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UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON II FACULTÉ DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE Master droit, 2 e année Droit des activités de l’entreprise, Mention – Droit européen et international des contrats Le mémoire sur Sous la direction de Mme. Marie-Claire Rivier Rédigé par M. THARA Rathvisal Master 2 Année Universitaire 2006 - 2007 Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l'annulation de la sentence rendue dans son Etat d'origine

Etude Doctrinale Et Jurisprudentielle Française Sur l'Annulation de La Sentence Rendue Dans Son Etat d'Origine

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Je m'appelle THARA Rathvisal. Mon Mémoire soutenu pour la Grade de Master 2 (année universitaire 2006-2007) sous la direction de Mme. Marie-Claire Rivier (Professeur à l'Université Lumière Lyon 2). Table des Matières à la page 93.

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UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON II FACULTÉ DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE

Master droit, 2e année

Droit des activités de l’entreprise, Mention – Droit européen et international des contrats

Le mémoire sur

Sous la direction de Mme. Marie-Claire Rivier Rédigé par M. THARA Rathvisal

Master 2 Année Universitaire 2006 - 2007

Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l'annulation de la sentence

rendue dans son Etat d'origine

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Remerciement

De tout mon cœur, je tiens à remercier ma mère sans la grâce de laquelle je ne retrouverais jamais l’envie et les efforts d’accomplir ce petit travail personnel. Je tiens également à remercier Mme. Marie-Claire Rivier, directrice de mon mémoire, qui m’a fourni des aides et guides précieux de nature à me faire songer aux pistes de réflexion sur mon sujet. Le remerciement vaut finalement à tous mes amis sincères et ceux qui ont lu mon mémoire.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Le Mémoire sur :

Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans son Etat d’origine

Sommaire

Partie I

Le régime : la non intégration de la sentence arbitrale internationale dans un ordre juridique

Chapitre 1 : Les thèses de la non intégration de la sentence dans un ordre juridique Chapitre 2 : Les fondements de la non intégration de la sentence dans un ordre juridique

Partie II

La conséquence : la reconnaissance en France de la sentence annulée dans son Etat du siège

Chapitre 1 : L’affirmation de la règle jurisprudentielle française Chapitre 2 : Les appréciations de la solution française

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Introduction Toute étude approfondie sur une notion ou une entité juridique dans l’ordre juridique

international présente bien des importances irréductibles à nos connaissances. Cet ordre

juridique international est au demeurant marqué par son caractère incomplet et imparfait, si on le

compare à l’ordre juridique interne. En effet, la plénitude de l’ordre interne est apparente aussi

bien au niveau de l’édiction, de l’exécution, que du contrôle de l’exécution des normes

juridiques. Celui-ci est donc non seulement complet mais également parfait dans la mesure où

toute idée de lacune de droit est exclue. Rien de tel n’existe dans l’ordre international. Prenons

l’exemple, au niveau du contrôle de l’exécution des normes. L’infirmité de l’ordre international

apparaît très marquée par le fait qu’il n’existe pas de système juridictionnel à compétence

générale et obligatoire. Le recours au juge ou à l’arbitrage international demeure purement

volontaire1.

Ainsi, à ce niveau, une juridiction internationale doit se définir à l’aide de critères

organiques et matériels. D’un point de vue organique, la juridiction est un tiers impartial et

indépendant par rapport aux parties. D’un point de vue matériel, la juridiction est l’instance

compétente pour trancher un litige entre les parties au moyen d’un raisonnement juridique. Au

regard de la portée de ses décisions, une juridiction règle un litige avec force obligatoire. Il

résulte de la combinaison de ces critères qu’une juridiction internationale peut être définie

comme tout organe indépendant chargé de trancher des différends internationaux et dont les

décisions bénéficient de l’autorité de la chose jugée2.

L’arbitrage possède bien une nature juridictionnelle dans la mesure où un organe

judiciaire, choisi par les parties, règle un problème entre les parties, à l’issue d’une procédure

garantissant les droits de la défense et l’égalité des parties. Le développement des relations

commerciales de la France avec d’autres Etats a multiplié, dans les contrats intéressant le

commerce extérieur, les clauses de recours à l’arbitrage. Les parties de nationalité différente

hésitent en effet à soumettre leurs différends à des juridictions étatiques, qui ont parfois

1 Dominique Carreau, Droit international, Pedone, 8e édition, 2004. p. 35 et 36. 2 Philippe Blachèr, Droit des relations internationales, Litec, 2e édition, 2006. p. 125.

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tendance, même involontairement, à favoriser leurs nationaux. On constate par là que la

présence de l’arbitrage international est devenue un mode de résolution de conflit le plus

habituel et le moyen ordinaire et normal de solution des litiges3. La fréquence du recours à

l’arbitrage international réside dans son libéralisme. En effet, l’arbitrage international n’est

rattaché à aucun droit étatique. Cela veut dire qu’il n’existe pas de for pour un arbitre

international.

L’absence d’une juridiction véritablement internationale, la pratique fréquentée de

l’arbitrage international et son libéralisme conduisent à un objectif commun d’encourager le

développement de cette institution particulière. Pour ce faire, il faut avant tout assurer

l’efficacité de sa sentence internationale. Et c’est là où réside un problème spécifiquement

intéressant. D’une part, le droit international ignore les sanctions organisées du droit interne.

Cependant, n’oublions pas qu’il n’existe aucune force armée « internationale » qui soit au

service de ce droit pour en assurer le respect4. Cette lacune au sein de l’ordre international laisse

alors une grande liberté de marge de manœuvre aux Etats d’organiser les règles et les conditions

nationales d’appréciation et d’application de la sentence rendue. D’autre part, en conséquence,

une sentence arbitrale internationale, qui, au premier regard, devrait être considérée comme un

acte juridictionnel international, peut même être annulée par les autorités judiciaires d’un Etat

donné qui est normalement l’Etat du siège. Les obstacles à l’efficacité paraissent de cette

manière très évidents.

A ce propos, on remarque que le droit interne français adopte une position beaucoup plus

favorable à l’efficacité des sentences arbitrales que celle reconnue en droit conventionnel5. A

l’évidence, le droit français ne fait pas de l’annulation de la sentence dans son pays d’origine

comme une cause de refus de la reconnaissance et de l’exequatur en France. Ce particularisme

du droit français permet désormais de reconnaître une sentence frappée de l’annulation dans un

autre Etat. La problématique résulte de la relation entre l’annulation de la sentence et son

exequatur ultérieur dans un autre Etat.

3 Pierre LALIVE, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. p. 340. 4 Dominique Carreau, Droit international, précité. p. 36. 5 André HUET, « Les procédures de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers et des sentences arbitrales, en droit international privé français », J.D.I. 1, 1988. p. 6.

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Cette perspective nous commande de poser une problématique juridique qui intéresse et

anime directement le sujet. Quels sont les fondements et les conditions permettant au juge

français de justifier un tel système de reconnaissance d’une sentence annulée ? Sachant que la

règle française de la reconnaissance se trouve actuellement très critiquée par une grande partie

de la doctrine, il convient de rappeler quelques circonstances de l’évolution de cette règle.

Le débat entre toutes les parties de la doctrine et la jurisprudence remonte principalement

à l’époque où a été rendue l’affaire Hilmarton6. Il est à noter que l’on n’a pas encore mis un

terme à ce fil historique7. Cette affaire tient au cœur des controverses doctrinales

contemporaines. C’était la première fois que le juge français, et peut-être le juge français tout

seul, avait l’occasion d’affirmer une position très ferme selon laquelle « une sentence

internationale (rendue en Suisse) n’est pas intégrée dans l’ordre juridique interne de (cet) Etat8

».

Ce qui caractérise son importance est que le juge français a réaffirmé et confirmé

toujours cette position dans les arrêts ultérieurs, malgré toutes puissantes critiques qui sont

venues à son encontre. C’est le cas des affaires Chromalloy, et Bechtel qui vont être analysées

ci-dessous. La formule « non intégration de la sentence internationale dans l’ordre interne »

utilisée par les juges de la Cour de cassation a ouvert le point de départ des débats sérieux sur la

nature juridique de l’arbitrage et de sa sentence. Une question subséquente, très controversée en

doctrine, paraît au préalable très utile à notre propos : Quelle est la nature juridique de

l’arbitrage ? C’est la nature contractuelle ou, au contraire, c’est la nature juridictionnelle qui

prévaut ? La réponse à cette question intéressera directement à la détermination du régime

juridique de la sentence internationale.

Pour certains qui prétendent que la mission juridictionnelle de l’arbitrage doit l’emporter,

la sentence serait un acte juridictionnel soumis aux conditions étatiques de régularité et de

validité. Son annulation par cet Etat permettrait de justifier son inexistence légale et de faire

6 La présentation en détail de cette affaire se fera sous la Partie 2, chapitre 1 de notre développement. 7 Comme par exemple, un auteur de renom se demande de la solution pour en finir avec cette affaire, Jean-François POUDRET, « Quelle solution pour en finir avec l’affaire HILMARTON ? Réponse à Philippe FOUCHARD », Rev. Arb. 1998. No1. 8 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON ; J.D.I. 3, 1994. p.701, note Emmanuel GAILLARD.

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obstacle à tous exequatur et reconnaissance dans d’autres Etats. Pour d’autres, qui insistent sur

la source privée de l’arbitrage, la sentence serait un acte privé dont le sort incertain varie selon

qu’il fasse l’objet d’une procédure de recours ou de reconnaissance dans quel Etat. En France,

c’est le seul ordre public international qui se considère comme dernier instrument juridique

limitant l’effet incontrôlable de la sentence internationale. Le droit jurisprudentiel aujourd'hui

adopte ce point de vue. L’accueil en France des sentences internationales annulées est désormais

très favorisé, mais aussi très critiqué.

Sur un autre terrain, l’effet international d’une sentence annulée entraîne une

conséquence plutôt perverse que souhaitée. Si le régime du double contrôle – l’un par le juge du

siège sur la validité et l’autre par le juge requis sur la reconnaissance – se maintient en faveur de

la circulation des sentences internationales, le danger apparaît alors très évident : on aboutira à la

divergence des solutions sur le sort d’une seule sentence. On est dans ce cas en présence du

conflit entre deux ordres juridiques internes, de l’Etat du for et de l’Etat de la reconnaissance.

En présence de ces difficultés, il nécessitera inévitablement de chercher les éléments de

solution qui résident non seulement dans la détermination du régime de la sentence arbitrale

internationale, mais encore dans la détermination de la règle française applicable en matière de

la reconnaissance.

L’étude descriptive sur cette notion nous paraît inutile. Nous procéderons par contre à

une synthèse des points importants pour l’expliquer. Ce travail de synthèse est de prime abord

une entreprise difficile à réaliser, comprenant plus ou moins des lacunes inéluctables. Dans le

but d’éviter les erreurs qui peuvent se produire en phase du développement, on se contentera de

définir quelques termes essentiels.

1. La sentence arbitrale :

La difficulté de définir la sentence est d'autant plus grande que la plupart des textes

applicables à l'arbitrage international se sont abstenus de la définir. Tel est le cas par exemple

des lois récentes sur l'arbitrage international, dont celle du droit français. Les auteurs de la loi-

type CNUDCI ont renoncé purement et simplement à toute définition.

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Selon le guide du langage juridique9, elle désigne le nom de la décision rendue par un

arbitre ou tribunal arbitral. C’est la sentence arbitrale. C’est aussi le nom parfois donné à un

jugement du tribunal d’instance ou du conseil de prud’hommes. C’est la sentence

prud’hommale. Notre sujet porte uniquement sur la sentence arbitrale dans le premier sens.

Finalement, la Cour d'appel de Paris, par un arrêt Sardisud du 25 mars 1994, a réussi de

définir les sentences comme "les actes des arbitres qui tranchent de manière

définitive, en tout ou en partie, le litige qui leur a été soumis, qui ce soit sur le fond, sur la

compétence ou sur un moyen de procédure qui les conduit à mettre fin à l'instance10". Notre

sujet porte sur la sentence internationale. L’important de la distinction entre la sentence interne

et internationale résulte de ce que ces sentences sont soumises à un même régime, concernant

leur reconnaissance et leur exécution, mais aux conditions différentes concernant leur

annulation.

2. Le contrôle étatique de la sentence :

La raison pour laquelle ce contrôle s'effectue relève de l'origine de l'arbitrage. L'arbitrage

est un mode juridictionnel privé de règlement du litige, alternatif à celui d'Etat, opposant deux

ou plusieurs parties et mettant en cause des intérêts du commerce international. Comme c'est un

mode privé de règlement du litige, l'Etat ne manque pas l'occasion de s'immiscer afin de vérifier

si la sentence arbitrale est conforme à l'ordre public. Et puisque la sentence arbitrale relève de

deux ou plusieurs ordres publics à la foi (celui de l'Etat d'origine et celui de l'Etat d'accueil), le

conflit du contrôle étatique est inévitable.

3. La reconnaissance et l’exequatur de la sentence :

La reconnaissance désigne spécialement en matière de jugements étrangers, l’admission

à la suite ou non d'une procédure particulière, des effets de jugements autres que ceux qui

entraînent des mesures d'exécution11. Elle est l’admission par l’ordre juridique français de

l’existence de la sentence tandis que l’exequatur résulte de la demande portée devant les

tribunaux de conférer le caractère exécutoire de la sentence. Pour l’exequatur, il s'agit de 9 Sébastien Bissardon, Guide du langage juridique ; les pièces à éviter, Juris Classeur, Litec, 2002. p. 50. 10 C.A Paris, 25 mars 1994, Rev. arb., 1994, p.391, note Ch. Jarrosson. 11 Gérard Cornu "Vocabulaire juridique", Quadrige, 2002, Paris, p. 736.

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l’ordonnance par lequel le tribunal de grande instance donne force exécutoire à un jugement

étranger ou une sentence (française ou internationale). Autrement dit, la justice française

autorise par cet acte l’exécution de cette sentence sur le territoire national, au besoin de la

force12.

De toute façon, la question de la reconnaissance et de l’exequatur d’une sentence

annulée induit et contribue à enrichir la curiosité des juristes tant nationaux qu’internationaux.

Toutes les décisions rendues par la Cour de cassation qui intéressent directement ou

indirectement la matière n’ont pas pu s’échapper aux commentaires des grands auteurs. La

jurisprudence ne peut pas non plus ignorer la doctrine qui est sa source d’inspiration.

Dans la recherche d’une explication appropriée à la règle jurisprudentielle française

quant à l’effet international d’une sentence, notre travail doit au préalable s’orienter vers la

détermination du régime juridique de la sentence. Nous pourrons par là retirer une conclusion

sur la nature juridique de la sentence internationale. Nous terminerons notre présent travail par

présenter et puis expliquer sur le contenu et les appréciations de cette règle française.

Plan : Nous nous inviterons ainsi, à examiner l’un après l’autre, le régime de la sentence

arbitrale internationale en général, et puis la reconnaissance en France de la sentence annulée

dans son Etat d’origine.

Partie 1 : Le régime : la non intégration de la sentence arbitrale internationale dans un

ordre juridique.

Partie 2 : La conséquence : la reconnaissance en France de la sentence annulée dans

l’Etat du siège.

12 Articles 504, 1477 et 1504 du NCPC, et voir également Sébastien Bissardon, Guide du langage juridique ; les pièces à éviter, Juris Classeur, Litec, 2002. p. 168.

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Partie I

Le régime : la non intégration de la sentence arbitrale internationale dans un ordre juridique

Tourner autour de l’arbitrage, la question la plus indispensable recueillant

d’innombrables perspectives et avis doctrinaux est celle de sa nature juridique13. La source de la

complexité tient toujours à ce que d’un côté, l’investiture de l’arbitre est d’origine contractuelle

(par le contrat d’arbitre qui lie l’arbitre avec les litigants qui concluent une convention

d’arbitrage), et de l’autre, sa mission est juridictionnelle dans la mesure où il tranche le litige.

Notre objectif étant peu ou prou particulier porte sur le régime de la sentence qui est

l’acte rendu par l’arbitre tranchant le litige. Il ne s'agit pourtant pas d’une question

complètement à part. L’importance de la définition de la sentence réside dans le fait que d’elle

dépend de la possibilité de former immédiatement une demande d’exequatur, une demande

d’exécution forcée ou même un recours en annulation14. Quoique le travail s’inscrive

principalement dans le terrain de la sentence internationale annulée, nous aurions évidemment

intérêt de nous référer à la théorie générale de l’arbitrage à laquelle on ne peut s’échapper afin

de déterminer ce régime juridique de la sentence arbitrale.

De cette manière, pour être encore plus intéressante, la question est formulée comme

suit : dans quel ordre juridique se situe la sentence ? En effet, la doctrine enseigne classiquement

qu’en droit international privé, il convient de déterminer à quelles conditions est subordonnée 13 Il est impossible de citer toutes les références sur le thème de la nature juridique de l’arbitrage ; on essaye alors de sélectionner uniquement celles qui sont les plus utiles à notre propos : Jacqueline RUBELLIN-DEVICHI, L’arbitrage : nature juridique, droit interne et droit international privé, LGDJ, 1965 ; Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996 ; Henri-Jacques Nougein, Yves Reinhard, Pascal Ancel, Marie-Claire Rivier, André Boyer, Philippe Genin, Guide pratique de l’arbitrage et de la médiation commerciale, Litec, 2004 ; Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, LGDJ, 1984, principalement p. 199 et s. ; Thomas CLAY, L’arbitre, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Dalloz, 2001. 14 Thomas CLAY, « Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges : panorama 2005 », Rec. Dalloz Sirey, 15/12/2005.

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l’efficacité d’une décision étrangère (tel est l’objectif de la méthode des conflits de juridictions),

c'est-à-dire une norme juridique concrète et catégorique et non permanente. Pourrait-on chercher

les fondements pour affirmer comme le font certains auteurs que la qualité des normes réside

essentiellement dans le produit de l’activité d’un organe public15 ? Faut-il par conséquence

insérer la sentence arbitrale dans un ordre juridique pour lui accorder l’efficacité en tant que

norme juridique ?

Bien évidemment, la réponse à ces questions peut être positive ou négative ; selon

certains, la sentence doit s’intégrer à un ordre juridique étatique ou transnational et que certains

d’autres n’hésitent pas à rejeter ces thèses de l’intégration. Cette question a fait l’objet d’une

série d’importants articles et thèses qui pèsent le pour et le contre de chaque école de pensée16. Il

ne reste pas moins que le droit positif français a consacré la seconde doctrine qui est celle de la

non intégration de la sentence dans un ordre juridique. C’est en ce sens qu’à nos yeux les thèses

de la non intégration de la sentence dans un ordre juridique ont été retenues.

Suivant cette ligne directrice, nous étudierons dans un premier temps les thèses de la non

intégration de la sentence dans un ordre juridique (Chapitre 1). Il nous faut en tirer la valeur

explicative ou l’intérêt de cette question dont la notion clé est celle de la normativité d’un acte

juridique, et puis examiner l’état du droit positif en ce qui concerne cette normativité. Nous

fournirons dans un second temps les raisonnements explicatifs qui constituent les motifs du

bien-fondé ou les fondements de ces thèses (Chapitre 2). En effet, la sentence n’est intégrée ni

dans l’ordre juridique de l’Etat du siège ni dans l’ordre juridique anational de la lex mercatoria.

Les développements en détail sur ces notions seront présentés successivement dans les deux

chapitres qui suivent.

15 Voir par exemple H. Muir Watt, « Effets en France des décisions étrangères », Juriscl. dr. int. fasc. 584-2 no3 et s. 16 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, Economica, 2004 ; et voir également de nombreuses références aux autres auteurs qui y sont citées.

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Chapitre 1 Les thèses de la non intégration de la sentence dans

un ordre juridique

Avant tout, ces thèses s’inscrivent dans le contexte de l’ordre juridique de l’arbitre, à la

différence de l’ordre juridique du juge étatique qui est normalement le for étatique. Sur ce point,

on se met d’accord avec Thomas Clay qui affirme dans son ouvrage très célèbre que s’il est

certain que le juge tient son investiture de son statut, l’arbitre tient, lui, son statut de son

investiture17. En ce sens, l’étude de la notion de la nature de l’arbitrage se traduit généralement

par la comparaison entre l’arbitre et le juge puisqu’il faut rappeler que dans la conception du

législateur napoléonien, les arbitres sont des juges qui doivent être choisis d’un commun accord

entre les parties dans un acte appelé « compromis », lequel doit préciser les objets du litige18.

Le contexte de l’ordre juridique de l’arbitrage, et plus spécifiquement de la sentence

arbitrale sera présenté en détail dans le chapitre 2 dont le développement repose principalement

sur les fondements des thèses de la non intégration. Afin d’éviter les répétitions inattendues,

nous nous bornerons à présenter uniquement dans ce premier chapitre l’appréhension ou la

compréhension en général des thèses de la non intégration.

Ainsi, si l’on tient à appréhender les thèses de la non intégration le postulat doit être

étudié à double niveau. Il conviendra de montrer dans quel aspect et jusqu'à quel point cette

question présente l’intérêt concernant notre problème de l’annulation de la sentence

internationale (Section 1). Il nécessitera de plus d’examiner les attitudes qu’apporte le droit

positif en la matière (Section 2).

17 Thomas CLAY, L’arbitre, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Dalloz, 2001. p. 195 18 Jean Viatte, « Arbitrage interne, arbitrage étranger et arbitrage international », Recueil général des lois et de la jurisprudence et répertoire Commaille, 1973. p. 325

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Section 1. L’intérêt de la question de la non intégration

Selon le professeur Charles JARROSSON, un grand spécialiste en matière de l’arbitrage,

le contenu de la notion d’intégration dans un ordre juridique reste flou ; l’intégration peut

s’étendre à divers degré et chaque Etat est susceptible de varier dans la conception qu’il s’en

fait19. Il faut donc rappeler que notre ultime objectif est de résoudre le problème de l’annulation

de la sentence dans son Etat d’origine. Par contre, la thèse de la non intégration contient un

intérêt pleinement vague, et partant, exige des études très approfondies, ce qui nous paraît donc

inutile d’en donner les explications dans son ensemble.

Dans une note faite sous l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 29 septembre 200520,

le professeur MUIR WATT a donné quelques indices dans la recherche de l’intérêt que

représente la question de l’intégration de la sentence dans le contexte de son annulation. Il s'agit

pour elle de « l’ambiguïté du statut juridique de la sentence internationale », l’ambiguïté qui n’a

toujours pas été éclaircie par le raisonnement utilisé par les arrêts abondamment commentés21.

De surcroît, les conséquences ne seront pas les mêmes selon que la sentence est un acte privé

entre les parties (il faut entendre par parties les litigants et les arbitres qui ont conclu le contrat

d’arbitre) ou qu’elle est au contraire un acte assimilé à une décision normative d’origine étatique

comme la décision juridictionnelle.

Pour cette raison, ce serait important et nécessaire d’étudier l’un après l’autre les trois

paragraphes qui ont pour but d’opposer le caractère privé au caractère normatif d’origine

étatique de la sentence (§ 1), d’approfondir classiquement la notion de la normativité en droit

international privé (§ 2) et d’en tirer la nature spécifique de la sentence arbitrale (§ 3).

19 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON. 20 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. Arb. 2006. No3. p.695, note H. MUIR WATT. 21 C.A Paris, 14 janvier 1997 : Chromalloy, Rev. Arb. 1997. No3. p.395, note P. FOUCHARD ; C.A Versailles, 29 juin 1995 : Hilmarton, Rev. Arb. 1995. No4. p.639, note C. JARROSSON ; Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON ; Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, J.D.I. 3, 1994. p.701, Emmanuel GAILLARD.; Cass. 1re Civ., 10 juin 1997, Hilmarton, Rev. Arb. 1997. No3. p.376, note P. FOUCHARD ; Cass. 1re Civ., 10 mars 1993 et C.A Douai, 18 avril 1991 : Société Polish Ocean Line, J.D.I. 2, 1993. p. 360, note P. KAHN ; Cass. 1re Civ., 10 mars 1993: Société Polish Ocean Line, Rev. Arb. 1993. No2. p.255, note D. HASCHER.

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§ 1. L’opposition entre caractère privé et normatif juridictionnel de la sentence

Il est traditionnellement admis que l’arbitrage ait une nature hybride. La recherche de sa

nature se pose-t-elle comme une nécessité fondamentale, car elle commande le régime à adopter.

Parfois, son ambiguïté vient de ce que les juristes de différentes disciplines ne se mettent pas

d’accord sur sa définition ; pour certains auteurs, « l’arbitrage est le jugement d’une contestation

par de simples particuliers que les parties prennent comme juges22 » ; pour certains d’autres « on

entend par arbitrage l’institution d’une justice privée grâce à laquelle des litiges sont soustraits à

la justice de droit commun, pour être résolus par des individus revêtus de cette mission pour la

circonstance23 » ; ou encore « on appelle arbitrage la faculté pour les parties de soustraire le

différend qui les divise au jugement des tribunaux donnés par la loi pour le soumettre à une

personnalité de leur choix24 ».

