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1 Mémoire de recherche Majeure MAC Existe-t-il un marché de la science- fiction en France ? Jean-Philippe Decka Mai 2010 Mémoire de recherche dirigé par Thomas Paris

Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

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Page 1: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

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Mémoire de recherche

Majeure MAC

Existe-t-il un marché de la science-

fiction en France ?

Jean-Philippe Decka

Mai 2010

Mémoire de recherche dirigé par

Thomas Paris

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Remerciements

Je tiens à remercier Jean-François Merle, responsable de la littérature de

genre chez Omnibus, Jérôme Vincent, directeur ActuSF, Pascal Godbillon,

responsable de la collection Folio SF chez Gallimard, Xavier Vernet, propriétaire de

la librairie spécialisée Scylla, Mélanie Fazi, auteur et traductrice, René-Marc Dolhen

de NooSFere, Alain Damasio, auteur, Laurent Genefort, auteur, Marie Kock de Livres

Hebdo, Romain Gras, chef de marque et Philippe Danon responsable éditorial chez

SyFy Universal, Gilles Francescano, ancien président de Art & Fact, et Marie

Masson, coordinatrice du festival des Utopiales, qui ont pris le temps de répondre à

mes questions et m’ont permis de progresser dans ma réflexion.

Enfin, je remercie Thomas Paris, mon directeur de mémoire, pour son aide et

son soutien tout au long de mes recherches.

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Table des matières

TABLE DES MATIERES ....................................................................................................................................... 3

INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 4

I. HISTORIQUE DE LA SCIENCE-FICTION ............................................................................................................. 7

I.1. « SCIENCE-FICTION » ? ....................................................................................................................................... 8

I.2. LA SCIENCE-FICTION EST NEE DANS LA LITTERATURE ................................................................................................. 11

I.3. LE DEVELOPPEMENT DE LA SCIENCE-FICTION DANS LES ANNEES 1920-1950 : L’AGE D’OR .............................................. 13

I.4. LA SCIENCE-FICTION SE POPULARISE ET S’INSTITUTIONNALISE DE PLUS EN PLUS DANS LES ANNEES 1960-1970 ................... 16

I.5. L’EXPLOSION DES ANNEES 1990-2000 ................................................................................................................ 19

II. LES MARCHES DE LA SCIENCE-FICTION ........................................................................................................ 23

II.1. LE MARCHE DE L’EDITION DE LIVRES DE SCIENCE-FICTION ......................................................................................... 24

II.2. LE MARCHE DES ARTS GRAPHIQUES DE SCIENCE-FICTION .......................................................................................... 54

II.3. LE MARCHE DE LA TELEVISION ............................................................................................................................ 59

II.4. LE MARCHE DU CINEMA .................................................................................................................................... 62

II. 5. LE MARCHE DES JEUX VIDEO .............................................................................................................................. 64

CONCLUSION .................................................................................................................................................. 65

GLOSSAIRE ...................................................................................................................................................... 73

BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................................... 76

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Introduction

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« À ma mort, je souhaite léguer mon corps à la science fiction. »

Steven Wright

En tant que grand lecteur de romans de science-fiction, il m’a paru intéressant

de réaliser mon mémoire de recherche sur un secteur qui me passionne afin d’en

approfondir la compréhension. L’idée de départ était de réaliser une recherche sur le

marché de l’édition de livres de science-fiction, tout en s’interrogeant sur les rapports

avec les autres œuvres de science-fiction que sont les films ou les jeux vidéo, par

exemple. J’ai donc commencé à m’entretenir avec des professionnels de l’édition de

livres de science-fiction. Ces premiers entretiens m’ont fait comprendre qu’il existait

des liens entre l’édition et les autres media au-delà des seules œuvres artistiques et

qu’il serait donc intéressant d’élargir mon champ d’investigation. J’ai donc essayé de

définir la science-fiction de façon plus large, en tant que genre. C’est la première

difficulté que j’ai rencontré. En effet, il s’avère que la science-fiction est définie de

plusieurs manières, parfois comme genre littéraire, genre narratif en référence à la

littérature de « genre » ou alors comme registre littéraire. De plus, je me suis rendu

compte que la définition avait beaucoup évolué depuis les premiers écrits et

continuait toujours aujourd’hui à évoluer. Il m’est donc apparu indispensable de

réaliser un historique de la science-fiction avant d’analyser le fonctionnement des

marchés sur lesquels elle se déploie aujourd’hui.

Mais alors quel vocable utiliser pour parler de science-fiction ? Faut-il parler de

genre, de registre, etc ? Le débat a encore lieu aujourd’hui sur les définitions exactes

de genre ou registre littéraire, et l’objectif de cette étude n’est pas de trancher sur ces

questions mais bien d’employer un terme compréhensible pour définir la science-

fiction tout en évitant les contre-sens. De ce fait, nous utiliserons dans cette étude

l’appellation « genre » pour définir la science-fiction en référence à la littérature de

« genre », qui est l’appellation la plus utilisée, même si elle n’est pas tout à fait

exacte.

A ce moment de mes recherches, une question centrale au genre « science-

fiction » s’est imposée à moi : existe-t-il un marché unifié de la science-fiction en

France ? C’est la question à laquelle nous tenterons de répondre au cours de cette

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étude. Dans un premier temps, nous étudierons la définition de la science-fiction

ainsi que son évolution depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui. Cet historique, n’a

pas vocation à être exhaustif, mais nous permettra de recadrer le cours des

événements ayant amené la science-fiction à sa situation actuelle. Puis dans un

second temps, nous analyserons les marchés sur lesquels la science-fiction existe

aujourd’hui en identifiant les acteurs spécialisés dans la création d’œuvres du genre

ainsi que la manière dont ils s’organisent.

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I. Historique de la science-fiction

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I.1. « Science-fiction » ?

« C’est notre monde disloqué par un certain genre d’effort mental de l’auteur, c’est

notre monde transformé en ce qu’il n’est pas ou pas encore. Ce monde doit se

distinguer au moins d’une façon de celui qui nous est donné, et cette façon doit être

suffisante pour permettre des événements qui ne peuvent se produire dans notre

société - ou dans aucune société connue présente ou passée. Il doit y avoir une idée

cohérente impliquée dans cette dislocation ; c’est-à-dire que la dislocation doit être

conceptuelle, et non simplement triviale ou étrange - c’est là l’essence de la science-

fiction, une dislocation conceptuelle dans la société de sorte qu’une nouvelle société

est produite dans l’esprit de l’auteur, couchée sur le papier, et à partir du papier elle

produit un choc convulsif dans l’esprit du lecteur, le choc produit par un trouble de la

reconnaissance. Il sait qu’il ne lit pas un texte sur le monde véritable. »

Philip K. Dick

« On peut définir la science-fiction comme la branche de la littérature qui se soucie

des réponses de l'être humain aux progrès de la science et de la technologie. »

Isaac Asimov

I.1.1. Origine du mot

Il apparaît en effet que la première origine du terme science-fiction nous vient

de l’anglais (science fiction), et plus précisément d’outre atlantique. On recense

plusieurs apparitions de l’expression « science fiction » dans des écrits à partir du

milieu du XIXème siècle. La plus ancienne utilisation du mot dans un ouvrage semble

être celle de William Wilson en 1853 dans un essai intitulé A little earnest book

upon a great old subject.

Toutefois, les occurrences de ce terme restent exceptionnelles jusqu’en 1929.

C’est à cette date qu’Hugo Gernsback l’emploie dans l’éditorial du premier numéro

du pulp magazine Science Wonder Stories. C’est sous l’influence de cet homme que

l’expression s’impose en Amérique du Nord, aussi bien dans les milieux

professionnels que chez les lecteurs, et va progressivement remplacer d’autres

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expressions utilisées jusqu’alors pout désigner le genre, comme « scientific

romance » ou « scientifiction.1 »

Plus tard, certains auteurs ont essayé de remplacer le terme de « science

fiction » par de nouvelles expressions, à l’image de Robert A. Heinlein qui a parlé de

« speculative fiction2 » pour se démarquer des écrits de fantasy qui étaient à

l’époque assimilés à de la « science fiction ». Toutefois, l’expression de Heinlein n’a

pas réussi à s’imposer et le terme de « science fiction » s’est toujours maintenu

comme le concept de référence.

Dans le monde francophone, le terme de « science-fiction » a mis plus de

temps à arriver. Il nous est parvenu en même temps que les textes des auteurs

américains à partir des années 1950. L’expression a connu au début la concurrence

du mot « anticipation », qui venait remplacer les termes « merveilleux scientifique »

ou « voyages extraordinaires ». Finalement, le concept de « science-fiction » s’est

également imposé en France et reste aujourd’hui la référence.

I.1.2. Définition du mot

Le Petit Robert, dictionnaire de la langue française, définit la science-fiction

ainsi :

« Genre littéraire autonome qui fait intervenir le scientifiquement possible dans

l’imaginaire romanesque. »

Cette définition de la science-fiction reprend la représentation la plus

répandue selon laquelle elle est un genre narratif mettant en scène des univers où se

déroulent des faits impossibles ou non avérés en l’état actuel de la civilisation, des

techniques et technologies qui correspondent généralement à une anticipation sur

les découvertes scientifiques à venir.

Cependant, la science-fiction est un genre complexe recouvrant de nombreux

sous-genres qui diffèrent beaucoup les uns des autres. On peut citer à titre

1 Roger Bozzetto, La Science-fiction, Armand Colin, 2007

2 Robert A. Heinlein, Grandeur et misères de la science-fiction, dans « Robert A. Heinlein et la pédagogie du

réel », Editions du Somnium, 2008

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d’exemple la « hard science fiction » qui propose des conjectures à partir des

connaissances scientifiques actuelles, l’ « uchronie » qui raconte ce que serait le

cours de l’Histoire si un événement du passé avait été changé, le « cyberpunk » qui

se focalise sur les réseaux, ou encore le « space opera » dans lequel interviennent

souvent des vaisseaux et combats spatiaux. Il est difficile de citer tous les sous-

genres de la science-fiction parce que cette dernière est en constante évolution. Les

ouvrages de science-fiction publiés chaque jour donnent une dimension nouvelle au

genre et élargissent ses frontières. Certains révolutionnent complètement le genre et

créent de nouveaux sous-genres comme par exemple Neuromancien de William

Gibson, à l’origine du « cyberpunk ».

Dans ces circonstances, il paraît difficile de donner une définition généraliste à

la science-fiction. Pourtant, The Cambridge Companion to Science Fiction3 propose

une définition des mécanismes caractéristiques devant être présents dans toute

œuvre de science-fiction pour que celle-ci soit considérée comme telle. Leur ouvrage

intitulé Science Fiction a reçu en 2003 le prix de la meilleur non-fiction de la part de

la British Science Fiction Association. Les mécanismes sont ainsi énoncés en

introduction :

- L’expérience de pensée : le récit de science-fiction pose toujours la question

« que se passe-t-il siP » ? C’est une fiction spéculative qui place les idées au

même plan que les personnages.

- La distanciation cognitive : le lecteur doit être embarqué dans un monde

inhabituel.

- L’activité de compréhension du lecteur : elle fait suite à la distanciation. Le

lecteur doit reconstruire un monde imaginaire à partir de connaissances qui ne

relèvent ni du merveilleux ni du religieux, mais de théories ou de spéculations

scientifiques, même s’il s’agit de connaissances qui violent les principes de

nos connaissances actuelles. Ce monde inhabituel n’étant pas donné au

lecteur d’un seul coup, il doit se servir d’éléments fournis par l’auteur pour

reconstruire ce monde.

3 The Cambridge Companion to Science Fiction, Cambridge University Press, 2003, pp.3-6

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- Les références à un bagage culturel commun : le vocabulaire et les thèmes

de la science-fiction font partie d’une culture familière au lecteur qui lui permet

de s’y reconnaître.

Ainsi, même s’il n’existe pas de définition précise de la science-fiction, on peut

reconnaître un ouvrage du genre lorsqu’il obéit à ces quatre mécanismes.

Toutefois, une question importante mérite d’être soulevée dès maintenant :

pourquoi les définitions de la science-fiction données par le Petit Robert ou par The

Cambridge Companion to Science Fiction ne s’intéressent-elles qu’à la littérature

alors que la science-fiction est présente dans bien d’autres media ? La science-

fiction apparaît-elle spontanément comme une évolution dans la plupart des arts ou

les différents mouvements qui apparaissent ont-ils une origine commune ? C’est une

question à laquelle nous allons essayer de répondre au cours de cette étude.

Un premier élément de réponse réside probablement dans l’histoire de la science-

fiction. Cette histoire a débuté par la littérature avant que la science-fiction n’évolue

et ne s’approprie d’autres media.

I.2. La science-fiction est née dans la littérature

I.2.1. Qui sont les précurseurs du genre ?

Après des recherches approfondies sur le genre, il apparaît aussi compliqué

de donner une définition à la science-fiction que d’en déterminer les origines. Cela

s’explique encore une fois par la diversité de ce genre qui n’a pas cessé d’évoluer au

fil des années.

