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Exposé : La faute de l’associé (Responsabilité civile de l’entreprise) Vesselina KIRILOVA & Julie TAUPIAC 2009/2010

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Exposé :

La faute de l’associé (Responsabilité civile de l’entreprise)

Vesselina KIRILOVA & Julie TAUPIAC

2009/2010

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La manière de concevoir l'organisation interne des sociétés a connu une évolution importante.

A l'origine, les sociétés étaient conçues comme une démocratie : le pouvoir suprême appartenait aux associés réunis en assemblée générale souveraine, les dirigeants étant les mandataires des associés. La complexité de la gestion de la société exigeait en effet que les associés délèguent une partie de leurs prérogatives. La réalité est aujourd'hui bien différente car il s'est opéré un renforcement progressif des pouvoirs des dirigeants sociaux, au détriment de ceux de la collectivité des associés.

Avant de passer à proprement parler à l'engagement de la responsabilité de l'associé il convient de définir ce qu'est un associé.

Il s'agit d'une personne physique ou morale qui participe au capital d'une société (de personne ou de capital). Il peut s'agir d'un associé à proprement parler ou de l'actionnaire d'une SA. À coté des actionnaires de contrôle ou de ceux exerçant une puissance d'influence, l'actionnariat flottant est constitué d'une multitude de petits ou moyens épargnants directs ou indirects.

Pour le législateur, associé et actionnaire sont des mots synonymes, uniquement différenciés par la collectivité à laquelle ils se rapportent (société en général pour les associés ; SA pour les actionnaires), mais la notion traduit la même réalité, à savoir une personne physique ou morale qui en contrepartie de son apport reçoit diverses prestations d'ordre patrimonial, financière et politique. On parle de « théorie des droits individuels » :

L'associé n'est pas seulement un apporteur en capital mais aussi un participant actif à la vie sociale.

L'associé ne se voit pas reconnaître un véritable statut, mais il dispose d'un certain nombre de

droits individuels. Ces droits peuvent, le cas échéant, être réduits mais ne peuvent être supprimés sans son consentement. Ils échappent donc exceptionnellement à la loi de la majorité, devenue la règle dans la plupart des sociétés.

La loi n'a précisé ni le domaine ni l'étendue de ces droits. La détermination de ces droits individuels s'est donc élaborée au cas par cas, à l'occasion soit d'une clause des statuts, soit d'une décision prise en assemblée générale.

Le droit de participer à la vie sociale recouvre plusieurs prérogatives qui sont soit d'ordre pécuniaire, soit d'ordre extra pécuniaire.

Parmi ces dernières, le droit de participer aux décisions sociales s'exprime principalement par le droit de vote accordé à chaque associé. Mais l'effectivité de ce droit est subordonnée à une information préalable nécessaire à la participation à la vie sociale. Il en découle un droit pour chaque associé d'être informé quel que soit le montant de sa participation dans le capital social.

C’est ainsi que l’on distingue les différentes prérogatives régissant le statut de l’associé : ~Prérogatives patrimoniales : chaque associé reçoit en échange de son apport un droit sur

le patrimoine social, sous forme de « parts d'intérêt » (société de personne), ou « parts sociales » (autres sociétés, sauf les SA : actions). Ces droits sociaux sont des droits :

• incorporels de créance : le droit de propriété sur les éléments apportés à la société est détenu par la personne morale bénéficiaire de l'apport. Ce n'est que dans les sociétés en participation que les associés persistent à être propriétaires des biens mis en commun même si le droit de propriété est exercé collectivement par l'ensemble formé des participants).

• mobiliers : le droit social constitue des droits mobiliers par détermination expresse de la loi (art. 529 du code civil). Ces droits sociaux sont en principes incessibles dans les sociétés de personne, sauf

consentement des autres associés (nous vous en parlerons brièvement dans la partie concernant la

violation des clauses de préemption ou d'agrément). Cette incessibilité s'explique par le fait que l'on refuse que de nouvelles personnes non prévues dans le contrat d'origine d’entrer dans la société lors de la sortie d'un associé sans l'autorisation des associés. Le principe de cessibilité existe dans les SARL et sociétés par action. Quand il s'agit d'actions, il faut parler de « négociabilité » : le détenteur d'actions, peut céder son portefeuille à un tiers sans même avoir à respecter les formalités prévues par le code civil (forme authentique, notification aux associés).

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~Prérogatives financières : l'associé a un droit sur les profits réalisés, distribués ou non, et le cas échéant mis en réserve, et sur l'ensemble des profits futurs que la société pourrait réaliser.

Cette créance est : • subordonnée : les créanciers sociaux sont toujours préférés aux associés pour obtenir le

paiement sur l'actif restant et • éventuelle : elle suppose la réalisation effective d'un profit par la société, et exige une décision

de les distribuer prise à la majorité des associés. Dès cette décision prise, chaque associé dispose d'une créance effective et actuelle à l'encontre de la personne morale. En cas de décision de mise en réserve du bénéfice, la créance de l'associé portera sur le boni de liquidation. ~Prérogatives politiques : elles concernent le fonctionnement de la société. Les associés

disposent d'un droit d'intervenir dans les affaires sociales (exercice du droit de vote dans les assemblées générales et pour les autres formes de décisions collectives d'associés, droits d'information et de communication).

Définition des différents droits dont dispose l’associé : ~Le droit de vote (dont l'exercice peut poser problème ce que nous verrons un peu plus loin). Le droit pour tout associé de participer aux décisions collectives, énoncé à l'article 1844 du

Code civil, est un droit essentiel de l'associé. Il trouve sa meilleure expression dans le droit de vote. Ce droit est d'ordre public et, par conséquent, les statuts ne peuvent supprimer le droit de

vote d'un associé dans les cas non prévus par la loi. ~Le droit aux dividendes Il résulte des termes de l'article 1832 du Code civil que tout associé doit profiter des résultats

positifs produits par l'activité sociale, que celle-ci réalise des bénéfices ou simplement des économies. Ce droit de participer aux résultats s'exprime principalement par la perception d'un dividende en cours de vie sociale, accompagné, le cas échéant, d'un droit sur les réserves. À Ia dissolution de la société, la mesure du dividende final est donnée par le boni de liquidation.

