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Växjö universitet EXAMENSARBETE Institutionen för humaniora HT 2006 Franska Kurskod : GOX 169 Étude sur l’évaluation de l’expression orale dans la classe de français langue étrangère Anna Karlsson Handledare : Eva Larsson-Ringqvist, Institutionen för humaniora Examinator : Christina Angelfors, Institutionen för humaniora

Étude sur l’évaluation de l’expression orale dans la ...204847/FULLTEXT01.pdf · 4 1. Introduction Ce mémoire traitera de l’évaluation de l’expression orale dans la classe

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Växjö universitet EXAMENSARBETEInstitutionen för humaniora HT 2006FranskaKurskod : GOX 169

Étude sur l’évaluation de l’expression orale dans la classe de français langue étrangère

Anna Karlsson

Handledare :Eva Larsson-Ringqvist, Institutionen för humaniora

Examinator : Christina Angelfors, Institutionen för humaniora

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Table des matières

1. Introduction.............................................................................................................................4

2. Objectif....................................................................................................................................5

3. Méthode et matériaux..............................................................................................................5

3.1. Le DVD de Skolverket....................................................................................................5

3.2. Le test..............................................................................................................................5

3.3. Les élèves........................................................................................................................6

3.4. Les professeurs................................................................................................................6

4. L’enseignement des langues étrangères en Suède..................................................................6

5. Arrière-plan de la compétence communicative et l’évaluation de l’oral................................7

5.1. La compétence communicative......................................................................................7

5.2. Les niveaux d’apprentissage selon le Cadre de référence commun...............................9

5.3. L’évaluation de l’expression orale...............................................................................11

5.3.1. L’évaluation de la compétence communicative dans les programmes de langues en Suède......................................................................................................12

6. Analyse des matériaux..........................................................................................................14

6.1. L’évaluation de l’expression orale dans le modèle proposé par Skolverket...............14

6.1.1. L’interaction des élèves 1 et 2.........................................................................15

6.1.2. La langue des élèves 1 et 2..............................................................................16

6.1.3. Discussion du panel sur les critères de la notation..........................................16

6.2. L’évaluation de l’expression orale par les deux professeurs du lycée municipal.....17

6.2.1. L’interaction des élèves 3 et 4.........................................................................17

6.2.2. La langue des élèves 3 et 4..............................................................................19

6.2.3. Discussion des professeurs du lycée sur les critères de la notation................20

7. Discussion.............................................................................................................................20

3

8. Conclusion............................................................................................................................22Bibliographie

Appendice 1Appendice 2Appendice 3

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1. Introduction

Ce mémoire traitera de l’évaluation de l’expression orale dans la classe de français au lycée

en Suède. Dans l’enseignement des langues, la langue parlée devient de plus en plus

importante; voilà pourquoi il est intéressant d’examiner comment les compétences orales des

élèves sont évaluées. «L’évaluation est un thème à la fois aride et passionnant », écrit

Veltcheff & Hilton (2003 :139). Selon les mêmes auteurs (2003:124-5), l’évaluation de

l’expression orale présente quelques spécificités:

- elle met en jeu, davantage que les autres compétences, des aspects particuliers du savoir-être des apprenants - la timidité ou le caractère extraverti d’un individu entrant irrémédiablement en compte.

- elle présente une vraie difficulté dans la réalité quotidienne de l’évaluateur. Par manque de temps souvent, cette compétence est moins systématiquement évaluée que les autres, ou bien elle l’est en termes vagues de participation.

En évaluant l’oral, il faut tenir compte de plusieurs facteurs. L’oral a un

caractère éphémère, c’est-à-dire qu’une répétition systématique serait impossible. Les

conditions de la situation de communication, autrement dit tout ce qui concerne l’émission et

la réception d’un message, varient. En plus, l’expression orale est un discours organisé qui

comporte, aussi bien chez les apprenants que chez les locuteurs natifs, des hésitations, des

répétitions et des raccourcis (Desmond et al., 2005 :20-23).

On peut donc avancer l’hypothèse qu’il est difficile d’accomplir une évaluation

systématique. En particulier, il semble difficile d’estimer l’influence de différents traits de la

personnalité de l’élève sur l’évaluation de son expression orale. Or, c’est un travail possible et

nécessaire à faire « pour respecter la nature même d’une langue de communication dans

toutes ses dimensions », comme le dit Quatreville (2004 :5).

Le Conseil de l’Europe a réalisé un projet dont le but était, entre autres choses,

de définir «les niveaux de compétence qui permettent de mesurer le progrès de l’apprenant à

chaque étape de l’apprentissage» (Cadre européen, 2005, section 5.2.1.). Ce document forme

la base du programme d’enseignement secondaire suédois, Lpf94 (Skolverket, 1994). Dans le

but de garantir l’équivalence nationale, Skolverket distribue des tests nationaux, suivis de

commentaires et de directives pour l’évaluation. Il y a, entre autres choses, un test national de

l’expression orale pour les langues modernes. Dans la présente étude, j’utiliserai ces texts

officiels comme ouvrages de référence en analysant mes matériaux empiriques.

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2. Objectif

L’objectif de cette étude est donc d’analyser l’évaluation de l’expression orale dans la classe

de français langue étrangère telle qu’elle est faite par deux professeurs dans une situation

concrète d’expérimentation. L’analyse de leur évaluation sera faite avec, comme fond, les

directives de Skolverket et celles du Cadre de référence. En particulier, nous nous sommes

posée les questions suivantes :

1. Quels sont les critères d’évaluation les plus importants pour les professeurs?

2. Est-ce qu’il y a des opinions divergentes parmi les professeurs ou par rapport aux directives?

3. Si oui, en quoi consistent ces différences?

3. Méthode et matériaux

Cette étude focalise l’évaluation de l’expression orale dans la classe de français langue

étrangère au lycée. Pour l’objectif du mémoire, j’ai consulté Savignon (2002), Hymes (1964),

Canale et Swain (1980) et Tagliante (1991). Les élèves sont au niveau 3, ce qui implique

qu’ils ont participé à environ 250 heures de cours. J’ai choisi de faire une étude expérimentale

dans laquelle deux élèves ont réalisé un test oral. J’ai demandé à deux professeurs d’écouter le

résultat et d’évaluer les élèves et ensuite je les ai interviewées.