On n’essaye pas de redéfinir l’arbitrage. Il suffit dans notre perspective de faire sortir les

arguments qui servent à justifier et à fonder les deux doctrines : l’une est celle de la nature

juridictionnelle et l’autre contractuelle de l’arbitrage (le développement sur cette double nature

de l’arbitrage sera fait sous le § 3). En effet, on cherche uniquement de tirer les conséquences

qui en découlent sur le régime de la sentence dans le cas de son annulation.

Dans la première hypothèse où on admet que la sentence revêt la nature privée

(contractuelle), celle-ci devrait logiquement en subir le régime. Cela veut simplement dire que la

sentence, malgré son annulation dans l’Etat du siège de l’arbitrage est reconnue dans un autre

Etat où l’exequatur est demandé. Les raisons sont de deux ordres25. Le premier tient au caractère

fortuit de la sentence du lieu du siège de l’arbitrage. Ce caractère délocalisé de l’acte privé est la

conséquence du fait qu’il n’est pas prononcé au nom de l’ordre juridique territorial même s’il est

conclu dans son ressort ou s’y est autrement matérialisé26. Par conséquence, il n’existera pas de

différence quant à la position prise par ledit Etat d’origine alors qu’il n’aura pas de vocation 22 Glasson, Tissier, Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire, de compétence et de procédure civile, T. V, n° 1801. 23 Robert, Traité de l’arbitrage civil et commercial, p. 1. 24 Garçonnet et Cézar-Bru, Traité théorique et pratique de procédure civile et commerciale, T. VIII, n° 220 25 C.A Paris, 29 septembre 2005, précité, p. 703. 26 Françoise MONEGER, Droit international privé, Litec, Objectif droit, 2e édition, 2003. p. 208 ; cet auteur affirme que pour être susceptible de reconnaissance et d’exécution « la décision doit avoir été rendue au nom d’un Etat étranger. Il faut donc mettre à part les sentences arbitrales qui, par hypothèse, ne sont pas rendues au nom d’un Etat étranger et qui ont un régime particulier en ce qui concerne leur reconnaissance et leur exécution (NCPC, art. 1498 à 1507) ».

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

crédible à se prononcer sur le sort de la sentence internationale. Le deuxième tient plus

fondamentalement au régime du conflit de lois. Cela s’explique par le fait qu’un contrat valable

selon la loi applicable n’est pas nul du seul fait que l’Etat du lieu de conclusion le tient pour

tel27. Ainsi, la méthode du conflit de lois devrait être utilisée à l’épreuve de la sentence, en tant

qu’acte privé dont l’analyse identique en matière du contrat s’y applique. Il en découle que la

sentence devrait être soumise à sa loi propre de validité, échappant par là à l’emprise des ordres

juridique tiers, y compris celui de l’Etat dans le ressort duquel elle est prononcée, comme le cas

d’un contrat.

Par contre, cette solution n’est pas unanimement adoptée parce qu’une partie de la

doctrine qualifie la sentence de « norme » juridique28. Dans la deuxième hypothèse, si la

sentence est une norme juridictionnelle intégrée dans l’ordre juridique de l’Etat du siège, il est

tout à fait logique que soit reconnue à ce dernier la compétence pour en prononcer l’annulation

et, ainsi, la priver d’existence. Cela s’explique par le fait que si une décision juridictionnelle

étatique a été annulée, elle devra être considérée comme inexistante et pour cette raison on ne

saurait demander son exequatur dans un autre Etat quelconque. Cette analyse était propre à un

jugement ou un arrêt dans le cadre des méthodes du conflit de juridictions.

Pour la sentence internationale, l’explication devrait se trouver dans la tendance de

favoriser la circulation des sentences internationales pour des raisons d’opportunité29. Son

régime est ainsi assimilé à un acte normatif juridictionnel d’origine étatique (un jugement),

puisque seuls ceux-ci ont besoin d’une procédure d’exequatur pour être rendus exécutoires et

que les actes purement privés n’y sont pas soumis. Si une sentence a besoin de l’exequatur

comme un jugement étranger, il est besoin de la soumettre également au régime de l’acte

normatif d’origine étatique, ce qui amène à autoriser la crédibilité de la vocation de l’Etat du

siège. Il en résulterait que dans l’hypothèse où une sentence est annulée dans son Etat d’origine,

son annulation la prive d’existence, et sa reconnaissance ne pourrait être accordée dans un autre

Etat.

27 Cette position est celle de l’arrêt American Trading Company du 5 décembre 1910, Rev. dr. int., 1911.395 ; JDI, 1912.1156. 28 Voir par exemple Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, précité. p.204 qui n’hésite pas à qualifier la sentence internationale de norme, « une véritable norme, expression de la volonté normative du juge international ». 29 C.A Paris, 29 septembre 2005, précité, p. 705.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Dans l’opération qui consiste en l’opposition entre ces deux caractères de la sentence,

force est de constater que le point clé qui peut mieux l’éclairer réside dans la notion de la

normativité d’un acte. Un acte, comme un contrat (le contrat d’arbitre, par exemple) est un acte

normatif privé ; et un acte juridictionnel crée aussi une norme au sens de l’acte normatif

d’origine étatique. Il nous commande donc de s’y arrêter pour savoir si la normativité résout ou

non la question.

§ 2. La normativité classique en droit international privé

En théorie du droit, la notion de la normativité a été à plusieurs reprises constatée.

Lorsqu’on est en face à ce problème, on se réfère principalement à l’auteur de grande renommé,

M. Hans Kelsen, qui a fait apparaître la « Reine Rechtslehre » dont le contenu est en langue

allemande, souvent repris par les juristes français en langue française sous le titre de « Théorie

pure du droit30 ». On n’essayera pas de plonger profondément l’ensemble de notre étude dans

cette théorie pure du droit, car pour nous il serait recommandé juste d’appréhender la notion de

la normativité dans le cadre du droit international privé. Cela commande au préalable de recourir

au concept de la normativité (A) d’un acte en général avant de tourner notre réflexion sur la

source de cette normativité (B). C’est parce qu’une partie de la doctrine refuse de considérer

qu’une sentence puisse constituer une norme qui s’inscrit dans l’ordonnancement juridique.

A. Le nécessaire recours au concept de la normativité

La sentence se voit dotée du régime de l’acte de type juridictionnel, ce qui la rapproche

considérablement du jugement étatique31. Pour cette raison, le corps du développement qui suit

sera présenté sous forme de comparaison avec des jugements étrangers.

Traditionnellement, les effets stricto sensu du jugement ont été occultés par l’autorité de

la chose jugée qui permet aux parties de « se prévaloir du jugement et des avantages qui en

découlent ». En ce qui concerne la sentence internationale, on dirait probablement que cette

30 Hans Kelsen, Théorie pure du droit, traduit en langue française par Charles Eisenmann, Bruylant et LGDJ 1999. 31 Henri-Jacques Nougein, Yves Reinhard, Pascal Ancel, Marie-Claire Rivier, André Boyer, Philippe Genin, Guide pratique… précité, n° 116.

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autorité positive de chose jugée serait rattachée « à la force obligatoire de la sentence »32. Alors,

quels sont les raisonnements adéquats permettant d’interpréter cette autorité de la chose jugée en

matière de la sentence internationale, sous l’angle des jugements étrangers ?

Normalement, le jugement aurait un effet constitutif ou un effet déclaratif. Lorsqu’il est

constitutif, il est créateur d’une situation juridique nouvelle tandis que celui déclaratif ne fait que

reconnaître un droit préexistant et ne crée aucune situation juridique nouvelle. En conséquence,

ce dernier ne contient que l’autorité relative de chose jugée33. Quoiqu’il en soit, cette autorité de

la chose jugée n’a pas pour objet l’effet de jugement. La question des effets du jugement porte

sur son caractère obligatoire et opposable. Cet aspect est plus discutable en matière de la

sentence.

Une sentence (internationale) rendue aura quelques effets de plein droit qui ne sont pas

intégralement identiques à ceux du jugement34 : Il s'agit du dessaisissement des arbitres35, de

l’autorité de la chose jugée36, de la force probante37 et, à préciser, de l’absence de la force

exécutoire38. Cela veut nécessairement dire que l’autorité de la chose jugée - ou statuée – n’est

pas l’équivalent de la force exécutoire car la sentence est rendue par un arbitre qui doit être

assimilé seulement à un juge « privé ». Par voie de conséquence, un jugement a pour effet un

caractère juridiquement obligatoire et opposable, tandis que la caractéristique de la sentence

n’est pas la force exécutoire de plein droit. Pourtant, il ne faut pas conclure à ce que cette

infirmité soit vue comme une infériorité de la justice arbitrale par rapport à la justice étatique car

32 Hélène Péroz, La réception des jugements étrangers dans l’ordre juridique français, LGDJ, 2005. p. 33. 33 Hélène Péroz, La réception des jugements … précité, p. 34. 34 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l’arbitrage … précité, p. 788 et s. ; Henri-Jacques Nougein, Yves Reinhard, Pascal Ancel, Marie-Claire Rivier, André Boyer, Philippe Genin, Guide pratique… précité, n° 117 et s. 35 L’article 1500 NCPC renvoie à l’article 1475 qui dispose que « la sentence dessaisit l’arbitre de la contestation qu’elle tranche. » ; André HUET, « Les procédures de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers et des sentences arbitrales, en droit international privé français », J.D.I. 1, 1988. p. 21. 36 Il résulte de l’article 1476 auquel renvoie l’article 1500 NCPC que « la sentence arbitrale a, dès qu’elle est rendue, l’autorité de la chose jugée ». 37 Cette force probante est discutable ; une jurisprudence constante reconnaît à la sentence un caractère authentique : Cass. 2e civ. 12 déc. 1990, Rev. arb. 1991, p. 317, note Théy 38 Henri-Jacques Nougein, Yves Reinhard, Pascal Ancel, Marie-Claire Rivier, André Boyer, Philippe Genin, Guide pratique… précité, n° 124.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

l’octroi de la force exécutoire de la sentence peut être obtenu par le recours à une procédure

simple et rapide (normalement par la procédure de la reconnaissance et de l’exequatur39).

Bien que les deux types d’acte – jugement et sentence – se divergent quant aux

conditions à remplir, on arrivera au même résultat : c’est qu’il possède de l’autorité de la chose

jugée et de la force exécutoire. La raison en est qu’ils sont rapprochés par le régime de la

normativité de l’acte.

B. La source de la normativité d’un acte

La valeur d’une décision est la normativité, dont la source suscite encore plusieurs

difficultés. En effet, selon la hiérarchie des normes40 décrite par Hans Kelsen la normativité

appartient non seulement aux règles de droit mais également aux décisions qui s’inscrivent dans

l’ordonnancement juridique41. Une partie de la doctrine explique que les deux caractéristiques

de la normativité sont la généralité et l’impérativité, la décision devant ainsi avoir une portée

générale et obligatoire42. Ce qui fait défaut est la généralité de l’acte : une sentence n’étant

qu’une décision privée rendue au nom des parties, elle n’aurait que l’effet relatif individuel, et

partant, elle ne saurait être qualifiée de norme. Cette opinion, loin d’être convaincante, ne peut

donc être retenue. En effet, une norme peut être générale comme individuelle. Pour cette raison,

il n’est pas logique de conclure que seules les règles de droit constituent des normes, les

décisions peuvent également l’être bien qu’ils ne possède pas de généralité.

Il nous paraît que la question ne soit pas très complexe en ce qui concerne des jugements.

Il existe également des décisions juridictionnelles comme des jugements qui n’ont pas d’effet

général et que leur caractère normatif est quand même défendu par la doctrine, car toute décision

de justice est créatrice d’un droit nouveau et, en tant que telle, modifie l’ordonnancement

juridique43. Pour la sentence, il en va de même puisque celle-ci constitue également une

39 André HUET, « Les procédures de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers et des sentences arbitrales, en droit international privé français », J.D.I. 1, 1988. p. 5 ; Tony MOUSSA, « L’exequatur des sentences arbitrales internationales », Gaz. Pal. 1er semestre. 1992. p.275. 40 « Le mot “norme” exprime l’idée que quelque chose doit être ou se produire. » in Hans Kelsen, Théorie pure du droit, précité. p. 13. 41 Hans Kelsen, Théorie pure du droit, précité. p. 224. et s. et p. 237. 42 Hélène Péroz, La réception des jugements … précité, p. 35 ; S. BÉLAID, Essai sur le pouvoir créateur et normatif du juge, Bibliothèque de philosophie du droit, vol. 17, LGDJ, Paris 1974, p. 297. 43 Hélène Péroz, La réception des jugements … précité, p. 36.

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décision. Ainsi, dès que la généralité ne justifie pas la source de la normativité d’un acte, il nous

convient d’envisager un autre aspect pour la déterminer.

Tout ordre juridique est composé, selon la théorie kelsénienne, d’une hiérarchie de

normes et la validité d’une norme ne peut avoir d’autre fondement que la validité d’une autre

norme. Cet ensemble de normes forme un ordre normatif hiérarchisé. Cette doctrine nous

explique que pour être considéré comme une norme, l’acte en question doit être élaboré

conformément à une autre norme, qui l’habilite. Il faut donc une norme supérieure, une norme

habilitante44. Sur le terrain de la norme habilitante, c’est à celle-ci qu’il appartient de conférer la

normativité à des règles ou des décisions45. Cela se traduit, en d’autres termes, par l’intégration

dans l’ordonnancement juridique de l’effet substantiel des actes. Ainsi, si une décision (une

décision administrative ou judiciaire) peut modifier l’ordonnancement juridique, c’est qu’elle

s’inscrit dans la hiérarchie des normes et qu’elle est par là une norme elle-même.

A propos de la sentence qui est un acte spécifique, pourrait-on la qualifie de norme ? Et

qu’est-ce qui constitue sa norme habilitante ou norme supérieure à laquelle soumise ses

conditions de validité ?

§ 3. La spécificité de la sentence arbitrale

La spécificité de la sentence trouve sa source dans sa nature juridique : contractuelle par

son origine, juridictionnelle par sa mission. On arrive ici à affirmer que rechercher les

fondements pour répondre au questionnement posé ci-dessus selon lequel la sentence est ou non

une norme ne présente plus de grande utilité. En effet, la réponse sera la même. Que la sentence

soit un acte contractuel ou un acte juridictionnel, elle contient toujours les caractéristiques d’une

norme46, parce qu’elle crée des droits et obligations comme on l’a précédemment expliqué, sauf

que la recherche de la norme habilitante de la sentence est une entreprise difficile, puisqu’on

verra que la sentence n’est intégrée dans aucun ordre juridique ni étatique ni transnational, ce

44 Hans Kelsen, Théorie pure du droit, précité. p. 193 et s. ; p. 224 et s. 45 Hélène Péroz, La réception des jugements … précité, p. 38. 46 Sur la question de la normativité d’un acte infra législatif ou particulièrement un contrat, voir Hans Kelsen, Théorie pure du droit, précité. p. 256. et s.

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qui ne lui permet pas de s’inscrire dans la hiérarchie classique des normes ou dans un ordre

juridique préexistant.

De cette manière, déterminer son ordre juridique devient encore une fois l’objectif

impératif pour notre étude. Avant de ce faire, il convient auparavant de donner quelques

explications sur le caractère contractuel - juridictionnel de l’arbitrage qui constitue notre

préoccupation centrale depuis le début. Quelle sera la nature juridique attribuée à la sentence ?

Serait-elle un contrat (une norme privée) ou une décision de justice (une norme

juridictionnelle) ? La réponse dépend de la mission de l’arbitre. S’il était juge, la sentence serait

une décision de justice ou un acte juridictionnel, sinon, elle serait un simple contrat passé

indirectement entre les mandants, c'est-à-dire les parties litigants47.

Pour les partisans de la théorie juridictionnelle, la sentence apparaît comme un acte

juridictionnel pour des raisons d’exigences des règles particulières qui sont les critères formels

procéduraux. Ces critères exigés sont des garanties aux plaideurs, ce qui semble que la sentence

y réponde exactement. Les arbitres sont par conséquent non des mandataires des parties, mais

des juges48.

Les partisans de la théorie contractuelle rejettent l’argumentation ainsi présentée. Pour

eux, bien que le contrat d’arbitre n’ait pas tous les points communs avec le contrat de mandat49,

il ne faut pas non plus conclure que la sentence s'agit d’un acte juridictionnel. Cette

incompatibilité est admise de l’ensemble de la doctrine contemporaine50. Les fonctions d’arbitre

ne sont pas non plus compatibles avec celles d’entrepreneur dans le contrat d’entreprise.

L’arbitre rend la justice et cette activité est trop particulière pour entrer dans le champ du contrat

d’entreprise51 puisque la prestation de justice n’est pas assimilable à n’importe quelle prestation

juridique ou matérielle ; il s'agit en effet d’une prestation juridictionnelle. Un auteur a souligné

47 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 766. 48 Jacqueline RUBELLIN-DEVICHI, L’arbitrage : nature juridique, droit interne et droit international privé, précité, pp. 15 et 17 ; Garçonnet et Cézar-Bru, Traité théorique et pratique de procédure civile et commerciale, T. VIII, p. 529 ; en ce sens, Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, précité. p.204. 49 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 765 ; Voir aussi F. Laurent : Droit civil international. Bruylant-Christophe, Bruxelles et A. Marescq, Paris, 1881, spéc. t. 3 n° 348 : « le mandataire représente le mandant, et on ne peut pas dire que les arbitres représentent les parties. 50 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 776 et de nombreuses autres références qui y sont citées. 51 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 779. L’auteur lui-même s’est référé à E. Robine : Réponse française au questionnaire de la CCI sur le statut de l’arbitre, 6 octobre 1994, non publié, spéc. p. 4.

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que « cette prestation de service à fournir par les arbitres doit être réalisée dans l’intérêt

supérieur de la justice52 ».

En revanche, la question est résolue par la combinaison entre les critères du contrat

d’arbitre, du contrat de mandat avec du contrat d’entreprise. On se met d’accord sur ce point

avec Thomas Clay qui a conclu que le contrat d’arbitre relève en premier lieu de la catégorie

générique des contrats de service53. Et qu’il entre en second lieu dans une catégorie du contrat :

ceux qui participent du règlement d’un litige54. Pour cette raison, on arrive finalement à conclure

que même si le rôle et la mission de l’arbitre sont de rendre justice aux parties, il ne s'agit

cependant pas d’un acte juridictionnel. La sentence est un acte privé contractuel puisqu’elle est

née d’un contrat d’arbitre qui est toujours un contrat, juste qu’il est besoin de lui accorder une

catégorie particulière de contrat – c'est-à-dire qu’il n’est pas un contrat de catégorie préexistante.

Le développement ainsi présenté nous apparaît clair et précis dès lors que la mission de

l’arbitre est de rendre justice aux parties. Cependant, l’incertitude du rôle joué par les arbitres

dans le contexte du droit comparé rend la notion beaucoup plus discutable. Pour cette raison,

seul l’examen de l’état du droit positif puisse permettre d’éclairer la situation qui s’inscrit dans

les thèses de la non intégration.

Section 2. L’examen de l’état du droit positif

Une sentence, lorsqu’elle constitue un acte privé, comme on a conclu précédemment,

pourra quand même être demandée de la reconnaissance et de l’exequatur dans un Etat autre

celui dans le ressort duquel elle a été rendue. Toutefois, l’efficacité internationale des sentences

est un sujet pratiquement discuté. Il s'agit des conditions auxquels une sentence, à l’inclusion de

la sentence annulée, pourra être invoquée et exécutée dans divers Etats55. Or, ces conditions ne

52 R. Percerou, « Quel est le coût de l’arbitrage ? », in « L’arbitrage en questions (chefs d’entreprise, comment organiser le règlement de vos litiges ?) », colloque du Centre de droit d’s affaires de Rennes, 21 mai 1999, Cah, dr. entrep. 1999, n° 3, p. 18. 53 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 784. 54 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 785. 55 Bruno LEURENT, « Réflexions sur l’efficacité internationale des sentences arbitrales », Trav. com. fr. DIP, 1993 – 1995, Pedone, 1996. p. 01.

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sont pas identiques dans de différents Etats puisque la notion de l’arbitrage n’est pas

appréhendée de la même façon d’un Etat à un autre.

La différente intensité de la fonction d’un arbitre dans de divers pays se traduit de toute

façon par la combinaison des pouvoirs de l’arbitre et du principe de l’autonomie des parties ; qui

contrôle l’arbitrage ? Est-ce l’autonomie des parties ? Ou est-ce que ce sont les pouvoirs des

arbitres56 ? Le caractère privé de l’acte peut-il donc résulter de ce que l’arbitrage soit contrôlé

par les parties ?

Par voie de conséquence, il convient de se demander si le caractère privé de la sentence

internationale est généralement reconnu (§1) ; ou est-ce que seul le droit français a adopté cette

position ? Dès que la sentence est, d’après les affirmations en droit français, un acte privé, elle

ne sera pas intégrée dans l’ordre juridique du for (§2).

§ 1. La reconnaissance du caractère privé de la sentence ?

L’arbitrage interne joue un rôle mineur. En revanche, la présence de l’arbitrage

international est devenue un mode de résolution de conflit le plus habituel et le moyen ordinaire

et normal de solution des litiges57 dans le monde du commerce international, ce qui montre que

le rôle joué par l’arbitrage international est beaucoup plus majeur que celui de l’arbitrage

interne. La formulation de la question nous exige ainsi d’entreprendre, d’une dimension

internationale, une étude comparée sur la notion du rôle de l’arbitrage ou de l’arbitre dans divers

systèmes juridiques. On choisira certains systèmes voisins du droit français (A). En effet,

l’entreprise de cette étude sur son rôle constitue une étape essentielle à partir de laquelle on

pourra montrer qu’une sentence rendue, en général, n’aura pas la seule valeur d’acte privé selon

qu’elle soit rendue par quel arbitre de quel pays. L’étude comparative permettra de cette façon

d’éclaircir notre vision du droit français.

56 Sur l’ensemble de la question, voir Gabrielle KAUFMANN-KOHLER, « Qui contrôle l’arbitrage ? Autonomie des parties, pouvoirs des arbitres et principe d’efficacité », in Mélanges offerts à Claude Reymond, Litec, 2004, p. 153. 57 Pierre LALIVE, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. p. 340.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Dans un autre aspect, de la mixité de sa nature découle une ambiguïté quant à l’origine

de ses pouvoirs : la loi d’une part, la volonté des parties d’autre part58. En toute hypothèse, c’est

la convention d’arbitrage qui définit le rôle de l’arbitre. Pour cela il faut accorder une place à

l’autonomie des parties dont l’exactitude est relativement forte en droit français (B) pour

expliquer ce phénomène particulier de l’arbitrage international afin de reconnaître le caractère

privé de la sentence. Cette manière d’agir nous permet au surplus de finir par une petite

précision sur la détermination de la nature de la sentence (C).

A. Le rôle incertain d’un arbitre en droit comparé

Il s'agit d’un point difficile à discuter. La notion n’est pas assez éclairée par les grands

auteurs lorsque l’on se demande des diverses incertitudes liées au rôle de l’arbitre susceptibles

de survenir au cours de la procédure arbitrale. Ici, on a uniquement la possibilité de faire la

différenciation entre l’arbitre - juge et l’expert. En effet, l’arbitre est quelques fois assimilé, soit

au juge, soit à l’expert. Dans cette optique, il sera important de savoir ce que la convention

d’arbitrage prévoit et ce qu’elle peut prévoir. La raison est que c’est en interprétant la

convention d’arbitrage que l’on pourra procéder à la qualification d’un tiers ; on dirait autrement

que la qualification d’arbitre ou d’expert dépend de la volonté des parties formulée dans la

convention d’arbitrage.

On essaiera de délimiter le champ de notre travail en exposant très brièvement la

différenciation entre le rôle d’un arbitre et d’un expert. Il sera possible ensuite d’en tirer les

effets sur le sort de l’acte rendu - une sentence ou un rapport d’expertise. Il faut préciser que le

développement qui suit se consacre exclusivement à l’arbitrage international. Les positions

prises en Allemagne, en Angleterre, en France et en Suisse seront examinées à titre d’exemples,

puisqu’ils prévoient chacun un cadre juridique propre à l’arbitrage59.

En Allemagne, trois critères sont retenus. Le premier critère tient à la distinction question

de droit – question de faits ; l’arbitre résout les questions de droit tandis que l’expert clarifie les

questions de fait. Le deuxième critère porte sur la nature de leurs fonctions ; les fonctions de

l’arbitre sont de trancher un litige né ou à naître à la différence de l’expert qui ne fait que 58 Serge LAZAREFF, « L’arbitre est-il un juge ? », in Mélanges offerts à Claude Reymond, Litec, 2004. p. 173. 59 Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 84.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

compléter le lien juridique entre les parties. Pour le dernier critère, il s'agit de la nature du

contrôle judiciaire souhaité ; si les parties entendent obtenir une décision définitive excluant le

recours aux juridictions ordinaires, le tiers sera un arbitre, en revanche, si elles veulent disposer

de la possibilité de la révision au fonds, le tiers sera un expert60.