Le dividende est la part de bénéfices attribuée à chaque actionnaire. Mais le droit de chaque associé au partage des résultats n'est pas absolu. L'assemblée générale est en effet souveraine pour décider d'une mise en réserve systématique des bénéfices sociaux, à condition de ne pas commettre un abus de droit.

~Le droit de rester associé Le droit de faire partie de la société dans laquelle l'associé est entré, consiste principalement à

ne pas en être exclu. Il ne peut être privé malgré lui de sa qualité d'associé, dès lors, bien évidemment

qu'il a rempli ses obligations. En tant que membre de la société, son exclusion reviendrait à une véritable expropriation. Le respect de ce droit interdit également au juge d'exclure un associé de la société, en ordonnant le rachat de ses parts.

Le droit de ne pas être contraint à une augmentation des engagements En entrant dans la société, l'associé a pris un certain nombre d'engagements dont il connaît la nature et l'étendue et dont il a accepté la responsabilité. Cet engagement ne peut être subordonné à l'obligation pour l'associé d'accepter un sacrifice supplémentaire, présent ou futur, pour rester associé. C'est ce qu'énonce l'article 1836 du Code civil : « En aucun cas, les engagements d'un associé ne peuvent être

augmentés sans le consentement de celui-ci ». ~Le droit de céder ses titres Les droits sociaux, parts sociales ou actions, ont une valeur vénale et font partie du

patrimoine de l'associé ou de l'actionnaire. Dès lors, la cession de droits sociaux reste une convention privée entre deux personnes. On en déduit que le droit de céder ses droits sociaux, donc de transférer à autrui la qualité d'associé, constitue l'un des droits fondamentaux de tout associé. Il n'en reste pas moins que la société peut avoir intérêt à contrôler les opérations de cession afin d'éviter notamment, l'entrée, en qualité d'associé, d'une personne physique ou morale qui ne présenterait pas les garanties que les organes sociaux ont estimées nécessaires. C'est pourquoi, un droit particulier est parfois accordé à la société lors d'une cession de droits sociaux, le droit d'agréer le cessionnaire.

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Le statut de l’associé n’est pas uniforme. Il varie selon le type de société. L’étendue de la responsabilité qu’il encoure n’en est qu’un exemple parmi d’autres. Mais au-delà de cette diversité, il existe un certain nombre d’attributs fondamentaux attachés à la qualité de l’associé.

Dans les sociétés à risque limité, les associés sont en principe à l’abri des actions que seraient tentés d’exercer à leur encontre les créanciers n’ayant pu obtenir paiement de leur dû. Cette responsabilité limitée ne vaut cependant pas immunité à tout coup. En cas de faute caractérisée, ils peuvent en effet être poursuivis sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, le droit des sociétés n’exclut pas le droit commun de la responsabilité délictuelle.

Cependant, on distingue la responsabilité dans l’ordre externe de celle qui est dans l’ordre interne :

~La responsabilité dans l’ordre externe L’associé peut d’abord commettre une faute causant un préjudice à une personne tierce par

rapport à la société. Il convient ici de transposer aux associés les solutions admises pour les dirigeants. En conséquence, seules les fautes détachables de la fonction d’associé engagent la responsabilité de leur auteur. Faute de rapporter une telle preuve, un tiers ne saurait agir à l’encontre d’un associé en raison du vote qu’il aurait émis au cours d’une assemblée générale, dans une telle hypothèse, si faute il y a, le tiers n’a d’action que contre la société elle-même.

~La responsabilité dans l’ordre interne Le rempart de la personnalité morale ne protège plus l’associé lorsqu’ils sont en jeu ses

rapports internes. L’associé fautif engage donc sa responsabilité personnelle quand il cause un préjudice à un autre associé.

Ainsi, en cas d’abus de majorité, les associés coupables peuvent être condamnés à verser personnellement des dommages et intérêts aux minoritaires lésés. La même solution vaut, de manière symétrique, en cas d’abus de minorité.

Remarque : On signalera enfin que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a admis la responsabilité personnelle des associés en cas de révocation abusive d’un dirigeant.

Nous allons distinguer dans 2 parties les fautes de l’associé dans le cadre de l’exercice de ses

fonctions (P1), des fautes accomplies par l’associé dans son intérêt propre (P2). Nous évoquerons dans une partie 3 la situation particulière de l'associé d'une SEL (P3).

Nous nous sommes concentrées sur une énumération des fautes envisageables car il était difficile

de faire des sous-parties cohérentes.

Sommaire

Partie 1 : ...................................................................................................................................................................................... 5 La faute de l’associé dans l’exercice de sa fonction d’associé : ............................................................................... 5 L’abus du droit de vote en Assemblée générale ........................................................................................................... 5

1. L’abus de majorité................................................................................................................................................................ 5

2. L’abus de minorité ............................................................................................................................................................... 7

3. L’abus d’égalité...................................................................................................................................................................... 8

4. La révocation abusive du dirigeant .............................................................................................................................. 8

5. La mauvaise évaluation d’un apport en nature ................................................................................................... 10

Partie 2 : ................................................................................................................................................................................... 11 La faute de l’associé commise dans son intérêt propre .......................................................................................... 11

1. Le trafic de droit de vote ................................................................................................................................................ 11

2. La violation d’une clause d’agrément ....................................................................................................................... 11

3. La violation d’un droit de préemption ..................................................................................................................... 11