3.1. Le DVD de Skolverket

Dans le DVD de Skolverket, on voit premièrement comment deux élèves se parlent en

français et se posent des questions. Ensuite, un panel qui consiste de professeurs de

français discute l’évaluation de l’expression orale des élèves. J’ai fait une analyse de

cette discussion en repérant des énoncés qui portent sur deux catégories : ce qui

concerne la langue et ce qui concerne l’interaction.

3.2. Le test

J’ai construit un test qui consiste en deux parties. La première partie est basée sur deux

images que les élèves doivent se décrire mutuellement. Pour faciliter la conversation

des élèves, j’ai donné quelques renseignements en suédois à côté de chaque

photo (voir Appendice 1).

Dans la deuxième partie du test, j’ai posé les questions suivantes aux élèves:

1. Quel est ton métier idéal ?

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2. Est-ce que c’est important de gagner de l’argent ?

3. Préfères-tu un métier social ?

3.3. Les élèves

Afin de trouver deux élèves pour cette expérimentation, j’ai posé la question à toute

une classe du niveau 3 à un lycée municipal de Växjö. J’ai jugé important que la

participation au test soit facultative.

Avant la première partie du test, les élèves ont eu cinq minutes de préparation pour

réfléchir et prendre des notes. Ensuite, leur conversation a été enregistrée sur

magnétophone, et j’ai pris des notes en me tenant à l’arrière-plan. J’ai choisi le

magnétocassette, parce qu’il est moins traumatisant que la caméra (Veltcheff &

Hilton, 2003:138).

3.4. Les professeurs

Ensuite, l’enregistrement audio a été écouté et commenté par deux professeurs de

français au lycée (professeur A et B). Finalement, les professeurs ont été interviewées

séparément. Ma sélection de professeurs a été fondée sur leur longue expérience

d’enseigner le français. Toutes les deux ont plus de cinquante ans et ont plus de vingt

ans d’expérience comme professeurs.

Tous les participants ont été informées de l’objectif de la recherche et assurées de leur

anonymat. Les données sont présentées de façon à rendre l’identification impossible. En ce

qui concerne le DVD de Skolverket (Muntlig Språkfärdighet i Moderna Språk. Franska steg

3), montrant un test modèle, j’ai eu la permission de l’utiliser à condition que je ne dévoile

pas les détails du contenu de l’épreuve.

4. L’enseignement des langues étrangères en Suède

Au XXe siècle, l’enseignement des langues étrangères en Suède a beaucoup changé quant aux

des méthodes (Skolverket, 1996:11-13). Au lycée, les langues obligatoires sont le suédois et

l’anglais. Le français, l’espagnol, l’italien, le russe et le japonais sont des exemples de langues

facultatives. Les programmes de langues modernes (Moderna Språk) se composent de 7

niveaux successifs. Chaque niveau comprend 100 heures de cours (au maximum, on peut

donc obtenir 700 heures de cours). Les niveaux 1 à 3 constituent la base et les niveaux 3 à 7

7

comportent un approfondissement. Au lycée, les débutants commencent au niveau 1, tandis

que les élèves qui ont étudié la langue au college continuent au niveau 3. Pour accéder au

niveau universitaire, il faut avoir terminé au minimum le niveau 3 (Söderberg & Lansfjord,

2005:13).

5. Arrière-plan de la compétence communicative et l’évaluation de l’oral

5.1. La compétence communicative

L’approche communicative de l’enseignement des langues (CLT, communicative language

teaching) est un mouvement contemporain dont la notion théorique centrale est la compétence

communicative (Habermas, 1972 :156-157 ; Hymes, 1964:385-390; Savignon, 2002 :7-10).

Cette théorie met l’élève au centre et a son origine dans la linguistique, la psychologie, la

philosophie, la sociologie et la pédagogie. L’approche communicative concerne aussi bien les

aspects psychologiques que les aspects socioculturels de l’enseignement.

La compétence communicative est une notion complexe. Ce fait est illustré par

le modèle de Savignon (2002 :8):

Tableau 1. Les composantes de la compétence communicative.

contextes

1 2 3 4

La compétence communicative

1 = Socioculturelle, 2 = stratégique, 3 = discursive, 4 =grammaticale

Comme on peut le voir dans le tableau 1, la compétence communicative est présentée sous

forme d’une pyramide à l’envers. L’élève va renforcer sa compétence communicative par la

pratique et l’expérience dans de nombreuses occasions communicatives.

D’autres chercheurs, p. ex. Canale et Swain (1980) ont élaboré des listes de

composantes faisant partie de la compétence communicative. Ils distinguent ainsi, en accord

avec le modèle de Savignon, trois facteurs de la compétence communicative: la compétence

sociolinguistique (notion qui correspond approximativement à la compétence socio-culturelle

8

de Savignon), la compétence stratégique et la compétence grammaticale. En 1983, Canale a

ajouté un quatrième facteur, la compétence discursive.

La compétence socioculturelle est une notion interdisciplinaire très étendue

appliquée à l’apprentissage des langues. Elle comprend les règles sociales qui gouvernent

l’usage de la langue. Le contexte social est donc important pour la langue. Selon Savignon, la

compétence stratégique permet à l’élève de chercher des informations, d’utiliser des

paraphrases, de prendre des risques et de se servir de stratégies altérnatives dans des situations

inconnues (Savignon, 2002 :7-10). La compétence discursive touche à la cohérence des

énonciations à l’intérieur d’une unité de discours plus grande. La compétence grammaticale

comprend la connaissance et l’interprétation des traits linguistiques, lexicaux,

morphologiques, syntaxiques et phonétiques. La compétence grammaticale est une notion très

étendue pour Savignon:

Grammatical competence refers to sentence-level grammatical forms, the ability to recognize the lexical, morphological, syntactical and phonological features of a language and to make use of those features to interpret and form words and sentences (p.9).

Toutes les composantes sont importantes et elles sont en rapport étroit les unes avec les

autres. Une composante ne peut pas se développer en isolation : «[...] when an increase occurs

in one area, that component interacts with other components to produce a corresponding

increase in overall communicative competence» (Savignon, 2002 : 8).

Pour l’objectif de cette étude, compétence, performance, capacité et

comportement observable font partie d’une terminologie centrale. Voici une illustration des

définitions de Tagliante (1991 : 22) :

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Tableau 2. La définition de compétence, performance et capacité selon Tagliante

Compétence Performance Capacité

Ensemble intériorisé ou Ressources à acquérir d’apprentissages non et à développer par observables directement apprentissage. = ce que l’élève sait : = ce que l’on veut faire

acquérir :

LE SAVOIR LE SAVOIR-FAIRE

Comment voit-on qu’il sait ? Comment voit-on Qu’il sait faire ?