En Suisse, les fonctions d’un arbitre et d’un expert sont presque identiques quand bien

même qu’il existe des réglementations suisses relatives à l’arbitrage international qui

s’appliquent exclusivement et uniquement aux procédures arbitrales61. Tous les deux sont

habilités à se prononcer sur les questions de droit et de faits. Le seul critère de distinction repose

donc sur un autre élément ; c’est la force de la chose jugée. La décision prise par l’arbitre est

munie de la force de la chose jugée. Il en résulte que c’est la volonté des parties qui est décisive

et non pas le texte du contrat62.

En Angleterre, les critères distinctifs sont beaucoup. L’arbitre a vocation pour régler les

litiges alors que l’expert est censé les éviter63. De surplus, l’expert peut fonder sa décision sur sa

propre expérience à la différence de l’arbitre qui doit prendre en considération les intérêts

respectifs des parties64. Toutefois, les critères qui semblent déterminants sont la présence d’un

litige juridique et la fonction juridictionnelle du tiers qui est la fonction de l’arbitre non pas de

l’expert65.

En France, le droit français met principalement l’accent sur la fonction juridictionnelle de

l’arbitre. Sans revenir en détail sur la nature hybride de l’arbitrage, trois éléments sont à

constater. Premièrement, la sentence arbitrale doit revêtir un caractère ferme pour les parties et

régler un litige66. Deuxièmement, selon la jurisprudence, dans le cas où le pouvoir d’une tierce

personne se limite à la constatation des faits, sans en tirer des conclusions juridiques, cette

60 Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 85. 61 Chap. 12 de la Loi fédérale sur le droit international privé. 62 Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 89, et des autres références qui y sont citées. 63 MUSTILL/BOYD, The law and practice of commercial arbitration in England, 47. 64 Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 86. 65 Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 86. et les autres références qui y sont citées. 66 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996. déjà cité, n° 14 et s.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

personne ne sera pas considérée comme un arbitre67. Ainsi, seul lorsqu’il s'agit de uniquement

des questions d’apprécier les faits que l’on admettra se trouver en présence d’un expert68.

Troisièmement et finalement, c’est la présence d’un litige qui permet la qualification de

l’arbitrage. Ces trois éléments sont les principaux critères distinctifs69.

On peut finalement conclure à ce que les critères de la distinction sont en ligne : le

comportement du tiers, la présence d’une question de droit, le champ de compétence de

l’arbitre, la nature de la décision prise et le degré de contrôle de la décision par les tribunaux

étatiques70. A ce propos, l’élément caractéristique dans cette opération est, dans l’ensemble des

systèmes juridiques évoqués, la volonté des parties.

Revenons sur notre sujet, il est temps de tirer une conséquence simple mais importante

de ce qui vient d’être exprimé : la fonction de l’arbitre est ainsi principalement la fonction

juridictionnelle et que la décision prise par l’arbitre est une sentence arbitrale (qui n’est pas un

rapport d’expertise). En ce qui concerne les conséquences que peut avoir la fonction

juridictionnelle sur la sentence, on dirait que la position prise en Suisse est en quelque sorte

intéressante. En effet, le fait que les juridictions fédérales exercent (par le recours en annulation)

le contrôle de « validité » internationale, et non seulement de son « efficacité » dans l’ordre

juridique suisse explique que la sentence tire sa source de son autorité, de sa juridicité et de

l’ordre juridique suisse. De cette manière, selon le droit suisse si une sentence est annulée en

suisse, elle est logiquement anéantie et ne peut être exécutée ni en Suisse ni ailleurs71.

Toutefois, le problème de la reconnaissance de la sentence demeure toujours se poser

devant chaque système juridique dans la mesure où il existe des points divergents du rôle de

l’arbitre dans ces systèmes. Pour cette raison, certains législateurs ont pensé pouvoir résoudre les

divergences internationales de l’exécution des sentences annulées72. La loi belge du 27 mars

1985 avait supprimé le recours en annulation pour les arbitrages impliquant des parties n’ayant

67 C.A Paris, 15 décembre 1998 : Consorts Attali v. Lecouirt et autres, Rev. Arb. 2001, 151. 68 C.A Paris, 15 décembre 1998 : Consorts Attali v. Lecouirt et autres, Rev. Arb. 2001, 151. 69 Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 89. 70 Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 90. 71 Francis MEGERLIN, Ordre public transnational et arbitrage international de droit privé, essai critique sur la méthode, 2002. 72 Cass. 1re Civ., 10 mars 1993: Société Polish Ocean Line, Rev. Arb. 1993. No2. p.255, note D. HASCHER.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

aucun lien avec la Belgique73 ; la loi suisse de droit international privé du 10 décembre 1987

autorise les parties non établies en Suisse à renoncer au recours contre la sentence afin d’éviter

un double contrôle avec celui du juge du pays d’exécution. Cela veut dire qu’en Belgique, le

recours en annulation contre une sentence internationale a été rendu impossible entre les parties

n’y ayant pas d’établissement. Dans cette optique, on élimine la question dès le début puisque la

sentence ne pourra jamais être annulée et en conséquence, on ne se demandera plus si une

sentence annulée constituerait une cause de refus d’exequatur en France ! Par contre, en Suisse,

la LDIP a prévu seulement une faculté d’exclusion contractuelle du recours. Il nous paraît que

les parties sont souvent conseillées à ne pas utiliser cette faculté74. La décision est finalement

laissée aux seules parties.

B. Le rôle de l’autonomie des parties

La volonté des parties joue un rôle essentiel en droit français quant à la détermination du

cadre de l’arbitrage. La règle qui prévaut en droit positif français de l’arbitrage est ainsi posée :

L’accord des parties lie l’arbitre75. Par extension, l’autonomie des parties prévaut sur les

pouvoirs de l’arbitre. L’accord de l’autonomie des parties peut être définie, dans notre cas,

comme une convention procédurale qui présuppose un accord de volonté des parties réglant de

manière obligatoire un aspect de la procédure76. Il en résulte qu’il est confié aux parties de

régler un point de procédure de façon à lier l’arbitre.

Il faut préciser que cette règle selon laquelle l’arbitre est lié par la volonté commune des

parties vaut tant pour l’arbitrage interne que pour l’arbitrage international. Dans le contexte de

l’arbitrage international, elle puise sa source à quelques instruments internationaux importants.

Au stade de l’exécution de la sentence, ce sont les dispositions de la lex arbitri qui imposent à

l’arbitre l’obligation de respecter l’accord des parties. Au stade du règlement du différend, c’est

la loi-type de la CNUDCI qui prévoit la suprématie de l’autonomie des parties. Cela signifie que

73 Pourtant, il faut préciser que cette disposition de l’article 1717 alinéa 4 du Code judiciaire belge, issu de la loi du 27 mars 1985 a été abrogée par la loi du 19 mai 1998 afin de substituer une simple faculté d’exclusion à la suppression impérative du recours en annulation. 74 Bruno LEURENT, « Réflexions sur l’efficacité internationale des sentences arbitrales », précité, p.05. 75 Gabrielle KAUFMANN-KOHLER, « Qui contrôle l’arbitrage ? Autonomie des parties, pouvoirs des arbitres et principe d’efficacité », précité, p. 155. 76 Gabrielle KAUFMANN-KOHLER, « Qui contrôle l’arbitrage ? Autonomie des parties, pouvoirs des arbitres et principe d’efficacité », précité, p.154.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

les parties sont « libres de convenir de la procédure à suivre par les arbitres »77. Au stade final,

il y a la Convention de New York qui prévoit le motif de non-exécution d’une sentence

étrangère lorsque « la procédure d’arbitrage n’a pas été conforme à la convention des

parties »78. La Convention européenne de 1961 prévoit également que l’annulation d’une

sentence ne constitue une cause de non-exécution que si elle est fondée sur certains griefs, parmi

lesquels le cas où « la procédure d’arbitrage n’a pas été conforme à la convention des

parties »79.

La règle n’est pourtant pas absolue, il existe quelques limitations au principe. Malgré

tout, le contenu de ces limitations n’est pas uniforme car les auteurs les présentent et expliquent

différemment selon leurs propres contextes80. Pour nous, il serait important et nécessaire d’y

apporter deux limitations : il s'agit de la qualité du juge et des garanties de l’efficacité de la

sentence. En effet, rappelons que même si la sentence est un acte privé, comme on a

précédemment expliqué, on ne saurait admettre que seules les parties possèdent de la totalité du

pouvoir pour régler les points procéduraux et qu’il en découle que la condition pour exécuter

efficacement la sentence se traduit par le fait que l’arbitre a la possibilité d’exercer sans

contrainte des parties sa mission juridictionnelle.

C. La détermination de la nature de la sentence internationale

Ce qui nous vient à l’esprit est que la notion de la sentence arbitrale reste toujours un peu

floue. La disparité des éléments et la multiplicité des termes utilisés sont source de l’imprécision

ou de l’ambiguïté : acte privé, acte juridictionnel, acte d’origine étatique, acte normatif, acte

normatif privé, etc. Pour cette raison, notre objectif ici est d’essayer dans la mesure du possible

de clarifier la nature juridique de la sentence arbitrale internationale.

Pour ce faire, il suffit de rassembler quelques éléments importants. D’abord, la sentence,

est un acte privé puisque le contrat d’arbitre qui lui donne naissance est un contrat. D’après 77 L’article 19 de la Loi-type de la CNUDCI 78 L’article V (1) (d) de la Convention de New York de 1958. 79 L’article X (1) (d) de la Convention européenne de 1961. 80 Pour Mme. Kaufmann-kohler, il s'agit de la restriction dans le temps et des autres restrictions telles que les garanties procédurales et efficacité : Gabrielle KAUFMANN-KOHLER, « Qui contrôle l’arbitrage ? Autonomie des parties, pouvoirs des arbitres et principe d’efficacité », précité, p.159. Pour le maître LIEBSCHER, les deux limitations sont les compléments et adaptations des contrats et la qualité du juge de l’arbitre : Christophe LIEBSCHER, « L’interprétation du rôle incertain d’un arbitre », in Les arbitres internationaux, précité, p. 91

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Thomas Clay, le régime juridique du contrat d’arbitre doit être calqué sur celui de la convention

d’arbitrage puisqu’il en est un contrat dérivé81. La sentence est alors un contrat. En suite, elle est

un acte normatif selon la théorie kelsénienne, parce qu’elle est créatrice de droits et obligations

et qu’elle modifie l’ordonnancement juridique82.

Enfin, ce qui fait défaut à la compréhension, c’est le problème de l’acte juridictionnel, et

l’acte étatique. Par notre dernière conclusion, l’arbitre n’est pas un juge. Cette position est

confirmée par le professeur JARROSSON qui a affirmé qu’il n’est ni juge dans l’ordre juridique

étatique ni une juridiction d’un Etat dans l’ordre juridique international83. C’est pour cette raison

que la sentence n’est pas un acte de la juridiction au sens qu’elle n’est pas le fruit d’un organe

étatique (c'est-à-dire qu’elle n’est pas un acte d’une juridiction judiciaire). Mais, l’ampleur de la

mission juridictionnelle ou la qualité de juge de l’arbitre sont évidemment reconnues. De cette

mission juridictionnelle, on dirait que l’arbitre, de par sa sentence, rend un acte juridictionnel84.

De quel type de juridiction ? On dira qu’elle est de juridiction privée car l’arbitre est un juge

privé.

Ce sont les raisons pour lesquelles il serait beaucoup plus logique d’après nous que la

sentence est un acte normatif et que cet acte normatif est juridictionnel mais de juridiction

privée : on simplifie les choses par dire que la sentence est un acte juridictionnel privé. Cet acte

juridictionnel puisqu’il revêt toujours le caractère privé ne sera pas intégré dans l’ordre juridique

étatique.

§ 2. Les affirmations françaises quant à la non intégration

Les opinions des juristes à ce sujet divergent. Pour certains, la sentence est une norme

qui doit être insérée dans l’ordre juridique étatique. Certains d’autres cherchent à démontrer

qu’elle ne doit pas être intégrée dans cet ordre. Du point de vue des français, alors que l’on a

81 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 252. 82 Voir notamment notre développement dans le §2 et le §3 de la section 1, et précisément Hans Kelsen, Théorie pure du droit, précité, et Hélène Péroz, La réception des jugements étrangers dans l’ordre juridique français, précité. 83 Charles JARROSSON, La notion d’arbitrage, LGDJ, 1987, p. 103 s.; p. 105 et s. 84 Charles JARROSSON, La notion d’arbitrage, précité, p. 76.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

trouvé une ancienne opinion qui a affirmé l’insertion de la sentence dans l’ordre étatique, le

droit positif affirme au contraire la non intégration.

On présentera chacune des deux affirmations opposées avant de passer à l’étape suivante

qui consiste à rechercher des fondements de la non intégration (chapitre 2). D’abord ce sera

l’ancienne affirmation de l’insertion de la sentence dans l’ordre juridique interne (A) et après

l’affirmation en droit positif de la non intégration (B).

A. L’ancienne affirmation de l’insertion de la sentence dans l’ordre

juridique interne

La sentence internationale est une norme juridique internationale. Avec cette nature

juridique, M. EL OUALI a conclu à ce que cette sentence internationale émane d’un organe

international puisqu’on ne peut pas affirmer que les parties au litige participent à l’élaboration

de la sentence, même indirectement85. La sentence constitue selon lui une norme juridique

internationale parce qu’elle présente les traits caractéristiques d’une norme et émane d’un

organe international constitué par les Etats et doué d’une volonté propre.

C’est à partir de cette idée qu’il a tiré une conséquence : en tant que telle la sentence

internationale va produire des effets juridiques dans l’ordre juridique interne des parties en

litige. Elle dispose d’une autorité de plein droit de la sentence internationale dans l’ordre

juridique interne86. Il a en plus fait une distinction entre la sentence étrangère interne et la

sentence internationale, la distinction selon laquelle la première commande des formalités de

réception nécessaire alors que la deuxième doit s’insérer directement dans l’ordre juridique

interne.

Cette affirmation de l’insertion de la sentence internationale dans l’ordre interne s’est

fondée sur deux raisons. La première raison tient à son caractère normatif international imposant

au juge interne de l’appliquer et la deuxième tient conséquemment à ce qu’elle ne fasse l’objet

d’aucune formalité de réception. En effet, pour cet auteur (EL OUALI) la procédure de

l’exequatur ne constitue pas vraiment une procédure de « réception » mais un élément constitutif

85 Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, précité, p. 208. 86 Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, précité, p. 220.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

de la norme « sentence internationale »87. Donc sa pénétration dans l’ordre interne ne fait pas

perdre son caractère de norme internationale permettant de produire pleinement et efficacement

ses effets autant dans l’ordre juridique international que dans l’ordre juridique interne. En

définitive, la sentence ne peut faire l’objet d’un réexamen de la part des organes étatiques

internes, en particulier des organes judiciaires, sauf si celui est un contrôle de son authenticité88.

On comprend par là l’idée de l’auteur. En fait, pour lui la sentence est une norme

internationale qui émane d’un organe international, ce qui montre son intention de donner à la

sentence internationale la valeur supérieure par rapport au droit étatique. Il serait donc légitime

de justifier son insertion dans l’ordre interne comme dans l’hypothèse des autres normes

internationales supérieures, par exemple, le cas des normes communautaires dérivées de l’Union

européenne.

A nos yeux cette affirmation de l’insertion de la sentence dans l’ordre interne étatique

présentait quelques lacunes. D’abord, l’auteur a fait une étude dans laquelle il a seulement relevé

l’Etat en tant que sujet du droit international de l’arbitrage ; il faut rappeler par là qu’il existe des

régimes particuliers et spécifiques pour les Etats. De plus, il ne semble pas à nos yeux qu’il est

justifié de penser que la sentence internationale a une valeur supérieure à l’ordre juridique

interne par le seul motif qu’il s'agit de l’application d’une norme de droit international89.

Si cette affirmation de l’insertion peut se fonder paradoxalement, il faut rappeler

toutefois qu’à l’heure actuelle en droit français on ne partage plus cette opinion d’insertion.

L’évolution de la jurisprudence et de la doctrine contemporaine ne permet plus de la fonder. La

sentence au contraire ne sera pas intégrée dans l’ordre juridique interne, voire même non plus

dans l’ordre juridique international.

B. L’affirmation en droit positif de la non intégration

Cette affirmation de la non intégration est confirmée par le droit contemporain français

tant par la doctrine que par la jurisprudence. Sur le plan doctrinal, il résulte de son caractère

privé que la sentence ne sera pas intégrée dans l’ordre juridique interne. Précédemment, on a 87 Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, précité, p. 222. 88 Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, précité, p. 232. 89 Abdelhamid El Ouali, Effets juridiques de la sentence internationale, précité, p. 221.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

conclu qu’elle est un acte normatif juridictionnel, mais de juridiction privée et non pas de

juridiction étatique. C’est ainsi qu’il est logique qu’elle soit soumise au régime privé étant non

intégrée dans l’ordre étatique. Il n’y a pas lieu de revenir sur l’explication de son caractère privé

déjà présenté. Force est seulement de dire que son caractère privé entraîne la conséquence de la

non intégration car l’acte n’était pas rendu au nom de l’ordre juridique territorial de l’Etat dans

le ressort duquel il a été rendu90.

Sur le plan jurisprudentiel, la Cour de cassation a jugé que « la sentence rendue (en

Suisse) était une sentence internationale qui n’était pas intégrée dans l’ordre juridique de cet

Etat, de sorte que son existence demeurait établie malgré son annulation et que sa

reconnaissance en France n’était pas contraire à l’ordre public international91 ». Sans être

clairement expliquée, cette position est devenue désormais la règle en droit positif reprise par les

arrêts ultérieurs92 abondamment commentés. Comme par exemple dans l’arrêt Chromalloy, la

Cour d’appel a retenu que « la sentence rendue en Egypte était une sentence internationale qui

par définition n’était pas intégrée à l’ordre juridique de cet Etat… ».

Dans cette position affirmée en droit français, on utilise les raisonnements qui fondent les

thèses de la non intégration, à savoir les raisonnements découlant du caractère privé et

international de la sentence. Mais si on examine en plus détail les raisonnements du camp

opposé, ce sera beaucoup plus délicat de ne pas intégrer la sentence internationale dans un ordre

juridique étatique ou anational car ces types de raisonnements qui pèsent pour la thèse de

l’intégration présentent évidemment des logiques plus ou moins considérables. C’est temps alors

de justifier les fondements de la non intégration de la sentence internationale dans un ordre

juridique.

90 C.A Paris, 29 septembre 2005, précité, p. 704 ; Françoise MONEGER, Droit international privé, Litec, Objectif droit, 2e édition, 2003. p. 208. 91 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON; J.D.I. 3, 1994. p.701, note Emmanuel GAILLARD. 92 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. Arb. 2006. No3. p.695, note H. MUIR WATT; C.A Paris, 14 janvier 1997 : Chromalloy, Rev. Arb. 1997. No3. p.395, note P. FOUCHARD.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Chapitre 2 Les fondements de la non intégration de la sentence dans

un ordre juridique

On doit observer le postulat suivant : la sentence arbitrale internationale est une norme

juridique ; celle-ci doit pouvoir être rattachée à un ordre juridique déterminé, à l’agencement

duquel elle participe93. Cela signifie que toute norme juridique s’inscrit dans un ordre juridique.

Cet ordre veille à son élaboration et assure sa sanction.

La sentence doit donc être intégrée à un ordre juridique. A préciser, les travaux de Santi

Romano ont montré que tout corps social est porteur de droit94. C’est dire qu’il est possible

qu’existent d’autres ordres juridiques que les ordres juridiques étatiques. Si elle devrait

s’intégrer à l’ordre juridique d’un Etat, ou encore à l’ordre juridique transnational, il est logique

que son annulation entraînera son inexistence, rendant ainsi impossible son exequatur dans un

autre Etat quelconque.

L’idée est d’établir l’appartenance de la sentence à un ordre juridique de base. Certains

démontrent son enracinement dans l’ordre juridique d’un Etat (dans notre propos, il sera l’ordre

de l’Etat du siège), mais d’autres, à l’inverse, prétendent qu’elle est rattachée à un ordre

juridique transnational ou anational. Nous n’adopterons aucune de ces deux thèses. En effet,

l’ordre juridique arbitral n’est ni rattachable à un ordre juridique interne ni à un ordre juridique

international ; l’arbitre et sa sentence rendue doivent s’inscrire dans l’ordre juridique arbitral qui

se caractérise par son autonomie95.

C’est la raison pour laquelle on va rejeter les unes après les autres les thèses de

l’intégration de la sentence dans l’ordre juridique de l’Etat du siège (Section 1) et dans un ordre

anational (Section 2).

93 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, Economica, 2004, p. 16. 94 Santi Romano, L’ordre juridique, Dalloz 2e édition, 2002. 95 Thomas CLAY, L’arbitre, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Dalloz, 2001, p.215.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Section 1. Le rejet des thèses de l’intégration dans l’ordre interne

de l’Etat du siège

Les auteurs ont développé l’approche de l’ordre juridique de l’arbitre et de sa sentence à

travers l’explication sur la source de son investiture. Cette approche consiste à chercher ce qui

fonde et valide son investiture : la délégation de l’autorité publique ou le consentement des

parties ? Si l’on croit que le pouvoir de juger de l’arbitre était une expression de la puissance

publique, la sentence serait une œuvre judiciaire96, ce qui veut dire par extension qu’elle serait

intégrée à l’ordre juridique de cet Etat. En effet, le raisonnement réside dans l’affirmation qu’il

n’est pas possible à des individus d’élaborer des actes juridiques en dehors d’un système de droit

national dont dépend sa juridicité. Cette opinion a été contestée par une autre partie de la

doctrine. Nous présenterons ainsi les deux opinions opposées sur la notion de la source de

l’investiture de l’arbitre (§ 1).

D’un autre point de vue, l’écartement de l’ordre juridique étatique pour la sentence peut

être justifié par deux autres raisonnements. Premièrement, c’est que la sentence n’a pas à

assimiler à une décision étatique. Deuxièmement, l’absence de l’ordre juridique étatique pour la

sentence est non seulement affirmée mais de plus confirmée par la doctrine (§ 2).

§ 1. La source de l’investiture de l’arbitre

La notion de la source de l’investiture de l’arbitre n’a pas retenu l’unanimité de la

doctrine. Il convient de déterminer dans cette perspective si l’arbitre a été ou non investi des

fonctions juridictionnelles par l’Etat du siège.

A. La prétendue source étatique de l’investiture de l’arbitre

Les arguments différemment avancés nous semblent très pertinents. D’après le premier

argument formulé, l’arbitre rend la justice ; or le pouvoir de juger ou « de rendre la justice

96 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 196.

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relevait du monopole juridictionnel de l’Etat97 ». On en a déduit que l’activité exercée par

l’arbitre devrait être assimilée au fonctionnement du service public de la justice de l’Etat, c'est-à-

dire que l’arbitre rend la justice par la délégation du souverain territorial parce que sa fonction

juridictionnelle est ramenée à l’exercice d’un attribut de souveraineté98. Cette école de pensée a

affirmé avec force que toute justice émane du souverain, c’est l’Etat qui impose sa justice99.

Le deuxième argument évoqué portait sur le pouvoir de commandement de l’Etat. Il était

que la compétence appartient à tout Etat souverain pour réglementer les activités se déroulant

sur son territoire100… puisque les arbitres sont inévitablement soumis à la compétence

législative du pays dans lequel le tribunal arbitral fonctionne et qu’aucun autre Etat que le siège

n’a un contrôle aussi complet et effectif sur ce tribunal arbitral101. Dans ce sens, il faut ajouter

que toute dimension publique n’est pas absente de l’origine de son pouvoir, car l’arbitrage est

bien institué par la loi102.

Ce type d’argumentation paraît insoutenable à nos yeux. En effet, la simple existence du

pouvoir de commandement de l’Etat ne suffit pas à établir le lien nécessaire fondamental entre

l’arbitrage et l’Etat dans le ressort duquel il rend sa sentence. Prenons un simple exemple pour

écarter cette conception territorialiste : une règle d’ordre public de forme peut être naturellement

imposée par un Etat donné, tout en ne touchant pas au fond du contrat régi par la loi désignée

d’un autre Etat. Pour cette raison, il ne signifie pas que le pouvoir de commandement de l’Etat

du siège l’a habilité à exprimer la volonté étatique103.

Il faut ajouter que la position de la doctrine et la jurisprudence contemporaines n’a non

plus été prise dans un sens favorable au premier argument concernant monopole juridictionnel

de l’Etat. On peut citer à titre d’exemple l’arrêt de la Cour de cassation qui a retenu que « les

arbitres ne tiennent leurs pouvoirs que de la volonté des parties et non de la puissance

97 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 196. Cet auteur s’est référé à un juriste anglais célèbre F.-A. Mann qui a achevé un article fameux intitulé « Lex Facit Arbitrum », in Mélanges offertes Martin Domke ou Liber amicorum for Martin Domke, La Haye, 1967, p. 241. 98 Bruno OPPETIT, « Justice étatique et justice arbitrale », in Etudes offertes à Pierre BELLET, Litec, 1991. p. 419. 99 Bruno OPPETIT, « Justice étatique et justice arbitrale », précité, p. 417. 100 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 19. 101 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, idem. 102 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 197. 103 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 20.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

publique104 ». Selon Thomas Clay, il faut se garder de confondre permission de la loi et

délégation du juge. Cela veut dire que le pouvoir de l’arbitre est certes issu de la volonté

commune des parties mais c’est la loi qui le permettait ou disons autrement que la loi préexiste à

la convention d’arbitrage pour l’autoriser et l’encadrer105. Il en résulte clairement que l’arbitre

est un juge autorisé par la loi, ce qui ne veut pas dire qu’il soit un juge délégué par le pouvoir

judiciaire. On observe par là que toute personne rendant la justice à l’intérieur des frontières

d’un Etat ne doit pas être assimilée à un magistrat (ou un juge) dans l’ordre judiciaire de cet

Etat106.

