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ÉVALUATION DE L’ACTION « RÉNOVER + » De l’expérimentation à la dissémination Projet européen n° IS-Med10-002 Marie Livrable 3.3. - Septembre 2014

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De l’expérimentation à la dissémination

Projet européen n° IS-Med10-002 Marie Livrable 3.3. - Septembre 2014

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Ce document a été rédigé par :

Fabienne Guilbot, Gérès Viviane Hamon, Viviane Hamon, VHC

Il a fait l’objet d’un travail collectif avec tous

les animateurs de l’expérimentation Rénover + : Les équipes des deux territoires

La C.R.M.A. et les CMA du Var et des Alpes de Haute-Provence La Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, service énergie climat air

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ÉVALUATION DE L’ACTION « RÉNOVER + » De l’expérimentation à la dissémination

SOMMAIRE

INTRODUCTION ...................................................................................................................... 4

1. DES CONSTATS ET UN POSITIONNEMENT SPECIFIQUE .............................................. 6

1.1. DEUX ETATS DES LIEUX, OFFRE ET DEMANDE, QUI METTENT EN EVIDENCE DES BARRIERES ESSENTIELLEMENT SOCIOCULTURELLES ...................................................................................... 6 1.2. UN ENVIRONNEMENT EN EVOLUTION EN COURS D’EXPERIMENTATION ..................................... 9 1.3. UNE EXPERIMENTATION EN PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR BASEE SUR DES PARTIS-PRIS ALTERNATIFS ET DES OUTILS INNOVANTS ................................................................................... 11

2. LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L’EXPERIMENTATION RENOVER + ........... 15

2.1. LA PLATEFORME EXPERIMENTALE DE RENOVATION ENERGETIQUE DE L’HABITAT RENOVER + 15 2.2. LES OUTILS ASSOCIES A LA PLATEFORME EXPERIMENTALE DE RENOVATION ENERGETIQUE DE L’HABITAT RENOVER + .............................................................................................................. 22 2.3. UN ECLAIRAGE COMPLEMENTAIRE AVEC LE DISPOSITIF REGIONAL AGIR & RENOVER + ....... 24

3. MOBILISER LES PRINCIPAUX ACTEURS ET PILOTER LE PROJET ........................... 27

3.1. DANS LES TERRITOIRES : UNE MOBILISATION TRANSVERSE ................................................. 27 3.2. MOBILISER LES INTERMEDIAIRES PRIVES ............................................................................ 28 3.3. MOBILISER LES ENTREPRISES ARTISANALES ....................................................................... 31 3.4. MOBILISER LES PARTICULIERS ........................................................................................... 32

4. DEPLOIEMENT DES PLATEFORMES DE LA RENOVATION ENERGETIQUE DE L’HABITAT EN PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR : CAPITALISER SUR L’EXPERIMENTATION MARIE .............................................................................................. 35

4.1. UNE FEUILLE DE ROUTE METHODOLOGIQUE ET UNE EQUIPE PROJET ..................................... 35 4.2. UN PROCESSUS D’ACCOMPAGNEMENT COLLECTIF ............................................................... 36 4.3. VERS DES ACTIONS MUTUALISEES A L’ECHELLE REGIONALE ................................................ 36 4.4. LA QUESTION SPECIFIQUE DES AIDES FINANCIERES ............................................................. 37

5. EVALUATION ..................................................................................................................... 38

5.1. LES ELEMENTS D’EVALUATION RECUEILLIS SUR LES TERRITOIRES DE L’EXPERIMENTATION RENOVER + .............................................................................................................................. 39 5.2. QUELQUES ELEMENTS GENERAUX DE REFLEXION METHODOLOGIQUE ................................... 41 5.3. QUELS INDICATEURS POUR EVALUER L’IMPACT DES PLATEFORMES DE LA RENOVATION ? .... 43 5.4. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS SUR L’EVALUATION, DANS LE CADRE D’UNE GENERALISATION DES PLATEFORMES ........................................................................................ 44

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Introduction

Le présent document rend compte de la genèse, du déroulement et des enseignements d’une action pilote expérimentale — Rénover + — conduite dans le cadre du projet stratégique européen Med-MARIE (programme Med - voir http://www.marie-medstrategic.eu/fr.html). Ce projet a pour objectif d’étudier les pistes d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants en zone méditerranéenne ; il doit également apporter des recommandations stratégiques pouvant guider les politiques publiques de l’Union européenne, des États ainsi que des Régions et autres acteurs publics locaux. Dans le cadre de ce projet, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, deux partenaires — le Conseil régional et la Chambre régionale de métiers et de l’artisanat — se sont associés pour conduire une action pilote consacrée spécifiquement au marché diffus, maison individuelle essentiellement mais également logements situés dans des petites copropriétés et petit tertiaire. Cette focalisation, ainsi que la composition du partenariat français, ont été motivées par le poids de ce marché dans les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et par le fait que les travaux de rénovation y sont presque exclusivement réalisés par des entreprises artisanales de petite taille. Intervenir sur ce marché représente donc un défi de taille puisque, aussi bien du côté de l’offre que de la demande, il s’agit d’induire un nombre important de décisions individuelles et de comportements favorables aux objectifs communs de réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre. L’expérimentation Rénover + teste un ensemble d’actions visant au rapprochement de l’offre et de la demande, dans la perspective de dynamiser le

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marché de la rénovation énergétique en combinant marketing de l’offre et marketing de la demande1. Cette action pilote s’est déroulée de janvier 2013 à septembre 2014 sur deux territoires : • un territoire rural, à climat semi-alpin : le Pays dignois ; • un territoire urbain, en bordure de Méditerranée : la ville de Fréjus. En parallèle, dans une perspective d’excellence énergétique (« facteur 4 »), la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur a mis en place un dispositif d’aide financière — AGIR&Rénover + — destiné exclusivement à des rénovations ambitieuses au plan énergétique et environnemental ; déployé à l’échelle de toute la région, il a également vocation à compléter le dispositif expérimental local. Le projet Med-MARIE a également permis à la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui était chef de file sur ces thématiques au sein du partenariat, de développer et tester : • de nouvelles formations pour les acteurs clés du marché ; • une stratégie de communication basée sur le principe de l’incitation douce

(« nudge ») et de la théorie de l’engagement ; • des protocoles standards de rénovation — 123 Réno© — permettant de

prescrire des bouquets de travaux à haute performance énergétique (« facteur 4 ») sans recourir à un audit individuel systématique.

Testés sur les territoires expérimentaux Rénover +, ces outils ont également vocation à se déployer dans toute la région ainsi qu’à proposer des pistes reproductibles dans les autres régions et pays méditerranéens, partenaires du projet Med-MARIE. Pour rendre compte de cette expérimentation, nous aborderons successivement : • les apports de l’état des lieux initial et le positionnement (« paradigme ») qui

en a résulté, dictant les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation ; • une synthèse des principaux enseignements de l’expérimentation Rénover +,

mettant au jour les points de vigilance à considérer dans une perspective de pérennisation ou de reproduction de ces expérimentations ;

1 Marketing de l’offre, c’est-à-dire inciter les entreprises à être proactives et à inclure la performance énergétique dans leurs préconisations et leurs devis ; marketing de la demande en invitant les particuliers à prendre en compte la performance énergétique dans leurs projets de travaux quels qu’ils soient.

• une évaluation synthétique des actions associées (AGIR&Rénover +, formations, communication, protocoles) ;

• des focus thématiques, centrés sur quelques facteurs clés de réussite ; • une feuille de route, à caractère plus opérationnel, pouvant guider les projets

de reproduction de cette expérience. À l’heure où, en France, commencent à se déployer des plateformes de la rénovation énergétique, dont les expérimentations en Pays dignois et à Fréjus constituent des avant-gardes, ce document veut apporter témoignage et recommandations. Si les contextes politiques et administratifs des autres pays et régions partenaires du projet Med-MARIE sont différents2, nous estimons cependant, au vu de l’état des lieux partagé qui a été élaboré dans les premières étapes du projet, que ces recommandations peuvent utilement guider de semblables expériences hors de notre pays.

2 Le poids spécifique de l’échelle étatique en France a peu d’équivalent dans les autres pays méditerranéens associés à Marie, généralement plus décentralisés.

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1. Des constats et un positionnement spécifique

L’implication initiale dans le projet Med-MARIE de la Région et de la C.R.M.A. Provence-Alpes-Côte d'Azur n’est pas fortuite. Depuis de nombreuses années, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur s’est en effet engagée dans des politiques ambitieuses sur les questions du bâtiment durable, de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables. De son côté, la C.R.M.A. souhaite renforcer son rôle de soutien et d’accompagnement des entreprises artisanales du bâtiment, qui représentent plus de la moitié de ses ressortissants, en leur apportant une offre de services adaptés à leurs besoins. Dans un contexte global de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, traduit par les engagements « 20 x 20 x 20 » de l’Europe et de la France, la question du bâtiment et tout particulièrement celle du « stock » nécessitant des rénovations énergétiques ambitieuses, de plus en plus prégnante, est aujourd’hui centrale ; elle appelle des politiques proactives efficaces pour dynamiser le marché et accélérer de manière significative le rythme et le niveau des rénovations entreprises. En France, dans le cadre des travaux du Plan Grenelle puis du Plan Bâtiment Durable, un consensus s’est établi sur la nécessité d’agir autant sur la demande que sur l’offre. C’est sur ces bases que la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la C.R.M.A. ont établi un état des lieux initial3 et déterminé le positionnement à adopter pour l’action pilote.

1.1. Deux états des lieux, offre et demande, qui mettent en évidence des barrières essentiellement socioculturelles Si les chantiers de rénovation sont par essence techniquement complexes, d’autant plus que des objectifs de performance énergétique leur sont assignés, l’état des lieux initial a mis en avant que ce sont surtout des barrières socioculturelles et organisationnelles qui doivent être dépassées pour dynamiser le marché. Moins que des innovations technologiques, c’est donc du côté de l’innovation sociale que s’est orientée l’action pilote.

3 Voir en annexe

1.1.1. Les enjeux du marché du logement diffus En Provence-Alpes-Côte d'Azur, le parc résidentiel et tertiaire représente 31% des consommations d’énergie finale4 et 11% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les objectifs généraux fixés par le Schéma Régional Climat Air Énergie (SRCAE) visent une diminution de la consommation d’énergie finale de 30% et des émissions de GES de 40% à l’horizon 2030 par rapport à 2007, l’essentiel des efforts devant porter sur la rénovation, et tout particulièrement celle des logements. Sur cette question, l’objectif fixé par la Région est de 50 000 rénovations par an à l’horizon 2020. Une étude conduite en 2007 sur le parc des logements bâtis avant 19755, date de la première réglementation thermique en France, a établi le poids très significatif du marché diffus et établi les enjeux spécifiques attachés à celui-ci. En effet, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, le logement social ne compte que pour environ 10% du nombre total des résidences principales bâties avant 1975 et sa part dans les consommations d’énergie liées au chauffage est d’environ 15%. Ce patrimoine est aux mains d’une trentaine de bailleurs sociaux (huit d’entre eux possèdent 40% du parc total) quasiment tous basés en région. D’un point de vue stratégique, ce segment du marché relève donc de politiques spécifiques visant à encourager un nombre très restreint de décideurs à conduire des politiques de rénovation ambitieuse de leur parc bâti6. A côté de cela, près de 80% des résidences principales de la région appartiennent à des particuliers qu’ils soient propriétaires occupants ou propriétaires bailleurs, soit près d’un million de personnes ou de ménages à convaincre de réaliser des travaux de rénovation énergétique de leur(s) logement(s). 4 Chiffres 2007 - Source Schéma Régional Climat Air Énergie - Octobre 2013 5 Réhabilitation du Parc bâti avant 1975 - Étude Viviane Hamon Conseil/Dominique Maigrot-DoMEnE ; disponible à la CERC PACA 6 C’est l’objet du programme Région Habitat Énergie Amélioration.

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D’un point de vue stratégique, quelques distinctions supplémentaires peuvent être établies pour segmenter plus avant ce marché en croisant considérations typologiques et techniques (nature du bâti et des travaux nécessaires) et considérations sociologiques (processus de décision, freins et motivations à décider et entreprendre des travaux). Une première distinction consiste à considérer séparément maison individuelle et logement situé dans un immeuble collectif. Si la maison individuelle ne compte que pour un tiers du marché, elle est cependant responsable de la moitié des consommations totales de chauffage ; minoritaire en nombre, ce segment de marché peut être considéré, d’un point de vue stratégique, comme prioritaire du fait de son poids en termes de consommation et de type d’énergie. Pour ce qui est des appartements, il importe de distinguer ce qui relève de la décision individuelle de chaque ménage (parties privatives) et ce qui relève d’une décision collective, prise au sein d’une copropriété, ceci dépendant de la taille et de la nature des copropriétés. Pour le dire autrement, le propriétaire d’un appartement peut être sollicité individuellement (par exemple pour isoler son logement par l’intérieur, changer les menuiseries et installer une chaudière individuelle performante7) ou à travers le collectif (par exemple en votant des travaux d’isolation extérieure de l’immeuble ou une modification du chauffage collectif, en assemblée générale de copropriété, participant aux frais engagés à travers ses charges de copropriété). Une dernière distinction importante consiste à séparer propriétaires occupants (soit les deux tiers des maisons individuelles et un peu moins de la moitié des appartements) des propriétaires bailleurs. Cette approche permet de distinguer, d’un point de vue marketing8, deux grands segments de marché : • le marché diffus : c’est le marché de la décision individuelle de faire des

travaux de rénovation énergétique, que ce soit en maison ou en appartement ; si on se place du point de vue de l’offre, c’est un marché qui est dominé par les entreprises artisanales de petite taille ;

7 Ce cas de figure peut être trouvé couramment dans les appartements de type haussmannien (ou le « trois fenêtres marseillais ») ou dans les cœurs de villes et villages provençaux. 8 Il faut entendre la notion de marketing — social en l’occurrence — comme une méthode pour penser et conduire les politiques publiques qui vont conduire des publics cibles à adopter des comportements favorables à leur propre intérêt (ici confort, économies…) ainsi qu’à l’intérêt collectif (engagement 3x20…), en se basant sur une connaissance fine de leurs freins et motivations à agir, et en construisant des plans d’action adaptés.

• le marché de la copropriété, pour tous les travaux qui concernent les parties communes (et/ou qui sont régis par l’application stricte d’un règlement de copropriété9) ; dans ce cas et selon la taille de la copropriété, la nature et l’importance des travaux à réaliser, les entreprises susceptibles de réaliser les travaux peuvent être de taille beaucoup plus importante, et donc hors du champ de l’artisanat.

D’un point de vue opérationnel, une sous-segmentation complémentaire peut ensuite être utilement établie, en combinant diverses autres variables ayant une influence sur la prise de décision telles que : • propriétaires occupants/propriétaires bailleurs ; • ressources disponibles ou mobilisables pour financer des travaux ; • réalisation des travaux en logement occupé ou vide (opération

d’acquisition/amélioration, mutation entre deux locataires) ; • taille de la copropriété…

Pour Rénover +, et dans un cadre expérimental, il a été choisi de cibler prioritairement le logement individuel (maison ou appartement) et les petites copropriétés de moins de 10 logements, en se centrant plus particulièrement sur les propriétaires occupants des classes moyennes10. Ce ciblage pouvait être étendu au petit tertiaire, relevant de processus de décision assez identiques (ex. cabinet médical ; bureaux individuels!). Ce faisant, du point de vue de l’offre, l’expérimentation s’intéressait essentiellement aux entreprises artisanales.

9 Le cas des menuiseries extérieures est à cet égard intéressant ; dans bon nombre de cas, y compris dans des grandes copropriétés, la décision de changer les menuiseries et vitrages est prise individuellement. 10 Ce ciblage ne présuppose pas une exclusion des autres segments (ex. propriétaires bailleurs, situations sociales de précarité…) mais indique que l’essentiel des actions marketing et des efforts ont porté sur le « cœur de cible » tel que défini ici.

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1.1.2. La mobilisation des artisans du bâtiment au cœur des débats

Pour atteindre les objectifs très ambitieux, à la fois en termes de quantité et de qualité des rénovations sur le marché diffus, la mobilisation massive des artisans est absolument nécessaire, puisqu’ils sont à la fois les premiers interlocuteurs des ménages11 et les acteurs principaux de la mise en œuvre des travaux. L’état des lieux de l’offre réalisé au démarrage du projet a mis en évidence les principaux points suivants : • des entreprises artisanales encore peu mobilisées sur un marché de la

rénovation énergétique toujours « endormi », alors que le marché du neuf reste porteur et plus facile d’accès au plan technique comme au plan commercial ;

• une très faible anticipation de l’étau réglementaire en train de se resserrer autour des entreprises (Reconnu Garant de l’Environnement) ; un taux d’entreprises artisanales formées ou labellisées extrêmement faible ;

• à l’inverse, un nombre grandissant d’acteurs — historiques mais aussi nouveaux entrants — cherchent, sous des formes diverses, à informer, mobiliser et regrouper les entreprises artisanales pour capter le marché de la rénovation énergétique globale ; selon les cas, ils agissent sur la demande et/ou sur l’offre et se positionnent sur un nombre plus ou moins grand de maillons de la chaîne de valeur des chantiers de rénovation énergétique (depuis le démarchage client jusqu’à la réception finale des travaux et le recueil de la satisfaction) ;

• comme les consommateurs, les artisans sont sur-sollicités et sur-informés — les acteurs pré-cités cherchant à capter les plus compétents —, ce qui entraîne un besoin de lisibilité des informations qui les concernent, chacun selon ses propres caractéristiques et enjeux.