4. La violation d’une clause d’inaliénabilité ............................................................................................................... 12

5. L’abus de biens sociaux caractérisé en cas de CCA débiteur ........................................................................... 12

6. Le délit de distribution de dividendes fictifs .......................................................................................................... 13

Partie 3 : ................................................................................................................................................................................... 14 Dans les SEL : faute professionnelle, faute de l’associé .......................................................................................... 14

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PARTIE 1 :

LA FAUTE DE L’ASSOCIE DANS L’EXERCICE DE SA FONCTION D’ASSOCIE : L’ABUS DU DROIT DE VOTE EN ASSEMBLEE GENERALE

L'abus de droit des associés : Dans le silence de la loi, la jurisprudence admet que l'abus de

droit puisse être sanctionné, qui provient de l'attitude d'une partie des associés, majoritaires ou minoritaires selon les cas, lorsqu'un conflit latent oppose ces deux camps.

1. L’abus de majorité

A/ Définition de l’abus de majorité Dans une société, comme dans une démocratie, les décisions se prennent à la majorité, devant

laquelle la minorité doit s’incliner. La minorité n’est pas pour autant impuissante face aux caprices de la majorité. Le droit des sociétés protège les minorités:

− par la séparation des pouvoirs,

− par l’importance accordée à la responsabilité du dirigeant,

− par le rôle attribué au commissaire aux comptes,

− et par le droit de poser des questions écrites ou de solliciter un rapport de gestion.

Les tribunaux prennent le relais quand la majorité se rend coupable d’abus. L’abus de majorité est la transposition en droit des sociétés de la théorie civiliste de l’abus de droit (on peut user de son droit, mais non en abuser dans le seul dessein de nuire à autrui ou en le détournant de sa fonction). L’abus n’est caractérisé qu’en cas de détournement de pouvoir, si la décision ne s’explique que par un intérêt égoïste contraire à l’intérêt social et aboutit à sacrifier les intérêts légitimes des minoritaires.

Rappel de la définition de l’intérêt social Il ne saurait être confiné au seul intérêt de la société ni à celui des associés. Il englobe l’intérêt

de l’entreprise qui est la réalité économique, humaine et financière à laquelle la société sert d’enveloppe juridique.

Selon la formule de la Cour de cassation, il y a abus de majorité lorsque la résolution

litigieuse a été prise contrairement à l’intérêt général et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité. (Cass.com., 18 avril 19611).

Plus précisément, l’abus de majorité relève non d’un contrôle d’opportunité (il ne s’agit pas seulement d’apprécier si la décision litigieuse est inopportune) mais d’un contrôle de légalité : il s’agit de rechercher si la décision inopportune est destinée à rompre l’égalité entre associés, c’est-à-dire à rompre la communauté d’intérêts qui doit exister entre eux en application de l’article 1833 du

Code civil. B/ La sanction de l’abus de majorité La sanction peut consister dans l’octroi de dommages et intérêts, mais les tribunaux n’hésitent

pas à prononcer la nullité de la décision abusive. 3 exemples :

- Annulation d’une mise en réserve systématique de bénéfices.

- Annulation d’une délibération organisant une dévolution héréditaire de la gérance d’une société

civile au profit de l’un des deux clans d’associés.

- Annulation d’une sous-filialisation abusive.

Les 2 sanctions sont les conséquences de 2 actions qui reposent sur des fondements

différents. ~L’action en responsabilité est fondée sur l’article 1382 du code civil (il faut donc que le

demandeur apporte la preuve d’un préjudice) et est soumise à la prescription décennale.

1 Cour de cassation, chambre commerciale, 18 avril 1961 : JCP 1961, 12164

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~L’action en annulation de la délibération abusive est fondée sur l’article 1844-10 du Code civil et se prescrit en principe par trois ans, sauf application d’une prescription plus courte.

Conformément à l’article 31 du Code de procédure civile, cette action est ouverte à tous ceux qui peuvent se prévaloir d’un intérêt légitime, les associés minoritaires mais aussi un dirigeant au nom de la société. L’abus de majorité porte en effet préjudice non seulement aux minoritaires mais encore à la société. Il n’est donc pas illogique que la société puisse agir pour faire sanctionner un acte contraire à l’intérêt social.

Autre différence, tandis que l’action en réparation doit être dirigée contre les associés majoritaires, l’action en annulation doit être intentée contre la société.

Exemple : mises en réserve non abusives (Cass. com., 3 juin 20032) Bien que le partage des bénéfices réalisés entre associés corresponde à la définition de la société, leur

mise en réserve est également prévue par la loi sur les sociétés (L232-12 Code de commerce). C’est souvent une décision recommandée sur le plan financier quand on sait que les sociétés françaises souffrent en général d’un manque de fonds propres. La mise en réserves des bénéfices n’est pas a priori une décision contraire à l’intérêt de la société ni par conséquent à celui des associés.

A ainsi été cassé l’arrêt dans lequel la cour d’appel a retenu un abus de majorité pour mises en réserve de bénéfices au motif que ces décisions étaient contraires à l’intérêt social et destinées uniquement à favoriser les actionnaires majoritaires, alors qu’elle avait relevé que ces mises en réserve avaient été accompagnées de très importants investissements. Il peut même arriver que la mise en réserve des bénéfices soit indispensable à la survie de la société lorsqu’elle doit par exemple financer un investissement stratégique. Le refus de voter la mise en réserve de bénéfices peut même être critiqué dans certaines hypothèses.