C’est pour cette raison qu’il sera judicieux de dire que l’arbitre n’est ni le représentant, ni

l’organe de l’Etat107 et il n’a pas sa place dans l’ordonnancement des juridictions ou dans la

hiérarchie judiciaire car on a déjà affirmé que les arbitres ne rendent pas la sentence au nom de

l’ordre juridique territorial de l’Etat dans le ressort duquel il a été rendu mais au nom des

parties108.

B. La source conventionnelle de l’investiture de l’arbitre

Tous s’accordent sur l’idée que l’investiture de l’arbitre n’est pas institutionnelle mais

conventionnelle. Mais, il faut réserver une hypothèse où la volonté des parties ne constitue pas la

source du pouvoir de l’arbitre. C’est celle de l’arbitrage forcé. Il faut constater à ce point, d’une

part, que la volonté des parties est sans influence sur le recours à l’arbitrage, c'est-à-dire sur le

principe de la soumission de leur différend à l’arbitrage en question. D’autre part, elle est encore

sans influence sur la désignation ou sur le choix de la personne des arbitres. En fait, c’est la loi

qui les impose. Dans ce cas spécifique, les sentences arbitrales ne présentent que le caractère des

actes d’autorité de la puissance publique, des décisions judiciaires pures et simples109 intégrées

dans l’ordre juridique de l’Etat du siège.

104 Cass. 1re Civ. 18 novembre 1986 : SEEE, J.D.I. 2, 1987.120, note B. Oppetit. 105 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 197. 106 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 22. 107 Charles JARROSSON, La notion d’arbitrage, LGDJ, 1987, p. 103 s.; p. 105 et s., voir également Sent. Arb. CCI n° 2321, 1974, Rec. sent. arb. CCI, t. 1er, p. 9 et 10. 108 C.A Paris, 29 septembre 2005, précité, p. 704 ; Françoise MONEGER, Droit international privé, Litec, Objectif droit, 2e édition, 2003. p. 208. 109 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 27.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

La relation de l’investiture de l’arbitre avec sa source étatique est donc demeurée très

forte. Si on affirme que les arbitres sont détachés de tout lien avec l’Etat, les sentences rendues

par eux seront mêmes dépourvues de nationalité. En présence de cette lacune, une partie de la

doctrine territorialiste y ajoute que la sentence arbitrale apparaît comme un acte juridictionnel

privé dont la force obligatoire n’existe que dans la mesure où un système juridique étatique lui

en confère une110.

Par contre, on vient d’admettre que c’est la volonté des parties qui régit l’arbitrage et que

c’est au nom des parties que la personne de l’arbitre rend sa sentence. Par conséquent, née de la

volonté des parties, la sentence constitue un acte juridictionnel privé qui n’est pas intégré dans

l’ordre de l’Etat du siège même si c’est un acte normatif. Il convient de fournir un

éclaircissement pour justifier qu’en tant qu’acte normatif, la sentence internationale ne peut pas

être intégrée à l’ordre interne étatique. A ce titre, il faut rappeler que si l’on adopte la théorie de

Kelsen, la sentence est un acte infra-législatif, qui tire sa validité d’une norme supérieure

habilitante : c’est la lex arbitri, ou la loi qui régit la sentence et l’arbitrage. La lex arbitri signifie

que selon cette conception, la sentence n’est pas enracinée dans l’ordonnancement juridique de

l’Etat parce qu’elle a été rendue sur son territoire, mais plus exactement parce qu’elle est régie

par sa loi111. La lex arbitri désigne toujours donc la loi du siège qui régit l’arbitrage.

Il faut admettre que du point de vue interne, il est possible de ranger la sentence dans la

hiérarchie des normes, mais sur le plan international, cette théorie kelsenienne peut ne pas être

retenue car il est impossible d’identifier l’ordre juridique fondamental dans lequel se trouve sa

norme habilitante. Il est impossible, c’est parce qu’en effet rien ne permet de considérer que la

loi du siège constitue ipso jure la lex arbitri donnant son support à la normativité de la sentence

internationale112 (on peut penser par exemple à l’hypothèse où l’arbitrage s’est déroulé

successivement dans plusieurs Etats, et partant, quelle lex arbitri faut-il retenir ?). C’est de cette

110 Pierre MAYER, « Le mythe de l’ordre juridique de base (ou Grundlegung) », in Le droit et des relations économiques internationales : études offertes à Berthold GOLDMAN, Litec droit, 1983, p. 216. 111 Il sera utile d’indiquer les ouvrages majeurs de Kelsen dans lesquels l’auteur a développé cette théorie - Hans Kelsen, Théorie pure du droit, précité ; Théorie générale du droit et de l’Etat, 1945, traduit en 1997 par Bruylant LGDJ et théorie générale des normes, 1979 traduit par l’édi. PUF en 1996. 112 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 32.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

manière qu’il n’est pas très raisonnable d’assimiler la sentence internationale à une décision de

l’Etat, de sorte qu’aucun ordre juridique étatique n’est fondamental pour elle113.

§ 2. Deux autres motifs

Il existe deux autres motifs pour ne pas intégrer la sentence à l’ordre juridique de l’Etat

du siège. D’une part, la règle est que la sentence ne doit pas être assimilée à une décision

juridictionnelle étatique (A). D’autre part, l’absence de cet ordre étatique est à l’heure actuelle

reconnue et confirmée (B).

A. La non assimilation de la sentence à une décision étatique

La solution selon laquelle une sentence arbitrale n’a pas à assimiler à une décision

judiciaire étatique (un jugement) nécessite un bref rappel historique. La controverse se rapportait

à la nature juridique de la sentence, les termes du débat étant perçus comme une alternative

exclusive entre l’assimilation à un contrat et l’assimilation à un jugement étatique.

Une sentence rendue à l’étranger devait-elle être exequaturée par le Tribunal civil tout

entier ou par son seul Président ? En effet, selon l’article 1020 du Code de procédure civile de

1806, si la sentence est assimilée à un jugement étranger, elle sera exequaturée par le Tribunal

de grande instance tout entier ; au contraire, si elle est assimilée à un contrat, elle sera

exequaturée par son seul président. Cette formulation de la question semble très éloignée du

sujet qui nous préoccupe. Mais, c’est en ce sens que l’on puisse trouver la justification de la

règle.

L’origine du débat se trouvait dans la fameuse affaire de la succession de la reine Marie-

Christine de Bourbon d’Espagne114. On résume en un seul mot que la solution retenue par le

juge était l’assimilation de la sentence à des décisions étrangères, car la mission confiée à

113 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 38 ; cet auteur refuse même de qualifier la sentence d’acte juridique, mais l’assimile au fait juridique qui échappe à l’emprise des Etats. 114 Trib. civ. Seine, 16 mars 1899, JDI. 1899 ; p. 744 et s., Paris, 10 décembre 1901, JDI. 1902, p. 314 et s.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

l’arbitre n’était pas un mandat115. On a donc rejeté catégoriquement l’assimilation de l’arbitre au

mandataire et de la sentence au contrat.

Cependant, on note que la jurisprudence a progressivement évolué. C’était en 1914 que

la Cour de cassation affirma la nature contractuelle des sentences116. Cette position a été

réaffirmée dans les arrêts Cremades117 et Roses118. La jurisprudence a donc fermement rejeté

l’assimilation de la sentence à un jugement étranger en ayant retenu son assimilation à un

contrat. Il y a lieu ici de reproduire les termes de cette dernière décision afin d’éclairer la

situation :

« Attendu que les sentences arbitrales qui ont pour base un compromis font corps avec lui et

participent de son caractère conventionnel ; que les contrats non contraires à l’ordre public

obligent en quelque lien que ce soit ceux qui les ont conclus… »

Cette position jurisprudentielle nous semble maintenue et confirmée, car le rejet de

l’assimilation à un acte de l’autorité publique de l’Etat n’a plus été remis en cause par la suite119.

En conséquence, il se peut que la sentence, à la différence des décisions étatiques, n’a pas de for

juridique à intégrer.

B. L’absence d’ordre juridique étatique confirmée

L’analyse du cadre juridique dans lequel l’arbitre exerce sa fonction et dans laquelle se

situe la sentence met en évidence le refus à l’arbitre tous les attributs de la fonction

juridictionnelle. Cela se manifeste tant dans l’ordre interne que dans l’ordre international.

Dans l’ordre interne, pour ne pas répéter les arguments longuement développés, on

présentera seulement quelques points essentiels. D’abord, c’est l’absence de pourvoi en

cassation. La sentence internationale est détachée de l’ordre juridique étatique parce qu’elle

n’est pas susceptible de pourvoi en cassation, et parfois même d’appel (art. 1482 NCPC). Donc

115 On a développé l’idée que la mission de juger est un rôle tout autre que celui que remplissent les parties et rôle que les parties ne peuvent pas remplir – A. Lainé, « L’exécution en France des sentences arbitrales étrangères », JDI. 1899.641. 116 Arrêt Salles, Req. 8 décembre 1914, JDI. 1916.p. 1218 117 Req. 9 juillet 1928, D, 1928. I. p. 173, note Crémieu. 118 Req. 27 juillet 1937, D, 1938. I. p. 25, rapport Castets. 119 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 55.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

la sentence, bien qu’elle puisse avoir des effets reconnus dans l’ordre étatique, se situe hors de

cet ordre juridique120.

Plus significativement, il y a un autre critère décisif. Il s'agit de l’autonomie de la

fonction de l’arbitre par rapport à tout ordre juridique étatique qui se manifeste par l’absence de

responsabilité de l’Etat en cas de dysfonctionnement de la justice arbitrale121.

Finalement, il faut rappeler que le magistrat est avant tout le gardien de la loi, ce qui

signifie que les juges étatiques se plient à leur droit national. En revanche, selon le célèbre arrêt

américain Mitsubishi122, l’arbitre ne doit allégeance à aucun ordre juridique parce qu’il n’a pas

de for. Disons autrement qu’il n’est pas chargé de faire respecter la loi d’un Etat déterminé.

Dans l’ordre international, la question est de savoir si l’arbitre est ou non tenu

d’appliquer le droit issu des conventions internationales ? La réponse démontrera que même si

l’arbitre est tenu d’appliquer les conventions internationales, c'est-à-dire même s’il est

destinataire de ces conventions, ce n’est pas parce qu’il agit en tant que juridiction étatique.

Mais plutôt c’est parce qu’il agit en tant que juridiction tout court car c’est la nature même des

dispositions conventionnelles qui s’imposent en tant que telles au pouvoir juridictionnel, y

compris celui de l’arbitre123.

Il est intéressant et important d’ajouter qu’il existe des cas particuliers où certaines

conventions ne s’appliquent qu’aux Etats contractants et non pas aux arbitres. Par exemple, la

Convention de New York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance et l’exécution des sentences

arbitrales étrangères ou la Convention européenne de Genève du 21 avril 1961 sur l’arbitrage

commercial international.

Force est donc de retenir que la sentence arbitrale n’est pas intégrée à l’ordre juridique

interne d’un Etat, y compris celui de l’Etat du siège. Les arguments, les affirmations et les

confirmations évoquées et présentées peuvent nous amener en plus à s’interroger sur son

120 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 200. 121 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 201. 122 Mitsubishi Motors Corp. v. Soler Chrysler-Plymouth Inc., 105 S.Ct. 3346; Rev. arb. 1986.273. obs. J. Robert, p. 173. 123 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, p. 200.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

intégration dans l’ordre transnational ou anational. En effet, si la sentence y est insérée, elle sera

par la suite, insérée dans l’ordre interne par l’effet de l’applicabilité du droit international dans

l’ordre interne des parties.

Section 2. Le rejet des thèses de l’intégration dans un ordre anational

La recherche d’un éventuel rapport d’intégration entre la sentence et l’ordre juridique

étatique nous a déjà conduit à des problèmes complexes. L’hypothèse de l’intégration de la

sentence dans un ordre juridique anational peut apparaître, dans notre cas, comme l’ultime étape

de notre travail portant sur le régime de la sentence arbitrale.

Dans les explications précédentes, si l’on croit que la sentence internationale est une

norme internationale qui émane d’un organe international, elle va produire en tant que telle des

effets juridiques dans l’ordre interne des parties en litige. Même si cette affirmation n’a pas été

retenue par la suite, on n’objectera pas sa valeur explicative selon laquelle la sentence

internationale en tant que norme internationale devrait s’insérer directement dans l’ordre

juridique interne. On arriverait au résultat identique de l’hypothèse de son insertion dans l’ordre

juridique interne ; c'est-à-dire l’annulation de la sentence par un tribunal de l’Etat du siège la

prive d’existence juridique rendant impossible toute demande d’exequatur. Tel est l’intérêt

manifeste de la présente étude sur le rapport entre la sentence internationale et l’ordre juridique

transnational.

Un courant doctrinal a développé l’idée que l’activité arbitrale constituerait la clé de

voûte de l’organisation d’un ordre juridique transnational, dit lex mercatoria, qui procéderait de

la « société internationale des commerçants », dite societas mercatorum124. Mais, les

problématiques n’ont pas été résolues en des termes aussi nets. La tâche est ainsi singulièrement

compliquée par l’apparition des incertitudes qui pèsent tant sur l’existence controversée de cet

ordre transnational de la lex mercatoria (§ 1) que sur l’insertion des juridictions arbitrales dans

le cadre institutionnel de cette societas mercatorum (§ 2).

124 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, n° 259.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

§ 1. L’existence controversée de l’ordre juridique de la lex mercatoria

On peut bien constater le développement rapide de la lex mercatoria. Son intervention se

manifeste normalement par deux mécanismes principaux dont personne ne conteste la réalité :

c’est d’abord le contrat et puis l’arbitrage international. Pourtant, ce développement ne lui

permet pas d’échapper à des résistances ou tout au moins des interrogations sur sa juridicité. Le

débat le plus controversé porte pour l’essentiel sur l’existence l’ordre juridique mercatique (A)

dont le principal inspirateur en France est M. Goldman.

Pour fonder leurs raisonnements de l’existence ou de l’inexistence de l’ordre de la lex

mercatoria, les partisans de chacune des deux doctrines n’oublient pas de fournir les

justifications qui sont jugées appropriées et raisonnables à leur propos. Les termes du problème

ne proviennent pas uniquement des opinions doctrinales opposées. C’est également

l’imprécision des solutions dégagées par la jurisprudence qui contribuent à la source des

incertitudes (B).

A. L’exposé de l’existence de l’ordre juridique de la lex mercatoria

Il ne s’agit pas d’une tâche facile à accomplir. La controverse relative à l’existence de la

lex mercatoria était la plus grande préoccupation de la doctrine. L’objet est de manifester son

existence en recourant à la théorie de l’ordre juridique de Santi Romano. C’est en ce sens que la

question a été formulée, à juste titre, par Paul Lagarde : la lex mercatoria constitue-t-elle un

ordre juridique ?125

Sur ce point, on est d’accord avec M. Stern d’après qui « cette question soulève à la fois

des problèmes de théorie du droit et des questions de fait126 ». Elle soulève de théorie du droit

dans la mesure où l’inexistence de la lex mercatoria peut résulter d’une impossibilité théorique

de répondre à la définition de l’ordre juridique. Elle soulève d’une constatation des faits si son

contenu n’est pas suffisamment élaboré.

125 Paul LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », in Le droit et des relations économiques internationales : études offertes à Berthold GOLDMAN, Litec droit, 1983. p. 127. 126 Brigitte STERN, « Lex mercatoria et arbitrage international, à propos des Mélanges Goldman », Rev. Arb. 1983. p. 450.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Nous essayerons de présenter avec peu ou prou précision les éléments du débat, étape par

étape. Premièrement, la question tourne autour de l’existence des normes et l’existence de

l’ensemble de ces normes, c'est-à-dire un système des normes. C’est là que les opinions des

auteurs divergent. D’emblée, pour conserver un sens plein à l’expression lex mercatoria, il faut

veiller à ne pas qualifier d’élément de la lex mercatoria ce qui pourrait n’être encore qu’une

simple pratique contractuelle internationale, par exemple, la pratique répétée et effective des

clauses contractuelles sur la force majeure ou hard-ship, la combinaison des euro-émissions,

eurocrédits ou produit en main127. En revanche, une autre partie de la doctrine dispose que cette

série de normes qui tendent à être reconnues et respectées par l’ensemble des participants à

l’ordre mercatique … expriment le dynamisme de la lex mercatoria128. Mais, il faut rappeler

qu’il est impossible de définir l’ordre juridique par l’existence des normes car, l’ordre juridique

est une unité qui est « quelque chose d’autre que les normes129 ; il n’est pas seulement la norme

posée, mais l’entité qui la pose 130».

Ainsi, il faut se déplacer dans une hypothèse subséquente qui doit être envisagée. Existe-

t-il une societas mercatorum qui est capable de produire ses propres normes ? Ce terme désigne

avant tout la société internationale des marchands et des acheteurs131 ou la communauté

internationale d’hommes d’affaires, une société internationale des commerçants132. De cette

manière les éléments fondateurs de cette société consisteraient dans son homogénéité, sa

spécificité et la poursuite d’un objectif commun – l’intérêt économique133. Cela proviendrait de

ce que « tous les acteurs aspirent à une même fin, un idéal marchand unique : répondre aux

besoins du commerce international134 ». Pour les tenants de l’existence de la lex mercatoria, le

caractère d’ordre juridique de cette société ressort de ses manifestations institutionnelles135. Elle

constituerait un ensemble organisé et structuré de nature à répondre aux problèmes du commerce

international.

127 Paul LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », précité, p. 129. 128 Philippe KAHN, « Droit international économique, droit du développement, lex mercatoria : concept unique ou pluralismes des ordres juridiques ? », in Le droit et des relations économiques internationales : études offertes à Berthold GOLDMAN, Litec droit, 1983. p. 100. 129 Santi Romano, L’ordre juridique, Dalloz 2e édition, 2002. p. 9 130 Santi Romano, L’ordre juridique, précité. p. 13 131 Paul LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », précité, p. 126. 132 Philippe FOUCHARD, L’arbitrage commercial international, Dalloz, Paris, 1965 n° 576. 133 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 73. 134 Filali Osman, Les principes généraux de la lex mercatoria, contribution à l’étude d’un ordre juridique anational, LGDJ, 1992, p. 409 et s. 135 Filali Osman, Les principes généraux de la lex mercatoria, précité, p. 405.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Mais, l’incertitude vient de ce que cette société, encore en formation, n’est pas encore

très homogène aux yeux des partisans de la doctrine de l’inexistence, puisque l’intérêt

économique et les besoins du commerce international paraissent s’être révélés insuffisamment

fédérateurs pour éviter la dispersion de composants disparates136. En effet, le milieu du

commerce international est tellement diversifié et cloisonné conduisant à douter qu’il peut servir

de justification de l’identité des besoins des acteurs marchands.

L’idée de la structure institutionnelle pose également d’importants problèmes. Si selon

Santi Romano, il n’exige pas que cette société soit une structure hiérarchisée et consciente

d’elle-même, il suffirait de constater que l’existence même d’une communauté d’Etats postule

un ordre juridique qui la constitue et la régisse137. Cependant, ces arguments invoqués sont

imprécis conduisant à des doutes et objections sérieuses. On observe avec M. Lagarde que ce

raisonnement n’est pas très convaincant ; il ajoute pertinemment que les « marchands » ne sont

pas les uns par rapport aux autres dans la même position que les Etats138. La vocation à

constituer un ordre juridique est plus évidente pour les Etats, mais moins évidente pour les

marchands relevant d’Etats différents. Ainsi, la simple constatation de son existence ne suffirait

pas, il faut une véritable organisation et qu’elle doit être établie139.

B. L’examen de la jurisprudence en la matière

La question la plus significative est celle du contrôle par le juge du pays de

reconnaissance de l’origine des normes utilisées par l’arbitre pour aboutir à sa sentence. A titre

d’exemple, nous prenons deux arrêts de principe. Le premier portait sur l’affaire Fougerolle140

dont les arbitres s’étaient prononcés sur le fondement « des principes généraux des obligations

généralement applicables dans commerce international ». Le second portait sur l’affaire

Norsolor141 dont, les arbitres confrontés à la question du droit applicable s’étaient référés à la

« lex mercatoria internationale » et s’étaient fondées sur le principe de la bonne foi pour statuer

sur le litige.

136 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 78. 137 Santi Romano, L’ordre juridique, précité. p. 44. 138 Paul LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », précité, p. 138. 139 Paul LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », précité, p. 138-139. 140 C.A Paris, 12 juin 1980 : Fougerolle, Rev. arb. 1981. p. 292, note Couchez. 141 TGI Paris, 4 mars 19841, J.D.I. 1981. p. 836, note Kahn ; Berthold GOLDMAN, « Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria : L’affaire Norsolor », Rev. Arb. 1983.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Le problème ne s’est pas posé si les parties ont précisé que leur litige serait réglé par

l’arbitre, conformément aux principes généraux du droit ou si cet arbitre a reçu le pouvoir

d’amiable compositeur. En revanche, la mission des arbitres dans les deux affaires était de juger

en droit. Pour la Cour d’appel de Paris dans l’arrêt Fougerolle « il résultait des énonciation de

leur sentence qu’ils s’étaient implicitement mais nécessairement référés à un usage du

commerce international s’imposant avec la force de l’évidence… ». Et dans l’affaire Norsolor,

le juge a retenu que les arbitres, en appliquant « les principes généraux des obligations

généralement applicables dans le commerce international », avaient statué en droit

conformément à leur mission. C’est de sorte que les arbitres s’étaient bien déterminés selon des

« règles de droit ».

De toute façon, l’interprétation de cette solution jurisprudentielle est discutable. En fait,

selon certains auteurs qui ne partagent pas l’idée de l’existence de l’ordre de la lex mercatoria,

la raison est qu’on ne sache pas qu’il existe des principes généraux du droit propres aux relations

économiques internationales142. Ces principes invoqués peuvent en effet toujours être

découverts dans les différents systèmes juridiques nationaux. Il en est ainsi des cas de l’estoppel,

de l’efficacité de la clause compromissoire ou des multiples applications du principe de bonne

foi143.

En définitive, peut-on conclure à l’existence de la lex mercatoria ? Les arguments qui

pèsent le pour de son existence sont bien pertinents car la réalité de lex mercatoria est de

devenue de plus en plus incontestable. Les arguments qui pèsent le contre ne sont pas moins

justifiés en raison des imprécisions qui entourent. Il sera donc judicieux d’affirmer, comme l’a

fait M. Sterne, que « les auteurs ont fourni toute la palette des réponses possibles : oui, elle

existe, non elle n’existe pas (encore), et enfin, je ne réponds pas, car ce n’est pas la question que

je me suis posée144 ». Supposons finalement que l’intérêt que revêt la lex mercatoria n’est plus

discutable ou qu’au moins il existe la possibilité théorique d’un ordre juridique constitué par la

lex mercatoria145 pour pouvoir se déplacer ensuite de problème de son existence vers

142 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 94. 143 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 94. et des autres références qui y sont citées. 144 Brigitte STERN, « Lex mercatoria et arbitrage international, à propos des Mélanges Goldman », précité, p. 451. 145 Berthold GOLDMAN, « La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalité et perspectives », J.D.I, 1979, selon cet auteur : « la lex mercatoria peut remplir la fonction, sinon d’un système complet, du moins d’une collection de règle de droit. », n° 38, p. 497.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

l’hypothèse de l’insertion de l’arbitrage international dans le cadre institutionnel de cette

societas mercatorum.

§ 2. Les incertitudes liées à l’insertion des juridictions arbitrales dans le cadre

institutionnel de la societas mercatorum

On suivra le même cheminement du paragraphe précédent en précisant les termes du

problème (A) puis on va examiner la position jurisprudentielle en la matière (B).

A. Les termes du problème

Le point du départ résulte de l’affirmation d’un postulat selon lequel la présence de

l’arbitrage international est devenue un mode de résolution de conflit le plus habituel et le

moyen ordinaire et normal de solution des litiges146 dans le monde du commerce international.

L’arbitre est donc qualifié de juge normal de la société internationale des marchands et que son

rôle actif qu’il est appelé à remplir dans la societas mercatorum nous semble devoir être

encouragé en même temps qu’approuvé147.

Le point de vue a été développé jusqu’à affirmer même que les arbitres sont supposés les

‘‘ organes ’’ de cet ordre (lex mercatoria) qui pourraient ou devraient recourir à ses normes et

peut-être même de manière exclusive148. De toute façon, nul ne conteste que l’arbitre, et

principalement l’arbitre international, n’a pas de for, c'est-à-dire d’ordre juridique auquel il

serait immédiatement soumis. Mais, il se dit que bien qu’il n’a point de for national, il est « le

gardien du for mercatique149 » puisque la communauté des commerçants lui fournit … l’ordre

juridique qui matérialise son for150.