Il est également apparu que si la demande devait être abordée de manière segmentée, il en était de même pour les artisans ; il ne s’agit donc pas de parler des

11 Voir par exemple le sondage OpinionWay/GEO PLC (Juin 2014) : « Pour le choix de vos travaux d’économie d’énergie, faites-vous confiance aux conseils donnés par les artisans ? » : OUI = 77% des personnes interrogées.

artisans ou des entreprises artisanales de manière générale, mais de bien prendre en compte leur diversité non seulement technique, mais également stratégique12. Ainsi, on peut observer une diversité de positionnements possibles sur le marché de la rénovation énergétique, et donc une variété de cibles possibles parmi les artisans qui peuvent être illustrées par quelques exemples non exhaustifs : • depuis l’artisan, attaché à son indépendance, qui peut aller vers une

diversification de ses activités lui permettant de proposer des rénovations complètes (ex. plombier-chauffagiste se diversifiant en proposant de l’isolation) ;

• ou l’artisan qui souhaite s’impliquer personnellement, dans le cadre d’un groupement avec des collègues, pour lequel il sollicitera une aide juridique (ex. création de groupements momentanés d’entreprises) ;

• jusqu’à celui qui souhaite se développer dans un cadre de sous-traitance, par exemple avec une entreprise de maîtrise d’œuvre qui de son côté assure le marketing, la planification du chantier et la relation client. Ainsi allégé de la partie complexe de l’intervention, l’artisan peut se concentrer sur son cœur technique de métier.

La mobilisation des artisans doit donc être pensée de manière segmentée et viser à leur permettre de trouver la solution stratégique qui leur convient le mieux pour se positionner sur le marché de la rénovation énergétique, sans privilégier une solution spécifique, qui prétendrait être la seule bonne.

Pour Rénover +, il a été décidé de rester au plus près des pratiques habituelles du marché (« business as usual ») en apportant auprès des artisans une animation : § visant à les faire devenir plus proactifs vis-à-vis de la rénovation énergétique (devenir force de proposition auprès de leurs clients, trouver des collaborations, !) ; § leur apportant des informations utiles sous une forme attractive et adaptée à leurs contraintes (meilleure lisibilité du marché) ; § s’appuyant sur les acteurs et réseaux ayant la confiance des artisans.

12 Même si l’entreprise artisanale n’a pas un raisonnement stratégique formalisé, il n’en reste pas moins que la conduite de l’entreprise correspond à des aspirations et des contraintes qui peuvent être très variées. Voir par exemple : CAPEB, Quels artisans en 2025 ?, Cahier de tendances (http://www.capeb.fr/cahiers-de-tendances/)

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1.1.3. Des barrières essentiellement socioculturelles Parmi les nombreuses barrières recensées au sein du partenariat du projet Marie13, et s’intéressant à l’ensemble de la question de la rénovation énergétique du bâtiment en zone méditerranéenne, voici celles qui ont finalement été particulièrement retenues dans le cadre de l’expérimentation Rénover + : • structurelles : une offre très fragmentée à tous les niveaux de la chaîne de

valeur nécessitant des actions pour fluidifier le marché, mettre en réseau les acteurs, favoriser la circulation d’information.

• techniques : des chantiers de rénovation énergétique intrusifs, complexes, difficiles à standardiser ; des acteurs encore insuffisamment formés ; peu de coopération formalisée autour de la performance énergétique (actions pour simplifier les prescriptions, mettre en réseau les acteurs, former).

• économiques et financières : des chantiers de rénovation relativement onéreux à la rentabilité perçue comme faible par les ménages comme par les acteurs de l’offre ; des instruments financiers dans l’ensemble peu adaptés ou mal connus (actions pour embarquer la question énergétique dans d’autres types de travaux, suggérer un « pas à pas » permettant de préserver la possibilité de futures améliorations énergétiques, informer sur les instruments financiers mobilisables et leur capacité à augmenter l’enveloppe disponible pour les travaux).

• savoirs : une surabondance d’informations nuisant à la lisibilité d’ensemble, rendant les ménages suspicieux et les entreprises attentistes ; une faible prise en compte du confort d’été dans le cadre méditerranéen (actions d’information).

• comportementales : une distorsion entre des politiques publiques centrées sur la question de l’efficacité énergétique et des consommateurs dont les motivations principales sont autres (esthétique, espace, confort…) ; une culture de l’indépendance chez les entreprises artisanales, opposée à la coopération formalisée qu’on voudrait qu’elles adoptent (actions basées sur les comportements et freins observés en recherchant les bons leviers).

13 On peut signaler que la confrontation des états des lieux de l’offre et de la demande effectués dans toutes les régions partenaires a conclu à une liste de barrières de nature essentiellement socioculturelles. En effet, même si les chantiers de rénovation énergétiques sont par essence complexes, les solutions techniques sont dans l’ensemble identifiées et disponibles. Moins que d’innovations techniques donc, ce marché a besoin avant tout d’innovations sociales et de modifications des modes de faire.

1.2. Un environnement en évolution en cours d’expérimentation La question de la rénovation énergétique du stock bâti, et tout particulièrement des logements diffus, n’est évidemment pas une question spécifique à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; elle a été identifiée comme enjeu majeur par les travaux du Grenelle de l’Environnement, puis par ceux du Plan Bâtiment Durable. Avec l’annonce, au cours de l’expérimentation Rénover +, de la mise en place du PREH, et des objectifs ambitieux du gouvernement (500 000 logements rénovés par an, à l’horizon 2017, dont 380 000 en diffus), sont arrivés de nouveaux éléments de contexte parmi lesquels nous en retiendrons trois principaux. Tout d’abord, plusieurs campagnes de communication nationale ont été mises en œuvre pour mettre en avant le Plan de Rénovation Énergétique de l’Habitat (PREH). Ses éléments marquants sont : • le centrage sur la rénovation énergétique uniquement (vs. proposition de

travaux embarqués) ; • une survalorisation de la question économique, par la mise en valeur des aides

avant toute autre chose14. Ensuite, la mise en place d’un numéro national, et d’un site internet jouant la même fonction, pour orienter les particuliers vers des Points Rénovation Info Service (PRIS). Le réseau des PRIS n’est pas composé de nouveaux relais d’information mais de structures existantes auxquelles est confiée la tâche de conseiller les particuliers, en ligne directe avec leurs missions habituelles : E.I.E., ANAH et ADIL. Lors des appels, que ce soit au numéro national ou dans les relais locaux, les demandes sont cohérentes avec la campagne nationale, centrées presque exclusivement sur les aides financières et leurs conditions d’éligibilité. À noter que certains conseillers PRIS saisissent l’opportunité pour élargir le conseil au projet dans sa globalité (aspects techniques, choix et pertinence des travaux, programmation dans le temps, …) mais cette approche est loin d’être la norme. Enfin, en direction des entreprises, l’annonce du calendrier de mise en œuvre de l’éco-conditionnalité, soit l’obligation pour l’entreprise de détenir un signe de reconnaissance « Reconnu Garant de l’Environnement » (RGE) adéquat, pour que le particulier puisse bénéficier des aides publiques dans le cadre de travaux de rénovation énergétique de son logement. En effet, seuls les travaux réalisés par des 14 Et sans que les taux et montants annoncés soient en lien avec les situations standards rencontrées.

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entreprises RGE sont éligibles aux aides financières (1er septembre 2014 pour l’Eco Prêt à Taux Zéro et 1er janvier 2015 pour le Crédit d’Impôt Développement Durable, devenu Crédit d’Impôt Transition Énergétique), cette éco-conditionnalité pouvant s’appliquer progressivement à l’ensemble des aides publiques (collectivités locales). A noter également les prémisses d’une mobilisation des acteurs locaux impliqués de près ou de loin dans la question de la rénovation du bâti, et leur nécessaire mise en réseau, conséquences des campagnes de communication grand public et du pilotage du PREH à des échelons territoriaux infra.

D’autres éléments de contexte sont à signaler : - la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite Loi ALUR

publiée le 26 mars 2014, qui vise à modifier le droit du logement, prévoit des changements pour les locataires, les propriétaires et notamment en copropriété (tous les décrets d’application ne sont pas encore sortis) ;

- l’acte III de la Décentralisation, dont la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite Loi MAPTAM ou MAPAM, publiée le 27 janvier 2014, qui vise à redéfinir les compétences des collectivités, dont les intercommunalités, et leurs champs d’action, et notamment dans le domaine de l’énergie.

Ces évolutions ont eu un impact plutôt limité sur l’expérimentation en cours, mais ils sont une occasion à la fois de faire parler du sujet (« le logement et la rénovation du parc bâti sont un défi dont les institutions se saisissent »), et participent aussi à complexifier les messages et insécuriser les professionnels ou les ménages sur le cadre dans lequel ils évoluent, développent leur activité ou investissent leurs deniers, et son maintien dans le temps…

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1.3. Une expérimentation en Provence-Alpes-Côte d'Azur basée sur des partis-pris alternatifs et des outils innovants

1.3.1. D’autres expériences dictées par un paradigme dominant qui a de fortes limites

Depuis quelques années, un consensus semble s’être établi en France autour de quelques notions clés qui conditionnent une nouvelle manière d’approcher les travaux de rénovation énergétique du bâtiment, et plus particulièrement du logement (maison individuelle, appartements, copropriétés…), et les politiques publiques qui en découlent. Nous pouvons parler à ce propos d’un paradigme dominant basé sur la volonté de « ne pas tuer le gisement », pour reprendre une expression aujourd’hui familière15. Ce paradigme dominant conditionne la manière d’approcher à la fois la demande (particuliers, conseils syndicaux…) et l’offre, constituée en majeure partie, pour le marché qui nous concerne, par des entreprises artisanales du bâtiment. Pour ce qui concerne la demande, il s’agit de favoriser des rénovations énergétiques globales en agissant simultanément sur l’isolation (toiture, enveloppe, menuiseries et vitrages), la ventilation ainsi que sur le choix et le dimensionnement des systèmes de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire. Des critères supplémentaires ambitieux peuvent y être associés : viser un niveau élevé de performance énergétique (BBC), utilisation d’écomatériaux, recours aux énergies renouvelables… Cette approche est très largement associée à un séquençage qui voit se succéder : (1) un audit énergétique préalable, associé à (2) une préconisation de travaux cohérents, (3) une consultation d’entreprises privilégiant si possible des offres proposées par des groupements formalisés, voire (4) un audit final, visant à vérifier que les niveaux de performance prévus sont effectivement atteints.

15 Ne pas tuer le gisement : cette expression fait référence à l’idée que lors de tout chantier de rénovation, il est indispensable d’inclure la prise en compte de l’efficience énergétique au meilleur niveau possible car, si ce n’est pas fait, il sera en général impossible de revenir en arrière avant de nombreuses années (ex. réfection de toiture/isolation).

En conséquence, les travaux ainsi préconisés se révèlent en général complexes, onéreux, longs et intrusifs — en particulier quand le logement est occupé16. En outre, en centrant le propos sur l’énergie, les multiples motivations du particulier à entreprendre des travaux (confort, espace, esthétique, embellissement, agrandissement…) sont ignorées alors qu’elles sont souvent plus stimulantes et mobilisatrices. Ceci a deux conséquences. D’une part, on passe ainsi à côté de la notion de « travaux énergétiques embarqués », visant à inclure la performance énergétique, quelle que soit la motivation première suscitant les travaux. D’autre part, on suggère un calcul de taux de retour sur investissement reposant sur le coût total du chantier et non sur le coût marginal de la performance énergétique. Or, compte tenu du prix actuel de l’énergie, ce taux de retour n’est en rien attractif17. On peut faire l’hypothèse que l’insistance sur les aides financières, observée dans le dispositif national de communication (voir partie 1.2), est une tentative pour corriger cela. Pour ce qui concerne l’offre, il s’agit d’encourager fortement les entreprises artisanales à produire des offres globales et coordonnées. Ces entreprises artisanales sont donc encouragées (1) à intégrer de nouvelles compétences en matière de diagnostic thermique préalable ; elles sont également incitées à (2) modifier profondément leur approche du marché (compétence commerciale), par (3) la création de groupements plus ou moins formalisés d’entreprises (compétence juridique et assurantielle), (4) coordonnées entre elles (compétence organisationnelle). Cette approche nécessite donc un changement culturel très profond des manières de faire habituelles des entreprises artisanales. En outre, elle sous-estime les bouleversements économiques, organisationnels et symboliques18 auxquels les entreprises artisanales sont ainsi confrontées.

16 Si le moment des mutations est plus favorable à la réalisation de travaux d’efficacité énergétique, ils ont lieu en situation sédentaire, dans 4 cas sur 10 (source : étude OPEN 2011). 17 Voir également : La Fabrique écologique, Le défi de la rénovation énergétique des logements, Comment amplifier le passage à l’acte des ménages, Septembre 2014 18 Voir Arditi Stéphane, Joncoux Steve, Falempe Michel, Marcos Charline et Zélem Marie-Christine, Vers des bâtiments économes. L’intégration des économies d’énergie par les professionnels du bâtiment : contraintes au changement, dynamisation des réseaux et

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Enfin, la complexité induite par ce paradigme dominant fait apparaître l’hypothèse d’un marché pour une maîtrise d’œuvre, jusqu’ici quasiment totalement absente du marché des particuliers. L’émergence d’une nouvelle « profession de l’accompagnement » de la rénovation énergétique est ainsi régulièrement évoquée mais le modèle économique d’une telle profession reste à inventer. En effet, le consentement des particuliers à payer un tel service et celui des entreprises artisanales à accepter cette intrusion, sont loin d’être prouvés. Quant au financement possible par des fonds publics de ce service, dans un contexte de contraction budgétaire associée à des objectifs ambitieux de massification du marché, celui-ci est tout à fait douteux. Les expériences exemplaires, distinguées par exemple par le Palmarès 2013 des initiatives locales pour la rénovation thermique (PREH), sont fortement inspirées par ce paradigme dominant19. Cependant, à ce jour, les résultats obtenus par les expérimentations basées sur ce paradigme ne laissent pas augurer de leur capacité à susciter rapidement les mutations nécessaires à la généralisation de nouvelles pratiques, du côté de l’offre comme du côté de la demande.

1.3.2. Le positionnement stratégique de la plateforme Rénover +

L’ensemble des analyses dont les résultats viennent d’être rappelés, a conduit la C.R.M.A. et la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur à construire une expérimentation ayant pour objectif général une meilleure mise en relation de l’offre et de la demande, en situation de marché standard, pour favoriser des rénovations énergétiques plus systématiquement, plus globales et plus ambitieuses. L’expérimentation n’a pas pour but de créer une situation exceptionnelle et difficilement reproductible mais au contraire de mettre en évidence de quelle manière il est possible de corriger les défaillances du marché, tout en restant au plus près de son fonctionnement habituel. L’objectif général de l’expérimentation était donc de tester une série d’actions visant : (1) le marché des particuliers (propriétaires occupants et bailleurs ; habitat

besoins en formation. Comparaison : Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes. Rapport Final (Tome 1), Décembre 2009 19 Voir http://www.developpement-durable.gouv.fr/Palmares-des-initiatives-locales

individuel ou petit collectif) et (2) les entreprises du bâtiment, artisanales en particulier. Vis-à-vis de la demande, les objectifs fixés :

- dynamiser la demande : o tester les effets d’une communication non culpabilisante et

ludique, déclinée selon les temps clés de la décision (éveil du besoin, passage à l’acte, mise en œuvre) ;

o tester une approche marketing basée sur la motivation à faire des travaux, quels qu’ils soient. La dimension énergétique est présentée comme un « plus » pour le projet et le logement (plus de confort, plus de bien-être, plus d’économies, plus de potentiel de financement…) et non comme un but en soi ;

- favoriser des travaux plus ambitieux (incluant une dimension durable) en leur réservant les aides financières locales, complémentaires aux aides de droit commun.

Vis-à-vis de l’offre, les objectifs fixés :

- favoriser la mise en œuvre de travaux coordonnés de rénovation énergétique par la promotion et la mise en avant de tous les acteurs (publics, institutionnels, privés) qui proposent aux entreprises artisanales une offre de services (« B to B ») pour les faire accéder au marché et les encourager à proposer des offres globales et coordonnées ; ces acteurs adhérent aux conditions de participation à l’expérimentation et s’engagent par le biais d’une charte ;

- apporter aux entreprises artisanales des clés pour choisir, parmi ces offres de services, celle(s) qui est la plus adaptée à leurs contraintes et ambitions vis-à-vis du marché de la rénovation énergétique ;

- tester le rôle d’une aide financière pour accompagner les projets de groupements d’entreprises.