Par sa performance, Par sa performance, sa production de : sa production de :

comportements observables

Produit de l’élèvequi indique que la compétence et la capacitésont acquisesou non= indicateur d’acquisitionde l’objectif opérationnel

C’est donc par le comportement observable de l’élève, par exemple son expression orale, qu’il

faut évaluer ses connaissances, aussi bien son savoir que son savoir-faire.

5.2. Les niveaux d’apprentissage selon le Cadre de référence commun

Comme une partie de la collaboration culturelle en Europe, le Conseil européen a élaboré un

cadre de référence commun pour les programmes d’enseignement des langues en Europe.

L’objectif était de définir les compétences et les niveaux des connaissances d’une façon

transparente et uniforme. Ce travail a conduit à des accords européens et à un enseignement

des langues se déroulant dans une salle de classe communicative.

Le Cadre a introduit six niveaux pour décrire l’espace de l’apprentissage. Les

six niveaux correspondent à trois niveaux généraux: niveau de base (utilisateur élémentaire),

niveau intermédiaire (utilisateur indépendant) et niveau avancé (utilisateur expérimenté).

Schématiquement, les niveaux sont représentés de la façon suivante (Cadre européen commun

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de référence pour les langues, 2005:25). A1 représente le niveau le plus bas et C2 le niveau le

plus avancé :

Tableau 3. Les trois niveaux généraux.

A B C

A1 A2 B1 B2 C1 C2 Introductif Intermédiaire Niveau Avancé ou Autonome Maîtriseou découverte ou de survie seuil indépendant

On voit que la progression, représentée par les différents niveaux, ressemble beaucoup à la

description du processus d’apprentissage. Bloom et son équipe ont élaboré une taxonomie des

objectifs éducatifs, c’est-à-dire un système de classer les objectifs éducatifs et de les mettre en

rapport les uns avec les autres (Bloom et al.1971 :39-40). Bloom s’intéressait aux

«mécanismes intellectuels qui entrent en jeu tout au long de l’apprentissage pour passer d’un

exercice de mémoire à une création personnelle » (Tagliante, 1991:20). De même, pour

Tagliante (1991 :21), la compétence est un savoir intériorisé qu’il faut compléter par un

savoir-faire.

Dans un autre courant de recherche, la notion de compétence s’oppose à celle de

‘performance’. Ainsi, aux États-Unis, Hymes (1972) a retenu la distinction de ‘compétence’ et

de ‘performance’ de Chomsky et, tout en la modifiant, il a introduit la notion de compétence

communicative pour décrire la capacité d’utiliser la langue dans un contexte culturel et social.

Il écrit ceci :

Certes, le terme «communication» a pu être connoté comme s’appliquant à quelque chose de purement instrumental et externe. Pour certains, il ne renvoie qu’à ce qui se passe dans la communication avec les autres. Même si c’était le cas, les travaux des ethnométho[do]logues, en particulier, ont bien montré que ce qui se passe dans la communication met en jeu ce que les participants apportent à cette communication et ce qu’ils ont à leur disposition pour l’accomplir et l’interpréter (p. 129).

Selon Hymes (1972 :123-130), la compétence communicative comporte toutes les règles des

différents niveaux qui gouvernent la communication: « la compétence purement linguistique

fait partie intégrante de cette compétence communicative » (Bolton, 1988:24-25). Il s’agit

donc d’une compétence très vaste. L’élève doit apprendre les phrases grammaticales, dans

quel contexte ces phrases conviennent et aussi comment les comprendre. Autrement dit, la

compétence communicative touche à cinq dimensions différentes : la dimension

phonologique, lexicale, grammaticale, pragmatique et communicative.

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Bolton (1988 :35) a fait une figure pour illustrer la relation entre les besoins

communicatifs, les systèmes de contrôle et les programmes de langues. Selon elle, la réussite

de n’importe quelle interaction ne dépend pas seulement des aspects linguistiques. Voici son

modèle :

Tableau 4. Le triangle de cursus.

Besoins communicatifs

On peut donc tirer la conclusion que ce sont les besoins communicatifs qui doivent déterminer

aussi bien les programmes de langues que les systèmes de contrôle. Il existe une

interdépendance entre les programmes de langues et les systèmes de contrôle.

5.3. L’évaluation de l’expression orale

En parlant de l’évaluation de la maîtrise d’une langue étrangère, Bolton écrit ceci (p. 34):

Les tests qui sont censés mesurer la maîtrise fonctionnelle de la langue étrangère demandent des épreuves qui [...] se rapprochent le plus possible des situations authentiques d’utilisation de la langue.

Birenbaum (1996:4) souligne également la nécessité de considérer le côté fonctionnel de la

langue:

In choosing a method for assessment we have to first ask: What is it we want to assess? In order to answer this question we have to take into consideration the goals for instruction in the context of which the assess-ment takes place […]. The question that arises in any particular period is what is needed for successful functioning at that point in time.

Pour décrire l’évaluation de l’interaction orale, le Conseil européen a établi une échelle

(2005:61, voir appendice 3), où l’on décrit, pour chaque niveau, ce que l’élève doit savoir et

savoir faire. Or, il est important de comprendre que le processus d’apprentissage de chaque

élève est individuel et ne suit jamais un chemin déterminé.

Programmesde langues

Systèmes de contrôle

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Il y a une affinité claire entre le Cadre européen et les programmes suédois pour

l’enseignement des langues. Plusieurs experts suédois ont joué un grand rôle pour

l’élaboration du document européen commun, ce qui explique que les instructions officielles

suédoises s’approchent du Cadre européen, toutefois sans sa terminologie détaillée. Elles ont

été développées suivant un modèle intuitif. Cela veut dire que les experts ont élaboré une

description des objectifs et des critères de la notation, qui ont été révisés par des informateurs

et ensuite on a fait les ajustements nécessaires (Andered, 2004 :29). À l’égard des activités

langagières, le Cadre distingue la production, l’interaction et la médiation (c’est-à-dire, la

traduction et l’interprétation). La même distinction est valable pour les instructions officielles

suédoises.

