivante, qui propose de modéliser la capacité CCF en fonction des paramètres structuraux de la couche de nanocristaux. Ainsi, il peut être possible de déterminer si ce sont bien ces paramètres (taille des îlots et densité surfacique) qui influent sur les caractéristiques du chargement. Dans le cas contraire, on aura mis en évidence que ce ne sont pas les îlots qui sont le lieu de stockage des porteurs injectés au cours des mesures de courants transitoires.

III.3.b) Détermination de la capacité CCF séparant un plan d’îlot d’une grille métallique à partir du modèle simple du taux de recouvrement

Dans un premier temps, nous avons utilisé un modèle analytique simple pour déterminer la capacité CCF liant un plan d’îlots et une grille métallique. Dans le cas d’une grille flottante continue, c’est-à-dire d’une couche de polysilicium comme celles que l’on trouve entre le canal et la grille d’une mémoire FLASH conventionnelle par exemple, on peut déterminer très

74

simplement la valeur de CCF. En effet, si on fait l’hypothèse que la couche d’isolant placée entre la grille et la grille flottante est un oxyde parfait d’épaisseur dCF, on a : (21) où εr et ε0 sont respectivement la permittivité relative du SiO2 et la permittivité du vide et S est la surface de la capacité mesurée. Dans le cas des composants que l’on a étudiés, que les électrons soient stockés dans les îlots ou dans des pièges situés dans le volume d’isolant qui les entoure, il n’est plus possible de modéliser ce lieu de chargement comme une couche de matériau semi-conducteur ayant une surface identique à celle de la capacité. Dans le cas d’un chargement dans les îlots, on peut calculer la surface de la grille flottante en déterminant la surface totale recouverte par les îlots. Il est alors possible de calculer la capacité reliant la grille au plan d’îlot, en divisant la structure en deux capacités [Busseret01]. L’une ne contient pas d’îlots et l’autre, dont la surface équivaut à celle qui est couverte par les îlots, contient une couche de silicium continue, comme le montre le schéma présenté par la Figure 53.

Pour décrire les structures, on peut introduire une variable α, appelée taux de recouvrement et qui est égale à la surface couverte par les îlots divisée par la surface totale de la capacité MOS : (22) La surface couverte par les îlots est calculée en estimant la surface se trouvant en regard de la grille, c’est-à-dire l’aire de la demi-sphère ayant le même rayon que les îlots :

Figure 53 : Représentation schématique de la modélisation d’une capacité contenant des

nanocristaux par deux capacités en parallèle. Sîlot est obtenu en calculant la portion de surface

de la capacité pour laquelle les îlots sont en regards avec la grille. Soxyde représente le reste de

la surface de la capacité, pour laquelle la grille n’est en regard d’aucun îlot [Busseret01].

ilots

totale

SS

α =

r 0CF

CF

ε εC S

d=

75

(23) où ∅ est le diamètre moyen des nanocristaux. La capacité CCF peut alors s'écrire comme la capacité d'un plan de silicium continu mutlipliée par le facteur α : (24) Notons que si α=1, il y a recouvrement total et on se trouve dans le cas d'une grille flottante continue. Si α=0, il n'y a aucun îlot dans la structure et sa capacité se calcule comme celle d'une capacité MOS classique. Dans le cadre de ce modèle, on voit que la variation de la capacité CCF peut avoir pour origine une ou plusieurs des causes suivantes :

1) La variation de la densité des îlots, qui fait varier α; 2) La variation de leur diamètre, qui fait également varier α; 3) La variation de l’épaisseur dCF de la couche qui les sépare de la grille, ou la variation

de la permittivité relative εCF de cette couche, qui peut être modifiée par la présence de silicium excédentaire.

Le 3ème point évoqué dans cette énumération a une influence importante sur la capacité totale de la structure. Par la suite, nous fixerons les paramètres dCF et de εCF de manière à ce que la capacité totale de la structure soit proche des valeurs de COX mesurées sur les structures étudiées. Ces valeurs de COX représentent la capacité totale des composants en condition d’accumulation et elles sont mesurées dans la quatrième partie de ce chapitre. Lorsque des images TEM sont présentes, il est possible de fixer de manière encore plus précise les épaisseurs des couches. C’est certainement pour ce paramètre que la meilleure précision est atteinte par la microscopie électronique en transmission, alors que la détermination de la densité et du diamètre des îlots est généralement plus difficile [Carrada03]. Dans ces conditions, seules les variables évoquées dans les deux premiers points de l’énumération précédente seront considérées. La modélisation de CCF va donc être réalisée dans deux cas. Premièrement, nous fixerons la densité d’îlots et nous ferons varier leur diamètre. Dans un deuxième temps, ce sera le diamètre qui sera fixé et la densité qui sera variable. Un ensemble de valeurs de CCF sera alors disponible avec différentes valeurs pour les paramètres densité et diamètre. En comparant ces valeurs de CCF aux valeurs expérimentales nous pourrons alors conclure sur la pertinence de l’hypothèse d’un chargement dans les îlots.

i. Evaluation du diamètre compatible avec une densité d’îlots fixée

Dans un premier temps, fixons la densité d’îlots (notée D) à partir des données structurales. Pour les composants élaborés à partir d’une couche de SiOX LPCVD, en l’absence de résultats structuraux, c’est la densité de charge calculée dans la partie III.2 qui sera prise en compte, ce

r 0CF totale

CF

.C S

dε ε

= α

2

ilotsS 22

⎛ ⎞∅= π ⎜ ⎟⎝ ⎠

76

qui revient à faire l’hypothèse d’un électron stocké par îlot. En ce qui concerne les échantillons implantés, c’est la densité d’îlots évaluée à partir de l’analyse TEM en vue plane [Carrada03] qui sera utilisée. Dans le Tableau 5, les paramètres expérimentaux sont comparés aux valeurs qu’il est nécessaire d’introduire dans le modèle pour obtenir des valeurs de COX et de CCF identiques à celles que l’on obtient par caractérisation électrique. En ce qui concerne les structures dont l’élaboration consiste à créer une couche de SiOX par LPCVD, on remarque tout d’abord qu’il existe une différence très importante entre l’épaisseur d’oxyde de grille dCF visée lors de l’élaboration et celle que l’on peut déduire des mesures de COX. Des images TEM, seraient nécessaires pour infirmer définitivement les valeurs de dCF indiquées par l’élaborateur.

Il est tout de même peu probable d’imaginer que les épaisseurs réelles des couches équivalent celles qui ont été visées, étant donnée la valeur de COX mesurée (cf partie III.2.). Un oxyde de grille de 8 nm aboutirait à une capacité en accumulation comprise entre 306,5 pF (α=0, absence de lieu de stockage) et 388 pF (α=1, grille flottante continue). La valeur expérimentale COX=198 pF se trouve bien en dehors de cet intervalle, et l’épaisseur de l’oxyde de grille donnée par le modèle est par conséquent plus crédible.

SiOX LPCVD Implantation + A3 Implantation + A31

Valeurs

exp. Modèle

Valeurs exp.

Modèle Valeurs

exp. Modèle

D (1011 cm-2) 1,5(a) 1,5 15(c) 15 15(c,f) 15

dCF (nm) 8(b) 17,7 5(c) 5 5(c,f) 5 dFS (nm) 3(b) 3 6,1(c) 6,1 6,1(c,f) 6,4 dSi (nm) 5(b) 5 2,3(c) 2,3 2,3(c,f) 2,3 ∅ (nm) 5(b) 10,1 2,2(c) 3,9 2,2(c,f) 4,6 COX (pF) 198(d) 198,01 108(d) 107,77 107(d) 107,14 CCF (pF) 66,69(e) 66,74 96,24(e) 96,48 136,14(e) 136,17 (a) Valeur issue du calcul de la charge injectée pendant le transitoire de courant, présenté dans la partie III.2 de ce chapitre.

(b) Dimensions visées au cours de l’élaboration du lot 9546P (LETI).

(c) Valeur issue d’une étude par microscopie en transmission des échantillons élaborés par implantation et soumis à un recuit A3

[Carrada03].

(d) Valeur obtenue par caractérisation électrique quasi-statique, issue des courbes présentées dans la partie IV de ce chapitre.

(e) Valeur obtenue par la modélisation en circuit électrique équivalent, présenté dans la partie III.3.

(f) Cette valeur est identique à celle donnée pour le recuit A3, aucune analyse TEM n’ayant été réalisée sur les composants ayant subi le

recuit A31. Etant données les différences qui existent entre ces deux recuits, il n’est pas attendu de différences structurales importantes

entre les composants ayant subi l’un d’eux [Carrada03].

Tableau 5 : Comparaison entre les paramètres expérimentaux et ceux qu’il est nécessaire d’entrer comme variable dans le modèle pour aboutir à des valeurs de COX et de CCF compatibles avec les mesures électriques. Cette comparaison est réalisée pour les trois types d’échantillons étudiés dans ce chapitre et dans chaque cas, la densité des lieux de chargement est considérée comme un paramètre fixe. Les divergences les plus notables sont reportées en rouge et discutées dans le texte.

77

Une divergence très importante est aussi à noter en ce qui concerne le diamètre des îlots (∅ ). Dans l’hypothèse de nanocristaux sphériques, leur diamètre serait approximativement égal à l’épaisseur de la couche d’ilots, soit 5 nm. Le modèle donne lui un diamètre de 10,1 nm. Il est donc nécessaire que les îlots aient une forme oblongue pour respecter cette dimension car, dans ce cas, il est tout à fait concevable que le diamètre moyen des îlots soit plus important que leur hauteur, comme le montre le schéma représenté sur la Figure 54. Notons que cette forme est souvent observée pour les îlots

élaborés par LPCVD, ce qui ne remet donc pas en cause la densité utilisée pour déterminer les dimensions des îlots. Dans le cas des échantillons obtenus par implantation et recuit de type A3, on remarque qu’un seul paramètre diffère des valeurs expérimentales. Il s’agit du diamètre moyen des îlots, évalué par le modèle à 3,9 nm contre 2,2 nm pour les images TEM. Cette divergence est trop importante, car elle dépasse largement l’incertitude absolue sur la mesure du diamètre moyen des nanocristaux, qui est de ±0,5 nm [Carrada03]. La densité fixée pour les calculs apparaît donc trop faible. On attend peu de différences structurales entre les résultats relatifs aux recuits A3 et A31. Pour ce dernier, on remarque néanmoins que la caractérisation électrique donne des valeurs expérimentales de CCF différente du recuit A3 ; des différences structurales doivent donc justifier ces observations. Si on considère que les lieux de chargement ont une densité identique quel que soit le recuit, alors leur diamètre doit passer de 3,9 nm à 4,6 nm entre le recuit A3 et le recuit A31 pour corroborer l’augmentation de CCF. On peut penser que le recuit A31, plus long, permet au processus de croissance des îlots d’arriver à un stade plus proche de son terme, aboutissant ainsi à la formation d’îlots légèrement plus gros en agglomérant plus de silicium excédentaire que lors du recuit A3. Cette hypothèse est d’ailleurs à rapprocher de la valeur de l’épaisseur de l’oxyde tunnel, qui est de 6,4 nm selon le modèle et est donc plus importante que dans le cas du recuit A3 (6,1 nm). Ceci peut signifier que plus d’atomes excédentaires de silicium sont consommés au cours du recuit A31 que lors du recuit A3, ce qui peut être vu comme une diffusion accrue des atomes de silicium dans la matrice. Néanmoins, un diamètre de 4,6 nm représente plus du double de la valeur mesurée à partir des images TEM. Ces images correspondent certes à un recuit A3, mais on ne s’attend pas à de telles différences entre les deux recuits oxydants, et la valeur de densité peut encore une fois être désignée comme étant à l’origine de ce résultat inattendu. Concernant les îlots élaborés par LPCVD, la densité fixée donne donc des dimensions plausibles pour les îlots. En revanche, l’interprétation des divergences entre les valeurs expérimentales et les paramètres entrés dans le modèle pour vérifier les caractéristiques électriques ne permet donc pas d’avancer des conclusions satisfaisantes sur le plan structural pour les îlots élaborés par implantation. Il est donc nécessaire d’étudier l’influence de l’autre paramètre important dans la détermination de CCF, à savoir le diamètre des îlots.

dSi

dSi

Figure 54 : Représentation

schématique d’un îlot oblong,

avec ses dimensions.

78

ii. Evaluation de la densité d’îlots compatible avec un diamètre fixé

Cette fois, le diamètre des îlots a été fixé avec des valeurs issues des images TEM (structures élaborées par implantation) ou avec les valeurs visées lors de la fabrication des échantillons (SiOX LPCVD). Dans le Tableau 6, les paramètres expérimentaux sont comparés aux valeurs qu’il est nécessaire d’introduire dans le modèle pour obtenir des valeurs de COX et de CCF identiques à celles que l’on obtient par caractérisation électrique. Les échantillons dont le processus d’élaboration est basé sur la réalisation d’une couche de SiOX par LPCVD donnent lieu, là encore (cf i.), à une divergence importante entre l’épaisseur d’oxyde de grille (dCF) visée par le procédé d’élaboration et la valeur donnée par le modèle. Celle ci est identique à la valeur considérée lorsque c’est la densité d’îlots qui est fixée. SiOX LPCVD Implantation + A3 Implantation + A31

Valeurs

exp. Modèle

Valeurs exp.

Modèle Valeurs

exp. Modèle

∅ (nm) 5(a) 5 2,2(c) 2,2 2,2(c,f) 2,2

dCF (nm) 8(a) 17,7 5(c) 5 5(c,f) 5 dFS (nm) 3(a) 3 6,1(c) 6,1 6,1(c,f) 6,4 dSi (nm) 5(a) 5 2,3(c) 2,3 2,3(c,f) 2,3 D (1011 cm-2) 1,5(b) 6,12 15(c) 45,82 15(c,f) 64,82 COX (pF) 198(d) 198,5 108(d) 107,77 107(d) 107,14 CCF (pF) 66,69(e) 66,69 96,24(e) 96,23 136,14(e) 136,13 (a) Dimensions visées au cours de l’élaboration du lot 9546P (LETI).

(b) Valeur issue du calcul de la charge injectée pendant le transitoire de courant, présenté dans la partie III.2 de ce chapitre. (c) Valeur issue d’une étude par microscopie en transmission des échantillons élaborés par implantation et soumis à un recuit

A3 [Carrada03]. (d) Valeur obtenue par caractérisation électrique quasi-statique, issue des courbes présentées dans la partie IV de ce chapitre. (e) Valeur obtenue par la modélisation en circuit électrique équivalent, présenté dans la partie III.3. (f) Cette valeur est identique à celle donnée pour le recuit A3, aucune analyse TEM n’ayant été réalisée sur les composants

ayant subi le recuit A31. Etant données les différences qui existent entre ces deux recuits, il n’est pas attendu de différences

structurales importantes entre les composants ayant subi l’un d’eux [Carrada03].

Tableau 6 : Comparaison entre les paramètres expérimentaux et ceux qu’il est nécessaire d’entrer comme variable dans le modèle pour aboutir à des valeurs de COX et de CCF compatibles avec les mesures électriques. Cette comparaison est réalisée pour les trois types d’échantillons étudiés dans ce chapitre, et dans chaque cas, le diamètre moyen ∅ est considéré comme un paramètre fixe. Les divergences les plus notables sont reportées en rouge et discutées dans le texte.

Quels que soient les autres paramètres considérés, il semble que l’oxyde de grille ait bien une épaisseur réelle de l’ordre de 17,7 nm. Pour prendre en compte les résultats de la caractérisation électrique, le modèle nécessite une densité de pièges (D) de 6,12.1011 cm-2. Cette valeur est bien plus élevée que la densité de charges injectées lors des mesures de transitoires de courants sur ces structures (partie III.2). Par conséquent, le diamètre fixé pour trouver cette valeur ne correspond pas aux résultats de la caractérisation électrique. Dans le cas des échantillons obtenus par implantation et recuit de type A3, on remarque que la densité d’îlots diffère de la valeur mesurée sur les images TEM. Le modèle donne une densité de 4,58.1012 cm-2, qui correspond approximativement au double du nombre de charges

79

injectées lors des mesures de courant (présentées dans la partie III.2) et paraît donc trop élevée. Le modèle appliqué aux échantillons implantés et ayant subi le recuit A31 donne une densité d’îlots de 6,48.1012 cm-2. C’est une valeur bien supérieure à celle mesurée grâce aux images TEM, et également bien supérieure au nombre de charges injectées au cours des mesures de courant. Là encore, le diamètre fixé pour trouver cette valeur ne correspond pas aux résultats de la caractérisation électrique. Plus généralement, les valeurs de diamètres fixées ne permettent pas de trouver un accord satisfaisant avec les mesures expérimentales. Cette conclusion est donc identique à celle que l’on peut tirer des calculs réalisés en fixant la densité de pièges, et ce mauvais accord nous amène à quelques conclusions, présentées ci-dessous.

iii. Conclusions concernant les interprétations faites grâce au modèle du taux de

recouvrement

A la lumière des Tableaux 5 et 6, on a vu que le modèle du taux de recouvrement ne donne pas des valeurs de capacité compatibles avec les résultats de la caractérisation électrique si on utilise les paramètres structuraux. Le cas des îlots élaborés par LPCVD est le seul à aboutir à des paramètres qui correspondent aux données fournies par les élaborateurs de manière satisfaisante, avec une densité de 1,5.1011 cm-2, un diamètre de 10,1 nm et une hauteur de 5 nm. Ce mauvais accord entre les valeurs modélisées et expérimentales, surtout pour les îlots implantés, peut bien entendu mettre en doute la relation entre les nanocristaux et le chargement. En d’autres termes, cela peut signifier que les porteurs, ou tout au moins une partie d’entre eux, sont stockés dans des défauts présents dans le volume de l’isolant ou à proximité des îlots. Mais il est également possible de remettre en question le modèle utilisé, qui est somme toute simpliste. La géométrie des îlots, en particulier, n’est pas prise en compte, ce qui peut représenter une approximation trop grossière dans l’estimation des capacités, étant données les distances très faibles qui séparent les plans d’îlots et le substrat. La partie suivante propose une autre méthode pour évaluer analytiquement la capacité CCF. Nous aurons alors deux méthodes analytiques, que nous confronterons ensuite à la méthode des éléments finis.

III.3.c) Détermination de la capacité CCF séparant un plan d’îlot d’une grille métallique par la méthode des charges-images et comparaison avec la méthode des éléments finis

i. Evaluation de la capacité reliant une sphère conductrice et un plan conducteur

Des expressions littérales, issues de la méthode des charges-images, peuvent être utilisées pour estimer la capacité reliant une sphère conductrice et un plan [Durand66, Leroy01].

80

(25) Cette valeur établit le lien entre un îlot unique et un plan. Si cette valeur est multipliée par la densité d’îlots par unité de surface D, puis par la surface de l’échantillon S que l’on veut étudier, on a alors une valeur approximée de la capacité entre le plan de densité D et la grille. Les principales approximations faites par cette méthode sont les suivantes : • Elle assimile les îlots à des sphères conductrices, c’est-à-dire qu’elle est considère plutôt des îlots métalliques et non semi-conducteurs. • Elle considère qu’aucune interaction électrostatique n’existe entre les îlots, ce dont on peut douter, en particulier pour les densités les plus élevées. Ce deuxième point nous paraît le plus critique et c’est pourquoi il est extrêmement important d’en estimer la validité grâce à la méthode des éléments finis, décrite ci-dessous.

ii. Détermination de CCF par la méthode des éléments finis

La méthode des éléments finis a l’avantage de permettre la prise en compte de la complexité géométrique engendrée par la nature granulaire du plan d’îlots, et par leur haute densité. Elle a par ailleurs l’inconvénient d’être relativement lourde à mettre en place. Pour obtenir des résultats précis, il convient d’utiliser des maillages contenant plusieurs dizaines de milliers d’éléments, ce qui requiert des ressources informatiques importants. La Figure 55 montre la structure utilisée par le logiciel FEMLAB pour évaluer la capacité reliant une grille métallique et un ensemble de quatre îlots de 2 nm de diamètre entourés d’isolant. Afin de respecter la densité (notée D) d’îlots observée lors des mesures TEM, la surface S de la structure modélisée sous FEMLAB est donnée pour n îlots par l’expression : Dans le cas de la Figure 55, n=4 et plus généralement, il est nécessaire que n soit supérieur à 2 pour prendre en compte les interactions électrostatiques entre îlots voisins. A partir de cette structure de base, pour calculer la capacité CCF rendant compte du couplage entre la grille et les îlots, un potentiel de 1 V est appliqué à la grille, alors que les îlots sont portés à un potentiel nul.

r 0sphère plann 1

d dC 4 r.sinh acosh 1 . sinh n.acosh 1

2r 2r

∞−

=

⎡ ⎤⎛ ⎞ ⎛ ⎞⎛ ⎞ ⎛ ⎞= πε ε + +⎢ ⎥⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎝ ⎠ ⎝ ⎠⎢ ⎥⎝ ⎠ ⎝ ⎠⎣ ⎦

nS

D=

81

La Figure 56 montre quelques surfaces isopotentielles obtenus si on applique une telle polarisation. On remarque que les plans correspondant aux potentiels proches de 0 V suivent la géométrie sphérique des îlots et sont par conséquent fortement courbés. A l’inverse, les potentiels proches de 1 V sont plutôt parallèles à la surface de la grille.

Figure 55 : Structure utilisée sous FEMLAB pour modéliser une grille métallique (couche inférieure) et d’un plan de quatre îlots eux aussi métalliques, séparés ici par une épaisseur de 6 nm. La couche entourant les îlots est composée d’oxyde. On peut voir le maillage utilisé par FEMLAB pour effectuer les calculs par la méthode des éléments finis.

Figure 56 : Surfaces isopotentielles calculées à partir de la structure présentée sur la Figure 55, en appliquant un potentiel de 1 V sur la grille et en maintenant les îlots à une tension de 0 V. Quinze plans équipotentiels sont représentés, chacun ayant une couleur différente. Le rouge sombre correspond à un potentiel de 1 V et le bleu foncé à un potentiel de 0 V.

82

Les surfaces correspondant aux potentiels compris entre 0 et 1 V ont des aspects intermédiaires entre ces deux géométries. Ces remarques permettent de prévoir que le résultat du calcul de la capacité séparant l’électrode de grille des îlots va différer du calcul simple de la capacité séparant deux électrodes continues et parallèles, où toutes les surfaces isopotentielles sont par définition des plans parallèles. La charge totale engendrée par la différence de potentiel appliquée entre la grille et les îlots est évaluée en intégrant la charge surfacique créée à la surface de la grille. Comme la différence de potentiel vaut 1 V, la capacité est égale à la charge calculée, et en la divisant par la surface du dispositif, on obtient la capacité du plan d’îlots par unité de surface. Il suffit alors de la multiplier par la surface de la capacité MOS sur laquelle on a fait les mesures pour la comparer aux valeurs expérimentales de CCF. A ce stade, une remarque importante s’impose : Pour calculer CCF, une structure telle que celle qui est représentée sur la Figure 55 considère les lignes de champ issues de la totalité de l’îlot. Or dans un dispositif mémoire, on polarise les îlots entre la grille et le substrat. Dans ce cas, une partie des lignes de champs relient les îlots à la grille, et l’autre partie au substrat. La configuration est donc différente de la situation prise en compte par la structure dessinée sur la Figure 55. En fait, on ne peut pas modéliser un îlot en présence d’un seul plan conducteur (Figure 57a) comme un îlot inclus entre deux électrodes planes (Figure 57b). Dans le premier cas de figure, toutes les lignes de champ partant du nanocristal sont reliées à l’électrode unique. Dans le deuxième cas, les lignes de champ vont être partagées entre chacune des électrodes.

(a) (b)

(c) (d)

Figure 57 : Schémas représentant un îlot associé à un ou plusieurs plans, ainsi que quelques

lignes de champ électrique (en pointillés noirs).

83

Pour rendre compte de cette situation au moment de calculer la capacité entre le plan d’îlots et la grille de contrôle, on peut remarquer que chaque électrode reçoit les lignes de champ de la partie hémisphérique de l’îlot qui est directement en regard avec elle (Figure 57c). Ainsi, la capacité d’une jonction îlot/électrode peut se ramener au cas simple de l’évaluation de la capacité liant l’électrode à un hémisphère de diamètre équivalent à celui de l’îlot (Figure 57d). Par la suite, nous avons considéré que les îlots pouvaient être séparés en deux hémisphères, séparés par un plan parallèle aux interfaces substrat/isolant et isolant/grille. Les lignes de champ provenant de l’hémisphère le plus proche du substrat sont alors considérées comme étant toutes reliées au substrat. De même, les lignes de champ provenant de l’hémisphère le plus proche de la grille sont considérées comme étant toutes reliées à la grille. Si l’on veut connaître la capacité existant entre les îlots et la grille, on est ainsi amené à considérer uniquement les lignes de champ provenant de l’hémisphère le plus proche de la grille, ce qui revient à simuler les structures comme le montre la Figure 58.

Pour reprendre la démarche déjà utilisée avec le modèle du taux de recouvrement (cf. la partie III.3.b), les valeurs de la capacité CCF ont été calculées par la méthode des éléments finis en fixant le diamètre des îlots et en faisant varier la densité (Figure 59), puis en fixant la densité et en faisant varier le diamètre des îlots (Figure 60). Dans le but de comparer directement les valeurs de capacité issues des modèles avec les valeurs de CCF extraites des mesures de courant réalisées dans la partie III, les structures ont été simulées avec des dimensions identiques à celles visées au cours de leur élaboration ou observées par TEM. Ainsi, les îlots de 2,2 nm de diamètre ont été simulés avec un oxyde tunnel épais de 6,1 nm, un oxyde de contrôle de 5 nm, pour une surface totale de 4.10-8 cm-2, conformément aux dimensions des échantillons implantés (recuits A3 et A31). Les îlots de 5 nm de diamètre ont été simulés avec un oxyde tunnel épais de 3 nm, un oxyde de contrôle de 17,7 nm, pour une surface totale de 1,642.10-7 cm-2, ce qui correspond aux dimensions visées lors de l’élaboration des îlots par LPCVD. A chaque fois, les valeurs obtenues ont été comparées à celles issues du modèle du taux de recouvrement, présenté dans la partie III.3.b, et au modèle de la capacité sphère/plan, présenté au début de cette partie (cf. i.).

Figure 58 : Structure utilisée sous FEMLAB pour modéliser une grille métallique (couche inférieure) et un plan de quatre îlots eux aussi métalliques, séparés ici par une couche d’oxyde de 5 nm. Seule la moitié des îlots sont inclus dans l’isolant, ce qui permet de ne prendre en compte que les lignes de champ provenant de l’hémisphère inférieur.

84

Sur la Figure 59, on peut constater qu’en faisant tendre la densité d’îlots vers 0, pour les îlots de 2,2 nm de diamètre, les valeurs de capacité trouvées par les trois méthodes tendent vers 0. La technique du taux de recouvrement diverge beaucoup des deux autres méthodes lorsqu’on augmente la densité, et minore très fortement la capacité CCF pour les densités attendues dans les échantillons implantés. Les valeurs issues du calcul de la capacité sphère/plan sont identiques à celles obtenues par éléments finis lorsque la densité est inférieure à 5.1011 cm-2. Au delà de cette valeur, la méthode des éléments finis donne des valeurs inférieures à l’évaluation de la capacité sphère-plan.

1011 1012 1013

0

50

100

150

200

250

300

350

CC

F (

pF)

D (cm-2)

Diamètre 2,2 nm Eléments finis Taux de recouvrement Capacité sphères/plan

Diamètre 5 nm Eléments finis Taux de recouvrement Capacité sphères/plan

Figure 59 : Capacité CCF entre la grille de contrôle et la grille flottante en fonction de la densité d’îlots présente dans la capacité. Deux sortes de capacités ont été simulées : Les premières sont similaires aux échantillons implantés (îlots de 2,2 nm de diamètre) et les autres sont identiques aux échantillons élaborés par LPCVD (îlots de 5 nm de diamètre).