Il s’agit donc, sur un territoire de proximité pertinent, pensé en termes de bassin de vie pour les ménages et de zone de chalandise pour les entreprises artisanales, de mettre en œuvre des moyens de stimulation de la demande locale et de mise en réseau de l’ensemble des acteurs de l’offre autour d’un objectif commun partagé de développement du marché de la rénovation énergétique.

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La notion de plateforme Rénover + doit être comprise de la manière suivante : • une animation territoriale renforcée s’adressant aux particuliers d’une part et

aux entreprises artisanales d’autre part, s’appuyant sur plusieurs personnes ressources dédiées ;

• une mobilisation des interlocuteurs habituels publics, parapublics et privés côté demande (E.I.E., ANAH, fournisseurs d’énergie, banques, grandes surfaces de bricolage, professions de l’immobilier…) et côté offre (négoce, grossistes, fabricants, réseaux des fournisseurs d’énergie, organisations professionnelles…) et un engagement à agir en faveur de la rénovation énergétique à travers des offres dédiées. Ces interlocuteurs sont tous mobilisés sur les principes de la « coopétition » au sein de la plateforme20 ; ceci afin que la dynamique ainsi créée collectivement profite à tous ; depuis sa position spécifique sur le marché, chaque partenaire se met en situation d’en récolter les fruits ;

• une communication autour d’une marque commune — Rénover + à Fréjus ; Rénover + en Pays dignois —, d’un positionnement publicitaire centré sur les travaux embarqués (vs. uniquement énergétique), et d’un discours non culpabilisant.

La plateforme Rénover + n’est donc pas : • un guichet unique : parce que c’est en multipliant le nombre d’acteurs

susceptibles de mettre en avant l’intérêt de penser énergie au moment des travaux de rénovation que le marché se développera significativement ; les animateurs de la plateforme s’attachent à démultiplier leur discours par la création de partenariats, plutôt qu’à le porter seuls ;

• une place de marché21 : parce que les projets de rénovation se développent de multiples manières et que les relations interpersonnelles y jouent un rôle important, pour la demande comme pour l’offre ; un outil « place de marché » dématérialisé peut éventuellement trouver sa place dans une plateforme de type Rénover +, sans s’y substituer ;

• un simple site internet : parce qu’un site internet est aujourd’hui un outil incontournable de communication, mais ne reste qu’un outil.

20 Ce qui exclut toute revendication d’exclusivité, puisqu’il s’agit de rester dans une situation de marché standard. 21 Une place de marché est un outil de mise en relation entre particuliers porteurs d’un projet et entreprises pouvant proposer des offres pour le mettre en œuvre.

La plateforme Rénover + c’est donc avant tout : Une organisation sur un territoire donné pour : 1°) faciliter le passage à l’acte du public en matière de réalisation de travaux de rénovation énergétique, 2°) mettre en place les conditions de la bonne réalisation des travaux aussi bien en termes de qualité, de coût que de performance. Il ne s’agit pas uniquement d’un outil mais d’une gouvernance adaptée garantissant : la diversité des acteurs impliqués et à impliquer, la mise en confiance du public pour agir, l’intégration à un projet de territoire et les conditions nécessaires pour tendre pas à pas vers la massification. Le principe de base est qu’aucun acteur n’est ni légitime ni apte à porter seul le sujet. En effet, de très nombreux acteurs agissent déjà et doivent désormais agir plus efficacement dans un cadre de coopération organisé pour créer un véritable marché (offre – demande) de la rénovation énergétique du bâtiment. L’organisation doit être souple et adaptée à la réalité des chantiers et à l’organisation des chaînes de valeur, notamment en permettant à un maximum d’acteurs de constituer un point d’entrée ou d’apporter une valeur ajoutée dans l’accompagnement opéré par la plateforme.

1.3.3. Des outils complémentaires A l’occasion des expérimentations des plateformes Rénover + de Fréjus et du Pays dignois, des outils complémentaires ont pu être testés : • AGIR&Rénover + : une aide financière proposée par la Région et réservée

aux projets de rénovation globale, avec un haut niveau d’exigence en termes de performance énergétique et de durabilité. Adossée à une démarche environnementale d’analyse simplifiée « Ma maison BDM », cette aide est assortie d’obligations et d’incitations vis-à-vis des entreprises de mise en œuvre (signes de reconnaissance, fonctionnement en groupement, …) ;

• 123 Réno© : des protocoles standardisés22 de rénovation énergétique visant le facteur 4, et basés sur les typologies de bâti rencontrées en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cet outil de prescription utilise la diversité des clés d’entrée possibles pour réaliser des travaux, sans exclusive, et propose par itérations successives des fiches travaux comprenant les prescriptions globales pour une excellente performance énergétique, des conseils de mise en œuvre pas à pas et une fourchette de coût.

• Rénover +, je m’engage : une opération de communication innovante basée sur les théories de l’engagement et de la norme sociale, et menée à titre expérimental sur le territoire de Fréjus. Cette plateforme matérialisée par une

22 Voir : http://www.123reno-med.eu/

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borne interactive incite les usagers à faire un premier pas vers la rénovation énergétique en récompensant chaque engagement pris (se renseigner, agir, témoigner d’un projet de rénovation important…) par des points et contribuer ainsi à l’engagement collectif.

• « www.renover-plus-en-pays-dignois.energissime.fr » et « www.renover-plus-a-frejus.energissime.fr » : les sites internet des deux expérimentations sur les territoires pilotes, comme support d’information et de communication générale, et outil de mise en avant des partenaires de l’opération.

• Formations : sur la base d’une analyse initiale portant à la fois sur les offres de formation en matière de rénovation et du traitement de la question énergétique dans celles-ci, et sur les besoins exprimés des professionnels, des

formations spécifiques et des contenus ont été proposés, dont certains ont pu être testés en conditions réelles.

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2. Les principaux enseignements de l’expérimentation Rénover + A l’issue des deux années de mise en œuvre en Pays dignois et sur la commune de Fréjus, il est possible de tirer des enseignements généraux utiles pour la mise en place généralisée de plateformes de la rénovation énergétique de l’habitat23.

2.1. La plateforme expérimentale de rénovation énergétique de l’habitat Rénover +

Identification des territoires favorables à la création de plateformes de la rénovation Aspects institutionnels généraux

Les enseignements de l’action pilote Conditions de généralisation

§ l’engagement politique local doit être extrêmement fort et relayé par les services administratifs et techniques

§ la rénovation énergétique doit être au cœur des engagements et des politiques publiques officialisées (PCET, …) sur une logique de long terme § une gouvernance claire du territoire concerné (et du portage des questions énergétiques) est essentielle ; dans ce cadre, le portage par un Pays — en l’état actuel de la structuration juridique des territoires de projets, le plus souvent sous forme associative — n’est pas opportune ; un portage par un EPCI ayant la compétence énergie + habitat est préférable ; cette question est suspendue à la manière dont la réforme territoriale en cours va se développer en Provence-Alpes-Côte d'Azur § la volonté politique doit être relayée par une réelle coopération des services administratifs et techniques (à partir du DGS, en situation de portage hiérarchique fort), à l’appui des volontés politiques annoncées ; trois directions au moins doivent être impliquées : environnement/énergie, habitat et économie (un marché pour des emplois non délocalisables)

23 Les sites internet de Rénover + permettent une première découverte de cette expérimentation : http://www.renover-plus-a-frejus.energissime.fr/, http://www.renover-plus-en-pays-dignois.energissime.fr/

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§ le niveau local, par la proximité qu’il induit, semble favorable à un décloisonnement entre l’ensemble des acteurs publics dont la mobilisation, l’engagement et le travail collaboratif sont indispensables ; pourtant, il semble que les dichotomies constatées aux niveaux national et régional peuvent être reproduites localement (environnement vs. équipement vs. économie vs. social, ANAH vs. ADEME,…)

§ nécessité d’une excellente connaissance (cartographie des acteurs publics et parapublics au niveau local) et d’une clarification du contexte institutionnel relatif à la rénovation de l’habitat et à l’énergie (en lien avec le déploiement du PREH) : services déconcentrés de l’État, Conseil général, délégataires des aides à la pierre et opérateurs ANAH, PRIS : E.I.E., ADIL, …), CAUE § la gouvernance du dispositif doit permettre de les mobiliser et de les inciter à exercer leurs prérogatives dans le sens des objectifs de performance énergétique (déclinaison dans les plans d’action, éco-conditionnalité, pilotage et évaluation des opérateurs de terrain, …)

§ la Loi de décentralisation de janvier 2014 donne à la Région un rôle de filât dans le domaine de l’environnement et l’énergie ; si cela requestionne ses méthodes d’intervention, son action ne peut se penser qu’en termes de coopération avec le niveau local et de manière coordonnée avec l’ensemble des acteurs compétents

§ la Région doit être dans un rôle de lobbying et de conviction : auprès des élus régionaux, forces potentielles de relais dans les territoires ; au niveau national (Plan Bâtiment Durable, Club de l’Amélioration de l’Habitat…) ; au niveau des instances régionales décisionnaires des grands acteurs à mobiliser (opérateurs d’énergie, syndicats professionnels…) § elle peut apporter des outils mutualisés sur les thématiques où la dimension locale est secondaire, la capitalisation sur les bonnes pratiques utiles, les économies d’échelle favorables (ex. protocoles de rénovation ; formations ; outils de communication…) § elle doit veiller à la lisibilité et à la complémentarité entre les plateformes locales qui vont se développer et permettre un enrichissement collectif par l’échange d’expérience

§ une culture des acteurs publics et des institutions qui est très éloignée des problématiques du terrain, de la sociologie des citoyens/consommateurs et de la culture des entreprises privées

§ les principes de gouvernance de l’action sur les territoires doivent permettre une acculturation mutuelle entre acteurs publics et privés § les actions auprès de la population du territoire et des artisans doivent être abordées en mettant en œuvre les techniques apportées par le marketing sociétal (connaissance fine du marché, segmentation et ciblage, plans d’actions opérationnels adaptés)

§ la gouvernance des territoires dépend fortement des postures politiques, des échéances électorales ainsi que des réformes territoriales en cours

§ nécessité d’assurer l’indépendance des plateformes, la pérennité de leurs ressources ainsi que la souplesse de leurs marges de manœuvre par un système de gouvernance adapté ; leur intégration au sein d’une ALEC peut, à cet égard, constituer une piste favorable § la fonction communication de la plateforme doit être détachée de la communication politique et institutionnelle, tout en exploitant les possibles partenariats et opportunités

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MISE EN ŒUVRE ET FONCTIONNEMENT DE LA PLATEFORME Points de vigilance

Les enseignements de l’action pilote Points forts Conditions de généralisation

§ le portage public est un gage de légitimité et de confiance auprès de tous les acteurs impliqués, malgré les limites et lourdeurs institutionnelles signalées ci-dessus

§ la mobilisation et l’engagement des acteurs opérationnels d’envergure, des opérateurs d’énergie, des grands groupes industriels, du Club de l’Amélioration de l’Habitat, d’Effinergie, de l’ADEME, de l’ANAH… en sont ainsi facilités § localement, cela instaure un climat de confiance auprès des particuliers qui doit reposer sur une vigilance et des outils de contrôle adaptés ; la question des limites juridiques des interventions de la plateforme et des conséquences en termes de responsabilité et d’assurance doit être clairement établie § cette vigilance doit s’exercer sur les offres des partenaires et leur mise en œuvre (règlement de la plateforme, contrôles effectifs ad hoc, modalités d’exclusion…) § cela offre un terrain neutre et inhabituel de rencontres entre professionnels qui habituellement sont en concurrence ou bien évoluent dans des réseaux non connectés

§ un système ouvert, qui est susceptible de prendre en compte tous les modèles de décision du particulier (le marché est considéré dans toute sa diversité - voir partie 1.3.2.)

§ nécessite une vision systémique, des outils adaptés (procédures, moyens…), une feuille de route claire, des animateurs aux compétences larges, ayant une excellente connaissance de l’ensemble du marché § rend extrêmement difficile la mesure des résultats en termes strictement quantitatifs (nombre de projets aboutis et provoqués spécifiquement par l’action de la plateforme) ce qui rend l’évaluation complexe

§ veille, actualisation et mise en commun de l’ensemble des informations utiles à propos de la rénovation énergétique

§ une formation initiale et une acculturation des animateurs de la plateforme est indispensable (par exemple, par la mise à disposition d’une base de données) § nécessite un système ouvert de veille (internationale, nationale, régionale, locale) et une bonne exploitation des réseaux § l’exploitation et la diffusion des informations doit être multiforme, multi supports, multi lieux, multi relais (outils collaboratifs, base de données partagée…) § la mise en réseau des plateformes avec un niveau d’animation régional est indispensable

§ une approche basée sur des actions coordonnées entre offre et demande § nécessite un pilotage hiérarchique unique possédant la vision globale avec des animations/animateurs dédiés soit aux actions sur l’offre soit aux actions sur la demande, mais coordonnés entre eux

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§ un site internet dédié

§ c’est un travail spécialisé et professionnel, demandant une double compétence (web + communication/marketing) et consommateur de temps § pourrait partiellement faire l’objet d’une mutualisation à l’échelle régionale (inter plateformes) § nécessite d’avoir une diversité d’outils et d’événements pour développer la notoriété et la fréquentation du site § c’est un outil essentiel d’identification de prospects (côté offre comme côté demande) à condition que des moyens de contact et de suivi soient mis en place (newsletter, alertes…)

§ un travail avec les artisans soit à travers des facilitateurs/relais, soit en direct par le biais des animateurs de l’offre

§ réduire au minimum les événements « institutionnels » s’adressant à eux, au profit d’actions très opérationnelles, centrées sur leurs attentes (nouveau business, informations utiles, mise en réseau, renforcement de compétences) § nécessite au sein de l’équipe d’animation, une personne possédant une bonne connaissance de la culture d’entreprise et une aptitude à parler son langage § démarrer avec un noyau d’artisans mobilisés

§ une communication possible sur les « bonnes pratiques », les initiatives réussies, les collaborations efficaces… même si les particuliers comme les professionnels peuvent souhaiter la discrétion (en tant que telle ou sur certaines dimensions du chantier)

§ un enjeu fort de communication rapide valorisée auprès de l’ensemble des acteurs § la capitalisation sur le « business as usual », pourvu qu’il ait des points singuliers intéressants, doit être prise en compte au même titre que les chantiers à caractère plus exceptionnel24

§ la pertinence de l’échelle locale est confirmée : importance de la proximité et de la réalité socioéconomique des « territoires de vie » et des « zones de chalandise »

§ la notion de « local » est multifactorielle : cohérence politique et administrative pour répondre aux contraintes de gouvernance ; doit également correspondre à la notion de « bassin de vie » et à la réalité socioéconomique du territoire (habitudes des particuliers, dimension des réseaux professionnels, échelle des partenariats…) § une coordination à rechercher en fonction du déploiement en cours des ALEC

§ une dimension « intelligence collective » à favoriser

§ le processus de création d’une plateforme représente un terrain fertile : espace de créativité, laboratoire d’innovation et d’expérimentation, intégration itérative des retours terrain § au-delà d’un socle initial de base, favoriser une approche de co-construction des actions de la plateforme permettant de développer un modèle adapté, en cohérence avec les spécificités locales (plutôt qu’un modèle imposé) § nécessite des outils d’animation adaptés (BBQ, théâtre, apéro…) § doit être accompagné d’une vision d’ensemble mobilisatrice (« garder le cap ») permettant de diminuer l’inconfort ressenti en l’absence de « solution toute faite » et d’indicateurs de résultats simples (rénovations repérées) et à court terme

24 En communiquant sur des chantiers exceptionnels, on court souvent le risque du rejet (« pas pour moi, trop cher, trop complexe, trop écolo… ») alors que des exemples plus modestes peuvent avoir une fonction d’exemplarité (« ce n’est pas bête et je peux faire pareil »)

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§ coopétition plutôt que concurrence

§ sur un marché en émergence ou croissance, l’enjeu collectif est de passer d’un marché de niche (innovateurs précoces mobilisés) à un marché de masse § les forces économiques en présence ont intérêt à développer collectivement le marché, plutôt qu’à se mettre en situation de concurrence (vision à MT ou LT), ce qui peut être contradictoire avec la prééminence d’échéances de court terme (résultats économiques, enjeux électoraux…)

Les enseignements de l’action pilote Points faibles Conditions de généralisation

§ une gouvernance lourde à mettre en place

§ anticiper une période de lancement et de montée en charge longue, pour la mobilisation initiale de tous les acteurs clés § une volonté politique doit être clairement établie, imbriquant tous les niveaux (local, EPCI, départemental et régional + services de l’État) et conjuguant compétences énergie/développement durable, habitat, économie § dans une perspective de généralisation des plateformes, des instruments de cadrage et d’accompagnement devraient permettre de réduire la durée de cette période initiale et les risques qu’elle comporte

§ la lourdeur et l’absence de souplesse des marchés publics réduisent la nécessaire réactivité pour conduire les actions, et les marges de manœuvre

§ minimiser cette contrainte en adoptant une structuration juridique permettant la réactivité et l’indépendance vis-à-vis de l’agenda politique

§ une montée en puissance longue alors que les professionnels veulent voir des résultats rapides (risque de démobilisation)

§ un plan d’action graduel et constant permettant d’entretenir la relation et de conserver l’intérêt des artisans § une offre de services à leur intention (« premier pas ») immédiatement disponibles et qui permettent de les mobiliser et d’entretenir l’intérêt doit être mise à disposition dès le départ

§ les partenaires professionnels (entreprises artisanales et leurs interlocuteurs habituels : grossistes etc.) peuvent être en attente d’un cadre auquel se conformer25

§ au-delà des services de base (voir supra), les offres ultérieures doivent être co-construites avec eux

§ décalage (inertie du marché - temps de décision en matière de rénovation énergétique) entre la publication des offres des partenaires professionnels et les résultats mesurables

§ identification rapide de prospects et suivi (évaluation) : utiliser le réseau des PRIS en priorité § process de suivi des contacts particuliers/compte-rendu, suivi de tous les contacts (outils CRM)

§ peu de mise en réseau acteurs offre/acteurs demande (ex. banque vers leurs clients artisans) pour montage de services communs/offres communes § doit faire partie de l’offre « premiers pas »

25 Cette attente est toujours ambivalente : le cadre peut être rassurant et leur permettre d’appliquer des consignes sans réflexion stratégique personnelle ; mais par ailleurs, le cadre est également perçu comme une source de contraintes.