Toutefois, on peut citer plusieurs écrivains qui de par leurs ouvrages sont

reconnus comme étant des précurseurs de la science-fiction. En voici une liste non

exhaustive :

- Lucien de Samosate (125-192), Histoire véritable

- Thomas More (1478-1535), Utopia, 1516

- Francis Godwin (1562-1633), The Man in the Moon, 1638

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- Johannes Kepler (1571-1630), Somnium, 1634

- Cyrano de Bergerac (1619-1655), Histoire comique des Etats et Empires de la

Lune et Histoire comique des Etats et Empires du Soleil, 1657

- Jonathan Swift (1667-1745), Les voyages de Gulliver, 1726

- Voltaire (1694-1778), Micromégas, 1752

- Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), L’an 2440, rêve s’il en fut jamais, 1771

- Mary Shelley (1797-1851), Frankenstein, 1818

- Edgar Allan Poe (1809-1849), Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaall,

1835

- C. I. Defontenay (1814-1856), Star ou Psi de Cassiopée, 1854

- Auguste de Villiers de l’Isle-Adam (1838-1889), L’Eve future, 1886

Les textes de ces précurseurs ne sont en rien comparables avec les écrits de

science-fiction que l’on peut trouver aujourd’hui et ils n’obéissent pas non plus aux

mécanismes définis par The Cambridge Companion to Science fiction, mais ce sont

des récits et essais imaginaires mettant en scène des personnages merveilleux qui

ont inspiré beaucoup d’écrivains contemporains.

I.2.2. Les fondateurs

Si les écrivains et professionnels de la science-fiction ne s’accordent pas sur

une définition ou même sur les précurseurs de celle-ci, ils sont d’accord pour

désigner deux écrivains en particulier comme « les pères fondateurs » de la science-

fiction moderne. Il s’agit de Jules Verne (1828-1905) avec des ouvrages comme De

la Terre à la Lune ou 20 000 lieues sous les mers, et de H.G Wells (1866-1946),

avec notamment La machine à explorer le temps, L’Homme invisible et La guerre

des mondes. Ces deux auteurs ont marqué leur époque en posant les fondements

de la science-fiction. Toutefois, ils ne sont pas les seuls de cette époque à avoir

apporté une production écrite que l’on peut qualifier aujourd’hui de science-fiction. En

effet, la fin du XIXème siècle et le début du XXème voient fleurir de nombreux

romans de « fiction spéculative ». Parmi ces œuvres ayant favorisé le

développement de la science-fiction, on peut citer :

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- The Brick Moon d’Edward E. Hale en 1869 qui met en scène le premier

satellite artificiel.

- Les navigateurs de l’infini de J-H Rosny Aîné en 1925 qui crée le terme

« astronaute ».

I.3. Le développement de la science-fiction dans les années

1920-1950 : l’âge d’or

À partir des années 1920, la science-fiction connait un développement

important, surtout aux Etats-Unis, avec l’apparition des magazines pulp pour ce qui

est de la littérature, mais aussi au cinéma et dans la bande dessinée. La France ne

fut pas en reste même si ce développement y est plus tardif qu’aux Etats-Unis, à

partir des années 1950.

I.3.1. L’âge d’or littéraire

Aux Etats-Unis, l’âge d’or de la science-fiction intervient à partir des années

1920, grâce en particulier à la tradition des pulps qui sont des magazines de faible

qualité à bas coût distribués massivement. On voit notamment l’apparition de Weird

Tales en 1923, Amazing Stories en 1926, fondé par Hugo Gernsback, Wonder

Stories en 1929, et Astounding Stories en 1930. À cette époque, on peut compter

plus de 30 revues spécialisées dans la science-fiction qui existent simultanément. Ce

type de magazine a favorisé l’écriture sous forme de « nouvelle » qui reste encore

aujourd’hui un format fortement utilisé par les auteurs de science-fiction. En effet, le

format et la périodicité de ces magazines rendaient l’écriture d’œuvres longues

compliquée. Il est important de noter que c’est à partir de ces magazines spécialisés

qu’ont émergé la plupart des principaux auteurs classiques de science-fiction :

Howard Philips Lovecraft, Isaac Asimov, Frank Herbert, Ray Bradbury, Arthur C.

Clarke, Robert A. Heinlein, A. E. Van Vogt, etc.

Cette époque voit, en plus de nombreuses parutions qui ne sont pas toutes de

qualité, le début de l’institutionnalisation du genre au Etats-Unis. En effet, en 1939 la

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première convention mondiale de la science-fiction se réunit à New York. Puis en

1955, la convention décide d’adopter officiellement la remise d’un prix comme partie

intégrante de la convention. Ce prix deviendra en 1993 le prix Hugo en hommage à

Hugo Gernsback.

En France, il faut attendre le début des années 1950 pour qu’apparaissent des

publications de science-fiction. En effet, la littérature est fortement hiérarchisée à

l’époque entre une littérature distinguée et une littérature de masse4. De plus, la

littérature de science-fiction n’apparait pas sous le même format qu’aux États-Unis

dans des magazines spécialisés, mais dans les livres de poche principalement. Une

collection en particulier marque la naissance des publications de science-fiction en

France : Anticipation. Cette collection a été créée par les éditions Fleuve Noir en

1951, avec pour double objectif de permettre d’une part aux auteurs de beaucoup

publier et de l’autre aux lecteurs d’avoir une littérature science-fiction grand public.

Cette collection publiera 2001 livres en 46 années d’existence.

Aux Etats-Unis d’abord, puis en Europe, la science-fiction s’est rapidement

développée comme genre littéraire. Toutefois, il est important de comprendre que

parallèlement à l’âge d’or de la science-fiction dans les pulps, le genre s’est

développé sous d’autres formes.

I.3.2. La naissance du cinéma de science-fiction

Contre toute attente, le cinéma de science-fiction n’a pas attendu l’arrivée des

effets spéciaux pour exister. La naissance du cinéma de genre et en particulier du

cinéma de science-fiction se fait au même moment que le cinéma classique en 1895.

Comme les fondateurs de la science-fiction littéraire, les fondateurs du cinéma de

science-fiction font partie du vieux continent. Le plus important d’entre eux est

certainement le français George Méliès qui a réalisé Le Voyage dans la Lune en

1902. Il est considéré comme le père des effets spéciaux ou « trucages » à

l’époque, et il est aussi le premier créateur d’un studio de cinéma. Dans les années

1920, ce sont les films expressionnistes allemand qui marquent le genre avec en

4 I. Langlet, La science-fiction, lecture poétique d’un genre littéraire, Armand Colin, 2006, p. 142

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premier lieu Nosferatu de F.W. Murnau en 1922, puis Metropolis de Fritz Lang en

1927.

À partir des années 1930, les réalisations sont surtout américaines avec

Frankenstein de James Whale en 1931, King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B.

Schoedsack en 1933, Le jour où la terre s’arrêta de Robert Wise en 1951, et Planète

interdite de Fred M. Wilcox en 1956.

Ainsi, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le cinéma de science-

fiction est né en même temps que les textes fondateurs du genre et s’est développé

parallèlement à la littérature, bien que le nombre de productions cinématographiques

reste plus faible que le nombre de productions écrites. De plus, le cinéma de

science-fiction n’a pas connu l’engouement qu’ont connu les pulps spécialisés au

même moment et qui ont permis au genre de connaître son âge d’or.

I.3.3. La science-fiction se développe aussi dans la bande dessinée

La bande dessinée ne fut pas en reste durant cette période. L’épicentre de ce

développement se trouve aux Etats-Unis dans les années 1930. C’est à cette

époque que le genre se rend célèbre avec l’explosion des comics Buck Rogers et

surtout Flash Gordon d’Alex Raymond en 1934. Ce sont aussi les débuts des super-

héros de la DC-Comics (Superman, Batman, Wonderwoman) et de la Marvel

(Spiderman, Les quatre fantastiques, les X-Men).

Cependant, le genre ne se développe pas qu’aux Etats-Unis. Dès les années

1940 en France et en Belgique, certains artistes font figure de précurseurs. Il s’agit

notamment de :

- Raymond Poïvet et Roger Lecureux avec Les pionniers de l’Espérance en

1945¨publié par Vaillant

- Marijac et Auguste Liquois, puis Pierre Duteurtre avec Guerre à la Terre en

1946-1947 publié par Coq Hardi

- Kline avec Kaza le Martien publié dans OK de 1946 à 1948.

En France, le développement de la bande dessinée de genre continue dans

les années 1950 avec, en particulier, les publications Artima qui, entre 1953 et 1962,

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publient des histoires originales comme Meteor et Atome kid ainsi que des

traductions anglo-saxonnes comme La famille Rollinson dans l’espace, Aventures

fiction, et Sidéral en kiosque.

I.4. La science-fiction se popularise et s’institutionnalise de

plus en plus dans les années 1960-1970

I.4.1. En particulier grâce au medium de masse qu’est devenu le cinéma

Ce sont les années 1960 et 1970 qui vont apporter au cinéma de science-

fiction la plupart de ses standards. Ces standards sont en grande majorité

développés aux Etats-Unis au sein des majors californiennes. Celles-ci ont les

moyens de produire les films à gros budget et de faire appel pour cela aux plus

grands réalisateurs de l’époque. C’est pourquoi beaucoup se sont essayés à la

science-fiction. Parmi les films importants, on peut citer :

- 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick en 1968

- Star Wars de George Lucas en 1977

- Alien de Ridley Scott en 1979

L’audiovisuel de science-fiction commence à connaître un essor sur le petit

écran aux Etats-Unis. Le développement de la télévision popularise des séries

comme Star Trek à partir de 1966.

Toutefois, malgré l’importance des Etats-Unis dans la production d’œuvres

cinématographiques de science-fiction, ils ne sont pas les seuls. En France, la

nouvelle vague et plus précisément François Truffaut s’essaie aussi à la science-

fiction avec la réalisation de la production britannique Fahrenheit 451, d’après le

roman de Ray Bradbury.

Le cinéma, en touchant plus de personnes, plus rapidement et plus facilement

que la littérature, permet un début de démocratisation de la science-fiction au cours

de la seconde partie des Trente Glorieuses. Cependant, cette démocratisation a

surtout lieu dans le monde anglo-saxon sous l’impulsion d’Hollywood.

Page 17: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

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I.4.2. La bande dessinée joue aussi le rôle d’évangéliste du genre en

France et en Belgique

La bande dessinée va avoir sur toute une génération de jeunes gens la même

influence que le cinéma aux Etats-Unis, en permettant la popularisation de la

science-fiction. Ce sont d’abord Barbarella de Jean-Claude Forest en 1962, Lone

Sloane de Philippe Druillet en 1966, Luc Orient d’Eddy Paape en 1967 puis la saga

Valérian, agent spatio-temporel de Jean-Claude Mézières, Pierre Christin et Evelyne

Tran-Lê (publié de 1967 à aujourd’hui), qui vont contribuer à populariser le genre.

Dans la bande dessinée traditionnelle, on trouve également des albums que

l’on peut classer en science-fiction. Deux albums des Aventures de Tintin et Milou,

par exemple, appartiennent au genre :

- On a marché sur la Lune, qui raconte avec quinze ans d’avance le premier

voyage sur la Lune.

- Vol 714 pour Sydney, qui fait intervenir des extraterrestres.

Enfin, le Japon n’est pas en reste non plus avec la publication de nombreux

mangas de science-fiction. On peut par exemple citer les auteurs Go Nagai,

Katsuhiro Otomo, et Masamune Shirow.

I.4.3. Alors que la littérature devient plus expérimentale

La littérature de science-fiction des années 1960-1970 est une littérature plus

mûre que celle de l’âge d’or. Des thèmes de réflexions comme le rôle des media, le

rapport au pouvoir, les nouvelles technologies y sont de plus en plus abordés. Ce

mouvement se développe beaucoup en France autour du mouvement de « Nouvelle

Vague » avec des auteurs comme Gérard Klein, Michel Jeury, ou encore René

Barjavel.

Cette évolution de la littérature de science-fiction en France va de paire avec

l’apparition d’une nouvelle collection spécialisée en grand format chez Robert

Laffont : Ailleurs et Demain créée en 1969 par Gérard Klein, qui la dirige toujours

aujourd’hui. Au format poche, plusieurs collections voient le jour durant cette

période :

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- J’ai Lu SF créée en 1958 par Frédéric Ditis

- Le livre de poche science-fiction créée en 1977 sous la direction de Jean-

Baptiste Baronian et Michel Demuth. La collection s’est arrêtée au bout de 69

parutions avant d’être reprise sous le nom Le livre de poche SF sous la

direction de Gérard Klein.

- Pocket science-fiction créée en 1975 sous la direction de Jacques Goimard.