Pour les îlots ayant un diamètre de 5 nm, la technique du taux de recouvrement diverge également beaucoup des deux autres méthodes : pour toutes les densités considérées, elle minore systématiquement CCF. Les éléments finis et le modèle de la capacité sphère/plan ont une asymptote commune pour les densités faibles, mais divergent très nettement pour des densités supérieures à 1011 cm-2. La méthode des éléments finis donne des valeurs très inférieures à l’évaluation de la capacité sphère-plan. Finalement pour les densités attendues (de l’ordre de 1011 cm-2 pour les capacités élaborés par LPCVD et de 1012 cm-2 pour les échantillons implantés), les éléments finis donnent des valeurs comprises entre les résultats obtenus par la méthode du taux de recouvrement et ceux issus de l’évaluation de la capacité sphères/plan. Ce graphe montre donc que la méthode du taux de recouvrement n’est pas adaptée à l’estimation de CCF, à part pour les îlots de petit diamètre, peu denses et situés loin du substrat. Ceci est dû au trop grand nombre d’approximations réalisées par cette technique, qui ne prend pas la géométrie des îlots en compte, et n’étudie que des lignes de champ perpendiculaires au substrat sur toute leur longueur (modèle du condensateur-plan). En ce qui concerne la méthode du calcul de la capacité liant des sphères conductrices et un plan, les résultats sont acceptables pour des densités plutôt faibles, d’autant plus faibles que les îlots sont gros. Dans les autres cas, les résultats sont très différents de ceux donnés par la méthode des éléments finis. Pour étudier l’influence du diamètre des îlots, on a fait varier ce paramètre en fixant la densité de nanocristaux aux valeurs attendues pour chaque type d’îlot (1,5.1011 cm-2 pour les

85

capacités élaborés par LPCVD et de 1,5.1012 cm-2 pour les échantillons implantés), comme le montre la Figure 60.

0 1 2 3 4 5 6 7

0

50

100

150

200

250

300

350

400

Densité : 1,5.1012 cm-2

Eléments finis Taux de recouvrement Capacité sphères/plan

Densité : 1,5.1011 cm-2

Eléments finis Taux de recouvrement Capacité sphères/plan

C

CF (

pF)

Diamètre (nm)

Figure 60 : Capacité CCF entre la grille de contrôle et la grille flottante en fonction du diamètre des îlots. Deux sortes de capacités ont été simulées : Les premières sont similaires aux échantillons implantés (D=1,5.1012cm-2) et les autres sont identiques aux échantillons élaborés par LPCVD (D=1,5.1011cm-2).

On peut voir que pour une densité d’îlots de 1,5.1012 cm-2, si on fait varier le diamètre de ceux-ci, la technique du taux de recouvrement donne des valeurs très différentes des deux autres méthodes. La technique de la capacité sphères/plan a un comportement asymptotique identique à la méthode des éléments finis lorsqu'on fait tendre le diamètre vers de très petites valeurs. Mais lorsque le diamètre dépasse 0,5 nm (pour une densité de 1,5.1012 cm-2) ou 1 nm (pour D=1,5.1011 cm-2), les valeurs de capacité trouvées par le modèle sphères/plan divergent de celles provenant de la méthode des éléments finis, et minore très fortement la capacité CCF pour les densités attendues dans les échantillons implantés. Globalement, les éléments finis aboutissent comme dans le cas de la densité variable à des valeurs minorées par la technique du taux de recouvrement et majorées par l'évaluation de la capacité sphères-plan. Les conclusions sont identiques quant aux origines de telles divergences entre les modèles. A la lumière de ces deux approches, on peut conclure qu'il s'est avéré impossible de trouver un modèle utilisant des expressions littérales approchant de manière satisfaisante les évaluations réalisées par la méthode des éléments finis. Cette technique est donc celle que nous avons retenue, malgré le peu de souplesse qu’elle offre. A partir des résultats présentés sur la Figure 59 et la Figure 60, on peut extraire les paramètres structuraux du plan d'îlots correspondant aux valeurs issues des caractérisations structurales et aux valeurs visées lors de l’élaboration, pour chaque type d'échantillon (Tableau 7). On remarque que pour les îlots élaborés par LPCVD, on trouve soit un diamètre (3 nm) plus petit que prévu (5 nm), soit une densité (0,84.1011 cm-2) moins importante que l'estimation qui en a été faite (1,5.1011 cm-2) à partir des résultats de la partie III.2. Ce deuxième cas de figure peut correspondre au fait que deux électrons soient piégés par îlot. Dans ces conditions

86

en effet, le nombre de charges injectées vaut très logiquement deux fois la densité de nanocristaux. Cette interprétation est tout à fait cohérente avec le diamètre des îlots, 5 nm dans ce cas de figure, qui est suffisamment important pour stocker plusieurs porteurs.

SiOX LPCVD Implantation + A3 Implantation + A31

Valeurs

exp.

D

variable

variable

Valeurs

exp.

D

variable

variable

Valeurs

exp.

D

variable

variable

∅ (nm) 5(a) 5,0 3,0 2,2(d) 2,2 1,6 2,2(d,e) 2,2 2,4

dCF (nm) 8(a) 17,7 17,7 5(d) 5 5 5(d,e) 5 5

dFS (nm) 3(a) 3 3 6,1(d) 6,1 6,1 6,1(d,e) 6,1 6,1

D (1011 cm-2) 1,5(b) 0,84 1,5 15(d) 10 15 15(d,e) 16 15

CCF (pF) 66,7(c) 66,7 66,7 96,2(c) 96,2 96,2 136 (c) 136 136 (a) Dimensions visées au cours de l’élaboration du lot 9546P (LETI).

(b) Valeur issue du calcul de la charge injectée pendant le transitoire de courant, présenté dans la partie III.2 de ce chapitre.

(c) Valeur obtenue par la modélisation en circuit électrique équivalent, présenté dans la partie III.3.

(d) Valeur issue d’une étude par microscopie en transmission des échantillons élaborés par implantation et soumis à un recuit A3

[Carrada03].

(e) Cette valeur est identique à celle donnée pour le recuit A3, aucune analyse TEM n’ayant été réalisée sur les composants ayant subi

le recuit A31. Etant données les différences qui existent entre ces deux recuits, il n’est pas attendu de différences structurales

importantes entre les composants ayant subi l’un d’eux [Carrada03].

Tableau 7 : Comparaison entre les paramètres expérimentaux et ceux qu’il est nécessaire d’entrer comme variable dans le modèle par éléments finis du logiciel FEMLAB pour aboutir à des valeurs de CCF compatibles avec les mesures électriques. Cette comparaison est réalisée pour les trois types d’échantillons étudiés dans ce chapitre, et dans chaque cas, le diamètre moyen des îlots ∅ et leur densité surfacique sont utilisés tour à tour comme paramètre fixe. Les divergences les plus notables sont reportées en rouge et discutées dans le texte.

Les échantillons implantés et soumis au recuit A3 ont soit un diamètre moyen inférieur à ce qui a été mesuré (1,6 nm), soit une densité plus faible que celle estimée par TEM. Cette dernière étant la plus difficile du point de vue structural, on peut imaginer que c'est la densité de 1012 cm-2 qui est la plus proche de la réalité, avec des îlots qui font bel et bien 2,2 nm de diamètre, même si la valeur de 1,6 nm reste dans les barres d'erreurs des mesures par microscopie en transmission. Les paramètres structuraux des échantillons implantés et soumis au recuit A31 sont quant à eux parfaitement compatibles avec les valeurs données par le modèle, quel que soit le paramètre fixé. Les mesures électriques sont donc tout à fait compatibles avec les valeurs données par le modèle.

iii. Conclusion

On peut tout d’abord faire un premier bilan sur les modèles analytiques présentés dans cette partie :

87

• La méthode du taux de recouvrement n’est pas adaptée à la modélisation de la capacité CCF ; • La méthode des charges-images peut représenter une bonne approximation de CCF dans le cas de plan d’îlots peu denses (D<1011 cm-2) ou de petite taille (diamètre inférieur à 2 nm). Les échantillons décrits dans la première partie sont donc à la limite des domaines de validité de la méthode des charges-images. Nous avons donc préféré utiliser la méthode des éléments finis pour calculer les capacités CCF et les comparer avec les valeurs expérimentales. Un bon accord a été trouvé entre elles, ce qui nous a permis de prouver que le chargement était parfaitement compatible avec le stockage de porteurs dans les îlots. On pourrait argumenter que le chargement de porteurs dans des pièges pourraient donner des résultats similaires à ceux que l’on a obtenus dans cette partie. A cela, on peut apporter plusieurs réponses. Tout d’abord, cela impliquerait une homogénéité remarquable des caractéristiques de ces défauts, alors qu’en réalité on rencontre souvent des types variés de pièges dans les hétérostructures Si/SiO2. De plus, si on reprend notre modèle, il faudrait remplacer la notion de diamètre d’îlots par celle de section efficace de capture des pièges, notée σC. Les différents types de défauts peuvent être différenciés en fonction du type de porteurs qu’ils sont susceptibles de capter ; leur section de capture en dépend fortement. On trouve des pièges coulombiens attractifs pour les électrons (σC~10-13 cm2), des pièges coulombiens répulsifs (σC~10-20 cm2) et des pièges neutres (σC~10-16 cm2) [Maneglia98]. Ces derniers sont les plus courants dans le volume des isolants et aux interfaces Si/SiO2 [Buchanan91]. Les densités surfaciques de ces pièges sont quant à elles souvent comprises entre 1010 cm-2 et 1012 cm-2 [Stoneham85, Vuillaume89, Buchanan91, Maneglia98]. On peut donc, à partir de ces données quantitatives, évaluer la capacité liant ces lieux de chargement à la grille, dans le cas où tous ces défauts forment des populations homogènes, coplanaires et équidistantes de la grille. Si on remplace les plans d’îlots des structures étudiées par des plans de défauts de différentes natures, on obtient les valeurs de capacité représentées par la Figure 61 (îlots LPCVD) et la Figure 62 (îlots implantés). On remarque qu’en prenant les défauts ayant la section de capture la plus importante (pièges attractifs coulombiens), il faut une densité supérieure à 1012 cm-2 pour atteindre les valeurs de capacité extraites de nos mesures de courant sur les îlots. Or, dans la littérature, on trouve rarement des densités de défauts si importantes. En ce qui concerne les pièges neutres, les plus courants dans l’oxyde, il faudrait des densités énormes pour donner des valeurs de CCF comparables à celles que l’on mesure sur nos composants. Pour conclure, il paraît difficile d’attribuer des capacités CCF aussi importantes que celles que l’on a mesurées et modélisées à des populations de pièges, en raison de leurs faibles sections de capture. Il est donc plus plausible que le chargement soit lié aux îlots eux-mêmes. Le chapitre suivant propose d’examiner l’influence de ce stockage de porteurs sur l’état de charge du substrat.

88

IV. Influence du chargement observé sur les caractéristiques électriques des composants Les phénomènes de chargement caractérisés par les mesures de courants (cf. partie II), et par la suite modélisés (cf. partie III), doivent, pour être utiles, pouvoir être mis à profit dans un transistor. Les caractéristiques d’un tel composant seront alors influencées par la présence ou non des charges. Dans notre cas, l’étude a uniquement porté sur des capacités MOS. Il est donc exclu de faire des mesures de courants de drain pour vérifier l’action des charges stockées à proximité du plan d’îlots. Il est néanmoins possible de faire des mesures de capacité de façon quasi-statique, qui peuvent nous donner des informations sur l’état de charge du substrat (en déplétion et en inversion). En effet, outre la capacité des couches séparant la grille du substrat, ce type de mesure rend compte de la présence éventuelle d’une zone de charge d’espace due

1010 1011 1012 101310-13

10-12

10-11

10-10

10-9

10-8

10-7

10-6

10-5

10-4

10-3

Pièges répulsifs coulombiens, σc=10-20 cm2

Pièges neutres, σc=10-16 cm2

Pièges attractifs coulombiens, σc=10-12 cm2

CC

F (

F.m

-2)

Densité de pièges (cm-2)

Valeur expérimentale (LPCVD)

Figure 61 : Capacité CCF entre la grille de contrôle et un plan de défauts en fonction de la densité de défauts. Une distance de 17,7 nm sépare la grille des défauts, comme c’est le cas pour le plan d’îlots LPCVD. Trois sortes de défauts ont été considérés, les pièges attractifs coulombiens, répulsifs coulombiens et neutres. La droite horizontale montre la valeur expérimentale obtenue pour les îlots LPCVD dans la partie III.3.a.

1010 1011 1012 1013

10-12

10-11

10-10

10-9

10-8

10-7

10-6

10-5

10-4

10-3

10-2

Pièges répulsifs coulombiens, σc=10-20 cm2

Pièges neutres, σc=10-16 cm2

Pièges attractifs coulombiens, σc=10-12 cm2

CC

F (

F.m

-2)

Densité de pièges (cm-2)

Valeurs expérimentales : A3 et A31 Figure 62 : Capacité CCF entre la grille de contrôle et un plan de défauts en fonction de la densité de défauts. Une distance de 5 nm sépare la grille des défauts, comme c’est le cas pour le plan d’îlots implantés. Trois sortes de défauts ont été considérées, les pièges attractifs coulombiens, répulsifs coulombiens et neutres. Les droites horizontales montrent les valeurs expérimentales obtenues pour les îlots implantés dans la partie III.3.a.

89

à la déplétion du substrat, ou d’une couche d’inversion apparaissant à sa surface. Il est donc possible à partir de ces mesures de prévoir le comportement de transistors élaborés à partir des techniques évoquées au début de ce chapitre. Outre l’évaluation de la fenêtre mémoire séparant les courbes C(VG) mesurées sur les capacités MOS en état écrit ou effacé, il peut être intéressant d’observer la tension à laquelle on passe d’un état à l’autre. On peut notamment vérifier que cette tension correspond à celle que l’on doit appliquer pour observer les pics de courant transitoire. Après avoir examiné les résultats des caractérisations en courant (partie III), il apparaît que les meilleures conditions possibles pour réaliser les mesures de capacité sont de se placer à basse fréquence, ou de les réaliser de façon quasi-statique. En effet, on a pu voir que les courants de déplacement correspondant au chargement ont lieu quand le régime d’inversion est établi dans le substrat. Or, dans le cas de mesures de capacité à haute fréquence, le capacité de la zone d’inversion n’est pas prise en compte. En effet, en régime d’inversion, une partie de la charge présente à la surface du substrat correspond à la déplétion, un processus lié à la diminution du nombre de charges majoritaires. La constante de temps de formation de cette charge est donc rapide, de l’ordre de la constante de temps diélectrique (10-12 s à température ambiante pour le silicium), et un signal sinusoïdal peut la moduler quelle que soit sa fréquence. L’autre partie de la charge, qui se trouve à la surface du substrat, est due à l’inversion. Il s’agit dans ce cas de l’apparition d’un nombre important de porteurs minoritaires. Ceux-ci sont issus de la génération thermique de paires électron-trou, un phénomène bien plus lent que la relaxation diélectrique. Il est donc possible que la polarisation de la structure par un signal sinusoïdal soit à même de moduler la charge de déplétion mais pas la charge d’inversion, et on a alors une capacité constante alors que le substrat se trouve inversé. Dans notre cas, c’est un phénomène gênant, car les modifications du champ électrique ne seront pas discernables sur les courbes C(V) dans cette zone. En effet, lorsque la capacité évolue avec la tension de grille, toute modification du champ électrique au sein du composant se signale par une variation anormale de la courbe C-VG. Dans le cas de mesures HF, il n’est donc pas possible d’observer les conséquences du chargement au cours du régime d’inversion, la capacité restant constante dans tous les cas de figure. Des mesures en mode quasi-statique ont pu être réalisées sur les échantillons contenant des couches de SiOX élaborées par LPCVD puis recuites. Dans le cas des structures élaborées par implantation de silicium et recuits oxydant, il s’est avéré impossible d’effectuer de telles mesures, à cause des courants de fuite trop importants auxquels nous sommes confrontés avec ce type de structure. Les mesures quasi-statiques sont en effet basées sur des mesures de charge réalisées au cours de marches de tension de grille et on en déduit la capacité des structures étudiées. Lorsque les courants de fuite sont trop importants, il devient difficile de différencier la charge correspondant au comportement capacitif du dispositif de la charge de conduction due aux fuites. Ces mesures ont été réalisées à l’aide d’un coulombmètre Keithley 595 car sa technique de mesure quasi-statique permet de mesurer à la fois la capacité de la structure et le courant qui la traverse au cours d’une seule et unique mesure. Ceci est extrêmement avantageux pour étudier l’effet du courant sur la capacité, étant donné qu’on est dans ces conditions absolument sûr d’avoir les mêmes conditions initiales et de mesure. Les courbes obtenues sont

90

par conséquent tout à fait comparables, notamment en ce qui concerne les champs électriques, qui dans le cas de mémoires peuvent varier d’une mesure à l’autre, de par la propension de la structure à conserver une mémoire des polarisations qu’elle a subies. Comme nous l’avons évoqué précédemment, lorsque le substrat est inversé, la mesure quasi-statique permet de prendre en compte la zone d’inversion, contrairement aux mesures dynamiques, pour lesquelles cette prise en compte dépend de la fréquence utilisée. C’est ce qui explique l’aspect des courbes présentées sur la Figure 63, où l’on peut voir que la capacité est croissante au début de la zone de forte inversion. Ainsi, au cours d’une mesure, toute modification du champ électrique due au chargement de pièges présents dans la capacité peut être discernée. Sur la Figure 63, on peut voir que l’influence des courants de chargement est plutôt faible sur les courbes de capacité. Les échantillons obtenus par implantation (Figure 63a et b) montrent d’ailleurs une perturbation moindre de la capacité que les échantillons issus de la démixtion d’une couche de SiOX déposée par LPCVD (Figure 63c). Ceci peut être attribué à l’épaisseur de la couche d’oxyde tunnel : elle est évaluée par TEM à 6.1nm pour les structures implantées, alors qu’on s’attend seulement à une épaisseur de 3 nm dans le cas du SiOX.

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3

0

20

40

60

80

100

I G (

pA

)

VG (V)

0

20

40

60

80

100

C (p

F)

(a)

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3

0

20

40

60

80

100

120

I G (

pA

)

VG (V)

0

20

40

60

80

100

120

(b)

C (p

F)

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3-20

0

20

40

60

80

I G (

pA

)

VG (V)

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

(c)

C (p

F)

Figure 63 : Courant de grille et capacité quasi-statique en fonction de la tension appliquée à la grille. Les graphes correspondent aux trois types de composants étudiés dans ce chapitre :(a) capacités élaborées par implantation de silicium dans une couche d’oxyde et ayant subi le recuit A3 ; (b) capacités élaborées par implantation de silicium dans une couche d’oxyde et ayant subi le recuit A31 ; (c) capacités élaborées à partir d’une couche de SiOX recuite.

Il est évident que plus les charges sont stockées loin du substrat, moins elles influencent l’état de charge de ce dernier. Si les échantillons implantés stockent un plus grand nombre de charges au cours d’une rampe de tension sur la grille, comme le montre le calcul intégral effectué dans la troisième partie de ce chapitre (Tableau 4), l’influence de ces charges est donc probablement amoindrie par l’éloignement entre le lieu de stockage et le substrat. Sur les échantillons implantés ayant subi le recuit A3, on remarque une inflexion sur la partie

91

de la courbe correspondant à la déplétion, pour des polarisations comprises entre 0 et -1,5 V. Elle n’est pas visible lorsque c’est un recuit A31 qui a été utilisé et elle s’explique par le fait que le champ résidant dans la capacité n’est plus proportionnel à la tension de grille, mais inclut la contribution de la charge stockée. A cette charge stockée correspond certainement un courant de déplacement dont on ne distingue pas la présence. En effet, il est probable que la distance trop importante entre les îlots et le substrat aboutisse à un courant de déplacement ayant le même ordre que les courants de fuite. D’ailleurs, les structures issues de la démixtion du SiOX montrent une inflexion du même type, associée cette fois à un pic de courant, d’amplitude modeste, pour une polarisation de grille d’environ –0,5 V. Quand la polarisation de grille vaut environ 0 V, le courant de déplacement revient à la normale, et la courbe de capacité évolue de façon normale jusqu’à l’inversion. Si on augmente la tension de grille, on assiste à l’apparition du pic de courant de forte amplitude étudié dans les parties III et IV de ce chapitre, et qui est accompagné par une nouvelle inflexion de la courbe C(VG), si importante qu’elle marque un palier. Sur la plage de tension correspondant au palier, la valeur de la capacité est quasiment constante, ce qui signifie que le champ électrique régnant à proximité du substrat est lui aussi constant. Cette observation est donc tout à fait en accord avec le modèle électrique équivalent utilisé dans les parties III et IV, qui prévoit que lorsque le pic de courant est à son maximum, la différence de potentiel entre le substrat et le lieu de stockage des charges est constant. En effet, si on reprend ce modèle, les équations (2) et (8) donnent : (26) On peut différencier cette expression : (27) Or, d’après le résultat (19) , Rappelons que ce résultat est vrai lorsque dQFG+dQCF=0, c’est à dire lorsque le régime transitoire est parfaitement établi. Les relations (19) et (27) aboutissent à l’égalité suivante : (28)

( )G CF FSFG FS FS CF G FS

FG FS FS CF CF

(2) V V VQ C V C V V

(8) Q C V C V

= + ⎫⎪ ⇒ = − −⎬= − ⎪⎭

( )

FG FS G FSFS CF

FS GFS CF CF

K

dQ dV dV dVC C

dt dt dt dt

dV dV C C C

dt dt

⎛ ⎞= − −⎜ ⎟⎜ ⎟

⎝ ⎠

= + −

FGCF

dQK.C

dt= −

( ) FSFS CF

dVC C 0

dt+ =

92

On en conclut que la différence de potentiel entre la grille flottante et le substrat est constante lorsque dQFG+dQCF=0. Cette condition correspond au maximum du courant de déplacement puisque si on différencie la relation (19), on obtient : (29) Lorsque le potentiel VFS est constant, l’état de charge du substrat n’évolue plus, alors que le balayage en tension continue sur la grille : on assiste alors à un palier sur la courbe C(VG), comme on peut l’observer sur la Figure 63c. Les mesures de capacité, confrontées aux mesures de courant, montrent que les courants de déplacement ont une influence sur l’état de charge du substrat, d’autant plus importante que l’oxyde tunnel est fin. De plus, le modèle électrique introduit dans les parties II et III de ce chapitre permet de prévoir qualitativement cet effet, à savoir des inflexions dans les courbes C(VG). Pour observer ces derniers, les mesures quasi-statiques sont particulièrement utiles dans le cas où le pic de courant apparaît lorsque le substrat est inversé. C’est le cas le plus courant, puisqu’il correspond au chargement en électrons depuis un substrat P. Les inflexions notées sur les courbes C(VG) apportent une information importante puisqu’ils donnent une estimation de la largeur de la fenêtre mémoire qu’auront les dispositifs mémoires adoptant les architectures étudiées ici. Ainsi, étant donnée la faible amplitude des paliers observés, on peut conclure que les fenêtres seront faibles pour les technologies étudiées dans ce chapitre. La fenêtre mémoire la plus large (1 V) a été observée sur les dispositifs élaborés par LPCVD (Figure 63c). C’est bien-sûr une valeur relativement faible par rapport aux objectifs des mémoires FLASH (>3 V). Pour augmenter cette fenêtre, on pourrait envisager de créer le plan d’îlots à une distance plus faible du substrat, mais l’oxyde tunnel étant épais de seulement 3nm dans le cas des capacités élaborées par SiOX, ce paramètre ne laisse pas une marge de manœuvre suffisante. Il est donc préférable d’augmenter la densité d’îlots, afin de stocker une charge plus importante, comme c’est le cas par exemple pour les échantillons implantés. Ces derniers gagneraient par contre à voir leur épaisseur tunnel diminuée, pour augmenter le couplage entre le plan d’îlots et le substrat et améliorer la fenêtre mémoire occasionnée par le chargement observé. Si, comme on vient de le voir, les résultats expérimentaux concernant la capacité des structures étudiées sont conformes aux prévisions du modèle présenté dans ce chapitre, la partie suivante propose de simuler les courants transitoires observés grâce à un modèle numérique fondé sur la mise en équation des cinétiques de chargement.

V. Confrontation à un modèle cinétique de chargement Dans le cadre de l’hypothèse selon laquelle les pics de courant observés correspondent à un courant de déplacement, un modèle a été proposé par C. Busseret et al. [Busseret04], à partir des observations de S. Ferraton et al. [Ferraton04]. Que C. Busseret soit remercié

( )2déplacement CFFG

2

dI d K.Cd Q0

dt dtdt

−= = =

93

d’avoir bien voulu adapter ce modèle aux structures étudiées dans ce chapitre, suivant les principes que nous détaillons maintenant. Rappelons tout d’abord que, selon ce modèle, le courant de déplacement est directement lié au changement de l’état de charge des îlots. L’hypothèse fondamentale est que chaque îlot ne peut stocker qu’une seule charge et que les îlots sont neutres avant la mesure. Lorsqu’on balaye la grille avec une tension VG, le chargement des îlots donne lieu à un courant s’écrivant : (30) Dans cette relation, Q est la charge totale stockée dans les îlots et N est le nombre d’îlots chargés. En jouant sur les dérivées, on peut réécrire le courant ainsi : (31) où dSi est le diamètre des îlots. Le premier terme de cette égalité n’est autre que la distribution en taille des îlots, qui peut être déterminée parallèlement par microscopie électronique en transmission (TEM). Le deuxième terme désigne la relation qui existe entre la tension appliquée et le diamètre des îlots concernés par le chargement dans ces conditions de polarisation. Enfin, le troisième terme est la vitesse de la rampe de tension appliquée à la grille de contrôle ; ce terme est connu puisqu'il s'agit d'un paramètre expérimental aisément contrôlable par les appareils de mesure. D'après la relation(31), pour une rampe donnée, il est possible de simuler le courant de chargement de la grille flottante, et donc le courant de déplacement résultant, qui peut alors être comparé aux résultats expérimentaux. La distribution en taille des îlots peut être connue par avance, ou servir de paramètre d’ajustement si ce n'est pas le cas. Dans le cas de mémoires à grilles flottantes continues, ces courants de déplacement demeurent constants tant que l'on maintient la rampe de tension sur la grille [Bez90, Laffont03]. En effet, les épaisses couches de polysilicium utilisées comme grilles flottantes peuvent contenir un grand nombre de charges. Les polarisations et les temps d'écriture couramment utilisés ne permettent donc pas d'injecter un nombre suffisamment grand de porteurs pour les saturer en charge. Il n'est d'ailleurs pas du tout intéressant de les saturer en charge : on cherche plutôt à en injecter seulement la quantité nécessaire pour obtenir une fenêtre mémoire acceptable, tout en limitant l'énergie dissipée par le signal électrique d'écriture. Ceci revient typiquement à limiter la tension et le temps d'écriture, et il est également bénéfique d'optimiser le signal d'écriture en leur conférant des caractéristiques V(t) plus élaborées que de simples rampes de tension constantes [Bez03]. Etant donnée la nature granulaire de la grille flottante des mémoires à nanocristaux, on fait

δQ δNJ q

δt δt= =

gSi

Si g

δVδdδNJ = q

δd δV δt

94

l'hypothèse qu'au cours de la mesure, la grille flottante est totalement chargée. C'est alors que le courant de déplacement relatif au chargement des îlots s'annule, ce qui correspond bien aux observations. En particulier, l’intégration du courant de déplacement, menée dans la partie III.2. de ce chapitre, montre qu’une même charge est impliquée dans le chargement du dispositif, quelle que soit la vitesse de la rampe de tension appliquée à la grille. Pour décrire ce comportement, spécifique aux grilles flottantes discrètes, il est nécessaire de mettre en équation la saturation de la charge.