5.3.1. L’évaluation de la compétence communicative dans les programmes de langues en Suède

Quelle est la tâche de l’école, d’après les programmes de langues en Suède ? Dans

l’instruction officielle pour le lycée (Lpf94), on trouve les indications suivantes:

L’école doit développer la compétence communicative et sociale des élèves1

[...]préparer les élèves pour une société où les relations internationales et interculturelles deviennent de plus en plus fréquentes2

Ces objectifs généraux indiquent l’importance de la compétence communicative. Quant aux

langues, quelle fonction est la fonction la plus importante aujourd’hui? Selon Skolverket

(1999 :4), la majorité des élèves suédois trouvent que c’est la fonction communicative et c’est

cette opinion qui se reflète dans les critères de notation pour les langues modernes (pour la

version originale en suédois, voir les cours de plan pour les langues modernes, niveau 3):

Pour obtenir la note G (reçu):

L’élève comprend les points importants d’une énonciation prononcée clairement, à condition

qu’il s’agisse d’une situation connue et que la langue soit simple.

L’élève peut se faire comprendre dans des conversations quotidiennes et interagir, pourvu que

la situation soit facile à identifier et que la langue soit relativement simple.

La langue de l’élève est simple, mais compréhensible et cohérente.

1 Texte original suédois : « Skolan skall utveckla elevernas kommunikativa och sociala kompetens» (Skolverket, 1994 :3)2 Texte original suédois : « ...förbereda eleverna för ett samhälle med allt tätare kontakter över nations- och kulturgränser» (Skolverket, 1994 :4)

13

L’élève prend la responsabilité de son propre travail concernant la langue.

Pour la note G, il s’agit donc de comprendre, de se faire comprendre et d’interagir dans une

situation connue. Les professeurs ont cependant une grande liberté d’interpréter et de

« décomposer » les objectifs nationaux et les critères de la notation. Il est intéressant de

comparer avec le niveau le plus bas (A1), défini par le Cadre européen en ce qui concerne

l’interaction orale générale (voir appendice 3):

● Peut interagir de façon simple, mais la communication dépend totalement de la

réception avec un débit plus lent, de la reformulation et des corrections.

● Peut répondre à des questions simples et réagir à des affirmations simples et en émettre dans le

domaine des besoins immédiats ou sur des sujets très familiers.

Il semble que la note G ne correspond pas exactement au niveau A1. Pour obtenir cette note, il

s’agit de communiquer, sans dépendre «totalement» des corrections et de la reformulation.

Pour obtenir la note VG (Väl godkänd = reçu avec la mention bien) :

L’élève comprend les points importants de la langue parlée simple et utilise l’information

donnée.

L’élève utilise différentes stratégies pour faire fonctionner la communication dans des

conversations quotidiennes.

L’élève parle clairement, la langue est fluide et la prononciation est bonne.

Pour obtenir la note VG, il faut que la communication fonctionne bien et que la langue soit

fluide. Il est intéressant de comparer avec le niveau européen A2 (voir appendice 3):

Peut interagir avec aisance raisonnable dans des situations bien structurées et de courtes

conversations à condition que l’interlocuteur apporte de l’aide le cas échéant [...].

Peut poser des questions, répondre à des questions et échanger des idées et des renseignements

sur des sujets familiers dans des situations familières prévisibles de la vie quotidienne.

Peut communiquer dans le cadre d’une tâche simple et courante ne demandant qu’un

échange d’information simple et direct sur des sujets familiers relatifs au travail et aux loisirs.

Peut gérer des échanges de type social très courts mais est rarement capable de comprendre

suffisamment pour alimenter volontairement la conversation..

Les critères sont semblables, mais les stratégies alternatives ne sont pas mentionnées dans les

critères européens, qui sont d’ailleurs très détaillés.

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Pour obtenir la note MVG (Mycket Väl Godkänd = reçu avec la mention très bien):

L’élève comprend aussi bien les points importants de la langue simple que les détails et, de

manière variée, il/elle fait usage de l’information donnée.

L’élève participe à des conversations quotidiennes très variées et résout des problèmes

linguistiques d’une façon efficace.

L’élève s’exprime oralement avec cohérence et la langue est fluide.

Il est difficile de trouver une progression entre les notes VG et MVG, à cause du caractère

général des critères de la notation. Quelle est la situation pour le niveau B1 du Cadre européen

(voir appendice 3) ?:

Peut communiquer avec une certaine assurance sur des sujets familiers habituels ou non en

relation avec ses intérêts et son domaine professionnel.

Peut échanger, vérifier et confirmer des informations, faire face à des situations moins

courantes et expliquer pourquoi il y a une difficulté [...].

Peut exploiter avec souplesse une gamme étendue de langue simple pour faire face à la

plupart des situations susceptibles de se produire au cours d’un voyage.

Peut aborder sans préparation une conversation sur un sujet familier, exprimer des opinions

personnelles et échanger de l’information sur des sujets familiers, d’intérêt personnel ou

pertinents pour la vie quotidienne [...].

On voit donc que, pour B1, on peut tracer une progression. Ici, il s’agit de parler des sujets

non habituels et sans préparation.

6. Analyse des matériaux

6.1. L’évaluation de l’expression orale dans le modèle proposé par

Skolverket

À l’appui de la notation des professeurs, Skolverket a fait faire un DVD pour illustrer

l’évaluation de l’expression orale. Les langues actualisées sont le français, l’espagnol et

l’allemand. Sur le DVD, un garçon (élève 1) et une fille (élève 2) sont engagés dans une

discussion. En parlant de l’interaction des élèves, les membres du panel relèvent les

compétences suivantes :

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La capacité de comprendre ce que les autres disent, de faire avancer la conversation

La maîtrise de différents genres– raconter, décrire et argumenter

La capacité d’adapter la langue à la situation, au sujet et au destinataire

En évaluant la langue des élèves, le panel de Skolverket a focalisé les facteurs suivants :

La clarté de l’expression

L’assurance

L’emploi de stratégies altérnatives

Le vocabulaire

La prononciation et l’intonation

En ce qui concerne l’importance accordée aux facteurs qui touchent, respectivement,

l’interaction et la langue, je vais y revenir en analysant les discussions du panel pour examiner

l’importance de ces facteurs pour la notation.

6.1.1. L’interaction des élèves 1 et 2

Les commentaires du panel de Skolverket concernent le plus souvent l’interaction entre les

deux élèves. Les élèves ne se posent pas de questions l’un à l’autre, et s’embrouillent dans des

énumérations. L’élève 2 donne la parole à l’élève 1, mais celui-ci la garde et ne donne pas

l’occasion à l’élève 2 de la reprendre. Il s’agit plutôt d’un monologue et le panel remarque,

entre autres choses, que la compatibilité des personnalités est importante pour le résultat.