L’accroissement du nombre de collections spécialisées en science-fiction

témoigne d’un souci de la part des éditeurs de répondre à une demande croissante

du public. Outre la popularisation du genre en France, la science-fiction

s’institutionnalise, comme en témoignent la création du Grand Prix de la Science-

fiction française en 1974 par Jean-Pierre Fontana lors du festival de science-fiction

de Clermont-Ferrand, ainsi que la création du prix Apollo (1972) par Jacques Sadoul

et Jacques Goimard. Le GPSF ne récompense que les romans français tandis que le

prix Apollo prend en compte les romans étrangers publiés en France. Les deux prix

sont remis par un jury de professionnels de la science-fiction, qu’ils soient écrivains

ou éditeurs.

La France n’est toutefois pas la seule à se livrer à une institutionnalisation du

genre et à offrir une littérature plus expérimentale. Au Royaume-Uni, la « New

Wave » naît au même moment autour de l’écrivain Michael Moorcock et sa revue

New World qui publiera notamment des textes comme Crash de J.G. Ballard. Aux

Etats-Unis, l’évolution se concentre autour du mouvement « New Thing » avec les

auteurs Harlan Ellison et Roger Zelazny.

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I.5. L’explosion des années 1990-2000

Si les années 1960-1970 ont marqué un tournant pour la science-fiction en

popularisant le genre et en lui offrant un début d’institutionnalisation, que dire des

années 1990-2000 ? Ces deux décennies ont vu l’apparition de nombreuses

collections spécialisées en poche mais surtout en grand format. Le genre science-

fiction a complètement explosé en se séparant de la fantasy, du fantastique et de

l’horreur. Parallèlement à l’augmentation du nombre de collections, on a vu croître le

nombre de festivals et de prix dédiés aux genres de l’imaginaire. Enfin,

l’institutionnalisation du genre s’est poursuivie dans les autres medias tels que les

arts graphiques et l’audiovisuel.

I.5.1. La science-fiction et les « sciences-fiction »

À partir des années 1990, on assiste en France à un changement important

dans la littérature de l’imaginaire. Alors que précédemment la science-fiction

comprenait en son sein des genres tels que la fantasy, le fantastique et l’horreur, on

assiste en cette fin de siècle à un affinage des genres. La science-fiction était durant

près d’un siècle presque synonyme du mot imaginaire pour la majorité des gens. Or,

avec le développement dans les années 1980 des jeux de rôle et de l’heroic fantasy

dans la littérature, la science-fiction a commencé à se distinguer de ces genres. En

même temps, les genres se sont également entremêlés ce qui rend la tâche encore

plus difficile à celui qui veut définir le genre précis d’un livre, d’un film, d’un jeu, etc.

Page 20: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

20

I.5.2. De plus en plus de collections spécialisées, de festivals et de prix

Le divorce entre les genres de l’imaginaire s’accompagne d’une forte

augmentation de leurs productions. En effet, de nouvelles collections grand format

voient le jour en France lors de ces deux décennies. On peut citer par exemple :

- L’Atalante, librairie nantaise au début des années 1980, devenue une maison

d’édition importante au début des années 1990.

- Orbit, qui après avoir été créée en 1974 au Royaume-Uni, arrive en France en

2009.

- Lunes d’Encre chez Denoël, créée en 1999 sous la direction de Gilles Dumay.

- Bragelonne, créée en 2000 et qui propose aujourd’hui une collection poche :

Milady.

- Mnémos, créée en 1996 par Stéphane Marsan et Frédéric Weil venant tous

deux de l’univers du jeu de rôle.

- Le Diable Vauvert, créée en 2000.

- Le Bélial, créée en 1996 et éditant également la revue spécialisée Bifrost.

- Griffe d’encre, créée en 2006.

- Les moutons électriques, créée en 2004.

- La Volte, créée en 2004.

- Les collections SF et Fantasy des éditions Omnibus depuis 2002.

- Folio SF, la collection poche science-fiction de Gallimard créée en 2000.

En plus de la multiplication de ces maisons d’édition et collections que nous

étudierons plus en détail dans la prochaine partie, l’univers de la science-fiction et

plus généralement des genres de l’imaginaire, se trouve confronté à la multiplication

des festivals et des prix. Dans les années 1990-2000, plus d’une vingtaine de prix

littéraires francophones de science-fiction sont créés5. Bien entendu, beaucoup de

ces prix ne trouvent pas de valeur particulière aux yeux des professionnels et n’ont

d’ailleurs pas d’autre ambition que de rester des prix amateurs. Toutefois, cela

témoigne de la floraison du marché, d’une certaine anarchie et de la volonté qu’ont

les amateurs et professionnels de l’institutionnaliser. Ces prix sont généralement

remis lors de festivals spécialisés comme les Utopiales, créé en 1998, et les

Imaginales, créé en 2002, qui sont aujourd’hui les deux festivals les plus reconnus.

5 http://ansible.xlii.org/quarante-deux/prix.html

Page 21: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

21

I.5.3. Institutionnalisation du genre dans les autres media

On a maintenant bien compris que la science-fiction s’institutionnalisait de plus

en plus depuis les années 1990-2000 dans la littérature. Mais qu’en est-il des autres

média ?

On remarque une évolution similaire dans les autres media et en particulier

dans les arts graphiques et dans l’audiovisuel. Lors du festival des Utopiales en

2000, Gilles Francescano et Philippe Jozelon, deux illustrateurs professionnels

spécialisés dans les illustrations de science-fiction, décident de créer une association

des illustrateurs professionnels de SF et fantasy. Cette association porte le nom d’Art

& Fact. L’objectif avoué de l’association à la création est d’institutionnaliser le rôle

des illustrateurs de l’imaginaire sur le marché. Dans le secteur de l’audiovisuel, on

assiste aux mêmes types d’événements, avec la multiplication de festivals

spécialisés à travers l’Europe, ainsi qu’à la création d’une association pour les

encadrer (European Fantastic Film Festival Federation) et à la remise d’un prix (le

Meliès d’or). À la télévision également, la science-fiction cherche à s’imposer : c’est

l’avènement de la chaîne de télévision spécialisée SciFi de la NBC Universal, créée

d’abord aux Etats-Unis avant de s’exporter dans plus de soixante pays.

Page 22: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

22

Nous avons brièvement vu comment la science-fiction est passée en l’espace

d’un siècle à peine d’un genre littéraire à un genre narratif couvrant plusieurs types

de media (arts graphiques, audiovisuel, bande dessinée, etc.). Il s’agit désormais de

comprendre à quoi ressemble la science-fiction en se posant les questions

suivantes :

- La science-fiction n’est-elle toujours qu’un genre littéraire comme l’explique le

Petit Robert ?

- Comment s’articulent les marchés de la science-fiction ?

- Quelle est l’économie de ce genre ?

- Quel est son public ?

- Quelles sont les institutions régulatrices ?

- Le marché a-t-il vocation à s’étendre et à devenir plus qu’un marché de

niche ?

Nous tenterons de répondre à ces questions en étudiant dans un premier

temps chacun des secteurs de ce marché : l’édition, la bande dessinée, l’audiovisuel,

les arts graphiques et les jeux vidéo. Puis nous essaierons d’établir les connections

entre ces différents secteurs afin de savoir si le genre « science-fiction » forme un

marché cohérent.

Page 23: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

23

II. Les marchés de la science-fiction

Page 24: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

24

« Science sans fiction n'est que ruine de l'âme. »

Daniel de Roulet

II.1. Le marché de l’édition de livres de science-fiction

Dans cette partie, nous tenterons de comprendre la structure et le

fonctionnement du marché de l’édition de livres de science-fiction en France. Nous

verrons en premier lieu une cartographie du marché afin de définir son articulation et

les relations que peuvent avoir les différents acteurs. Puis, nous analyserons le

positionnement et la production de tous les groupes d’acteurs du marché. Enfin,

nous tenterons de quantifier et de qualifier le public de ce marché.

II.1.1. Cartographie du marché

Dans la littérature de genre et en particulier la littérature de science-fiction en

France, le marché se structure de la même manière que pour la littérature blanche.

La chaine de valeur peut être schématisée comme ci-dessous :

Maisons d’édition

Diffuseurs

Distributeurs

Librairies

Figure 1

Page 25: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

25

Les maisons d’édition sélectionnent les manuscrits qu’elles reçoivent, afin de

les éditer et de les publier. Une fois les manuscrits sélectionnés, revus, corrigés, et

une entente trouvée avec l’auteur, les éditeurs font appel à une force commerciale

que l’on nomme les diffuseurs. Les diffuseurs sont souvent intégrés dans les grandes

maisons d’édition et représentent l’équipe commerciale du groupe. Leur mission est

d’aller à la rencontre des libraires, que ce soient des grandes surfaces ou des petites

librairies, afin de proposer le nouveau catalogue de l’éditeur et de placer ces

nouveaux livres sur les étagères. Une fois l’accord conclu avec le libraire, les

maisons d’édition n’ont plus qu’à envoyer les livres commandés aux libraires. Pour

cela, elles font appel à des distributeurs. Les distributeurs peuvent aussi être intégrés

dans le cas de très grands groupes, mais il existe également beaucoup de

distributeurs indépendants, surtout dans le cas d’un marché comprenant des petits

éditeurs comme celui de la science-fiction. Les distributeurs distribuent donc aux

libraires les livres commandés et ces derniers n’ont plus qu’à les vendre puis à

retourner les invendus en fonction du contrat passé avec les éditeurs.

La figure1 représente de façon simplifiée la chaîne de valeur sur le marché de

l’édition classique. Voyons maintenant de quelle manière se structure le marché de

l’édition de livres de science-fiction plus en détails et qui sont les acteurs présents

sur ce marché. La Figure 2 montre les relations entre les acteurs du marché ainsi

que la décomposition du prix d’un livre entre ceux-ci.

Page 26: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

26

Figure 2

Editeurs GF

Atalante, Orbit, Bragelonne, Denoël,

Diable Vauvert, Mnémos, Le Bélial,

Laffont, Griffe d’encre, Les moutons

électriques, La Volte.

Auteurs

Auteurs

Agents

Traducteurs

Illustrateurs Editeurs Poche

Gallimard, Pocket, Bragelonne,

J’ai lu, Actu SF, Le livre de Poche

Ré-éditeurs

Omnibus

Libraires

FNAC, Virgin, Grandes surfaces,

librairies, généralistes, librairies

spécialisées

Public

Diffuseurs Distributeurs

Sodis, Interforum, Harminia

Mundi, MDS…

Page 27: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

Voyons maintenant comment se décompose le prix d’un livre entre les

différents acteurs du marché

Figure 3

6 Syndicat National de l’Edition, 2010

Voyons maintenant comment se décompose le prix d’un livre entre les

différents acteurs du marché de l’édition en France6.

Syndicat National de l’Edition, 2010

27

Voyons maintenant comment se décompose le prix d’un livre entre les

Page 28: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

28

II.1.2. Les acteurs du marché

Passons maintenant à l’étude des acteurs du marché. Pour cela, nous allons

analyser chaque groupe d’acteur (les éditeurs, les diffuseurs, les distributeurs, les

libraires et les auteurs) afin de comprendre quelle est leur économie, comment ils

vivent ou survivent sur ce marché et quelles sont leurs relations avec les autres

acteurs.

II.1.2.1 Les maisons d’édition

Les maisons d’édition forment le groupe le plus important sur le marché en

termes économiques. Les acteurs de ce groupe présentent de nombreuses

similarités de par la nature de leur travail, mais nous verrons également que les

segments de marché sur lesquels ils se positionnent peuvent être complètement

différents. Dès lors, ce ne sont pas les mêmes enjeux auxquels ils font face.

D’autre part, il est important de bien différencier collections et maison

d’édition. Sur le marché de la science-fiction, on parle beaucoup de collections

puisqu’il n’existe que peu de maisons d’édition spécialisées entièrement sur la

littérature de science-fiction. De manière générale, les maisons d’édition ont

développé des collections spécialisées en science-fiction afin d’entrer sur ce marché.

II.1.2.1.1. Qui sont ces éditeurs ?

Commençons maintenant par définir ces maisons d’édition et leurs collections

spécialisées afin de mieux comprendre ce groupe d’acteurs.

Il existe trois types d’éditeurs différents sur le marché de la science-fiction :

- Les éditeurs « grand format »

- Les éditeurs « poche »

- Les ré-éditeurs

Parmi les éditeurs « grand format » on trouve :

- Fleuve Noir et sa collection SF Fantasy : créées en 1949, les éditions

Fleuve Noir sont un acteur important de la littérature populaire en France. Ils

ont été les premiers à lancer une collection de science-fiction, Anticipation, en

Page 29: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

29

1951. La collection ayant disparu en 1997, Fleuve Noir rassemble aujourd’hui

ses œuvres de science-fiction et de fantasy sous la collection SF Fantasy.

- Les moutons électriques : créée en 2004 par des écrivains, traducteurs et

graphistes, cette maison se spécialise dans les monographies et les beaux

livres sur la culture populaire et la littérature de l‘imaginaire.

- La Volte : fondée en 2004, la maison cherche à créer des objets-livres

originaux qui mêlent les expériences émotionnelles grâce à l’association

d’ouvrages et de musiques. La ligne éditoriale est à la croisée entre les

mondes imaginaires et la littérature blanche.