146 P. Lalive, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. p. 340. 147 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, n° 250, p. 205. 148 Paul LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », précité, p. 126. 149 Filali Osman, Les principes généraux de la lex mercatoria, contribution à l’étude d’un ordre juridique anational, précité, p. 382. 150 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, n° 259.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

De ce postulat, il découle que si l’arbitrage international doit être regardé comme un

organe judiciaire exerçant une fonction juridictionnelle, il est logique d’assimiler la sentence qui

en est issue à une norme juridique, et plus précisément cette juridicité des normes créées par

l’arbitre permet de l’assimiler à une décision judiciaire.

Sur ce point, une grande observation doit être formulée. S’il est certainement défendu

que l’arbitre soit le juge ordinaire des différends du commerce international, cette affirmation ne

serait exacte d’un point de vue sociologique. On se bornera à reproduire brièvement la

distinction entre son investiture et sa compétence. Force est de rappeler que son investiture n’est

pas institutionnelle mais conventionnelle : celle-ci émane de la volonté des parties, à la

différence de sa compétence qui est juridictionnelle. Par ce raisonnement, l’arbitre se distingue

radicalement, non seulement d’un juge étatique, mais plus généralement de n’importe quel

organe institué par un ordre juridique car il tient son investiture d’un accord des litigants et non

pas de la communauté internationale des commerçants151. La sentence ne pourra donc pas être

insérée dans l’ordre juridique de cette communauté.

B. L’examen de la jurisprudence en la matière

Sur la question de l’insertion de l’arbitrage dans l’ordre mercatique, la jurisprudence ne

s’est pas prononcée directement. Les arguments qui attestent le pour et le contre qui en sont tirés

ne peuvent être appréhendés que de manière indirecte. L’argument avancé était que l’Etat du

siège se trouve dépourvu du pouvoir de faire disparaître les sentences de la scène juridique. Cela

veut dire que l’annulation de la sentence par l’Etat d’origine ne pourrait pas priver la sentence

(qui est une norme) de la place qu’elle occupe dans l’ordonnancement d’un autre ordre

juridique152. Nous allons ainsi examiner successivement quelques arrêts à titre d’exemple quant

à l’annulation de la sentence internationale.

Premièrement, il s'agit de l’arrêt Polish Ocean Line153. La validité d’une sentence

arbitrale prononcée en Pologne a été contestée. Le Tribunal économique de Gdansk avait déclaré

151 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 84. 152 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p.101. 153 Cass. 1re Civ., 10 mars 1993 et C.A Douai, 18 avril 1991 : Société Polish Ocean Line, J.D.I. 2, 1993. p. 360, note P. KAHN ; Cass. 1re Civ., 10 mars 1993: Société Polish Ocean Line, Rev. Arb. 1993. No2. p.255, note D. HASCHER.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

« supprimer l’exécution ». Le Cour de cassation française a estimé que « le juge français ne

(pouvait), lorsque la sentence a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays

dans lequel elle a été rendue, refuser l’exécution pour ce cas qui n’est pas au nombre de ceux

énumérés par l’article 1502 du NCPC ». Cette position a été réaffirmée dans une affaire

ultérieure : Hilmarton. Il s'agit d’une fameuse affaire dans le domaine de la sentence arbitrale

dont les termes sont bien connus : « la sentence rendue en Suisse était une sentence

internationale qui n’était pas intégrée dans l’ordre juridique de cet Etat, de sorte que son

existence demeurait établie malgré son annulation et que sa reconnaissance en France n’était pas

contraire à l’ordre public international154 ».

Nous pouvons ici trouver une explication tirée de l’idée d’intégration dans un ordre

juridique anational. C’est ce que la formule utilisée par la Cour de cassation (« une sentence

internationale n’est pas intégrée à l’ordre juridique d’un Etat ») laisse penser qu’elle trouve son

enracinement dans un ordre juridique non-étatique155. C’est à partir de cette idée que pour

certains la sentence qui est l’acte privé n’est l’émanation d’aucun ordre juridique particulier156

mais par contre de l’ordre juridique mercatique.

Cette opinion n’est pas unanimement partagée car si les termes utilisés dans les arrêts

n’interdisaient pas cette interprétation, il ne la commande pas davantage. En effet, un argument

contraire nous paraît acceptable dans la mesure où il est justifié par l’ouverture d’un recours en

annulation à l’encontre des décisions rendues en France, en matière interne157 ou

internationale158. Ce qui veut dire que, selon M. Bollée, le pouvoir d’annulation reconnu aux

juridictions françaises constitue la négation pure et simple de l’ancrage des sentences dans un

ordre juridique de base internationale. En effet, si elle était intégrée dans l’ordre de la lex

mercatoria, il ne serait pas possible qu’il soit reconnu à l’Etat français le pouvoir d’annuler une

norme transnationale ; il ne pourrait que, dans cette hypothèse, en refuser l’exequatur ou la

reconnaissance.

154 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON ; Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, J.D.I. 3, 1994. p.701, Emmanuel GAILLARD. 155 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, n° 261, p. 217. 156 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p.100. 157 Art. 1484 NCPC. 158 Art. 1504 NCPC.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Conclusion de la première partie :

Avant de tirer une conclusion finale, rappelons en un seul mot que notre objectif est

d’entreprendre une étude suffisamment approfondie sur le régime de la sentence arbitrale

internationale. Afin de faire une explication la plus appropriée à notre problématique, les pièces,

importantes et essentielles de base ont été fournies de façon à permettre d’appréhender au moins

les raisonnements clefs de la notion.

On doit en définitive reconnaître que se manifestent les spécificités de la sentence

internationale. Elles ne permettent pas de justifier son intégration dans aucun ordre juridique

étatique. Elle échappe donc au régime des jugements étatiques. Les thèses de son intégration

dans l’ordre transnational ou anational ne peuvent non plus être soutenues. La sentence n’est pas

assimilée à une norme supranationale.

Il apparaît que la question juridique qui se pose sur l’annulation de la sentence rendue

dans son Etat d’origine a été mieux éclairée. Il n’y a aucune raison de donner le pouvoir à l’Etat

du siège d’anéantir, définitivement ou totalement, la sentence qui n’est intégrée ni à l’ordre

étatique de son siège ni à l’ordre anational de la lex mercatoria. L’article 1502 du nouveau code

française de procédure civile ne fait pas non plus de l’annulation de la sentence dans son Etat

d’origine une des causes du refus de la reconnaissance, sauf bien sûr si cette reconnaissance est

contraire à l’ordre public international.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Partie II

La conséquence : la reconnaissance en France de la sentence annulée dans l’Etat du siège

L’important de notre sujet sur l’étude doctrinale et jurisprudentielle quant à l’annulation

de la sentence réside essentiellement dans la conséquence que l’on peut en tirer à l’encontre

d’une sentence annulée. Ayant trait directement avec le régime de la sentence internationale,

l’annulation de cette dernière dans l’Etat du siège implique de diriger notre réflexion vers le sort

de la sentence dans les autres Etats, dont principalement la France. Avant d’entrer en détail, on

aura nécessairement intérêt de définir et distinguer deux notions qui sont étroitement liées dans

la phase post-arbitrale, l’une à l’autre : la reconnaissance et l’exequatur des sentences arbitrales.

La reconnaissance est l’admission par l’ordre juridique français de l’existence de la

sentence tandis que l’exequatur résulte de la demande portée devant les tribunaux de conférer le

caractère exécutoire de la sentence. Alors, la reconnaissance se distingue de l’exequatur dans la

mesure où elle ne tend pas à l’exécution forcée. Par exemple, une partie peut demander en

France, la reconnaissance d’une sentence ayant débouté son adversaire, ce qui n’implique

aucune mesure d’exécution159. De cette manière, la reconnaissance doit toujours précéder

l’exequatur. Dans notre contexte, nous ne procédons pas à la distinction détaillée, car jugée

inutile, entre les deux notions.

Le jeu traditionnel en droit international privé, lorsque l’on est en présence des conflits

de juridictions suppose la recherche des règles de conflits et des conditions de l’efficacité des

jugements étrangers. En application à notre matière, nous devrons plutôt focaliser notre attention

sur le sort de la sentence annulée, et uniquement sur la sentence annulée. Les études analytiques

et synthétiques sur ce thème ne sont pas dépourvues d’intérêts dans la mesure où le droit et la

159 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. p. 445.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

pratique de l’arbitrage international attestent que les conditions de sa reconnaissance et de son

exequatur ne sont pas identiques à celles jugements étrangers. En effet, l’efficacité

internationale des sentences arbitrales ne dépend pas, à la différence des jugements étrangers

internes, de la teneur des règles applicables et des décisions des juges qui leur contrôlent160. Une

sentence internationale annulée dans un premier Etat, peut être, soit reconnue dans un second

Etat, soit rejetée de la reconnaissance dans un troisième Etat.

A ce stade, l’important est de constater des raisons en droit français de la reconnaissance

ou de rejet d’une sentence annulée. Ce constat, qui est à la fois théorique et pratique, constitue

pour l’essentiel une préoccupation principale de la jurisprudence qui a été invitée à se prononcer

sur ce problème. La question de droit qui mérite de se poser est alors de savoir ce qui est

l’attitude de la jurisprudence française quant à l’annulation d’une sentence internationale non

intégrée dans un ordre juridique déterminé. Il nous permet d’en tirer de surcroît les appréciations

remarquables qui sont faites en doctrine.

Nous exposerons, en premier lieu, l’affirmation de la règle jurisprudentielle française sur

le sort de la sentence annulée (Chapitre 1). Il faut remarquer que les arguments pour et contre de

la solution française doivent y être également présentés. En second et dernier lieu, nous finirons

notre étude par examiner les appréciations sur cette position jurisprudentielle (Chapitre 2). Nous

chercherons à expliciter la portée et les critiques de la solution.

160 Philippe FOUCHARD, « Suggestions pour accroître l’efficacité internationale des sentences arbitrales », Rev. Arb. 1998. No4. p. 657.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Chapitre 1 L’affirmation de la règle jurisprudentielle française

S’il existe un souci de l’important ou de l’intérêt d’étudier la jurisprudence, on doit

penser à répondre, comme le dit M. Thomas Clay, que le droit de l’arbitrage est « droit

d’essence jurisprudentielle…qui impose que chacune de ces décisions soit scrutée, analysée et

critiquée161 … ». C’est en ce sens que peut se justifier la nécessité de notre développement qui

va suivre.

En matière de l’annulation de la sentence internationale, la fameuse affaire qui constitue

le cœur de la règle jurisprudentielle s’appelle Hilmarton, selon les termes de laquelle une

sentence internationale peut être reconnue malgré son annulation dans l’Etat du siège162. Cette

jurisprudence doit être prudemment commentée. Mais, l’ensemble des circonstances commande

de ne pas envisager que cette affaire, car d’autres argumentations de la part de la doctrine à

propos de l’annulation de la sentence sont également très intéressantes. Ces dernières méritent

d’être reproduites en termes assez concrets.

Pour la plupart des juristes français, le droit positif doit être compris dans le sens du rejet

systématique à l’encontre des décisions rendues par les juridictions étrangères portant sur la

régularité des sentences arbitrales. Mais, il est également à envisager les hypothèses inverses qui

sont favorables aux argumentations soutenant les jugements portant sur la régularité de la

sentence. Nous présenterons en détail ces arguments invoqués (Section 1).

Nous verrons de surcroît qu’à l’égard de la jurisprudence, la solution dégagée (section 2)

est favorable aux arguments de la reconnaissance des sentences annulées.

161 Thomas CLAY, « Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges : panorama 2005 », p. 3050. 162 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON; J.D.I. 3, 1994. p.701, note Emmanuel GAILLARD.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Section 1. Les arguments invoqués

En présence d’une problématique qui nécessite un choix, il est absolument normal qu’il

existe des différentes solutions à adopter. Certains prétendent adopter solutions positives alors

que d’autres préfèrent les solutions négatives.

Pour nous, l’annulation de la sentence exige de choisir entre la reconnaissance du

jugement d’annulation ou la reconnaissance au contraire de la sentence annulée. Quand bien

même que le droit positif jurisprudentiel adopte la possibilité de reconnaître la sentence annulée,

il n’est assurément pas inutile de rappeler les éléments pertinents en faveur du jugement

d’annulation.

Seront ainsi présentés les uns après les autres les arguments en faveur du jugement

d’annulation (§ 1) et les arguments en faveur de la sentence annulée (§ 2).

§ 1. Les arguments en faveur du jugement d’annulation

En premier lieu, pour mieux comprendre, on doit observer l’hypothèse dans laquelle la

même sentence est annulée dans un premier Etat et exécutée dans un second, une sentence

contraire est exécutée dans le premier Etat et ne pourra l’être dans le second ; quant à leur

exécution dans les Etats tiers, la solution sera fonction de la législation et de l’application de la

jurisprudence locale. Ce résultat du libéralisme va sans doute détruire l’harmonie internationale

des solutions (A). C’est dans le but de rechercher et de maintenir cette harmonie au niveau

international que l’on veut reconnaître le jugement d’annulation.

Pourtant, ce n’est pas, en second lieu, le seul argument avancé. Il existe un autre

argument au soutient de la décision étrangère d’annulation : il s'agit du respect des attentes

légitimes des parties (B) ; selon certains, le choix du siège par les parties démontre leur intention

de donner l’importance au contrôle qui pourra être opéré par les juridictions locales de ce siège.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

A. L’harmonie internationale des solutions

On doit reformuler le point de vue de manière suivante : la sentence nulle au regard de

l’ordre juridique du siège pourra se voir conférer une efficacité par celui du for requis. En

d’autres termes, la rupture de l’harmonie des solutions au niveau international résulte du fait que

le régime du libéralisme permet bien évidemment les divergences internationales quant à la

question de l’annulation de la sentence. On est alors abouti à une solution désastreuse. En effet,

la disharmonie et les inconvénients, que présente la méconnaissance de la position du siège

entraînent inévitablement des conséquences graves sur l’effet unificateur que recherche la

Convention de New York163.

En droit comparé, la reconnaissance possible d’une sentence annulée consacre une

véritable rupture d’égalité des armes entre les parties car l’inefficacité de la sentence dans son

Etat d’origine ne permet pas d’empêcher son bénéficiaire de « chercher à droite et à gauche »

une juridiction peu regardante164. Or, il suffira a priori que la sentence puisse être exécutée dans

n’importe quel Etat sur le territoire duquel le défendeur possède des avoirs… quand bien même

qu’elle soit ou non frappée d’inefficacité partout ailleurs.

Toutefois, cette opinion n’est pas à l’abri de toutes critiques. Parmi ces dernières, la plus

pertinente est celle qui postule que ce cas de disharmonie ne serait que le reflet d’une situation

banale en droit international privé. Nous pouvons raisonner à partir d’un exemple banal : un

mariage ou un divorce peut être tenu pour valable par un Etat et nul par un autre. Ce type de

raisonnement peut être appliqué en matière de la sentence ; ce qui n’empêche pas qu’une

sentence soit annulée dans un premier Etat, puis reconnue dans un second Etat. Ainsi, les

sentences arbitrales boiteuses ne sont que le reflet des divergences qui continuent d’exister dans

les différents ordres juridiques sur l’étendue du contrôle étatique165.

Mais, confronté à cet inconvénient, il est toujours préférable de combattre le risque d’une

divergence plutôt que de contribuer à sa réalisation166. L’harmonie des solutions est alors

souhaitable. Ce souhait constitue la raison pour laquelle des suggestions ont été pratiquement

163 Cass. 1re Civ., 10 mars 1993: Société Polish Ocean Line, Rev. Arb. 1993. No2, note D. HASCHER, p. 269. 164 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 263 165 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, J.D.I. 3, 1994, note Emmanuel GAILLARD, p.709. 166 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 276

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

faites dans le but de rendre encore plus efficace le contrôle sur les sentences167. Cette conception

des solutions harmonisées entretient cependant une relation avec la recherche du respect des

attentes des parties.

B. Le respect des attentes des parties

Qu’attendent les parties du recours à l’arbitrage international168 ? C’est généralement

parce qu’il s'agit d’une procédure simple, non coûteuse et rapide. Mais, théoriquement, le choix

de l’arbitrage se traduit par la volonté des parties qui s’exprime dans une convention d’arbitrage.

On constate souvent que cette liberté de choix portera notamment sur le choix du siège de

l’arbitrage. Cela signifie que les parties qui recourent à l’arbitrage prêtent la plus grande

attention à la fixation de son siège. En outre, il n’est pas exact que ce choix a été accidentel169.

Dans une hypothèse banale, il est certes que les parties souhaitent que soit finale leur

sentence. Mais encore, elles espèrent attacher de l’importance au contrôle qui pourra être opéré

par les juridictions locales170. En d’autres termes plus concrets, elles souhaitent avoir l’assurance

de la possibilité d’un contrôle juridictionnel de la régularité du processus arbitral, une fois celui-

ci conduit à son terme171. A ce propos, un auteur a ajouté qu’ « il ne faut pas perdre de vue que,

le plus souvent, le siège et, par conséquent, les autorité compétentes pour contrôler la sentence

sont choisis librement et d’un commun accord des parties… 172»

Ainsi, il serait juste de valoriser la décision du contrôle juridictionnel par le juge du

siège, quelle qu’en soit la solution – annulation ou validation de la sentence. On peut en tirer une

explication : c’est en ce sens qu’il serait contraire aux attentes légitimes des parties de ne pas

reconnaître les jugements d’annulation rendus dans son Etat d’origine.

167 Bruno LEURENT, « Réflexions sur l’efficacité internationale des sentences arbitrales », précité, p. 17. Pour arriver à une harmonie de solution, l’auteur a proposé deux idées : soit un contrôle réellement international de la validité de la sentence internationale, soit un contrôle continuant d’être exercé par le juge d’appui, c'est-à-dire le juge du siège ; c’est cette dernière proposition qui exprime l’idée de la reconnaissance du jugement d’annulation. 168 Bruno LEURENT, « Réflexions sur l’efficacité internationale des sentences arbitrales », précité, p. 04. 169 Idem, p. 4 et 5. 170 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 265 171 Bruno LEURENT, « Réflexions sur l’efficacité internationale des sentences arbitrales », précité, p. 05. 172 Jean-François POUDRET, « Quelle solution pour en finir avec l’affaire HILMARTON ? Réponse à Philippe FOUCHARD », Rev. Arb. 1998. No1, p. 12.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Cette argumentation n’est donc plus favorable à la sentence annulée. Mais, pour certains,

elle ne peut pas montrer son bien-fondé aux motifs que pratiquement le siège de l’arbitrage est

parfois déterminé par une institution d’arbitrage plutôt que par les litigants eux-mêmes. Ensuite,

même si ce choix résulte des parties, il est fréquemment le fruit d’une sélection hasardeuse173.

On peut légitimement penser à une autre hypothèse ; c’est le cas où la sentence peut être frappée

d’un appel devant les juges de l’Etat du siège. Les parties ignoreront la solution que peut retenir

ces juges d’appel (soit une solution infirmative, soit une autre confirmative). Il sera donc

illusoire de prétendre que leur choix puisse attester l’importance du recours au contrôle par le

juge du siège. Il ne serait pas, par ailleurs, surpris d’affirmer que les parties n’attendent pas

seulement la reconnaissance des jugements du siège, car la considération de l’étendue du

contrôle local a été étrangère au choix du siège174.

En l’absence de consensus à ce sujet, il aura évidemment intérêt d’approfondir l’examen

des arguments inverses qui sont en faveur de la sentence annulée.

§ 2. Les arguments en faveur de la sentence annulée

Les arguments en faveur de la reconnaissance de la sentence annulée sont de deux ordres.

Premièrement, il s'agit de l’intensité des intérêts respectifs des Etats, c'est-à-dire de l’Etat du

siège et de l’Etat requis (A). Deuxièmement, il s'agit de la supériorité du point de vue de l’ordre

juridique du for (B). Les éléments explicatifs méritent d’être présentés successivement pour en

éclairer la situation.

A. L’intensité des intérêts étatiques

Il découle de la confrontation des intérêts respectifs de chaque Etat. Tant l’Etat du siège

que l’Etat requis ont l’intérêt de procéder à un contrôle effectif sur la sentence. Mais, on se

demande en fait qui a le plus d’intérêt à contrôler la régularité de la sentence ?

173 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 266 174 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 275

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Pour l’Etat du siège, il n’a qu’un intérêt relativement théorique de ne pas cautionner une

activité qui ne serait pas conforme à ses conceptions du déroulement normal de la justice175. En

effet, avec les développements précédents, on a vu que l’arbitrage n’a pas à être considéré

comme la juridiction de l’Etat. Ainsi, lorsque l’Etat du siège n’encourt aucune responsabilité en

cas de l’irrégularité de l’arbitrage176, il a assurément intérêt ou avantage de contrôler cette

irrégularité de l’activité arbitrale qui est étrangère à son ordre juridique avant de la reconnaître

éventuellement.

Au contraire, l’Etat requis de l’exécution de la sentence a un intérêt très réel à s’assurer

de la conformité de la sentence à ses conditions propres177. En effet, la reconnaissance et

l’exequatur d’une sentence internationale lui permettent de bénéficier du soutient de la force

publique. Ainsi, c’est cet Etat où la reconnaissance a été demandée, qui a l’intérêt le plus fort à

contrôler. Il nous démontre que l’intérêt de l’Etat du siège s’épuiserait dans la possibilité de

refuser l’exécution à l’intérieur de ses propres frontières ; ce qui signifie qu’il n’est pas logique

de privilégier la solution donnée par l’Etat du siège qui est même étrangère au for de l’Etat

d’exécution !

B. La supériorité du point de vue de l’ordre juridique du for

Le for ici doit être étendu comme le for de l’Etat de la reconnaissance et non pas le for du

siège. Ainsi, si on s’en tient à demander la reconnaissance ou l’exequatur d’une sentence dans

un Etat donné, ce sont les critères de reconnaissance du for de cet Etat qui doivent être pris en

considération, et non pas les conditions du for de l’Etat du siège.

De cette manière, il convient d’assurer la primauté systématique des critères de

reconnaissance du for pour permettre la reconnaissance des sentences arbitrales « objectivement

bonnes » et de surcroît pour faire échec à une censure injustifiée178. En effet, selon M. Fouchard,

cette censure injustifiée peut trouver son origine dans beaucoup d’archaïsmes, beaucoup de

résistances ou beaucoup de méfiance de certains juges (du siège) à l’égard de l’arbitrage

175 Sylvain BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, précité, p. 267 176 Thomas CLAY, L’arbitre, précité, n° 261, p. 201. 177 Sylvain BOLLÉE, idem. 178 Sylvain BOLLÉE, idem.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

international179. Il serait donc souhaitable de limiter le pouvoir de nuisance des juges étatiques

qui persistent dans une hostilité excessive à l’égard de l’arbitrage international180.

Pour cette raison, on arrive à conclure à ce qu’il n’est pas légitime de réserver aux juges

d’un Etat le pouvoir d’anéantir dans le monde entier une sentence qui leur déplait181. En effet,

on ne veut pas risquer que les juges locaux prononcent une annulation partisane, c'est-à-dire en

favorisant, même involontairement, la partie ressortissante de son for. Par conséquent, si une

sentence internationale est à être soumise aux critères du contrôle de l’Etat requis de la

reconnaissance, il est normal d’admettre que son annulation dans l’Etat d’origine ne la fait pas

disparaître totalement dans la scène internationale. La suprématie du juge du lieu de l’arbitrage

sur les juges des pays de l’exécution de la sentence n’est plus absolue lorsqu’il annulait une

sentence.

Avant de finir, rappelons que tous les arguments invoqués tant ceux en faveur du

jugement d’annulation que ceux en faveur de la sentence arbitrale internationale annulées ne

sont que le résultat des idées doctrinales. La confrontation de ces arguments a fait susciter un

choix délicat. On va donc examiner la solution dégagée par la jurisprudence.

Section 2. La solution dégagée

La faculté d'accueillir dans l'ordre juridique français, aux conditions du droit commun,

une sentence annulée dans l'Etat d'origine résulte aujourd'hui d'une jurisprudence constante.