Le panel pense que les élèves ont l’ambition d’interagir parce qu’ils se posent

des questions l’un à l’autre et qu’ils s’efforcent de parler. L’élève 2 se bloque parfois et, selon

le panel, c’est à cause de sa nervosité et son insécurité. Cette observation aboutit à la

supposition que l’élève pourrait produire davantage dans des situations réelles et moins

stressées.

Le vocabulaire de l’élève 1 ne suffit pas pour ce qu’il veut dire, mais il tente sa

chance. L’élève 2, par contre, ne dit que ce que l’élève peut exprimer. Le panel trouve que

l’élève 2 parle clairement, mais perd le fil en se heurtant à des difficultés. Il y a des moments

où l’élève 2 fait des plaisanteries, pour montrer qu’elle est encore là, mais, le plus souvent,

l’élève 2 abandonne la parole. Le panel considère que l’élève 1 est franc et sincère, ce qui leur

plaît.

16

6.1.2. La langue des élèves 1 et 2

Quand il s’agit de la maîtrise de la langue, la discussion du panel concerne la façon dont les

élèves traitent des situations où leurs ressources linguistiques sont insuffisantes. La discussion

sur la langue se rapporte surtout aux défauts de vocabulaire. L’élève 1 emploie des stratégies

alternatives, ce qui est très bien selon le panel. Il ne cède pas quand les mots lui manquent,

mais utilise des gestes et des hochements de tête au lieu de la parole. L’élève 2, par contre,

abandonne souvent et, à deux reprises, elle remplace les mots français par des mots suédois

dans la conversation. Or, le panel ne pense pas qu’elle arrive à montrer ses connaissances

dans la situation du test. Les stratégies alternatives de l’élève 2 consistent à ne rien dire. Par

contre, le garçon prend des risques pour faire passer son message. En plus, il fait preuve de la

maîtrise de l’emploi des conjonctions et des propositions relatives.

6.1.3. Discussion du panel sur les critères de la notation

Dans la discussion qui touche les critères de la notation, l’élève 2 reçoit la note G+ par

quelques membres du panel, puisqu’elle se montre capable de décrire une image avec clarté.

Pourtant, elle a, selon le panel, des difficultés de maintenir la conversation. Elle est peu sûre

d’elle-même et ses mots sont incorrects. En se référant aux critères qui sont valables pour la

note G (voir la section 5.3.1.), le panel est d’avis qu’elle comprend les points importants

d’une langue prononcée avec soin. Elle peut se faire comprendre dans des situations

quotidiennes, peut-être, mais on se demande si elle prend vraiment part à la communication.

D’autres membres du panel sont même disposés à lui attribuer la note VG –

avec la motivation qu’il est probable qu’elle saurait dire plus dans une situation réelle. Il y a

des moments où elle fait preuve de la maîtrise de constructions grammaticales assez

complexes et un membre du panel pense que la langue de l’élève 2 est meilleure que celle de

l’élève 1.

L’élève 1 reçoit la note VG du panel, puisque cet élève est considéré comme

communicatif dans son usage de stratégies alternatives. On fait des remarques subjectives sur

son comportement général et il est évident que le panel aime bien l’élève 1.

Selon le panel, la capacité de décrire une image ne suffit pas pour obtenir la note

VG. On doit aussi être capable d’informer et de transmettre quelque chose et dans ce contexte

les sentiments sont mentionnés. Le jury pense que l’élève 1 maîtrise certaines structures de

phrases complexes et qu’il est adroit quand il s’agit de transmettre des sentiments. Sa

faiblesse est qu’il ne prend pas la responsabilité de la communication.

17

Or, il est évident que, pour le panel, les défauts de l’élève 1 ne pèsent pas aussi

lourd que ceux de l’élève 2. Le panel est d’avis que cet élève comprend les points importants

de la langue parlée et qu’il utilise l’information donnée, conformément aux critères pour la

note VG. Mais pour obtenir cette note, il faut aussi que la langue soit fluide et que la

prononciation soit bonne. L’élève doit utiliser différentes stratégies pour faire fonctionner la

communication, ce qui n’est pas le cas ici.

Les professeurs pensent que les circonstances extérieures peuvent influencer le

résultat. Selon eux, il est probable que l’élève 2 se sent dans une position d’infériorité,

puisque l’élève 2 a des connaissances préalables du pays actualisé dans la discussion. Le

studio et la présence du professeur qui dirige le test pourraient aussi avoir influencé le résultat

négativement.

6.2. L’évaluation de l’expression orale par les deux professeurs du lycée

municipal

6.2.1. L’interaction des élèves 3 et 4

L’analyse de l’évaluation du test modèle de Skolverket a montré deux choses:

1. La base de l’évaluation concernait deux domaines principaux, l’interaction et la

maîtrise de la langue.

2. Les membres du panel ont, pour des raisons évidentes, actualisé les critères de

l’instruction officielle et ils ont considéré la capacité d’interagir comme la compétence

la plus importante pour la notation.

Dans l’analyse de mes matériaux enregistrés, je vais maintenant utiliser mon analyse du

modèle proposé par Skolverket et classer les matériaux dans les mêmes catégories. Je me pose,

en dehors de la première question générale citée dans la section sur l’objectif de mon étude, les

questions suivantes :

1. Comment les professeurs parlent-ils de l’interaction des élèves?

2. Comment les professeurs parlent-ils du niveau linguistique des élèves

(l’exactitude grammaticale, le vocabulaire, la prononciation)?

Les deux professeurs du lycée municipal que j’ai interviewées trouvent que les élèves

enregistrés (l’élève 3 et l’élève 4) savent communiquer. Les professeurs pensent que les

élèves peuvent faire passer un message, du moins d’une façon rudimentaire. Les élèves

s’entreaident à faire avancer la conversation. Elles font donc preuve de leur compétence

communicative, comme dans l’exemple suivant :

18

(1) [début de la description de l’image]

4 : À mon tableau c’est un homme...eh...il s’appelle Erling. Il habite à Kalmar avec sa femme Emma. Ils sont retraités et ils font qu’ils voulont à le jour. Erling aime que regarder les oiseaux et à la tableau cet homme une maison rouge avec...[montre la photo et demande à la camarade de classe de fournir le mot qu’elle cherche].

3 : Porte !

4 : Le porte jeune [jaune ?] ...eh..oui..