- Griffe d’Encre : née en 2006, Griffe d’Encre est spécialisée dans la littérature

de l’imaginaire.

- Le Bélial : créée en 1996, les éditions du Bélial consacrent leur catalogue aux

littératures de l’imaginaire en portant un intérêt particulier à la science-fiction.

Le Bélial est aussi éditeur de la revue Bifrost.

- Robert Laffont et sa collection Ailleurs et Demain : la collection dirigée par

Gérard Klein existe depuis 1969 et continue à se concentrer sur les œuvres

de science-fiction.

- Au Diable Vauvert : créée en 2000, la maison possède une collection

science-fiction et une collection fantasy.

- Mnémos : créée en 1996, la maison a une ligne éditoriale centrée surtout

autour de la fantasy mais publie aussi des ouvrages de pure science-fiction.

- Bragelonne : créée en 2000, les éditions Bragelonne se consacrent à la

littérature de l’imaginaire en axant la ligne éditoriale sur la fantasy. La

spécificité de la maison est l’importance du nombre d’ouvrages publiés

(environ 70 par an).

- Denoël et sa collection Lunes d’Encre : créée en 1999, la collection,

spécialisée dans la littérature de l’imaginaire, se veut plus littéraire que ses

pairs en offrant des œuvres plus humanistes.

- Orbit France : créée en 1999, la filiale française des éditions anglaises est

spécialisée dans les ouvrages de fantasy et de science-fiction.

- L’Atalante et sa collection La Dentelle du Cygne : née d’une librairie

ouverte en 1979, la collection publie des ouvrages de l’imaginaire allant de la

fantasy à la science-fiction en passant par le fantastique.

Page 30: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

30

Parmi les éditeurs « poche » on distingue :

- Gallimard et sa collection Folio SF : née en 2000, la collection s’occupe

majoritairement de reprendre en poche des publications « grand format » de

science-fiction, même si la fantasy, l’horreur et le fantastique sont aussi

intégrés.

- Pocket et sa collection Pocket SF : créée en 1975, la collection adapte en

poche des œuvres de science-fiction, fantasy, horreur et fantastique avec un

axe plus orienté fantasy.

- Bragelonne et sa collection Milady : créée en 2008, la collection appartient

aux éditions Bragelonne. C’est la collection poche de la maison qui s’oriente

sur la fantasy, l’horreur et la science-fiction.

- J’ai Lu et sa collection J’ai Lu SF : créée en 1970, la collection est

nettement spécialisée dans la science-fiction mais publie également de la

fantasy, de l’horreur et du fantastique.

- Le livre de poche et sa collection Le livre de poche SF : créée en 1977, la

collection est spécialisée dans la science-fiction principalement, mais édite

aussi de la fantasy, de l’horreur et du fantastique.

- ActuSF : créée en 2000 en tant que site internet d’actualités de science-fiction

et de fantasy, ActuSF développe son activité d’éditeur à partir de 2003. La

société est indépendante et édite une dizaine de livres par an en science-

fiction et fantasy.

Parmi les ré-éditeurs on compte :

- Omnibus : la maison d’éditions s’est positionnée sur le marché de la

littérature de genre en 2002. Jean-François Merle a développé cette activité

en rééditant des textes parus en « grand format » et en poche et en les

combinant sous forme de cycles ou sous des thématiques spécifiques.

Omnibus publie de la science-fiction, de la fantasy et du fantastique.

Page 31: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

31

II.1.2.1.2. Le marché des éditeurs

Maintenant que nous avons présenté les différentes maisons d’éditions

présentes sur le marché de la science-fiction littéraire, nous allons analyser de façon

économique leurs productions et leurs ventes dans le but de quantifier le marché de

la science-fiction littéraire. Pour ce faire, nous prendrons les chiffres 2008, qui

viennent d’être publiés par Livres Hebdo pour les éditeurs de l’imaginaire (fantasy,

fantastique, horreur et science-fiction).

Le marché a atteint fin 2008 une valeur de 44,5 millions d’euros pour un

volume de ventes de 4,2 millions d’exemplaires « grand format », poche et

rééditions confondues7.

Par un simple calcul, on peut en déduire le prix de vente moyen d’un livre de

science-fiction pour 2008 : 10,59 euros. Ce prix est équivalent au prix de vente

moyen d’un livre en France, qui est de 10 euros d’après le Syndicat National de

l’Édition. Ce prix nous indique qu’il semble se vendre beaucoup plus de livres en

poche qu’en « grand format » sur le marché comme c’est le cas pour la littérature

blanche.

Cette intuition est en effet confirmée par les données Ipsos 2008 :

7 Etude Livres Hebdo 2008

Page 32: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

32

75,6%

24,4%

Répartition Poche/Grand Format pour

l'année 2008

Poche

Grand Format

Figure 4

La figure 3 nous montre que plus des trois quarts des ventes de livres en

littérature de l’imaginaire se font en format poche. Les chiffres des éditions Omnibus

n’ont pas été pris en compte dans le calcul parce que considérés comme insignifiants

par rapport aux ventes en poche et en « grand format ».

Une autre donnée intéressante apportée par l’étude Ipsos est le comparatif

des parts de marché des principaux éditeurs de l’imaginaire tous formats confondus

pour 2008.

Page 33: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

33

0,05,0

10,0

15,0

20,025,0

21,6%

15,6%11,7%10,1% 9,3%

6,7%3,9% 3,1% 2,1% 1,8%

14,3%

Parts de marché des principaux éditeurs en

2008

Figure 5

Le premier point significatif de ce graphique est l’importance prise par les

éditeurs « Poche ». Les quatre premiers éditeurs de littérature de l’imaginaire sont

des éditeurs « Poche ». La figure 4 vient ici confirmer les données de la figure 3.

La seconde information importante de la figure 4 réside dans l’apparition de

deux éditeurs, dont nous n’avions jusqu’ici pas encore parlé, dans le top 10 des

éditeurs de l’imaginaire : Librio et Bibliothèque Interdite. Ces deux éditeurs publient

principalement du fantastique pour le premier et de la fantasy pour le second et ont

un poids très limité dans la littérature de science-fiction, ce qui explique que leurs

noms n’aient pas été évoqués jusqu’à présent.

Nous avons maintenant un premier aperçu du marché de l’édition de livres de

science-fiction dans son ensemble ainsi que de ses principaux acteurs. Nous allons

maintenant étudier les modèles économiques de ces éditeurs en les dissociant par

leur type (grand format, poche, ré-éditeur).

Page 34: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

34

II.1.2.1.3. Les éditeurs « grand format »

La première question que nous allons nous poser pour comprendre le modèle

économique des éditeurs « grand format » est : quel est leur rôle sur le marché ?

Quelle est leur spécificité ?

L’éditeur « grand format » est un découvreur de talent. Il est à la littérature que

ce que le capital risque est au monde de la finance. Sa mission est de trouver parmi

les manuscrits qu’il reçoit, ceux qui seront les Tolkien et les Asimov de demain. Sa

mission est aussi de renouveler le marché en apportant de la nouveauté.

Voici comment on pourrait résumer de manière succincte la mission d’un

éditeur « grand format » dans la littérature de l’imaginaire et plus particulièrement de

la science-fiction. Cela n’est pas très différent de la mission d’un éditeur « grand-

format » en littérature blanche.

Au delà de la présentation romantique de la mission « sacrée » de l’éditeur

« grand format », interrogeons-nous sur la manière dont il réalise sa mission.

L’éditeur se place au milieu d’une chaîne où il traite en amont avec les auteurs ou

leurs agents pour les auteurs étrangers, les traducteurs et les illustrateurs dans le

processus de création du livre, puis en aval avec les diffuseurs, distributeurs et

imprimeurs dans le processus de vente du livre comme le montre la figure 5.

Jusqu’ici on pourrait penser que le travail d’éditeur « grand format » dans la

littérature de science-fiction n’est pas différent de celui d’un éditeur de littérature

blanche. Pourtant, il y a une différence cruciale sur ce marché : la taille des maisons

d’édition. Les maisons d’édition spécialisées en science-fiction ou qui possèdent des

collections science-fiction sont pour la plupart des maisons indépendantes de taille

réduite qui publient peu de livres par an. Dans la littérature de l’imaginaire, « poche »

et « grand format », il y a 800 livres publiés chaque année. Si on exclut de ce chiffre

les éditeurs « poche » qui publient entre 30 et 35 livres par an chacun, et Bragelonne

qui doit en compter près de 200 pour lui seul, on se retrouve avec un chiffre de 5 à

15 publications par maison d’édition en moyenne.

En ce qui concerne les ventes moyennes en « grand format » science-fiction,

elles sont de l’ordre de 2000 exemplaires par livre, ce qui n’est pas différent de la

moyenne de vente en littérature blanche.

Page 35: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

35

Cependant, même si les éditeurs sont de taille réduite, ce sont toujours des

professionnels qui arrivent à vivre de leur métier d’éditeur, pour la plupart. Nous

verrons que ce n’est pas le cas de tous en étudiant les éditeurs « Poche ».

Une autre différence importante séparant les éditeurs de science-fiction et les

éditeurs de littérature blanche est la passion du genre. Tous les éditeurs de science-

fiction sont des vrais passionnés qui s’inscrivent dans la communauté science-fiction,

qui se reconnaissent en son sein et qui participent à son évolution. Ils sont à la fois

acteurs et spectateurs du marché en faisant partie du « fandom » (sous-culture

propre à un ensemble de fans) et en travaillant pour son élargissement et son

évolution.

Figure 6

Editeurs

« Grand Format »

Auteurs français Auteurs étrangers et

leurs agents Illustrateurs

Diffuseurs

Distributeurs

Sélection des manuscrits

Négociation des droits

Traduction

Réalisation de la couverture

Retours invendus Vente des livres

Page 36: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

36

II.1.2.1.4. Les éditeurs « poche »

Les éditeurs « poche » sont les principaux éditeurs du marché. Comme nous

l’avons vu précédemment, ils possèdent les principales parts du marché en termes

de production et leurs ventes représentent plus de trois quarts des ventes globales.

Comme nous l’avons fait pour les éditeurs « grand format », nous allons

commencer par définir le rôle des éditeurs poche ainsi que leur position sur le

marché de l’édition.

Les éditeurs « poche » réalisent principalement de la réédition des œuvres

« grand format » en poche. Ils achètent les droits de reproduction afin de publier les

ouvrages à moindre coût et en plus grand nombre. Le modèle économique de ces

éditeurs diffère de celui des éditeurs « grand format » en deux points :

- Il y a peu de prise de risque dans l’édition « poche », puisque les livres publiés

sont généralement les grands succès du « grand format ».

- Lorsqu’il s’agit de publier des auteurs étrangers (anglo-saxons pour la grande

majorité), les éditeurs « poche » ne prennent pas à leur charge les coûts de

traduction qui représentent le plus grand centre de coût dans l’édition d’un

livre en langue étrangère. Ils utilisent la traduction réalisée par les éditeurs

« grand format ».

On peut trouver dans cette seconde différence une des explications

principales à la faible publication des maisons indépendantes « grand format » qui

n’ont pas les moyens financiers de traduire des livres qui ne se vendront pas à plus

de 2000 exemplaires pour la plupart. Les ventes moyennes d’un livre de science-

fiction en « poche » sont bien supérieures, de l’ordre de 10 000 exemplaires.

Intéressons-nous maintenant à la production de livres de science-fiction en

« poche ». Cette production est principalement l’œuvre de cinq éditeurs, qui

comptabilisent depuis leur création le nombre de publications suivant :

- J’ai Lu, 1 437 livres

- Pocket, 720 livres

- Le livre de Poche, 470 livres

- Folio, 407 livres

Page 37: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

37

- Milady, 164 livres8

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

J'ai Lu Pocket Le Livre de

Poche

Folio Milady

1437

720

470407

164

Total des publications poche en science-fiction

par éditeur

Figure 7

En comptabilisant l’ensemble des publications, on arrive à une production de

2 918 livres poche parus en imaginaire jusqu’à aujourd’hui.

Regardons à présent la décomposition de ces productions par genre afin de

définir la production de science-fiction (figure 8).

8 www.pochesf.com

Page 38: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

38

0 500 1000 1500

1403

981

430

379

Répartition des publications poche de l'imaginaire par

genre

Fantastique

Horreur

Fantasy

Science-fiction

Figure 8

On remarque que la science-fiction et la fantasy sont les genres les plus

publiés, science-fiction en tête.

Concernant le statut des éditeurs « poche », on observe rapidement que les

plus importants font partie de grandes maisons d’édition. Toutefois, il existe aussi

des petits éditeurs « poche » spécialisés qui ont adopté le modèle économique des

éditeurs « grand format » à l’image d’ActuSF. Cette maison, relativement jeune, est

constituée de passionnés qui sont des professionnels de la science-fiction, mais qui

sont bénévoles sur ce projet et ont un autre travail à côté. Cela témoigne, encore une

fois, de la singularité du marché de la littérature de la science-fiction qui mélange en

son sein des grands professionnels de l’édition (grands groupes), des « semi-

professionnels » qui ont une activité parallèle, et les amateurs membres du fandom

et dont la production se trouve sur des blogs et des sites internet.