Exemples : mises en réserve abusives Si la mise en réserve des bénéfices est souvent de bonne politique, il est des cas dans lesquels elle

traduit une perversion des majoritaires et une dénaturation du rôle de la société. Il en est ainsi lorsque la politique suivie aboutit aux résultats suivants :

� La société n’a pas d’investissement à financer : les réserves ne sont que de l’argent dormant. � Les majoritaires du fait de leur position de dirigeants ou d’associés titulaires d’un contrat de travail,

perçoivent de confortables rémunérations rendant superflue toute distribution de dividendes. � Les minoritaires sont sacrifiés sur tous les plans : ils ne perçoivent aucun dividende alors que les

bénéfices réalisés sont confortables ; ne participant pas à l’activité de la société, ils ne perçoivent aucun salaire : leurs titres n’étant pas cotés, ils n’ont aucun espoir de pouvoir les céder ni de réaliser la moindre plus-value. Dans les assemblées, ils n’ont pas de voix et sont privés de dividende. Faute de marché, ce sont des otages prisonniers de leurs titres (Cass. com. 22 avril 19763).

Il est relativement rare que les tribunaux jugent abusive la décision de ne pas distribuer des dividendes. En voici tout de même un exemple récent (CA Rouen 4 avril 20014) :

Dans cette affaire, les associés majoritaires d’une société civile avaient pour la 4ème année consécutive rejetée la demande de distribution de dividendes formulée par le minoritaire. La mise en réserve n’était nullement justifiée par l’intérêt social. En réalité, la stratégie des majoritaires étaient machiavélique : conserver au sein de la société les bénéfices auxquels le minoritaire avait normalement vocation et refuser le remboursement de son compte courant.

Autre exemple : C.cass. Com 1er juillet 20035

Dernier exemple : C.cass. Com, 22 mai 20016 - Le Château Giscours est l’un des crus les plus prestigieux du vignoble bordelais. La société qui en assure l’exploitation a connu des difficultés financières.

En décembre 1992, la société, pour faire face aux pertes qui se sont accumulées, décide une augmentation du capital assortie d’une prime d’émission. Les majoritaires souscrivent seuls à l’augmentation de capital, ce qui renforce leur contrôle sur la société. Les minoritaires engagent un contentieux sur le fondement de l’abus de majorité et sur celui de la fraude. Ils sont déboutés en appel et leur pourvoi en cassation est rejeté. La stratégie des majoritaires n’est sans doute pas sans arrière pensée expansionniste mais l’habileté n’est pas nécessairement un abus de majorité ou une fraude.

2 Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juin 2003 : Bulletin Joly 2003, p.1049 3 Cour de cassation, chambre commerciale, 22 avril 1976 : Revue des sociétés 1976, p.479 4 CA Rouen, 4 avril 2001 : RJDA janvier 2002, n°11 5 Cour de cassation, chambre commerciale, 1er juillet 2003 : Bulletin Joly 2003, p.1137 6 Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mai 2001 : Bulletin Joly 2001, p.1003

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2. L’abus de minorité

Selon la Cour de cassation, un minoritaire se rend coupable d’abus si son attitude a été contraire à l’intérêt général de la société en ce qu’il aurait interdit la réalisation d’une opération essentielle pour celle-ci, dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés. L’abus de minorité a un caractère exceptionnel parce qu'il implique la conjonction d’éléments objectifs (une opération essentielle et conforme à l’intérêt social) et d’éléments subjectifs (l’attitude égoïste des minoritaires).

L’augmentation de capital fournit un bon exemple. Si la société est menacée de dissolution parce que son capital est inférieur au minimum requis par la loi ou parce qu’il lui faut reconstituer ses capitaux propres, l’opposition systématique, sans motif pertinent, du minoritaire est a priori suspecte.

Exemple : L’arrêt Flandin du 9 mars 1993 sur la sanction de l’abus de minorité. La SARL Alarme service électronique a été régulièrement constituée au capital de 20.400 F. La

loi du 1er mars 1984 a porté le capital minimum à 50.000 F en précisant que les sociétés anciennes avaient un délai de 5 ans pour se conformer à la loi, faute de quoi elles seraient dissoutes de plein droit. Le gérant propose, lors d’une consultation écrite, que le capital de la société soit porté à 50 000 F. Il n’obtient pas la majorité requise des ¾ du fait de l’opposition de deux minoritaires. Ils convoquent deux assemblées générales extraordinaires en proposant cette fois que le capital soit porté non à 50 000 F mais à 500.000 F. Il s’appuie sur un rapport d’audit mettant en avant le besoin d’argent frais pour se développer.

Les deux minoritaires, Joseph et Marcel Flandin, ne se rendent pas aux assemblées, bloquant ainsi la décision d’augmentation de capital. Le gérant et la SARL les assignent en justice pour abus de minorité. Le grief est retenu par les juges d’appel mais la décision est cassée.

Les solutions de la Cour de cassation : (Cass. Com., 9 mars 19937) Dans cette affaire, il s'agissait d'une résolution proposée à l'AG des actionnaires au sujet d'une

augmentation de capital pour se conformer aux nouvelles exigences légales de capital social minimum. Le dirigeant, gourmand, souhaitait augmenter dans une 2ème proposition 10 fois plus que nécessaire le capital.

En ce qui concerne le grief d’abus de minorité : la Cour de cassation examine séparément les 2 projets d’augmentation du capital. Elle estime que la 1er constitue un abus de minorité puisque porter le capital à 50.000 F répond à un impératif légal et conditionne la survie de la société. A l’inverse, le refus de voter l’augmentation de capital à hauteur de 500.000 F n’en constitue pas un, car la société est prospère et ses résultats sont honorables.