Alors, comment parlent les professeurs de l’interaction des élèves? Selon elles, les deux

élèves peuvent répondre à des questions simples et réagir à des affirmations simples, elles

peuvent communiquer et échanger une information simple, ce qui correspond au niveau A2

du Cadre européen (voir appendice 3), comme dans l’exemple suivant:

(2) [questions posées à propos de l’image]

3 : Oui. Eh... Dans le tableau, où est Erling ?

4 : Oui...

3 et 4 : [rient]

4 : Eh...il regardait le sol au tableau.

3 : Oui.

4 : Et il rire.

3 et 4 [rient]: Oui, c’est ça.

3 : Eh...eh... [silence] oui...eh... où est la maison ?

4 : De...Derrière...eh...il habite ici...eh...

On voit facilement, en regardant l’exemple (2) à quoi se réfèrent les professeurs quand elles

trouvent qu’il est vraiment difficile pour les élèves suédois de produire un discours fluide.

Dans (2), les élèves décrivent ou présentent simplement des gens, des conditions de vie et des

activités quotidiennes en utilisant des phrases non reliées.

Le professeur A trouve que les élèves ne peuvent guère produire une langue

cohérente et qu’il est difficile pour eux de décrire quelque chose. Selon A, il n’y a pas

d’argumentation dans la conversation entre 3 et 4. Or, le professeur B pense qu’il s’agit d’une

argumentation - mais « à un niveau simple », comme dans l’exemple suivant :

19

(3) [réponse à la question : Quel est ton métier idéal ?]

4 : Eh...ma métier idéal...est un métier social...eh...peut-être dans un hôpital...eh...peut-être che vais devenir un docteur...mais che ne sais pas. [rit]..eh...eh... Pour moi c’est plus important de gagner de l’argent mais...c’est...c’est ne sont pas le plus...

3 : C’est un travail de gagner de l’argent pour toi ?

4: Oui...c’est une portant [important ?] eh...che veux...che veux acheter des vêtements...eh...oui...che dois manger...toujours...eh..mais...che aussi.. eh...avoir des drôles...dans la vie ici...oui...[inaudible].

Dans (3), les professeurs trouvent que le message de l’élève 4 passe : elle veut travailler

comme médecin parce qu’elle aime un métier social, mais un bon revenu est important pour

vivre, acheter des vêtements et pour les plaisirs.

6.2.2. La langue des élèves 3 et 4

En évaluant les élèves, les discussions des professeurs A et B concernent surtout la langue.

Elles pensent que les élèves adaptent leur langue à la situation, au sujet et au destinataire,

mais elles ne trouvent pas que la langue des élèves fasse preuve d’une richesse d’idées. Selon

les professeurs, les élèves parviennent à s’exprimer en utilisant des phrases idiomatiquement

(presque) correctes : « faire le cuisine ».

Toutes les deux sont d’avis que la langue est assez compréhensible. A et B ont

des doutes en ce qui concerne la capacité des élèves d’exprimer un message de façon claire.

Selon les professeurs A et B, les élèves 3 et 4 font preuve d’aisance et de sécurité au début de

la description (4) et dans l’emploi de certaines expressions (« le soleil brille» ) :

(4) [début de la présentation des images]

3 :[...] des garçons et les garcons s’appellent Rasmus et Philippe.Rasmus a sept ans et Philippe a cinq ans...eh...Ils habitent dans..dans Växjö...eh...avec les parents. Ils aiment..ils aiment creuseux[creuser ?]...dans...le...comm’ dire ‘jord’ ? Tu sais ?

4 : Eh...C’est...eh...le soleil brille ?

3 : Non, je ne sais pas...

[Je: « terre» ]

3: Terre ? Ah…Oui.

Ici, les élèves décrivent, ou présentent d’une manière simple, des gens et des activités

quotidiennes en utilisant des phrases non reliées (ce qui correspond au niveau A2 du Cadre

20

européen). Or, les professeurs pensent que la sécurité et l’exactitude grammaticale diminuent

vers la fin de la conversation, comme le montre l’exemple (5) :

(5) [fin de la conversation sur l’image]

4 : Il aime faire le creuseux [ ?] dans ses perdes [terre ?], peut-être .

Les professeurs pensent que les élèves trouvent des solutions aux problèmes

linguistiques d’une bonne manière en se posant des questions l’une à l’autre. Or, selon les

professeurs, le vocabulaire n’est pas brillant : par endroits correct par endroits insuffisant.

Les professeurs trouvent que la prononciation des élèves est bonne. Or, il y a

quelques erreurs phonétiques: jaune est par exemple prononcé « jeune » et je vais devient

«che vais».

6.2.3. Discussion des professeurs du lycée sur les critères de la notation

En évaluant les élèves, mes professeurs semblaient d’accord sur les notes des élèves : entre

G+ et VG – . On est donc d’avis que les élèves comprennent les points importants d’une

langue prononcée avec soin, à condition que la situation soit connue. Ce qui manque pour un

«bon» VG, selon les professeurs, c’est l’emploi de différentes stratégies communicatives.

Voici le commentaire du professeur B : « Ce sont deux élèves au niveau G qui pourraient

avoir pour but d’obtenir la note VG. Mais pour obtenir cette note, il faut parler avec plus

d’exactitude».

Pour obtenir la note G, A et B pensent que les élèves doivent montrer qu’ils

comprennent - et qu’ils peuvent se faire comprendre. B n’attache pas une grande importance à

l’accord entre le sujet et le verbe : cela est important seulement si l’élève vise les notes VG ou

MVG.

L’analyse de l’évaluation de l’expression orale par les deux professeurs du lycée

municipal a donc montré que la base de l’évaluation concerne la langue et l’exactitude

linguistique pèse le plus lourd. La capacité d’interagir n’est pas vraiment mentionnée dans

cette discussion.

7. Discussion

Selon l’hypothèse de « Comprehensible Output» de Swain, la production orale est nécessaire

pour que les élèves puissent apprendre une langue étrangère. Mattsson (2003) a, par exemple,

examiné la relation entre l’enseignement et l’apprentissage, en focalisant sur la production

21

orale des élèves lycéens dans la classe de français langue étrangère. Entre autres choses, elle a

constaté que (p. 223) :

Les activités centrées sur la forme conduisent à une grande variation de

formes verbales, tandis que les activités communicatives centrées sur des

sujets étendus ont pour résultat une variation lexicale.

La manière dont le professeur pose des questions influence la quantité de la

production orale des élèves.