Page 39: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

39

II.1.2.1.5. Les ré-éditeurs

Il n’y a un qu’un seul ré-éditeur possédant une collection de science-fiction sur

le marché : Omnibus.

Comme expliqué précédemment, le rôle d’Omnibus est de collecter des titres

déjà édités en « grand format » et en « poche » afin de créer des recueils sous forme

de cycles ou de thématiques.

Dans sa collection imaginaire dirigée par Jean-François Merle, Omnibus

possède 32 titres dont 21 de science-fiction. Les livres Omnibus se vendent au prix

moyen d’un « grand format » à 25 euros. Étant donné le travail de recherche, de

collecte et d’organisation que représente l’édition d’un livre Omnibus, il n’y en a que

très peu qui paraissent par an (quatre en moyenne). Le poids de la réédition dans le

marché de la littérature de science-fiction est de ce fait assez faible.

II.1.2.2. Les distributeurs et les diffuseurs (et les imprimeurs)

La distribution et la diffusion sont deux activités réalisées par des structures

différentes de celles de l’éditeur, mais qui appartiennent au groupe d’un grand

éditeur.

La diffusion est une activité commerciale : il s’agit d’envoyer des commerciaux

placer les livres de l’éditeur en librairies.

La distribution est une activité de logistique : il s’agit de stocker, livrer et de

facturer les libraires, ainsi que de gérer les retours.

Le rôle de l’imprimeur est de créer le livre en tant que support physique à

partir des informations qui lui sont données par l’éditeur.

La figure 9 représente le rôle des trois intermédiaires entre l’édition et la vente

en librairie.

Page 40: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

40

Distributeurs Diffuseurs

Editeurs

Librairies

Impression des livres

Envoi des livres à distribuer en

librairie

Retour des invendus

Placement des nouveaux titres par

les équipes commerciales

Distribution des livres acceptés

Présentation des nouveaux titres

Figure 9

Page 41: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

41

Concernant la marge des diffuseurs et des distributeurs, la figure 3 nous

apprend qu’elle est de l’ordre de 17% du prix moyen d’un livre pour tout le marché de

l’édition. Sur le segment de la littérature de science-fiction, la marge n’est pas

différente puisque la diffusion en librairie et la distribution des livres de science-fiction

se fait en même temps que celle de la littérature blanche.

Après avoir analysé le rôle de ces intermédiaires sur le marché de l’édition, il

est intéressant de préciser qui sont les distributeurs et les diffuseurs des livres de

science-fiction.

Les principaux distributeurs sont listés ci-dessous :

- Sodis : filiale de Gallimard, la société distribue Folio, Denoël, Diable Vauvert

et Le Bélial

- Interforum : distribution de Pocket, Robert Laffont, Fleuve Noir, 10x18

- Harmonia Mundi : distribution et diffusion de L’Atalante et Mnémos

- MDS : distribution de Bragelonne et Milady

- Volumen : distribution de Points, Seuil, Christian Bourgeois et La Volte

- Hachette : distribution d’Orbit, Le Livre de Poche, Calmann-Lévy

- Flammarion : distribution de J’ai Lu, Flammarion

- Les Belles Lettres : distribution des Moutons Electriques et de la Bibliothèque

Interdite

II.1.2.3. Les librairies

On distingue plusieurs types de librairies sur le marché de l’édition de livres de

science-fiction. En effet, les livres sont distribués à la fois en grandes surfaces

(FNAC, VIRGIN), dans les librairies généralistes et dans les librairies spécialisées.

Nous allons nous intéresser à deux types de librairies en particulier : les

grands points de vente comme la FNAC et les librairies spécialisées qui sont les

deux acteurs les plus représentatifs dans la littérature de science-fiction.

Page 42: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

42

II.1.2.3.1. La FNAC

La FNAC est le point de vente ayant le rayon le plus fourni en littérature de

l’imaginaire, c’est pourquoi il est le grand point de vente le plus intéressant pour cette

étude.

En effet, sur son site internet, la FNAC propose plus de 2 500 titres dans

littérature de l’imaginaire. Ces titres sont répartis de la façon suivante (figure 10) :

0200400600800

1000906

225

673 703

Répartition par genre des titres de littérature

de l'imaginaire sur FNAC.fr

Figure 10

On remarque sur la figure 10 que la FNAC propose plus de titres en science-

fiction que dans les autres genres de la littérature de l’imaginaire loin devant la

fantasy.

Il est également intéressant de noter que la FNAC propose principalement de

la littérature de science-fiction en format « poche » plutôt que « grand format ». Par

ailleurs, la marge que cette dernière négocie avec les éditeurs est plus importante

que la moyenne des librairies. En effet, celle-ci est de l’ordre de 42% alors que la

moyenne est de 38% sur le marché de la littérature.

Page 43: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

43

II.1.2.3.2. Les librairies spécialisées

Il existe peu de librairies spécialisées dans la littérature de l’imaginaire en

France. On peut en compter une dizaine sur l’ensemble du territoire dont une seule à

Paris :

- Scylla à Paris

- Critic à Rennes

- Omerveilles à Grenoble

- Faërie à Tours

- Les quatre chemins à Lille

- Le grimoire d'Oniros à Aix-en-Provence

- La tête ailleurs à Creil

- Au comptoir des rêves à Reims

Il n’existe en revanche aucune librairie uniquement spécialisée dans la

littérature de science-fiction. Toutes les librairies spécialisées dans la littérature de

l’imaginaire proposent à la fois de la science-fiction, de la fantasy, de l’horreur et du

fantastique.

Afin de comprendre plus précisément comment fonctionne une librairie

spécialisée dans la littérature de l’imaginaire, prenons l’exemple de la librairie Scylla

à Paris dirigée par Xavier Vernet.

Cette librairie propose des titres dans tous les genres de la littérature de

l’imaginaire. Chaque année, près de 600 nouveaux titres sont proposés, dont une

grande majorité en « grand format ». La répartition par genre est indiquée dans la

figure 11.

Page 44: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

44

31%

52%

17%

Répartition par genre des titres chez Scylla

science-fiction

fantasy

horreur et fantastique

Figure 11

Cette librairie a commencé par ne vendre que des titres d’occasion à son

ouverture en 2003 avant de se lancer dans le neuf. Á la différence des grands points

de vente comme la FNAC, la librairie Scylla n’établit pas de rotation pour ses livres et

conserve une grande quantité de stocks afin de subvenir à la demande de ses

clients. La proximité avec le client est un fondement essentiel du modèle économique

de cette librairie et des librairies spécialisées en général. En effet, la négociation

avec les distributeurs est plus compliquée pour une petite structure que pour un

grand groupe comme la FNAC. De ce fait, le taux de marge par livre est plus faible et

varie entre 33% et 40% en fonction du distributeur. Cependant, la fidélité de la

clientèle, le panier moyen par visite de chaque client et les dépenses moyennes

annuelles des ces derniers permettent de contrebalancer ce taux.

En effet, le panier moyen d’un client chez Scylla est de 30 euros alors qu’il est

de 15 euros dans une librairie standard (figure 12).

Page 45: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

45

0 € 5 € 10 € 15 € 20 € 25 € 30 €

Scylla

Librairie standard

15 €

30 €

Panier moyen d'un lecteur en

librairie

Figure 12

De plus, un client moyen dépense chaque année près de 1000 euros en

achat de livres chez Scylla.

II.1.2.4. Les auteurs et traducteurs

Premier maillon de la chaîne du livre, nous allons analyser, dans cette partie,

la position des auteurs et traducteurs sur le marché de l’édition de livres de science-

fiction.

La première différenciation à opérer sur le marché français lorsque l’on parle

des auteurs est celle entre : auteurs français et auteurs étrangers.

Comme le montre la figure 2, le système n’est pas identique pour les auteurs

français et les auteurs étrangers. Un auteur français, en règle générale, approche

directement les maisons d’édition et négocie seul avec son éditeur son avance et les

droits de reproduction de son œuvre. Les auteurs étrangers, quant à eux, sont

représentés par des agences qui négocient avec les éditeurs les questions juridiques

et économiques. Toutefois, il est important de noter que bon nombre d’auteurs

étrangers s’investissent dans ce processus, bien que représentés par des agents.

Page 46: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

46

Intéressons nous dans un premier temps au modèle économique standard qui

régit les relations entre les éditeurs et les auteurs pour la littérature de science-

fiction. Il est important de comprendre que, bien plus que sur le marché de l’édition

standard, le point crucial pour un auteur est d’accéder au réseau des éditeurs de

science-fiction qui est, comme on a pu le constater plus en amont dans cette étude,

un petit milieu. L’auteur se doit alors de créer des liens solides avec son éditeur, liens

fondés sur une relation de confiance avec ce dernier. Il n’est pas possible pour un

auteur de faire jouer la concurrence entre deux maisons comme pourrait le faire un

éditeur entre deux auteurs sauf si cet auteur s’appelle Bernard Werber et qu’il vend

chacun de ses livres à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. De manière

générale, le pouvoir de négociation se situe dans les mains de l’éditeur.

D’autre part, le second point important du modèle économique de l’auteur est

sa rémunération. Comme nous l’a montré la figure 3, l’auteur reçoit 10% du prix de

vente d’un livre en moyenne en tant que rémunération pour son œuvre. Pour la

littérature de science-fiction, cette moyenne est plus basse et se situe autour de 8%

pour un livre « grand format » et autour de 5% pour un livre « poche » (moitié de la

rémunération perçue par l’éditeur). Si on reprend les ventes moyennes « grand

format » énoncées plus haut, qui sont de l’ordre de 2000 ventes par livre et les

ventes moyennes « poche » qui sont de l’ordre de 1000 ventes par livre, cela nous

amène à une rémunération moyenne de 1 500 euros pour un auteur (voir figure 13).

(Chiffres recueillis lors d’un entretien avec Alain Damasio).

Page 47: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

47

Figure 13, rémunération moyenne d'un auteur de science-fiction

On comprend vite en regardant ces chiffres que la rémunération issue de la

vente de livres ne suffit pas à l’auteur pour vivre, sauf si celui-ci écrit plus d’un livre

par mois. En France, seuls une dizaine d’auteurs de science-fiction peuvent vivre de

leur plume. J’entends par « vivre de leur plume » : vivre de la vente de livres mais

également des activités connexes comme les lectures, les rencontres scolaires

(payées 350 euros par jour), et les séances de présentation.

La plupart des auteurs se tournent donc vers d’autres activités afin d’obtenir

différentes sources de revenus. Pour la littérature de science-fiction, une activité très

répandue est la traduction. En effet, une grande partie de la littérature de science-

fiction provient du monde anglo-saxon et il faut traduire les manuscrits avant de les

publier sur le marché français. Beaucoup d’auteurs, comme Mélanie Fazi, travaillent

également comme traducteurs et sont parfois même plus reconnus dans le milieu en

tant que traducteurs que comme auteurs. La traduction permet à ces auteurs, d’avoir

un revenu fixe plus sûr que celui d’auteur et de garder une relation avec le milieu de

l’édition afin de ne pas se faire oublier lorsque l’on aura un livre à faire publier.

Cependant, la traduction n’est pas la seule activité choisie par les auteurs de

science-fiction pour trouver de nouvelles sources de revenus. En effet, certains se

8% des ventes en grand

format

5% des ventes en poche

Rémunération moyenne de

1 500 euros par livre

Page 48: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

48

sont tournés vers d’autres media pour mettre à profit leur talent d’écrivain à travers

l’écriture de scenarii, comme par exemple Alain Damasio et Laurent Genefort. Ces

media sont la télévision, la bande dessinée, le cinéma et les jeux vidéo. Ils offrent

des rémunérations plus attractives aux auteurs que celles perçues par la vente de

livres.

Voici, en moyenne, les prestations versées dans les différents média pour un

scénariste de science-fiction (figure 14).

Figure 14

On remarque que la différence avec les prestations versées dans l’édition est

très importante. Ce qui explique que les auteurs approchés par les autres média ont

tendance à travailler pour eux. Toutefois, tous les auteurs de science-fiction ne sont

pas approchés par ces média, et plus encore, ils continuent souvent à travailler dans

le secteur de l’édition puisque leur première passion est d’écrire.

Cinéma:

150 000 euros pour un scénario de long-

métrage

Série TV:

30 000 euros pour le scénario d'un épisode

de 52 minutes avec dialogues

Bande dessinée:

7 000 euros par album (46 planches)

Jeux vidéo:

3 500 euros brut pour un scénariste free lance

Page 49: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

49

II.1.2.5. Les illustrateurs

Bien qu’absents de la chaîne de production du livre, les illustrateurs ne font

pas moins partie intégrante du marché de l’édition. Parfois internalisée, l’illustration

de livres est une partie essentielle de la communication de l’éditeur sur ce dernier

puisque c’est la première vision que le lecteur va avoir sur l’œuvre. Dans la majorité

des cas et en particulier pour la littérature de science-fiction ou de fantasy, les

maisons d’édition font appel à des illustrateurs professionnels en free lance.

