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Etude du mécanisme d’action de l’ADN gyrase, cible unique des quinolones chez Mycobacterium tuberculosis Ecole Doctorale IViv (ED 387) Directeur de thèse : MAYER Claudine (PU Université Paris Diderot) Email : [email protected] Co-directeur de thèse : PETRELLA Stéphanie (MCU Université Paris Diderot) Equipe d’accueil : Unité de Microbiologie Structurale, Département de biologie structurale, Institut Pasteur, Paris Alors qu’en 2006, 1.7 millions de personnes sont mortes de tuberculose [1], de nouvelles formes de cette maladie, dues à des bacilles multirésistants et ultrarésistants, font leur apparition. Le traitement des tuberculoses standard repose sur l’utilisation de quatre antituberculeux de première ligne administrés de façon quotidienne pendant au moins six mois. Les tuberculoses multirésistantes sont difficiles à traiter, notamment du fait du faible nombre d’antibiotiques, dits de seconde ligne, actifs sur M. tuberculosis et de la nécessité d’administrer au moins quatre antibiotiques, selon les recommandations de l’OMS. Les quinolones sont les antibiotiques de seconde ligne les plus actifs sur M. tuberculosis. Malheureusement, du fait de l’augmentation de l’utilisation des quinolones, des formes de tuberculoses résistantes à presque tous les antibiotiques émergent et inquiètent grandement la communauté médicale internationale. C’est pourquoi, il est plus que jamais nécessaire de renforcer les efforts de recherche visant à détecter le plus rapidement possible les formes résistantes de tuberculose et de développer de nouvelles molécules antituberculeuses. Le développement de tels composés est un processus complexe en raison des particularités intrinsèques de M. tuberculosis, comme le temps de division très long ou l'existence d'un état de latence associé à une résistance plus élevée aux antibiotiques. Les travaux des deux équipes concernent l'ADN gyrase de M. tuberculosis. L'ADN gyrase et la topoisomérase IV appartiennent à la famille des topoisomérases de type II et sont les cibles des quinolones trouvées dans la quasi-totalité des bactéries. Ces assemblages macromoléculaires, indispensables à la vie cellulaire, sont impliqués dans la manipulation de l’ADN lors de processus biologiques essentiels, tels que la réplication et la transcription. Elles résolvent les problèmes topologiques de l’ADN en réalisant une coupure double brin de la double hélice [2]. Ces enzymes hétérotétramériques d’environ 400 kDa sont assemblés à partir de deux sous-unités. Chaque sous-unité est constituée de deux domaines structuraux, les domaines de coupure-ligation de l'ADN et CTD pour la sous-unité A, les domaines ATPase et TOPRIM pour la sous-unité B. Chez M. tuberculosis, seule l'ADN gyrase est produite et, à ce jour, aucune topoisomérase IV n'a pu être mis en évidence. L'ADN gyrase est donc la cible unique des quinolones. A l'heure actuelle, plusieurs programmes sont en cours pour tenter d'optimiser l’efficacité des quinolones dans le but de diminuer la durée du traitement. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les résultats récents issus de la collaboration de deux équipes. Nous avons récemment déterminé les structures de deux domaines de l'ADN gyrase de M. tuberculosis constituant le cœur catalytique de l’enzyme, le domaine de coupure-ligation de la sous-unité A [3] et le domaine TOPRIM de la sous-unité B à 2.7 Å et 2.1 Å de résolution, respectivement [4]. Les résultats obtenus ont permis d’approfondir les connaissances sur les mécanismes de résistance aux quinolones [5,6,7] et ont montré que cette ADN gyrase unique était une enzyme hybride capable d’assurer les fonctions des deux topoisomérases de type II [8]. Objectifs et description du projet de thèse

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Etude du mécanisme d’action de l’ADN gyrase, cible unique des quinolones chez Mycobacterium tuberculosis Ecole Doctorale IViv (ED 387) Directeur de thèse : MAYER Claudine (PU Université Paris Diderot) Email : [email protected] Co-directeur de thèse : PETRELLA Stéphanie (MCU Université Paris Diderot) Equipe d’accueil : Unité de Microbiologie Structurale, Département de biologie structurale, Institut Pasteur, Paris Alors qu’en 2006, 1.7 millions de personnes sont mortes de tuberculose [1], de nouvelles formes de cette maladie, dues à des bacilles multirésistants et ultrarésistants, font leur apparition. Le traitement des tuberculoses standard repose sur l’utilisation de quatre antituberculeux de première ligne administrés de façon quotidienne pendant au moins six mois. Les tuberculoses multirésistantes sont difficiles à traiter, notamment du fait du faible nombre d’antibiotiques, dits de seconde ligne, actifs sur M. tuberculosis et de la nécessité d’administrer au moins quatre antibiotiques, selon les recommandations de l’OMS. Les quinolones sont les antibiotiques de seconde ligne les plus actifs sur M. tuberculosis. Malheureusement, du fait de l’augmentation de l’utilisation des quinolones, des formes de tuberculoses résistantes à presque tous les antibiotiques émergent et inquiètent grandement la communauté médicale internationale. C’est pourquoi, il est plus que jamais nécessaire de renforcer les efforts de recherche visant à détecter le plus rapidement possible les formes résistantes de tuberculose et de développer de nouvelles molécules antituberculeuses. Le développement de tels composés est un processus complexe en raison des particularités intrinsèques de M. tuberculosis, comme le temps de division très long ou l'existence d'un état de latence associé à une résistance plus élevée aux antibiotiques. Les travaux des deux équipes concernent l'ADN gyrase de M. tuberculosis. L'ADN gyrase et la topoisomérase IV appartiennent à la famille des topoisomérases de type II et sont les cibles des quinolones trouvées dans la quasi-totalité des bactéries. Ces assemblages macromoléculaires, indispensables à la vie cellulaire, sont impliqués dans la manipulation de l’ADN lors de processus biologiques essentiels, tels que la réplication et la transcription. Elles résolvent les problèmes topologiques de l’ADN en réalisant une coupure double brin de la double hélice [2]. Ces enzymes hétérotétramériques d’environ 400 kDa sont assemblés à partir de deux sous-unités. Chaque sous-unité est constituée de deux domaines structuraux, les domaines de coupure-ligation de l'ADN et CTD pour la sous-unité A, les domaines ATPase et TOPRIM pour la sous-unité B. Chez M. tuberculosis, seule l'ADN gyrase est produite et, à ce jour, aucune topoisomérase IV n'a pu être mis en évidence. L'ADN gyrase est donc la cible unique des quinolones. A l'heure actuelle, plusieurs programmes sont en cours pour tenter d'optimiser l’efficacité des quinolones dans le but de diminuer la durée du traitement. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les résultats récents issus de la collaboration de deux équipes. Nous avons récemment déterminé les structures de deux domaines de l'ADN gyrase de M. tuberculosis constituant le cœur catalytique de l’enzyme, le domaine de coupure-ligation de la sous-unité A [3] et le domaine TOPRIM de la sous-unité B à 2.7 Å et 2.1 Å de résolution, respectivement [4]. Les résultats obtenus ont permis d’approfondir les connaissances sur les mécanismes de résistance aux quinolones [5,6,7] et ont montré que cette ADN gyrase unique était une enzyme hybride capable d’assurer les fonctions des deux topoisomérases de type II [8]. Objectifs et description du projet de thèse