V.1. Mise en équation de la saturation de la charge

On peut définir un temps tinj (dépendant de dSi, le diamètre des îlots) tel qu'une fois ce temps écoulé, tous les nanocristaux de diamètre dSi peuvent être considérés comme chargés. Comme, par hypothèse, les îlots sont définis comme chargés lorsque leur charge vaut q (un électron par îlot), et ce quel que soit le diamètre de l’îlot, on peut écrire tinj comme la durée écoulée depuis le début de la mesure telle que l’intégrale du courant traversant l’oxyde tunnel entre le substrat et l’îlot soit égale à q : (32) Dans cette égalité, IS→I désigne le courant passant entre le substrat et l’îlot, et dépend de F(t,dSi), le champ électrique appliqué entre la grille flottante et le substrat sous l'influence de la grille de contrôle. Pour déterminer ce courant, le champ est calculé dans la structure en tenant compte de la courbure des bandes dans le substrat. La densité de courant entre le substrat et le plan d’îlots (notée JS→I) est ensuite simulée en utilisant les hypothèses semi-classiques WKB pour une couche de SiO2 ayant l’épaisseur de l’isolant tunnel de la structure étudiée. Enfin, le courant IS→I est calculé par la relation simple suivante : (33) En fait, on multiplie la densité par la surface apparente de l’îlot, vue du substrat, de manière analogue au modèle du taux de recouvrement évoqué dans la partie III.b. de ce chapitre. Les îlots de faibles dimensions (moins de 10 nm de diamètre) contiennent des porteurs dont les propriétés sont affectées par des effets quantiques. En particulier, seuls des niveaux d'énergie discrets peuvent accueillir ces porteurs. Ces énergies dépendent du diamètre de l'îlot: l'écart entre chaque niveau est par exemple d’autant plus important que les dimensions de l'îlot sont faibles. Or pour charger un îlot, il est nécessaire d’aligner la bande de conduction du substrat sur les niveaux d’énergie que peuvent adopter les porteurs injectés au sein de l’îlot. En conséquence, pour placer un électron dans un îlot, il faut une polarisation d'autant plus importante que l'îlot est petit, et ce pour compenser le décalage en énergie des niveaux confinés par rapport à la bande de conduction. Pour prendre en compte ce phénomène dans le deuxième terme de la relation(31), C Busseret a apporté quelques améliorations [Busseret05] aux travaux qu’il avait réalisés dans l’article précédemment cité [Busseret04].

( )( )( )inj Sit d

S I Si0

I F t,d dt q→ =∫

2

SiS I S I

dI J . .

2→ →⎛ ⎞= π ⎜ ⎟⎝ ⎠

95

V.2. Détermination de la tension de grille permettant le

chargement d'un îlot en fonction de son diamètre

Pour un îlot de diamètre dSi, en utilisant l’approximation tirée des travaux théoriques de A. Zunger et al. [Zunger96], on peut évaluer l’accroissement (noté ∆EG) du ''gap'', l’énergie séparant la bande de valence de la bande de conduction, dû au confinement quantique : (34) Toujours d'après A. Zunger et al., on peut considérer que les deux tiers de cet accroissement concernent la bande de conduction. Ceci signifie que la différence d’énergie entre la bande de conduction et le niveau fondamental (c’est-à-dire le premier niveau confiné) vaut : (35) C’est sur l’énergie de ce niveau fondamental qu’il faudra aligner la bande de conduction du substrat pour effectuer le chargement, et ce à l’aide de la tension appliquée à la grille, ce qui permet d’écrire la relation suivante : (36) où e(dSi) est l’épaisseur d’oxyde présent entre l’îlot et le substrat, qui dépend évidemment du diamètre de l’îlot. La relation (36) rend compte du fait que le chargement ne débute pas tant que les niveaux d’énergie de départ et d’arrivée des porteurs ne sont pas alignés. C'est cette relation qui est utilisée pour déterminer le deuxième terme de l'équation (31). De plus, pour l'intégrer à la définition du chargement donnée par l’égalité (32), un temps tdéb est défini comme le temps mis pour atteindre la polarisation VG permettant aux niveaux d’être alignés, tel que : (37) L’équation (32) devient donc: (38)

1,37G

Si

3.77E

d∆ =

1,37C

Si

2 3.77E

3 d

⎛ ⎞⎜ ⎟∆ =⎜ ⎟⎝ ⎠

ox g Si Si CF (V (t),d ).e(d ) E= ∆

ox g Si Si CdébF (V (t ),d ).e(d ) E= ∆

( )( )( )

( )inj Si

Sidéb

t d

S I Sit d

I F t,d dt q→ =∫

96

V.3. Utilisation du modèle pour simuler les courbes

expérimentales

Le modèle décrit précédemment (i.e. l'équation (31) avec les conditions (36) et (38) relatives à la tension de grille et au temps d'injection) a été appliqué à la simulation des courbes expérimentales présentées dans la partie II.1. de ce chapitre. Dans un premier temps, pour déterminer les valeurs de IS→I en fonction du champ électrique régnant dans la structure et pouvoir utiliser la relation (38), il est nécessaire de simuler le courant traversant une couche d'oxyde sous l'action du champ électrique F(t,dSi). Pour ce faire, un calcul de courant standard s'appuyant sur les hypothèses WKB est utilisé, avec des paramètres adaptés aux structures étudiées. Les technologies utilisées semblant générer un nombre important de défauts dans l’oxyde tunnel, il a fallu adapter les simulations de courant à la présence d’un isolant aux propriétés non idéales. En particulier, cet isolant laissant passer un courant trop important (par effet tunnel assisté par des pièges [conduction ''hopping''], ou par des phénomènes de conduction thermoïonique [assistée par l’énergie thermique]). De plus le piégeage de charges par cette barrière isolante entraîne un décalage en tension qui nécessite un offset de la polarisation dans le modèle, ce qui est donc susceptible d’ajouter un paramètre d’ajustement. C’est à ce stade que l’on a écarté les échantillons élaborés par implantation, car nous n’avons pas pu modéliser de façon satisfaisante le comportement fortement fuyant de leur isolant tunnel. La prise en compte d’une telle barrière nécessite un modèle de courant adapté de courant tunnel ''piège à piège''. Pour une densité importante de pièges, il devient en effet impossible de simuler convenablement de tels courants par un modèle tunnel-direct comme celui dont on dispose, même en essayant de diminuer la hauteur de barrière et/ou la masse effective des électrons dans l’isolant. En ce qui concerne les échantillons élaborés par démixtion du SiOX, il a fallu, pour obtenir des résultats proches des valeurs expérimentales, réduire la masse effective apparente des électrons dans l’oxyde. On l’a faite passer de 0,5me (ce qui correspond à un oxyde thermique de bonne qualité) à 0,3me, me étant la masse de l’électron. La hauteur de barrière Si/SiO2 a quant à elle été maintenue à 3.1 eV. Une fois le courant entre le substrat et les îlots simulé, il ne reste que le premier terme de la relation (31) à déterminer, ce qui revient à chercher la distribution en taille permettant d’obtenir des courbes proches des résultats expérimentaux. Ceci se fait par approches successives pour ajuster les simulations aux valeurs expérimentales. Pour les échantillons issus de la démixtion d’une couche de SiOX, en introduisant la distribution présentée par la Figure 64 dans le simulateur, on aboutit aux courbes simulées présentées sur la Figure 65, où elles sont confrontées avec les courbes expérimentales. On constate un bon accord entre les courants simulés et les résultats expérimentaux, quelle que soit la rampe. La dispersion en taille est crédible, étant donné que le maximum de la courbe de dispersion est atteint pour un diamètre de 5,5 nm alors que l’épaisseur visée pour la couche de nanocristaux est 5 nm. Malheureusement, au moment où ce mémoire a été rédigé, aucune donnée n’était disponible quant à la taille moyenne et la distribution en taille des nanocristaux au sein de ces échantillons, ce qui n'a pas permis de comparer la distribution trouvée à des données expérimentales.

97

1.0 1.2 1.4 1.6 1.8 2.00

20

40

60

80

100

120 0,2 V/s expérimental 0,2 V/s simulée

0,5 V/s expérimental 0,5 V/s simulée

0,9 V/s expérimental 0,9 V/s simulée

1,4 V/s expérimental 1,4 V/s simulée

I DS (

A)

VDS

(V)

Figure 65 : Courbes de courant obtenues sur les échantillons élaborés par démixtion d’une couche de SiOX (en pointillés) et courbes simulées avec la distribution présentée par la Figure 49 (en trait plein), pour des rampes comprises entre 0,2 et 1,2 V/s [Busseret05].

V.4. Conclusion

Contrairement aux calculs développés précédemment dans ce chapitre et qui permettent d'extraire des paramètres depuis les courbes expérimentales, le modèle utilisé dans cette partie permet de simuler entièrement les courbes de courant. L’accord entre les courbes simulées et les données expérimentales est satisfaisant. De plus, les hypothèses utilisées sont pertinentes du point de vue physique (masse effective des électrons dans l’isolant, nombre de charges par îlot…) et permettent de mettre en évidence des phénomènes physiques importants comme l’aspect probabiliste du chargement, l'effet quantique du confinement des porteurs dans les îlots, ainsi que la courbure des bandes à proximité de l’interface substrat/oxyde tunnel. En revanche, on peut retenir que les paramètres d'ajustement sont nombreux : ils concernent la simulation préalable du courant traversant l’oxyde tunnel et la distribution en taille des îlots. En ce qui concerne le courant, l’utilisation d’un modèle s’apparentant au modèle du taux de recouvrement peut être une source d’imprécision s’ajoutant à la mauvaise connaissance des propriétés de la couche d’isolant tunnel séparant le substrat du plan d’îlots.

3 4 5 6 70

1

2

3

4

5

6

7

No

mb

re d

'îlo

ts (

u.

arb

.)

dSi (nm)

Figure 64 : Dispersion en taille des îlots correspondant aux courbes de courants simulées de la Figure 65 [Busseret05].

98

La distribution en taille des îlots peut quant à elle être précisée par une étude par microscopie en transmission, mais quand elle n’est pas disponible, elle représente un paramètre difficile à fixer, a fortiori lorsqu’on n’a pas une bonne connaissance des propriétés de l’oxyde tunnel, ce qui est le cas pour nos échantillons. Enfin, ce modèle rend intrinsèquement compte du fait qu’une charge constante est injectée dans la grille flottante quelle que soit la vitesse de la rampe de tension. Il est en mesure de prévoir la proportionnalité des maxima de courant avec la vitesse de la rampe de tension de grille, comme le montre la Figure 66. Mais cette prévision ne trouve pas son fondement dans les éléments théoriques utilisés pour simuler le courant. Il s’agit au contraire de la conséquence de l’ajustement du modèle sur les courbes expérimentales, pour lesquelles on a effectivement un rapport de proportionnalité entre les maxima de courant et la vitesse de la rampe utilisée.

En conclusion, cette approche est tout à fait complémentaire aux calculs développés dans la partie III de ce chapitre. Elle est plus théorique, car elle met en jeu des principes physiques quantiques ou classiques propres aux nanostructures en silicium. A l’opposé, l’extraction de paramètres s’appuie seulement sur l’utilisation d’un circuit équivalent, et ne quantifie pas les différentes résistances que l'on peut trouver dans la description. Ce sont surtout les effets capacitifs qui sont étudiés, en analysant particulièrement les effets de la variation du potentiel de la grille flottante. En ne faisant pas porter les calculs sur les aspects résistifs du circuit équivalent, c'est à dire sur le courant tunnel responsable du chargement des îlots, l'extraction de paramètres s'affranchit des problèmes liés au transport de porteurs dans des isolants présentant des courants de fuite importants. Ceci explique pourquoi les échantillons élaborés par implantation n'ont pas pu être simulés avec le modèle physique, alors qu'ils n'ont pas posé de problème particulier pour l'extraction de paramètres. L’extraction peut donc s'avérer utile pour tirer des conclusions de dispositifs dont le matériau ou la structure n’est pas parfaitement connue, ou difficile à modéliser. Il n’en reste pas moins que la simulation totale d’une courbe démontre une compréhension plus profonde de la physique régissant le fonctionnement des dispositifs étudiés.

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.40

20

40

60

80

100

I G(M

AX

) (p

A)

K (V/s)

Figure 66 : Maxima des pics de courant simulés (cf. Figure 65) en fonction de la vitesse de la rampe de tension appliquée à la grille.

99

VI. Conclusion Ce chapitre s’inscrit dans un effort visant à déterminer le lieu de chargement dans les mémoires FLASH à nanocristaux de silicium. Il représente l’aboutissement d’une large étude qui nous a amenés à caractériser un grand nombre d’échantillons, dont certains montraient un effet mémoire intéressant, sans que l’on puisse déterminer a priori si le stockage de charges avait lieu dans les îlots ou pas. Pour répondre à cette problématique, notre travail a consisté à mesurer les courants transitoires apparaissant lorsque l’on balaye rapidement en tension la grille de contrôle des composants choisis. Ces derniers doivent être traversés par des courants de fuite suffisamment faibles pour que les courants transitoires correspondant au chargement des îlots puissent être mesurés. A partir de ces mesures, il est possible d’extraire la capacité existant entre les lieux de stockage et la grille de contrôle. Deux filières d’élaboration de nanocristaux ont été considérées : l’implantation de silicium dans une couche d’oxyde et le recuit de SiOX élaboré par LPCVD. Pour remonter aux paramètres structuraux des lieux de stockage, la capacité liant le plan d’îlot à la grille de contrôle a été modélisée en utilisant la méthode des éléments finis, ce qui permet de prendre en compte la géométrie des îlots de manière bien plus précise que les calculs littéraux utilisés jusqu’alors. Une autre méthode, analytique et donc plus légère que les éléments finis, a également été proposée. Elle donne des résultats satisfaisants pour des densités d’îlots faibles (inférieures à 1011 cm-2) ou pour des nanocristaux de petite taille (diamètres inférieurs à 2 nm). On a alors montré que les dimensions et la densité des îlots données par les analyses structurales ou par les paramètres d'élaboration étaient tout à fait compatibles avec les courants mesurés. Ceci nous a permis de conclure que les porteurs sont plutôt stockés dans les îlots que dans des défauts présents dans les structures. Cette technique se distingue des mesures statiques de courant car elle peut être appliquée à des dispositifs comportant des épaisseurs d’isolants importantes. Elle permet également d'étudier l’impact des courants transitoires sur l’état de charge du substrat. Les fenêtres mémoires occasionnées par le chargement de porteurs dans les îlots sont faibles, inférieures à 1 V. Dans le cas des îlots obtenus par implantation, l’oxyde tunnel est trop épais, et amenuise l’influence des électrons stockés dans les îlots, qui ont pourtant une densité importante (1,5.1012 cm-2). En ce qui concerne les îlots élaborés par LPCVD, la densité de nanocristaux est trop faible (1,5.1011 cm-2) alors que l’oxyde tunnel est relativement fin (3 nm). Ce dernier point aurait donc permis une fenêtre mémoire plus importante si la densité d’îlots avait été plus élevée. La modélisation de la capacité existant entre les îlots nous a permis d’extraire des paramètres à partir des données expérimentales. D’autres approches peuvent être envisagées pour mettre en évidence les courants de chargement. Un modèle permettant de les simuler a été appliqué avec succès aux courants transitoires mesurés sur les échantillons élaborés par LPCVD. Ceci nous a permis de confronter cette approche aux extractions de capacité îlots/substrat. La simulation du courant de chargement présente un intérêt certain du fait des aspects théoriques pris en compte pour la mettre en œuvre. Ceci permet en effet de valider des éléments fondamentaux de compréhension, relatifs aux mécanismes de chargement des îlots ou à leurs propriétés physiques intrinsèques.

100

En revanche, les paramètres d’ajustement sont nombreux, à moins d’avoir une très bonne connaissance des paramètres structuraux et du transport dans l’isolant tunnel. L’extraction de la capacité îlots/substrat qui fait principalement l’objet de ce chapitre, ne se heurte pas à ces obstacles et est utilisable sur des échantillons dont la structure et le mode de conduction de l’oxyde tunnel ne sont pas bien connus. En privilégiant les aspects capacitifs au détriment du courant tunnel de chargement, cette technique n’apporte pas une compréhension physique du chargement, mais plutôt un moyen de donner des informations sur les nanocristaux (densité, diamètre), et ce à partir des données expérimentales. On dispose ainsi de deux approches complémentaires, que l’on peut choisir d’utiliser selon la connaissance que l’on a des échantillons et le but de l’étude. Le point le plus important de ce chapitre est la modélisation de la capacité existant entre le plan d'îlots et la grille. En la comparant avec les valeurs extraites des mesures de courant, on a pu conclure quant au chargement dans les îlots, en accordant une attention particulière à deux paramètres structuraux : le diamètre des îlots et leur densité surfacique. Ils sont tous deux extrêmement importants dans nos modèles, mais également dans la perspective de la miniaturisation des composants. En effet, si on diminue la surface de la zone active des mémoires Flash à nanocristaux, on réduit également le nombre d’îlots qui y sont présents. Pour une densité donnée, il existe des dimensions minimales à donner à la zone active pour qu’elle contienne au moins un nanocristal en moyenne. Lorsqu’on n’a plus que quelques îlots dans la zone active, leur disposition est très importante. Si on ne maîtrise pas cette disposition, c’est-à-dire si l’on n’organise pas spatialement les îlots, il est sage de s’assurer qu’on a en moyenne plusieurs nanocristaux dans la zone active pour que ceux-ci fonctionnent de façon satisfaisante et reproductible. On peut par exemple se fixer comme limite un nombre de cinq îlots par composant. Considérons une zone active carrée de côté C. Sa surface vaut CL2 et, pour une densité d’îlots D, le nombre d’îlots qu’elle contient, noté n, est donné par : La contrainte selon laquelle il faut qu’au moins n=5 îlots soient présents dans la zone active (Figure 67) aboutit aux inéquations suivantes : On peut constater que pour miniaturiser une cellule mémoire, c’est-à-dire diminuer la valeur de L, il est nécessaire d’augmenter la valeur de D. Ceci montre l’importance de la densité d’îlots. Le diamètre des îlots n’intervient pas dans ces relations. Il apparaît pourtant évident qu’une densité importante d’îlots de diamètre élevé aboutit à leur coalescence. Sans en arriver jusque là, il est nécessaire que la distance entre les nanocristaux (notée d par la suite) demeure suffisamment grande pour que des électrons ne transitent pas par effet tunnel entre les îlots. Dans le cas contraire, tous les bénéfices des mémoires Flash à nanocristaux seraient remis en cause, puisqu'un défaut dans une barrière d'oxyde serait suffisant pour que toute l'information contenue dans la mémoire soit perdue.

2n D.C=

2

2

5D.C 5 D

C≥ ⇒ ≥

101

Le schéma représenté sur la Figure 68 rend compte de l'espace libre que l'on trouve autour d'un nanocristal compris dans un plan homogène.

Figure 68 : L’espace libre que l’on trouve autour d’un îlot de diamètre ∅ , faisant partie d’un plan homogène de nanocristaux peut être schématisé par un carré de côté L. Si on augmente la densité du plan, L diminue et les îlots sont alors plus proches les uns des autres.

A partir de cette représentation, pour une densité d'îlots (notée D), on peut calculer la distance moyenne séparant les îlots. La distance moyenne entre deux îlots, notée d, peut s'écrire : D’après cette relation, si on augmente la densité D, on diminue d, la distance inter-îlots, et ce d’autant plus que le diamètre des nanocristaux (∅ ) est important. Par la suite, nous chercherons à conserver une distance supérieure à 2 nm entre les îlots pour éviter tout transfert électronique entre les îlots : d 2 nm≥ .

Figure 67 : Schéma d’une zone active de mémoire Flash à nanocristaux, représentée par un carré de côté C, et contenant 5 îlots. Ce nombre est par la suite considéré comme le nombre minimal permettant de s’assurer de la reproductibilité des cellules mémoire.

L 1d 2 L

2 D

⎛ ⎞− ∅= = − ∅ = − ∅⎜ ⎟⎜ ⎟⎝ ⎠

102

La Figure 69 montre un graphe présentant l'évolution de la distance séparant les îlots en fonction de leur densité, pour des nanocristaux de diamètres différents. On peut constater qu'il faut des densités de l'ordre de 1012 cm-2 pour conserver une distance d telle que d>2 nm entre les îlots. Ce critère est respecté avec une densité d'environ 1013 cm-2 pour les îlots les plus petits (2 nm de diamètre). On a donc déterminé deux contraintes sur la densité des îlots. Pour un diamètre d’îlot donné, ces contraintes déterminent la faculté de miniaturisation de la technologie qui a été utilisée pour les élaborer. On peut considérer que la longueur de grille sous-entendue dans l’appellation ''nœud technologique'' peut être assimilée au côté du carré (C) représentant la zone active sur le schéma présenté sur la Figure 67. Dans ces conditions, nous avons cherché à quel nœud pouvaient aboutir les technologies étudiées dans ce chapitre, à partir du diamètre moyen et de la densité des îlots qu’elles permettent d’élaborer.

Figure 69 : Espace séparant les îlots (d) en fonction de leur densité, pour plusieurs diamètres d'îlots (2, 5, 8 et 10 nm). La zone de couleur rouge correspond aux distances inférieures à 2 nm entre les îlots.

Dans ce sens, la Figure 70 montre les densités compatibles avec les contraintes que nous avons fixées précédemment pour les différents nœuds technologiques visés par l’industrie. Deux diamètres ont été considérés, 5 nm (identique à celui des îlots LPCVD étudiés dans ce chapitre) et 2,2 nm (identique à celui des îlots implantés également étudiés dans ce chapitre). Pour les îlots les plus petits (2,2 nm de diamètre), on remarque tout d’abord qu’ils peuvent permettre d’évoluer jusqu’au nœud 11 nm. La densité dont nous avons disposé dans le cas des îlots implantés (1,5.1012 cm-2 environ), pourrait donc nous permettre d’atteindre le nœud 22 nm. Pour les îlots les plus gros (5 nm de diamètre), on constate qu’ils peuvent atteindre le nœud 16 nm. La densité dont nous avons disposé dans le cas des îlots LPCVD (1,5.1011 cm-2 environ), ne semble pas pouvoir assurer la réduction des dimensions au delà du nœud 65 nm. L’implantation semble donc représenter la technologie la plus prometteuse pour la réalisation de composants fortement miniaturisés, en raison de la forte densité des îlots et de leur petite taille. Les îlots LPCVD affichent des perspectives moins lointaines, à cause de leur faible densité et de leur diamètre (relativement) important.

103

Ces considérations ne prennent pas en compte les dispersions qui peuvent apparaître dans le positionnement des nanocristaux au sein des zones actives. Néanmoins, nous avons montré que les paramètres pris en considération par nos modèles pouvaient à eux seuls permettre d’évaluer l’aptitude des différentes technologies caractérisées à la miniaturisation. Dans la perspective de l’entrée en production au niveau du nœud 65 nm, le contenu de ce chapitre peut s’avérer être utile pour le choix de la technologie à utiliser ainsi que les densités à atteindre pour en tirer pleinement profit.

Figure 70 : Densité d’îlots en fonction des nœuds technologiques visés pour la fabrication de composants mémoires. Les densités compatibles avec les contraintes déterminées dans le texte correspondent aux parties colorées. Deux diamètres ont été considérés : 2,2 nm (en haut) et 5 nm (en bas).

104

105

Chapitre III. Etude de composants comportant quelques nanocristaux de silicium : vers l’étude de l’îlot unique

S'il est possible avec les techniques de caractérisation présentées dans la chapitre II de mettre en évidence un chargement en électrons à proximité des plans d’îlots, il demeure en revanche impossible de montrer que les porteurs sont stockés au sein des îlots eux-mêmes. Le moyen le plus pertinent pour le vérifier est l'observation de phénomènes mono-électroniques par caractérisation électrique ; cela permet en outre d'accéder aux paramètres géométriques des îlots. La mise en évidence de ces phénomènes est limitée dans le cas des capacités MOS car elles contiennent de nombreux nanocristaux. En effet, même les techniques d’élaboration d’îlots les plus performantes aboutissent à des objets dont les paramètres géométriques sont statistiquement dispersés. En caractérisant plusieurs milliers de ces objets, il n’est possible d’observer qu'un comportement général, comme par exemple des courants de chargement. En revanche, l'hétérogénéité de la structure empêche de discerner la manifestation des effets mono-électroniques, car la réponse d'un îlot dépend quantitativement beaucoup de ses dimensions propres. Mais ceci ne signifie pas pour autant que ces phénomènes n'ont pas lieu. Par exemple, on peut s’attendre à ce que les îlots obtenus par implantation et recuit oxydant, dont le diamètre vaut environ 2 nm, qui sont étudiés dans le chapitre II, présentent des effets quantiques à cause du confinement important des porteurs qui s’y trouvent. Ceci devrait influencer le courant qui les traverse et, par exemple, au cours d’un balayage en tension sur la grille, on devrait voir apparaître des pics de courants, ce qui n’est pas le cas dans nos échantillons, même à basse température. On ne peut conclure ni à l’absence ni à la présence de confinement quantique dans ces nanocristaux, à cause de la dispersion statistique de leurs diamètres, illustrée par la Figure 71. On constate que la dispersion est assez importante et, dans le meilleur des cas (recuit oxydant A3), on trouve des îlots de moins de 1 nm et d'autre de plus de 4 nm, dans les composants étudiés. Il est donc tout à fait envisageable que des effets de confinement aient lieu dans ces nanocristaux, mais les niveaux d’énergie engendrés sont alors distribués. Quand on augmente le nombre d’îlots jusqu’à obtenir de larges populations, les énergies forment alors un continuum. De même, le blocage de Coulomb, qui est un phénomène capacitif, dépend beaucoup des dimensions des îlots et des barrières de potentiel. Les caractéristiques électriques spécifiques à ce phénomène vont donc être lourdement affectées par les dispersions géométriques.

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Figure 71 : Dispersion des diamètres des nanocristaux obtenus par recuit de capacités MOS dont l’oxyde contient des atomes de silicium implantés à basse énergie, comme décrit dans la partie I du chapitre II. A gauche, le recuit est réalisé sous atmosphère réductrice (A1) et à droite sous atmosphère oxydante (A3). Les mesures sont effectuées par MET (Microscopie Electronique en Transmission) [Normand03].

Il faut ajouter à cette description l'influence des défauts. Leur présence dans le volume de l’oxyde et aux interfaces Si/SiO2 contribue à rendre les observations de phénomènes de confinement ou de blocage de Coulomb difficiles sur des composants MOS de taille micrométrique. Pour tenter de remédier à cela, on peut envisager l’étude de composants présentant des surfaces réduites. La caractérisation porte alors sur un nombre réduit d’îlots, ce qui peut aboutir à l’atténuation des effets de la dispersion. C’est dans cette optique que s’inscrit la première partie de ce chapitre en décrivant un procédé permettant d’isoler des régions de faibles dimensions dans des capacités MOS dont l’isolant contient quelques nanocristaux. La deuxième partie aborde quant à elle la caractérisation électrique de composants élaborés par une technique radicalement différente. Son principe est de placer un îlot (ou quelques îlots alignés) entre deux électrodes métalliques, à la surface d’une couche d’isolant. Sous l’influence d’une troisième électrode (équivalent à la grille de contrôle dans la technologie MOS), ceci permet de réaliser des transistors ou des mémoires à un électron. Dans cette partie, les résultats expérimentaux sont accompagnés d’une description des outils qui peuvent être mis en œuvre pour prévoir les caractéristiques de tels composants. La capacité des îlots est certainement le paramètre clé pour prévoir le fonctionnement des dispositifs de ce type, et c’est pourquoi nous avons porté une attention particulière à la modélisation des couplages existant entre les îlots et les éléments conducteurs (les électrodes) ou semi-conducteurs (le substrat) qui les entourent. Cette modélisation a été effectuée d’une part en utilisant un modèle analytique simple et, d’autre part, grâce à la méthode des éléments finis, et elle a permis d’aboutir à plusieurs considérations à prendre en compte pour la réalisation de composants fonctionnant à température ambiante.