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§ des logiques (économiques) très concurrentielles entre institutions, entre facilitateurs, entre entreprises artisanales qui rendent difficiles la mise en réseau, une véritable transparence et le partage des bonnes pratiques

§ créer les conditions d’une « coopétition » apaisée (cercle vertueux) § rôle crucial des animateurs « mettre du liant » § accueillir, dans une logique gagnant-gagnant, les actions et événements particuliers à un acteur, un facilitateur ou un réseau, dans la limite du respect des règles générales de fonctionnement de la plateforme et de ses objectifs (principe de subsidiarité : la plateforme n’a pas vocation à tout faire mais elle peut relayer, légitimer, apporter ses services…)

§ les limites du modèle institutionnel de la formation des artisans (ex. FeeBAT) en décalage par rapport à leurs pratiques et leurs besoins

§ importance de l’interface individuelle, des conseils personnalisés et d’un suivi de proximité § importance des facilitateurs relais, familiers des artisans (négociants et grossistes ; fabricants …) à mettre prioritairement dans la boucle § susciter la création de « clubs » (thématiques ou généralistes), relais possibles d’information, de formation et d’échanges de bonnes pratiques

§ les offres des facilitateurs et des entreprises artisanales ont toutes été mises sur le même plan alors qu’elles relèvent d’au moins quatre logiques différentes : • des offres facilitatrices s’adressant aux particuliers (ex. proposition bancaire) ; • des offres facilitatrices s’adressant aux entreprises (ex. valorisation des C.E.E.) ; • des offres intégrées s’adressant aux particuliers (ex. rénovation « clés en main ») ; • des offres « opportunistes », jouant uniquement sur la mise en avant de pratiques

habituelles.

§ nécessite un traitement différencié, dans tous les aspects de l’action y compris la communication sur les offres, tout en gardant des « espaces » communs de rencontres et de mise en réseau (puisque proposer une offre est en soi un signe de volonté de participer) § le processus de validation des offres doit prendre en compte cette typologie

§ l’existence de « prix de référence » permettrait de cadrer la coopétition et de faciliter la prise de décision des particuliers

§ les outils de suivi et d’évaluation à développer doivent intégrer cette dimension (référentiel construit en continu) § les protocoles standardisés 123 Réno© proposent des ordres de prix en fonction des bouquets de travaux visés et par typologie de bâti (fiches standards) § d’autres expérimentations (cf. DOREMI) ont pu montrer qu’une formation-action auprès des artisans impliqués sur un même chantier permettait, par une approche globale et concertée, d’optimiser le coût global tout en préservant les marges

§ dans le cadre de l’expérimentation le financement de la plateforme est uniquement basé sur des fonds publics

§ un modèle économique pérenne, comportant une part d’autofinancement, reste à explorer § déterminer les services marchands qui pourraient être valorisables (visibilité, offre de services supplémentaires à la carte en fonction des besoins…) § certains acteurs économiques (fournisseurs d’énergie, fabricants, distributeurs de matériels et matériaux, banques…) peuvent contribuer en échange de services spécifiques § la mobilisation des C.E.E. est à envisager § une part de fonds publics restera nécessaire, notamment pour les prestations d’accompagnement à la prise de décision sur lesquelles on ne constate pas de consentement à payer de la part des particuliers

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§ une évaluation en continu est nécessaire mais difficile à concevoir et mettre en œuvre

§ un état des lieux initial est nécessaire pour offrir des moyens de comparaison § le seul indicateur des « projets aboutis » est très insuffisant, surtout à court terme, dans le cadre du paradigme adopté (approche ouverte du marché) § nécessité d’indicateurs multiples, intégrant des approches qualitatives (changements culturels), une approche macro (thermographie, notoriété, changement d’attitudes, professionnalisation…) § certains indicateurs précieux (C.E.E., crédit d’impôt, Eco PTZ) doivent pouvoir être suivis à l’échelle du territoire concerné

Les enseignements de l’action pilote Opportunités à saisir Conditions de généralisation

§ un contexte global de consensus sur l’environnement et l’énergie, sur la réduction des émissions de GES

§ prendre en compte le fait que le stade de la sensibilisation et des informations très généralistes est derrière nous, ce qui nécessite des compétences et des messages plus ciblés et plus pointus (passage à l’acte) § adopter une stratégie pragmatique d’accompagnement, facilitant et suscitant la prise de décision et les modifications des comportements et des usages (chez les acteurs de la demande, comme chez ceux de l’offre)

§ le PREH crée un cadre porteur même si la communication met l’accent de manière démesurée sur la question financière et reste centrée sur des travaux uniquement énergétiques

§ une participation active à l’évaluation et au pilotage général du PREH par les institutions régionales (bottom-up) § cette participation peut faire évoluer la disponibilité de certains indicateurs (voir ci-dessus)

§ le fort ralentissement de la construction neuve suscite un marché très attractif pour la rénovation

§ si l’entrée énergétique n’est pas la motivation première, il est essentiel de créer les conditions pour qu’elle soit prise en compte côté demande (« tant que vous y êtes… ») comme côté offre (« penser à prescrire de l’énergie… »)

Les enseignements de l’action pilote Menaces à contrôler Conditions de généralisation

§ un marché (offre/demande) et un jeu d’acteurs multiples d’une extrême complexité qui ne peut pas se satisfaire de solutions simples/simplistes

§ prendre en compte les travaux de sociologie de l’énergie et entretenir une bibliographie organisée et à jour de ceux-ci § nécessite soit une montée en compétences (technique, réglementaire, sociologique, économique) extrêmement rapide des animateurs de la plateforme, soit des recrutements ad hoc § une veille permanente sur tous les aspects du marché (sociologie, réglementation, technique…) doit être entretenue et mise à disposition de tous les acteurs de manière adaptée § dans une perspective de dissémination, une nécessaire mise en réseau des plateformes (régionale, nationale) : échanges, partages, formation, retours d’expérience

§ sur un marché en évolution constante, l’action publique évolue et s’adapte, ce qui provoque un contexte instable, fragilise la confiance et rend difficile une stratégie de long terme pour les acteurs (demande et offre)

§ dimension à prendre en compte pour envisager les nécessaires adaptations de la plateforme (pas de modèle figé) tout en conservant un cadre général suffisamment clair et stable § prévoir un temps long (de 3 à 5 ans) pour la montée en charge de la plateforme

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2.2. Les outils associés à la plateforme expérimentale de rénovation énergétique de l’habitat Rénover + Dans le cadre de Rénover +, des outils complémentaires ont été développés et expérimentés sur les territoires de la ville de Fréjus, du Pays dignois ou à l’échelle de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur : protocoles standardisés de la rénovation énergétique, un outil de communication engageante (Rénover +, je m’engage), des modules de formation spécifiques. Il s’agit ici de revenir sur l’expérimentation de ces différents outils et leurs enseignements, tels que perçus par les acteurs en charge de leur mise en œuvre sur les deux territoires d’expérimentation.

Outils Rénover + Intérêt Difficultés

123Réno© Protocoles standardisés de la rénovation en climats méditerranéen et alpin

- En libre accès pour tous sur internet ; gratuit et assez ludique - Argument commercial pour les professionnels du bâtiment (fournisseurs, artisans, négociants) permettant d’engager le dialogue avec les particuliers. - Une clé d’entrée simplificatrice : beaucoup plus rapide qu’une étude spécifique (quelques clics suffisent) et apporte des fourchettes de prix. - Propose uniquement des rénovations performantes (facteur 4) - Outil ergonomique très apprécié lors de ses présentations aux professionnels ; il a été intégré aux formations Fee BAT + (voir infra).

- La prise en compte des travaux réalisés antérieurement ou des contraintes liées au bâti ou au contexte socio-économique n’est pas possible ; quelle que soit l’entrée, et malgré les huit postes de travaux, les options sont rapidement limitées et les combinaisons possibles ne sont pas toutes couvertes. - Des niveaux de performance intermédiaires ou indiqués progressivement pourraient faciliter la compréhension de l’usager sur l’impact de chaque type de travaux et l’importance du cumul, et éviter de le décourager trop rapidement. - Devrait aller directement à l’information utile en réservant une place mineure à la communication institutionnelle. - Doit devenir plus intuitif. - Manque une application smartphones, tablettes… - Pourrait être enrichi par un forum d’échanges ou une inscription préalable qui permettraient de suivre l’utilisation de l’outil et de recueillir les suggestions à son propos. - Mérite une diffusion plus large (relai sur les sites des partenaires) - Une approche à faire reconnaître institutionnellement (RGE, ANAH, aides financières) de manière à ne pas multiplier les diagnostics.

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Ma Maison Rénovée BDM et les formations accompagnateurs

- Prix raisonnable pour le particulier, ou pour l’entreprise qui pourrait l’utiliser comme geste commercial et réassurance pour son client (potentiel de « tiers-vérificateur » si reconnaissance institutionnelle, puisqu’adossé à un pôle neutre et compétent). - Intéressant pour prendre en compte les spécificités méditerranéennes et ajouter un « plus » environnemental lors des rénovations - Un interlocuteur unique et un accompagnement intégré - Nourri par les retours d’expérience - Intégration possible dans de nombreux outils et actions

- Manque de notoriété de la marque - Manque d’outils de communication/argumentaires à l’intention des artisans et des partenaires qui pourraient en faire un argument commercial différenciateur auprès de leurs clients. - La formation pour les accompagnateurs est insuffisamment approfondie. - Mérite une diffusion plus large (relai sur les sites des partenaires).

Rénover+ je m’engage

- Suscite de l’intérêt et motive le particulier : l’objet totémique intrigue et permet d’engager le dialogue dans les lieux publics ; permet de « faire du buzz ». - Permet de comptabiliser le fruit des actions Rénover + - Une borne mobile facile à installer chez les partenaires

- Pas suffisamment ludique. - Un équilibre à trouver pour la réassurance institutionnelle : attirer mais en montrant qu’il ne s’agit pas d’un « piège à vendre ». - Un site internet trop complexe et redondant avec celui de Rénover + ; clarifier la communication - Un concept difficile à comprendre par le particulier - Ne se suffit pas à elle-même et nécessite des actions d’accompagnement (visites de chantiers, chalets) - Pas d’enthousiasme des professionnels qui pourraient relayer l’action - Un objet technique qui nécessite une prise en main et de la maintenance

Formation des artisans « Fee BAT + »

- Proposer une rénovation globale, estimer les économies d’énergie, le prix des travaux, connaître les aides mobilisables et les acteurs qui les connaissent ou les délivrent sont les principales difficultés des artisans : la formation leur apporte une partie des réponses. - L’intégration de compléments à une formation existante (Fee BAT) est très pertinente car cela ne rajoute pas une formation « en plus ». - Intégration de la problématique du confort d’été. - Avoir une approche locale et adaptée au territoire est rassurant. Cela crée un sentiment de prise en considération et d’exclusivité.

- Nécessite de savoir dépasser/transformer le format classique de la formation Fee BAT. - Doit intégrer de l’interactivité en faisant par exemple tester 123 réno en direct (mise en situation sur cas réel). - Nécessite une formation de formateurs pour la généraliser. - Un relai à prévoir vers les artisans ayant déjà suivi les modules Fee BAT classiques.

Formation spécifique Devis

- Une formation développée par un négociant et mise en avant dans le cadre du partenariat avec Rénover + - Une opportunité de nouveaux contacts pour les artisans qui sont encouragés à faire des offres groupées permettant des optimisations économiques

- À compléter avec un module financier intégrant les aides mobilisables - À compléter avec un module juridique sur les modalités de montage de groupements

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2.3. Un éclairage complémentaire avec le dispositif régional AGIR & Rénover + Lancé par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en juin 2011, dans la perspective du développement du projet MARIE, le dispositif AGIR & Rénover + a été conçu et développé afin de provoquer et faciliter la mise en œuvre de rénovations très ambitieuses, en ciblant à la fois le marché diffus de la maison individuelle et du petit collectif, et les artisans ou entreprises du bâtiment intervenant sur ce marché. En incitant, par une aide financière graduelle, les propriétaires bailleurs ou occupants à envisager des travaux de rénovation qui visent des niveaux de performance énergétique importants — pouvant aller jusqu’au niveau BBC rénovation ou étiquette A du DPE — et une exigence environnementale (selon la démarche Bâtiments Durables Méditerranéens26), la Région souhaitait permettre aux ménages, même modestes, d’envisager des travaux de rénovation leur permettant d’atteindre des niveaux de performance, mais aussi de confort, habituellement et traditionnellement hors de leur champ de considération. Et évaluer par là même les freins éventuels à ce type de travaux, les modalités pour lever ces freins et les conditions de développement potentiel d’un marché qui permettrait de répondre aux objectifs globaux de massification. Il s’agissait également d’agir sur le volet de l’offre en s’adressant aux artisans et entreprises du bâtiment (TPE et PME) et en les incitant, par le biais là aussi d’une aide financière, à renforcer leurs compétences techniques, organisationnelles ou commerciales, dans la perspective d’améliorer la coordination du chantier, de développer l’approche globale ainsi que le marketing de l’offre. Au-delà des objectifs quantitatifs affichés du dispositif régional — réaliser cent opérations de rénovation énergétique dans le diffus — l’objectif spécifique visait à amorcer une dynamique sur le terrain et à inciter les acteurs du territoire à s’en

26 La démarche BDM développée par le pôle Bâtiments Durables Méditerranéens permet de définir les solutions techniques et opérationnelles adaptées au projet de rénovation en passant les éléments du projet au crible de sept thématiques pour trouver le meilleur compromis entre le bâtiment, son environnement et ses usagers. Une version allégée adaptée à la rénovation du logement individuel a vu le jour en cours d’expérimentation ; la seconde version du règlement du dispositif régional, en vigueur à compter de janvier 2013, s’est adossé à cette version.

approprier les modalités générales pour les intégrer dans leurs pratiques quotidiennes de business as usual. Dans la pratique, la complexité apparente du dispositif en partie liée à une démarche d’analyse environnementale globale plutôt inhabituelle27, sa confidentialité (diffusion restreinte aux opérateurs traditionnels de l’accompagnement du particulier que sont les EIE et les opérateurs ANAH) et une communication grand public quasi inexistante, ont positionné ce dispositif comme une ultime aide financière, permettant de compléter, pour les projets les plus ambitieux, les aides de droit commun déjà mobilisées. Le dispositif a de ce fait été perçu comme complexe, contraignant et peu accessible et a permis d’accompagner, dans sa version initiale, quatre projets de rénovation en dix-huit mois, dont un qui est passé en commission classique et trois qui ont expérimenté le dispositif dans sa version allégée en commission « test ». Trois de ces quatre dossiers se sont vu notifier une aide de la Région dans le cadre du dispositif. Ces dossiers ont été l’occasion de mettre au jour un certain nombre de points limitant le développement de ce dispositif dans sa version initiale : une démarche environnementale, au filtre de laquelle sont analysés les projets (avec 120 points dont certains inadaptés à des projets de rénovation de logements individuels), trois passages en commission uniquement pour valider la démarche BDM (en sus des commissions classiques d’attribution des subventions des différents contributeurs financiers), l’obligation de rénovation globale, la réalisation systématique d’une étude énergétique impliquant des coûts supplémentaires,… ; en résumé, des conditions de mise en œuvre trop lourdes pour un particulier pour qui le projet de rénovation de son logement représente beaucoup et sera probablement l’unique dans son existence. Certains aspects ont donc été revus et une seconde version simplifiée du dispositif a vu le jour en janvier 2013 pour dix-huit mois.

