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Léon Poliakov,

qui fut expert auprès du tribunalde Nuremberg, s'est spécialisédepuis la guerre dans l'histoire

du IIIe Reich (Le Bréviaire de la Haine)et dans celle de l'antisémitisme

(Histoire de l'antisémitisme,3 vol., 1955-1968, Le Mythe aryen, 1971).

Il a déjà donné à la collection Archivesune étude sur Auschwitz (1964).

@ Julliard, 1971.

La Loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes desalinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les « copiesou reproductions strictement réservées à l'usage privé ducopiste et non destinées à une utilisation collective» et,d'autre part, que les analyses et les courtes citations dansun but d'exemple et d'illustration, « toute représentationou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans leconsentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants

cause, est illicite » (alinéa 1" de l'Article 40).Cette représentation ou reproduction, par quelque pro-

cédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçonsanctionnée par les Articles 425 et suivants du Codepénal.

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Le présent travail est fondé sur la version françaisedu procès-verbal du procès de Nuremberg (Procès desGrands Criminels de Guerre devant le Tribunal Mili-

taire International, texte officiel en langue française,

Nuremberg 1947, 42 vol.). A certains endroits, nous

avons légèrement modifié ou allégé ce texte, afin d'évi-ter les redondances et les redites inévitables lors d'un

discours parlé.

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A la recherche

du droit

Les guerres, ce bon plaisir des rois, s'achevaient jadissur un traité de paix imposé par les vainqueurs auxvaincus, maisil ne venait pas à l'esprit des premiers

de faire par surcroît un procès aux seconds. Il a fallule déchaînement des passions et des propagandes de laPremière Guerre mondiale pour que surgisse l'idée demettre judiciairement en accusation l'empereur Guil-laume II et d'autres« criminels de guerreallemands.

En conséquence, l'article 227 du traité de Versaillesprévoyait la constitution d'un tribunal formé des repré-sentants des puissances victorieuses, à l'effet de jugerl'ex-empereur, accusé d'offense suprême contre la mora-lité internationale et le caractère sacré des traités. Ce

tribunal devait juger avec le souci d'assurer le respectdes obligations solennelles et des engagements interna-tionaux.

Le projet resta lettre morte Guillaume II s'étaitréfugié en novembre 1918 aux Pays-Bas, qui refusèrentde le livrer aux alliés. Visiblement, le gouvernement de

ce pays neutre désapprouvait les intentions des vain-queurs ce faisant, il paraissait vouloir dire que tous lestorts n'étaient pas du côté de l'Allemagne. L'histoirevint d'ailleurs corroborer ce jugement, puisque les spé-cialistes continuent à discuter aujourd'hui sur le degrédes responsabilités respectives dans le déclenchement dela première grande tuerie du XX' siècle.

A la recherche du droit

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des seigneurs

Il en va autrement pour la seconde en ce qui laconcerne le verdict de l'histoire demeure unanime. Faut-

il rappeler que les appétits impérialistes et les intentionsbelliqueuses du III' Reich étaient ouvertement affichés,et ce longtemps à l'avance? Le programme d'une hégé-monie allemande, la conquête, à la pointe d'une épéetriomphante, de vastes territoires, étaient décrits avec

force détails dans Mein Kampf; dès l'avènement desnazis au pouvoir, l'Allemagne avait été transformée enun vaste arsenal et les chaînes du traité de Versailles

étaient devenues un prétexte omnivalent. Ce prétextepermettait de justifier les coups de force, que facilitaient

encore les indécisions et le pacifisme des démocraties.L'agression culminait avec les annexions de l'Autriche

et de la Tchécoslovaquie, suivies par l'invasion contrela Pologne, ce coup d'envoi du second conflit mondial.Au surplus, les guerres déclenchées en vue de l'élar-

.gissement de l'espace vital allemand étaient des guerresd'un genre nouveau et inouï. En effet, l'affirmation dog-

matique de la supériorité de la race germanique justi-fiait tous les excès et toutes les cruautés; tous les moyens