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I. Présentation d’un procédé d’isolation de capacités La mise au point de ce procédé répond à un certain nombre de problématiques. Il s’agissait comme on l’a déjà dit précédemment d’étudier des ensembles de seulement quelques îlots au lieu des larges populations dont la caractérisation n’aboutit pas à des résultats satisfaisants en termes d’effets mono-électroniques. Il s’agissait également de caractériser de façon optique ces îlots, pour mieux connaître leurs caractéristiques. A partir de cette caractérisation, on voulait également se donner la possibilité de repérer les ensembles de nanocristaux qui ont des caractéristiques propices à la caractérisation électrique de phénomènes de blocage de Coulomb ou de résonance tunnel, et donc de ne pas courir le risque de caractériser des zones où les îlots sont coalescents, ou trop dispersés (en localisation ou en taille). Pour élaborer des composants de très faible surface, on ne peut se contenter de réduire la taille des grilles des capacités que l’on crée. En effet, les pointes utilisées pour réaliser les tests électriques limitent la réduction des dimensions des grilles à quelques centaines de microns carrés. Or, avec les densités d’îlots généralement utilisées, plusieurs centaines d’îlots sont encore situés dans la zone active de telles capacités, ce qui ne nous exonère pas des effets négatifs de l'hétérogénéité géométrique. Il est par conséquent nécessaire d’étudier des capacités ayant des grilles suffisamment grandes pour être caractérisées sous pointes, mais ayant des zones actives de section extrêmement petites, pour ne prendre en compte que quelques îlots. C’est dans cette optique que le projet de mettre au point le procédé d’isolation a été initié. Il consiste à graver chimiquement les différentes couches sur la quasi-totalité des échantillons, et de ne conserver intactes que de très petites zones, en les protégeant par un matériau résistant aux solutions utilisées pour la gravure. La zone protégée est alors un plot de forme cylindrique, et on fait croître une épaisse couche d'oxyde thermique à la place des couches gravées, ce qui isole électriquement le plot. Si au départ le diamètre des plots était relativement important (500 nm), les derniers développements ont permis de créer des plots de 70 nm de diamètre. Une fois ces plots réalisés et entourés d'oxyde thermique, il reste à les contacter, c'est-à-dire à déposer une grille métallique qui sera en contact avec eux. Cette grille est de dimensions bien plus importantes que le plot, ce qui a le double avantage de simplifier les problèmes d'alignement et de permettre la caractérisation électrique sous pointes. La partie de la grille qui n'est pas connectée au plot se trouve sur l'oxyde thermique et ne doit donc pas contribuer à la conduction, qui ne doit donc concerner que le plot.

I.2. Description des échantillons et du procédé d’isolation

Les structures de base destinées à subir l’isolation (Figure 72) sont des capacités MOS, constituées d’un substrat (dopé N) sur lequel une couche de 5 nm de poly-silicium est déposée. Une couche de SiOX, d’épaisseur variable selon les échantillons, est obtenue par LPCVD à des températures voisines de 600°C, selon la technique décrite dans la partie I du chapitre II.

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(a)

SiOX

Poly N+

Si

Poly N+

Nitrure

Poly N+

Poly N+

Nitrure

Si

(b)

SiOX

Enfin, une nouvelle couche de 50 nm de polysilicium est déposée. Il est intéressant de noter que contrairement aux échantillons du même type étudiés dans le chapitre II, on ne trouve pas de couches de SiO2 déposées de part et d’autre du SiOX. En effet, nous avons montré au cours de nombreuses études expérimentales que ces dernières contenaient souvent de nombreux défauts. Il est donc préférable de ne pas les utiliser en couches minces comme jonctions tunnel tant que des solutions techniques ne sont pas apportées à la présence de ces défauts. Pour isoler une partie de la capacité présentée par la Figure 72, et ainsi garder une zone ne contenant que quelques îlots, il faut réaliser une gravure sélective. Pour ce faire, on dépose d’abord sur l'échantillon une épaisse couche de résine dont seules les zones exposées à un faisceau d'électrons seront conservées.

Figure 72 : Représentation schématique des composants utilisés pour réaliser le process d’isolation.

En effet, la résine ''insolée'' préservera la partie du composant qu'elle recouvre des attaques chimiques effectuées par la suite. Les étapes successives pour la réalisation de ces isolations sont les suivantes :

• En premier lieu, une épaisse couche (50 nm) de nitrure (Figure 73a) est préalablement déposée par PECVD (Plasma Enhanced Chemical Vapor Deposition, pour dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma), dans le but de réaliser un ''masque dur''.

Figure 73 : (a) Schéma de la structure après le dépôt d’une couche de nitrure par PECVD. (b) Schéma du même échantillon après définition par lithographie e-beam d’une zone protégée et gravure des couches de poly-silicium et de SiOX.

Poly N+

Si

Poly N+

SiOX

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Cette couche est utile à plusieurs titres : premièrement, elle évite les contaminations par les résidus organiques issus de la résine utilisée par la suite pour la lithographie e-beam. Deuxièmement, le nitrure a une meilleure adhérence sur le polysilicium que la résine, ce qui assure une meilleure cohésion du masque dur sur l’échantillon au cours des attaques chimiques qui suivent la lithographie.

• Une couche de résine de 50 nm est évaporée sur la totalité de la surface du composant. Il s’agit d’une résine négative nommée QSR5, développée par Quantiscript, un partenaire industriel de l’université de Sherbrooke (Québec). Cette résine une fois exposée au faisceau d’électrons d’un MEB (Microscope Electronique à Balayage) résiste à une attaque à l’Ethyl-Méthyl Kétone (MEK), contrairement aux zones ''non-insolées''.

• Des disques de 100 à 500 nm de diamètre sont définis par exposition de la surface de la résine à un faisceau d’électrons fourni par un MEB, dans notre cas un JEOL 6300 modifié (il est muni d’un dispositif d’interruption du faisceau [''beam-blanker''] et d’un porte-échantillon mobile et mécanisé). Chaque lithographie crée plusieurs dizaines de ces disques, placés en réseau et régulièrement espacés d’une dizaine de microns. Toutes ces dimensions sont contenues dans un fichier créé par le logiciel DESIGNCAD, dont on peut voir une copie d’écran sur la Figure 74a.

Ce fichier a un format qui peut être lu par NPGS (Nanometer Pattern Generation System), le logiciel qui pilote le MEB, le ''beam-blanker'' et le porte-échantillon. Le faisceau utilisé pour l’exposition est obtenu avec une tension d’accélération de 30 keV et, au total, une dose d’environ 15000 mC/cm2 est utilisée pour définir un disque de 100 nm de diamètre tel que ceux présentés par les Figure 74 (b) et (c). Avec un courant de faisceau de 500 pA, cette dose représente un temps d’exposition de 3,5 s par disque (diamètre : 100 nm).

10 µm

(b)(a)

10 µm

(c)

10 µm

(b)(a)

10 µm

(c)

Figure 74 : (a) Copie d’écran de la matrice de plots distants de 10 µm définie sous DESIGNCAD. (b) Image obtenue par MEB des plots de résine après développement à la MEK. Les points de résine font environ 100 nm de diamètre (c).

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En plongeant les échantillons dans une solution de MEK, on développe la lithographie e-beam : La résine est gravée partout où elle n’a pas été exposée au faisceau d’électrons. La MEK a une vitesse d’attaque de 100 nm/minute, ce qui donne 30 secondes d’attaque dans notre cas.

• Plusieurs étapes de gravure humide sont alors réalisées. Tout d’abord, pour graver la couche de nitrure, deux solutions ont été étudiées : la première, un plasma CF4+02 réalisé dans l’enceinte d’un réacteur PECVD, a l’avantage d’être rapide (de 10 à 40 nm/min.) et le défaut de n’être que peu sélective par rapport au silicium, ce qui pose un problème à cause de la couche de poly-silicium qui se trouve sous le nitrure. La deuxième solution est une attaque à l’acide phosphorique (H3PO4 à 85 %) porté à une température de 130°C. Elle est très sélective par rapport au silicium (avec un rapport 10) mais a le désavantage d’être très lente (6-7 Å/min.). Notons qu’elle peut être considérablement accélérée en portant sa température à 140°C, mais ceci nécessite un dispositif permettant la recondensation des vapeurs émises, étant donné que c’est la température d’ébullition de l’acide phoshorique.

Ces deux méthodes ont été utilisées à différents stades du procédé, en choisissant dans chaque cas la plus appropriée. Etant donné que le poly-silicium va ensuite être également gravé, le plasma CF4+02 peut être utilisé lors de cette étape, en se mettant dans des conditions de sur-gravure, après avoir vérifié précisément la vitesse d’attaque. En effet, cette dernière dépend de nombreux paramètres extérieurs et varie sensiblement d’un jour à l’autre.

• Pour attaquer les couches de poly-silicium et l’isolant contenant les îlots, les échantillons sont plongés dans une solution de HNO3/HF/H2O dont la composition est, en volume, [50:1:100] à 40°C (la température maintenue à l'aide d'un bain-marie). Cette attaque dure entre 6 min. 30 sec. et 8 min. Il est possible de contrôler son avancement de façon visuelle, chaque couche ayant une couleur différente. La couleur initialement dorée ou gris-métallique, correspondant au poly-silicium, passe après environ 4 ou 5 minutes à un bleu-violet sombre, la couleur du SiO2 contenant les îlots. Ensuite, on observe à nouveau une couleur gris-métallique, qui est celle de la couche de poly-silicium recouvrant le substrat. Quand cette couleur est observée de manière uniforme sur tout l’échantillon, l’attaque est arrêtée.

• Une couche d’oxyde thermique est ensuite créée. Auparavant, il est important d’enlever la couche de résine insolée, car dans le cas contraire, des molécules organiques pourraient diffuser dans le composant et occasionner la formation d’impuretés électriquement actives. Pour ce faire, les échantillons sont soumis à un plasma de dioxygène pendant 3 min. 30 s, avec une puissance de 100 W. On a alors des plots constitués d’un empilement poly-Si/nanocristaux + SiO2/poly-Si, surmonté d’une couche de nitrure, comme on peut le voir sur la Figure 75, dans le cas d’un plot de 300 nm de diamètre.

L’oxyde thermique peut alors être réalisé dans un four classique, à 900°C pendant 35 min. sous dioxygène pur, afin d’obtenir une couche de 20 nm autour des plots (Figure 76a). Il s’agit là d’une technique d’isolation très connue, appelée LOCOS (Local Oxidation of Silicon), et qui n’est pas sans conséquence sur la structure du plot. Des simulations

111

SiOX

Si

Poly N+

NitrureSiO2

Poly N+

SiOX

Si

Poly N+

SiO2

Poly N+

Cr/Au

(a) (b)

physiques ont été réalisées en utilisant le logiciel SUPREM4, dans le but de vérifier si l’intégrité des plots ne risquait pas d’être atteinte par cette étape. Comme on peut le voir sur la Figure 77, on peut s’attendre à une réduction de la zone active, en raison des ''becs d’oiseau'' qui se créent aux interfaces poly-Si/Si3N4 et poly-Si/SiO2/substrat.

Figure 75 : Image MEB d’un plot de 300 nm de diamètre après gravure chimique de la résine insolée (vue de dessus). On distingue clairement la couche de nitrure, plus claire, au sommet du plot.

Il semble que, selon ce modèle, la structure ne soit pas radicalement transformée par cette opération d’oxydation haute température. Les becs d’oiseau sont des phénomènes bien connus, qui ont été étudiés à l’époque où les oxydes thermiques étaient utilisés pour isoler les composants dans les circuits fortement intégrés. Ils sont connus pour générer des contraintes, ce qui peut avoir de graves répercussions pour les mesures électriques. A l’époque, les épaisseurs d’isolant étaient plus importantes que celles visées dans notre cas ; on peut penser que le nombre de contraintes est par conséquent moins important.

Figure 76 : (a) Schéma de la structure après croissance de la couche d’oxyde thermique. (b) Représentation schématique des plots après la réalisation de la grille en chrome/or.

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On ne peut toutefois pas exclure qu’elles aient une influence sur les caractéristiques électriques des composants. D’autre part, on peut constater qu’après 30 min., la simulation prévoit une épaisseur d’environ 15 nm d’oxyde, ce qui correspond aux mesures d’ellipsométrie effectuées après 30 min. dans notre four.

• La couche de nitrure située au-dessus des plots est ensuite gravée. Il est important que la couche de poly-silicium qui se trouve sous le nitrure reste intègre ; c’est pourquoi le plasma CF4+02 n’a pas été retenu pour cette étape. Les échantillons sont plongés dans une solution d’acide phosphorique à 85 % porté à une température de 130°C.

Comme elle est très sélective par rapport au silicium, il est possible d’utiliser une durée correspondant à une légère sur-gravure sans compromettre la présence de la couche de poly-silicium. Il faut dans ces conditions 1h30 pour graver une couche de 50 nm de nitrure, comme c’est le cas de ces échantillons.

La Figure 78 montre une image MEB d’un plot de 100 nm de diamètre réalisée après la gravure de la couche de nitrure. Cette dernière est complètement réalisée, étant donné qu’on n’observe pas à son sommet la couche claire que l’on peut voir sur la Figure 75.

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Si3N

4

Poly

Substrat

SiO2

Figure 77 : Résultat des simulations physiques réalisées grâce au logiciel SUPREM4, pour des croissances d’oxyde de 10, 20 et 30 minutes, comparées avec la structure initiale (notée ''O min.'').

113

Figure 78 : Plot de 100 nm de diamètre dépourvu de la couche de nitrure qui se trouvait jusque là à son sommet et le protégeait des gravures chimiques successives. A ce stade, une grille métallique peut être évaporée par-dessus pour le caractériser électriquement.

Enfin, une grille est créée sur les dispositifs, afin de pouvoir contacter les plots de silicium. Ceci nécessite la prise d’un point de référence commun aux lithographies e-beam et optique pour aligner les grilles avec les plots correspondants. Pour ce faire, c’est la technique du soulèvement (lift-off) qui a été utilisée : une résine Shipley S1818 est étalée sur les échantillons préalablement chauffés à 115°C pendant 1 min. Une épaisseur de résine de 1,6 mm est obtenue grâce à l’utilisation d’une tournette à 4500 tours/min. pendant 20 s. Elle est durcie en déposant les échantillons pendant 1 min. à 115 °C sur une plaque chauffante. Des motifs de 50 µm par 50 µm sont définis par lithographie optique, en s’alignant sur les marques définies lors de la lithographie e-beam. Les zones de résine exposées sont éliminées par un bain au développeur pendant 1 min. 15 s. Une couche de chrome de 10 nm puis une couche d’or épaisse de 200 nm sont alors évaporées sur les échantillons (Figure 76b). Le chrome a été choisi pour sa bonne tenue mécanique sur l’oxyde de silicium. L’or est quant à lui utilisé parce qu’il s’oxyde très peu lorsqu’il est exposé à l’air, au cours du temps, et pour sa tenue mécanique lors des tests sous pointes. On plonge finalement les échantillons dans de l’acétone pour effectuer le soulèvement.

Sur de tels échantillons, on a cherché à montrer qu’il était possible de repérer les plots de par la luminescence qu’ils libèrent lorsqu’ils sont excités par le faisceau électronique du MEB. Cette technique est appelée cathodoluminescence, et elle s’appuie sur une théorie qui prédit que les électrons excitateurs vont pénétrer tout d’abord dans la bande de conduction des îlots, avant de se recombiner de manière radiative avec des trous présents dans la bande de valence. Les photons émis lors de ce processus ont alors l’énergie correspondant à la différence énergétique entre les bandes de conduction et de valence des nanocristaux, c’est-à-dire à leur gap.

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En d’autres termes, la longueur d’onde des photons émis permet de remonter au diamètre des îlots, car le confinement des porteurs dans les nanocristaux fait en sorte que le gap dépend de la taille des îlots. Cette dépendance peut être évaluée par des relations analytiques approchées ou par un calcul théorique utilisant le formalisme quantique. Par cette méthode, il est donc possible de déterminer dans un échantillon les zones présentant des îlots et le diamètre de ceux-ci. Pour ce faire, il suffit de comparer l’image MEB d’un réseau de plots avec le signal de cathodoluminescence obtenu dans les mêmes conditions. La Figure 79 montre que les plots visibles sur l’image MEB correspondent parfaitement aux points repérés par cathodoluminescence. En revanche, il s’est avéré impossible de repérer les îlots eux-mêmes. Ce n'est pas directement la résolution spatiale de la sonde qui est en cause, celle-ci étant du même ordre que son diamètre à savoir environ un nanomètre. En revanche, la résolution de la mesure est limitée par la diffusion des électrons d’excitation dans le matériau, qui se propagent dans un volume d’autant plus grand que la tension d’accélération des électrons est importante. Les imperfections du matériau entourant les nanocristaux peuvent donc être le siège de recombinaisons radiatives en dehors de la zone de génération des électrons. Ceci aboutit à l'émission d'un signal lumineux caractéristique des défauts de l'isolant et émanant d'une surface plus large que la zone des îlots.

De fait, l’analyse des longueurs d’ondes obtenues nous a démontré la présence de nombreux défauts, notamment aux longueurs d'onde correspondant aux interfaces entre les îlots et la matrice isolante. Le repérage individuel des îlots est donc tout à fait envisageable dans l'avenir, à condition d'améliorer la matrice isolante (par exemple par l’application de recuits adaptés) et de limiter la tension d'accélération du faisceau excitateur afin de réduire le plus possible l'extension de la zone de diffusion.

Figure 79 : Signal obtenu par cathodoluminescence (a) et image en électrons secondaires (b) pour une matrice de plots de 500 nm de diamètre.

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I.3. Conclusions et perspectives

Cette partie a donc montré la faisabilité d’un procédé d’isolation compatible avec la technologie CMOS et permettant d’avancer dans la création de composants ne comportant que quelques îlots dans leur zone active. L’originalité de ces composants tient au fait qu’en leur sein, le transport est de type ''vertical'', c’est-à-dire que les porteurs se déplacent perpendiculairement aux interfaces des couches. Les dimensions caractéristiques, comme par exemple la taille des barrières de potentiel, sont donc déterminées par les épaisseurs des couches. Ce paramètre est certainement l’un des mieux contrôlés dans les technologies actuelles, et c’est celui qui peut être amené à des dimensions nanométriques avec la meilleure reproductibilité. Ce point représente donc un avantage certain par rapport aux composants monoélectroniques couramment rencontrés dans la littérature et pour lesquels le transport se fait ''horizontalement'', c’est-à-dire parallèlement à la surface du substrat. On trouve dans la littérature un nombre important de composants verticaux élaborés grâce à des technologies basées sur les matériaux III-V, car ceux-ci sont souvent élaborés par épitaxie, une technique qui permet l’élaboration maîtrisée de couches ultra-minces épaisses de quelques couches atomiques seulement. On peut ajouter que les matériaux III-V présentent souvent bien moins de défauts que l’hétérojonction Si/SiO2, ce qui est favorable à l’observation d’effets monoélectroniques. Mais le coût des matériaux III-V et leur faible pénétration dans les technologies de production de masse en microélectronique confèrent une grande importance à la réalisation de composants verticaux utilisant la technologie silicium, et donc à la première partie de ce chapitre. Enumérons maintenant les conclusions que l’on peut tirer de cette partie, qui ouvrent également bon nombre de perspectives : Tout d’abord, nous nous somme heurtés à un certain nombre de difficultés en mettant au

point ce procédé. Le manque de reproductibilité des étapes de gravure humide est l’une d’elles, et plus particulièrement celles qui concernent l’attaque du SiO2 contenant les nanocristaux et la gravure des couches de poly-silicium. Les solutions utilisées sont efficaces pour des couches épaisses, mais elles donnent lieu à des incertitudes trop élevées pour qu’il soit possible de contrôler la gravure de quelques nanomètres de profondeur.

On doit donc envisager de passer à d’autres types de gravure. En ce qui concerne les gravures humides, des solutions de KOH et de HF ont été récemment utilisées pour graver respectivement le poly-Si et le SiO2. Les étapes de gravure sont un peu plus reproductibles, mais il demeure très difficile de réaliser de façon reproductible des plots de dimensions inférieures à 200 nm tels que ceux dont on peut voir une image MEB sur la Figure 80.

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Figure 80 : Image MEB d’un réseau de plots de 200 nm de diamètre obtenues par des gravures humides au KOH et au HF. Au centre, une ligne de référence montre la séparation entre la couche de nitrure et le reste du plot, pour une hauteur conforme à celle que l’on attend (117,3 nm).

Il apparaît donc prometteur de mettre en place des étapes de gravure sèche, comme la RIE (Reactive Ion Etching) par exemple, qui consiste à graver les couches par des faisceaux d’ions énergétiques. La mise en œuvre de ces techniques est à l’heure actuelle au centre des projets menés le cadre de la collaboration entre le LPM et le CRN² (Centre de recherche en nanofabrication et nanocaractérisation, Université de Sherbrooke, Québec).

D’autre part, l’isolation par un oxyde thermique est, comme on l’a dit, génératrice de contraintes. On pourra donc à l’avenir se tourner vers la technique qui a succédé au LOCOS dans l’industrie microélectronique : le STI (Shallow Trench Isolation). Elle utilise un oxyde déposé, qui ensuite est aplani par un polissage mécaniquo-chimique (CMP, Chemical and Mechanical Polishing). Le matériel nécessaire à la réalisation d’épaisseurs de 10 ou 20 nm par CMP est d’une technologie avancée et représente un investissement important. De plus, il n’est justifié que si les oxydes déposés ont une qualité diélectrique suffisante, alors que dans les faits, ils sont souvent de bien moins bons isolants que les oxydes thermiques.

On a par ailleurs montré que la cathodoluminescence pouvait permettre de discerner les

zones contenant des îlots de celles qui n’en comportent pas. Avec la résolution que l’on peut attendre du photodétecteur, cette technique permettra certainement de repérer spatialement les îlots de très petite taille (quelques nanomètres de diamètre), tout en déterminant leur diamètre, ce qui ouvre une perspective alternative à l’arrangement des îlots après leur élaboration.

Généralement, la notion d'arrangement d'îlots correspond au choix de leur emplacement et de leur taille. Grâce à la cathodoluminescence, il sera possible d’agir différemment, en créant le composant là où les îlots ont des positions et des diamètres que l’on juge satisfaisants pour caractériser les phénomènes monoélectroniques ou relatifs au confinement de porteurs en leur sein. Il sera par exemple possible d’éviter les îlots coalescents, les zones ne comptant aucun îlot ou présentant trop de défauts.

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La caractérisation électrique a quant à elle donné des résultats décevants. Les courbes montrent la présence de courants de fuite importants, que l’on peut imputer soit au matériau de base, soit aux défauts créés par le procédé de fabrication. On peut par exemple penser aux contraintes induites par la création de l’oxyde thermique, ou à l’utilisation de nitrure pour le masque dur. Les préconisations apportées par cette partie pourront amener les caractérisations électriques à apporter toutes les informations que l’on peut attendre d’elles, en ce qui concerne notamment l’occurrence de phénomènes mono-électroniques.

Enfin, le procédé d’isolation présenté dans cette partie est également original car il est

appliqué à des échantillons élaborés par des techniques identiques à celles qui sont utilisées pour élaborer des mémoires FLASH à nanocristaux. La caractérisation électrique des zones isolées par notre procédé pourrait donc permettre d’évaluer les différentes techniques d’élaboration des nanocristaux (dont certaines sont présentées dans la partie I.2.c du chapitre I). Par exemple, on pourrait envisager d’évaluer les possibilités de miniaturisation de chacune de ces techniques, qui sont en rapport étroit avec les dispersions en localisation et en tailles. Pour ce faire, on pourrait envisager d’utiliser la technique de mesure des courants transitoires présentée dans le chapitre II pour estimer le nombre de charges stockées dans les îlots et le couplage nanocristaux/grille. Ceci donnerait une idée assez précise du nœud technologique que les différentes techniques d’élaboration peuvent atteindre en matière de mémoires FLASH.

Les perspectives ouvertes par cette étude sont donc importantes. L’approche choisie par le procédé d’isolation présenté ici est parfois appelé descendant, ou ''top-down'' en anglais, car elle consiste à faire des objets nanométriques à partir de composants bien plus gros. Ceci rend les techniques décrites dans cette partie attractives car elles offrent la possibilité de pousser la miniaturisation jusqu’aux composants à quelques électrons tout en évitant les révolutions technologiques qui pourraient remettre en question leur utilisation à l’échelle industrielle. Le chapitre suivant présente une toute autre approche, que l’on appelle ''bottom-up'' car elle propose d’organiser des objets de dimensions nanométriques (les îlots) pour en faire des composants mésoscopiques, à savoir des transistors ou des mémoires à un électron.

II. Elaboration de composants à quelques îlots par AFM Pour organiser spatialement des îlots déposés aléatoirement sur une couche d’isolant, la possibilité d’utiliser la pointe d’un microscope AFM (Atomic Force Microscope) a fait l’objet des recherches menées dans le cadre du projet DotSET, financé par la région Rhône-Alpes. Il s’agit de choisir quelques nanocristaux et de les placer individuellement entre deux ou trois électrodes, que l’on peut alors polariser pour mesurer le courant traversant les nanocristaux. Deux obstacles s’opposent classiquement à la réalisation de ce type de composants. Tout d’abord, si l’on veut mesurer le courant traversant quelques îlots ayant un diamètre de quelques nanomètres, il est nécessaire que l’écart entre les électrodes soit de l’ordre de la dizaine de nanomètres, ce qui nécessite l’utilisation de techniques de lithographie très pointues. Cet aspect a été étudié par T. Fournier au CRTBT (Centre de Recherche sur les Très Basses Températures, CEA-CNRS, Grenoble).

118

Ensuite, il faut que les îlots étudiés se trouvent entre les électrodes créées, ce qui n’est pas naturellement le cas lorsque les îlots ne sont pas organisés a priori. Comme on l’a déjà évoqué dans le chapitre I, l’organisation spatiale des îlots a priori a été étudiée par un certain nombre d’équipes de recherche. Mais peu de solutions ont été trouvées pour organiser ces îlots a posteriori, c’est-à-dire une fois que les électrodes ont été fabriquées. C’est à ce type d’approche que s’apparente la nanomanipulation par AFM, une technique déjà proposée pour des îlots métalliques [Carlsson99], et qui a été développée pour des îlots en silicium par S. Decossas au LPM et au LTM (CNRS, Grenoble) [Decossas04a,b]. La partie II.1. résume ces travaux d’élaboration. De plus, peu de caractérisations électriques ont été proposées par rapport à ces techniques d’organisation a posteriori, en particulier à propos de la nanomanipulation d’îlots de silicium par AFM. C’est sur ce point que notre travail s’est focalisé, et la partie II.2. rend compte des résultats obtenus dans ce sens.

II.1. Procédé d’élaboration

Les échantillons caractérisés par la suite (partie II.2.) sont obtenus à partir d’un substrat de silicium sur lequel on crée une couche d’oxyde thermique. Les premiers échantillons considérés comportaient une couche d’oxyde thermique d’environ 30 nm d’épaisseur. Sur la surface de l’isolant, des nanocristaux de silicium ayant un diamètre moyen de 20nm ont été déposés par LPCVD, avec une densité d’environ 1010 cm-2 (Figure 81). La création de ces nanocristaux est due à T. Baron (LTM-CNRS, Grenoble), avec des paramètres technologiques similaires à ceux qu'on peut trouver dans les références [Baron00] et [Baron02].

Figure 81 : Image AFM des îlots déposés par LPCVD sur l’oxyde épais. Les îlots, peu denses, ont un diamètre d’environ 20 nm (Image : S. Decossas).

Figure 82 : Image MEB des électrodes métalliques réalisées par lift-off, espacées d’environ 60 nm (Image : T. Fournier).

Ensuite, une couche de résine positive a été déposée puis c’est la technique du lift-off qui a été utilisée pour créer les électrodes. Par e-beam, on expose au faisceau d’électrons les zones correspondant aux électrodes, puis on ôte la résine insolée par un révélateur. Une fine couche de titane (5nm) et une autre plus épaisse d’or (15nm) sont alors évaporées. En plongeant les dispositifs dans un solvant adapté, on ôte la résine, qui soulève les couches de métal sur toute leur surface, mises à part les zones définies par e-beam. Ces étapes, réalisées par T. Fournier

119

(CRTBT-CNRS, Grenoble), ont ainsi abouti à des électrodes espacées de quelques dizaines de nanomètres (60nm pour les électrodes que l'on peut voir sur la Figure 82). Ensuite, grâce à une pointe AFM, trois îlots ont été amenés individuellement entre les électrodes, après avoir plongé l'échantillon dans un bain dilué de HF. Cette précaution permet d'ôter l'oxyde natif des îlots, ce qui est nécessaire car il assure une trop forte cohésion des îlots avec la couche d'oxyde et demande des forces trop importantes pour être mécaniquement désolidarisé de cette couche. Les échantillons décrits par la suite ont été structurés par AFM par S. Decossas (LTM-CNRS, Grenoble). La Figure 83 montre un dispositif comportant trois des îlots identiques à ceux représentés sur la Figure 81 entre les électrodes montrées par la Figure 82.