Évidemment, les occasions de communiquer en français ne suffisent pas dans la plupart des

classes de français langue étrangère. Pour des apprenants à l’école, il est difficile d’obtenir le

niveau européen le plus avancé, c’est-à-dire d’« exprimer avec précision des nuances fines de

signification » (voir appendice 3). Un élève d’une classe de français langue étrangère reste le

plus souvent au niveaux A1 et A2 en Suède. Les professeurs de «mon» panel disent que,

généralement, l’aspect communicatif est l’aspect le plus difficile pour les élèves suédois, car

leur entraînement à l’expression orale ne suffit pas. C’est exactement le contraire de l’anglais,

puisque les élèves suédois commencent avec cette langue beaucoup plus tôt et ont souvent

l’occasion de la pratiquer en dehors de la classe.

Une autre difficulté que j’ai trouvée à l’égard de l’évaluation de l’expression

orale c’est que la partialité du professeur est souvent évoquée. Il est souvent difficile d’établir

et de maintenir l’objectivité et la systématicité, ce qui est nécessaire dans une épreuve. Dans

ce contexte, il est intéressant de noter cette réflexion du professeur A:

(11) Quand nous les professeurs de français avons regardé le DVD de Skolverket, nous étions d’avis que le panel était trop gentil en notant les élèves. Constamment, nous avons noté à un niveau plus bas que celui du panel de Skolverket. Le panel focalisait sur la compétence communicative, tandis que nous attachions de l’importance à la langue. Nous avons trouvé que le professeur ne traitait pas les élèves de la même manière, puisqu’elle ne donnait pas la même place à la fille qu’au garçon. En outre, le garçon avait plus de choses à dire que la fille, tout simplement parce qu’il avait visité le pays actuel.

Dans l’évaluation du panel de Skolverket, il est possible que la compétence de la fille ne se

reflète pas dans sa performance, tandis que celle du garçon révèle son manque de compétence.

On dirait même qu’il est difficile pour une personne introvertie d’avoir la note VG ou MVG,

22

puisqu’il/elle ne prend pas de risques dans la même mesure qu’une personne extravertie. En

focalisant sur la langue comme le fait «mon» panel, il est possible qu’on évite le problème.

Pourtant, « l’évaluation isolée de capacités partielles n’a pas de raison d’être»,

écrit Bolton (1988 :40), argumentant pour une intégration totale entre l’objectivité et

l’authenticité (p. 40). Elle souligne que, pour mesurer la langue réelle, il faut qu’on mesure

« la compétence communicative authentique» (p. 59). En outre, selon Savignon (2002), la

langue n’existe que dans un contexte social. Il semble donc impossible de séparer la langue et

l’interaction, puisque les quatres compétences sont d’importance égale et la langue et

l’interaction forment une unité inséparable (voir tableau 1). Ainsi, en laissant les besoins

communicatifs avoir le primat des programmes de langues aussi bien que des systèmes de

contrôle, on aura une compétence socioculturelle, stratégique, discursive et grammaticale et

en même temps contextualisée.

Mais, est-ce vraiment possible de toujours intégrer l’élement de contrôle et celui

d’authenticité ? S’il y a un conflit entre l’objectif d’apprentissage et le critère d’objectivité,

alors quel facteur aura le primat ? C’est au-delà de la limite de ce mémoire de répondre à ces

questions, mais je suis convaincue que le dernier mot n’a pas été prononcé à ce sujet.

8. Conclusion

Cette étude a analysé l’évaluation de l’expression orale dans la classe de français langue

étrangère. Les directives de Skolverket et celles du Cadre de référence ont constitué la base.

Le modèle de Savignon et celui de Bolton, de Hymes et de Tagliante sur la compétence

communicative ont fourni la théorie sur laquelle se fonde cette analyse. J’ai seulement

interviewé deux professeurs ; le résultat aurait, sans doute, plus de poids avec la participation

d’un groupe plus nombreux, mais, en revanche, il s’agit d’une étude qualitative.

L’étude de l’évaluation du panel de Skolverket a montré que la base de

l’évaluation concernait l’interaction et la langue et que, pour eux, l’interaction est plus

importante que la langue. Mon analyse de la discussion du panel de Skolverket a été utilisée

pour la catégorisation de mes propres matériaux. L’évaluation des deux professeurs du lycée

municipal a été fondée sur les aspects linguistiques de la production des élèves. C’est un

résultat surprenant, puisque cela veut dire que les professeurs ne suivent pas les directives de

Skolverket. Les interviews ont montré que cet écart par rapport aux directives est le résultat

d’un choix délibéré. Selon Savignon (2002) et Bolton (1988), une distinction entre la langue

et l’interaction est impossible à faire, puisque toutes les composantes dépendent les unes des

23

autres. En outre, Tagliante (1991) souligne que la compétence et la capacité d’un élève se

révèlent par tout ce qu’il/elle dit et fait. L’idéal est d’intégrer la langue et l’interaction dans

une situation de test, mais, en réalité, il est souvent difficile de tenir compte de tous les

facteurs en même temps en évaluant les élèves.

Finalement, en ce qui concerne l’évaluation de l’expression orale, il y a des

facteurs qui influencent l’évaluation, comme par exemple le caractère éphémère de l’oral, les

traits de personnalité et la partialité du professeur. L’évaluation est vraiment un thème très

passionant, comme le disaient Veltcheff & Hilton (voir introduction), mais, pour conclure,

cette citation de Berrier (1991 :484) semble être à sa place:

Il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l’évaluation en général, et dans celle de l’oral en particulier.

24

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Tagliante, C. 1991. L’évaluation. Paris: Clé international.

Appendice 1

Photo A [un homme devant sa maison]: Här är Erling. Han bor i Kalmar tillsammans med sin fru Emma. De är båda pensionärer och kan göra vad de vill om dagarna. Erling gillar att titta på fåglar3.

Photo B [deux garçons qui creusent la terre] : Pojkarna heter Rasmus och Philip. Rasmus är 7 år gammal och Philip är 5. De bor tillsammans med sina föräldrar i Växjö. De gillar att gräva i jord. Här håller de på med att hjälpa sina föräldrar med att bygga ett garage4.

3 Trad : Voici Erling. Il habite à Kalmar avec sa femme Emma. Ils sont tous les deux retraités et peuvent faire ce qu’ils veulent pendant la journée. Erling aime regarder des oiseaux.4 Trad : Les garçons s’appellent Rasmus et Philippe. Rasmus a sept ans et Philippe a cinq ans. Ils habitent avec leurs parents à Växjö. Ils aiment creuser la terre. Ici, ils sont en train d’aider leurs parents avec la construction d’un garage.