Droit d’essence jurisprudentielle, le droit de l’arbitrage impose que chacune des décisions soit

analysée et commentée. Mais chaque année, d’innombrables arrêts sont rendus en la matière. Il

faut donc faire un choix. Pour nous, quatre affaires sont jugées comme les plus importantes :

Norsolor (§ 1), Hilmarton (§ 2), Chromalloy (§ 3), et dernièrement Bechtel (§ 4). Lors du

développement, les spécificités et l’originalité de l’application de la règle par chacune des quatre

décisions démontreront que le choix n’est pas par hasard. 179 Philippe FOUCHARD, « La portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays d’origine », Rev. Arb. 1997. No3. p. 348. 180 Philippe FOUCHARD, idem. 181 Philippe FOUCHARD, idem.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

§ 1. L’affaire Norsolor

A. Le contenu de l’affaire

Il s'agit d’une célèbre affaire dont le point principal portait sur la détermination par

l’arbitre du droit applicable182. L’origine de l’affaire se trouvait dans un différend opposant une

société de droit français, Ugilor (ultérieurement devenue Norsolor) à une société de droit turc,

Pabalk Ticaret. Le différend portait sur deux points : d’abord, le refus par Ugilor de paiement de

commission du chef de ventes réalisées en Turquie en exécution d’un contrat de représentation,

et ensuite la dénonciation de ce contrat par cette même société Ugilor. Saisi de ce litige en vertu

de la clause compromissoire C.C.I., le tribunal arbitral se déroulant à Vienne a condamné par sa

sentence du 26 octobre 1979 la société Ugilor à payer une certaine somme de commissions à

Pabalk.

Confrontés à la question du droit applicable, les arbitres saisis avaient résolu de se référer

à la « lex mercatoria internationale » et s’étaient fondés sur le principe de bonne foi pour

condamner la société française. Cette sentence rendue en Autriche a, dans un premier temps, été

reconnue en Autriche et en France, mais elle a, dans un deuxième temps, été partiellement

annulée par la Cour d’appel de Vienne au motif que le tribunal arbitral avait dépassé sa mission

en ne déterminant pas le droit étatique applicable et en s’étant borné à se référer à la lex

mercatoria internationale, « droit mondial d’une validité incertaine ». La Cour d’appel de Paris

a, par son arrêt du 19 novembre 1982, rétracté l’ordonnance d’exequatur qui a été

précédemment prise et maintenue par le TGI Paris.

La Cassation a finalement tranché la question dans son arrêt du 9 octobre 1984183. Elle a

cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel en se fondant sur l’article VII de la Convention de

New York de 1958 selon lequel le juge ne peut pas refuser l’exequatur lorsque son droit national

l’autorise, et en vertu de l’article 12 du NCPC (le droit commun français), il droit vérifier dans

quelle mesure il peut exister cette autorisation.

182 Pour l’analyse des faits et des procédures la plus complète de l’affaire Norsolor, voir Berthold GOLDMAN, « Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria : L’affaire Norsolor », Rev. Arb. 1983. 183 Cass., 09 octobre 1984, Norsolor, Rev. Arb. 1985. p.431, note B. Goldman.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

B. Les apports de cette jurisprudence

La problématique juridique au cœur de cette affaire portait sur la juridicité d’un principe

général (le principe de la bonne foi) de la lex mercatoria contestée par une partie au litige qui

soutenait que les arbitres, bien que n’ayant pas reçu les pouvoirs d’amiables compositeurs,

s’étaient fondés non sur des règles de droit, mais sur l’équité. Donc, cette décision n’a pas eu

l’occasion de se prononcer sur la question des conditions de l’accueil, en droit commun français,

d’une sentence annulée dans son pays d’origine184.

Pourtant, la jurisprudence Norsolor a permis d’ouvrir le débat controversé sur le sort de

l’annulation de la sentence dans la mesure où la Cour de cassation a pu se prononcer sur

l’articulation des dispositions de l’article V 1 (e) de la Convention de New York qui dispose que

« la reconnaissance et l’exécution de la sentence ne seront refusées … que si … la sentence … a

été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel … la sentence a été

rendue » et l’article VII 1 qui ajoute précisément que « les dispositions de la présente

Convention … ne privent aucune partie intéressée du droit qu’elle pourrait avoir de se prévaloir

d’une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les traités

du pays où la sentence est invoquée ».

On peut légitimement en déduire que l’affaire Norsolor a ouvert la voie à la

reconnaissance en France d’une sentence annulée dans son pays d’origine, par consacrer la

primauté du principe général de l’article VII de la Convention de New York sur les situations

visées par l’article V. Ce principe de l’article VII signifie normalement qu’il autorise à la partie

qui recherche l’exécution d’une sentence rendue à l’étranger, à se fonder sur une législation plus

favorable, comme l’est le droit français.

Cette interprétation de l’application de la règle la plus favorable a été à plusieurs reprises

confirmée par la jurisprudence dans les arrêts ultérieurs185.

184 Emmanuel GAILLARD, « L’exécution des sentences des sentences annulées dans leur pays d’origine », J.D.I. 3, 1998. p. 650. 185 On peut citer par exemple l’arrêt assez connu sous le nom du Polish Ocean Line de Cass. Civ. 1re, 10 mars 1993 dans le Revue de l’arbitrage du 1993 sous la note de Dominique Hascher.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

§ 2. L’affaire Hilmarton

A. Le contenu de l’affaire

L'affaire Hilmarton186 est également bien connue des spécialistes de l'arbitrage

international. Son apport principal est que la reconnaissance en France d'une sentence annulée

dans son pays d'origine n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public

international. Par rapport à la jurisprudence Norsolor, cette affaire présente bien son originalité

du fait que la décision a affirmé l’absence d’intégration de la sentence internationale dans

l’ordre juridique de l’Etat sur le territoire duquel elle a été rendue. C’est cet arrêt qui a marqué le

plus grand retentissement de la jurisprudence française.

Il s'agit d’une sentence rendue le 19 août 1988 à Genève par l’arbitre unique. A l’origine,

la société anglaise Hilmarton ayant réclamé à la société française OTV des suppléments

d’honoraires contractuellement prévus pour ses interventions auprès des autorités algériennes en

vue de l’obtention d’un marché public en Algérie, un premier arbitrage CCI a rendu la sentence

du 19 août 1988 déboutant la demanderesse Hilmarton en se fondant sur la nullité du contrat

d’intermédiaire au motif que la loi algérienne prohibe, de manière absolue, la rémunération

d’intermédiaires étant qualifiée du trafic d’influence. A la demande de la société Hilmarton, la

Cour de justice de Genève a annulé le 17 novembre 1989 cette première sentence pour arbitraire

aux motifs que la violation de la loi algérienne ne choque pas les bonnes mœurs selon le droit

suisse. Cette décision a été maintenue par un arrêt du tribunal fédéral suisse rendu le 17 avril

1990.

Mais entre-temps, l’exequatur de cette première sentence a été prononcé, à l’initiative

d’OTV, par l’ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 27 février

1990. Cet exequatur a été confirmé par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 19 décembre

1991 qui s’est fondée sur l’article VII de la Convention pour retenir que « l’annulation de la

sentence en Suisse ne constitue pas un motif de refus d’exequatur, aux termes de l’article 1502

du NCPC. Le pourvoi en cassation a été formé ensuite par Hilmarton. La Cour de cassation a

rendu un arrêt célèbre qui s’appelle la jurisprudence Hilmarton 1187. Elle a jugé que « l’article

186 Pour l’analyse des circonstances de l’espèce de l’affaire Hilmarton, voir Vincent HEUZÉ, « La morale, l’arbitre et le juge », Rev. Arb. 1993. No2 ; 187 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON; Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, J.D.I. 3, 1994. p.701, note Emmanuel GAILLARD.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

VII de la Convention de New York permet à OTV de se prévaloir des règles françaises en

matière d’exequatur des sentences rendues à l’étranger » et que « l’article 1502 du NCPC ne

prévoit pas, au nombre des cas de refus d’exequatur de ces sentences, leur annulation dans leur

pays d’origine. Mais ce qui était pour la première fois très remarquable et parfois surprenant,

c’est l’affirmation par la Cour au soutien de sa décision : « La sentence redue en Suisse était une

sentence internationale qui n’était pas intégrée dans l’ordre juridique de cet Etat, de sorte que

son existence demeurait établie malgré son annulation et que sa reconnaissance n’était pas

contraire à l’ordre public international ».

L’affaire n’a pas encore pris fin. Sur la demande d’Hilmarton, la procédure d’arbitrage a

repris en Suisse, et un nouvel arbitre nommé a rendu une seconde sentence contraire le 10 avril

1992 qui condamne cette fois-ci OTV au paiement des honoraires réclamés. C’est là où est venu

le problème dès lors que Hilmarton a obtenu l’exequatur en France de l’arrêt du Tribunal suisse

et de la seconde sentence contraire. La Cour d’appel de Versailles les a même confirmés par

deux arrêts du 29 juin 1995.

En fin, la Cour de cassation a été invitée à se prononcer sur l’affaire. Elle a alors rendu le

10 juin 1997 un arrêt qui s’appelle Hilmarton 2 mettant fin au contentieux post-arbitral et au

désordre qu’il avait provoqué. Elle a cassé les deux arrêts de la Cour d’appel de Versailles en

statuant ainsi alors que « l’existence d’une décision française irrévocable portant sur le même

objet entre les décision judiciaire ou arbitrale rendue à l’étranger incompatible avec elle, la Cour

d’appel a violé la règle de l’autorité de la chose jugée consacrée par l’article 1351 du code civil

français188 ».

B. Les apports de cette jurisprudence

A l’issue de cette longue fameuse affaire, les deux sentences contraires ne peuvent pas

coexister. Seule la première décision ayant ordonnée l’exequatur de la première sentence a

subsisté dans l’ordre juridique français. Cette dernière s’est trouvée reconnue en France malgré

son annulation en Suisse. Selon M. Gaillard, le deuxième arrêt de la Cour a pleinement restauré

la cohérence de la jurisprudence française, qui avait paru un instant, incertaine.

188 Cass. 1re Civ., 10 juin 1997, Hilmarton, Rev. Arb. 1997. No3. p.376, note P. FOUCHARD.

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Page 62: Etude Doctrinale Et Jurisprudentielle Française Sur l'Annulation de La Sentence Rendue Dans Son Etat d'Origine

Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Plus précisément, ce n’était pas la Cour de cassation qui avait été confrontée directement

à la question de l’accueil de la sentence annulée. C’était en fait la Cour d'appel de Paris qui,

saisie d'un recours de la société Hilmarton contre l'ordonnance d'exequatur de la première

sentence du 19 août 1988, a été directement confrontée à la question de la reconnaissance en

France d'une sentence annulée dans son pays d'origine. Elle a jugé en application de l'article VII

de la Convention de New York que "le juge ne peut refuser l'exequatur lorsque son droit national

l'autorise" et a écarté, en conséquence, le grief fondé sur l'article V 1 (e) de cette convention.

Elle a ensuite constaté que l'article 1502 du nouveau Code de procédure civile ne prévoit pas,

parmi les cas de refus d'exequatur, le fait que la sentence ait été annulée dans son pays d'origine.

Elle a enfin ajouté - et c'est l'apport principal de l'arrêt - que la reconnaissance en France d'une

sentence annulée dans son pays d'origine n'était pas contraire à la conception française de l'ordre

public international.

Par un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation n’a fait qu’approuver cette solution,

au motif que la sentence en question était "une sentence internationale qui n'était pas intégrée

dans l'ordre juridique [suisse], de sorte que son existence demeurait, établie malgré son

annulation et que sa reconnaissance en France n'était pas contraire à l'ordre public international".

Si ce motif pouvait toutefois laisser subsister quelques incertitudes sur les conditions précises de

l'accueil en droit français des sentences annulées dans son pays d'origine, en particulier sur la

question de savoir si une telle reconnaissance était possible chaque fois que la sentence pouvait

être qualifiée de sentence internationale par le droit français, il n'en demeurait pas moins que cet

arrêt confirmait la solution esquissée par l'arrêt Norsolor, en acceptant la reconnaissance en

France d'une sentence annulée au siège de l'arbitrage.

§ 3. L’affaire Chromalloy

A. Le contenu de l’affaire

Cette troisième affaire était connue surtout pour ses développements judiciaires aux

Etats-Unis189. Le litige trouvait son origine dans un contrat d’approvisionnement militaire

conclu en 1988 entre la République arabe d’Egypte (Armée de l’Air) et une société américaine 189 Emmanuel GAILLARD, « L’exécution des sentences des sentences annulées dans leur pays d’origine », J.D.I. 3, 1998. p. 653 ; voir également C.A Paris, 14 janvier 1997 : Chromalloy, Rev. Arb. 1997. No3. p.395, note P. FOUCHARD.

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Page 63: Etude Doctrinale Et Jurisprudentielle Française Sur l'Annulation de La Sentence Rendue Dans Son Etat d'Origine

Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Chromalloy (Aero Services) qui a été résilié par l’Egypte en 1991. Dans cette affaire la sentence

arbitrale internationale a été rendue le 24 août 1994 en faveur de la société américaine

Chromalloy en condamnant l’Etat égyptien à lui payer diverses sommes. La sentence en cause a

été reconnue aux Etats-Unis le 31 juillet 1996 et a été annulée par les juridictions égyptiennes le

5 décembre 1995, juste peu avant sa reconnaissance.

L’annulation de la sentence par la Cour d’appel de Caire avait pour fondement juridique

l’article 51 (1) de la loi égyptienne du 1994 pour lequel l’action en annulation est recevable « si

la sentence arbitrale a écarté l’application au fond du litige de la loi convenue par les parties »,

car elle a constaté que les arbitres auraient dû appliquer le droit administratif, et non le droit civil

égyptien. En revanche le Tribunal du District de Columbia des Etats-Unis a reconnu et déclaré

exécutoire la sentence par son jugement du 31 juillet 1996 aux motifs qu’en vertu de l’article

VII de la Convention et en application du droit américain, on « ne permet pas au juge de

l’exequatur de rejeter une sentence qui aurait commis au pire une erreur de droit ».

Plus intéressant encore, cette sentence a fait l’objet d’une procédure d’exequatur en

France. Par un arrêt du 14 janvier 1997, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance

d’exequatur du 4 mai 1995 en dépit de l’annulation de la sentence dans l’Etat égyptien.

B. Les apports de cette jurisprudence

L’analyse sur la solution dans l’affaire Chromalloy montre, ce qui la caractérise, que

l’effet international d’une sentence arbitrale annulée n’est pas une question spécifiquement

française. Cette solution ne peut pas être retenue certes, dans les pays où l’on a fait de cette

annulation un cas de refus de l’exequatur à l’étranger ; il en va ainsi par exemple dans la loi

fédérale suisse du 18 décembre 1987, art. 194 ou c’est encore le cas de l'article 840 du Code de

procédure civile italien, dans sa rédaction de la loi du 5 janvier 1994, reproduit exactement la

liste des griefs de l'article V de la Convention de New York. En revanche, la question se pose

dans tous les autres pays qui restent les plus nombreux190.

190 Philippe FOUCHARD, « La portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays d’origine », précité, p. 342 ; on verra ultérieurement qu’il existe de puissantes critiques à l’encontre de cette affirmation par Philippe FOUCHARD, qui, lui-même, n’a donné aucune indication sur les pays qui ont adopté cette solution ; on verra également dans l’affaire Bechtel – commentée ci-dessous – la juridiction américaine ne constitue pas davantage l’appui de cette affirmation.

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Page 64: Etude Doctrinale Et Jurisprudentielle Française Sur l'Annulation de La Sentence Rendue Dans Son Etat d'Origine

Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Quant à la position de la Cour d’appel, elle n’a que résumé, mais parfaitement, la règle

jurisprudentielle française en la matière. Il faut donc raisonner comme elle l’a fait à partir de ce

que premièrement « le juge français ne peut refuser l'exequatur que dans les cas prévus et

limitativement énumérés par l'article 1502 du nouveau Code de procédure civile qui constitue

son droit national en la matière et dont la société Chromalloy est dès lors fondée à se prévaloir »,

et deuxièmement que « cet article 1502 du nouveau Code de procédure civile ne retient pas au

nombre des cas de refus de reconnaissance et d'exécution celui prévu par l'article V de la

Convention de 1958 dont l'application doit en conséquence être écarté » et finalement que « la

sentence rendue en Egypte était une sentence internationale qui par définition n'était pas intégrée

à l'ordre juridique de cet Etat de sorte que son existence est demeurée établie malgré son

annulation et que sa reconnaissance en France n'est pas contraire à l'ordre public international ».

§ 4. L’affaire Bechtel

A. Le contenu de l’affaire

Une sentence arbitrale a été le 20 février 2002 rendue à Dubaï dans un litige opposant la

Direction générale de l’aviation civile de l’Emirat de Dubaï à la société de droit panaméen

Bechtel condamnant la première à verser l’équivalent de 27 millions de dollars à la seconde. Les

deux étaient liées par le contrat principal, conclu le 30 mars 1992 ayant pour objet des services

de gestion de projet pour un parc d’attraction à Dubaï.

Cette sentence a fait l’objet d’une ordonnance d’exequatur du Président du Tribunal de

grande instance de Paris. L’exécution a été également demandée aux Etats-Unis. Pendant ce

temps, elle a par contre été annulée par les juridictions de Dubaï au motif que les témoins n’ont

pas prêté serment lorsqu’ils ont été entendus par le tribunal arbitral. La Cour de cassation de

Dubaï a confirmé la nullité de la sentence par l’arrêt du 15 mai 2004.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Finalement, la Cour fédérale du District de Columbia a, par décision du 8 mars 2005

rejeté la demande d’exécution de la sentence, motif tiré de l’annulation ainsi prononcée.

Inversement, la Cour d’appel de Paris a pour sa part confirmé l’ordonnance d’exequatur191.

B. Les apports de cette jurisprudence

Quant à la question des conditions de la reconnaissance, la Cour d’appel ne s’est pas

précisée sur ce point. Il ne s'agit pas d’une décision qui a repris les multiples arguments

favorables à la jurisprudence Hilmarton. Il s'agit plutôt d’une affaire qui a illustré à merveille les

bonnes raisons d’approuver la jurisprudence Hilmarton, et donc les mauvaises raisons de la

critiquer192. Le point remarquable se trouve dans l’affirmation par la Cour d’appel selon laquelle

« les principes fondamentaux de l’arbitrage en France poursuivent l’élimination des obstacles à

la circulation internationale des sentences en n’érigeant pas l’annulation de la sentence dans

l’Etat d’origine en cause de refus d’exequatur ».

Cependant, il ne s’agit pas d’un simple arrêt d’espèce. Une observation doit être

attentivement signalée à ce que la solution prise en France ne fût pas identique à celle prise aux

Etats-Unis. Ce cas de figure est particulièrement contraire au cas, précédemment commentée

dans l’affaire Chromalloy, où la solution prise par la Cour du District de Columbia avait été en

faveur de la reconnaissance en dépit de son annulation en Egypte.

Il n’y a pas lieu de revenir sur le détail de cette affaire. Il est juste besoin d’admettre que

le refus de tenir compte de la décision d’annulation prise par les juridictions égyptiennes (dans

l’affaire Chromalloy) se serait expliqué non pas par une quelconque autonomie de la sentence

par rapport à l’ordre juridique local. Il a dû s’expliquer par le fait qu’en répudiant son

engagement de ne pas contester la sentence, l’Etat égyptien, partie à la clause d’arbitrage en

même temps que pourvoyeur de la décision de nullité, s’était en quelque sorte disqualifié du

bénéfice de l’accueil qu’aurait réservé le Comity à l’égard des décisions étrangères193.

Désormais dépourvue de l’appui de la jurisprudence Chromalloy, la solution française dans

191 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. Arb. 2006. No3. p.695, note H. MUIR WATT., D. 2005. Pan. 3063. par Thomas Clay. ; Rev. crit. DIP. 2006. 387, note Alexandra SZEKELY. 192 D. 2005. Pan. 3063. par Thomas Clay. 193 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. Arb. 2006. No3. note H. MUIR WATT, p. 702.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

l’affaire Hilmarton tend à accentuer son autonomie et son isolement sur la scène internationale

de l’arbitrage.

Pour faire une petite conclusion sur la règle jurisprudentielle française, force est de

constater que la solution ainsi dégagée a bien marqué le caractère autonome et l’originalité du

droit français. La règle sur la question de la reconnaissance des sentences annulées dans leur

pays d'origine est très fermement établie : l'annulation d'une sentence dans le pays dans lequel

elle a été rendue ne constitue pas, en elle-même, une cause de refus d'exequatur de cette

sentence en France. En effet, cette sentence internationale n’est pas intégrée dans l’ordre du

siège. Elle peut être reconnue sous réserve de l’ordre public international. On sait certes que

cette règle jurisprudentielle ne plaît pas à tout le monde. Chacun des auteurs l’apprécie

différemment selon sa manière.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Chapitre 2 Les appréciations de la solution française

On est ici abouti à notre ultime étape de la recherche d’une solution à la question de

l’annulation de la sentence arbitrale internationale. Il est clair que les juristes doivent prendre en

considération les concepts doctrinaux pour supporter leur réflexion sur la règle de la

jurisprudence. De surplus, cette dernière ne peut pas non plus ignorer la doctrine qui est sa

source d’inspiration. On voit par là une relation principale et nécessaire qu’entretiennent la

doctrine et la jurisprudence.

Si les quatre décisions analysées permettent bien de suivre l’élaboration de la règle

française en matière de la reconnaissance et de l’exécution des sentences, notre développement

ci-dessus n’a exprimé qu’apparemment la règle établie. Il n’est assurément pas inutile de

l’examiner pour en faire sortir une portée générale (Section 1). Celle-ci permettra aux juristes de

l’évaluer en tant que règle jurisprudentielle du droit positif quant à la reconnaissance de la

sentence (section 2).

Section 1. La portée de la solution

Les juridictions françaises et les législateurs ont voulu que l’annulation d’une sentence

par le juge du pays de l’arbitrage, ou par le juge du pays d’après la loi duquel la sentence a été

rendue, n’ait pas d’effet en France. L’objectif poursuivi est simple : c’est parce qu’ils

soupçonnent l’annulation de la sentence par le juge du lieu de l’arbitrage d’être étroitement liée

aux particularismes nationaux, c'est-à-dire aux particularismes de la loi étatique du siège de

l’arbitrage. C’est en ce sens que l’article 1502 du NCPC n’a pas fait de l’annulation de la

sentence par le juge du siège un cas de refus d’exequatur.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

La jurisprudence s’est appuyée sur cette conception pour dégager la règle selon laquelle

une sentence annulée peut être reconnue, si cette reconnaissance n’est pas contraire à l’ordre

public international. Cette portée de la règle appelle néanmoins deux précisions, l’une sur le sort

des sentences rendues (§ 1), et l’autre sur la conception française de l’ordre public international

(§ 2).

§ 1. Le sort des sentences rendues

Nous verrons que la règle de la reconnaissance d’une sentence n’a pas de caractère

automatique (A). En effet, cette règle connaît des limites à son domaine d’application (B).

A. La possibilité d’une sentence d’être reconnue

Cette jurisprudence assure une cohérence aux systèmes nationaux de l’arbitrage

international. Le même statut est réservé à tous les jugements étrangers, qu’ils valident ou qu’ils

annulent la sentence. De surcroît, elle permet de réserver le même traitement, dans chaque pays,

aux sentences rendues à l’étranger et aux sentences rendues dans ce pays, qu’il s'agisse d’une

demande d’exécution ou qu’il s’agisse d’une demande d’annulation. En effet, il ne faut pas

perdre de vue que le jugement du pays du siège de l’arbitrage rejetant le recours en annulation

de la sentence n’interdit pas aux juges étrangers d’exercer en toute souveraineté leur contrôle sur

la sentence qu’on leur demande d’accueillir dans leur ordre juridique194. L’arrêt rendu par la

Cour d’appel dans l’affaire Bechtel constitue un bon exemple de l’assimilation des décisions

rendues à la suite d’une procédure d’annulation à des décisions d’exécution, qui effectivement

« ne produisent pas d’effets internationaux car elles ne concernent qu’une souveraineté

déterminée sur le territoire où elle s’exerce »195.

Il est juste de réserver au juge d’accueil le pouvoir contrôler la sentence avant de lui

accorder l’ordonnance d’exequatur. C’est à partir de ce raisonnement que l’on explique qu’une

sentence internationale annulée - même non intégrée à l’ordre juridique du siège - n’est pas

automatiquement reconnue en France puisque le juge dispose toujours du pouvoir de la rejeter 194 Philippe FOUCHARD, « La portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays d’origine », précité, p. 345. 195 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. crit. DIP. 2006. 387, note Alexandra SZEKELY. P . 399.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

sur le fondement de l’ordre public international. L’ordre public international est alors devenu le

seul instrument pour limiter la reconnaissance de la sentence internationale.

Quant aux raisons de l’annulation de la sentence, on voit qu’elles sont indifférentes à

l’égard de la procédure de la reconnaissance. Il n’y a pas lieu de distinguer, dans l’application de

la jurisprudence Norsolor - Hilmarton, selon les raisons pour lesquelles l’annulation de la

sentence est intervenue au lieu du siège de l’arbitrage196. Alors ces raisons ne peuvent pas faire

obstacle à la reconnaissance et l’exécution de la sentence, car le contrôle sera exercé a posteriori

sur la validité de la sentence non pas selon les conditions légales du siège de l’arbitrage, mais

plus exactement selon les conditions prévues par le for du siège de la reconnaissance197.

Il faut admettre, selon M. Gaillard, que la divergence de vues entre l’ordre juridique de

l’Etat d’accueil et l’Etat d’origine de la sentence peut résulter de plusieurs situations

différentes198. La première est celle dans laquelle la liste des causes d’annulation ou de refus de

reconnaissance de l’Etat d’origine est plus large que celle de l’Etat d’accueil. Tel est le cas par

exemple en Suisse avant l’entrée en vigueur de la LDIP en 1987 par rapport au droit français qui

a limité de manière radicale les causes de l’annulation.