En ce qui concerne la sanction de l’abus de minorité : la cour d’appel avait jugé que son

arrêt valait adoption de la résolution tendant à l’augmentation de capital demandée. « Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le juge ne pouvait se substituer aux organes sociaux

légalement compétents et qu’il lui était impossible de désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social, mais ne portant pas atteinte à l’intérêt légitime des minoritaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » - le juge ne peut pas se substituer aux organes sociaux - il ne peut désigner un mandataire ad hoc qui votera au nom des minoritaires - ce mandataire, dans son vote, ne devra porter atteinte ni à l’intérêt social ni à l’intérêt légitime

des minoritaires. En conséquence, il doit autoriser les majoritaires à prendre la décision qui s’impose. Un associé disposant d’une minorité de blocage ne peut certes pas bloquer le

fonctionnement des AG ordinaires d’une SARL puisque les décisions s’y prennent à la majorité simple ; il peut en revanche paralyser les AG extraordinaires dans lesquelles la majorité exigée est en

7 Cour de cassation, chambre commerciale, 9 mars 1993 : JCP E 1993, II, 448

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principe celle des ¾ des parts sociales. Encore faut-il que son vote ou son abstention ne soit pas abusif ?

En voici une illustration : CA Rennes, 13 juin 20008. Il s’agissait en l’espèce d’une SARL qui à sa création avait localisé son siège social dans une société de domiciliation. Les associés envisageaient le transfert du siège social qui nécessite une modification des statuts qui ne peut résulter que d’une décision extraordinaire des associés prise à la majorité de blocage. Le minoritaire refusait ce transfert car son domicile était plus proche du lieu initial.

3. L’abus d’égalité

L’abus d’égalité n’est qu’une variété d’abus de minorité et est soumis au même régime. L’hypothèse vise surtout les sociétés composées de 2 associés possédant chacun la moitié du capital social.

Dans les assemblées qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires, toutes les décisions impliquent en conséquence l’unanimité. En cas de crise, l’un des associés peut bloquer le fonctionnement de la société par des votes négatifs ou en s’abstenant de voter. Toutefois, l’opposition systématique de l’un des deux associés ne révèle pas nécessairement un abus d’égalité. Le refus de vote est parfois justifié par l’attitude d’un autre associé.

Le contentieux de l’abus d’égalité est remonté jusqu’à la Cour de cassation pour la 1ère fois en 1997 (Cass. Com., 8 juillet 19979).

Les faits : 2 frères détiennent chacun la moitié du capital d’une SARL ; l’un d’eux refuse systématiquement toutes les résolutions proposées par son coassocié, gérant de la SARL. Le gérant et la société assignent l’associé récalcitrant en dommages et intérêts sur le fondement de l’abus d’égalité. Le tribunal de commerce fait droit à la demande et condamne lourdement l’associé (10 millions de francs à la société et 2 millions de francs à son frère). La décision et infirmée en appel et le pourvoi engagé par le gérant est rejeté.

L’opposition de l’associé est justifiée en l’espèce par l’attitude du gérant. Les carences de gestion et le refus de transparence imputables à ce dernier justifient l’opposition. La preuve d’une atteinte à l’intérêt social n’est pas rapportée.

Exemple : C.cass. Com., 16 juin 199810 - Une affaire où l’abus d’égalité a été reconnu dans une SARL, regroupant 2 frères, il a été jugé que constituait un abus d’égalité le refus par l’un d’eux de voter la mise en réserve des bénéfices dont la société avait besoin pour financer un investissement important, vital pour la survie de la société.

Sanction : Le juge peut désigner un administrateur provisoire en espérant que les tensions

s’apaiseront avec le temps, mais le remède n’est pas toujours efficace. Il ne saurait en tout état de cause prononcer l’exclusion de l’associé réfractaire en lui imposant de céder ses titres à son partenaire.

Lorsque l’abus d’égalité est caractérisé, une lourde condamnation à des dommages et intérêts suffira parfois à faire entendre raison à l’obstructionniste.

Si la situation est irrémédiable, le juge prononcera la dissolution de la société pour mésintelligence. S’il estime que la société est viable, le juge désignera un mandataire ad hoc qui votera au nom du minoritaire récalcitrant.

4. La révocation abusive du dirigeant

Conformément aux règles du mandat (articles 2003 et 2004 du Code civil), les dirigeants, nommés par les associés, peuvent être révoqués par ces mêmes associés (parallélisme des formes).

Dans une SARL, comme en matière de nomination, le gérant est révocable par décision des associés dans les conditions prévues pour l’adoption des décisions ordinaires :

� majorité absolue sur 1ère convocation ;

8 CA Rennes, 13 juin 2000 : Bulletin Joly 2001, p.258 9 Cour de cassation, chambre commerciale, 8 juillet 1997 : Bulletin Joly 1997, p.980 10 Cour de cassation, chambre commerciale, 16 juin 1998 : Bulletin Joly 1998, p.1083

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� majorité simple sur seconde convocation sauf stipulation contraire. Les statuts peuvent toutefois retenir une majorité plus forte (article L.223-25 alinéa 1er du

Code de commerce). D’après le Code de commerce, le gérant n’est pas révocable ad nutum ; il peut obtenir des

dommages et intérêts si la révocation est décidée sans juste motif11. Il appartient au gérant, demandeur de l’action, d’établir l’absence de juste motif (CA Caen, 19

mai 2005). Une clause pourrait être incluse dans les statuts afin que la révocation même sans juste motif ne donne pas lieu à des dommages et intérêts si on transpose la décision de la Cour de cassation en matière de sociétés civiles (Cass. 3ème civile, 6 janvier 199912)

En tout état de cause, outre une indemnisation fondée sur les motifs de la révocation (absence de juste motif), le gérant peut invoquer les circonstances brutales, révocation injurieuse ou encore non-respect du principe du contradictoire puisque cette solution a été étendue aux mandataires sociaux protégés par le juste motif. Mais pour autant, le droit à l’assistance d’un avocat n’est pas de droit. Le contentieux relève de la compétence du tribunal de commerce.

Révocation du gérant et responsabilité personnelle des associés Il n’est pas rare que la responsabilité d’un associé soit retenue à l’égard de ses coassociés.