26

Appendice 2

La dialogue entre les deux élèves de la classe française, niveau 3 au lycée :

3 :[...] des garçons et les garcons s’appellent Rasmus et Philippe. Rasmus a sept ans et Philippe a cinq ans...eh...Ils habitent dans..dans Växjö...eh...avec les parents. Ils aiment..ils aiment creuseux [creuser ?]...dans...le...comm’ dire ‘jord’ ? Tu sais ?

4 : Eh...C’est...eh...le soleil brille ?

3 : Non, je ne sais pas...

[je : « terre» ]

3 : Terre ? Ah...oui.

4 : Il aime faire le creuseux [ ?] dans ses perdes [terre ?], peut-être.

3 : Eh...dans le tabl...tableau...ah...oui...eh..il...eh..il...eh... creuse...creuse...Ils vont faire une garage ensemble avec les parents.

4 :Oui. Le soleil brille ?

3 : Oui...brille.

4 : C’est un beau tableau ?

3 : Oui, oui.

4 : À mon tableau c’est un homme...eh...il s’appelle Erling. Il habite à Kalmar avec sa femme Emma. Ils sont retraités et ils font qu’ils voulont à le jour. Erling aime que regarder les oiseaux et à la tableau cet homme une maison rouge avec...[ montre la photo et demande à sa camarade de classe de remplir].

3 : Porte !

4 : Le porte jeune [jaune ?] ...eh..oui..

3 : Oui. Eh... Dans le tableau, où est Erling ?

4 : Oui...

3 et 4 : [rient]

4 : Eh...il regardait les oiseaux au tableau.

3 : Oui.

4 : Et il rire.

27

3 et 4 [rient] : Oui, c’est ça.

3 : Eh...eh... [silence] oui...eh... où est la maison ?

4 : De...Derrière...eh...il habite ici...eh...

3. Oui. Oui. Ma métière idéale...eh... oui ch’adore le chocolat...eh...che...che...che fais le cuisine...em...presque tous les jours. Eh...Il se...peut-être...j’ai été...eh...che vais...oui..che vais [élève 4 aide sa camarade de classe: «travaille»] travaille comme...eh. eh..je veux travaille dans une boulangerie.

4. Fais [faire ?] des gâteaux ?

3. Oui [rit]

4 : Les bonbons ?

3. Oui.

4 :Eh...ma métier idéal...est un métier social...eh...peut-être dans un hôpital...eh...peut-être che vais devenir un docteur...mais che ne sais pas. [rit]..eh...eh... Pour moi c’est plus important de gagner de l’argent mais...c’est...c’est ne sont pas le plus...

3 : C’est un travail de gagner de l’argent pour toi ?

4 : Oui...c’est une portant [important ?] eh...che veux...che veux acheter des vêtements...eh...oui..che...che dois manger...toujours...eh..mais...che aussi.. eh...avoir des drôles...dans la vie ici...oui...[inaudible]

3 : Che.. che ne préférer pas les métiers socials...mais...eh...[rire] che ne sais pas...eh..ch’ai...ch’aime...ch’aime être avec...le monde mais...che ne sais pas c’est mon métier idéal...

4 : Eh... che rêve à...que devenir un docteur et pourquoi che préférais un métier social...c’est pourquoi che...eh...cha...cha [j’ai]...choisi cette école...

3 : Tu...eh...tu...hm...être un docteur dans Växjö...ou...où ?

4 : Je ne sais pas, mais...quoi. Ehm...Je veux travaille dans Lund, peut-être...mais je ne sais pas.

3 : Avec des...des enfants ?

4 : Oui...

3 : D’accord...C’est tout ?

4 : Oui, c’est tout.

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Appendice 3. Interaction orale générale (table tirée d’Un Cadre Européen Commun de

Référence pour les Langues, 2005:61)

C2 ● Possède une bonne maîtrise d’expressions idiomatiques et de tournures courantes [...].● Peut exprimer avec précision des nuances fines de signification, en utilisant assez correctement une gamme étendue de modalités[...].

C1 ● Peut s’exprimer avec aisance et spontanéité, presque sans effort.● Possède une bonne maîtrise d’un vaste répertoire lexical qui lui permet de surmonter facilement des lancunes par des paraphrases[...].● Peut utiliser la langue avec aisance, correction et efficacité dans une gamme étendue de sujets d’ordre général, éducationnel, professionnel et concernant les loisirs, en indiquant clairement les relations entre les idées. ● [...] un bon contrôle grammatical sans donner l’impression d’avoir à restreindre ce qu’il/elle souhaite dire et avec le degré de formalisme adapté à la circonstance.

B2

● Peut communiquer avec un niveau d’aisance et de spontanéité tel qu’une interaction soutenue avec des locuteurs natifs soit tout à fait possible sans entraîner de tension d’une part ni d’autre [...].● Peut communiquer avec une certaine assurance sur des sujets familiers habituels ou non en relation avec ses intérêts et son domaine professionnel.● Peut échanger, vérifier et confirmer des informations, faire face à des situations moins courantes et expliquer pourquoi il y a une difficulté [...].

B1

● Peut exploiter avec souplesse une gamme étendue de langue simple pour faire face à la plupart des situations susceptibles de se produire au cours d’un voyage.● Peut aborder sans préparation une conversation sur un sujet familier, exprimer des opinions personnelles er échanger de l’information sur des sujets familiers, d’intérêt personnel ou pertinents pour la vie quotidienne [...].● Peut interagir avec une aisance raisonnable dans des situations bien structurées et de courtes conversations à condition que l’interlocuteur apporte de l’aide le cas échéant [...].● Peut poser des questions, répondre à des questions et échanger des idées et des renseignements sur des sujets familiers dans des situations familières prévisibles de la vie quotidienne.

A2

● Peut communiquer dans le cadre d’une tâche simple et courante ne demandant qu’un échange d’information simple et direct sur des sujets familiers relatifs au travail et aux loisirs.● Peut gérer des échanges de type social très courts mais est rarement capable de comprendre suffisamment pour alimenter volontairement la conversation.

A1 ● Peut interagir de façon simple, mais la communication dépend totalement de la répétition avec un débit plus lent, de la reformulation et des corrections.● Peut répondre à des questions simples et en poser, réagir à des affirmations simples et en émettre dans le domaine des besoins immédiats ou sur des sujets très familiers.