Figure 83 : Image AFM des deux électrodes reliées par une chaîne de trois îlots [Decossas04a].

On distingue nettement les trois îlots, situés entre la pointe de l’électrode supérieure et l’électrode inférieure, qui est carrée. La Figure 84 présente le profil de la zone active de ce composant, réalisée en mode contact, c’est-à-dire en posant la pointe du microscope AFM sur le matériau. Les trois flèches rouges dessinées montrent que la zone séparant les électrodes comporte trois bosses, qui attestent de la présence des nanocristaux. Les résultats de la caractérisation de ces échantillons sont décrits au cours de la partie II.2.

Figure 84 : Profil obtenu par AFM en mode contact de la zone comprise entre les deux électrodes, et qui comporte les îlots (indiqués par les flèches rouges) [Decossas04a].

120

Des échantillons un peu différents quant à leur architecture ont été également élaborés. Tout en empruntant les mêmes techniques que précédemment, une grille a cette fois été ajoutée, pour tenter de moduler le courant traversant la structure, et ainsi chercher à mettre en évidence un effet comparable à l'effet de champ dans les transistors MOS conventionnels. Tout d'abord, un dispositif comprenant trois îlots et 3 électrodes (drain, source et grille) a été réalisé. Une image AFM de ce composant est présentée sur la Figure 85. Les paramètres sont identiques à ceux du composant décrit précédemment, mis à part l'épaisseur de la couche d'oxyde thermique (20 nm), l'écart entre les électrodes (35 nm) et le diamètre des îlots (10 nm).

D

S

G

D

S

G

Figure 85 : Image AFM d'un dispositif comprenant 3 îlots placés entre deux électrodes (drain et source) et une grille (Image : S. Decosses).

Enfin, un dispositif comportant un îlot unique a été élaboré selon la même technique, sur un oxyde thermique de 20 nm d'épaisseur, entre deux électrodes séparées de 26 nm (dont on peut voir une image MEB sur la Figure 86).

Figure 86 : Image MEB des électrodes métalliques réalisées par lift-off, espacées de 26 nm (Image : T. Fournier).

121

La Figure 87 montre une image AFM en mode contact du composant et la Figure 88 présente un profil réalisé toujours en mode contact et qui atteste de la présence de l'îlot, tout en donnant une idée de sa hauteur. Du point de vue morphologique, l'élaboration de ces dispositifs a été une réussite. De nombreux dispositifs ont été ainsi fabriqués et caractérisés. A cette occasion, nous avons pu expérimenter concrètement l’intérêt de la nanomanipulation. En effet, de nombreuses configurations ont pu être testées, étant donné que l’organisation des îlots par cette technique peut tout à fait être modifiée à de nombreuses reprises. Ceci permet de tester une infinité de configurations, et en particulier choisir des îlots de tailles différentes, ou leurs positions par rapport aux électrodes. Cette souplesse ouvre des perspectives importantes dans l’élaboration de dispositifs innovants. Au cours de notre travail, elle a d’ores et déjà permis d’élaborer des démonstrateurs dotés de caractéristiques électriques remarquables à température ambiante, comme le montre la partie suivante.

Figure 87 : Image AFM d'un dispositif comprenant 1 îlot unique d'environ 25 nm de diamètre placé entre deux électrodes (drain et source) et une grille [Decossas04a].

Figure 88 : Profil réalisé par AFM en mode contact sur un dispositif comprenant 1 îlot unique (noté nc-Si pour nanocristal de silicium) d'environ 25 nm de diamètre placé entre deux électrodes (drain et source) et une grille. Le profil a été réalisé perpendiculairement à l'axe drain-source, et l'électrode qu'on peut distinguer est par conséquent la grille [Decossas04a].

122

II.2. Caractérisation des dispositifs comprenant trois nanocristaux

de silicium entre deux électrodes métalliques

Cette partie présente les principaux résultats de la caractérisation électrique de composants à un et trois îlots placés entre deux ou trois électrodes. Comme on l’a évoqué dans la partie précédente, l’organisation des nanocristaux par AFM permet de caractériser les composants et ensuite de modifier leur architecture. On peut alors à nouveau les caractériser pour comprendre l’impact des modifications effectuées sur les caractéristiques électriques mesurées. Il aurait été fastidieux de retranscrire ici l’ensemble de ce travail et, par conséquent, seuls les résultats les plus importants sont par la suite décrits. Dans un premier temps, ce sont les dispositifs dépourvus de grille et comportant trois nanocristaux de silicium alignés entre deux électrodes qui ont été caractérisés. Pour ce faire, un contact arrière a tout d'abord été pris sur le substrat. Les mesures sont faites par l’intermédiaire de 3 pointes, une sur chaque électrode du dispositif étudié, et une troisième sur le contact arrière. Ceci nous a permis de polariser le substrat, comme on va le voir plus tard. Toutes les mesures ont été faites à un température de 300K. Dans un premier temps, on a polarisé l’une des électrodes que l'on considérera comme étant le drain et on a relié l’autre (la source) à la masse. Le substrat lui aussi a été relié à la masse. La Figure 89 montre le courant mesuré sur l’électrode polarisée en fonction de la tension qui lui est appliquée.

On observe que le courant est sujet à des variations rapides, qu'on peut attribuer à la présence de bruit ou à des résonances tunnel entre les électrons injectés et des niveaux d'énergie situés dans la zone active.

3.5 4.0 4.5 5.00.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

I D (

pA

)

VDS

(V)

T=300 K

VSUB

= 0 V

Figure 89 : Courant mesuré sur le drain en fonction de la polarisation appliquée entre le drain et la source, à température ambiante. Pendant la mesure, le substrat est porté à la masse. La courbe rouge est issue du lissage de la courbe expérimentale (en noir). Les traits bleus matérialisent les paliers qui semblent apparaître dans la caractéristique obtenue.

123

Un bruit de type télégraphique permet d’interpréter les variations rapides du courant par le piégeage et le dépiégeage de porteurs à proximité de la zone active. Ces porteurs peuvent influencer la conduction des îlots, par effet de champ. En ce qui concerne la résonance tunnel, elle peut correspondre à la présence d'états situés par exemple à la surface des nanocristaux de silicium ou au niveau de l'interface îlot/SiO2. Les courbes ont été réalisées en utilisant un temps d'intégration standard qualifié de moyen, c'est-à-dire qu'on utilise des rampes de tension relativement lentes. Dans ces conditions, pour chaque point de polarisation, l'appareil prend quelques dizaines de points et moyenne les résultats obtenus. Le fait d’augmenter le temps d'intégration et de pousser à plusieurs centaines le nombre de mesures considérées n’a apporté aucune amélioration en termes de niveau de bruit. Si on lisse la courbe expérimentale représentée en noir sur la Figure 89, on remarque la présence de paliers, typiques du blocage de Coulomb. Ces paliers s’observent de manière reproductible, comme le montre la Figure 90. Sur ce graphique, les courbes de courant sont lissées de la même manière que sur la Figure 89 (courbe rouge), et ce afin d’atténuer les effets du bruit. On observe bien les paliers de courants, qui apparaissent à des tensions comparables pour toutes ces mesures.

Cette progression par paliers du courant peut s’expliquer au travers de la théorie du blocage de Coulomb. En effet, pour les tensions les plus faibles, le transport est bloqué car il est impossible d'injecter un électron dans l'un des trois îlots. Lorsqu'on augmente la tension, il devient possible d'ajouter au moins un électron dans chaque îlot, car l’énergie des porteurs est suffisante pour surmonter l'énergie de chargement de chaque îlot présent dans la chaîne. Si on augmente encore la polarisation, on finit par injecter des porteurs dont l’énergie est suffisante pour surmonter les forces électrostatiques dues au premier électron injecté et il est alors possible de placer au moins deux électrons par îlot. Dans ces conditions, la conductivité de la chaîne augmente, car plus de porteurs sont disponibles pour les sauts tunnel entre îlots. On assiste alors à une marche dans la courbe I(V), et à chaque fois qu'il est énergétiquement possible d'augmenter le nombre de porteurs pouvant être présents simultanément dans les

3.0 3.5 4.0 4.5 5.00

1

2

3

4

5

I G (

pA

)

VG (V)

Figure 90 : Courant mesuré

sur le drain en fonction de la

polarisation appliquée entre le

drain et la source, à

température ambiante.

Pendant la mesure, le substrat

est porté à la masse. Les trois

courbes correspondent à trois

mesures prises dans les

mêmes conditions et donnent

une idée de la reproductibilité

du résultat.

124

nanocristaux, on a une nouvelle marche de courant. Notons qu'entre chaque îlot, les événements tunnel sont séquentiels, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent avoir lieu simultanément. L'augmentation du courant est donc uniquement due à l'augmentation du nombre de porteurs disponibles pour la conduction. Les courbes représentées sur la Figure 90 marquent des paliers larges de 0,35 V environ. D’après la théorie orthodoxe, comme nous le montrerons dans la troisième partie de ce chapitre, la capacité totale de l’îlot qui est responsable de tels paliers peut être déduite par la relation : (39) Cette valeur est faible, mais les simulations capacitives également développées dans la troisième partie de ce chapitre montreront que ces valeurs sont tout à fait cohérentes avec le système étudié, étant données la forme des électrodes et l'épaisseur de la couche séparant les îlots du substrat. Une mesure identique à celle effectuée pour la Figure 90 a été faite en polarisant le substrat avec une tension de -9 V (Figure 91).

5 6 7 8 9 10

0

1

2

3

4

I D (

pA

)

VDS

(V)

T=300 K

VSUB

= -9 V

Figure 91 : Courant mesuré sur le drain en fonction de la polarisation appliquée entre le drain et la source, à température ambiante. Pendant la mesure, le substrat est porté à un potentiel de -9 V.

Etant donné qu’une couche d’oxyde épaisse d’environ 30 nm sépare la surface de l’échantillon du substrat, la contribution de cette polarisation en termes de courant doit être négligeable. Ainsi, la seule influence notable du substrat polarisé est d'ordre électrostatique, ce qui laisse donc entrevoir la possibilité de l'utiliser comme une grille de transistor MOS. Comme dans le cas où le substrat était à la masse, on peut observer des oscillations rapides du courant. En revanche, on ne discerne pas de paliers mais de larges pics de courant. Ce phénomène ne peut s’expliquer par la théorie orthodoxe du blocage de Coulomb. Le champ électrique créé par la tension négative appliquée au substrat semble changer considérablement les propriétés de conduction de la chaîne d’îlots. On peut penser que sous l’influence de ce champ, le silicium qui constitue le nanocristal est déplété, une zone de charge d’espace est créée, ce qui modifie la

TOTpaliers

qC 0,46 aF

V= =

125

densité de porteurs au sein de l’îlot et fait sensiblement diverger le comportement du composant de celui d’une chaîne d’îlots métalliques. Enfin, on a mesuré le courant de drain en maintenant une tension drain-source constante et en faisant varier la polarisation du substrat, afin de mieux étudier son influence électrostatique. La Figure 92 montre le courant de drain mesuré en suivant ce principe ; on a pour cela fixé la tension drain-source à 4,7 V.

-2.0-1.5-1.0-0.50.00.0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1.0

I D (p

A)

VSUB

(V)

T=300 K

VDS

= 4,7 V

Figure 92 : Courant mesuré sur le drain en fonction de la polarisation appliquée au substrat, à température ambiante. Pendant la mesure, le drain est porté à un potentiel de 4,7 V, alors que la source est reliée à la masse.

On constate à nouveau des oscillations rapides dans le courant de drain. Le niveau moyen du courant, quant à lui, diminue à mesure qu’on augmente la polarisation (négative) du substrat. On peut attribuer là encore ces oscillations à un bruit de type télégraphique, même si il semble qu'une certaine régularité apparaisse quant aux tensions auxquelles apparaissent ces pics. Cette dernière remarque évoque un comportement conforme aux prévisions de la théorie orthodoxe. En effet, sous l’influence électrostatique d’une électrode de grille (ici le substrat), on s’attend à trouver une modulation périodique du courant drain-source. Ici, si on considère le signal comme périodique, on a une période de 0,07 V environ. D’après la théorie, on peut en déduire la capacité existant entre l’îlot responsable de cette modulation et le substrat par la relation suivante : (40) Cette valeur est relativement importante, et elle est en outre plus importante que la capacité totale trouvée par la relation (39). Les oscillations observées sur la Figure 92 ne sont donc pas dues au mécanisme de blocage de Coulomb avec les paramètres capacitifs déduits des paliers observés sur la Figure 89 et la Figure 90.

GG

qC 2,29 aF

V=

126

La diminution du niveau moyen du courant de drain lorsqu’on augmente la tension appliquée au substrat peut être interprétée comme la transition d’un comportement ''en marches'' (Figure 90) à un comportement ''en pics'' (Figure 91), pour lequel le courant passe entre les pics par des valeurs très faibles.

II.3. Caractérisation des dispositifs comprenant un et trois nanocristaux de silicium entre deux électrodes métalliques et une grille

Des mesures de courant ont été réalisées sur les dispositifs comprenant respectivement un et trois îlots, munis d’une grille, tous deux décrits dans la partie II.1 de ce chapitre. A T=77K, les mesures du courant de drain en fonction de la polarisation drain-source montrent un courant très bas, bruité, et qui ne varie pas avec la tension de drain (Figure 93). On peut remarquer les oscillations de la courbe expérimentale, en noir sur la Figure 93, qui peuvent indiquer la présence de résonances tunnel dans la zone active du composant. Ces oscillations ne peuvent en aucun cas être des artefacts de mesure, étant donné que les appareils utilisés ont une résolution de l’ordre du fA (10-3 pA).

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12-0.02

0.00

0.02

0.04

0.06

0.08

I D (

pA

)

VDS

(V)

T=77 K

VSub

= 0 V

Figure 93 : Courant mesuré sur le drain en fonction de la polarisation appliquée entre le drain et la source, à T=77K. Pendant la mesure, le substrat est relié à la masse. La courbe orange est issue du lissage de la courbe expérimentale (en noir).

De même, toujours à T=77K, les mesures du courant de drain en fonction de la polarisation appliquée à la grille montrent que celle-ci ne module pas du tout le courant ID (Figure 94). Nous observons au contraire un courant faible et constant, parcouru de très faibles pics. Ces derniers sont certainement dus au piégeage ou au dépiégeage de porteurs à proximité ou à la surface des îlots. En effet, la polarisation à laquelle ils interviennent n’est absolument pas reproductible, comme le montrent les trois courbes de la Figure 94, qui ont été réalisées dans des conditions absolument identiques. Ces pics semblent donc pouvoir être reliées au processus de bruit télégraphique.

127

0.0 -0.5 -1.0 -1.5 -2.0 -2.5 -3.0

0.0

0.1

0.2

0.3

0.4

I D

(p

A)

VG (V)

T=77 K

VDS

= 5 V

Figure 94 : Courant mesuré sur le drain en fonction de la polarisation appliquée à la grille substrat, à T=77K. Pendant la mesure, le drain est porté à un potentiel de 5 V, alors que la source est reliée à la masse.

Nous n’avons donc pas reproduit les résultats relatifs au dispositif caractérisé dans la partie II.2. Tout était pourtant favorable à l’observation de caractéristiques similaires à celles obtenues sur un composant à 3 îlots sans grille, avec notamment des îlots de diamètre inférieur, ou la présence d’une grille qui devait permettre de moduler l’énergie des îlots. A ce stade, il est donc impossible de comprendre les raisons pour lesquelles les composants adoptent un comportement si différent selon qu’une grille est présente ou non à proximité de la zone active. On peut remarquer que les courants obtenus sont très faibles et bien inférieurs dans le cas de l'îlot unique que dans celui de la chaîne de trois îlots. On peut penser que la résistance totale du dispositif est très importante et limite les possibilités de distinguer le courant de conduction, à moins d'appliquer des tensions très importantes entre le drain et la source. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à l'augmentation de la résistance globale du dispositif. Tout d'abord, la taille des barrières peut être largement modifiée par l'oxydation de surface des îlots. On a en effet remarqué que les caractéristiques électriques des dispositifs évoluent au cours du temps, dans le sens d'une diminution suivie d'une disparition du courant conduit par les îlots. Il est donc probable que l’augmentation de la résistivité soit liée à la formation d’une couche d’oxyde natif. Nous avons pourtant essayé de réaliser les mesures de courant très rapidement après les déplacements d'îlots, qui sont précédés d'un bain d'acide fluorhydrique, justement pour éliminer cet oxyde natif. En effet, la présence de cet oxyde a également pour conséquence l’augmentation de la résistance mécanique entre le substrat et les îlots, ce qui rend difficile le déplacement des particules par la pointe AFM. On sait en revanche que l'oxyde natif se reforme relativement rapidement, atteignant plusieurs angströms après quelques minutes d'exposition à l'air. De plus, même si les espaces entre les îlots et entre les électrodes et les îlots semblent réduits sur les images AFM, nous ne disposons pas de données quantitatives fiables sur les épaisseurs réelles des jonctions. Enfin, par rapport à un SET où les électrodes et les îlots sont métalliques,

128

on peut s'attendre à des jonctions dont les résistances sont bien plus élevées. En effet, la valeur de la résistance d’une jonction dépend non seulement de la transparence de l’isolant dont est faite la jonction, mais aussi du nombre de porteurs dans la bande de conduction du côté de l'émetteur et du nombre d'états disponibles dans la bande de conduction du récepteur. Dans le cas du silicium massif, intrinsèque, le niveau de Fermi se trouve au milieu de la bande interdite, et dans la bande de conduction elle-même, la probabilité de trouver un électron est relativement faible (10-10 pour E=EF). De plus, le volume réduit des boîtes de silicium utilisées entraîne un nombre assez faible d'états disponibles dans la bande de conduction, inférieur à 10 pour les îlots de moins de 10 nm de diamètre ! Ceci a pour effet de rendre les transparences des jonctions tunnel bien plus faibles que dans le cas métallique, puisqu'un îlot en métal laisse environ un électron par atome à la conduction et qu'un îlot de 10 nm de diamètre compte environ 20000 atomes. A l’avenir, il est donc important de s'attacher à diminuer les résistances des jonctions. Etant donnée l'absence de données précises concernant leurs épaisseurs réelles (à cause des effets de convolution de l'AFM), d'autres voies peuvent être envisagées. Thelander et al. ont par exemple réussi à contacter un îlot métallique (de 7 nm de diamètre) à l'aide d'un nanotube de carbone et à observer des effets monoélectroniques à basse température (jusqu'à 200 K environ) [Thelander01]. Il reste néanmoins à mieux définir le transport dans ce nanotube, car il est nécessaire qu'il ait des caractéristiques capacitives pour que le blocage de Coulomb puisse être observé. Il faudra de plus s’assurer que les effets monoélectroniques sont dus aux îlots et non aux nanotubes.

II.4. Conclusion Le déplacement d’îlots au moyen d’une pointe AFM permet d’élaborer des composants électroniques ayant les morphologies recherchées pour l’observation d’effets mono-électroniques. Cependant, leur caractérisation électronique ne montre pas de tels effets. Nous avons mesuré le courant obtenu à température ambiante sur un dispositif comportant une chaîne de trois îlots et qui n’a pas été doté d’une électrode de grille lorsqu’on polarisait l’une des deux électrodes. Ce courant n’est pas linéaire avec la tension appliquée, et on peut distinguer des paliers de courants analogues à ceux qui sont occasionnés par le blocage de Coulomb. Si on utilise le substrat comme une grille, on observe des oscillations mais celles-ci ne sont pas périodiques, contrairement à ce qu’on peut attendre du blocage de Coulomb. Les courbes sont en outre très bruitées, ce qui peut être associé à du bruit télégraphique et/ou à des résonances tunnel avec des pièges présents à proximité de la chaîne d’îlots. Lorsqu’une grille est ajoutée, les échantillons conduisent un courant très faible, parcouru de pics de forte amplitude associé au bruit déjà évoqué précédemment. Ces courants très faibles ne montrent pas d’évolution cohérente en fonction des polarisations appliquées, que ce soit à la grille ou au drain. Les résultats obtenus en présence d’une grille diffèrent donc grandement de ceux obtenus sans grille. Pour expliquer ce fait, il est intéressant de se pencher sur les interactions électrostatiques existant entre les électrodes, le substrat et les îlots.

129

En effet, en étudiant le système considéré au travers d’un modèle électrique simple, on peut voir que les paramètres les plus importants pour l’observation de blocage de Coulomb sont les capacités des jonctions séparant les différents éléments des composants. C’est ce que propose la partie suivante.

III. Modélisation simple des composants à quelques îlots Lorsqu’on élabore des structures à quelques îlots, on est constamment à la recherche d’indications relatives aux aspects géométriques favorables à leur fonctionnement électrique. Cette recherche va de paire avec la compréhension des phénomènes physiques qui ont lieu en leur sein. Parallèlement aux observations de la partie II de ce chapitre, notamment en ce qui concerne l’échec des caractérisations électriques relatives aux dispositifs à un ou à trois îlots munis d’une grille de contrôle, il s’agit de modéliser de tels composants. L’étude des composants comprenant quelques îlots doit tenir compte des effets mono-électroniques, le blocage de Coulomb et le confinement quantique. Ce dernier phénomène ne sera pas pris en compte par la suite, pour deux raisons : • Tout d’abord, la technique de lithographie e-beam permet un espace minimal séparant les électrodes de l’ordre de 10 nm. Dans la perspective de la réalisation de composants utilisant un îlot unique comme zone active, ceci implique de choisir des îlots d’une dizaine de nanomètres de diamètre. Ceci permet de négliger l’effet du confinement quantique, ce qui ne sera plus possible pour des îlots de taille inférieure. • Ce choix d’îlots relativement gros est renforcé par la résolution de l’AFM. La première partie de ce chapitre montre qu’il est important de pouvoir imager in-situ les nanocristaux au cours de l’élaboration des composants. Mais la résolution des images obtenues se heurte au problème de la convolution de la pointe avec l’objet mesuré. Pour les pointes couramment utilisées, il est donc préférable de s’en tenir à des îlots de diamètre supérieur à 10 nm. En prenant en compte ces considérations, et en se focalisant sur les modalités d’apparition du phénomène de blocage de Coulomb, un travail axé sur l'électrostatique a été entrepris, dans le but de déterminer l'influence qu'ont les paramètres géométriques sur les caractéristiques électriques des dispositifs. Deux aspects ont fait l'objet d'un intérêt particulier : • La possibilité d'utiliser les multi-jonctions tunnel pour permettre l'observation de blocage de Coulomb à température ambiante ; • Les conditions nécessaires au fonctionnement à différentes températures de composants utilisant un îlot unique. Cette partie propose le calcul de la capacité de quelques îlots placés entre trois électrodes, après que l’on ait précisé les hypothèses qui lui sont préalables et que l’on ait rappelé les résultats principaux de la théorie dite orthodoxe du blocage de Coulomb.

130

III.1. La théorie orthodoxe du blocage de Coulomb

La théorie orthodoxe du blocage de Coulomb correspond à la mise en équation du circuit équivalent au système composé d’îlots placés entre plusieurs réservoirs d’électrons [Likharev85]. Dans un premier temps, nous examinerons le cas d’un îlot relié à deux réservoirs par deux jonctions tunnel. Ensuite, nous verrons l’effet d’un troisième réservoir d’électrons polarisé sur le système, qui peut agir de manière analogue à la grille d’un transistor MOS.

III.1.a. Cas d’un îlot placé entre deux réservoirs d’électrons Dans le système étudié ici (schématisé sur la Figure 95), l’îlot central, que l’on appellera également par la suite nanocristal ou dot, est relié aux réservoirs (que l’on pourra appeler par la suite électrodes) par deux jonctions tunnel. Du point de vue des charges électriques, ces dernières se comportent à la fois comme des capacités et comme des résistances. En effet, elles sont composées d’isolant (air ou SiO2) et, à ce titre, elles peuvent être décrites comme des couches de diélectriques. D’autre part, elles peuvent laisser passer des charges (par effet tunnel), ce que l’on peut associer au comportement d’une résistance.

Figure 95 : Représentation schématique d’un système comprenant deux électrodes (en jaune) séparées par un îlot (en rouge) auquel elles sont liées par des jonctions-tunnel.

Cette dualité est le point de départ de la théorie orthodoxe, qui met tout d’abord en équation la répartition des charges dans le système en s’appuyant sur son aspect capacitif. Dans un deuxième temps, elle étudie l’effet du transfert d’une charge entre les éléments du système. Elle conclut en déterminant les conditions dans lesquelles un tel transfert est thermodynamiquement possible. Dans la suite de cette partie, ces trois phases sont développées.

i. Relations liées à l’aspect capacitif de la double-jonction tunnel

Des relations élémentaires de l’électronique peuvent être écrites si on admet que le système étudié (schématisé par la Figure 95) est équivalent, du point de vue électrique, au circuit représenté par la Figure 96.

131

On note Q la charge présente dans l’îlot, en faisant l’hypothèse qu’aucune charge d’offset n’est présente dans l’îlot. Tout d’abord, en ce qui concerne les différences de potentiel, on peut écrire : (41) Ecrivons tout d’abord les relations entre les potentiels et les charges sur chaque jonction : (42) La conservation de la charge implique que : (43) A partir des ces trois relations, on peut calculer l’énergie potentielle du système, qui est la somme des énergies potentielles relatives aux capacités C1 et C2 : (44) En régime statique et lorsque aucun porteur ne transite entre les électrodes et l’îlot, l’énergie totale du système est égale à EP. L'équation (44) a pour variables V1 et V2. Il est possible de l’exprimer en fonction de V et Q. Pour cela, écrivons, d'après les relations (41) et (43) :

R2

C2

Q

V

R1

C1

V2 V1

Figure 96 : Schéma électrique équivalent d’un îlot entouré de deux jonctions-tunnel polarisée par une tension V.

2 1Q Q Q 0+ − =

2 2 2 22 1 2 2 1 1

P2 1

Q Q C .V C .VE

2C 2C 2 2= + = +

1 1 1

2 2 2

Q C V

Q C V

=⎧⎪⎨ =⎪⎩

1 2V V V= +

132

( ) ( )2 21 2

1 2

1

2= +

+PE Q C C VC C

(45) L'énergie potentielle peut alors être réécrite en fonction de V et Q, grâce aux relations (44) et (45) : (46) D'où : (47)

ii. Relations liées à la possibilité qu’ont les porteurs de transiter entre les

électrodes et l’îlot

Si des porteurs peuvent traverser les jonctions par effet tunnel, l’énergie totale du système n’est plus égale à EP, mais elle est donnée par la relation : (48) où W est le travail fourni par la source de tension en réponse au déséquilibre de charge dû au transfert des électrons. Pour compenser une variation de la charge ∆Q, la source de tension fournit un travail W tel que : (49) Sur la Figure 97, les transferts d’électrons par les jonctions-tunnel sont schématisés par des flèches rouges, et le nombre d’électrons est compté positivement lorsque le transfert se fait du pôle positif vers le pôle négatif de la source de tension.

TOT PE E W= −

21

1 2

12

1 2

+⎧=⎪

+⎪⎨ − +⎪ =⎪ +⎩

Q C VV

C C

Q C VV

C C

( ) ( ) ( ) 2 2 2 2 2 2P 1 2 2 2 1 12

1 2

1E C Q C V 2C VQ C Q C V 2C VQ

2 C C= + + + + −

+

W V(t) I(t) dt V. Q= ⋅ ⋅ = ∆∫

133

R2

C2

Q

V

R1

C1

V2 V1

n2 n1

Figure 97 : Schéma électrique équivalent d’un îlot entouré de deux jonctions-tunnel, où sont reportés (en rouge) les transferts d’électrons, comptés positivement dans le sens des flèches pointillées.