Ces derniers travaillent, à partir d’un résumé du manuscrit, de la lecture de ce

dernier et de la demande spécifique de l’éditeur, sur une illustration à placer sur la

couverture du livre. Ce travail est payé en moyenne 500 euros par illustration pour

deux semaines (Chiffres donnés par Gilles Francescano). C’est pourquoi depuis

2000, le métier s’est institutionnalisé. Les illustrateurs de l’imaginaire se sont

regroupés dans une association, Art & Fact, afin d’avoir un pouvoir de négociation

plus important face aux éditeurs. Nous reviendrons sur l’association Art & Fact dans

la partie consacrée aux arts graphiques.

II.1.2.6. Les lecteurs de science-fiction

Dans cette partie, nous tenterons d’identifier et de quantifier le public de la

littérature de science-fiction. Nous verrons, en particulier, que ce public peut être

découpé en plusieurs strates plus ou moins en rapport les unes avec les autres, en

fonction de leur proximité avec le genre.

Lorsqu’on essaie de quantifier les lecteurs de science-fiction, on obtient des

chiffres aussi éloignés que 800 à 200 000. En effet, comment expliquer qu’un livre

comme Spin de Robert Charles Wilson se vende à plus de 60 000 exemplaires et

que sa suite ne se vende pas à plus de 3 000 ? Comment interpréter cet écart ?

Il apparaît intéressant, à partir de la vision de différents professionnels du

monde de l’édition de littérature de science-fiction, de séparer les lecteurs en

plusieurs groupes, formant ainsi plusieurs strates qui se superposent. On peut

distinguer quatre groupes de lecteurs de science-fiction (figure15) :

Page 50: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

50

- Le fandom : groupe actif de passionnés qui écrit sur les blogs, organise des

réunions, se déplace dans les festivals, et parfois même appartient au milieu

professionnel de la science-fiction. Ce groupe est composé d’à peu près 1000

personnes : c’est le noyau dur de la littérature de science-fiction en France,

comme l’explique Jérôme Vincent.

- Les lecteurs réguliers : moins actifs que le fandom, les lecteurs réguliers

sont des grands consommateurs de littérature de science-fiction. Ils viennent

s’ajouter au fandom pour former un groupe de 2 000 à 3 000 membres, nous

apprend Pascal Godbillon.

- Les lecteurs occasionnels : ce groupe est composé de lecteurs n’ayant pas

comme seul genre de lecture la science-fiction mais qui ne sont pas non plus

opposés à celle-ci et peuvent se laisser tenter par une œuvre du genre. On

peut estimer ce groupe entre 10 000 et 15 000 personnes.

- Le grand public : au-delà de 15 000 lecteurs, on passe dans le grand public.

Le grand public est le public potentiel que l’on aimerait atteindre mais qui est

complexe à fidéliser.

Page 51: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

51

Figure 15

II.1.3. Comment le marché est-il institutionnalisé ?

Nous avons vu en première partie, avec le bref historique de la science-fiction,

que ce genre s’était institutionnalisé dans chacun des media dans lequel il était

apparu. Cependant, qu’en est-il aujourd’hui ? Quelle est la référence dans l’édition

de littérature de science-fiction ?

La littérature de science-fiction est aujourd’hui organisée autour de trois

grandes institutions qui sont : les associations de fans, les festivals, et les prix

littéraires. Cependant, au sein même de ces trois groupes, certains acteurs ne

peuvent pas être qualifiés d’institutions parce qu’ils ne sont pas reconnus par les

milieux professionnels et ne rassemblent que très peu de personnes. C’est une

Grand public

(+ 15 000 personnes)

Lectorat occasionnel (10 000 - 15 000

personnes)

Lectorat régulier

(2 000 - 3 000 personnes)

Fandom

(800 - 1000 personnes)

Page 52: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

52

problématique que nous avons également abordée dans la première partie : la

multiplication des festivals et des prix dans les années 1990 – 2000.

II.1.3.1. À l’échelle mondiale

Au niveau mondial, les institutions littéraires sont la World Science Fiction

Society qui organise la World Science Fiction Convention tous les ans, lors de

laquelle a lieu la remise du prix Hugo. Le prix Hugo récompense ainsi dans le milieu

littéraire :

- Roman

- Roman court

- Nouvelle longue

- Nouvelle courte

- Livre de non-fiction ou apparenté

- Editeur format court

- Editeur format long

- Magazine semi professionnel

- Magazine amateur

- Ecrivain amateur

Au niveau mondial, le prix Hugo et la Worldcon sont les institutions les plus

reconnues, qui ont le plus d’influence. Tout le monde peut cotiser à la WSFS et ainsi

voter dans les différentes catégories. Cependant pour présenter une œuvre littéraire,

celle-ci doit être traduite en anglais.

II.1.3.2. En France

Il existe deux institutions importantes pour la science-fiction en France :

- Le festival des Utopiales à Nantes lors duquel est remis le Grand Prix de

l’Imaginaire

- La Convention Francophone de Science-fiction qui remet le prix Rosny

Aîné.

Les Utopiales n’est pas un festival organisé uniquement autour de la littérature

mais il essaie de regrouper différents média autour du genre science-fiction. Elles

sont cependant une référence en la matière et notamment du fait que c’est au cours

Page 53: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

53

de ce festival qu’est remis le GPI. Ce prix présente les catégories littéraires

suivantes :

- Roman francophone

- Nouvelle

- Roman pour la jeunesse

- Essai

- Roman étranger

- Traduction

- Nouvelle étranger

Le Grand Prix de l’Imaginaire récompense les œuvres de science-fiction ou de

fantasy parus au cours de l’année. Il présente aussi l’intérêt de récompenser les

traductions, qui n’étaient pas considérées comme importantes au début des années

1950, ce qui a donné lieu à beaucoup de retraductions à partir des années 1980.

La convention francophone de science-fiction lors de laquelle est remis le prix

Rosny Aîné ne s’intéresse qu’à la science-fiction écrite en français et ne prend donc

pas en compte les autres genres de l’imaginaire. Le prix Rosny Aîné se compose de

deux catégories : roman et nouvelle.

Nous avons maintenant fini l’analyse du marché de l’édition de littérature de

science-fiction. C’est aujourd’hui le marché le plus vaste et comprenant le plus

d’acteurs en France autour du genre science-fiction.

Page 54: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

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II.2. Le marché des arts graphiques de science-fiction

Après avoir étudié le marché de l’édition de livre de science-fiction, nous

allons nous intéresser à un autre marché sur lequel la science-fiction est présente :

les arts graphiques. Nous avons déjà évoqué ce marché dans la partie historique de

cette étude ainsi que brièvement lors de l’analyse du marché de l’édition en parlant

des illustrateurs.

II.2.1. Cartographie du marché

Le marché des arts graphiques de science-fiction est plus réduit et moins

complexe que le marché de l’édition. Ce marché se compose principalement de deux

acteurs : les artistes illustrateurs et les maisons d’édition de littérature de science-

fiction (figure16).

Illustrateurs

indépendants

Illustrateurs

Art & Fact

Editeurs littéraires

Grand format, Poche, réédition

Editeurs BD

Editeurs de jeux vidéo Collectionneurs

Figure 16

Page 55: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

55

II.2.2. Les acteurs du marché

II.2.2.1. Les illustrateurs

Comme on le remarque sur la figure 16, il existe deux catégories d’illustrateurs

sur le marché : les indépendants et les illustrateurs Art & Fact.

Les illustrateurs indépendants ne sont affiliés à aucun groupe en particulier et

travaillent à leur compte en tant qu’artistes « free lance ».

Les illustrateurs Art & Fact travaillent de la même manière que les artistes

indépendants mais appartiennent à l’association Art & Fact et réalisent à ce titre des

œuvres collectives, notamment pour le festival des Utopiales.

Le modèle économique des illustrateurs de science-fiction est presque

uniquement en Business to Business comme le montre la figure 16. Les trois clients

principaux sont des maisons d’édition, que ce soit dans la littérature, la bande

dessinée ou les jeux vidéo. Il existe aussi sur le marché quelques collectionneurs

intéressés par les œuvres de ces artistes, mais cela reste à la marge.

II.2.2.2. Les maisons d’édition de littérature : principal client des illustrateurs

Comme nous l’avons vu précédemment dans l’analyse du marché de l’édition,

il existe une relation forte entre les maisons d’édition et les illustrateurs. Les

illustrateurs sont essentiels à la communication sur le livre puisqu’ils réalisent la

couverture qui est le premier contact du lecteur avec le livre.

D’un point du vue plus économique, nous avons également constaté que la

rémunération moyenne des illustrateurs pour un contrat de deux semaines et la

réalisation de la couverture d’un livre est de 500 euros.

Bien sûr, ce chiffre n’est qu’une moyenne et certains artistes comme Manchu

sont plus rémunérés pour les œuvres que la moyenne des illustrateurs. Ces

illustrateurs se sont fait un nom dans le monde de l’illustration de science-fiction et

sont de ce fait souvent appelés pour travailler sur d’autres supports.

Page 56: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

56

II.2.2.3. Les autres supports : l’évolution de l’illustration ?

Comme le montre la figure 16, les illustrateurs travaillent sur d’autres supports

en plus des couvertures de livre. Un support qui se développe beaucoup est la

bande dessinée. En effet, les illustrateurs travaillent pour la bande dessinée en tant

que dessinateurs et partagent ainsi la rémunération avec le scénariste pour les 46

planches du volume.

La rémunération moyenne pour une planche est de 300 euros à partager

entre le scénariste et l’illustrateur, nous indique Alain Damasio. Pour la production de

46 planches, la rémunération s’élève alors à 7 000 euros pour l’illustrateur.

D’autres supports comme les jeux vidéo, les jeux de rôle ou le cinéma sont

aussi en vogue auprès des illustrateurs. Des artistes comme Briclot, qui a travaillé

sur les cartes Magic et beaucoup de jeux de rôle, s’en sont fait une spécialité.

Il est intéressant de noter que le marché des arts graphiques de science-

fiction est un marché assez morcelé à travers les différents supports et media, ce qui

paraît logique puisque le centre de ce marché est représenté par les artistes qui

travaillent en free lance.

Cependant, malgré une apparence morcelée, ce marché est organisé et

institutionnalisé.

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57

II.2.3. Un marché institutionnalisé

II.2.3.1. Dans le monde

Au niveau mondial, il existe principalement une institution reconnue pour les

artistes de science-fiction : l’Association of Science Fiction and Fantasy Artists.

Cette association américaine a pour but de promouvoir ses membres dans les

milieux professionnels et offre également une assistance technique à ces derniers.

En relation avec la World Science Fiction Society, l’ASFA organise la remise

d’un prix : le Chesley award, nommé ainsi depuis 1986 en hommage à Chesley

Bonestell qui était un artiste spécialisé en science-fiction et qui a inspiré le

programme spatial américain par ses œuvres. Ce prix récompense chaque année les

travaux d’un artiste illustrateur. Il est remis lors de la World Science Fiction

Convention (WorldCon).

Le Chesley award n’est pas le seul prix international récompensant des

illustrations de science-fiction : le prix Hugo comporte deux catégories dédiées aux

artistes (artiste professionnels et artiste amateur).

II.2.3.2. En France

Même si les institutions internationales citées plus haut ont en théorie une

portée mondiale, en pratique leur portée se limite aux Etats-Unis.

En France, d’autres organisations jouent le rôle d’institution sur le marché. La

première que l’on peut citer est l’association Art & Fact. Cette association a été créée

en 2000 lors du festival des Utopiales par deux illustrateurs professionnels : Gilles

Francescano et Philippe Jozelon. Les objectifs de l’association, à sa création étaient

de regrouper les illustrateurs afin de gagner en pouvoir de négociation avec les

éditeurs, de favoriser la réalisation de projets collectifs et de s’occuper des

expositions des Utopiales. Art & Fact se différencie de l’ASFA dans sa ligne artistique

puisqu’elle souhaite rester centrée autour du livre et de son illustration. Aujourd’hui,

Page 58: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

58

l’association est composée de 60 illustrateurs professionnels qui peuvent être plus ou

moins connus : l’artiste Manchu fait parti de l’association par exemple.

L’association a su s’imposer en dix années d’existence comme une véritable

institution du marché des arts graphiques de science-fiction. Elle organise d’ailleurs

la remise du prix Art & Fact lors des Utopiales. Le prix est remis à un illustrateur pour

ses travaux au cours de l’année par ses pairs.

Enfin, le Grand Prix de l’Imaginaire comporte lui aussi une catégorie pour les

artistes : le prix Wojtek Siudmak du graphisme.

Ces deux prix artistiques reconnus ainsi que l’existence d’Art & Fact depuis

maintenant dix ans offrent une vraie structure au marché, ce qui permet de dire que

celui-ci est institutionnalisé.