27 cf. en annexe les fiches dites « simplifiées » de présentation du dispositif versions 1 et 2 et la chronologie d’un projet de rénovation en démarche BDM

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Au terme de cette nouvelle période d’expérimentation, et à ce jour, les résultats quantitatifs globaux sont les suivants : • 16 projets de rénovation de logements individuels accompagnés dans le cadre

du dispositif. • Une dizaine de structures impliquées dans l’accompagnement des porteurs de

projets, pour moitié des Espace INFO->Energies, et pour moitié des bureaux d’études ou des professionnels du bâtiment (architecte, maître d’œuvre, entreprise, …) qui sont dans leur majorité « accompagnateurs BDM » ou partenaires de « Rénover + ».

• Des niveaux de performance énergétique visés après travaux plutôt élevés (de 29 à 132 kWhep/m!.an).

• Des montants de travaux énergétiques compris entre 12 000 et 72 000 euros sur des montants de travaux allant de 13 000 à 415 000 euros.

• Une aide financière dans le cadre du dispositif AGIR et Rénover + entre 2 000 et 22 000 Euros et qui représente entre 3% et 50% du montant global des travaux.

Les résultats de l’analyse des projets ayant bénéficié d’un accompagnement ou d’une aide financière dans le cadre de ce dispositif permettent de confirmer la majorité des réserves initiales formulées au moment de sa définition ou de sa mise en place et d’identifier notamment les éléments suivants : • Des maîtres d’ouvrages aux profils atypiques, pour la plupart

professionnellement proches du secteur du bâtiment, de l’énergie ou de l’environnement, très impliqués dans la conception et le suivi de réalisation de leur projet. Un marché de la rénovation énergétique performante qui serait réservé à une niche militante, engagée, patiente et disponible ?

• Des accompagnateurs mobilisés et dynamiques, convaincus et volontaires dans la démarche environnementale et l’approche globale performante. Une mission perçue et vécue comme indispensable, mais aussi lourde et énergivore, qui aurait eu pour effet de dissuader les professionnels d’intégrer ce volet d’accompagnement dans leurs prestations habituelles ?

• Des projets en acquisition/mutation pour la plupart, pour lesquels l’approche globale ou par bouquet de travaux est facilement intégrable, et qui représentent une niche sur le marché de la rénovation (comparé aux travaux au fil de l’eau qui caractérisent habituellement le marché diffus).

• Des projets performants qui évoluent dans leur version finale par rapport aux ambitions initiales des porteurs de projets (performance énergétique,

types de travaux, …), comme effet induit de l’accompagnement approfondi et qualifié.

• Mais des projets qui peuvent se transformer en « usines à gaz » et qui risquent ainsi un abandon en cours de route, ou qui intègrent des solutions techniques dont la pertinence est questionnée et semblent adoptées uniquement pour satisfaire aux conditions de l’aide, sans justification environnementale optimale.

Ainsi, les 16 projets accompagnés présentent chacun des particularités qui ne les rendent pas représentatifs d’un projet de rénovation standard et qui permettent difficilement d’identifier des critères infaillibles pour une reproductibilité à grande échelle. L’impact du dispositif AGIR et Rénover + reste confidentiel, porté par la volonté d’accompagnateurs motivés et de maîtres d’ouvrages impliqués. Caractérisé par des exigences et des contraintes fortes, il aurait plutôt eu tendance à favoriser des situations d’opportunisme pour des projets qui auraient pun se faire sans cette aide, sans permettre de massifier les projets de rénovation, ni acculturer les acteurs principaux et garantir une évolution de leurs pratiques sur le long terme. En guise de conclusion, les propositions ci-dessous peuvent enrichir les réflexions générales dans le cadre de l’évaluation de Rénover+ et de son extension aux plateformes de la rénovation énergétique : • Financer un accompagnement qualifié plutôt que les travaux : si

l’accompagnement, de type maîtrise d’œuvre ou AMO, est facteur d’aboutissement du projet et garantit une approche globale et performante, un dispositif d’aide peut promouvoir ce type de prestation, inhabituel pour le particulier.

• Intégrer dans l’accompagnement une ingénierie financière permettant d’identifier les (nombreuses) sources de financement mobilisables en fonction de la situation du ménage et des caractéristiques du projet et l’aider dans le montage des dossiers.

• Harmoniser les critères des aides entre les différents financeurs et mettre en place un dossier unique pour alléger les démarches administratives et faciliter l’appropriation des dispositifs par les professionnels.

• Mieux évaluer la situation de chaque projet et les prédispositions du maître d’ouvrage à s’engager dans des objectifs ambitieux et performants pour ne pas risquer de le perdre en route.

• Faciliter l’émergence ou le renforcement d’une filière permettant de massifier en tirant vers le haut tous les projets de rénovation, en renforçant ses

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compétences d’ingénierie sociale, technique et financière et en intégrant systématiquement la dimension de performance énergétique.

• Inciter les collectivités territoriales à renforcer cette triple dimension et à intégrer le volet de performance énergétique dans leurs actions de réhabilitation des logements, en faisant évoluer leurs exigences notamment dans la rédaction des documents de cadrage (OPAH, PIG…).

• Proposer une aide de type chèque « travaux énergie » ciblée : par exemple pour les ménages en acquisition/amélioration afin de les inciter à faire appel à une maîtrise d’œuvre, ou pour les logements dits « passoires énergétiques »

pour les inciter à intervenir obligatoirement sur les postes isolation-ventilation-chauffage avec un objectif de sauts de classe ; ou, pour les ménages modeste, pour les inciter à un niveau de performance énergétique supérieur à celui auquel ils se seraient conformés pour répondre aux exigences actuelles des aides de l’ANAH…

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3. Mobiliser les principaux acteurs et piloter le projet Le parti-pris de l’expérimentation Rénover + repose sur une mobilisation large de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur de la rénovation énergétique, celle-ci incluant la puissance publique et ses agents. Cette mobilisation réclame, en amont, un long travail préparatoire ; celui-ci doit ensuite se prolonger, au quotidien, par l’entretien ininterrompu de l’intérêt pour l’opération et réclame donc la présence d’agents dédiés à plein temps à celle-ci.

3.1. Dans les territoires : une mobilisation transverse Si à l’origine d’un projet s’intéressant à la rénovation énergétique de l’habitat se trouvent des préoccupations énergétiques et environnementales, en lien avec les objectifs « 3 x 20 » et le projet de transition énergétique d’un territoire28, la mobilisation au plan local doit absolument être envisagée de manière beaucoup plus systémique et transverse.

3.1.1. La mobilisation au sein de la collectivité Un tel projet va avoir des impacts en matière : • énergétique : la réduction des consommations d’énergie peut permettre de

réduire également les appels de charge sur les réseaux (écrêtement des pointes), de diminuer les risques de black-out alors que la région est en situation de péninsule électrique, d’améliorer la qualité de l’air… ;

• sociale : lutte contre la précarité énergétique et ses risques sanitaires et sociaux ; diminution des budgets consacrés aux interventions d’urgence ;

• économique : l’activité économique engendrée par les travaux sur l’habitat diffus est très majoritairement captée par des entreprises locales, s’approvisionnant localement, avec un effet levier sur de l’emploi non délocalisable.

Il importe donc que l’engagement des collectivités locales sur ce type de projet permette de mobiliser élus et services dans les champs, selon les organisations, de l’environnement, l’énergie, la politique habitat, le social et l’économie. Au sein de la collectivité, le pilotage du projet doit donc reposer sur le dialogue et la coopération entre les différents services concernés, en général sous l’égide du DGS ou d’un DGA aux champ d’intervention équivalent.

28 Par exemple : action dans le cadre d’un PCET ; mise en cohérence avec les objectifs territorialisés du SRCAE ; action dans le cadre d’un projet TEPOS…

Si le portage de la plateforme est extérieur à la collectivité, l’organisme qui en a la charge doit veiller à entretenir des relations partenariales avec l’ensemble des services cités précédemment.

3.1.2. La mise en cohérence des politiques publiques En toute logique également, un territoire décidant de porter une plateforme de la rénovation énergétique de l’habitat devrait s’assurer que les dispositifs relais locaux, auxquels sont accordées des aides publiques, s’inscrivent en cohérence avec celle-ci. Ainsi, les politiques d’amélioration de l’habitat en direction des publics modestes et des propriétaires bailleurs (OPAH, PIG) devraient intégrer des exigences suffisantes en matière d’efficience énergétique par : • le conditionnement des aides et primes locales ; • des garanties de compétences de l’opérateur en charge de la mise en œuvre du

programme, sur les questions énergétiques ; • une rémunération suffisante de l’opérateur pour procéder à l’ensemble des

audits nécessaires et au suivi de la qualité des travaux. De même, un tel projet va utilement s’appuyer sur (le ou) les E.I.E. du territoire qui en retour trouveront dans celui-ci un ancrage local en parfaite cohérence avec les missions prioritaires qui leur sont confiées par leurs financeurs originels que sont l’ADEME et la Région29. Les mêmes exigences de cohérence peuvent présider aux relations partenariales de la collectivité porteuse d’un tel projet avec l’ADIL ou le CAUE de son département.

29 Voir à ce propos, en Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la note de cadrage encadrant l’action des E.I.E.

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Avec la mise en place des PRIS et les incitations à la collaboration et au dialogue entre les organismes assurant l’accueil des particuliers, le cadre partenarial proposé par une plateforme devrait contribuer à la fluidification des informations apportées aux particuliers en vue d’un meilleur encouragement au « passage à l’acte ».

3.2. Mobiliser les intermédiaires privés Au-delà de la mise en ordre de marche des acteurs publics et parapublics avec lesquels les collectivités ont l’habitude d’entretenir des relations, le véritable défi d’un tel projet réside bien dans le co-portage du projet par ces acteurs publics d’un côté, et par des acteurs privés de l’autre. En effet, de multiples relais de statut privé sont en position de porter le message de la rénovation énergétique en direction soit des entreprises artisanales, pour les inciter à prescrire systématiquement l’efficience énergétique, soit des particuliers pour les informer correctement et les inciter au passage à l’acte.

3.2.1. S’appuyer sur le B to B La notion de B to B renvoie aux actions commerciales et offres de services que certaines entreprises et/ou grands groupes développent en direction des entreprises artisanales du bâtiment auprès desquelles il s’agit de jouer un rôle incitatif pour qu’elles prescrivent de manière plus volontariste et plus professionnelle des travaux d’efficience énergétique. Deux grandes catégories d’entreprises émergent dans ce cadre : • les obligés : ce sont les distributeurs d’énergie que leur statut oblige à susciter

des travaux d’économie d’énergie convertibles en C.E.E.30 ; • les entreprises de négoce et les grossistes : les artisans constituent l’essentiel

de leur clientèle et leur raison d’exister. Pour les obligés, les artisans constituent un réseau de terrain en position d’identifier des travaux d’économie d’énergie réalisés qui autrement passeraient inaperçus, de les signaler et de faire remonter des C.E.E. correspondants. À ce jour cependant, force est de constater que les obligés ont généralement tendance à jouer le « un tient vaut mieux que deux tu l’auras » en incitant à des travaux faciles à

30 C.E.E. : les certificats d’économies d’énergie, ou “white certificates” ; les distributeurs d’énergie doivent récolter un quota de C.E.E. faute de quoi ils sont passibles d’amendes très importantes.

réaliser mais généralement peu ambitieux (ex. isolation des combles perdus et installation d’un poêle à granulés ; changement de chaudière), plutôt qu’à élever le niveau de performance énergétique par des moyens plus complexes (ex. rénovation globale ; ITE). Avec la rétractation du marché du neuf en général mais plus précisément en diffus, les négociants et grossistes de leur côté voient leur marché stagner ou régresser. Leur bonne santé économique dépend avant tout du taux d’activité des artisans, pour lesquels le marché de la rénovation est le débouché principal. Les grossistes et les négociants en matériaux voient donc dans le marché de la rénovation énergétique de l’habitat une réelle opportunité stratégique. Ils développent des services en direction des artisans pour les sensibiliser et les mobiliser : outils d’aide à la prescription, valorisation des C.E.E., accueil de formations Fee BAT, accompagnement administratif pour l’acquisition de la mention RGE… L’expérimentation Rénover + a confirmé les éléments mis au jour lors de l’état de lieux en montrant que l’ensemble de ces acteurs cherchent à capter et mobiliser les « meilleurs artisans »31, à les « tirer vers le haut » et à les fidéliser. Sous-jacente aux stratégies d’accompagnement observées réside une alternative, annoncée par quelques signaux faibles, qui serait celle de la fin des métiers de l’artisanat du bâtiment tels que nous les connaissons et leur remplacement par des entreprises intégrées, voire des grands groupes. C’est déjà partiellement le cas sur le marché de la maison neuve (occupé majoritairement par les promoteurs en individuel groupé et les constructeurs de maisons individuelles en diffus) et sur certains marchés de la rénovation (ex. remplacement de menuiseries extérieures ; soufflage de matériaux isolants) ou de la maintenance (ex. entretien de chaudières). De telles entreprises intégrées sont/seraient en position de passer des marchés directement avec les fabricants (quand elles ne sont pas déjà leurs filiales) et de se passer des distributeurs locaux et de recourir à de la main d’œuvre mobile (et/ou étrangère) ; en outre, avec des sièges sociaux centralisés, elles ne relèvent pas de la fiscalité locale des territoires où elles développent leur marché. En comprenant les enjeux et les stratégies de ces acteurs, le territoire porteur d’une plateforme peut proposer des « actions gagnant-gagnant » et mettre en avant, de

31 Ainsi, GDF Suez a “nettoyé” son réseau d’artisans Dolce Vita en mettant fin à sa collaboration avec plus de 30% d’entre eux, pour ne garder que les plus performants et les plus fiables.

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manière sélective, les entreprises qui acceptent de jouer vraiment le jeu d’une élévation d’exigence en matière d’efficience énergétique. L’expérimentation Rénover + semble indiquer que ce type d’accord est plus facile à trouver avec des PME familiales et locales : • si elles ont plus à perdre d’un effondrement de la filière artisanale du

bâtiment, elles sont également plus facilement porteuses d’une stratégie de long terme (vs. une profitabilité à court terme pour rémunérer des actionnaires) ;

• elles ont une plus grande réactivité et une plus grande souplesse. À l’inverse, les grands groupes (et leurs directions régionales) ont en général beaucoup moins de marges de manœuvre pour contribuer à un plan d’action à l’échelle locale : • ils sont tenus par une stratégie et des objectifs descendants ; • ils ont du mal à convaincre et mobiliser leurs directions marketing et

communication et sont tenus par un cadre décidé très loin du terrain local. Quand un dialogue de qualité s’établit avec ces acteurs et qu’ils sont associés et valorisés à travers des actions, opérations et événements, il est possible de co-construire avec eux des actions complémentaires dont ils seront porteurs et leaders. En s’engageant sous la marque collective de l’opération, ils en deviennent des relais et des chambres d’écho, le dispositif jouant ce rôle en retour pour eux.

3.2.2. Mobiliser les partenaires de l’immobilier Par « partenaires de l’immobilier », nous entendons les acteurs classiques qui accompagnent le particulier dans son projet d’habiter, sans pour autant réaliser des travaux. Cette catégorie regroupe l’ensemble des acteurs ci-dessous (liste non exhaustive) : • les syndics de copropriété et les syndicats de copropriétaires, • les agences immobilières et les notaires, • les acteurs de la précarité énergétique, • les associations de consommateurs, • … Globalement, la plupart de ces acteurs n’interviennent que ponctuellement dans le cadre d’un projet de rénovation d’un particulier, sous la forme d’une action spécifique liée à l’acte d’achat, à la réalisation de travaux soumis à la décision collective, à l’intervention d’un appui technique, financier ou social dans le cas

d’un ménage modeste, ou pour un conseil ; ni la rénovation, ni la performance énergétique ne sont au cœur de leurs préoccupations et activités quotidiennes. Ces acteurs ne sont donc pas impliqués directement dans le choix des travaux ou leur mise en œuvre mais peuvent être des acteurs relais et aider à faire un choix plus approprié dans le cadre d’un projet de rénovation, dans la mesure où eux-mêmes détiennent les informations nécessaires et en comprennent les enjeux et les grandes lignes. L’approche de ce type de partenaires n’a donc pas été la priorité dans le cadre de Rénover +, mais elle a été expérimentée sur quelques cas dans les territoires pilotes. Dans la méthodologie d’intervention, il s’agissait, dans un premier temps, de connaître dans quelle mesure les questions liées à la rénovation énergétique étaient abordées et traitées, et dans un second temps d’amener le professionnel à comprendre l’importance potentielle du sujet pour ses clients et à se saisir des arguments de mobilisation pour devenir un véritable acteur relai de la mobilisation de la demande sur le sujet. Globalement, les acteurs rencontrés ont admis ne pas avoir les compétences en matière de rénovation énergétique et ne pas savoir toujours vers qui renvoyer les demandes qui leur étaient formulées, leur interlocuteurs principaux en la matière étant les professionnels du bâtiment avec lesquels ils sont en contact dans leurs activités classiques (chauffagiste, plombier, électricien, …). Les acteurs de la copropriété se sont montrés plutôt dans l’attentisme, confrontés à la gestion des urgences, aux difficultés de recouvrement des charges, aux contraintes liées à la gouvernance et au conservatisme du milieu ; ils ne se mobilisent pas encore sur les questions de rénovation énergétique, particulièrement dans les copropriétés de petite taille ou en chauffage individuel, où les comportements et les préoccupations sont encore plus individualistes. À noter que pour les copropriétés en chauffage collectif, l’échéance de 2017 pour la réalisation d’un DPE collectif (<50 lots) ou d’un audit énergétique (>50 lots) va probablement faire progressivement son effet. Pour les agences immobilières, en général la situation est très similaire, si le client n’est pas prêt à réaliser des travaux, la question n’est pas amenée par l’agence qui ne veut pas risquer de perdre un client en essayant de le pousser dans cette démarche. L’agence immobilière s’évertue à coller aux désirs de son client pour lui proposer le produit qui le satisfera au mieux, sans le mettre en état de doute.