Dans ce cas de figure, la charge portée par l’îlot vaut Q=q(n2-n1). Or les équations (45) permettent de déterminer l'influence de tels transferts sur la tension Vi aux bornes de la jonction i concernée : (50) Dans ces conditions, comme Qi=Ci.Vi, une variation de charge ∆Qi intervient, telle que : (51) On peut alors exprimer le travail fourni par la source de tension au cours du transfert d'un électron dans la jonction i : (52) L'énergie totale donnée par l'équation (48) devient alors : (53) Seules les transitions aboutissant à réduire l’énergie totale sont possibles, ce qui entraîne une condition sur la polarisation pour que des porteurs traversent le système : (54)

ii

1 2

nqV

C C∆ =

+

ii i

1 2

CQ n q

C C∆ =

+

ii i

1 2

CW n qV

C C= −

+

( ) ( )( )TOT P 1 2

2 2 1 1 2 22 1 1 2

1 21 2

E E W W

n C n C1 n n q C C V qV

C C2 C C

= − −

+= − + +

++

( )1 2

qV

2 C C>

+

134

Il existe donc une plage de tension centrée sur le point V=0 pour laquelle aucun courant ne peut traverser le composant : c’est le phénomène de blocage de Coulomb. Par analogie au transistor MOS, une troisième électrode peut être ajoutée au système afin de contrôler la conduction entre les deux électrodes que comprenait le système étudié précédemment.

III.1.b. Influence d’une troisième électrode sur le système Au système précédemment étudié (représenté par la Figure 96), on ajoute une troisième électrode qui agira comme une grille de contrôle sur l’îlot par l’intermédiaire d’une jonction purement capacitive, c’est-à-dire uniquement par effet de champ et non par échange de porteurs. La Figure 98 montre le nouveau circuit ainsi obtenu, et schématisé sur la Figure 99.

R2

C2

Q

V

R1

C1

V2 V1

VGCG

Figure 98 : Schéma électrique équivalent d’un îlot entouré de deux jonctions-tunnel et d’une jonction capacitive.

Figure 99 : Représentation schématique d’un système comprenant un îlot (en rouge) placé entre trois électrodes (en jaune).

La grille polarisée avec une tension VG, donne lieu à une charge QG dans l’îlot, dont la valeur est liée à VG par la relation : (55) ( )G G G 1Q C V V= −

135

Dans cette relation, CG est la capacité reliant l’îlot à la grille. La relation de conservation de la charge (43) devient donc : (56) Les relations (42) restent valables, et en les combinant avec (55) et (56), on obtient : (57) Comme V=V1+V2, on a : (58) L’énergie potentielle s’écrit alors : (59) Soit, à partir de la relation (58) : (60) Le travail fourni par les sources de tension se calcule comme dans le cas de la double jonction simple, mais il y a cette fois deux composantes, une par source de tension. Le travail fourni lors de l’arrivée d’un électron dans l’îlot par la jonction n°2 est : (61) Le travail fourni lors du départ d’un électron de l’îlot au travers de la jonction N°1 est quant à lui donné par : (62)

1 2 GQ Q Q Q 0− + + =

( )1 1 2 2 G G 1Q C V C V C V V 0− + + − =

( )

2 G G1

1 2 G

1 G G G2

1 2 G

C V C V QV

C C C

C C V C V QV

C C C

+ +⎧=⎪

+ +⎪⎪⎨

+ − −⎪=⎪ + +⎪⎩

( )222 2 2 2G G 1G2 1 2 2 1 1

P2 1 G

C V VQQ Q C V C VE

2C 2C 2C 2 2 2

−= + + = + +

( ) ( )2 2 2 2P 2 G G 1 2 1 G G

1 2 G

1E C C V V C C V C C V Q

2 C C C

⎡ ⎤= − + + +⎢ ⎥⎣ ⎦+ +

( )G11 G

sourcesde tension

CCW V(t)I(t)dt qV q V V

C C= = + −∑ ∫

G22 G

sourcesde tension

CCW V(t)I(t)dt qV qV

C C= = +∑ ∫

136

L’énergie totale est alors donnée par la relation suivante : (63) Là encore, seules les transitions aboutissant à réduire l’énergie totale sont possibles, ce qui entraîne une condition sur la polarisation pour que des porteurs traversent le système : (64) Ces considérations sont utiles pour simuler le courant traversant des nanostructures régies par le blocage de Coulomb. En effet, ces équations peuvent être utilisées pour établir analytiquement les flux d’électrons traversant les jonctions tunnel, comme nous le montrons dans la partie suivante.

III.1.c. Modélisation du courant traversant une double jonction tunnel A partir des éléments théoriques énoncés précédemment, il est possible de simuler le courant traversant une structure comportant un ou plusieurs îlots conducteurs, en tenant compte de l’influence d’une seule ou de plusieurs grilles. Dans un premier temps, suite aux travaux théoriques de Likharev et al. [Likharev85], plusieurs articles ont tenté de confronter cette théorie aux résultats expérimentaux recueillis sur des systèmes simples à deux jonctions tunnel en série [Amman91,Hanna91]. Il s’agissait de calculs analytiques réalisés sur l’équation pilote, qui comme on le verra par la suite décrit l’état des jonctions en fonction du nombre d’électrons présents dans le réservoir se trouvant entre elles. Cette résolution analytique se révèle lourde en termes de temps de calcul [Amman91], à moins de se trouver en présence d’un système fortement dissymétrique propice à d’importantes approximations quant aux grandeurs caractéristiques des jonctions (résistance et capacité) [Hanna91]. Dans le but de réduire le temps nécessaire aux calculs, la méthode Monte Carlo a ensuite été mise en œuvre [Fonseca95, Chen96], ce qui a ouvert la perspective de simuler des systèmes comprenant un nombre important de jonctions. Cette méthode de calcul consiste à générer des configurations électroniques pour les îlots du système de façon pseudo-aléatoire, et à tester si elles sont proches de l’état d’équilibre. Cette partie s’attache à appliquer la théorie orthodoxe à deux jonctions tunnel placées en série, avec un îlot unique situé entre elles et à simuler le courant traversant ce système. Le système étudié est représenté sur la Figure 96. Rappelons que, comme l’indique l’équation (45), les potentiels V1 et V2 peuvent s’exprimer en fonction de Q, la charge supplémentaire portée par l’îlot:

( ) ( ) ( ) ( )

TOT P 1 22

2 1G 1 G G 1 G G

1 2 G 1 2 G 1 2 G

E E W W

n q n qQ C C V C V C V C V

2 C C C C C C C C C

= − −

⎡ ⎤ ⎡ ⎤= − + − − +⎣ ⎦⎣ ⎦+ + + + + +

( )1 2 G

qV

2 C C C>

+ +

137

21

1 2

12

1 2

+⎧=⎪ +⎪

⎨ − +⎪ =⎪ +⎩

Q C VV

C C

Q C VV

C C

(65) Si N est le nombre d’électrons excédentaires sur l’îlot, on a Q=-N.q (q>0). N peut varier consécutivement à un événement tunnel, et l’énergie totale du système varie alors d’une quantité ∆E telle que : (66) Dans la notation utilisée pour définir ∆E, l’exposant explicite le sens dans lequel se fait le transfert d’électrons (''+'' correspond à un transfert vers le pôle positif de la source de tension et ''–'' à un transfert vers le pôle négatif). L’indice correspond quant à lui à la jonction concernée par ce transfert. Là encore, seuls les événements tunnel donnant lieu à une variation négative de l’énergie ont une probabilité non nulle d’avoir lieu. Cette probabilité est d’autant plus grande que la valeur absolue de la variation d’énergie est élevée. On peut d’ailleurs définir le taux de transition tunnel noté Γ grâce à la règle d’or de Fermi : (67) où Rj est la résistance tunnel de la jème jonction et . A partir des taux de transition tunnel des deux jonctions entourant l’îlot, la probabilité pour que ce dernier contienne N électrons supplémentaires peut être calculée grâce à l’équation-pilote [VanHouten92] : (68) Cette relation décrit comment évolue dans le temps la probabilité P(N,V) d’avoir N électrons supplémentaires lorsqu’une polarisation V est appliquée. Lorsque le système est à l’équilibre, on a :

( )

( )

2 22

1

2 21

2

C(Q q) QE V q V

2C 2C C

C(Q q) QE V q V

2C 2C C

±

∑ ∑ ∑

±

∑ ∑ ∑

±∆ = − ±

∆ = − ±m

( ) ( )j

j j j 2j j

E1R , E

R q 1 exp . Eβ

±± ±

±

⎛ ⎞−∆⎜ ⎟

Γ ∆ = ⎜ ⎟⎜ ⎟− ∆⎜ ⎟⎝ ⎠

( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )

( ) ( ) ( ) ( )

1 2

1 2

1 1 2 2

dP(N,V)P N 1,V N 1,V N 1,V

dt

P N 1,V N 1,V N 1,V

P(N,V) N,V N,V N,V N,V

+ −

− +

+ − + −

= − Γ − + Γ −

+ + Γ + + Γ +

− Γ + Γ + Γ + Γ

1kT

β =

138

(69) Amman et al. ont judicieusement remarqué que l’équation (68) pouvait être simplifiée en écrivant que l’équilibre du système, polarisé à l’aide d’une tension V, était atteint lorsque la probabilité totale de passage entre deux états adjacents (par exemple de N électrons à N+1 électrons) était nulle [Amman91,VanHouten92]. En d’autres termes, on peut décrire l’équilibre du système par la relation :

(70) Notons que cette relation est équivalente à l’équation (68) exprimée dans le cas d’un système à l’équilibre (équation (69)) : en effet, si on réécrit la relation (71) dans le cas d’une configuration à N-1 électrons, on a :

(71) Si on soustrait (70) de (71), on obtient bien la relation (68) dans le cas particulier précisé par l’égalité (69). Pour simplifier les notations, il est commode de définir les fonctions x(N,V) et y(N,V) telles que : (72) Ainsi, (70) revient à écrire : (73) Cette relation a été utilisée par Amman et al. pour déterminer de proche en proche les probabilités des différentes configurations électroniques [Amman91]. Pour ce faire, ils utilisent une relation analytique générale, dont le cheminement n’est malheureusement pas détaillé, ce que soulignent d’ailleurs Hanna et al. [Hanna91]. A partir de la relation (73), il est pourtant possible d’obtenir simplement une relation analytique permettant de définir les probabilités des différentes configurations électroniques de l’îlot.

dP(N,V)0

dt=

( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) 1 2 1 2

N N 1 N 1 N

P N,V N,V N,V P N 1,V N 1,V N 1,V 0+ − − +

→ + + →

Γ + Γ − + Γ + + Γ + =144444424444443 144444444424444444443

( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) 1 2 1 2

N 1 N N N 1

P N 1,V N 1,V N 1,V P N,V N,V N,V 0+ − − +

− → → −

− Γ − + Γ − − Γ + Γ =144444444424444444443 144444424444443

( ) ( ) ( )( ) ( ) ( )

1 2

1 2

x N,V N,V N,V

y N,V N,V N,V

+ −

− +

= Γ + Γ

= Γ + Γ

( ) ( )144424443 14444244443

N N 1 N 1 N

x(N,V).P N,V y(N 1,V).P N 1,V

→ + + →

= + +

139

Tout d’abord, d’après (73), écrivons la relation suivante : (74) Ainsi, il apparaît qu’en connaissant la probabilité P(N,V), on peut déterminer la probabilité P(N+k) : (75) Cette relation ne permet de déterminer toutes les probabilités que si l’on en connaît une. Cela n’est pas le cas en général, mais il reste la possibilité d’en fixer une arbitrairement, de calculer les autres et d’appliquer une relation de normalisation à l’ensemble des probabilités ainsi déterminées. Intuitivement, on peut choisir de fixer la probabilité d’une configuration électronique N0 dont on sait qu’elle sera très peu probable à un nombre très petit. Si on connaît la configuration la plus probable, on peut en déterminer une très peu probable en ajoutant ou en retirant plusieurs électrons afin de s'éloigner de l'équilibre. Ensuite, de proche en proche, les autres probabilités peuvent alors être calculées grâce à (75). Cette solution se heurte toutefois à des obstacles numériques. En effet, si on choisit une configuration N0 très peu probable, il risque de lui correspondre une probabilité très faible, à côté de laquelle les probabilités des configurations les plus probables seront très grandes. Il s’ensuit alors des difficultés d’ordre numérique dues à la grandeur limitée des nombres utilisés dans les logiciels de calcul numérique. Dans le cas de SCILAB, que nous avons utilisé pour implémenter le modèle présenté dans cette partie, et comme c'est également le cas pour la plupart des outils de simulation numérique, on dispose de nombres codés sur 8 octets (flottant double précision), ce qui permet de traiter des nombres compris entre 10-307 et 10307 [Rouault04]. Ceci pose donc une contrainte sur N0 et rend ce type de traitement susceptible de donner des calculs erronés pour des polarisations importantes ou pour de très basses températures de fonctionnement, car dans ce dernier cas les probabilités des états éloignés de l'équilibre sont très faibles. L’alternative à cette méthode consiste à chercher la configuration la plus probable et à fixer la probabilité de cette configuration. Pour les configurations correspondant à un nombre d’électrons plus important, la relation (75) peut être utilisée. Pour un nombre d’électrons plus faible, il suffit de remarquer que (73) peut s’écrire : (76)

( ) ( )

N k 1

i NN k

i N 1

x(N,V)

P N k,V P N,V , k 1

y(N,V)

+ −

=+

= +

+ = ≥∏

( ) ( )x(N,V)P N 1,V P N,V , y(N+1,V)>0

y(N 1,V)+ = ∀

+

( ) ( )N 1 N N N 1

x(N 1,V)P N 1,V y(N,V)P N,V

− → → −

− − =14444244443 1442443

140

D’où : (77) Ceci aboutit par conséquent à une relation analogue à (75) mais permettant de calculer, à partir d’une probabilité P(N), la probabilités des configurations P(N-k) : (78) A ce stade, il faut donc déterminer la configuration la plus stable. Pour ce faire, il est intéressant d’utiliser la méthode simple et rapide proposée par Cordan et al. [Cordan99]. Elle consiste à étudier plus particulièrement le troisième et dernier terme de la relation (68), que l’on rappelle ci-dessous : (79) Ce terme correspond à la probabilité de quitter la configuration à N électrons supplémentaires, pour passer à N-1 ou N+1 électrons. En déterminant la configuration donnant lieu à la plus petite valeur de Γt , cette configuration peut être considérée comme la plus probable. Il s’agit là d’une méthode relativement légère du point de vue du traitement numérique, puisqu’elle ne nécessite pas de calculer les probabilités, mais plus simplement de calculer Γt pour un nombre suffisamment important de configurations électroniques. Soit N0 le nombre d’électrons excédentaires sur l’îlot tel que Γt(N0,V) soit le minimum de tous les Γt(N,V). On peut déterminer toutes les probabilités correspondant aux configurations comportant plus ou moins d’électrons en utilisant les expressions (75) et (78) mais en pratique, on se limitera à un certain nombre d’électrons noté ∆N en plus ou en moins par rapport à la configuration la plus probable. C’est ce que Cordan et al. appellent la troncature, et pour les polarisations courantes, il est en général suffisant de considérer les configurations situées à ±4 électrons de la configuration la plus probable [Cordan99]. Une fois ces probabilités calculées, il faut leur appliquer une relation de normalisation, à savoir diviser chacune d’elle par la somme de toutes les probabilités considérées. Pour résumer, les probabilités se calculent ainsi :

( ) ( )y(N,V)P N 1,V P N,V , x(N-1,V)>0

x(N 1,V)− = ∀

( ) ( )

N k 1

i NN k

i N 1

y(N,V)

P N k,V P N,V , k 1

x(N,V)

− +

=−

= −

− = ≥∏

( ) ( ) ( ) ( ) ( )1 1 2 2 tP(N,V) N,V N,V N,V N,V P(N,V) N,V+ − + −Γ + Γ + Γ + Γ = Γ

141

(80) Une fois les probabilités connues, il ne reste plus qu’à calculer le courant traversant le système. A l’équilibre, le courant est en principe le même quelle que soit la jonction considérée. Pour les deux jonctions, le courant se calcule en utilisant les relations suivantes : (81) Toutes ces équations ont été implémentées sous SCILAB 3.1.1, un logiciel de calcul numérique développé par l’INRIA sous licence libre [Scilab05]. Les résultats ont été comparés avec ceux du simulateur MOSES 1.1 [Chen96], qui utilise la méthode Monte-Carlo et fait référence dans le domaine pour la modélisation des phénomènes de blocage de Coulomb. On trouve une parfaite concordance entre les courbes de courant issues des deux méthodes de simulation, comme l’illustre la Figure 100, qui montre la courbe I-V correspondant à une structure faiblement asymétrique (C1>C2 et R1<R2), et ce pour deux températures différentes.

-1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5-1.5

-1.0

-0.5

0.0

0.5

1.0

1.5

Modèle analytique T=4.2 K MOSES 1.1 T=4.2 K

Modèle analytique T=300 K MOSES 1.1 T=300 K

I DS (

pA

)

VDS

(V)

Figure 100 : Courbes I-V simulées à l’aide du modèle décrit précédemment (points) et avec le simulateur MOSES 1.1 (traits), pour un îlot entouré de deux jonctions tunnel. Les paramètres sont : R1=1010 Ω., R2=1012 Ω, C1=4.10-19 F, C2=3.10-19 F, T=4.2 K (en orange) et T=300 K (en bleu).

( )

( )

( )

0

0

00

0

0

00

0

0

1N N

0i N N

N 1

1i N N

i N0 0N

i N N

i N 1

N 1

1i N N

i N0 0N

i N N

i N 1

0

P i, V si N=N

y(N,V)

P i, V si N N N<N

x(N,V)P

x(N,V)

P i, V si N N N N

y(N,V)

0 si N<N N o

−+∆

= −∆

+

−= +∆

=

= −∆

= −

−= +∆

=

= −∆

= +

⎛ ⎞⎜ ⎟⎜ ⎟⎜ ⎟⎝ ⎠

⎛ ⎞⎜ ⎟ − ∆ ≤⎜ ⎟⎜ ⎟⎝ ⎠

=

⎛ ⎞⎜ ⎟ < ≤ + ∆⎜ ⎟⎜ ⎟⎝ ⎠

− ∆

∏∑

∏∑

0u N>N N

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪ + ∆⎪⎩

( ) ( )

( ) ( )

0

0

0

0

N N

1 1 1i N N

N N

2 2 2i N N

I (V) q P(i, V) i,V i, V

I (V) q P(i, V) i, V i, V

+∆+ −

= −∆

+∆+ −

= −∆

⎡ ⎤= Γ − Γ⎢ ⎥⎣ ⎦

⎡ ⎤= Γ − Γ⎢ ⎥⎣ ⎦

142

Il suffit de quelques secondes pour réaliser ces graphes, quel que soit le simulateur utilisé. Sur cet exemple, on constate qu’avec les capacités choisies, un palier très net apparaît autour de VDS=0 V pour une température de 4,2 K. A température ambiante, ce palier est très peu marqué, car l’énergie thermique a alors une influence sur l’état de charge de l’îlot, au même titre que la polarisation drain-source. En d’autres termes, l’énergie de chargement de l’îlot est du même ordre de grandeur que l’énergie thermique apportée au système, et cette dernière rend la distinction entre les états bien moins nette. Ceci est confirmé par la Figure 101, où l’on peut voir la variation de l’état de charge de l’îlot avec la tension drain-source.

On voit bien qu’à T=4,2 K, les marches sont bien dessinées, et la transition entre les états est abrupte. A T=300 K, ce n’est plus du tout le cas, et l’îlot passe de façon quasi-continue d’un état à l’autre lorsqu’on fait varier VDS. On peut constater que là encore le modèle analytique donne des résultats qui correspondent parfaitement à ceux qui sont obtenus grâce à MOSES 1.1 ; la durée des simulations est par ailleurs du même ordre pour les deux méthodes. Le modèle analytique permet d’avoir accès à d’autres variables : par exemple, dans le but de mieux visualiser la différence entre les hautes et les basses températures, on peut représenter sur un graphe les probabilités de chaque état électronique en fonction de la polarisation drain-source. C’est ce que montre la Figure 102, à T=4,2 K et à température ambiante. Dans ce dernier cas (Figure 102b), les probabilités sont étalées et pour une tension drain-source donnée, plusieurs états sont susceptibles d’êtres adoptés par l’îlot avec des probabilités non négligeables. Dans le cas des basses températures (Figure 102a), il existe généralement un état prépondérant pour chaque point de polarisation, les autres états étant négligeables. Il est à noter que les simulations de courant et de charges présentées sur la Figure 100 et sur la Figure 101 sont aussi rapides pour le modèle analytique que pour la méthode Monte Carlo.

-1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5-3

-2

-1

0

1

2

3

Modèle analytique T=4.2 K MOSES 1.1 T=4.2 K

Modèle analytique T=300 K MOSES 1.1 T=300 K

Q (

no

mb

re d

'éle

ctro

ns)

VDS

(V)

Figure 101 : Etat de charge d’ un îlot entouré de deux jonctions tunnel, simulé à l’aide du modèle analytique (points) et avec le simulateur MOSES 1.1 (traits), à une température de T=4.2 K (en orange) et T=300 K (en bleu). Les paramètres sont les mêmes que ceux spécifiés pour la Figure 100.

143

-1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.50.00

0.25

0.50

0.75

1.00

(a)

N=3N=-3

N=-2 N=-1 N=0 N=2

Pro

bab

ilit

é

VDS

(V)

N=1

-1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5

0.00

0.25

0.50

0.75

1.00

(b)

N=3N=-3

N=-2 N=-1 N=0 N=2

Pro

bab

ilit

é

VDS

(V)

N=1

Figure 102 : Probabilités des différents états électroniques pour un îlot entouré de deux jonctions tunnel, à une température de T=4.2 K (a) et T=300 K (b). Les paramètres sont les mêmes que ceux spécifiés pour la Figure 100.

Si on veut adapter le modèle analytique pour prendre en compte l’effet de la grille sur les variables du dispositif, il est possible d’utiliser les relations de la partie III.b. Il suffit de modifier les équations donnant les potentiels aux bornes des jonctions ((65)) et les énergies mises en jeu au cours des transferts de porteurs ((66)). Ces expressions sont alors remplacées par les relations (58) (pour les potentiels) et (63) (pour les énergies). Là encore, on trouve une parfaite concordance entre les courbes de courant issues des deux méthodes de simulation, comme le montre la Figure 103, où l’on peut voir la courbe I-V correspondant à la même structure que la Figure 100, mais avec une grille liée à l’îlot par une capacité de 0,2 aF. Par rapport à la Figure 100, on constate que pour les deux températures, le palier est bien moins large, ce qui correspond à la présence de la grille, qui ajoute sa capacité à la capacité totale et fait ainsi baisser l’énergie de chargement des îlots. Cette grille permet de contrôler le courant, ce que l’on peut vérifier en faisant varier la tension de grille VG tout en appliquant une polarisation drain-source constante. C’est ce que montre la Figure 104 pour un composant identique à celui dont la caractéristique ID-VDS est représentée sur la Figure 103.

-1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5-1.5

-1.0

-0.5

0.0

0.5

1.0

1.5

Modèle analytique T=4.2 K MOSES 1.1 T=4.2 K

Modèle analytique T=300 K MOSES 1.1 T=300 K

I DS (

pA

)

VDS

(V)

Figure 103 : Courbes I-V simulées à l’aide du modèle analytique (points) et avec le simulateur MOSES 1.1 (traits), pour un îlot entouré de deux jonctions tunnel et d’une grille de contrôle. Les paramètres sont : R1=1010 Ω., R2=1012 Ω, C1=4.10-19 F, C2=3.10-19 F, CG=2.10-19 F, T=4.2 K (en orange) et T=300 K (en bleu).

144

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

0

20

40

60

80

100 Modèle analytique T=4.2 K MOSES 1.1 T=4.2 K

Modèle analytique T=300 K MOSES 1.1 T=300 K

I DS (

fA)

VG (V)

Figure 104 : Courbes ID-VG simulées à l’aide du modèle analytique (points) et avec le simulateur MOSES 1.1 (traits), pour un îlot entouré de deux jonctions tunnel et d’une grille de contrôle. Une tension VDS=0,1 V est appliquée au drain. Les paramètres sont : R1=1010 Ω., R2=1012 Ω, C1=4.10-19 F, C2=3.10-19 F, CG=2.10-19 F, T=4.2 K (en orange) et T=300 K (en bleu).

Conformément à ce que prédit la théorie, on retrouve bien dans ce graphe l’oscillation du courant de drain lorsqu’on fait varier la tension de grille. La température permet une amplitude plus importante des oscillations et on peut voir que les pics sont séparés par des zones de courant nul. Ceci montre qu’à T=4,2 K, le composant passe alternativement en régime de blocage de Coulomb et en régime passant. Au contraire, à T=300 K, le dispositif ne montre pas de zones de blocage, à cause de l’énergie de chargement de l’îlot, qui est insuffisamment grande par rapport à l’énergie thermique qui lui est apportée. Dans ces conditions, la grille a toujours un effet de champ sur le courant de drain, mais elle ne fait plus que le moduler. Notons que pour les graphes ID-VG, le temps nécessaire au modèle analytique est bien moins important que pour MOSES. Pour réaliser les 120 points de chacune des courbes du graphe présenté sur la Figure 104 par exemple, il faut environ 4s pour le modèle analytique contre une durée comprise entre 50s (T=4.2 K) et 1 min. 30s (T=300 K) pour MOSES 1.1. La Figure 105 montre l’effet de la grille sur la probabilité d’avoir 0, 1, 2, 3 ou 4 électrons dans l’îlot.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.00.00

0.25

0.50

0.75

1.00

N=1 N=2

N=0

N=4

Pro

bab

ilit

é

VG (V)

N=3

Figure 105 : Probabilités des différents états électroniques pour un îlot entouré de deux jonctions tunnel et d’une grille, à une température de T=4.2 K (pointillés) et T=300 K (trait plein). Les paramètres sont les mêmes que ceux spécifiés pour la Figure 103 et la Figure 104.

145

Lorsque la polarisation de la grille augmente, le nombre de porteurs susceptibles d’être présents simultanément dans l’îlot augmente lui aussi. La grille agit en rendant plus profond le puits de potentiel formé par le nanocristal et on voit encore une fois que l’augmentation de la température élargit la base des pics de probabilité, ce qui a pour conséquence de diminuer les zones où un seul état est très probable alors que les états adjacents le sont peu, comme c’est le cas à basse température. Les graphes P(VDS) et P(VG) permettent ainsi de s’apercevoir que l’apparition et l’importance des effets monoélectroniques sont conditionnées par la séparation des états électroniques de l’îlot. Pour que ces effets soient marqués, il est nécessaire que sur des plages importantes de polarisation (de grille ou de drain), un état soit très probable (P≈1) alors que les états adjacents le sont peu (P≈0). Les comparaisons entre le modèle analytique et le simulateur MOSES 1.1 montrent que les deux approches donnent des résultats rigoureusement semblables. Il est parfois plus rapide d’utiliser le modèle analytique pour les dispositifs ne comportant qu’un îlot, notamment pour étudier l’influence de la grille. En revanche, pour un nombre d’îlots supérieur à un, il est souvent plus rapide d’utiliser la méthode Monte-Carlo. En effet, les algorithmes permettant de résoudre l’équation-pilote de façon analytique sont dans ce cas difficiles à optimiser pour proposer une vitesse de calcul acceptable.