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59

II.3. Le marché de la télévision

En France, il n’existe qu’un seul acteur spécialisé dans le genre science-fiction

à la télévision : la chaîne SyFy Universal. Bien sûr, beaucoup de chaînes TV

diffusent des programmes ou contenus appartenant au genre « science-fiction »,

sous forme de films ou de série TV. Toutefois, on ne peut pas dire que ces chaînes

TV sont des acteurs d’un « hypothétique marché télévisuel de la science-fiction »

parce que la diffusion de ces programmes de science-fiction n’est pas décidée de par

leur appartenance à ce genre en particulier. Elle obéit à une logique plus généraliste.

De ce fait, le marché télévisuel de la science-fiction peut se résumer à la seule

chaîne SyFy Universal, qui entretient malgré tout beaucoup de relations avec

d’autres acteurs de la science-fiction présents sur d’autres supports, souvent sous

forme de partenariats.

II.3.1. La chaîne SyFy Universal

Cette chaîne est la version française de la chaîne TV SyFy, créée aux Etats-

Unis par le groupe NBC Universal en 1992 et qui est disponible aujourd’hui dans plus

de 60 pays.

La chaîne française est éditée depuis 2005. Elle est distribuée principalement

par le réseau Canal Sat, ainsi que par Numéricâble sur le territoire français et outre-

mer, ce qui permet à 14 millions de personnes de recevoir la chaîne chez eux. En

2009, SyFy représente 0.6% des parts d’audience à la télévision et enregistre ainsi

entre 3 et 4 millions de spectateurs par semaine.

Cependant, la chaîne française n’est pas la filiale de la chaîne américaine.

Elle dépend uniquement du groupe NBC Universal France qui propose SyFy et 13ème

rue. La programmation française est donc indépendante de la programmation

américaine.

II.3.2. Contenu éditorial

La chaîne a changé de nom en Janvier 2010 : elle est ainsi passée de SciFi à

SyFy. Ce changement de nom reflète la volonté de cette dernière d’élargir la

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60

définition de la science-fiction au fantastique et à la fantasy pour s’adapter au public.

Cette évolution dans l’identité de marque de la chaîne va de pair avec la demande

du public vers des programmes plus fantasy et fantastique.

II.3.3. Le public

Les objectifs avoués de SyFy sont de conserver un cœur de cible science-

fiction tout en essayant de démocratiser le genre. Ce changement de stratégie

s’appuie sur une étude des publics faisant apparaître une stratification à trois étages

du public de science-fiction (figure 17)9.

Figure 17

L’étude des publics réalisée par GFK nous apprend qu’entre 5 000 et 15 000

français se considèrent comme « accro » à la science-fiction. Entre 1,5 et 3 millions

admettent aimer le genre. Enfin, 20 millions de personnes disent aimer les œuvres

imaginaires et fantastiques.

9 Etude GFK, 2008

Public imaginaire

20 millions de personnes

Public science-fiction

1,5 à 3 millions de pseronnes

Coeur de cible

5 000 à 15 000 personnes

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61

Le positionnement de SyFy apparaît alors normal étant donné le public que

représentent les fans de fantastique en comparaison des fans de science-fiction

exclusivement.

II.3.4. Les relations cross-media

Depuis sa création, SyFy Universal France a cherché à développer des

synergies avec les autres media dans les domaines de la science-fiction et du

fantastique en créant des partenariats.

Ces partenariats consistent principalement en des échanges de visibilité avec

des studios de développement de jeux vidéo, des maisons d’édition, des festivals,

etc. En effet, la chaîne a été partenaire de la sortie des jeux Mass Effetc 2, Resident

Evil 5, Orbit, J’ai lu, Pocket, le festival de Gérardmer, les Utopiales par exemple.

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62

II.4. Le marché du cinéma

En étudiant le marché du cinéma en France, on se rend rapidement compte

qu’il n’existe pas d’acteurs spécialisés dans le cinéma de science-fiction. Les

sociétés de production, de distribution et même de ventes internationales ne sont

pas spécialisées par genre. Certaines de ces sociétés possèdent dans leur

catalogue des films de science-fiction, mais elles n’en font pas leur ligne éditoriale.

Cependant, en élargissant un peu le genre à l’imaginaire et au fantastique, on

s’aperçoit qu’il existe quelques acteurs bien établis qui jouent le rôle d’institutions sur

ce marché.

II.4.1. Qui sont les acteurs du cinéma de science-fiction en France ?

Il n’existe pas en France de société spécialisée dans la production, distribution

ou vente internationale de films de science-fiction comme nous l’avons vu. En

revanche, aux Etats-Unis, certaines sociétés de production sont spécialisées dans le

genre (Legendary Pictures, Weinstein Company) et de grands réalisateurs et

producteurs œuvrent pour démocratiser le genre, à l’image de Steven Spielberg,

Ridley Scott, ou encore James Cameron.

En France cependant, les films de science-fiction ne sont l’œuvre que de

quelques réalisateurs qui financent leurs films par les voies classiques. On peut citer

certains de ces réalisateurs :

- Marc Caro, qui a coréalisé Delicatessen et La Cité des enfants perdus avec

Jean-Pierre Jeunet et qui a récemment réalisé Dante 01.

- Luc Besson, qui a réalisé Le Cinquième élément

- Franck Vestiel, qui a réalisé Eden Log

- Julien leclercq, qui a réalisé Chrysalis

- Xavier Gens, qui a réalisé Frontière(s)

Quant aux scénaristes de films de science-fiction, ils sont souvent

généralistes. De plus, les sociétés de production font appel à des écrivains de

science-fiction pour aider les scénaristes de film si des complications interviennent,

comme nous l’avons vu dans l’étude du marché de l’édition.

Page 63: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

63

II.4.2. Un début d’institutionnalisation dans le cinéma de l’imaginaire et

du fantastique

Lorsque l’on élargit les frontières de la science-fiction à l’imaginaire et au

fantastique, on se rend compte qu’il existe des associations et organisations sur le

marché qui permettent de le structurer et jouent ainsi le rôle d’institutions.

En France, deux festivals principaux remplissent cette mission. Il s’agit du

Festival International du Film Fantastique de Gérardmer ainsi que des Utopiales.

Ces deux festivals rassemblent des films de différents genres : science-fiction,

fantastique, et horreur. Il n’y a pas de remise de prix durant le festival des Utopiales,

en revanche le festival de Gérardmer s’achève sur la remise du Grand Prix du

Festival, du Prix Spécial du Jury et du Prix du Public.

Au niveau Européen, il existe plusieurs festivals qui sont regroupés au sein

d’une fédération : European Fantastic Film Festivals Federation. Cette dernière

organise la remise des prix Méliès d’or et Méliès d’argent. Le Méliès d’argent revient

aux films sélectionnés dans chaque festival et le Méliès d’or revient au meilleur film

de tous les festivals.

Le cinéma de science-fiction est donc en partie structuré en France, même s’il

existe encore peu d’acteurs importants spécialisés dans le genre comme cela peut

être le cas aux Etats-Unis ou sur le marché de l’édition.

Page 64: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

64

II. 5. Le marché des jeux vidéo

Sur le marché des jeux vidéo, la segmentation par genre n’existe pas.

Certains studios de développement réalisent plus ou moins de jeux en rapport avec

un univers de science-fiction ou de fantasy par exemple, mais ils ne sont pas

spécialisés.

En ce qui concerne les éditeurs, la segmentation par genre n’existe pas non

plus. Les éditeurs et studios ont plus tendance à se segmenter par type de jeux que

par genre ou univers.

Cependant, on peut reconnaître que des studios comme Blizzard, qui ont

notamment réalisés les séries Diablo, Starcraft, et World of Warcraft aient plus ou

moins axé leur ligne éditoriale sur les univers imaginaires.

Malgré cela, les seuls vrais spécialistes de science-fiction travaillant dans les

jeux vidéo sont des acteurs issus d’autres media : l’édition et les arts graphiques. En

effet, les studios de développement et les éditeurs font souvent appel aux écrivains

de science-fiction pour l’écriture de scénarios et aux illustrateurs pour les travaux

graphiques. Les écrivains de science-fiction étant souvent spécialisés dans un type

de récit comme la création d’univers ou encore les technologies, c’est une chance

pour les éditeurs et les studios de développement que de travailler avec des

spécialistes.

Les scénaristes et les illustrateurs travaillent sur les projets de jeux vidéo en

Free lance et n’ont presque jamais d’emplois stables au sein des studios et des

sociétés d’édition de jeux. Ils ne sont pas regroupés au sein d’organisations sur ce

marché et ne cherchent pas à l’institutionnaliser.

Les jeux vidéo représentent le support sur lequel la science-fiction est la

moins organisée et institutionnalisée. On ne peut d’ailleurs pas dire qu’il existe un

marché du jeu vidéo de science-fiction, même si l’on trouve beaucoup de jeux de ce

genre sur le marché.

Page 65: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

65

Conclusion

Page 66: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

66

« Il est parfois utile de dire carrément ce qu'on pense surtout si l'on a la réputation

d'être retors. »

Isaac Asimov

Après avoir analysé les marchés relatifs aux supports et media au sein

desquels on trouve des œuvres de science-fiction, nous allons maintenant répondre

à nos questions initiales : existe-t-il ou non une organisation structurée du genre ?

Existe-t-il un marché institutionnalisé de la science-fiction en France ?

Pour répondre à cette question nous nous interrogerons en premier lieu sur

l’existence de passerelles et de liens entre les media et les supports étudiés en

seconde partie. Puis, nous tenterons d’identifier le public de la science-fiction et de

savoir si ce dernier est unifié ou non.

Quelles sont les passerelles entre les media produisant des œuvres de

science-fiction ?

Dans un premier temps nous allons identifier les acteurs que l’on peut qualifier

de « cross media », c'est-à-dire que l’on retrouve sur plusieurs marchés à la fois. Ces

acteurs sont les suivants :

- Les écrivains, qui sont présents à la fois sur le marché de l’édition de livres,

sur le marché de l’édition de bandes dessinées, de la télévision, du cinéma, et

des jeux vidéo. Ce sont les acteurs que l’on retrouve le plus souvent sur les

différents marchés.

- Les illustrateurs, qui sont présents sur le marché des arts graphiques, de

l’édition de livres, de l’édition de bandes dessinées, du cinéma, des jeux de

rôle (même si cela concerne plus le genre de la fantasy), et des jeux vidéo.

- La chaîne TV SyFy, que l’on retrouve sur le marché de la télévision, de

l’édition de livres, de l’édition de bandes dessinées, et des jeux vidéo de part

les partenariats qu’elle met en place.

Page 67: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

67

Edition

de livres

Edition de

bandes

dessinées

Arts

Graphiques

Télévision Cinéma Jeux vidéo

Editeurs Editeurs Editeurs

Distributeurs/

Diffuseurs

Distributeurs/

Diffuseurs

Librairies Libraires

Ecrivains Ecrivains Ecrivains Ecrivains Ecrivains

Illustrateurs Illustrateurs Illustrateurs Illustrateurs Illustrateurs

Chaîne TV

SyFy

Chaîne TV

SyFy

Chaîne TV

SyFy

Chaîne TV

SyFy

Tableau 1, récapitulatif des acteurs de la science-fiction par media

Ce tableau récapitulatif nous permet de remarquer que les acteurs « cross

media » sont surtout les artistes du genre, ceux dont provient la création artistique

(SyFy Universal mis à part puisque son impact « cross media » vient de partenariats

et non pas de la production d’œuvres).

Les liens entre les supports et media sont donc le fruit des artistes. La

production artistique d’œuvres de science-fiction sur les media non traditionnels que

sont le cinéma, la télévision et les jeux vidéo provient donc de relations entre ces

artistes. En effet, la passerelle entre le marché du cinéma et celui de l’édition de

livres sera la relation entre un réalisateur et un écrivain. Le réalisateur prend

directement contact avec l’écrivain de science-fiction dont il a lu le livre ou dont il a

entendu parler pour lui demander d’adapter son œuvre ou de lui en faire un scénario.

Il n’existe pas d’acteurs ayant pour rôle d’organiser ces rencontres ou de faciliter les

liens entre les artistes ou acteurs des différents media. Pour les jeux vidéo, cela

fonctionne de la même manière. L’éditeur, passionné du genre ou qui connait un

illustrateur dont il apprécie les œuvres va le contacter directement pour lui proposer

de travailler avec lui.

Le cas de SyFy Universal est particulier, comme nous l’avons vu. La chaîne

TV ne prend pas part à l’activité de création d’œuvres de science-fiction dans les

autres media. Toutefois, elle participe à la diffusion de ces œuvres auprès du grand

Page 68: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

68

public et à leur démocratisation par le biais des partenariats qu’elle met en place en

termes d’échange de visibilité.

Voila la première conclusion que l’on peut tirer de cette étude sur la science-

fiction : les passerelles entre les supports et media ne sont pas organisés par des

acteurs spécifiques. Ce sont les artistes qui permettent, par leurs créations, de

lier les media de la science-fiction.