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Cela étant, avec d’une part l’obligation de réalisation d’un DPE et de l’affichage des niveaux de consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre (depuis le 1er novembre 2006 dans le cas d’une transaction et le 1er juillet 2007 dans le cas d’une location), et la hausse des tarifs de l’énergie d’autre part, les particuliers dans le « contexte de crise » actuel sont de plus en plus regardants sur les questions de performance énergétique de leur logement. À noter la démarche de quelques acteurs précurseurs qui se positionnent sur le marché de la rénovation dans une approche développement durable et ne travaillent qu’avec une clientèle mobilisée et volontaire pour réaliser des travaux de rénovation énergétique et les accompagnent dans cette démarche, en proposant également des actions spécifiques d’accompagnement des usagers des logements après travaux, notamment dans le cas de propriétaires bailleurs. Du point de vue de la précarité énergétique, la posture généralement rencontrée, traduite dans les éléments même des dispositifs d’accompagnement des particuliers en situation de précarité ou disposant de moyens modestes, est que le niveau de performance énergétique atteint ne doit pas être un objectif trop ambitieux dans un projet de rénovation et que de nombreux obstacles sont prioritaires dans l’intervention des institutions et des acteurs sociaux avant toute considération énergétique. Dans les circonstances décrites ci-dessus, que ce soit pour les acteurs de l’immobilier en général, ou ceux de la copropriété ou de la précarité énergétique en particulier, un effort particulier et de longue haleine sera nécessaire pour les inciter à se saisir du sujet de la rénovation énergétique et à en maîtriser les concepts et les éléments de langage pour devenir « ambassadeurs ». Il est probable que la mobilisation de quelques acteurs précurseurs ou moteurs, avec l’appui de leurs fédérations, et dans un cadre favorable de politiques publiques engagées et facilitantes permettra de convaincre progressivement les professionnels. En tout état de cause, la mobilisation de ces acteurs passe inévitablement par leur rencontre, la connaissance mutuelle et le partage d’informations, dont le format le plus approprié sera à découvrir pour une diffusion de masse.

3.2.3. Mobiliser les banques La mobilisation des banques a clairement été l’un des points faibles de l’expérimentation Rénover + et s’explique de différentes manières.

D’une part les banques souffrent dans leur ensemble d’une crise de liquidités qui entraîne que les fonds disponibles pour des prêts sont plus restreints que précédemment, ce qui les amène à faire des choix quant à leurs priorités. D’autre part, les banques et plus précisément les chargés de clientèle dans les banques, ont des objectifs commerciaux basés sur un très grand nombre de produits financiers ou autres (assurance, sécurité, services divers…) ; le financement de travaux chez les particuliers, seraient-ils ambitieux sur le plan énergétique, n’est donc qu’un produit parmi d’autres, assimilé généralement aux banals prêts à la consommation compte tenu des montants concernés. Enfin, apprécier un dossier de demande de financement lié à des travaux de rénovation énergétique les éloigne fortement de leur cœur de métier. C’est ainsi que s’explique, en partie, l’échec de l’éco-prêt à taux zéro. En effet, il est assorti de conditions techniques dont les chargés de clientèle ont du mal à s’assurer32 ; il leur est donc plus facile de le refuser ou de ne pas le mettre en avant, d’autant plus qu’il n’est pas rentable pour la banque. S’il s’agit en outre de demander aux chargés de clientèle de considérer différemment la solvabilité du demandeur, du fait du gain de pouvoir d’achat apporté par les futures économies d’énergie, ou bien de proposer un prêt relai permettant d’attendre le versement différé des aides aux travaux (CIDD/CITE, aides de l’ANAH etc…) sur des sommes au final relativement modestes, on rentre dans le domaine de la pure spéculation intellectuelle, du moins au regard de ce qui a été constaté avec l’expérimentation Rénover +. Il faut ajouter à cela que les études auprès des consommateurs montrent que beaucoup hésitent à s’endetter pour des travaux de rénovation, dans un logement qu’ils occupent ; en effet, cela les met dans une situation de dépendance inconfortable, dans un contexte d’insécurité économique assez général. Il n’en demeure pas moins que les banques pourraient très certainement avoir un rôle plus actif d’information et de prescription en faveur de l’efficience énergétique, en particulier dans les moments d’acquisition-amélioration.

32 Avec l’écoconditionnalité RGE pour ce prêt, il est prévu que ce soit les artisans qui garantissent la pertinence des critères d’attribution du prêt à l’avenir… ou un tiers vérificateur agréé.

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3.2.4. Les Grandes Surfaces de Bricolage (GSB) Les grandes enseignes de bricolage (GSB) sont également susceptibles de constituer un relai extrêmement important en direction des ménages et en particulier vis-à-vis de tous ceux qui procèdent eux-mêmes à des travaux de rénovation de leur logement33. L’expérimentation Rénover + a donné peu de clés à ce propos, essentiellement parce que la GSB n’était pas significativement présente dans les deux territoires concernés. En outre, comme il a déjà été noté plus haut à propos des grands groupes du négoce, les GSB sont très dépendantes de stratégies, d’objectifs et de consignes données nationalement, ainsi que de programmes marketing pensés à l’échelle nationale, laissant peu de marge de manœuvre aux décideurs locaux pour des actions spécifiques. Néanmoins, il reste à tester la possibilité pour les territoires, de trouver leur place dans les programmes d’action commerciale de la GSB et d’envisager des actions communes avec eux, en particulier en matière de communication.

3.3. Mobiliser les entreprises artisanales L’objectif de massification de la rénovation énergétique ne sera atteint que si l’ensemble des acteurs participent à sa réalisation : tel est le parti-pris initial qui a conditionné le développement de Rénover + sur les territoires. Par massification, les artisans du bâtiment ont pu entendre opportunités de chantiers, développement du chiffre d’affaires, … mais leur implication et le rôle qu’ils ont à jouer dans ce scénario n’a pas toujours été évident à appréhender pour eux. Pour rappel, à propos des entreprises du bâtiment, l’état des lieux initial avait mis en évidence les principaux points suivants : • les entreprises artisanales sont peu mobilisées sur le marché de la rénovation

énergétique,

33 Suivre à ce propos la future publication du programme de recherche du PREBAT-PUCA sur “L’amélioration énergétique du patrimoine rural : quelles perspectives pour l’auto-réhabilitation?”

• très peu d’entre elles détiennent un signe RGE, • elles sont submergées d’informations dans lesquelles elles ont du mal à se

retrouver, • des acteurs (industriels, grands groupes, entreprises locales…) se positionnent

en concurrence pour capter le marché de l’offre globale. Sur ces considérations de base, le principal point d’intervention a été d’identifier comment toucher, intéresser puis fidéliser des artisans « surbookés et pourchassés », les traiter de manière segmentée, en prenant en compte leur spécificité technique et stratégique, et les amener, eux qui croyaient en rejoignant Rénover + trouver des prospects à moindre frais, à changer leur regard et faire évoluer leurs pratiques. L’objectif était ainsi de faire évoluer l’artisan, peu enclin à l’innovation de ses pratiques34, d’une approche mono professionnelle avec une intervention ciblée et des pratiques très ancrées à une vision élargie, intégrant la richesse d’une action en réseau et d’une approche multi professionnelle : • savoir élargir son regard et changer son approche commerciale, en étant

capable de proposer d’autres types de travaux dans une préoccupation de performance et d’approche globale ;

• savoir construire ensemble une offre optimisée (et conduire le chantier derrière) ; être mis en relation les uns avec les autres pour trouver des co-traitants sur des chantiers ;

• être en mesure de communiquer de manière attractive sur les savoir-faire de l’entreprise (poster des vidéos, créer des messages attractifs…) ;

• savoir utiliser les outils de Rénover + : Twitter, site Internet ; • savoir construire une offre Rénover +, qui apporte un plus à l’offre de base

traditionnelle, notamment sur le plan technique et énergétique ; • apporter une solution complète de financement (comprenant toutes les aides

possibles et facilitantes et ne pas laisser le client seul dans ses démarches) ; • savoir utiliser 123 Réno, pour construire sans étude thermique une offre

globale adaptée pour ses clients ; • …

34 S’il peut être parfois passioné par de nouvelles techniques, surtout si elles sont facilitatrices, l’artisan est en général moins enclin aux innovations sociales.

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Deux méthodologies d’approche ont été utilisées dans le cadre de Rénover + pour toucher les artisans et entreprises artisanales du territoire et les amener progressivement vers un regard différent puis des mises en actes : • le relationnel professionnel en B to B, proposé par les conseillers de la

Chambre de métiers et de l’artisanat, en tant qu’interlocuteur privilégié dans le cadre d’enquêtes personnalisées et des accompagnements d’entreprises : un cadre qui facilite une connaissance qualitative intime de chaque entreprise et de ses problématiques et permet à l’animateur d’apporter une réponse ad hoc aux besoins identifiés ;

• le laboratoire d’innovation sociale, qui sous une forme collective (conférence, atelier ou formation) et à condition que le sujet soit traité le moins institutionnellement et le plus pragmatiquement possible, offre un cadre ouvert de rencontre pour le partage d’informations, la connaissance mutuelle, la co-construction et favorise la création d’une dynamique, le renforcement de la cohésion, la complémentarité, l’innovation et la création de solutions,…

Ainsi d’un idéal de départ où les entreprises sont attirées car elles sont en attente de business, elles comprennent progressivement que Rénover + n’apporte pas du business directement mais que son intérêt sur le long terme est beaucoup plus important. Quelques résultats sur les territoires Rénover + (dans les 14 premiers mois de mise en œuvre) : • près de 180 artisans impliqués ; • 69 partenaires Rénover+ ayant signé la charte et proposé une offre ; • 49 artisans orientés vers les organisations professionnelles pour les formations

techniques RGE ; • 1 350 personnes impactées lors de 55 manifestations ; • 5 800 visiteurs uniques sur les sites web ; • des ateliers tous les 2 ou 3 mois ; • …

3.4. Mobiliser les particuliers Au risque d’apparaître tautologique, il faut rappeler que la nécessité de créer des plateformes de la rénovation thermique pour dynamiser le marché ne se serait jamais manifestée si les particuliers éprouvaient spontanément le besoin d’améliorer thermiquement leur logement et d’y consacrer une part plus ou moins significative de leur budget.

3.4.1. Les limites de l’argumentation financière Comme cela a été rappelé dans les parties précédentes, il existe de nombreuses études et documents de réflexion, qui permettent d’approcher la complexité de ce marché et d’éviter les idées simples, voire « simplistes » ; ainsi, expliquer la non appétence pour les travaux de rénovation thermique par la seule question économique (« les gens n’ont pas d’argent », « c’est la crise ») est un raisonnement qui ne résiste pas si l’on considère le chiffre d’affaires annuel des installateurs de piscines ou de cuisines intégrées. Les particuliers font donc des arbitrages budgétaires qui mettent en concurrence des besoins et désirs multiples qui peuvent concerner l’habitat, comme dans l’exemple qui vient d’être donné, mais aussi maints autres postes de dépenses — vacances, études des enfants, voiture, plaisirs du quotidien… — sur lesquels on ne veut pas faire de sacrifices. C’est pourquoi, si la mise en avant des aides financières peut apporter un « signal » aux particuliers, en exposant une opportunité, les études montrent bien que celles-ci sont rarement déterminantes dans le passage à l’acte, voire qu’elles procurent des effets d’aubaine35, à condition d’en dépasser la complexité36, comme indiqué dans le chapitre précédent. On s’aperçoit en effet que les effets d’annonce sur les aides, sans autre argumentaire attractif, peuvent avoir des effets contreproductifs quand les 35 Soit parce que les particuliers encaissent une aide pour des travaux qu’ils auraient réalisé de toute façon, soit que les entreprises augmentent d’autant leur devis (ce qui a été constaté couramment sur le marché du solaire thermique, ou celui des menuiseries… en particulier chez les opérateurs industriels avec des forces de vente rodées ; sans parler du photovoltaïque sur le marché diffus, qui a été vendu comme un produit financier). 36 Cette complexité concerne le particulier, mais aussi tous ceux qui pourraient s’appuyer sur ces aides pour vendre leurs propres prestations et pour lesquels elles sont également incompréhensibles ; c’est le cas de l’éco-prêt à taux zéro dont l’échec est dû, entre autres, au fait qu’il est très insécurisant pour les banques.

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particuliers se rendent compte que les conditions d’éligibilité (ex. niveau de revenu ; nature des travaux) ou les conditions d’attribution (ex. ne pas commencer les travaux avant d’avoir eu l’accord sur le dossier) ne sont pas compatibles avec leur éventuel projet et son calendrier. En outre, un argumentaire strictement financier même sophistiqué, c’est-à-dire incluant des hypothèses sur l’augmentation prévisible du coût des énergies et sur les baisses de consommation induites par les travaux prévus, bute immédiatement sur le fait que les temps de retour sur investissement annoncés dépassent les capacités cognitives et psychologiques de projection dans l’avenir des particuliers. Enfin, à ce jour, les aides publiques sont extrêmement volatiles à la fois dans leurs montants et dans leurs conditions d’attribution, ce qui est très défavorable d’une part à l’installation de leur notoriété, d’autre part au fait que leur mise en avant soit relayée par l’ensemble des acteurs du marché.

3.4.2. Des arguments alternatifs Dans le cadre de l’expérimentation Rénover +, il a donc été choisi d’utiliser des arguments alternatifs basés sur d’autres dimensions. D’une part, en s’appuyant sur les travaux de sociologie qui montrent l’importance du logement comme « refuge » dans un monde devenu de plus en plus anxiogène (emploi, insécurité, pollution, …), il s’agit de montrer comment une rénovation énergétique peut être synonyme de plus de confort et de bien-être, voire de plus de santé (qualité de l’air par la ventilation, la lutte contre l’humidité ou les matériaux employés…). D’autre part, il faut prendre acte du fait que la réalisation de travaux à centrage uniquement énergétique relève de l’exception et non de la règle. Il s’agit alors de suggérer que puisque des travaux sont envisagés, quels qu’ils soient, c’est une bonne occasion d’en profiter pour procéder à une amélioration énergétique significative (ex. réfection de toiture, étanchéité de terrasse, reprise des sols de rez-de-chaussée, ravalement de façades, changement des menuiseries…). Cette théorie dite des « travaux embarqués » est aujourd’hui assez largement reprise par de nombreux experts du marché de la rénovation énergétique. On peut alors s’apercevoir que, dans ce cadre, les aides financières vont éventuellement prendre une autre résonnance en permettant de faire face aux

surcoûts éventuels (ex. une épaisseur plus importante d’isolant) et non au coût total des travaux (ex. lors d’un ravalement de façade, une grande partie des coûts est liée aux travaux préparatoires dont la mise en place des échafaudages ; le surcoût d’une isolation extérieure peut être assez minime, pour autant que l’entreprise choisie soit compétente pour le faire).

3.4.3. Mieux communiquer : désinstitutionnaliser, professionaliser, mutualiser et pérenniser

La mobilisation des particuliers se heurte également à ce qui est communément appelé le « bruit médiatique » : aujourd’hui, comment faire entendre un message dans un univers de la vitesse, du manque de temps, des promesses contradictoires, des budgets de communication démesurés, de la perte d’audience des medias traditionnels, PQR37 en tête… ? Face à cela, les méthodes traditionnelles de la communication institutionnelle de l’État et de ses agences38, comme des collectivités locales, sont souvent largement inadaptées (message, médias, réactivité…) et insuffisantes (budget, répétition, pérennité…). Quatre recommandations doivent donc être prises en compte, pour une meilleure communication en direction des particuliers :

1) « désinstitutionnaliser » : s’il est vrai que le « sceau » apporté par la puissance publique peut être un signe de confiance de nature à rassurer le particulier, il est essentiel que la communication puisse s’affranchir des pesanteurs qui marquent souvent ce type de communication (ex. surcharge de logos, tous les financeurs voulant être identifiés ; mise en avant du porteur du message, à des fins de notoriété politique plutôt que centrage sur le destinataire ; restrictions de la communication en période électorale…) ;

2) professionnaliser : la communication est un métier qui ne s’improvise pas, ni du point de vue de l’identité graphique, ni de celui de la qualité argumentative et « littéraire » des messages. Cela nécessite de travailler avec de vrais professionnels d’une part, et de travailler avec eux

37 La PQR (Presse Quotidienne Régionale) est le media de prédilection des collectivités locales ; mais ce n’est pas parce que “et pourtant c’était dans le journal” qu’une population urbaine et branchée sur internet et les réseaux sociaux aura eu accès à l’information. 38 Ainsi, après plus de dix années d’existence, la notoriété des E.I.E. auprès du grand public n’atteint pas 30%.