III.1.d. Modélisation du courant traversant une multi-jonction tunnel C’est avec le simulateur MOSES 1.1 que les simulations concernant des systèmes à plus d’un îlot ont été réalisées. Il est bien sûr possible d’ajouter une ou même plusieurs grille, ce qui permet de simuler le courant traversant les îlots dans un environnement où plusieurs conducteurs sont susceptibles d’interagir par effet de champ (grille de contrôle, substrat…). La Figure 106 montre les courbes ID(VGS) correspondant à des dispositifs comprenant entre un et trois îlots. Pour ces graphes, les paramètres utilisés pour les résistances tunnel et les capacités des jonctions sont différents selon qu’il s’agisse de jonctions îlot/îlot ou de jonctions électrode/îlot ; en revanche, une seule capacité de grille a été utilisée pour tous les îlots. On remarque que lorsqu’on augmente le nombre d’îlots, les niveaux de courant diminuent, en raison de la mise en parallèle de plusieurs résistances tunnel. On observe également que le palier de Coulomb (autour de VDS=0 V) s’élargit pour les dispositifs comprenant plus d’un îlot, et ce en raison de la capacité îlot/îlot qui a été choisie petite et qui est donc propice aux effets de blocage de Coulomb. La comparaison de ces graphes permet déjà d’entrevoir les avantages et les inconvénients de l’utilisation de multi-jonctions tunnel par rapport à la structure à un seul îlot généralement retenue pour les SET.

146

-3 -2 -1 0 1 2 3-80

-60

-40

-20

0

20

40

60

80R

1=R

2=2.1010 Ω

C1=C

2=0,2 aF

T=4,2 K T=300 K

I DS (

pA

)

VDS

(V)

(a)

-3 -2 -1 0 1 2 3-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6R

1=R

3=2.1010 Ω

R2=5.1012 Ω

T=4,2 K T=300 K

I DS (

pA

)

VDS

(V)

(b)

C1=C

3=0,2 aF

C2=0,1 aF

-3 -2 -1 0 1 2 3-0.25

-0.20

-0.15

-0.10

-0.05

0.00

0.05

0.10

0.15

0.20

0.25R

1=R

4=2.1010 Ω

R2=R

3=5.1012 Ω

T=4,2 K T=300 K

I DS (

pA

)

VDS

(V)

(c)

C1=C

4=0,2 aF

C2=C

3=0,1 aF

Figure 106 : Courbes ID(VDS) simulées pour des dispositifs à 1 îlot (a), 2 îlots (b) et 3 îlots (c), munis d’une grille. Chaque îlot a la même capacité de grille (CG=0,1 aF) et les autres paramètres utilisés sont indiqués sur chaque graphe. Deux températures ont été considérées, T=4.2 K (traits pleins noirs) et T=300 K (points oranges).

Tout d'abord, on remarque une nette diminution du courant de drain lorsqu'on augmente le nombre d'îlots. Cette diminution peut avoir un aspect négatif sur les applications logiques, car il peut devenir impossible de discerner l’état passant de l’état non-passant. De plus, la reproductibilité de tels composants peut être problématique, quelques charges parasites étant à même de changer sensiblement la valeur du courant. En réponse à cette problématique, il est possible de rendre les résistances tunnel plus petites ; mais dans ce cas, on se heurte au fait que la capacité des jonctions augmente, ce qui peut remettre en question le blocage de Coulomb et donc le fonctionnement du composant, du moins à température ambiante. En revanche, l’utilisation de multi-jonctions tunnel fait augmenter la largeur du palier de Coulomb autour de VDS=0V, ce qui signifie qu’avec des moyens technologiques identiques, on augmente l’intensité des effets mono-électroniques, ce qui se traduit concrètement par l'augmentation de la température de fonctionnement envisageable pour ces composants. Bien entendu, ceci repose sur l’hypothèse que la jonction îlot/îlot a une capacité moindre que la jonction électrode/îlot, hypothèse qui a été utilisée dans le choix des paramètres de la Figure 106. C’est ce que la suite de cette partie propose de vérifier. La géométrie de nos composants rend a priori difficile l’utilisation de modèles analytiques simples. En effet, les échantillons étudiés comportent des électrodes ''triangulaires'' et, si les îlots sont disposés à la surface d'une couche de SiO2, ils ne sont en revanche pas encapsulés dans de l'oxyde et sont donc également entourés d'air. La présence de deux isolants et de formes géométriques relativement complexes nous a donc orientés vers les méthodes utilisant les éléments finis, pour estimer de façon plus précise la capacité des jonctions présentes dans nos composants. Mais celle-ci est dans les faits assez lourde en temps de calcul, surtout si on veut tester de nombreuses configurations architecturales, ce qui est le cas lorsqu'on modélise le fonctionnement de composants innovants.

147

Par la suite, nous avons donc tout de même commencé par évaluer avec un modèle analytique simple les capacités des jonctions îlot/électrode et îlot/plan. Les valeurs obtenues ont dans un deuxième temps été comparées aux résultats obtenus grâce au logiciel FEMLAB, qui utilise la méthode des éléments finis pour résoudre les problèmes d’électrostatique. Pour conclure, les domaines de validité des expressions analytiques par rapport aux résultats donnés par FEMLAB ont été déterminés en supposant que la méthode des éléments finis puisse être prise comme référence. On a ainsi examiné dans quelles conditions les hypothèses faites par le calcul analytique étaient justifiées. Ces hypothèses sont détaillées dans la partie III.2.a., alors que les calculs de capacité et les conclusions que l’on peut en tirer sont présentés dans la partie III.2.b.

III.2. Calcul des capacités îlot/électrode et îlot/plan par calcul

littéral

III.2.a. Hypothèses Au cours de cette étude, on considère qu'un îlot de silicium adopte un comportement analogue à celui d'un îlot métallique. Cette hypothèse implique qu'un nanocristal de silicium ait un potentiel uniforme et une densité de charge volumique nulle, toute la charge engendrée par la polarisation des électrodes étant surfacique. Deux effets sont par conséquent négligés : le confinement quantique et la déplétion dans l'îlot. Jusqu'ici, les îlots utilisés dans le projet ont des diamètres suffisamment grands pour rendre le confinement quantique négligeable. Pour des diamètres plus petits, on peut s'attendre à ce que la conductance du dispositif soit modifiée à cause des résonances tunnel entre niveaux électroniques confinés, ce qui n'entre pas dans le champ de l'étude électrostatique présentée ici. De plus, la densité de porteurs participant à la conduction dans le silicium est bien moins importante que dans un métal, ce qui a là encore une grande influence sur la conductance de nos dispositifs. Avec la réduction de la taille des îlots, la répartition de la charge est également modifiée. Le modèle en bandes ne s'applique alors plus comme dans le silicium massif, et il faut tenir compte de la discrétisation de l'énergie que peuvent adopter les électrons confinés. La prise en compte de la déplétion dans les îlots est en général complexe, et c'est donc plus particulièrement le cas pour les îlots de petite taille, pour lesquels il est alors nécessaire de mettre en œuvre des moyens numériques permettant de résoudre ces problèmes dans les 3 dimensions. Des calculs de ce type ont été publiés dans la littérature, mais les moyens numériques sont lourds pour prendre en compte le confinement dans les trois dimensions. Il est nécessaire non seulement de faire des hypothèses pour simplifier le traitement de ces problèmes, mais aussi de travailler sur les algorithmes de calcul pour avoir des modèles légers. Ces deux points nécessitent une quantité de travail suffisante pour en faire des thèmes de recherche à part entière. Par conséquent, le travail présenté ici ne prend en compte ni la déplétion dans les îlots, ni le confinement quantique.

148

d

r

Les électrodes sont quant à elles considérées comme des plans infinis. En toute rigueur, ce n'est évidemment pas le cas, mais c'est la taille relative des électrodes par rapport aux îlots qui nous a amenés à cette hypothèse. Dans la réalité, les électrodes ont des dimensions finies, et les capacités calculées sont donc majorées. Dans ces conditions les énergies de chargement proposées sont donc minorées, et les résultats ne devront donc pas être considérés comme absolus. Cela étant, on recherche des énergies de chargement élevées, et comme on peut s'attendre à ce que les énergies réelles soient supérieures à nos calculs, les températures de fonctionnement déduites de nos calculs seront inférieures aux températures réelles. Ceci ne fera que renforcer nos conclusions quant aux paramètres permettant de tendre vers le fonctionnement à température ambiante. De plus, notre démarche vise avant tout à comprendre physiquement comment la géométrie influence l'énergie de chargement des îlots, ce à quoi une prise en compte des valeurs relatives peut donner une réponse satisfaisante.

III.2.b. Calcul de la capacité de quelques îlots entourés de trois électrodes

i. Calcul de capacités par la méthode des charges-images

Pour ce calcul, on schématise les systèmes étudiés comme des sphères alignées entre deux plans, le tout étant plongé dans un milieu isolant composé de SiO2 (Figure 107). On peut remarquer qu’il n’y a que deux types de jonctions : la jonction inter-îlots et la jonction îlot/électrode.

Figure 107 : Représentation schématique d'un composant comprenant trois îlots (en verts) placés entre deux électrodes (en noir). Cette structure est considérée comme étant plongée dans une matrice de SiO2.

La détermination de leur capacité par la méthode des charges-images aboutit aux expressions suivantes [Durand66,Leroy01] : Pour la jonction îlots/îlot, (82) où r1 et r2 sont les rayons des îlots et d est la distance qui les sépare ;

1 2r 0 1 2dot dot

1 2 1 2

11 2

n 1 1 2

d 2(r r ) d4 r rC .sinh acosh 1

r r d 2r r

d 2(r r ) d x sinh n.acosh

2r r

−∞

=

⎛ ⎞⎛ ⎞+ +⎡ ⎤πε ε ⎣ ⎦= +⎜ ⎟⎜ ⎟⎜ ⎟⎜ ⎟+ + ⎝ ⎠⎝ ⎠

⎡ ⎤⎛ ⎞⎛ ⎞+ +⎡ ⎤⎣ ⎦⎢ ⎥⎜ ⎟∑ ⎜ ⎟⎜ ⎟⎜ ⎟⎢ ⎥⎝ ⎠⎝ ⎠⎣ ⎦

149

0 100 200 300 400 5002

2.5

3

3.5

4

4.5

5

Méthode des imagesSphère isolée

r = 5 nm

d (nm)

C (a

F)

d

r

d

Pour la jonction îlot/plan, (83) où r est le rayon de l'îlot et d la distance qui le sépare du plan. Depuis les premiers travaux portant sur les nanocristaux, la capacité d'un îlot est considérée comme étant celle d'une sphère conductrice isolée. Il est évident que dans le cas de nanocristaux séparés d'électrodes par des jonctions-tunnel, cette approximation est sévère. La Figure 108 compare la capacité d'une sphère conductrice isolée avec celle d'une sphère comprise entre deux plans infinis calculée avec les expressions données ci-dessus, pour différentes valeurs de d, la distance sphère-plan.

Figure 108: La courbe rouge représente la capacité d'une sphère conductrice de 5 nm de rayon placée entre deux plans infinis en fonction de la distance qui la sépare des plans. La courbe noire représente la capacité de la même sphère sans les plans infinis, c’est-à-dire lorsqu’elle est complètement isolée.

On constate qu’une distance de plusieurs centaines de nanomètres entre les électrodes et le nanocristal est nécessaire pour que les deux méthodes de calcul aboutissent aux mêmes valeurs de capacité. Un tel espacement entre l’îlot et les électrodes n'est pas compatible avec un système de jonctions-tunnel, ce qui justifie le calcul par la méthode des charges-images. Lorsque la distance séparant la sphère des plans infinis est de l’ordre de quelques nanomètres, c’est-à-dire l’épaisseur d’une jonction-tunnel, la capacité augmente très nettement. L’énergie de chargement est par conséquent très faible, ce qui prouve que l’épaisseur des jonctions-tunnel est un paramètre à prendre en compte pour l’observation du blocage de Coulomb, ce que le modèle de la sphère isolée ne prévoit pas.

dot plan r 0n 1

d dC 4 r.sinh acosh 1 . sinh n.acosh 1

2r 2r

∞−

=

⎡ ⎤⎛ ⎞ ⎛ ⎞⎛ ⎞ ⎛ ⎞= πε ε + +∑ ⎢ ⎥⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎝ ⎠ ⎝ ⎠⎝ ⎠ ⎝ ⎠⎣ ⎦

150

1 2 3 4 50

0.05

0.1

0.15

0.2

0.25

Méthode des imageskT5kT

d = 2 nm

r (nm)

E (e

V)

d

r

d

ii. Application à des composants à 1 et 3 îlots

Les calculs menés précédemment peuvent permettre de déterminer le diamètre que les îlots doivent avoir pour que leur énergie de chargement soit supérieure ou égale à 5 kT. En fixant la distance électrode-îlot à 2 nm, la Figure 109 montre l’évolution de l'énergie de chargement d'un nanocristal en fonction de son rayon.

Figure 109: En rouge, capacité d'une sphère conductrice placée entre deux plans infinis en fonction du rayon de la sphère. Les jonctions qui séparent les plans du nanocristal sont épaisses de 2 nm. Les droites parallèles à l’abscisse représentent des valeurs d’énergie à atteindre pour observation du blocage de Coulomb à température ambiante de kT (en noir) et 5kT (en mauve).

D'après ce graphe, un rayon inférieur à 1 nm est nécessaire pour satisfaire la contrainte EC>5kT. Si ce rayon est supérieur à 5 nm, l'énergie de chargement devient inférieure à kT et il est alors peu probable d'observer les effets du blocage de Coulomb. Des îlots de 2 nm de diamètre sont difficiles à maîtriser, l'AFM n’ayant pas une résolution suffisante. Il est donc nécessaire de chercher comment obtenir des énergies de chargement plus importantes. Les résultats de la caractérisation électrique décrits dans la deuxième partie de ce chapitre montrent que c’est un dispositif à trois îlots qui donne les meilleurs résultats électriques. Une solution réside donc peut être dans l'utilisation de structures contenant plusieurs îlots. Afin de mieux comprendre l'intérêt qu'il peut y avoir à utiliser des composants comprenant plusieurs nanocristaux, on a fixé des paramètres géométriques compatibles avec ceux des structures expérimentales : des îlots ayant un diamètre de 10 nm, espacés de 2 nm.

151

La grille et le substrat ont également été pris en compte, avec des dimensions qui là encore sont cohérentes avec les dispositifs caractérisés dans la deuxième partie de ce chapitre. La capacité de tels nanocristaux a été calculée dans des structures comprenant 1, 2 et 3 îlots, et on en a déduit les énergies de chargement, présentées par la Figure 110. On constate que plus le nombre d’îlots est important, plus leur énergie de chargement augmente. De plus, comme on pouvait s'y attendre, à T=77K, on est plus proche des conditions propices à l'observation du blocage de Coulomb qu'à température ambiante.

Nombre d'îlots EC à T=300 K EC à T=77K

1 0,4 kT 1,4 kT 2 0,5 kT 1,9 kT 3 0,8 kT 3,2 kT

Figure 110 : Energies de chargement exprimés en facteurs de kT pour T=300 K et T=77 K dans des structures comprenant entre 1 et 3 îlots de 10 nm de diamètre espacés de 2 nm.

Il est à noter que l’énergie donnée par la Figure 110 pour les structures à 3 îlots ne concerne que l'îlot central de la chaîne. Les deux autres îlots, les plus proches des électrodes, ont une énergie de chargement inférieure. Par exemple, à T=300 K, elle n'est que de 0,5 kT pour les deux îlots périphériques contre 0,8 kT pour l’îlot central. Pour comprendre la différence entre ces deux valeurs, il faut comparer les capacités de jonctions dot/dot et dot/plan. La Figure 111 montre les énergies de chargement correspondant aux capacités de ces deux types de jonctions, pour des îlots ayant un rayon de 3,5 nm et 5 nm.

0 0.5 1 1.5 2 2.5 30

0.01

0.02

0.03

0.04

0.05

0.06

2 SphèresSphère/plankT

r = 3,5 nm

d (nm)

E (eV)

0 0.5 1 1.5 2 2.5 30

0.005

0.01

0.015

0.02

0.025

0.03

0.035

0.04

2 SphèresSphère/plankT

r = 5 nm

d (nm)

E (eV)

Figure 111 : Energies de chargement correspondant aux capacités de jonctions dot/dot (courbes rouge) et dot/plan (courbes bleues), pour des îlots de 7 nm de diamètre (graphe de gauche) et de 10 nm de diamètre (graphe de droite). La valeur de kT à 300 K a été matérialisée par la droite horizontale de couleur verte.

152

On remarque que la jonction îlot-îlot donne une énergie de chargement bien plus importante qu'une jonction îlot-plan. Ceci explique pourquoi l’association de plusieurs îlots est bénéfique : elle a pour conséquence une augmentation de l’énergie de chargement. L’association de trois îlots est particulièrement intéressante. C’est le plus petit nombre permettant d’avoir au moins un îlot qui ne comporte que des jonctions îlot/îlot. Elles lui permettent d’avoir une énergie de chargement élevée, tout en limitant l’étude à un nombre tout de même réduit de nanocristaux. On peut objecter que les autres îlots ont une énergie de chargement plus faible, ce qui pourrait remettre en cause l’observation de blocage de Coulomb. Mais le comportement électrique d’une chaîne d’îlots est régi par l'élément ayant la capacité la plus petite, étant donné qu'il pourra à lui seul bloquer le courant dans toute la chaîne. Si l’on se réfère à la Figure 110, on voit tout de même que la valeur critique de 5 kT n'est atteinte par aucune des structures proposées à température ambiante, même pour l'élément central du dispositif à 3 îlots. Cette constatation est plutôt défavorable à l'observation du blocage de Coulomb sur nos structures, dont les paramètres sont proches de ceux utilisés pour ces calculs. On peut tout de même remarquer que pour les modélisations, le milieu dans lequel les îlots sont placés est le SiO2, alors que dans les dispositifs réels, les îlots sont seulement posés sur la couche de SiO2, l'environnement étant simplement composé d'air. La Figure 112 montre les valeurs obtenues dans les mêmes conditions que précédemment mais avec des îlots entourés d'air, dont on considère qu'il a une permittivité égale à celle du vide.

Nombre d'îlots EC à T=300 K EC à T=77K

1 1,4 kT 5,6 kT 2 2 kT 7,7 kT 3 3,2 kT 12,4 kT

Figure 112 : Energies de chargement exprimés en facteurs de kT pour T=300 K et T=77 K dans des structures comprenant entre 1 et 3 îlots de 10 nm de diamètre espacés de 2 nm, plongés dans l'air et non plus dans le SiO2.

Comme on pouvait s'y attendre, les énergies de chargement sont à peu près multipliées par quatre par rapport au cas d'îlots entourés d'une matrice de SiO2 (voir Figure 110). En effet, la valeur de la permittivité du SiO2 est de 3,9ε0, c'est-à-dire 3,9 plus élevée que celle utilisée pour l'air. Ceci divise par environ quatre la capacité de chaque îlot et multiplie donc d’autant leur énergie. Les énergies de chargement semblent dans ce cas suffisamment grandes pour assurer l'observation de blocage de Coulomb à 77 K, quel que soit le nombre d'îlots considérés. Mais on remarque qu'à 300 K, le valeur de 5kT n'est toujours par atteinte, y compris avec trois îlots. L'hypothèse d'îlots entourés d'air n'est en fait pas strictement justifiée non plus, étant donnée la présence d'oxyde sous les îlots. Les valeurs des énergies de chargement sont donc comprises entre les valeurs présentées par la Figure 110 et la Figure 112, même si on peut penser qu'elles sont plus proches des valeurs obtenues pour les îlots entourés d'air, étant donné que la majorité des lignes de champ se développent dans ce milieu.

153

Néanmoins, les valeurs de la Figure 112 doivent être légèrement minorées pour tenir compte de la couche d’oxyde ; il est donc évident que pour que le blocage de Coulomb soit clairement observé à température ambiante, la capacité totale des îlots doit être réduite. Comme nous l'avons déjà évoqué, les jonctions sphère/grille et sphère/substrat ont été prises en compte et elles sont peut être un moyen d’augmenter l’énergie de chargement. Si l’on s’intéresse par exemple à l’énergie de chargement de l’îlot central d’une chaîne de trois nanocristaux, quatre jonctions sont à considérer. Avec les paramètres utilisés pour calculer les valeurs présentées par la Figure 112, les jonctions îlot/substrat et îlot/grille ont respectivement des capacités de 0,36 aF et 0,34 aF. La capacité totale de l’îlot étant évaluée à 1,9 aF, la présence de la grille et du substrat contribue à près du tiers de cette valeur. Il est par conséquent possible d’augmenter l’énergie de chargement de l’îlot considéré en diminuant la capacité des jonctions îlot/substrat et îlot/grille. Ceci revient à éloigner la grille et le substrat de la chaîne de nanocristaux. On peut par exemple envisager d’utiliser un oxyde plus épais entre la zone active et le substrat. Il est également bénéfique de placer l’électrode de grille loin de la chaîne d’îlots, mais on dispose d’une marge de manœuvre moins importante. En effet, si la distance séparant la grille de la zone active est trop importante, les tensions nécessaires pour moduler le courant drain-source seront élevées. L’un des avantages de ce type de composant serait alors remis en cause, à savoir le fonctionnement à faibles polarisations, qui garantit une consommation électrique modérée. Cette partie nous a donc apporté des conclusions intéressantes sur les architectures à donner à nos composants. Il apparaît bénéfique de s’orienter vers des dispositifs à trois îlots alignés et les capacités de grille et de substrat sont à prendre en compte pour l’observation de blocage de Coulomb. Les calculs menés dans cette partie concernent des électrodes de formes parallélépipédiques, dont on assimile l’extrémité à un plan infini. La nanomanipulation apparaît facilitée par l’usage d’électrodes de forme triangulaire. En effet, cette forme facilite l’accès aux pointes AFM lorsque l’on amène les nanocristaux dans la zone active des composants. Mais on peut se demander si les valeurs de capacité obtenues dans cette partie peuvent être utilisées comme approximations pour les électrodes triangulaires. Afin de le déterminer, une approche utilisant la méthode des éléments finis a été utilisée pour calculer les capacités électrode/îlot.

III.3. Calcul des capacités îlot/électrode et îlot/plan par la

méthode des éléments finis

Dans un premier temps, les valeurs de capacité électrode/plan calculées dans la partie III.2 ont été comparées aux valeurs obtenues par la méthode des éléments finis. Conformément à ce que l’on a fait dans le chapitre II, nous avons limité les lignes de champ prises en compte à celles qui proviennent de l’hémisphère qui est en regard de l’électrode. Rappelons que cette restriction vise à tenir compte du mode de polarisation des nanocristaux dans nos composants. En effet, si un îlot est en présence d’un seul plan conducteur (Figure 113a), toutes les lignes de champ partant du nanocristal vont être reliées au plan en question.

154

Si l’îlot est placé entre deux électrodes, les lignes de champ vont être partagées entre chacune des électrodes (Figure 113b). Pour rendre compte de cette situation au moment de calculer la capacité des îlots, on peut remarquer que chaque électrode reçoit les lignes de champ de la partie hémisphérique de l’îlot qui est directement en regard avec elle (Figure 113c). Ainsi, la capacité d’une jonction îlot/électrode peut se ramener au cas simple de l’évaluation de la capacité liant l’électrode à un hémisphère de diamètre équivalent à celui de l’îlot (Figure 113d).

(a)

(b)

(c)

(d) Figure 113 : Schémas représentant un îlot associé à un ou plusieurs plans, ainsi que quelques lignes de champ électrique (en pointillés noirs).

Les résultats obtenus en faisant cette restriction quant aux lignes de champ électrique peuvent alors être comparés aux valeurs issues des calculs littéraux utilisés dans la partie III.2, ce que montre la Figure 114. Globalement, les ordres de grandeur sont respectés quels que soient les paramètres utilisés pour ce graphe. On remarque tout de même que les expressions littérales sont d’autant plus proches des valeurs de capacité fournies par la méthode des éléments finis que les îlots sont petits. A rayon constant, la méthode des charges images de la partie III.2 est d’autant plus proche des éléments finis que l’îlot considéré est proche du plan. On s’attend à ce que les dispositifs expérimentaux aient des jonctions dont l’épaisseur est inférieure à 4 nm, et se situent donc dans un domaine où les expressions utilisées dans la partie III.2 sont valides. Il est à noter qu'un calcul similaire portant sur des électrodes planaires séparées cette fois par une couche d'air donne des résultats en tout point semblables, mis à part que les valeurs de capacités diffèrent d'un facteur 3,9, ce qui est tout à fait en accord avec le rapport des permittivités diélectriques εr/ε0 attendu pour des structures ayant l'une pour isolant l'air (permittivité ε0) et l'autre le SiO2 (permittivité εr)

155

Après plusieurs études concernant la nanomanipulation d’îlots par AFM, nous nous sommes progressivement tournés vers des électrodes de forme triangulaire, qui offrent un dégagement supérieur, ce qui s’avère utile pour apporter des nanocristaux dans la zone active des composants à l’aide de la pointe AFM. La jonction électrode triangulaire/îlot a donc également été modélisée par la méthode des éléments finis, avec des structures similaires à celle qui est représentée par la Figure 115. Pour rendre compte de la nature réelle de nos échantillons, il est nécessaire de prendre en compte le fait que les îlots sont majoritairement entourés d'air, et qu'il n'y a de l'oxyde que sous les structures. Pour la simulation par la méthode des éléments finis, l'îlot et l'électrode ont été donc placés à la surface d'une couche de SiO2 et plongés dans un milieu analogue à l'air (isolant de permittivité ε0).

1 10

1

10 r=2 nm r=4 nm r=8nm Expressions littérales

C

(aF)

distance plan/îlot (nm)

Figure 114 : Capacité entre un îlot métallique et une électrode planaire également métallique, entourés de SiO2. Trois rayons ont été considérés, et dans chaque cas les valeurs trouvées par la méthode des éléments finis (points dessinés en noir) ont été comparées aux valeurs obtenues par les expressions littérales présentées dans la partie III.2 (courbes oranges).

Figure 115 : Structure maillée utilisée sous FEMLAB pour modéliser une électrode triangulaire et un îlot. Ils sont disposés à la surface d’une couche de SiO2 et laissés à l’air libre.

156

Afin de déterminer si l’approximation plan/îlot est toujours valable pour estimer la valeur de la capacité liant une électrode triangulaire à un îlot, les résultats relatifs à ces électrodes et à un plan conducteur ont été comparés dans le graphe présenté par la Figure 116. Pour faire cette étude, les capacités plan/îlot ont été modélisées avec les expressions littérales de la partie III.2., mais en utilisant ε0 comme permittivité, c'est-à-dire en considérant que les îlots sont seulement entourés d'air. On peut remarquer que l'approximation plan/îlot donne les meilleurs résultats lorsque les îlots sont petits. De plus, c'est pour des distances électrode/îlot (notées d sur le graphe) supérieures à 1 nm que l'on obtient le meilleur accord entre la méthode des éléments finis et les expressions littérales.

Les divergences entre les deux approches, que l'on peut noter pour les distances électrode/îlot les plus faibles, peuvent être attribuées au fait que les expressions littérales prennent en compte toutes les lignes de champ. A l'inverse, la méthode des éléments finis ne tient compte que de celles qui proviennent de l'hémisphère qui est en regard avec l'électrode, pour les raisons que l'on a déjà évoquées précédemment (voir Figure 113). De plus, les expressions littérales ne tiennent pas compte non plus de la couche d'oxyde placée sous le système électrode-dot, alors que la permittivité de cette couche est différente de celle de l'air, ce qui a certainement une influence non négligeable, du moins en ce qui concerne les lignes de champ qui traversent le SiO2. Dans le cas des dispositifs comprenant plusieurs îlots, qui forment des multi-jonctions tunnel, les capacités îlot/îlot entrent en jeu dans la capacité totale des nanocristaux de la chaîne. Il convient là encore de vérifier si les expressions littérales de la partie III.2. peuvent être utilisées pour estimer la valeur des capacités îlot/îlot. Pour ce faire, elles ont à leur tour été comparées avec les résultats fournis par la méthode des éléments finis. C'est ce que présente la Figure 117, et on peut constater qu'il existe un profond désaccord entre les deux approches. Quelle que soit la distance séparant les îlots, on voit sur le graphe que la méthode des éléments finis donne des valeurs systématiquement inférieures à celles calculées à partir des expressions du chapitre III.2. Il semble donc que cette fois, les expressions littérales donnent

1 100.1

1

Plan/îlot pour r=2nm

Plan/îlot pour r=4nm

Plan/îlot pour r=4nm

∆ /îlot pour r=2nm

∆ /îlot pour r=4nm ∆ /îlot pour r=8nm

C (

aF)

d (nm)

Figure 116 : Capacité calculée par la méthode des éléments finis entre un îlot métallique et une électrode également métallique, posés sur une couche de SiO2 et entourés d’air. Trois rayons ont été considérés, et dans chaque cas les valeurs trouvées pour une électrode triangulaire (en noir) ont été comparées aux valeurs obtenues calculées pour un plan (en orange).