Le projet de thèse vise à mieux comprendre le mécanisme d’action de l’ADN gyrase de M. tuberculosis et comprend deux volets complémentaires à l’interface entre la biologie structurale et la microbiologie fonctionnelle. (1) Le premier volet consiste à poursuivre les études structurales et fonctionnelles du cœur catalytique de l'ADN gyrase de M. tuberculosis. Il portera plus particulièrement sur la détermination structurale par cristallographie du complexe constitué du cœur catalytique sauvage et comportant une ou plusieurs mutations impliquées dans la résistance aux quinolones, d’un substrat ADN et de quinolones, qui sera complété par des études de dynamique structurale en utilisant des méthodes in silico (collaboration Arnaud Blondel, Institut Pasteur) et la diffusion des rayons X (SAXS, (collaboration Françoise Bonneté, CINaM, Marseille). Les résultats structuraux et dynamiques ainsi obtenus permettront de caractériser les mécanismes de résistance aux quinolones, mais aussi d’orienter la conception de nouvelles molécules inhibitrices. (2) Le deuxième volet, en collaboration avec Alexandra Aubry (Laboratoire de bactériologie, UPMC), consiste à approfondir les études concernant les relations entre la séquence, la structure et l’activité « hybride » que possède l’ADN gyrase de M. tuberculosis [8]. Il visera également à déterminer s’il existe une corrélation entre la présence d’une seule topoisomérase de type II chez M. tuberculosis et la lenteur de croissance de cette bactérie. Des études génétiques par complémentation fonctionnelle, notamment chez M. smegmatis, seront mises en place, afin d’étudier l’adjonction d’une topoisomérase IV à une mycobactérie à croissance lente. Le laboratoire dispose de tout l’équipement nécessaire pour mener à bien cette étude, y compris l’accès aux différents synchrotrons (ESRF, Soleil, SLS), ainsi qu'aux plateformes de l'Institut Pasteur, notamment la plateforme de cristallisation (PF6, A. Haouz) et la plateforme de Biophysique des Macromolécules et de leurs Interactions (PFBMI, P. England). Les études fonctionnelles réalisées au laboratoire de bactériologie bénéficieront de toutes les compétences réunies au CNR des Mycobactéries. Résultats attendus En conclusion, les résultats obtenus visent à une meilleure connaissance à l'échelle atomique du mode de fonctionnement de l’ADN gyrase de M. tuberculosis, notamment le mode de fixation d'inhibiteurs (quinolones ou nouvelles molécules) ciblant le cœur catalytique et la reconnaissance de l’ADN par ce domaine. Les ADN gyrases constituent l'axe principal des activités des deux équipes, qui visent à mieux comprendre le mécanisme complexe d'une topoisomérase de type II atypique, seule topoisomérase de type II présente, et par conséquent cible unique des quinolones, chez M. tuberculosis. Références [1] Organisation Mondiale de la Santé. http://www.who.int [2] Champoux JJ. (2001). Annu Rev Biochem,. 70: 369-413. [3] Piton J, Matrat S, Petrella S, Jarlier V, Aubry A, Mayer C. (2009) Acta Cryst. F65, 1182-

1186. [4] Piton J, Petrella S, Jarlier V, Delarue M, Aubry A, Mayer C. (2010). PLoS One, 5, e12245. [5] Matrat S, Aubry A, Mayer C, Jarlier V, Cambau E. (2008). AAC, 52, 2909-2914. [6] Matrat S, Cambau E, Jarlier V, Aubry A. (2008) AA, 52, 745-747. [7] Aubry A, Veziris N, Cambau E, Truffot-Pernot C, Jarlier V, Fisher LM. (2006). AAC, 50,

104-112. [8] Aubry A, Fisher LM, Jarlier V, Cambau E. (2006). BBRC, 348, 158-165.