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professionnellement d’autre part. En particulier, il s’agit de savoir rédiger une copie stratégie39 et juger de son respect dans les messages produits, d’anticiper suffisamment pour conduire des relations presse efficaces, d’être réactif et créatif.

3) mutualiser : compte tenu des budgets de plus en plus restreints, à disposition de la puissance publique, atteindre une masse critique suffisante en matière de visibilité de la communication et d’audience est très difficile40. Pour démultiplier une communication, il peut donc être utile qu’elle soit reprise par un grand nombre d’acteurs relais. Ceux-ci peuvent être tous les partenaires privés et publics du dispositif ; cela implique de penser la communication de telle manière que ses éléments visuels soient aisément appropriables par ces partenaires (rédaction d’une bible de communication, mise à disposition des éléments visuels tels que logos, illustrations, photos,…). Une autre manière de mutualiser pourrait être par le partage d’une même marque ombrelle41 entre collectivités avec une communication organisée à une échelle extra-territoriale (régionale, par exemple) tout en pouvant être librement déclinée au plan local.

4) pérenniser : toujours pour des raisons d’efficacité budgétaire, en situation de ressources limitées, une inscription de la communication sur la longue durée est également indispensable42.

Tous ces éléments tendent à plaider pour des conditions de gestion d’éventuelles plateformes de la rénovation libérées des pesanteurs et contraintes de la puissance

39 La copie stratégie est le document qui résume les instructions données à une agence de communication pour concevoir une campagne; elle donne de manière très synthétique les éléments de contexte, les objectifs et les cibles visées, la promesse (éléments clés du message) et le ton à employer. 40 Sans vouloir “jouer dans la cour des grands”, le premier annonceur français, Renault, a dépensé plus de 400 M" en publicité et le 50ème, La Banque Postale, 85M", en 2013 ! 41 Un des exemples le plus connu de marque ombrelle est Danone, qui peut se décliner en Danette, Dan’Up. Dans le cadre de l’expérimentation, la marque ombrelle Rénover + a été déclinée sur les deux territoires, Rénover + à Fréjus et Rénover + en Pays dignois, avec des éléments graphiques communs (logo) et des spécificités (évocation graphique du territoire, codes couleurs). 42 La communication de Volkswagen pour la Golf, ou celle de Volvo sur le thème de la sécurité rappellent avec force combien une communication inscrite dans la durée, même si son traitement graphique évolue et s’actualise, contribue à installer la notoriété et l’image d’une marque.

publique d’une part, et des échéances électorales d’autre part ; cela induit des conditions de gouvernance se rapprochant de la souplesse de l’action privée.

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4. Déploiement des plateformes de la rénovation énergétique de l’habitat en Provence-Alpes-Côte d'Azur : capitaliser sur l’expérimentation Marie Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de Rénovation Energétique de l’Habitat, des expériences de mise en place de plateformes de la rénovation ont débuté en France ; pour ce faire des Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) ont été lancés par l’ADEME dans plusieurs régions françaises, dont la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (voir texte de l’AMI en annexe). Durant l’année 2014, une dizaine de territoires de Provence-Alpes-Côte d'Azur ont ainsi manifesté leur intérêt, dont ceux de Fréjus (élargi à la CAVEM - communauté d’agglomération Var Estérel Maures) et du Pays dignois qui entendent ainsi pérenniser l’expérience acquise dans le cadre du projet Marie. Pour les aider à construire leur projet, une feuille de route méthodologique est mise à disposition des territoires candidats. Un processus d’accompagnement collectif est également proposé aux territoires. Celui-ci devra en particulier permettre de mettre au jour les domaines dans lesquels une mutualisation de moyens sera nécessaire à l’échelle régionale.

4.1. Une feuille de route méthodologique et une équipe projet La feuille de route méthodologique comprend trois grandes parties principales : le diagnostic stratégique du territoire et les choix qui en découlent ; le plan marketing opérationnel ; le prévisionnel économique. Le détail de cette feuille de route est proposé, dans une version simplifiée, en annexe. Elle suit une logique de marketing sociétal, et répond au principe que le succès d’une plateforme dépend de sa capacité à répondre à une demande sociale — au moins latente — émanant à la fois des particuliers et des entreprises artisanales. Il s’agit donc pour les plateformes de « trouver leur marché », à la fois en s’appuyant sur les forces en présence et en corrigeant les défaillances repérées. Si l’étude de préfiguration des plateformes peut être partiellement accompagnée (AMO, expertise spécialisée - voir trame de CCTP en annexe), il paraît néanmoins essentiel que l’équipe qui sera amenée à gérer et animer la plateforme soit déjà constituée et maîtrise le processus de préfiguration, car celui-ci implique de nouer le plus en amont possible les liens partenariaux qui président à une offre de services multi-acteurs (négociations bilatérales, signature de chartes et de conventions, montage d’offres de services conjointes…) . Idéalement l’équipe technique doit comporter au moins trois personnes selon les profils suivants :

• un manager de projet ayant une vision stratégique globale : il est le référent pour son équipe ; il est garant du relationnel avec les échelons politiques et institutionnels ; il est en position de légitimité auprès des acteurs à mobiliser ; il maîtrise les outils de l’ingénierie financière ; il assure la cohérence des actions en direction de l’offre et de celles en direction de la demande.

• un spécialiste de marketing « grand public » pouvant tisser et développer le relationnel nécessaire avec les acteurs de la demande (E.I.E., l’ANAH et ses opérateurs, les grandes enseignes de distribution, les acteurs de l’immobilier, le réseau bancaire, la presse locale, …). Si le marché des copropriétés est visé par la plateforme, il doit avoir des compétences dans ce domaine, en particulier pour accompagner les processus de décision collective nécessaires. Une bonne maîtrise des outils CRM est également souhaitable.

• un spécialiste « métiers du bâtiment », ayant une bonne connaissance de la culture des entreprises artisanales et de leurs interlocuteurs (organisations professionnelles, organismes de formation, enseignes de négoce et grossistes…) ; c’est lui qui peut apporter les compétences techniques spécifiques à la rénovation.

L’ensemble de l’équipe doit avoir d’excellentes compétences relationnelles et d’animation. Une personne au moins au sein de l’équipe doit posséder les compétences rédactionnelles et techniques pour gérer au quotidien le contenu local des pages web, la communication, les communiqués de presse…

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À l’issue de l’étude de préfiguration, les principes de gouvernance de la plateforme sont établis et doivent permettre d’associer tous les partenaires clés, publics et privés, sur lesquels repose l’offre de services de la plateforme.

4.2. Un processus d’accompagnement collectif La création de plateformes locales de la rénovation énergétique n’obéit pas à une logique de compétition mais bien de complémentarité entre les territoires, dans une perspective de couverture régionale des besoins, en fonction des bassins de vie et zones de chalandises repérées. À l’issue du premier AMI régional, et au vu de la dizaine de territoires en phase de préfiguration, on peut déjà remarquer la nécessité, pour certains, de penser leur projet en prévoyant des ajustements de son étendue géographique, en prenant en compte la réalité de la demande et de l’offre locales :

• soit en l’étendant à des zones adjacentes relevant d’une même logique ;

• soit en envisageant une démultiplication de leur action à une échelle infra-territoriale, en particulier quand le territoire est vaste et contrasté du point de la typologie du bâti, des modes de vie et du tissu des entreprises.

L’accompagnement collectif à l’échelle régionale permet également de :

! contribuer à la mobilisation et à l’information des élus engagés sur les projets de plateformes ;

! proposer un espace collaboratif de partage d’expériences et de bonnes pratiques ;

! offrir une veille sur l’ensemble des sujets en lien avec la rénovation thermique de l’habitat (sociologique, marketing, juridique, réglementaire, financière…) ; une base de données est mise à disposition des territoires et doit être enrichie au fil de l’eau ;

! mettre au jour les besoins/opportunités de mutualisation ; ! trouver la bonne échelle pour certaines actions.

À l’issue d’une première journée de rencontre entre territoires, d’autres thématiques sont apparues ; elles feront l’objet d’ateliers de travail ultérieurs :

• la question de l’accompagnement des copropriétés ; • « rencontres business » avec toutes les entreprises susceptibles de

co-construire des offres avec et pour les territoires (banques,

négoce et grossistes, fournisseurs d’énergie, développeurs de solutions internet pour les plateformes, assurances, outils CRM…) ; ces offres peuvent concerner les particuliers (B to C), les artisans (B to B) ou les plateformes elles-mêmes (services d’appui, financement…).

• solutions juridiques et financières en lien avec les choix marketing et de gouvernance.

Le processus d’accompagnement collectif pourra, au fil de l’avancement des études de préfiguration, faire émerger de nouveaux besoins de rencontres techniques.

4.3. Vers des actions mutualisées à l’échelle régionale La philosophie de l’AMI, et de la feuille de route méthodologique qui l’accompagne, est bien de faire émerger une diversité de modèles de plateformes, chacune adaptée au contexte local, plutôt que de proposer un modèle unique (voir note de doctrine en annexe). Il n’en reste pas moins que l’opportunité de conduire certaines actions de manière mutualisée à l’échelle régionale peut être envisagée, en particulier dans une perspective d’efficacité des politiques publiques (économies d’échelle) et de notoriété (communication commune). En outre, certains opérateurs privés (fournisseurs d’énergie, banques, assurances, grandes enseignes de distribution…) souhaitent négocier à l’échelle régionale avec un interlocuteur unique, avant d’envisager le déploiement de leurs offres à l’échelle régionale ou infra-régionale. Outre les fonctions de veille et d’échange de bonnes pratiques qui devront demeurer au-delà de la période de préfiguration des plateformes, voici quelques domaines dans lesquels des actions mutualisées sont envisagées : • amélioration et la dissémination des outils développés dans le cadre de

l’expérimentation Rénover + : protocoles 123 Réno, Rénover + je m’engage ; formations innovantes ; base et back-office du site internet Rénover + ;

• documents contractuels communs : chartes et conventions de partenariats ; contrôle des offres et de leur mise en œuvre ;

• communication à l’échelle régionale : copie stratégie partagée sur le principe des travaux embarqués, marque ombrelle « Rénover + », relations presse ;

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• conduite d’un AMI bancaire devant conduire les banques de la place à proposer des offres adaptées pour le financement des travaux (en diffus et en copropriété) et pour le financement des plateformes (fonds d’amorçage, fonds de roulement, valorisation des C.E.E. …).

À l’échelle régionale, les conditions organisationnelle, juridique et contractuelle d’une gouvernance partagée devront être établies : • organes de décision collective ; • portage opérationnel ; • financement des services partagés.

4.4. La question spécifique des aides financières Avec la création d’une plateforme de la rénovation énergétique, les collectivités locales peuvent être tentées de proposer des aides financières aux particuliers pour la réalisation des travaux. Outre le fait qu’il existe déjà des aides significatives au plan national (crédit d’impôt, eco-PTZ, prime Habiter mieux, aides de l’ANAH…), quelques points importants doivent être notés : • les aides financières peuvent créer au moins deux effets d’aubaine : d’une part

en allant vers des particuliers qui auraient de toute façon réalisé les travaux, d’autre part en créant un effet inflationniste sur les devis des artisans qui en ont connaissance et les utilisent comme levier commercial ;

• le montage des dossiers d’aides financières est en général très complexe, voire décourageant pour les particuliers et reporte le démarrage des travaux (voir partie 2.3.).

À tout le moins, dans le cadre d’une plateforme, l’effort de la collectivité devrait plutôt conduire à : • expérimenter des manières de simplifier le montage des demandes d’aides

existantes (dossier unique, critères et conditions alignées) ; • mettre en place des projets locaux de soutien à la rénovation de l’habitat (PIG,

OPAH) avec des exigences élevées en matière de performance énergétique, et vis-à-vis des opérateurs qui mettent en œuvre ces politiques ;

• orienter les aides vers le fonctionnement des plateformes en se centrant sur les domaines non traités par les acteurs publics et privés existants : donner des repères fiables aux particuliers, les aider dans leur prise de décision et susciter leur passage à l’acte ; accélérer l’évolution culturelle des artisans.

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5. Évaluation Le paradigme adopté avec l’expérimentation Rénover +, et sa généralisation dans le cadre d’un AMI régional, réclame un engagement public fort — soutien politique, financements — sur un horizon de cinq à dix ans, visant une véritable mutation culturelle du marché. Cela doit se traduire par un cadre global et des moyens humains et financiers (Europe, État, Région, collectivités locales) garantis et suffisamment stables pour offrir une visibilité de long terme à tous les acteurs publics et privés impliqués. Sur cette base, des conventions d’objectifs peuvent être signées avec les plateformes. Les outils d’évaluation de la politique publique ainsi engagée doivent permettre de vérifier et de mesurer, sur le long terme, que le cap est conservé et que les étapes progressives nécessaires se mettent en place de manière satisfaisante. Ainsi, s’il s’agit bien au final qu’un nombre significatif de rénovations énergétiques performantes permettant d’atteindre les objectifs 3x20 soit réalisées, ce seul indicateur est à la fois insuffisant et difficile à mesurer de manière fine43. La conduite d’un projet de plateforme doit donc dépasser l’inconfort résultant de la difficulté à engranger des résultats à court terme (nombre de rénovations, kWh et émissions de CO2 évitées, chiffre d’affaires et emplois générés…) en proposant une évaluation plus riche et plus systémique. Partant donc d’une plateforme de la rénovation telle que définie dans le parti-pris MARIE et l’action pilote Rénover+, à savoir une plateforme de dynamisation du secteur de la rénovation en marché diffus (maison individuelles et petit collectif) par la mobilisation conjointe des acteurs professionnels et des particuliers, nous faisons l’hypothèse qu’un cadre global d’intervention stable et une visibilité sur le long terme faciliteront l’émergence du marché attendu par tous les acteurs qui sauront alors s’en emparer et le faire fructifier. Dans ce contexte, mesurer globalement l’impact du dispositif sur le marché de la rénovation relève d’une mission inscrite sur le long terme et relevant d’une logique renouvelée de l’évaluation des politiques publiques. L’évaluation, à l’échelle du territoire d’implémentation doit intégrer les points de vue économique, environnemental et social. Elle doit être basée spécifiquement sur la mesure de l’impact des actions menées au regard des objectifs visés et permettre de juger de la pertinence des outils utilisés.

43 En effet, de très nombreuses rénovations se font « hors radar » quand elles ne font pas l’objet d’une aide financière spécifique, en particulier toutes celles qui se font pas à pas et/ou au cours de travaux embarqués et/ou partiellement en auto-réhabilitation.

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5.1. Les éléments d’évaluation recueillis sur les territoires de l’expérimentation Rénover + Des éléments d’évaluation quantitatifs ont été recueillis dans le cadre des deux expérimentations. Outre ces données chiffrées, des données qualitatives permettent également d’enrichir l’évaluation.

5.1.1. Les éléments quantitatifs Le chiffre sans doute le plus directement parlant est celui de chantiers ayant « rencontré » Rénover + à un moment ou un autre du processus de décision et de réalisation, et dont les entreprises « bénéficiaires » déclarent l’attribuer à ce dispositif. Ils doivent cependant être regardés avec prudence, pour les raisons suivantes : • la longueur des processus de décision en matière de réhabilitation fait que

l’aboutissement du projet (signature des devis) peut arriver plusieurs mois après un premier contact ; ainsi, sur le Pays dignois, quelques artisans font remonter des informations à propos de « devis en cours » ou « chantiers à venir » ;

• les chiffres disponibles dépendent de la qualité des outils de collecte mis en place et de la qualité des relations partenariales ; ainsi l’opérateur en charge du PIG sur Fréjus collabore étroitement avec l’E.I.E. et avec les animateurs de la plateforme permettant à la fois une forte amélioration énergétique des projets et l’attribution de celle-ci aux partenariats noués (32 chantiers déclarés) ;

• il est difficile pour les artisans partenaires de la plateforme de connaître précisément l’origine de leurs contacts commerciaux44 ; c’est encore plus le cas pour les partenaires en amont, tels que les négociants par exemple, qui ne bénéficient que de retombées indirectes ;

• les chantiers concernés étant de nature très hétérogène, les chiffres d’affaires constatés ont une forte variance ; ainsi sur Digne, les sommes annoncées vont de 15 000 à 1M ".

44 Ceci d’autant plus que dans un processus de recherche d’informations multi-critères et multi-sources, tel que celui des candidats à la rénovation énergétique, ceux-ci ne savent pas non plus au final ce qui a été déterminant dans leur parcours et leur choix.