La seconde situation susceptible de soulever la question de la reconnaissance dans un

autre Etat d’une sentence annulée au siège est celle de l’application divergente des mêmes

critères d’annulation ou de refus de reconnaissance des sentences. Cela signifie qu’un seul cas

peut être qualifié différemment selon les juges de chaque Etat. Par exemple, dans l’affaire

Norsolor, l’application des règles transnationales par les arbitres été considérée par la Cour

d’appel de Vienne comme dépassement de leur mission, à la différence du juge français qui a

refusé de considérer que cette situation tombait sous le coup de cette cause de nullité199.

Finalement, on pourrait conclure à ce que la possibilité d’une sentence d’être reconnue par l’Etat

d’accueil selon la règle française ne soit pas troublée par les différents motifs d’annulation. 196 Pour avoir une approche plus claire, dans une autre optique, sur les effets de la nullité, consultez l’article de Bertrand MOREAU, « Les effets de la nullité de la sentence arbitrale », in Etudes offertes à Pierre BELLET, Litec, 1991, p. 403. 197 Par exemple, en France, ce sera l’article 1502 NCPC, qui prévoit comme cause de nullité « 1. la nullité ou l’expiration de la convention d’arbitrage, 2. l’irrégularité dans la nomination des arbitres, 3. le non-respect de la mission, 4. le non-respect du contradictoire, et 5. la violation de l’ordre public ». 198 Emmanuel GAILLARD, « L’exécution des sentences des sentences annulées dans leur pays d’origine », précité, p. 657. 199 Dans l’affaire Norsolor, le juge a retenu que les arbitres, en appliquant « les principes généraux des obligations généralement applicables dans le commerce international », avaient statué en droit conformément à leur mission.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

B. Les limites à la reconnaissance

Envisageons ensuite deux hypothèses qui peuvent limiter la règle selon laquelle une

sentence annulée peut être reconnue. Par ces limites, nous verrons qu’il existe des sentences

annulées dans l’Etat du siège qui ne peuvent pas être reconnues en France, soit parce qu’elle est

une deuxième sentence dont le contenu est l’exact contraire de la première sentence, soit parce

que sa nature ne lui permet pas de bénéficier de cette règle.

Premièrement, précisons sur le sort de la deuxième sentence rendue. A la suite de

l’annulation d’une sentence par les juridictions du siège de l’arbitrage, la procédure suivra

parfois son cours dans cet Etat. Une deuxième sentence pourra en résulter même si le demandeur

de l’annulation peut penser, à tort, que la première n’existe plus. Cette anomalie ne s’est pas

présentée dans l’affaire Norsolor ou Chromalloy ou Bechtel. Cependant, c’est exactement le cas

dans l’affaire Hilmarton 1 et Hilmarton 2, dont deux sentences contraires ont été rendues

successivement par deux différents arbitres. On n’aura pas à expliquer encore une fois le sort de

la première sentence. Mais, on aura intérêt de se demander du sort de la seconde.

A la suite de l’annulation par la Cour de justice du Canton de Genève de la sentence du

19 août 1988, une seconde sentence a été rendue, en sens contraire, le 10 avril 1992. Il existe

alors trois décisions dans l’affaire : les deux sentences contraires, et une décision d’annulation

par l’Etat d’origine. Celles-ci ont fait l’objet de la demande de reconnaissance et d’exécution

devant le juge français. La logique commande que si on reconnaît la première sentence, la

deuxième et la décision d’annulation ne peuvent plus être reconnues. Au contraire, si ces

dernières ont également été reconnues, ce serait le chaos, car deux solutions inconciliables

coexistent.

Avec surprise, la Cour d’appel de Versailles a accordé également l’exequatur à la

seconde sentence, en se basant sur le principe selon lequel une (seconde) sentence peut être

reconnue si sa reconnaissance n’est pas contraire à l’ordre public international200. Finalement, la

Cour de cassation a mis un terme à cette situation absurde en cassant les deux arrêts de la Cour

de Versailles. La formule est claire : « l’existence d’une décision française irrévocable portant

sur le même objet entre les mêmes parties faisait obstacle à toute reconnaissance en France de 200 C.A Versailles du 29 juin 1995.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

décision judiciaire ou arbitrale rendue à l’étranger incompatible avec elle201 ». Cela pose donc

une limite à la règle de la reconnaissance d’une sentence annulée : la deuxième sentence ne

pourra être reconnue si la première l’a été.

Une autre limite vient du fait que certaines sentences ne peuvent pas bénéficier de cette

règle. Rappelons les termes retenus par la Cour de cassation dans l’affaire Norsolor :

l’inexistence de la sentence résultant de son annulation « ne pourrait être admise si l’annulation

frappait dans le pays où elle a été rendue, une sentence internationale, car celle-ci n’est pas

intégrée dans l’ordre juridique du pays de sa localisation géographique202 ». Dans l’affaire

Hilmarton, elle ajoute que « la sentence rendue (en Suisse) était une sentence internationale qui

n’était pas intégrée dans l’ordre juridique de cet Etat, de sorte que son existence demeurait

établie malgré son annulation et que sa reconnaissance en France n’était pas contraire à l’ordre

public international203 ».

De cette limite, on peut déduire que seules les sentences internationales peuvent

bénéficier de cette règle jurisprudentielle. Des sentences purement internes, parce que rendues

dans des situations internes à un Etat donné, entre les parties internes relevant de cet Etat et sur

un objet affectant exclusivement le commerce dans cet Etat, seront intégrées dans l’ordre interne

de cet Etat. Elles se voient alors opposer le fait que leur annulation les prive de toute existence

légale204.

§ 2. La conception française de l’ordre public international

Parmi les cinq cas prévus par l’article 1502 du NCPC, figure l’ordre public international

comme une condition nécessaire pour la reconnaissance d’une sentence internationale. Il est

devenu obligatoire que, pour être reconnue, l’exécution de la sentence ne doit pas être contraire

à l’ordre public international de l’Etat du siège (B). Dans cette optique, le contrôle de la

régularité de la sentence est devenu l’instrument important liant l’ordre public à l’arbitrage

international (A).

201 Cass. 1re Civ., 10 juin 1997, Hilmarton, J.D.I. 1997. p. 1033, note Emmanuel GAILLARD. 202 Berthold GOLDMAN, « Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria : L’affaire Norsolor », précité, p. 391. 203 Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON; J.D.I. 3, 1994. p.701, note Emmanuel GAILLARD. 204 Emmanuel GAILLARD, « L’exécution des sentences des sentences annulées dans leur pays d’origine », précité, p. 660.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

A. Le lien principal entre l’ordre public et l’arbitrage international

Le lien entre l’ordre public et l’arbitrage international ne peut se comprendre que de

manière très vague. L’étude approfondie et d’ensemble sur ce sujet est alors jugée, à notre

propos, difficile à effectuer. En réalité, l’ordre public et l’arbitrage international entretiennent

des relations complexes. Pour cela, une étude particulière sur le contrôle des sentences n’est pas

dépourvue d’intérêts car cette question de la conformité de la sentence à l’ordre public est

d’actualité dans la mesure où l’admission de l’arbitrabilité des litiges mettant en jeu l’ordre

public reporte le contrôle au stade de l’examen de la sentence205.

Au stade du contrôle de la sentence, il s’agit d’une phase post-arbitrale dans laquelle le

juge étatique joue un rôle essentiel dans le contrôle des sentences et il est à noter que la mission

de l’arbitre s’est déjà achevée depuis que sa sentence était rendue206. Mais, en vertu du principe

« compétence-compétence », ce n’est qu’a posteriori que les juridictions étatiques contrôlent

une sentence sur la compétence ou vérifient si le tribunal arbitral a bien respecté les limites de sa

mission. Ainsi, il est également important de souligner que la question du contrôle sur les

sentences ne porte pas sur la question de révision au fond du litige.

Dans notre contexte, l’apparition de l’ordre public se trouve dans l’article 1502°5 du

NCPC qui accorde la faculté au juge étatique de remettre en cause la sentence lorsqu’il ne peut

écarter celle-ci pour un autre motif207. Il ne s'agit pas pour lui d’un devoir mais d’une faculté de

reconnaître ou de ne pas reconnaître la sentence. Ainsi, l’efficacité de la sentence dépend

principalement de l’ordre public puisque l’arbitre international n’est rattaché à aucun for

étatique. Cette liberté de l’arbitre est particulièrement limitée car les juges, appelés à se

prononcer sur l’efficacité de la sentence vérifieront l’usage que l’arbitre aura fait da sa liberté,

compte tenu de leur ordre public international en matière d’arbitrage208. En l’application à notre

matière, la sentence annulée dans le pays d’origine doit se conformer à l’ordre public

international de l’Etat d’accueil afin de bénéficier de la règle de la reconnaissance.

205 Jean-Baptiste Racine, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, LGDJ, 1999. p. 436. 206 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, cours D. précité p. 439. 207 Jean-Baptiste Racine, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, précité, p. 441. 208 Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, « Ordre public international », Fasc. 534-2, J-CL éditions techniques 1992. p. 10.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

B. La conformité obligatoire à l’ordre public de l’Etat d’accueil

Il faut déterminer à quel ordre public doit se conformer la sentence. C’est l’ordre public

de l’Etat d’accueil où la reconnaissance est demandée que la sentence annulée doive se

conformer. La formule de la Cour de cassation dans l’affaire Hilmarton – ‘‘que sa

reconnaissance en France n’était pas contraire à l’ordre public international’’ – nécessite une

interprétation sur l’ordre public. Il faut alors préciser ce qu’on entend par l’ordre public

international car la violation doit être non simplement celle de l’ordre public interne, mais celle

de l’ordre public international209.

Dans une première hypothèse, il convient de retenir l’ordre public international du for

requis. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris210 a été rendu à ce propos. La solution était claire ;

la violation de l’ordre public étatique n’entraîne pas automatiquement une contrariété à l’ordre

public international du for. Il faut constater donc que l’ordre public international du for est lui-

même atteint. Si la sentence introduite en France ne touche qu’aux intérêts d’un seul pays

étranger, on admettra que l’ordre public interne français n’a pas non plus à intervenir. Le juge

français ne considérera que l’ordre public international211. Pour nous, cet ordre public

international est l’ordre public international français212 qui se traduit par l’ensemble des règles et

des valeurs dont l’ordre juridique français ne peut souffrir la méconnaissance, même dans les

matières internationales213.

Cependant, dans une seconde hypothèse, faut-il entendre par là l’ordre public

transnational ou réellement international ? La réponse est discutable. D’une part, l’existence de

cet ordre public transnational (ou réellement international) est très controversée. De l’autre, pour

certains, il serait suffisant pour le juge du contrôle de se référer aux règles d’ordre public

international du for, qui protègent normalement les valeurs universelles, et partant, le rejet de

l’ordre public transnational s’impose au juge214.

209 27 mai 2003, RTD com 2004. 261, obs. Loquin. 210 C.A Paris, 20 juin 1996 : Rev. Arb. 1996.657, note D. Bureau. 211 Jean-Baptiste Racine, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, précité, p. 447. 212 Cass. 1re Civ., 15 mars 1988, Rev. arb. 1990.115 note Idot. 213 C.A Paris, 14 juin 2001: Rev. Arb. 2001.773, note Seraglini ; Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, précité. p. 969. 214 Jean-Baptiste Racine, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, précité, p. 473.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

La réponse serait positive ; le juge d’accueil devrait prendre en considération les règles

d’ordre public transnational. En effet, même si la notion était controversée, sa réalité par contre

ne prête plus à des discussions. Nous pouvons raisonner à partir de ce que la référence à l’ordre

public réellement international est de plus en plus pratiquée par les arbitres et les juges du

contrôle215. Cette référence à l’ordre public transnational peut se justifier dans cette hypothèse

par les besoins et les caractères spécifiques de l’arbitrage international.

Section 2. L’état actuel du droit français quant à la reconnaissance

Il n’en demeure pas moins que cette solution selon laquelle une sentence internationale

annulée peut être reconnue si elle n’est pas contraire à l’ordre public international appelle de

vives critiques (§ 1). Récemment, une partie de la doctrine considère même que la règle

française quant à la reconnaissance de la sentence annulée dans le pays d’origine contribue à la

thèse française de l’autonomie de la sentence arbitrale internationale (§ 2).

§ 1. Les appréciations critiques

MM. Philippe FOUCHARD et Emmanuel GAILLARD ont dressé des tableaux des

arguments critiques à l’encontre de cette solution retenue par la juridiction française. Elle a été

critiquée dans plusieurs points de vue : du côté de la volonté présumée et de l’attente des parties,

du côté de l’harmonie des solutions… du côté des sentences flottantes (des sentences boiteuses),

etc. Mais, les deux professeurs sont plutôt pour la solution retenue par le juge français.

On observe par là que ces dites critiques ont été relevées dans notre développement plus

haut qui précède la section de la solution dégagée. On ne va donc pas les développer davantage

pour ne pas répéter les éléments déjà expliqués. En revanche, on insistera sur quelques points

spécifiques, particulièrement intéressants. Ce sont les critiques résultant de l’interprétation des

conventions internationales (A), de la recherche de neutralité (B) qui restent à aborder.

215 Christophe Seraglini, Lois de police et justice arbitrale internationale, Dalloz, 2001. pp. 154 et 156.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

A. L’interprétation des textes des conventions internationales

Deux conventions internationales ont été principalement invoquées pour alimenter le

débat. Il s'agit de la Convention de New York216 et de la Convention de Genève217. On va

examiner, l’une après l’autre, les deux conventions.

S’agissant de la Convention de New York, ce sont les article V 1 (e) et VII qui ont été

constatés et interprétés différemment.

L’argument pour critiquer la solution Norsolor – Hilmarton se base sur l’interprétation

de la version française du texte de l’article V-1 (e) selon lequel « la reconnaissance et

l’exécution de la sentence ne seront refusées … que si … la sentence a été annulée ou suspendue

par une autorité compétente du pays (du siège) …». La lecture de cet article ne permet pas de

douter qu’il existe une obligation pour le juge de refuser de reconnaître de telles sentences

annulées. Ainsi, en application de cet article, le juge devrait rejeter la demande de la

reconnaissance et de l’exécution formulée à l’encontre d’une sentence annulée dans le pays

d’origine. La solution dégagée de la jurisprudence française serait, par hypothèse, contraire à

l’esprit du texte.

Pourtant, l’ambiguïté existe dans la version anglaise de ce même article qui dispose que

« Recognition and enforcement of the award may be refused … only if…». Le « may be refused

only if… » permet une interprétation différente car il s'agit juste d’une faculté pour le juge et

non pas d’une obligation. Cela laisse la marge d’appréciation au juge national quant à la

demande de reconnaissance. En l’application de cette version, la jurisprudence Norsolor –

Hilmarton pourrait se justifier facilement.

S’agit-il d’une obligation ou d’une simple faculté pour le juge ? Pour mettre fin à débat,

l’interprétation de l’article VII est nécessaire. « Les dispositions de la présente Convention… ne

privent aucune partie intéressée du droit qu’elle pourrait avoir de se prévaloir d’une sentence

arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation…invoquée ». Personne ne

conteste l’interprétation de cet article dans le sens de la « permission de la règle la plus favorable 216 La Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences étrangères, conclue à New York le 10 juin 1958. 217 La Convention européenne sur l’arbitrage commercial international, conclue à Genève le 21 avril 1961.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

à l’exécution de la sentence ». Il en résulte que le juge national dispose d’une faculté de

reconnaissance et non pas d’une obligation imposée par les cas énumérés dans l’article V. Dans

cette optique, la solution française peut néanmoins se justifier.

En ce qui concerne la Convention de Genève, c’est son article IX qui a été remis en

cause. Cet article prévoit que « l’annulation dans un Etat contractant d’une sentence arbitrale

régie par la présente Convention ne constituera une cause de reconnaissance que si cette

annulation … ». Bien qu’elle ne traite que de manière indirecte et très fragmentaire de la

question de la reconnaissance et de l’exécution des sentences, la Convention de Genève

constitue sur ce plan un apport essentiel, intéressant nos développements. On peut en effet,

déceler dans son article IX un signe, certes discret et d’une portée d’autant plus limité que la

règle posée ne joue qu’entre les Etats liés par la Convention.

Pour cela, l’apport de la Convention de Genève tient surtout au fait que l’annulation dans

l’Etat d’origine ne peut être une cause de refus de reconnaissance que si cette annulation est

fondée sur une de ces quatre causes : incapacité ou plus généralement invalidité de la convention

d’arbitrage ; violation du principe du contradictoire ; dépassement par les arbitres de limites de

la convention d’arbitrage ; ou la méconnaissance de la volonté des parties (ou à défaut, de l’art.

IV de la Convention européenne). Il faut rappeler que les quatre causes prévues dans cet article

sont identiques à celles prévues dans l’article V-1 de la Convention de New York. C’est pour

cette raison que selon le professeur Gaillard, cette précision n’apporte pas grand-chose au débat

sur le sens du « may be refused/ne seront refusé » de la Convention de New York. La

Convention a choisi de limiter l’efficacité internationale de toutes les autres causes d’annulation

que celles qu’elle définit.

Avant de finir ce débat, il convient de préciser un point important. La Convention de

Genève n’était pas applicable dans les affaires Norsolor et Hilmarton, compte tenu de la

résidence habituelle du siège des parties218. C’est à juste titre que le professeur Gaillard affirme

qu’il serait paradoxal de reconnaître les causes d’annulation non conformes à la Convention de

218 Voir Convention Genève dans son article I. 1.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Genève dans les cas où elle n’est pas applicable, et de ne pas les reconnaître lorsqu’elle

s’applique compte tenu de la résidence ou du siège des parties à la convention d’arbitrage219.

B. La recherche de la neutralité

M. J-F Poudret est en quelque sorte, l’adversaire de la solution dégagée de la

jurisprudence Hilmarton. Pour la contester, il a remarqué le postulat que le plus souvent, le

siège, et par conséquent, les autorités compétentes pour contrôler la sentence sont choisis

librement et d’un comment accord des parties, contrairement au lieu d’exécution qui coïncide en

principe avec le domicile de la partie condamnée. Il en a tiré une conclusion qui n’est pas à nos

yeux très convaincante : le danger, selon lui, nous paraît dès lors (bien plus grand) que les

autorités de ce pays refusent l’exequatur à l’égard de leur ressortissant220. On constate toutefois

qu’il a utilisé la solution dans l’affaire Hilmarton 2 pour supporter cette conclusion, en disant

que la Cour de cassation a refusé de reconnaître la deuxième sentence en faveur de la société

française OTV.

A l’opposition de cette argumentation, la jurisprudence Norsolor – Hilmarton doit être

examinée d’une manière un peu plus détaillée. Dans l’affaire Norsolor, c’est la société française

qui avait été condamnée par la sentence annulée. C’était au préjudice de la société française que

cette sentence annulée a été reconnue par le juge français. Dans l’affaire Hilmarton 2, dont la

solution a été jugée par M. Poudret comme étant en faveur du ressortissant français, il s’agit

plutôt d’une conséquence inéluctable de l’exequatur accordé à la première sentence, dont les

motifs d’annulation restent au demeurant discutables221.

En conclusion sur les appréciations critiques, il faut retenir avant tout que la règle qui

s’applique aujourd’hui reste toujours la règle résultant de la jurisprudence constante Hilmarton :

une sentence annulée peut être reconnue, sauf si son exécution est contraire à l’ordre public

international. Bien que les critiques à ce propos aient leur poids non négligeable, elles n’ont pas

été ni retenues, ni soutenues par la doctrine contemporaine.

219 Emmanuel GAILLARD, « L’exécution des sentences des sentences annulées dans leur pays d’origine », précité, p. 666. 220 Jean-François POUDRET, « Quelle solution pour en finir avec l’affaire HILMARTON ? Réponse à Philippe FOUCHARD », Rev. Arb. 1998. No1. p. 12. 221 Emmanuel GAILLARD, « L’exécution des sentences des sentences annulées dans leur pays d’origine », précité, p. 670.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

§ 2. L’autonomie de la sentence arbitrale internationale

Finalement, on arrive à la dernière étape de notre assez long travail. En un seul mot, pour

ne pas perdre de vue, notre objectif est de résoudre, en utilisant le droit positif français comme

instrument juridique, la question de l’effet international de l’annulation de la sentence.

L’autonomie de la sentence arbitrale est le résultat de l’interprétation de la règle

jurisprudentielle selon laquelle l’existence d’une sentence arbitrale qui n’était pas intégrée dans

l’ordre juridique de l’Etat où elle a été rendue demeure établie malgré son annulation. Ainsi, la

sentence est autonome, selon le droit français de l’arbitrage international, par rapport à l’ordre

juridique étatique du siège. Malgré tout, cette thèse française de l’autonomie de la sentence est, à

l’heure actuelle, considérée avec force comme étant isolée des autres systèmes nationaux (A). La

règle étant ainsi établie en droit français, tant les tenants de cette autonomie de la sentence que

ses adversaires n’oublient pas en fin de faire des réflexions personnelles et des suggestions pour

accroître l’efficacité internationale de la sentence arbitrale (B).

A. L’actuel isolement du droit français

L’affirmation par le professeur FOUCHARD à propos de l’état actuel en droit français

est en quelque sorte surprenante. Il a en effet trouvé que la solution américaine dans l’affaire

Chromalloy est identique à celle dans l’affaire Hilmarton, ce qui l’a conduit à s’exprimer en des

termes peu convaincante : « l’annulation d’une sentence arbitrale n’est pas une question

spécifiquement française, qu’elle ne se pose pas dans tous les pays qui ont retenu cette

annulation comme un cas de refus de la sentence…, mais qu’elle se posera dans tous les autres

pays, qui restent les plus nombreux 222».

Il est à douter que cette affirmation est dépourvue de cause puisque le professeur

FOUCHARD ne donne aucune indication sur les pays qui ont adopté la position du droit

français. Pour cette raison, M. Antoine Kassis, l’a rejeté fermement en disant que « or, le

paysage du droit comparé de l’arbitrage international ne semble pas conforter [cette]

222 Philippe FOUCHARD, « La portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays d’origine », précité. p. 342.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

affirmation223 ». Selon lui, le nombre de pays qui ont purement et simplement intégré dans leur

droit commun les dispositions de l’article V de la convention de New York, reproduisant

exactement la liste des griefs de cet article, ne cesse d’augmenter. Il en va de même avec la loi-

type de CNUDCI (article 36.1.a.V) adoptée par un nombre grandissant d’Etats.

Le professeur JARROSSON a trouvé, pour sa part, que c’est le droit français qui est

assez isolé dans son refus de prendre en considération le sort de la sentence arbitrale dans son

pays d’origine224. Le professeur GAILLARD a ajouté pertinemment que « le droit français se

trouve passablement isolé dans l’octroi de l’exequatur à une sentence annulée dans son pays

d’origine, après le recul de la jurisprudence américaine par rapport à la décision du tribunal de

Columbia dans l’affaire Chromalloy225 ».

La manière de considération de M. GAILLARD nous paraît assez justifiée dans la

mesure où l’affaire américaine Chromalloy, même si la Cour de District de Columbia a accordé

l’exequatur requis, ne peut pas servir de fondement à la thèse de l’autonomie de la sentence

arbitrale ainsi affirmée par le professeur FOUCHARD. En effet, la reconnaissance et l’exequatur

de la sentence par la Cour de District sont liés aux raisons non pas de quelconque autonomie de

la sentence internationale par rapport à l’ordre juridique du siège, mais plus exactement aux

raisons de l’absence du bénéfice de l’accueil aux Etats-Unis pour les décisions étrangères (la

décision d’annulation de l’Etat égyptien)226. C’est la raison pour laquelle, une décision ultérieure

a été rendue par la Cour fédérale américaine refusant l’exequatur d’une sentence annulée : il

s'agit effectivement de l’affaire Bechtel227. Par conséquent, on peut dire que la jurisprudence

américaine adopte une approche très différente de celle retenue par les juridictions françaises228.

Cette affaire Bechtel a bien illustré ces deux tendances jurisprudentielles opposées.

La solution à la française de la jurisprudence Hilmarton demeure alors actuellement

isolée par rapport aux solutions retenues dans les autres systèmes juridiques. En droit comparé,

les juges nationaux, autres que ceux français, tendent à refuser par là la sentence annulée. 223 Antoine KASSIS, L’autonomie de l’arbitrage commercial international : le droit français en question, précité, n° 850. p. 506. 224 JARROSSON, note sous Cass. 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb., 1994, p. 334. 225 GAILLARD, Rev. Arb., 2000, p. 139. 226 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. Arb. 2006. No3. note H. MUIR WATT, p. 702. 227 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. Arb. 2006. No3. p.695, note H. MUIR WATT ; Rev. crit. DIP. 2006. 387, note Alexandra SZEKELY ; D. 2005. Pan. 3063. par Thomas Clay. 228 C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. crit. DIP. 2006. 387, note Alexandra SZEKELY. p. 400.