En particulier, la responsabilité d’un associé peut-elle être engagée en raison de sa participation à une

décision collective, par exemple la révocation d’un dirigeant social ? La réponse est en principe négative : la décision collective exprime la volonté sociale, c’est donc la société – et non les associés ayant voté la décision- qui est tenue des conséquences préjudiciables de celle-ci.

Toutefois, si une faute personnelle de l’associé est caractérisée, sa responsabilité est susceptible d’être engagée. Tels sont les principes dégagés par la Cour de cassation dans 2 arrêts de principe.

a/ L’arrêt de la chambre commerciale du 1er février 1994 13 Le gérant est révoqué lors d’une assemblée générale réunie à la demande de son frère, associé

majoritaire. Il est sommé de remettre sur-le-champ les clés de l’entreprise et les documents en sa possession, avec interdiction de se représenter dans les locaux de la société. Ce combat fratricide a donné l’occasion à la Cour de cassation de marquer les nuances entre absence de juste motif, abus du droit de révoquer, abus de majorité et faute personnelle de l’associé dans l’exercice du droit de vote.

*En cas de révocation non fondée sur un juste motif, comme en cas de révocation intervenue dans des circonstances abusives, les dommages et intérêts sont à la charge de la société ; en principe, la responsabilité de l’associé majoritaire ne peut pas être recherchée sur ce fondement.

*La solution est différente lorsque la décision de révoquer est constitutive d’un abus de majorité. Si un tel abus est établi – ce qui en l’espèce n’était pas le cas, la sanction est double : annulation de la décision et mise en œuvre de la responsabilité civile des associés.

*Enfin, si l’associé, à l’occasion de l’exercice de son droit de vote, commet une faute personnelle détachable de l’exercice de ses prérogatives sociales, il doit en répondre sur le fondement de l’article 1382 du

Code civil. Le gérant prétendait en l’espèce que son frère avait agi dans un but personnel, mais pour la Cour de

cassation, cette simple allégation était insuffisante pour caractériser une faute personnelle de l’associé et l’arrêt fut cassé pour manque de base légale en ce qu’il avait condamné l’associé in solidum avec la société.

b/ L’arrêt de la Chambre commerciale du 13 mars 2001 14 Révoqué de ses fonctions sur décision de l’assemblée générale, la gérante assigne personnellement ses

2 associés en paiement de dommages et intérêts. La décision des juges du fond ayant rejeté la demande est cassée au visa de l’article 1382 du Code civil : « en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que la décision de révocation avait été prise en violation flagrante des règles légales relatives à la tenue et à la convocation des assemblées des associés et alors qu’une décision inspirée par une intention vexatoire et contraire à l’intérêt

11 Article L.223-25 alinéa 1er du Code de commerce 12 Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 janvier 1999 : Bulletin Joly, 1999, p.498 ou JCP E 1999, p.669, n°10 13 Cour de cassation, chambre commerciale, 1er février 1994 : JCP E 1994, II, 363, n°7 ou Revue des Sociétés 1995, p.281

14 Cour de cassation, chambre commerciale, 13 mars 2001 : JCP E 2001, p.753

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social, caractérise de la part de ses auteurs une volonté de nuire constitutive d’une faute, la cour d’appel a violé l’article susvisé. »

Se trouve ainsi confirmée la solution selon laquelle l’associé ayant participé à la décision fautive engage sa responsabilité à condition qu’il ait commis qu’il ait commis une faute personnelle.

Celle-ci résultait en l’espèce de l’intention vexatoire, de la contrariété à l’intérêt social et de la volonté de nuire. »

Dans une SNC, le gérant révoqué sans juste motif a droit à des dommages et intérêts15. On

transpose ici la solution rendue à propos des sociétés civiles (clause statutaire supprimant les dommages et intérêts et sur la demande du gérant fondée sur les circonstances de la révocation).

5. La mauvaise évaluation d’un apport en nature

L’apport en nature est l’apport d’un bien autre que de l’argent ou une industrie. On a vu dans l’introduction que ce peut être un bien corporel (immeuble, matériel…) ou incorporel (fonds de commerce, brevet, contrat, créance…). Quant à la mise à disposition elle peut se faire en propriété ou en jouissance.

Par hypothèse, les apports en nature doivent être libérés immédiatement. Se pose en revanche un problème d’évaluation qui n’existe pas avec le numéraire. Le danger est la surévaluation d’où la mise en place d’une procédure de vérification des apports en nature.

Le scénario est connu : désireux d’asseoir le crédit de leur société, les associés majorent la valeur des biens apportés, ce qui gonfle artificiellement la capital social et fortifie la confiance des banquiers et des fournisseurs, lesquels voient parfois la valeur de la société se dégonfler comme un ballon de baudruche.

Les apports en nature lors de la constitution d’une SARL : le législateur s’est inquiété du

risque de surévaluation des apports en nature, aussi bien l’article L.223-9 du Code de commerce prévoit-il les règles protectrices suivantes : - les statuts doivent contenir l’évaluation de chaque apport en nature ; - un commissaire aux apports est désigné à l’unanimité des futurs associés ou, à défaut,

par le président du tribunal de commerce. Il doit établir un rapport sur l’évaluation qui est annexé aux statuts. L’obligation de désigner un commissaire aux apports peut recevoir exception, à l’unanimité des associés, à la double condition que la valeur d’aucun apport en nature n’excède 7500€ et que la valeur totale de l’ensemble des apports en nature, échappant à l’intervention d’un commissaire aux apports, n’excède pas la moitié du capital ;

- les associés sont solidairement responsables à l’égard des tiers, pendant 5 ans, de la valeur attribuée aux apports en nature dans 2 hypothèses :

� lorsqu’un commissaire aux apports n’a pas été désigné ou

� lorsque la valeur retenue par les associés est différente de celle proposée par l’expert ; c’est le seul cas dans lequel les associés d’une SARL sont responsables solidairement.