157

des résultats qui sont fortement affectés par les approximations faites. La géométrie des îlots est certainement à l'origine de ces divergences, leur aspect sphérique rendant les lignes de champ bien plus courbées que lorsqu'il s'agit d'une forme géométrique composée de plans, ce qui est le cas pour les électrodes.

1 10

0.1

1

10 Calcul littéral r=2nm

Calcul littéral r=4nm

Calcul littéral r=8nm

îlot/îlot r=2nm

îlot/îlot r=4nm

îlot/îlot r=8nm

C (

aF)

distance îlot/îlot (nm)

Figure 117 : Capacité entre un îlot métallique et une électrode planaire également métallique, séparés par du SiO2. Trois rayons ont été considérés et, dans chaque cas, les valeurs trouvées par la méthode des éléments finis (points dessinés en noir) ont été comparées aux valeurs obtenues par les expressions littérales présentées dans la partie III.2 (courbes orange).

Si l’on fait le bilan des informations que l'on peut tirer de cette étude, on peut tout d'abord souligner que les expressions littérales de la partie III.2. correspondent assez bien aux valeurs calculées par la méthode des éléments finis dans un certain nombre de cas. Si on définit le bon accord entre les deux méthodes comme une divergence inférieure à 10% entre elles, il est possible de déterminer les conditions d'écartement et de diamètre aboutissant à ce bon accord. C'est ce que propose la Figure 118 ; pour les jonctions îlot/plan, le meilleur accord est obtenu pour les valeurs représentées en bleu ; on peut voir qu'il correspond à des distances îlot/plan plutôt faibles, inférieures à 2,5 nm.

Figure 118 : Domaines de correspondance entre les résultats obtenus par éléments finis et les modèles analytiques développés dans la partie III.2., pour les jonctions îlot/plan (en bleu) et îlot/électrode triangulaires (en vert). En ordonnée, ce sont les rayons (r) des îlots qui sont représentés, et en abscisse on trouve la distance d entre l'îlot et le plan ou l'électrode triangulaire.

158

En ce qui concerne la jonction îlot/électrode triangulaire, on peut trouver un bon accord entre les deux méthodes lorsque le rayon de l'îlot et la distance îlot/électrode correspondent aux valeurs représentées en vert sur la Figure 118. On remarque que plus on augmente la distance d, plus la taille des îlots doit être importante pour que les modèles donnent des valeurs de capacité similaires. Enfin, pour les jonctions îlot/îlot, l'accord n'est pas bon, certainement à cause de la géométrie de ce type de jonction. On peut penser qu'il existe une différence trop grande entre la capacité liant deux îlots (qui prend en compte toutes les lignes de champ) et la capacité de la jonction îlot/îlot (qui prend en compte uniquement les lignes de champ liant les nanocristaux lorsqu'ils sont placés entre deux électrodes polarisées). En conclusion, il est correct d'utiliser la relation (83) pour estimer les capacités plan/îlot (ce qui est utile pour calculer le couplage des îlots avec le substrat) et îlot/électrode triangulaire (sous certaines conditions, elle permet d'évaluer le couplage existant entre les électrodes et les îlots). En revanche, la relation analytique (82) de la partie III.2. n'est pas appropriée aux jonctions îlot/îlot. Dans ce dernier cas en effet, les valeurs trouvées par la méthode des éléments finis sont systématiquement inférieures à celles calculées à partir des expressions littérales. Cette dernière remarque est à mettre en parallèle avec le fait que dans la partie III.2., on a souligné que les jonctions îlot/îlot avaient des valeurs de capacité plutôt basses, en tout cas inférieures aux jonctions électrode/îlot. Par conséquent, la méthode des éléments finis ne fait que nous conforter dans cette conclusion. L'intérêt que nous portons aux multi-jonctions tunnel pour observer le blocage de Coulomb à température ambiante est donc conforté par ce résultat, car il peut permettre de diminuer la capacité totale d'îlots ayant surtout des jonctions avec d'autres îlots, comme c'est le cas pour les éléments d'une chaîne, par exemple. Toujours dans le but de déterminer les paramètres qui influent sur la capacité totale des îlots, on peut remarquer que les capacités liant un plan conducteur et un îlot séparés par une couche de SiO2 (Figure 114) sont bien supérieures à celles liant un îlot à un autre (Figure 117) ou un îlot à une électrode (Figure 116) séparés par une couche d'air et reposant seulement sur la couche d'oxyde. L'origine de ce phénomène tient tout simplement à la permittivité de l'oxyde, qui est plus importante que celle de l'air. Les capacités mettant en jeu du SiO2 donnent par conséquent lieu à des capacités importantes, susceptibles d'amoindrir les effets de blocage de Coulomb, particulièrement à température ambiante. Parmi les différentes capacités entrant dans le calcul de la capacité totale des îlots, celle liant le substrat aux îlots correspond à des lignes de champ qui se déploient toutes dans de l'oxyde. C’est donc elle qui a l’impact le plus négatif sur l'observation du blocage de Coulomb, comme le montre la Figure 119, où l'on peut voir les courbes de courant simulées à température ambiante pour des dispositifs comportant trois îlots (de diamètres 4 et 8 nm), en prenant en compte ou pas l'influence du substrat. On constate que le palier de Coulomb (autour de VDS=0 V) est d'autant plus large que le diamètre des îlots est petit, ce qui était attendu. Mais on remarque également que ce palier est bien plus large lorsqu'on élimine la contribution du substrat à la capacité totale. Il convient donc pour s'assurer de telles observations de faire diminuer le couplage îlot/substrat, par exemple en augmentant très sensiblement l'épaisseur de la couche d'oxyde placée sous le

159

système étudié

-3 -2 -1 0 1 2 3-0,25

-0,20

-0,15

-0,10

-0,05

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0,25

Diamètre des îlots : 4 nm

Avec influence du substrat Sans influence du substrat

R1=R

4=2.1010 Ω

R2=R

3=5.1012 Ω

I DS (

pA

)

VDS

(V)

(a)

-2 -1 0 1 2-0,15

-0,10

-0,05

0,00

0,05

0,10

0,15

I DS (

pA

)

VDS

(V)

(b)

Avec influence du substrat Sans influence du substrat

Diamètre des îlots : 8 nm

R1=R

4=2.1010 Ω

R2=R

3=5.1012 Ω

Figure 119 : Courants simulés à l'aide de MOSES 1.1 pour des composants comportant 3 îlots alignés entre deux électrodes et une grille. Deux diamètres ont été considérés : 4 nm (a) et 8 nm (b). Les courbes diffèrent selon que l'on prend en compte l'influence du substrat (courbes noires) ou non (courbes et points orange). Les résistances tunnel ont été déterminées arbitrairement d'après les calculs de Y. Leroy sur des îlots métalliques [Leroy01].

En fait, cela ne suffit pas car, comme on peut le voir sur la Figure 114, la valeur de la capacité substrat/îlot tend à se stabiliser quand on augmente l'épaisseur d'oxyde. Ainsi pour une épaisseur de 20 nm (comme c'est le cas pour nos échantillons), on a une capacité de 0,93 aF, alors que pour une épaisseur de 1µm, on a encore une capacité de 0,8 aF. L'augmentation de l'épaisseur de SiO2 sous le composant est donc une manière de limiter l'influence du substrat, mais on peut imaginer d'autres moyens pour la rendre bien plus faible, comme par exemple l'utilisation d'un autre matériau. Certains isolants ont en effet de faibles constantes diélectriques, on les appelle matériaux low-k et ils permettant un couplage très restreint entre les conducteurs qu'ils isolent. On peut donc envisager à l'avenir de les utiliser pour réduire cette capacité parasite liée au substrat et augmenter ainsi la température de fonctionnement des composants élaborés. La Figure 120 met en évidence l'influence de l'utilisation de tels matériaux, en représentant la température de fonctionnement de deux composants à trois îlots en fonction de la constante diélectrique du matériau utilisé pour la couche séparant le dispositif du substrat. Les énergies de chargement ont été calculées en utilisant les modélisations par éléments finis présentées ci-dessus. Pour cette figure, elles sont considérées comme suffisantes pour assurer le fonctionnement des composants lorsqu'elles sont supérieures à 25kT. On a donc pris une condition de fonctionnement cinq fois supérieure au critère EC>5kT utilisé précédemment, et ce dans le but de s'assurer que le terme de ''température de fonctionnement'' corresponde à une température à laquelle le composant peut être utilisé de manière fiable une fois inséré dans un circuit sujet aux échauffements. On constate qu'avec un matériau dont la constante diélectrique vaut 2,5 (les silsesquioxanes par exemple), la température de fonctionnement passe de 105 K à 140 K (soit 35 K de plus) pour des îlots de 16 nm de diamètre et de 250 K à 325 K (soit 75 K de plus) pour des îlots de 8 nm. Ce matériau permettrait donc de faire fonctionner à température ambiante un composant qui, avec du SiO2 comme isolant, n'aurait pas permis de dépasser les 250 K. Ceci montre aussi que plus les îlots sont petits, plus l'apport du matériau low-k est important.

160

1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.00

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500 3 îlots, diamètre 8 nm 3 îlots, diamètre 16 nm

SiO2Fluorosilicates

Organosilicates

Silsesquioxanes

Tfo

nct

ion

nem

en

t (K

)

εisolant

Low-K poreux

Air

Figure 120 : Température de fonctionnement de dispositifs comportant 3 îlots (de diamètres 8 et 16 nm), en fonction de la constante diélectrique de la couche séparant le dispositif du substrat. Les traits verticaux correspondent aux constantes de quelques familles de matériaux low-k (à faible constante diélectrique) envisagés dans la microélectronique.

Notons enfin que cette solution risque de se heurter à la qualité isolante parfois médiocre de ces matériaux. De manière plus radicale, une autre solution permettant d'éviter le couplage capacitif avec le substrat serait de le remplacer par une plaque d'alumine. En effet, l'alumine est un isolant, ce qui éviterait la mobilisation de porteurs en regard de ceux mis en jeu dans le dispositif et rendrait ainsi nulle la capacité îlot/substrat. Ces substrats isolants, utilisés habituellement pour les applications radiofréquences, sont toutefois relativement onéreux. Ils ne constituent donc pas vraiment une alternative dans le cadre d'un procédé de fabrication de type MOS, mais ils peuvent fournir une preuve expérimentale de l'importance du couplage avec le substrat pour l'obtention de composants fonctionnant à température ambiante.

IV. Conclusion Ce chapitre apporte sa contribution à l'étude des solutions permettant d'élaborer des composants mono-électroniques à base de nanocristaux de silicium. Deux voies ont pour cela été explorées. La première est une approche consistant à faire des composants nanométriques à partir d'échantillons de taille importante, par un procédé d'isolation compatible avec les outils de la technologie MOS. Il a été mis au point au cours de la collaboration avec le CRN² de Sherbrooke au Québec, et il aboutit à des composants ''verticaux'', c'est-à-dire que le transport d'électrons s'y fait perpendiculairement à la surface du substrat. Ce type de dispositifs est courant pour les matériaux III-V mais il est plutôt rare dans le cas du silicium. Un certain nombre de difficultés sont apparues au cours de l'élaboration du procédé d'isolation. Pour y remédier, un recours aux techniques de STI (Shallow Trench Isolation) et de gravures

161

sèches de type RIE (Reactive Ion Etching) est envisagé. Mais malgré ces difficultés, des zones actives d'environ 70 nm de diamètre ont été réalisées avec succès. Enfin, la cathodoluminescence ouvre des perspectives intéressantes pour repérer des zones actives où les îlots sont homogènes en taille et en disposition. Ce sont ces zones que l'on pourra choisir pour élaborer les composants ; ainsi, la cathodoluminescence peut offrir une alternative à l'organisation spatiale des îlots, en permettant d'élaborer des composants de tailles très faibles à partir d'îlots disposés aléatoirement. Si on se réfère à la conclusion du chapitre II, on peut penser que la cathodoluminescence permettra la diminution du nombre d'îlots que doivent comporter les zones actives des dispositifs mémoires pour être reproductibles. Nous avions considéré ce nombre égal à 5, mais notre procédé d'isolation associé au repérage des positions des nanocristaux par cathodoluminescence pourrait le faire tendre vers 1, et constituer ainsi le trait d'union entre les dispositifs MOS à quelques îlots et les composants mono-électroniques, tout en assurant la réduction des dimensions jusqu'aux nœuds technologiques les plus lointains. Ce chapitre aborde également une deuxième approche, fondamentalement différente de la première, et qui consiste à élaborer des composants à quelques îlots en plaçant ces derniers entre des électrodes. Ceci a été réalisé au moyen d'une pointe AFM, dans le cadre d'un projet financé par la région Rhône-Alpes, qui nous a permis d'étudier des dispositifs comportant un et trois îlots, avec ou sans grille de contrôle. La caractérisation électrique de ces composants a montré la présence de blocage de Coulomb à température ambiante dans les dispositifs à trois îlots qui n'étaient pas dotés d'une grille de contrôle. En polarisant le substrat, on a également réussi à moduler le courant de drain, ce qui laisse présager une action similaire à l'effet de champs des transistors MOS, mais régie dans ce cas par la physique du blocage de Coulomb. En revanche, les échantillons munis d'une grille (comportant un ou trois îlots) n'ont pas montré de caractéristiques électriques satisfaisantes. Les courbes attendues pour ce type de composant sont conformes aux prédictions de la théorie du blocage de Coulomb. Cette théorie a été détaillée, jusqu'à la description de deux approches permettant de simuler les courbes de courant, à l'aide d'un modèle analytique (dispositifs à un îlot) et d'un logiciel réputé utilisant la méthode Monte Carlo (MOSES 1.1 pour les composants à plusieurs îlots). Pour expliquer ces faits expérimentaux et guider la conception vers de nouvelles architectures, nous avons développé un modèle capacitif. En effet, le blocage de Coulomb est un phénomène classique que l'on peut décrire de façon semi-quantitative en étudiant la capacité des îlots présents dans la zone active des composants. Une première approche analytique a été menée, en faisant des hypothèses géométriques et en considérant des îlots de type métallique. Elle a débouché sur deux conclusions :

• Le couplage avec le substrat et avec la grille doit être pris en compte lors de l'élaboration des composants, car ils représentent environ les deux tiers de la capacité d'un îlot ;

• L'énergie de chargement apportée par une jonction îlot/îlot est bien plus importante que

celle obtenue pour une jonction îlot/électrode. Ce dernier point plaide en la faveur de dispositifs contenant au moins trois îlots. En effet, le ou les îlots qui ont plusieurs jonctions avec d'autres îlots vont avoir une énergie de chargement

162

plus élevée que les autres. Ils vont ainsi conditionner la conductance du composant et rendre plus aisée l'observation de blocage de Coulomb. Ces conclusions, issues de l'approche analytique, sont corroborées par le fait que la caractérisation du blocage de Coulomb a été réussie sur un dispositif dépourvu de grille et comportant trois îlots alignés. Pour vérifier les valeurs de capacité données par les modèles analytiques et définir les domaines de validité de ces derniers, une approche utilisant la méthode des éléments finis a également été utilisée. Dans le cas des jonctions qui nous intéressent, on peut remarquer que l'on ne se trouve pas toujours dans ces domaines, notamment en ce qui concerne les jonctions îlot/îlot. Les conclusions sur le couplage avec le substrat et la grille ne sont pas pour autant remises en cause, au contraire. Les jonctions îlot/îlot engendrent une énergie de chargement encore plus faible que celle que l'on a calculée analytiquement. Ceci renforce encore l'intérêt que nous portons aux dispositifs comprenant plusieurs îlots. La méthode des éléments finis, plus lourde à mettre en place que les expressions analytiques, s'impose néanmoins pour modéliser nos composants. Les expressions littérales font des approximations géométriques trop importantes pour être utilisées de façon quantitative. Le manque de souplesse des éléments finis est tempéré par le fait que notre approche se concentre sur la jonction-tunnel, qui est une brique de base à partir de laquelle il est possible d'élaborer de nombreuses architectures. En travaillant sur seulement deux types de jonctions, les jonctions îlot/électrode et îlot/îlot, il est donc possible de modéliser toutes sortes de composants, même assez complexes, construits en plaçant des îlots entre des électrodes métalliques. Pour illustrer les perspectives ouvertes par les constatations faites dans ce chapitre, et notamment le fait que la jonction îlot/îlot soit propice à l'élévation de l'énergie de chargement des nanocristaux, on peut envisager un composant appelé mémoire non-volatile à un électron (NVSEM), et inspiré du piège à électrons proposé par K.K. Likharev [Likharev03]. La Figure 121 montre la représentation schématique d’un tel composant, qui reprendrait les éléments d'une mémoire Flash conventionnelle, mais en utilisant la brique de base évoquée précédemment, à savoir la jonction-tunnel.

Figure 121 : Schéma d'une SENVM (Single Electron Non-Volatile Memory, mémoire non-volatile à un électron).

163

Pour s’assurer du fonctionnement de tels dispositifs à température ambiante, il sera utile de trouver une solution au problème que représente le couplage avec le substrat de silicium, qui est séparé de la zone active de notre composant par une couche d’oxyde. Pour diminuer la valeur de cette capacité, nous suggérons l’utilisation d’une couche de matériau à faible constante diélectrique (isolants ''low-k'') en lieu et place de la couche d’oxyde. Si l’on veut la supprimer totalement, par exemple pour confirmer expérimentalement l’importance de son influence, un substrat en alumine pourra être utilisé à la place du substrat de silicium.

164

165

Conclusion générale

u cours de cette thèse, nous avons eu l'occasion de vérifier que les îlots de silicium représentaient une brique de base attrayante pour continuer à réduire la taille des

composants microélectroniques dans les années qui viennent. Plus que l'îlot lui même, ces dispositifs utilisent les propriétés spécifiques de la jonction-tunnel qu'il forme avec une électrode ou avec un autre îlot. Ceci débouche sur tout un ensemble de composants, dont on a montré qu'ils étaient en mesure d'accompagner l'évolution des transistors et des mémoires, du nœud 65 nm aux dispositifs à un électron. Cet intérêt pour la jonction-tunnel est dû à la dualité de son comportement électrique, qui est à la fois capacitif et résistif. Deux moyens sont à notre disposition pour modifier l'état de charge des objets séparés par une jonction-tunnel : le transfert de porteurs de l'un à l'autre (par effet tunnel) et la variation du potentiel existant entre eux, qui modifie leur charge, conformément aux lois du couplage capacitif. Ce travail de thèse s'est attaché à modéliser ce dernier aspect de façon simple. Il est souvent négligé ou traité trop sommairement dans les travaux de simulation, alors qu'il est crucial pour la compréhension des phénomènes comme le blocage de Coulomb. On a tout d'abord utilisé la modélisation de la capacité liant un plan d'îlot et une électrode métallique pour extraire les paramètres des nanocristaux à partir de mesures de courants transitoires. Ces mesures ont été effectuées sur des composants de type mémoire Flash à nanocristaux, dont on a montré que le chargement se faisait très certainement dans les îlots et non dans les défauts que l'on peut trouver à leur proximité. Ces composants contenaient des nanocristaux élaborés par deux techniques bien connues, l'implantation de silicium dans une couche d'oxyde et la formation de SiOX par LPCVD. Pour utiliser notre modèle, il est nécessaire que les échantillons choisis montrent des courants de fuite suffisamment bas pour que les courants de chargement puissent être mesurés. Les échantillons pour lesquels c’est le cas ont été soumis à cette technique, ce qui nous a permis de confirmer ou de modifier les données structurales dont nous disposions à propos des populations d'îlots qu’ils contiennent. Cette approche consistant à extraire des paramètres depuis les données expérimentales a été confrontée à un modèle proposant de simuler totalement les courants de chargement. Ce dernier demande une très bonne connaissance du matériau et de ses caractéristiques électriques pour être mis en œuvre, mais il peut aboutir à une meilleure compréhension physique des phénomènes régissant le chargement des îlots. En revanche, l’extraction de paramètres peut être utilisée lorsqu’on ne connaît que partiellement les données structurales des échantillons étudiés, et peut même nous aider à les déterminer. Nous disposons donc de deux approches complémentaires permettant une grande souplesse dans l’interprétation de nos données expérimentales.

A

166

A partir de l’extraction de paramètres que nous avons présentée, nous avons ensuite utilisé leur densité et leur diamètre pour évaluer l'aptitude à la miniaturisation des deux techniques d’élaboration de nanocristaux que nous avons eu l’occasion d’étudier, à savoir l'implantation ionique à très basse énergie et de la LPCVD. L'implantation à très basse énergie tout d'abord, avec des îlots de 2,2 nm de diamètre tels que ceux que l'on a caractérisés, pourrait être utilisée pour les mémoires Flash jusqu'au nœud 11 nm. La densité dont nous disposions (1,5.1012 cm-2), correspond au nœud 22 nm et pourrait théoriquement évoluer vers une limite que nous avons évaluée à environ 5,7.1012 cm-2. Au delà, les îlots seraient trop proches les uns des autres pour conserver leurs avantages par rapport aux mémoires Flash conventionnelles. Les nanocristaux élaborés par LPCVD que nous avons caractérisés avaient quant à eux des diamètres de 5 nm, ce qui pourrait à haute densité mener les mémoires Flash jusqu'au nœud 16 nm. Mais nos modèles ont montré que les échantillons sur lesquels les mesures de courant ont été effectuées étaient peu denses (1,5.1011 cm-2). Une telle densité permettrait tout de même de réaliser des mémoires pour le nœud 65 nm, qui est d'ailleurs le nœud visé par certains industriels comme Motorola pour l'entrée en production des mémoires Flash à nanocristaux. Les technologies d'élaboration étudiées dans cette thèse sont donc d'ores et déjà susceptibles de jouer un rôle dans le domaine des mémoires Flash, du nœud 65 nm aux nœuds inférieurs à 20 nm. Mais dans un futur plus lointain, les îlots de silicium pourraient également être d'une grande utilité pour fabriquer des SET (Single Electron Transistors) ou des SEM (Single Electron Memories). Pour le démontrer, nous avons tout d'abord mis au point un procédé visant à faire des composants nanométriques à partir d'échantillons de taille importante. Il aboutit à des composants ''verticaux'', peu courants dans la technologie silicium. Nous avons également pu constater que la cathodoluminescence pouvait représenter une alternative à l'organisation des îlots, en permettant de visualiser les emplacements des nanocristaux, ainsi que leur diamètre, et ce avant même d'élaborer les composants. Dans un deuxième temps, le blocage de Coulomb a été mis en évidence à T=300 K sur des composants de type SET réalisés par nanomanipulation de nanocristaux de silicium, à l'aide d'une pointe AFM. En modélisant là encore l'aspect capacitif des jonctions îlot/électrodes, mais aussi celui des jonctions îlot/îlot, on a pu établir que ces dernières donnaient lieu à des énergies de chargement élevées et donc propices à l'observation de blocage de Coulomb. A partir de ces constatations, il est apparu évident que les multi-jonctions-tunnel étaient plus aptes à montrer ce phénomène que les composants ne comprenant qu'un îlot de silicium. Le chapitre III ouvre ainsi la perspective de créer des composants mémoires analogues au piège à électrons de K.K. Likharev, mais en silicium. On peut penser à une mémoire non volatile à un électron (SENVM) constituée de trois électrodes et six îlots de diamètres différents. Ce nouveau composant devrait permettre le même usage que les mémoires Flash actuelles mais avec les dimensions d'un composant mono-électronique. A l'avenir, il sera très intéressant de fabriquer des démonstrateurs de ces composants, d'étudier les courants qui les parcourent de façon expérimentale mais aussi théorique. Concernant ce dernier point, il conviendra d'utiliser des modèles à la physique plus poussée (prenant notamment en compte les effets quantiques dans le silicium). Le simulateur utilisé

167

dans le chapitre III, MOSES 1.1, s’appuie sur la théorie orthodoxe, établie pour des îlots métalliques. Il en est de même pour le modèle analytique que nous avons proposé pour les dispositifs à un îlot, mais celui-ci pourrait être adapté avec des modèles simples de résistances tunnel prenant en compte le matériau qui compose les îlots dans nos échantillons, le silicium. Ainsi, pour des architectures variées et potentiellement complexes, nous pourrions déterminer de façon rapide à la fois les dimensions à donner aux objets implémentés dans la zone active, mais aussi calculer le courant délivré par le composant, quelles que soient les polarisations appliquées aux électrodes. D'un point de vue expérimental, on pourra pousser encore plus loin les limites de la nanomanipulation en remplaçant les pointes AFM par des nanotubes de carbone que l'on aura fait croître sur celles-ci. Les îlots déplacés pourront alors avoir des diamètres bien inférieurs, certainement de l'ordre de 2 ou 3 nm, rendant possible la fabrication et la caractérisation de composants comme les SENVM. Une étude devra également être envisagée pour confirmer nos calculs concernant le couplage îlots/substrat, qui semble être assez prépondérant dans la capacité totale des nanocristaux de nos dispositifs expérimentaux. Pour ce faire, nous recommandons de limiter cette capacité en utilisant des matériaux low-k ou des substrats isolants en alumine.

168

169

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FOLIO ADMINISTRATIF

THESE SOUTENUE DEVANT L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON

NOM : BEAUMONT DATE de SOUTENANCE : 12 décembre 2005

Prénoms : Arnaud

TITRE : Etude des mécanismes de transport électrique dans des structures à base de

nanocristaux de silicium ordonnés.

NATURE : Doctorat Numéro d'ordre : 2005-ISAL-00119

Ecole doctorale : Electronique, Electrotechnique, Automatique Spécialité : Dispositifs de l’électronique intégrée

Cote B.I.U. - Lyon : T 50/210/19 / et bis CLASSE :

RESUME :

Les nanocristaux de silicium sont des amas sphériques d’atomes de silicium, dont le diamètre est

typiquement de l'ordre de la dizaine de nanomètres. Si on les utilise comme zone active dans un

composant électronique, leurs très faibles dimensions font apparaître des phénomènes qui pourraient les

amener à jouer un rôle important dans la microélectronique, à court et à long terme.

A court terme, ils pourront être utilisés comme nano-grilles flottantes dans les mémoires FLASH, dont la

miniaturisation pourra ainsi être poursuivie. A partir de mesures de courants transitoires effectuées sur ce

type de composant, nous avons montré qu’il était possible de mettre en évidence le rôle prépondérant

que jouent les îlots de silicium dans l’effet mémoire observé. Cette méthode a été validée sur des

dispositifs comportant des nanocristaux élaborés par implantation ionique et par dépôt chimique en phase

vapeur (CVD).

A plus long terme, les nanocristaux pourraient représenter la brique de base d'une électronique mono-

charge, en utilisant le phénomène de blocage de Coulomb. Nous avons montré que ce dernier régissait en

particulier le transport dans une chaîne de trois îlots de silicium à température ambiante. Ce travail

propose également une projection sur les caractéristiques morphologiques que devront respecter ces

composants pour jouer un rôle dans la microélectronique.

MOTS-CLES : MOS, Mémoire FLASH, Nanocristaux, Courant transitoire, SET, Blocage de Coulomb,

Modélisation, Eléments finis.

Laboratoire (s) de recherches : Laboratoire de Physique de la Matière (LPM, UMR 5511)

Directeur de thèse : Abdelkader Souifi (professeur, INSA de Lyon)

Président de jury : Carole Plossu (professeur, INSA de Lyon)

Composition du jury : Jacques Gautier (rapporteur), Philippe Dollfus (rapporteur), Thierry Baron

(examinateur), Pascal Normand (examinateur), Carole Plossu (examinateur), Abdelkader Souifi

(directeur de thèse), Vincent Aimez (membre invité).

179