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B. Les suggestions et réflexions

Afin de trouver les remèdes à cette question lacunaire, les juristes de renom ont fait sortir

leurs suggestions et réflexions personnelles. Beaucoup d’idées ont été lancées. Certaines d’entre

elles vont même jusqu’à proposer la révision de la Convention de New York. Pour nous, il serait

plus utile de faire un rapport de synthèse en choisissant les suggestions les plus importantes à

aborder.

Parce qu’il est déraisonnable, en l’état actuel du droit international privé, qu’un juge

étatique veuille ou puisse dicter aux autres leur attitude à l’égard d’une sentence, qui n’est après

tout qu’un acte juridique privé, et parce qu’il n’est pas légitime de réserver aux juges d’un Etat

le pouvoir d’anéantir dans le monde entier une sentence qui leur déplaît, le professeur

FOUCHARD appelle à l’édification d’un système où serait supprimé tout recours en annulation

contre les sentences arbitrales internationales et où le seul contrôle judiciaire dont elles seraient

l’objet aurait lieu lors d’une demande d’exequatur dans un pays déterminé229. Chaque Etat

pourra décider librement de lui conférer ou non la force exécutoire.

On peut en déduire que pour accroître l’efficacité internationale des sentences arbitrales,

il suffirait, pour lui, de réduire le rôle de la loi et du juge du siège de l’arbitrage, c'est-à-dire de

cesser de considérer comme « nationales » les sentences dont on veut assurer l’efficacité

« internationale »230. L’instauration d’un tel système implique d’examiner deux conditions. La

première réside dans l’abolition de tous recours en annulation des sentences arbitrales

internationales, ce qui veut dire par analogie que tout recours en annulation des sentences

rendues en France en matière internationale, prévu par l’article 1504 NCPC, soit aboli. Il faut en

suite que les différents Etats se mettent d’accord sur une définition uniforme de la sentence

arbitrale internationale. Or, on sait déjà que l’internationalité n’est pas définie d’une manière

uniforme en droit de l’arbitrage international. Par exemple, en France est international

l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international231. Mais en Suisse,

229 Philippe FOUCHARD, « La portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays d’origine », précité. p. 351 et 352 ; même auteur, « Suggestions pour accroître l’efficacité internationale des sentences arbitrales », précité. p.671 et 672. 230 Philippe FOUCHARD, « Suggestions pour accroître l’efficacité internationale des sentences arbitrales », Rev. Arb. 1998. No4. p .653. 231 Article 1492 du NCPC.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

l’internationalité se traduit par le fait que les parties ont leur domicile dans deux pays différents,

ou en Iran, que les parties sont de nationalités différentes232.

La solution proposée par Philippe FOUCHARD a été a plusieurs reprises jugée

inadéquate et a conduit à de sérieuses objections. En effet, selon le professeur POUDRET, il

paraît invraisemblable que la plupart des Etats soient prêts à renoncer à un contrôle des

sentences rendues sur leur territoire pour s’en remettre au juge de l’exequatur. Il ajoute que cette

solution conduit à renoncer au contrôle par une juridiction en principe neutre, car choisie par les

parties, pour le confier au juge d’exequatur, qui est le plus souvent celui du domicile ou du siège

de la partie condamnée233. Il ne s’agit donc pas d’un moyen efficace. De surplus, même si ce

système proposé devient réalisable, la conséquence ne sera pas, selon M. Antoine KASSIS,

souhaitable : chaque Etat décidant librement de l’étendue du contrôle préalable à l’exequatur à

accorder à la sentence, il n’aura pas à se soucier du contrôle exercé sur la même sentence par les

autres Etats ; toute coordination entre les Etats aurait disparu.

Un autre auteur de renom, Jean PAULSSON, a également proposé quelques remèdes à la

question. Le point départ se trouve dans le sens optionnel du « may be refused » de l’article V-1

de la Convention de New York, précédemment expliqué. Il entraîne le caractère facultatif du

refus d’exequatur pour le juge, laissant à sa discrétion la faculté de refuser l’exequatur ou de

l’accorder nonobstant l’existence d’un grief de l’article V-1. Disons autrement que le juge peut,

mais ne doit pas, refuser de reconnaître une sentence au seul motif qu’elle a été annulée dans son

pays d’origine. Par là, il a proposé une solution assez convaincante : c’est de faire la distinction

entre International standards annulment et Local standards annulment. Le premier veut dire

« l’annulation qui est intervenue pour des motifs internationalement reconnus », et le second

veut dire « les motifs particuliers au droit de l’Etat d’origine ». L’annulation ne devrait être prise

en compte que dans le premier cas et l’exequatur refusé, alors qu’elle serait ignorée dans le

second cas et l’exequatur accordé234.

232 Antoine KASSIS, L’autonomie de l’arbitrage commercial international : le droit français en question, précité. p. 528. 233 Jean-François POUDRET, « Quelle solution pour en finir avec l’affaire HILMARTON ? Réponse à Philippe FOUCHARD », précité. p. 19. 234 Jean-François POUDRET, « Quelle solution pour en finir avec l’affaire HILMARTON ? Réponse à Philippe FOUCHARD », précité. p. 14.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

On arrivera par là à un système qui maintient le régime du double contrôle par le juge du

pays d’origine et par le juge de l’exequatur. Pour cette raison, il a été jugé contraire à

l’économie et à l’efficacité de l’arbitrage. Bien que cette thèse de PAULSSON soit séduisante,

elle est difficile à mettre en œuvre car il n’est pas vraisemblable que les juges de tous les Etats

signataires de la Convention de New York appliqueront les mêmes critères d’appréciations sur

les deux types de motifs d’annulation ainsi proposés235.

D’un autre point de vue, la critique résulte du fait que ledit système proposé ne porte que

sur l’interprétation de l’article V-1. Or, il peut y avoir des irrationalités. C’est en ce sens que M.

Antoine Kassis a rejeté ce système tout en expliquant que selon la thèse de M. Paulsson, le juge

doit refuser l’exequatur si la sentence a été annulée dans son pays d’origine en fonction d’un

critère international, c'est-à-dire l’un des quatre premiers griefs de l’art. V-1, alors qu’il doit

l’accorder, si l’annulation est en fonction d’un critère local, c'est-à-dire selon les autres griefs.

Mais, à partir du moment où on admet que le juge peut (et ne doit pas), en vertu de son pouvoir

discrétionnaire, accorder l’exequatur même si l’un des quatre griefs est directement en cause, il

serait illogique qu’il soit tenu de le refuser lorsque la sentence est annulée à l’étranger en raison

de l’un de ces griefs236.

Bref, notre démonstration n’a pas pour but de résumer toutes les innombrables

suggestions faites à ce propos. Il nous faut juste rassembler quelques éléments clés pour nous

permettre de faire une petite conclusion sur cette problématique. Il est certain que pour les

tenants de la solution française cherchent à faire reculer l’effet international de l’annulation de la

sentence et que leurs adversaires s’emploient à reconnaître plutôt le jugement d’annulation

rendu par l’Etat d’origine. Les éléments qui tiennent toujours au cœur du débat portent

principalement sur :

1. l’objectif de favoriser la circulation des sentences internationales, en éliminant les

obstacles qui peuvent se produire ;

2. le respect nécessaire de la volonté (ou des attentes) légitime des parties ;

3. le respect de l’ordre public international.

235 Jean-François POUDRET, « Quelle solution pour en finir avec l’affaire HILMARTON ? Réponse à Philippe FOUCHARD », précité. p. 14. 236 Antoine KASSIS, L’autonomie de l’arbitrage commercial international : le droit français en question, précité. p. 531.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Conclusion de la deuxième partie :

La discussion sur l’effet international de l’annulation de la sentence internationale

demeure intéressante dans la mesure où on n’est pas encore abouti à une solution bien

satisfaisante qui plaira tout le monde, malgré l’établissement de la règle française par la fameuse

jurisprudence Hilmarton. Lorsqu’une sentence internationale doit être considérée comme un acte

privé, bien qu’elle revête le caractère juridictionnel, celle-ci se situant hors de l’ordre juridique

de l’Etat qui l’annule, il ne serait pas théoriquement souhaitable et paraît illogique de confier le

pouvoir de l’anéantir au juge du siège de l’arbitrage. La situation serait absurde si le juge de

l’annulation statue sur l’affaire en se référant aux conceptions qui sont propres et particulières à

sa loi étatique.

C’est en se basant sur cette idée que la règle jurisprudentielle française a été adoptée :

une sentence internationale non intégrée dans l’ordre juridique du siège demeure établie malgré

son annulation par cet Etat. Ce qui est décevant, c’est que ce type de raisonnement à la française

rend le droit français isolé des autres droits qui adoptent plutôt la position inverse.

En ce moment, il faut juste retenir que le droit jurisprudentiel français en question insiste

fermement sur le bien-fondé de sa règle. Cette belle rigidité peut devenir, aux yeux d’un grand

nombre de juristes, insoutenable puisque bien que l’on la trouve légitimement motivée par le

respect des conditions de l’Etat de reconnaissance, il ne serait pas moins vrai qu’elle puisse

trahir plus ou moins les attentes légitimes des parties. La source de difficultés réside en effet

dans le fait que cette solution, exprimée dans des termes très concrets (non intégration dans

l’ordre du siège, reconnaissance sauf contrariété à l’ordre public international), n’a pourtant pas

été justifiée dans des termes aussi nets, car les ambiguïtés sur les attentes légitimes des parties

n’ont toujours pas été clarifiées. Elle laisse, de cette manière, les marges d’appréciations

divergentes à la doctrine.

La question sur le sort de la sentence internationale annulée est finalement résolue en

droit français. La réponse est claire : elle peut être reconnue si son exécution n’est pas contraire

à l’ordre public international. Il n’en ira pas de même si cette question se pose devant la

juridiction d’un autre Etat.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Conclusion générale :

Les thèses de la non intégration de la sentence internationale et de la reconnaissance en

France de la sentence internationale annulée dans son pays d’origine contribuent évidemment à

la construction de nos débats sur l’effet de l’annulation de la sentence. Toutefois, on s’est aperçu

lors du développement que l’on est en présence d’une véritable difficulté de trouver une

meilleure solution à cette problématique qui, pourtant, a été tranchée par le seul droit français.

Répondant, par le juge, à la question posée dès le départ, la reconnaissance de la sentence

annulée se justifie principalement par l’absence de rattachement de celle-ci à tout ordre juridique

interne. Donc, pour assurer la circulation internationale des sentences arbitrales, il faut favoriser

leur reconnaissance et leur exécution. Mais, les thèses contraires ne sont pas moins évidentes. Il

nous est apparu pourtant que la plupart d’entre eux reposaient sur des arguments erronés. Cette

confrontation très sérieuse doit être tempérée par la constatation sur un élément important : les

attentes légitimes des parties, c'est-à-dire leur volonté implicite de soumettre le sort de la

sentence au contrôle du siège choisi par librement par elles mêmes. Le rôle joué par le siège est

dans cette hypothèse très majeur.

Pour nous, afin de trouver une réglementation juridique applicable à la validité de la

sentence internationale, la spécificité de celle-ci nous commande de combiner les deux éléments

les plus essentiels : l’attente légitime des parties, et la règle la plus favorable à la reconnaissance

de la sentence. D’abord, distinguons entre le fond et la procédure. En ce qui concerne le fond,

cela ne pose pas de grand problème, car il existe un principe selon lequel il est interdit de réviser

au fond la sentence rendue. Cette solution a été adoptée par les instruments internationaux et la

plupart des législations étatiques, sous réserve du respect de l’ordre public237. Concernant les

règles procédurales, il serait mieux recommandé de laisser aux stipulations dans la convention

des parties et dans les règlements d’arbitrage institutionnel ou ad hoc et à défaut, de larges

pouvoirs seraient attribués aux arbitres pour prendre toute mesure procédurale et pour fixer le

237 Homayoon Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l’épreuve de mondialisation, LGDJ, 2005. p. 50. Pour aller plus loin sur l’ordre public comme moyen de révision au fond, voir Dominique Hascher, « La révision en arbitrage international », in Mélanges offerts à Claude Reymond, Litec, 2004. p. 111.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

droit applicable au fond238 ; ce qui est difficile à réaliser en pratique. C’est pour cette raison que

le professeur Muir Watt exprime que « les motifs de ces décisions (c'est-à-dire la sentence et les

décisions du siège sur la validité de la sentence) peuvent parfaitement être confrontés aux

exigences de l’équité procédurale et de l’ordre public de fond de l’Etat du for239 ». Dans cette

hypothèse, la sentence tire sa juridicité de sa reconnaissance par l’autorité du pays gardienne de

l’ordre juridique dans lequel une partie demande son insertion240.

On peut résumer finalement que même en présence de la règle de la jurisprudence

Hilmarton fermement établie, aucune des solutions proposées, avec plus ou moins

inconvénients, ne paraît la meilleure ou la plus justifiée à question de l’effet international de

l’annulation de la sentence parce qu’il faut admettre que aucune question n’est résolue si elle

n’est pas bien résolue.

238 Philippe FOUCHARD, « Suggestions pour accroître l’efficacité internationale des sentences arbitrales », précité, pp. 660 et 661. 239 Horatia MUIR WATT, note sous C.A Paris 29 septembre 2005, Bechtel. 240 Francis MEGERLIN, Ordre public transnational et arbitrage international de droit privé, essai critique sur la méthode, précité, p. 556.

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Annexes 1

Les extraits de la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international (Genève, du 21 avril 196l)

Article IX : L'annulation de la sentence arbitrale 1. L'annulation dans un Etat contractant d'une sentence arbitrale régie par la présente Convention ne constituera une cause de refus de reconnaissance ou d'exécution dans un autre Etat contractant que si cette annulation a été prononcée dans l'Etat dans lequel ou d'après la loi duquel la sentence a été rendue et ce pour une des raisons suivantes : (a) les parties à la convention d'arbitrage étaient, en vertu de la loi qui leur est applicable, frappées d'une incapacité, ou ladite convention n'est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l'ont soumise ou, à défaut d'indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue; ou (b) la partie qui demande l'annulation n'a pas été dûment informée de la désignation de l'arbitre ou de la procédure d'arbitrage, ou il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens ; ou (c) la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n'entrant pas dans les prévisions de la clause compromissoire ; ou contient des décisions qui dépassent les termes du compromis ou de clause compromissoire ; toutefois, si les dispositions de la sentence qui ont trait à des questions soumises à l'arbitrage peuvent être dissociées de la sentence qui ont trait à des questions soumises à l'arbitrage, les premières pourront ne pas être annulées ; ou (d) la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d'arbitrage n'a pas été conforme à la convention des parties ou, à défaut de convention, aux dispositions de l'article 4 de la présente Convention. 2. Dans les rapports entre Etats contractants également Parties à la Convention de New York du 10 juin 1958 sur la Reconnaissance et l'Exécution des Sentences arbitrales étrangères, le paragraphe l du présent article a pour effet de limiter aux seules causes d'annulation qu'il énumère l'application de l'article 5, paragraphe 1, e) de la Convention de New York.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

Annexe 2 Les extraits de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, le 10 juin 1958) Art. V 1. La reconnaissance et l’exécution de la sentence ne seront refusées, sur requête de la partie contre laquelle elle est invoquée, que si cette partie fournit à l’autorité compétente du pays où la reconnaissance et l’exécution sont demandées la preuve: a. Que les parties à la convention visée à l’article II étaient, en vertu de la loi à elles applicable, frappées d’une incapacité, ou que ladite convention n’est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l’ont subordonnée ou, à défaut d’une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue; ou b. Que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n’a pas été dûment informée de la désignation de l’arbitre ou de la procédure d’arbitrage, ou qu’il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens; ou c. Que la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n’entrant pas dans les prévisions de la clause compromissoire, ou qu’elle contient des décisions qui dépassent les termes du compromis ou de la clause compromissoire; toutefois, si les dispositions de la sentence qui ont trait à des questions soumises à l’arbitrage peuvent être dissociées de celles qui ont trait à des questions non soumises à l’arbitrage, les premières pourront être reconnues et exécutées; ou d. Que la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d’arbitrage n’a pas été conforme à la convention des parties, ou, à défaut de convention, qu’elle n’a pas été conforme à la loi du pays où l’arbitrage a eu lieu; ou e. Que la sentence n’est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d’après la loi duquel, la sentence a été rendue. 2. La reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale pourront aussi être refusées si l’autorité compétente du pays où la reconnaissance et l’exécution sont requises constate: a. Que, d’après la loi de ces pays, l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par voie d’arbitrage; ou b. Que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence serait contraire à l’ordre public de ce pays.

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Art. VII 1. Les dispositions de la présente Convention ne portent pas atteinte à la validité des accords multilatéraux ou bilatéraux conclus par les Etats contractants en matière de reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales et ne privent aucune partie intéressée du droit qu’elle pourrait avoir de se prévaloir d’une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée. 2. Le Protocole de Genève de 19232 relatif aux clauses d’arbitrage et la Convention de Genève de 19273 pour l’exécution des sentences arbitrales étrangères cesseront de produire leurs effets entre les Etats contractants du jour, et dans la mesure, où ceux-ci deviendront liés par la présente Convention.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

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- C.A Paris, 14 janvier 1997 : Chromalloy, Rev. Arb. 1997. No3. p.395, note P. FOUCHARD.

- C.A Paris, 15 décembre 1998 : Consorts Attali v. Lecouirt et autres, Rev. Arb. 2001, 151.

- C.A Paris, 14 juin 2001: Rev. Arb. 2001.773, note Seraglini.

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

- C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. Arb. 2006. No3. p.695, note H. MUIR WATT.

- C.A Paris, 29 septembre 2005 : Bechtel, Rev. crit. DIP. 2006. 387, note Alexandra SZEKELY.

- Les arrêts de la Cour de cassation - Req. 8 décembre 1914 : Salles, J.D.I. 1916.p. 1218

- Req. 9 juillet 1928 : Cremades, D, 1928. I. p. 173, note Crémieu.

- Req. 27 juillet 1937 : Roses, D, 1938. I. p. 25, rapport Castets. - Cass. 1re Civ. 18 novembre 1986 : SEEE, J.D.I. 2, 1987.120, note B. Oppetit. - Cass. 1re Civ., 15 mars 1988, Rev. arb. 1990.115 note Idot.

- Cass. 2e Civ., 12 décembre 1990, Rev. Arb. 1991, p. 317, note Théy.

- Cass. 1re Civ., 10 mars 1993 et C.A Douai, 18 avril 1991 : Société Polish Ocean Line, J.D.I. 2,

1993. p. 360, note P. KAHN.

- Cass. 1re Civ., 10 mars 1993: Société Polish Ocean Line, Rev. Arb. 1993. No2. p.255, note D.

HASCHER.

- Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Rev. Arb. 1994. No2. p.327, note C. JARROSSON.

- Cass. 1re Civ., 23 mars 1994, Hilmarton, J.D.I. 3, 1994. p.701, note Emmanuel GAILLARD.

- Cass. 1re Civ., 10 juin 1997, Hilmarton, Rev. Arb. 1997. No3. p.376, note P. FOUCHARD.

- Cass. 1re Civ., 10 juin 1997, Hilmarton, J.D.I. 1997. p. 1033, note Emmanuel GAILLARD.

- Les autres jurisprudences - arrêt American Trading Company du 5 décembre 1910, Rev. dr. int., 1911.395 ; J.D.I,

1912.1156.

- Mitsubishi Motors Corp. v. Soler Chrysler-Plymouth Inc., 105 S.Ct. 3346; Rev. arb. 1986.273.

obs. J. Robert. p. 173.

- Sent. Arb. CCI n° 2321, 1974, Rec. sent. arb. CCI, t. 1er,

IV. Les codes et textes consultés

- Le Code de Procédure Civil de 1806

- Le Nouveau Code de Procédure Civil

- La Convention de New York de 1958

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

- La Convention européenne de 1961

- La Loi-type de CNUDCI

V.Les Sites d’Internet

www.sudoc.abes.fr/

www.doctrinal.fr/

www.legifrance.gouv.fr/

www.lexisnexis.fr

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Table des matières Sommaire ............................................................................................ 01 Introduction ............................................................................................ 02 Partie I. Le régime : la non intégration de la sentence arbitrale internationale dans un ordre juridique .................................08

Chapitre 1 Les thèses de la non intégration de la sentence dans un ordre

juridique .................................................................................... 10 Section I. L’intérêt de la question de la non intégration ..................................... 11 § I. L’opposition entre caractère privé et normatif juridictionnel de la sentence.. 12 § II. La normativité classique en droit international privé ............................... 14 A. Le nécessaire recours au concept de la normativité ................................. 14 B. La source de la normativité de l’acte ..................................................... 16 § III. La spécificité de la sentence arbitrale ..................................................... 17 Section II. L’examen de l’état du droit positif ..................................................... 19 § I. La reconnaissance du caractère privé de la sentence ? ............................. 20 A. Le rôle incertain d’un arbitre en droit comparé ....................................... 21 B. Le rôle de l’autonomie des parties ......................................................... 24 C. La détermination de la nature de la sentence ........................................... 25 § II. Les affirmations françaises quant à la non intégration .............................. 26 A. Les anciennes affirmations de l’insertion de la sentence dans l’ordre juridique interne ....................................................................... 27 B. Les affirmations en droit positif de la non intégration .............................. 28

Chapitre 2 Les fondements de la non intégration de la sentence dans l’ordre juridique de l’Etat du siège ............................................................... 30

Section I. Le rejet des thèses de l’intégration dans l’ordre juridique étatique ...... 31 § I. La source de l’investiture de l’arbitre ........................................................... 31 A. La prétendue source étatique de l’investiture de l’arbitre ............................ 31 B. La source conventionnelle de l’investiture de l’arbitre ................................ 33

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Mémoire : 2006-2007 “ Etude doctrinale et jurisprudentielle française sur l’annulation de la sentence rendue dans l’Etat d’origine ”

§ II. Deux autres motifs ........................................................................................ 35 A. La non assimilation de la sentence à une décision étatique .......................... 35 B. L’absence d’ordre juridique confirmée ........................................................ 36 Section II. Le rejet des thèses de l’intégration dans l’ordre juridique anational .... 38 § I. L’existence controversée de l’ordre juridique de la lex mercatoria ............. 39 A. L’exposé de l’existence de l’ordre juridique de la lex mercatoria ............... 39 B. L’examen de la jurisprudence en la matière ................................................. 41 § II. Les incertitudes liées à l’insertion des juridictions arbitrales dans le cadre institutionnel de la societas mercatorum ...................................................... 43 A. Les termes du problème ................................................................................ 43 B. L’examen de la jurisprudence en la matière ................................................. 44 Partie II. La conséquence : la reconnaissance en France de la sentence annulée dans l’Etat du siège .................................................47

Chapitre 1 L’affirmation de la règle jurisprudentielle française ..................... 49

Section I. Les arguments invoqués ............................................................................. 50 § I. Les arguments en faveur du jugement d’annulation ..................................... 50 A. L’harmonie internationale des solutions ...................................................... 51 B. Le respect des attentes des parties ................................................................ 52 § II. Les arguments en faveur de la reconnaissance de la sentence ..................... 53 A. L’intensité des intérêts étatiques .................................................................. 53 B. La supériorité du point de vue de l’ordre juridique du for ........................... 54 Section II. La solution dégagée .................................................................................... 55 § I. L’affaire Norsolor ......................................................................................... 56 A. Le contenu de l’affaire .................................................................................. 56 B. Les apports de la jurisprudence Norsolor ..................................................... 57 § II. L’affaire Hilmarton ...................................................................................... 58 A. Le contenu de l’affaire .................................................................................. 58 B. Les apports de la jurisprudence Hilmarton ................................................... 59

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§ III. L’affaire Chromalloy .................................................................................... 60 A. Le contenu de l’affaire .................................................................................. 60 B. Les apports de la jurisprudence Chromalloy ................................................ 61 § IV. L’affaire Bechtel ........................................................................................... 62 A. Le contenu de l’affaire .................................................................................. 62 B. Les apports de la jurisprudence Emirat de Dubai ......................................... 63

Chapitre 2 Les appréciations de la solution française ..................................... 65

Section I. La portée de la solution ...................................................................... 65 § I. Le sort des sentences rendues ............................................................... 66 A. La possibilité d’une sentence d’être reconnue ......................................... 66 B. Les limites à la reconnaissance ............................................................. 68 § II. La conception française de l’ordre public international ............................ 69 A. Le lien principal entre l’ordre public et l’arbitrage international ............... 70 B. La conformité obligatoire à l’ordre public de l’Etat d’accueil ................... 71 Section II. L’état actuel du droit français quant à la reconnaissance .................... 72 § I. Les appréciations critiques ................................................................... 72 A. L’interprétation des textes des conventions internationales ...................... 73 B. La recherche de la neutralité ................................................................. 75 § II. L’autonomie de la sentence arbitrale ..................................................... 76

A. L’actuel isolement du droit français ....................................................... 76 B. Les suggestions et les réflexions ........................................................... 78 Conclusion générale.................................................................................................................... 82 Annexes ........................................................................................................ 84 Bibliographie ........................................................................................................ 87 Table des matières ........................................................................................................ 93

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