- des sanctions pénales sont prévues en cas de majoration frauduleuse des apports en nature16: 5 ans d’emprisonnement et 375000€ d’amende.

15 Article L.221-12 alinéa 4 du Code de commerce 16 Article L.241-3 alinéa 1 du Code de commerce

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PARTIE 2 : LA FAUTE DE L’ASSOCIE COMMISE DANS SON INTERET PROPRE

1. Le trafic de droit de vote

Dans une SA : le principe est la liberté de vote. Au dogme de participer, s’ajoute celui de la liberté de vote. Par conséquent, les conventions y

portant atteinte – cessions de droit de vote, engagements de voter ou de ne pas voter dans un certain sens, sont nulles et les trafics ou achats de droit de vote sont sanctionnés pénalement d’une peine d’emprisonnement de 2 ans et de 9000€ d’amende17, ainsi que le fait d’empêcher un actionnaire de participer à l’assemblée.

Cependant, les juges ont accepté de consacrer certains accords relatifs à l’exercice du droit de vote par les actionnaires. Tel est le cas si l’associé ne se trouve pas irrévocablement privé de son droit de vote, si l’intérêt social est sauf et si l’accord est exempt de toute idée de fraude.

Ainsi ont pu être validées les conventions suivantes : - renonciation particulière et temporaire au droit de vote ;

- suspension du droit de vote pour un temps déterminé ;

- engagement de voter en faveur de la nomination d’une personne au conseil d’administration.

Une limite toutefois : la cause de l’engagement ne doit pas être l’obtention d’un avantage

financier, auquel cas il y a trafic de droit de vote, nullité et infraction18. Reste la question de l’efficacité de telles conventions : faute d’opposabilité de la convention de

vote à la société, l’assemblée générale à l’occasion de laquelle le signataire a violé son engagement n’est pas nulle et la seule sanction est une condamnation à dommages et intérêts, si tant est qu’un préjudice certain puisse être démontré.

2. La violation d’une clause d’agrément

Dans une SA : La nature de la société de capitaux, qui néglige en théorie l’intuitu personae, justifie que quiconque puisse devenir actionnaire d’une SA à la suite d’une cession, sans avoir à solliciter l’accord des actionnaires en place. Tel est le principe : la liberté de cession entre vifs, comme de transmission à cause de mort.

Le dogme souffre un tempérament. De fait, le Code de commerce autorise, dans les sociétés non cotées, l’insertion dans les statuts d’une clause d’agrément qui soumet à l’appréciation de la société les transferts des titres. L’agrément concerne, dans les sociétés non cotées, « tous titre de capital ou de valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres de capital »19.

Selon l’article L228-23, « toute cession effectuée en violation d’une clause d’agrément figurant dans les statuts est nulle ». Il s’agit d’une des rares nullités expresses prévues dans le Code de commerce.

3. La violation d’un droit de préemption

La clause d’agrément a eu pendant longtemps un angle mort : en effet elle ne pouvait s’appliquer dans les cessions entre actionnaires (insuffisance aujourd’hui réparée depuis l’ordonnance du 24 juin 2004). Les praticiens avaient donc imaginé de doubler celle-ci d’une clause dite de préemption, qui avait vocation à s’appliquer dans de tels transferts.

Les clauses de préemption ont une fonction stabilisatrice, en ce qu’elles permettent le maintien de l’équilibre relatif des participations des actionnaires et évitent que la cession entre associés puisse bouleverser cet équilibre. La clause est généralement contenue dans un pacte extrastatutaire mais elle peut également être introduite dans les statuts. L’actionnaire qui désire céder ses actions, doit d’abord proposer celle-ci à ses coactionnaires.

17 Article L.242-9 alinéa 3 du Code de commerce 18 Article L.242-9 alinéa 3 du Code de commerce 19 Article L228-23 du Code de commerce

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La violation d’une clause de préemption, à la différence de ce que prévoit l’article L.228-23 du Code de commerce pour les clauses d’agrément, n’est pas sanctionnée par la nullité de la cession, sauf, par application des règles générales du droit civil, en cas de complicité de fraude de la part du tiers acheteur.

La violation de la clause entraîne 3 conséquences : - D’abord, si la clause est statutaire, la cession sera inopposable à la société et l’acheteur ne sera

pas reconnu actionnaire ; - Ensuite, l’associé irrespectueux de la clause de préemption pourra être condamné à des

dommages et intérêts ; - Enfin, depuis un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 26 mai 2006, le

bénéficiaire du droit de préemption peut demander à être substitué au tiers acheteur à condition de démontrer que l’acheteur connaissait l’existence du droit de préemption et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

4. La violation d’une clause d’inaliénabilité

Dans une SAS : Une des plus grandes innovations de la SAS est de permettre aux associés d’insérer dans leurs statuts des clauses d’inaliénabilités. Toutefois, la durée de ces clauses ne peut excéder 10 ans20.

Le même régime que celui de la violation d’une clause d’agrément s’applique à la violation d’une clause d’inaliénabilité : « toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ». La sanction n’est donc pas seulement l’allocation de dommages et intérêts mais également la nullité de la cession, ce qui renforce leur efficacité21.

5. L’abus de biens sociaux caractérisé en cas de CCA débiteur

Tous les associés participent au financement de la société par leurs apports dont le total donne la mesure du capital social. Mais ils peuvent compléter ce financement en lui consentant des prêts. On parle dans la pratique d’avances en compte courant ou apports en compte courant.

En pratique, ce n’est pas un apport, mais un prêt d’associé. Il figure au passif du bilan comme une dette d’associé. L’AF se méfie beaucoup des apports en CCA, car c’est une source d’évasion fiscale. Fiscalement, c’est plus intéressant pour une société de se financer en prêtant de l’argent à ses associés plutôt que d’augmenter son capital.