Plus globalement, le suivi de l’opération Rénover + peut intégrer beaucoup plus de critères, en lien avec les objectifs et les actions conduites sur le terrain. À titre d’exemple, on trouvera ci-dessous un extrait du tableau de bord de l’animateur de Fréjus (18 mois après le lancement de l’expérimentation) :

Nombre d’artisans impliqués activement (ateliers, offres commerciales, autres actions)

100

Nombre d’artisans orientés par l’animateur Rénover +

149 dont 56 vers d’autres services de la CMA

dont 37 vers les organisations

professionnelles Nombre d’artisans formés 93 Nombre de partenaires professionnels impliqués (hors artisans) avec une offre 44

Nombre partenaires potentiels rencontrés 150 Nombre de participants aux ateliers 200 Nombre de manifestations organisées (avec territoire et partenaires) 33

Nombre de personnes impactées lors de ces manifestations en cumulé 770

Nombre de retombées presse une douzaine hors trois LMA

Nombre de visites sur le site web (cumul un an)

3102 visiteurs uniques et 22502 pages vues

Nombre de chantiers lancés, en cours, valorisés

40 chantiers (dont 32 dans le cadre du PIG) pour un

CA de 770 000 " Artisans informés lors de stages préalables à l’installation 50

Particuliers ayant demandé de l’information (hors événements) 190

Nombre de particuliers orientés par l'EIE vers l’opération Rénover + 400

Compte twitter : nombre d'abonnés, nombre de messages

100 abonnés, 174 messages

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5.1.2. Les éléments qualitatifs Au-delà de ces éléments quantitatifs, des éléments significatifs ont été récoltés quant à la plus-value de l’approche développée dans le cadre de Rénover +, telle que perçue par les professionnels impliqués. Quelques exemples à ce propos : • sur Fréjus, le développement de nouvelles collaborations entre l’E.I.E. et

l’opérateur ANAH a permis une optimisation de l’accueil des particuliers via la fonction PRIS et un échange de compétences visant à une forte amélioration des préconisations énergétiques dans le cadre du PIG ;

• les rencontres dans le cadre des événements et ateliers mis en place permettent l’émergence de nouveaux partenariats : entre artisans, entre courtiers en travaux et artisans/négociants… ;

• la montée en notoriété de Rénover + attire des acteurs souvent éloignés du marché diffus de la rénovation (architectes, bureau d’études) qui peuvent penser en termes d’offres plus adaptées ;

• le cadre apporté par Rénover +, encourage les fournisseurs d’énergie et gestionnaires de réseaux à se positionner avec des offres, à co-organiser des événements, à faire travailler les artisans engagés ;

• il en est de même pour les négociants et grossistes en matériaux (accueil de formations, petits-déjeuners thématiques, journée portes ouvertes…).

En outre, l’utilisation de la « marque ombrelle » Rénover +, permet de fédérer et d’identifier des événements qui concourent tous à la notoriété globale du dispositif et à mettre en avant le message du « plus » énergétique : • balades thermiques ; • opération « C’est pas courant » ; • prêt aux particuliers de mallettes de « diagnostic », contenant, entre autres,

une caméra thermique ; • opération de sensibilisation scientifique avec l’association des Petits

débrouillards ; • opération de sensibilisation des apprentis du bâtiment, en CFA. Dans le cadre des partenariats développés, la mise en place de liens réciproques entre sites internet est également un résultat positif à noter. L’identification récurrente de l’opération et de la marque associée permet d’assurer des retombées médias significatives (articles de presse, émissions de radio…).

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5.2. Quelques éléments généraux de réflexion méthodologique Après deux années d’expérimentation, si on mesure l’impact du dispositif au travers des mises en chantier des projets captés par le biais de Rénover +, on risque de passer à côté d’un certain nombre d’éléments importants dans l’évaluation des actions mises en œuvre, justifiant les efforts consentis et investis par la puissance publique dans le cadre de ce programme. Globalement, mesurer l’impact de la plateforme, c’est aussi suivre et analyser des indicateurs d’activité de cette plateforme et ses capacités d’animation du secteur de la rénovation sur le territoire. Cela implique de pouvoir comparer une situation finale ou intermédiaire en évolution, à une situation de référence ou initiale, mesurée au préalable ; cela induit la nécessité d’identifier et d’intégrer la mise en place d’outils de mesure de ces indicateurs en amont, dès le démarrage de l’opération. Une réflexion préalable avec les institutions et les acteurs du territoire (habitat/logement, environnement, économie…) permet de balayer le champ des possibles et de qualifier les objectifs à atteindre et les moyens de les mesurer ; cela doit également aboutir à la mobilisation des divers opérateurs en capacité de mettre en place les modalités de recueil des informations nécessaires à l’analyse. L’évaluation de l’impact de la plateforme de la rénovation se fait sur la base de données chiffrées, ce qui nécessite de la vigilance dans le recueil des informations et les modalités de traitement éventuel45, mais un certain nombre d’éléments sont aussi disponibles sur le mode déclaratif ou basés sur la perception des acteurs questionnés, et ils sont donc à traiter comme tels.

5.2.1. L’identification des projets et chantiers de rénovation Si c’est un idéal, cela reste en général une démarche compliquée à mettre en œuvre en pratique. En effet, à l’exception des projets pour lesquels un dispositif d’aide a été mobilisé, les chantiers de rénovation restent dans l’ensemble « invisibles ». L’identification de projets qui ont émergé de l’action d’animation de la plateforme, ou dont on peut dire qu’ils ont bénéficié de sa plus-value, en embarquant des travaux d’efficacité énergétique dans un projet initial classique d’embellissement ou d’aménagement par exemple, est donc assez difficile. Elle nécessite de développer une stratégie d’approche auprès de l’ensemble des acteurs

45 Ainsi, des outils d’analyse très fins des contacts et visites du site internet de la plateforme doivent être mis en place dès le démarrage

de la chaîne de valeur pour identifier l’impact de la plateforme sur le marché de la rénovation. Pour cela, il est envisageable d’impliquer les acteurs institutionnels (service habitat de la collectivité, opérateurs ANAH, E.I.E. …) qui interviennent dans le conseil et l’accompagnement des porteurs de projets pour faire remonter ces informations, au travers de leur propre système de suivi et de reporting. Par contre, pour ce qui est des artisans et des entreprises du bâtiment, cette démarche plutôt inhabituelle ne sera pas aisée à enclencher. Le repérage des projets pourra passer par la valorisation des chantiers, via une fiche synthèse — présentant les éléments de gain énergétique ou économique et l’approche développée avec les autres corps de métier, par exemple — qui pourra être mise en avant sur les supports de communication de la plateforme ; ou, a contrario, c’est dans la relation de confiance établie avec l’animateur de la plateforme que des informations considérées comme sensibles ou confidentielles pourront être recueillies et agrégées à l’échelle du territoire. Les fiches de valorisation des chantier peuvent indiquer les éléments suivants : typologie et surface du logement, types de travaux réalisés (du projet initial au projet énergétiquement optimisé), coût des travaux (dont part des travaux énergétiques), plan de financement (dont augmentation de l’enveloppe financière disponible grâce aux aides mobilisées), durée du chantier, niveaux de performance énergétique, économies d’énergie attendues, émissions de CO2 évitées, ...

5.2.2. L’engagement et la satisfaction des partenaires Une enquête auprès des partenaires permet d’identifier leurs motivations, leurs besoins, leurs attentes, leur volonté de s’investir, leur degré de satisfaction vis-à-vis des actions de la plateforme. Connaître la perception qu’ont les partenaires du dispositif permet de mieux cerner ce qui les intéresse mais aussi ce qui peut intéresser d’autres partenaires potentiels et donc donner des éléments d’argumentaire pour élargir le cercle impliqué. Cette connaissance peut être acquise par la mise en place de questionnaires d’enquête pour récolter de manière simultanée auprès de l’ensemble des partenaires des éléments chiffrés ou qualitatifs, ou par des entretiens qualifiés réalisés par une tierce personne ; ce sont des méthodes plutôt chronophages et donc coûteuses mais d’un intérêt évident pour prendre le pouls de manière régulière (une fois par an). Cela étant, l’intérêt des partenaires et des prospects

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peut être aussi perçu par une analyse continue, à travers des groupes de travail par exemple, qui permet de réajuster en permanence et de manière itérative le fonctionnement de la plateforme et les services proposés, en prenant en considération les évolutions permanentes du contexte et en s’adaptant au marché. C’est une démarche intégrée à la fonction même d’animation du réseau d’acteurs, qui peut également faciliter la relation de confiance qui s’instaure entre l’animateur et les acteurs partenaires. Le principe d’évaluation participative, quels que soient les outils de recueil des informations, permet de réellement prendre en considération l’avis des usagers de la plateforme, de bien comprendre leurs besoins, et surtout de leur permettre de co-construire les outils dont ils ont besoin, renforçant leur implication et leur appropriation du dispositif.

5.2.3. L’analyse comparative à l’échelle macro Celle-ci va prendre en compte, par exemple : • le recours aux incitations financières (CIDD/CITE, Eco Prêt à taux Zéro, le

volume de C.E.E. …) ; • le taux d’entreprises qualifiées (RGE ou autres signes de reconnaissance) ; • les indicateurs d’activité économique du bâtiment… Il s’agit de regarder des tendances générales d’évolution sur le moyen / long terme et de comparer avec des territoires aux caractéristiques similaires ayant implémenté ou non des politiques et outils semblables ou présentant des similitudes opérationnelles. Les chiffres peuvent être comparés à des données de référence régionales et nationales.

5.2.4. Le niveau de performance énergétique Le niveau de performance énergétique des logements rénovés ou le gain de performance obtenu dans le cadre des projets de rénovation restent déterminants pour mesurer l’impact supposé (hors comportements des usagers et réalités climatiques) de la plateforme. Ce niveau de performance énergétique peut être évalué de différentes manières. Le DPE, outil réglementaire aux conditions « homogènes » et générales à l’échelon national, semble le plus adapté pour constituer un indicateur de base a minima, avec la limite que ces chiffres ne se réfèrent qu’aux logements faisant ou ayant fait l’objet d’une transaction (vente ou location).

Certains territoires réalisent des thermographies aériennes. Outre le fait que celles-ci ont un véritable impact mobilisateur auprès de la population, et constituent donc un outil de communication très utile dont l’ensemble des partenaires peuvent se saisir, la mise en œuvre de thermographies à des pas de temps suffisamment éloignés (ex. tous les cinq ans) dans des conditions identiques, peut apporter des éléments de mesure « macro » de l’évolution globale du territoire.

5.2.5. La CERC partenaire des plateformes Sous la tutelle du Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l'Energie, et en partenariat avec les Fédérations de syndicats professionnels de la filière B.T.P. matériaux de construction, la CERC intervient au niveau régional en analysant les données du secteur de la construction et de la rénovation pour en extraire des bilans réguliers, et identifier les tendances d’évolution. Elle est missionnée également pour suivre les aides financières et les indicateurs du PREH ; à ce titre elle est impliquée dans l’appui aux plateformes de la rénovation et à leur suivi. Le maillage de son analyse est régional ou départemental : recueil des informations, suivi des données existantes, compilation et analyse. La CERC compare les éléments recueillis et mutualise ses analyses avec les chiffres nationaux ou d’autres régions. Elle s’appuie également sur les résultats de l’étude OPEN ADEME, régionalisée en Provence-Alpes-Côte d'Azur (enquêtes auprès d’échantillons de ménages et d’entreprises), afin de croiser les données et de valider ses chiffres concernant la rénovation, et notamment les projets de rénovation dite « globale » (plusieurs types de travaux réalisés dans une même période). À noter : les projets de rénovation par étape, avec des travaux étalés dans le temps, sont une situation assez fréquente en Provence-Alpes-Côte d’Azur en comparaison d’autres régions. Des divergences d’opinion subsistant en ce qui concerne les chiffres relatifs à ces projets et le raisonnement suivi dans l’étude OPEN, la CERC et l’ADEME doivent faire le point sur les éléments à développer pour une meilleure complémentarité des analyses.

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5.3. Quels indicateurs pour évaluer l’impact des plateformes de la rénovation ? Comme il vient d’être exposé, la question de l’évaluation est relativement complexe et multifactorielle. Au vu de l’expérience acquise grâce aux expérimentations Rénover +, une liste indicative peut être proposée.

Proposition d’indicateurs à suivre dans le cadre d’une analyse évolutive sur plusieurs années consécutives

OFFRE DEMANDE

Notoriété - fréquentation du site internet - nb de partenaires potentiels sollicités - nb de partenaires ayant signé la charte de partenariat

- nb de prospects enregistrés dans les bases contact (identifier la source d’information)

- fréquentation du site internet - évolution quantitative et qualitative des demandes formulées auprès des

espaces d’information (E.I.E., ADIL, CAUE, opérateurs ANAH)

Visibilité

- relais sur les sites internet collectivités et institutions - relais sur les sites internet des partenaires - relais pas les autres acteurs du territoire - retombées presse (articles presse spécialisée et sites spécialisés) - nb et qualité des outils développés

- retombées presse (PQR, presse grand public) - suivi de l’activité sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter…

Résultats en termes de volume d’activité

- nb de partenaires ayant proposé une offre spécifique (B to B ou B to C)

- nb de partenaires mobilisés à chaque événement - nb de visites sur le site internet (analyse qualifiée de l’utilisation du

site : visiteurs uniques, …) - nb de manifestations organisées (groupes de travail, ateliers, séances

d’information, formations, évènements, …) - nb de participants directs aux manifestations - nb de personnes touchées indirectement lors des manifestations,

actions de communication vers fichiers clientèle, … - nb d’artisans informés, enquêtés, impliqués même sans offre

spécifique - nb de projets/chantiers mis en avant, valorisés sur le site web ou dans

des publications - évolution du chiffre d’affaires de chaque partenaire (par secteurs

d’activité, tailles de chantiers, types de matériaux, zones géographiques,…)

- évolution du chiffre d’affaires du secteur de la rénovation sur le territoire (CA généré pour tout euro investi).

- nb de visites sur le site internet (analyse qualifiée de l’utilisation du site) - nb de contacts et demandes d’information - nb de projets de rénovation - nb de mises en chantier (projets de rénovation aboutis) - volume de C.E.E. valorisés sur le territoire - nb et montants et types de travaux CITE - nb et montants et types de travaux Eco-PTZ - nb et montants aides ANAH - nb de primes Habiter mieux - nb d’aides financières mobilisées et montants le cas échéants (autres

dispositifs locaux) - évolution des DPE sur le territoire

Résultats en termes - nb d’offres montées en co-partenariat, nb de collaborations et de - niveaux de performance énergétique avant/après

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de performance services co-portés - nb de manifestations organisées en collaboration - nb de professionnels formés en rénovation, efficacité énergétique et

approche globale (Fee BAT et Fee BAT +) - nb de professionnels qualifiés RGE ; résultat des contrôles RGE et

niveau général de compétence constaté

- contrôle qualité des chantiers (qualité de mise en œuvre) avec suivi des consommations énergétiques

- niveau de satisfaction des particuliers à l’usage

Degré de satisfaction

- adéquation des services proposés aux besoins (questionnaires de satisfaction ou nb/taux de prestations souscrites)

- nb d’opérations/chantiers annulés en cours de route ou dont le contact disparaît

- nb réclamations et contentieux (suivi vs. site ou associations de consommateurs)

Autres indicateurs

- nb d’artisans organisés en groupement permanent ou momentané pour répondre à la demande de rénovation globale

- nb d’artisans orientés vers d’autres services (formation, prestation, …) de la C.R.M.A. ou des Organisations Professionnelles

- amélioration du quartier et implication/efforts de la collectivité et des acteurs de proximité

- propagation des travaux à proximité - évolution sociologique (typologie/niveaux revenus des habitants, …)

5.4. Conclusion et recommandations sur l’évaluation, dans le cadre d’une généralisation des plateformes Quels que soient la nature, les caractéristiques, la taille ou le territoire de référence des plateformes en cours d’émergence, une série d’indicateurs communs sont envisageables afin de permettre une harmonisation et une cohérence des éléments de suivi et d’évaluation à l’échelle régionale, voire au niveau national : le nombre de contacts traités ou de projets accompagnés, le nombre de partenaires de la plateforme, le nombre de chantiers, le volume de travaux réalisés, … La contrainte principale reste la compatibilité et la cohérence des formats de remontée des indicateurs et des pas de temps de recueil de ces informations et le traitement harmonisé de ces données. Il n’en demeure pas moins que d’autres indicateurs spécifiques à chaque plateforme doivent être mis en place en fonction des objectifs fixés et des cibles ou des modalités opérationnelles envisagées pour chacune d’elles. Quelques éléments sont mesurables assez rapidement (ex. professionnels engagés dans un partenariat ; les prospects renseignés, …) mais de manière globale, c’est bien l’analyse évolutive sur plusieurs années consécutives qui permettra une réelle évaluation de l’impact des actions et outils mis en œuvre sur l’évolution du marché et sa dynamisation.