Cependant, on peut aller plus loin dans la réflexion et se poser la question

suivante concernant les media de la science-fiction : la science-fiction est-elle

générée spontanément sur les différents supports ou existe-t-il un cœur de création ?

L’analyse des différents marchés nous aide à répondre à cette question. Les

deux acteurs que l’on a identifiés plus haut comme étant les acteurs « cross media »

de la science-fiction sont les écrivains et les illustrateurs. Les écrivains sont

particulièrement tournés vers un support dans leur création : le livre. Les illustrateurs,

comme le confirme la ligne éditoriale de l’association Art & Fact, cherchent à garder

les éditeurs de livres comme cœur de cible. Cela nous laisse penser que l’édition de

littérature de science-fiction est le cœur de création, le media générateur de contenu.

De plus, l’historique que nous avons réalisé en première partie de cette étude semble

confirmer cette hypothèse. La science-fiction est née dans la littérature et s’est

développée sur les autres supports à partir de ces œuvres. Aujourd’hui, le centre de

production reste aussi la littérature avec plus de 800 œuvres de science-fiction

publiées chaque année.

On en déduit donc que la science-fiction n’est pas générée spontanément

dans les différents media mais qu’elle évolue dans les média à partir d’un cœur qui

est la littérature.

Page 69: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

Figure 18, la création d’œuvres de science

Nous avons déduit de l’étude qu’il existe des passerelles entre les

la science-fiction, passerelles assuré

nous avons déduit de cela que l’édition de livre

central du genre. Interrogeons nous maintenant sur le public du genre.

Dans notre étude des media de la science

identifier un public pour la littérature

forme de strates et pour les arts graphiques, même si ce marché fonctionne en B2B

comme nous l’avons vu. Cependant, nous n’avons pas identifié de public particulier

pour les œuvres cinématographiques

de science-fiction de manière générale

publics des différents media ou considérer que le public est le même peu importe le

media ?

La première réponse à apporter concerne l’identification du public de science

fiction : le public diffère complètement d’un media à l’autre. En effet, les lecteurs de

Séries TV

création d’œuvres de science-fiction

Nous avons déduit de l’étude qu’il existe des passerelles entre les

passerelles assurées par les écrivains et les illustrateurs. De plus,

nous avons déduit de cela que l’édition de livres de science-fiction est le marché

central du genre. Interrogeons nous maintenant sur le public du genre.

Dans notre étude des media de la science-fiction, nous avons réussi à

identifier un public pour la littérature et la télévision que l’on peut représen

forme de strates et pour les arts graphiques, même si ce marché fonctionne en B2B

comme nous l’avons vu. Cependant, nous n’avons pas identifié de public particulier

pour les œuvres cinématographiques et les jeux vidéo. Comment quantifier le public

fiction de manière générale ? Faut-il tout simplement additionner les

publics des différents media ou considérer que le public est le même peu importe le

La première réponse à apporter concerne l’identification du public de science

: le public diffère complètement d’un media à l’autre. En effet, les lecteurs de

Littérature

Bande dessinée

Cinéma

Jeux vidéo

Séries TV

69

Nous avons déduit de l’étude qu’il existe des passerelles entre les supports de

s par les écrivains et les illustrateurs. De plus,

fiction est le marché

central du genre. Interrogeons nous maintenant sur le public du genre.

fiction, nous avons réussi à

que l’on peut représenter sous

forme de strates et pour les arts graphiques, même si ce marché fonctionne en B2B

comme nous l’avons vu. Cependant, nous n’avons pas identifié de public particulier

. Comment quantifier le public

il tout simplement additionner les

publics des différents media ou considérer que le public est le même peu importe le

La première réponse à apporter concerne l’identification du public de science-

: le public diffère complètement d’un media à l’autre. En effet, les lecteurs de

Cinéma

Page 70: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

70

science-fiction ne sont pas les mêmes personnes que les abonnés de SyFy

Universal par exemple. Même si c’est le cas pour certains d’entre eux, il n’existe pas

un public de science-fiction mais des publics. Cette différence dans les publics

s’explique par le décalage qu’il y a entre les œuvres littéraires et les autres œuvres

de science-fiction à la télévision, au cinéma et dans les jeux vidéo. De manière

générale, les œuvres littéraires de science-fiction ont beaucoup évolué depuis l’âge

d’or et sont devenus plus matures alors que les œuvres du genre dans les autres

media sont plus simplistes dans leurs structures, scénarii, etc. Elles ne visent tout

simplement pas le même public. La télévision, le cinéma et les jeux vidéo sont des

media de masse alors que la littérature ne l’est pas. Un film par exemple est plus

accessible de par sa durée de consommation qui est d’une heure et demie en

moyenne. En revanche, il faut plus de temps pour lire un livre et la complexité de

beaucoup d’entre eux nécessite une adaptation particulière du lecteur comme le

soulignait The Cambridge Companion to Science Fiction. Ce décalage n’est pas

récent, mais il n’a pas cessé de se creuser depuis les années 1970.

Toutefois, on peut rapprocher les publics de la manière suivante : le grand

public littéraire, qui a déjà lu un livre de science-fiction et une partie des lecteurs

occasionnels font également partie du public des films, séries TV et peut-être même

des jeux vidéo. Cependant, il apparaît que le public de science-fiction n’est pas un

public unifié et que les media sont plus fédérateurs que le genre pour ces derniers.

Une autre explication au problème d’unité du public de science-fiction tient à la

nature même du genre. Nous avons vu dans l’historique de la science-fiction que

cette dernière a commencé par se développer en tant que littérature de genre avant

de s’imposer comme genre narratif à travers différents media. Cette évolution a

amené le genre à se diversifier et à étendre ses frontières. Cela revient à essayer de

définir la science-fiction : quelles sont ses frontières ? Aujourd’hui la science-fiction a

tendance à être intégrée au sein d’un genre plus vaste que l’on appelle genre de

l’ « imaginaire ». Ce genre regroupe la science-fiction, la fantasy, le fantastique et

l’horreur. Cette intégration de la science-fiction dans un ensemble plus vaste a été

réalisée par des acteurs comme SyFy Universal mais également des festivals

comme les Utopiales, qui cherchent ainsi à élargir leur public. La science-fiction en

France est en perte de vitesse, notamment dans la littérature, par rapport à la fantasy

et au fantastique. Les ventes de livres, de films de fantasy et fantastique explosent à

Page 71: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

71

l’image de Twilight par exemple. Ainsi, pour survivre, les acteurs de la science-fiction

se diversifient.

De plus, l’élargissement du genre science-fiction au genre imaginaire semble

aussi simplifier la comptabilisation du public. En effet, alors qu’il est compliqué de

trouver des chiffres sur les ventes de science-fiction sur les différents supports, à

cause du mélange des genres, cela devient plus simple lorsque l’on parle

d’imaginaire. Le festival des Utopiales, qui réunit les acteurs de l’ « imaginaire » sur

les supports livre, bande dessinée, cinéma, télévision, jeu de rôle, et jeu vidéo a

accueilli en 2009 40 000 visiteurs. Une estimation du public du genre imaginaire

tous supports confondus peut ainsi être donnée par ce nombre.

Ainsi, le genre science-fiction apparaît comme un genre peu structuré en

France. La structure est bien définie sur certains marchés comme celui de l’édition

de livres et des arts graphiques, mais ne l’est pas du tout sur les autres (jeux vidéo,

cinéma, télévision). De plus, les passerelles entre ces marchés ne sont pas

organisées mais restent le fruit d’initiatives personnelles entre artistes.

Quelles sont alors les perspectives d’avenir du genre (ou comment créer un

marché unifié de la science-fiction) ?

Une piste à suivre pour former un marché unifié de la science-fiction est

l’organisation de liens entre les supports. Ce qui manque au genre en France,

comme l’étude nous l’a montré, est l’existence d’acteurs spécialisés dans

l’organisation de passerelles entre les media. Cependant, la création de telles

passerelles nécessiterait également la spécialisation des acteurs des marchés du

cinéma et des jeux vidéo dans le genre. Le fait que les acteurs spécialisés n’existent

que sur le marché de l’édition de livres et des arts graphiques est un vrai frein à la

formation d’un véritable marché de la science-fiction. L’exemple américain, ainsi que

l’existence de la chaîne TV SyFy Universal montre qu’il existe un vrai public pour ce

type d’acteurs spécialisés. Toutefois, beaucoup de professionnels du genre semblent

souligner un problème culturel français qui empêche la science-fiction de se

développer et de devenir plus qu’un marché de niche. Il existerait une réticence au

genre en soi, considéré comme un genre de jeunesse. Ce n’est pourtant pas le cas

Page 72: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

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dans le monde anglo-saxon où par exemple, un professeur de stratégie de

l’université de Cambridge a écrit un article sur la stratégie dans le roman Fondation

d’Isaac Asimov10. La perception que le grand public a de la science-fiction en France

peut toutefois évoluer. Il s’agit alors de démocratiser le genre et de faire de

l’évangélisation pour le développer. Cette mission d’évangélisation doit être réalisée

par des organisations importantes en lien avec les différents media de la science-

fiction. Cette tâche pourrait être confiée à des entités comme les Utopiales ou encore

SyFy Universal. Les Utopiales ont d’ailleurs déjà commencé à agir dans ce sens en

réalisant de la promotion pour la science-fiction auprès des publics fantasy et

fantastique du festival.

10

Phillips,N. , Zyglidopoulos,S. , Learning from Foundation: Asimov's Psychohistory and the Limits of

Organization Theory, Organization, 1999, Vol:6, Pages:591-608

Page 73: Existe-t-il un marché de la Science-fiction en France ? Mémoire HEC Paris

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Glossaire

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74

Registre littéraire : le registre correspond à la nature particulière de l'émotion que le

texte vise à communiquer indépendamment du genre dans lequel il s'inscrit.

Genre littéraire : notion de type catégoriel qui permet de classer des productions

littéraires en prenant en compte des aspects de forme (poésie, roman, essai,

théâtre), de contenu (aventure, journal intime), du registre (fantastique, tragique,

comique), de style, etc.

Genre narratif : genre littéraire qui a la particularité de raconter une histoire inventée

ou réelle par l’intermédiaire d’un narrateur.

Imaginaire : registre littéraire qui regroupe la science-fiction, la fantasy, le

fantastique et l’horreur.

Anticipation : terme synonyme de « science-fiction » dans les années 1950 -1960

en France, qui désigne aujourd’hui un sous-genre de la science-fiction

caractéristique d’œuvres telles que 1984 ou Fahrenheit 451.

Voyages extraordinaires : terme utilisé par les fondateurs de la science-fiction

littéraire à la fin du XIXème siècle et principalement Jules Verne comme définition du

genre de ses œuvres. Le terme désigne aujourd’hui un sous-genre de la science-

fiction qui fait référence aux productions de cette époque.

Fantasy : registre littéraire présentant un ou plusieurs éléments irrationnels qui

relèvent généralement d'un aspect mythique et qui sont souvent incarnés par

l’irruption ou l’utilisation de la magie.

Fantastique : registre littéraire que l'on peut décrire comme l’intrusion du surnaturel

dans le cadre réaliste d’un récit, autrement dit l’apparition de faits inexpliqués et

théoriquement inexplicables dans un contexte connu du lecteur.

Horreur : registre littéraire souvent considéré comme un sous-genre du fantastique,

il est caractérisé par l’émotion de peur qu’il cherche à susciter chez le lecteur.

Maison d’édition : entreprise ou une association dont l’activité principale est la

production et la diffusion de livres.

Collection : recueil d’ouvrages, de publications ayant une unité dans la présentation

et le domaine traité.

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75

Grand format : appellation qui définit tous les formats classiques de livre en excluant

le format poche.

Format poche : format de livre créé pour être peu encombrant, de prix relativement

bas en contrepartie d’une qualité plus faible. Il s’agit souvent de réimpressions

d’ouvrages ayant connu un succès en format normal.

Littérature blanche : appellation qui désigne la littérature en général, qui est publiée

et diffusée par un éditeur commercial.

Littérature de genre : œuvres écrites auxquelles on reconnaît une finalité esthétique

et qui correspondent à des thèmes ou univers bien particuliers comme par exemple

le polar, la science-fiction ou la fantasy.

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Bibliographie

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Œuvres économiques

- Phillips,N. , Zyglidopoulos,S. , Learning from Foundation: Asimov's Psychohistory and the Limits of Organization Theory, Organization, 1999, Vol:6, Pages:591-608

Œuvres généralistes

- I. Langlet, La science-fiction, lecture poétique d’un genre littéraire, Armand Colin, 2006, p. 142

Œuvres critiques

- Robert A. Heinlein, Grandeur et misères de la science-fiction, dans « Robert A. Heinlein et la pédagogie du réel », Editions du Somnium, 2008

- The Cambridge Companion to Science Fiction, Cambridge University Press, 2003, p.3-6

Œuvres historiques

- Roger Bozzetto, La Science-fiction, Armand Colin, 2007

Sites web

- http://www.quarante-deux.org/index.html - www.pochesf.com