Ces comptes courants ne sauraient être débiteurs sous peine de tomber pour l’associé dans le domaine de l’abus de biens sociaux (ABS) ou sous le coup d’une convention interdite.

Rappel de la définition de l’ABS22 : L'abus de biens sociaux est le délit qui réprime le fait pour tout dirigeant de société

commerciale ou civile d'avoir utilisé en connaissance de cause les biens, le crédit, les pouvoirs ou les voix de la société à des fins personnelles directes ou indirectes.

On retrouve l'infraction d’ABS dans le code de commerce, dans les articles L241-3 (4e point)

et L242-6 (3e point), elle incrimine l'infraction, dans le cadre des SARL et des SA, de « faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ».

La peine encourue est de 5 ans de prison et 375 000€ d'amende, éventuellement assortie d'une interdiction temporaire pour le dirigeant condamné d’exercer des fonctions professionnelles ou sociales au sein de la société à titre de mesures de sûreté.

20 Article L.227-13 du Code de commerce 21 Article L.227-15 du Code de commerce 22 Consultez le cours « Risque fiscal »

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6. Le délit de distribution de dividendes fictifs

Dans une SA : si une société est créée, c’est « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter »23. Cette vocation financière se traduit pour l’actionnaire par un droit aux dividendes, c’est-à-dire la quote-part des bénéfices distribués chaque année, un droit aux réserves et enfin un droit au boni de liquidation.

Les dividendes représentent la part de bénéfices que l’AG ordinaire, lors de sa réunion annuelle, décide de distribuer aux actionnaires. 2 conditions sont nécessaires : - l’existence de bénéfices et

- la décision de distribution.

On ne peut distribuer que des bénéfices réalisés et disponibles ! Si ceux de l’exercice sont insuffisants, il est possible de prélever dans les réserves constituées au cours des exercices précédents. A défaut de bénéfices (ou de réserves), les dirigeants se rendent coupables du délit de répartition de dividendes fictifs24.

Définition de la DDF : C’est le fait pour les gérants (cadre d’une SARL) d’opérer entre les associés la répartition de

dividendes fictifs en l’absence d’inventaire et/ou au moyen d’inventaire frauduleux. Les sanctions sont relativement lourdes : 5 ans d’emprisonnement + 375.000€ d’amende,

plus des peines complémentaires peuvent s’appliquer. Les actionnaires sont alors tenus de restituer à la société les dividendes irrégulièrement

distribués, si toutefois il est démontré qu’ils ont pu avoir connaissance du caractère fictif du dividende qui leur a été distribué.

23 Article 1832 du Code civil 24 Article L.242-6 alinéa 1 du Code de commerce

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PARTIE 3 : DANS LES SEL : FAUTE PROFESSIONNELLE, FAUTE DE L’ASSOCIE

A/ Rappel sur les SEL

Les Sociétés d'exercice libéral (SEL) sont un ensemble de formes juridiques françaises créées pour permettre aux membres des professions libérales d’exercer leur activité sous forme de sociétés de capitaux. L’une des conditions fondamentales à la constitution d’une SEL, c’est que la société doit être titulaire des moyens matériels nécessaires à l'exercice de la profession.

L’exercice de la profession se fait par l’intermédiaire des membres (associés) de la SEL. De ce fait, les associés doivent présenter les qualités requises pour exercer la profession objet de la création de la SEL mais également exercer effectivement cette activité. De plus, les associés doivent exercer la même profession, l’interprofessionalité n’étant pas admise.

Exemple : il est interdit d’avoir des associés exerçant des professions différentes.

B/ Le régime de responsabilité La qualité de professionnelle conditionne l’acquisition et la conservation de la qualité

d’associé. Si le professionnel commet une faute dans l’exercice de sa profession susceptible de lui causer une sanction d’interdiction d’exercice de la profession définitive, l’associé concerné peut perdre également sa qualité d’associé. Ses titres seront vendus.

La loi du 31 décembre 1990 instaure un régime original de responsabilité combinant la responsabilité sociale limitée et une responsabilité professionnelle étendue.

La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports (c’est une différence avec la SCP) mais ils sont indéfiniment responsables sur leurs biens propres des actes professionnels qu’ils accomplissent personnellement (article 16 de cette même loi).

Quant à la société, elle est à la fois responsable de ses propres actes, mais aussi solidairement avec eux des actes professionnels de ses associés.

C/ Petit tableau récapitulatif : SELARL SELAFA SELCA SELAS

Capital minimum Aucun 37000 euros 37000 euros Aucun

Nombre d'associés

minimum 1 à 100 3

4 = 3 commanditaires + 1 commandité

1

Associés apporteurs

en industrie Oui possible non non non

Organes de

direction

Obligatoirement associés en exercice au sein de la société

Obligatoirement associés en exercice au sein de la société

Obligatoirement associés en exercice au sein de la société

Obligatoirement associés en exercice au sein de la société

Majorité requises

pour les cession de

parts ou d'actions

3/4 porteurs de parts exerçant au sein de la société

2/3 des actionnaires exerçant au sein de la société ou 2/3 des membres de conseil de surveillance ou du conseil d'administration

2/3 des associés commandités

2/3 des associés exerçant au sein de la société

Responsabilité

professionnelle des

associés pour actes

professionnels

accomplis

Personnelle sur l'ensemble du patrimoine société solidairement responsable avec chaque associé

Personnelle sur l'ensemble du patrimoine société solidairement responsable avec chaque associé

Personnelle sur l'ensemble du patrimoine société solidairement responsable avec chaque associé

Personnelle sur l'ensemble du patrimoine société solidairement responsable avec chaque associé

Responsabilité des

dettes sociales

Limitée à la participation au capital social

Limitée à la participation au capital social

Commandités : indéfinie et solidaire

Limitée à la participation au capital social