étaient les bienvenus pour briser la résistance de

l'ennemi, et en premier lieu, l'extermination de ses élites

et de ses cadres. Tout étant permis aux « maîtres et

seigneurs », la mainmise progressive sur l'Europe s'ac-compagnait de ce massacre planifié des races dites

inférieures, qui demeure un fait unique dans l'histoireoccidentale. Le génocide des Juifs et des Tziganes, qui

devaient être supprimés de la surface de la terre, fitplus de six millions de victimes; les peuples slaves, des-tinés à être réduits en esclavage, payèrent à la fureur

hitlérienne un tribut sans doute plus lourd encore, quoi-que les statistiques précises fassent défaut, car dansleur cas, l'affaiblissement du potentiel démographiqueétait poursuivi surtout à l'aide de conf uses tueries sur

La guerre v

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lieu et place, qui n'épargnaient, elles aussi, ni les enfantsni les femmes.

Punir

La Pologne, où furent installés les camps de la mort,f ut aussi le premier théâtre des massacres systématiquesdes populations civiles. Dans le camp adverse, l'idée d'unesanction ne tarda pas à prendre corps. Le châtiment de

ces atrocités fut inclus dans les buts de guerre des Alliéspar une première résolution, publiée le 13 janvier 1941à Londres

Parmi les buts de guerre essentiels des Alliés, figurela punition des responsables de ces crimes, qu'ils lesaient ordonnés, commis eux-mêmes ou qu'ils y aient par-ticipé. Les gouvernements signataires sont fermementrésolus à veiller à ce que a) les criminels, de n'importequelle nationalité, soient recherchés, traduits devant un

tribunal et jugés; b) que les jugements soient exécutés'.

Aulendemain de l'attaque contre l'U.R.S.S., Moscoupubliait de son côté des protestations contre les exécu-tions sommaires par les hitlériens de la paisible popu-lation soviétique; en octobre 1942 était créée à Londresla commission interalliée des crimes de guerre, trans-f ormée peu après en Comité des Nations Unies; et, le

30 octobre 1943, les trois grands alliés signaient à Mos-cou l'acte fondamental qui allait conduire à la création

du tribunal de Nuremberg. Le point essentiel de cetacte était la distinction entre la masse des criminels de

guerre, qui devaient être jugés dans les pays dans les-quels ils avaient commis leurs forfaits, et leurs chefs,

les grands criminels, dont les crimes sont sans locali-sation géographique précise, et qui seront jugés parune décision commune des Gouvernements alliés 2.

Il semble bien que Staline, pour sa part, ait envisagéune forme de justice expéditive et sommaire, conformeau précédent des c grandes épurationsde 1934-1938.

A la recherche du droit

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Et le gouvernement anglais, lui aussi, manifestait

quelque réticence devant l'idée d'un procès-fleuve quiremonterait notamment à l'histoire diplomatique del'avant-guerre, et qui ne laisserait rien ou presquerien dans l'ombre 3. Finalement, c'est grâce à la

ténacité du représentant du président Truman, le jugeRobert H. Jackson, que fut adopté, plus de trois moisaprès la capitulation allemande, le statut du tribunalmilitaire international. Ce statut, daté du8 août 1945,

prévoyait trois grands chefs d'accusation

a) Les crimes contre la Paix c'est-à-dire la direc-

tion, la préparation, le déclenchement ou la poursuited'une guerre d'agression, ou d'une guerre de violationdes traités, assurances ou accords internationaux, ou la

participation à un plan concerté ou un complot, pourl'accomplissement de l'un quelconque des actes quiprécèdent;

b) Les crimes de guerre c'est-à-dire les violationsdes lois et coutumes de la guerre. Ces violations com-prennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvaistraitements ou la déportation pour des travaux forcés,ou pour tout autre but, des populations civiles dans lesterritoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traite-ments des prisonniers de guerre, l'exécution des otages,le pillage des biens publics ou privés, la destructionsans motif des villes et des villages ou la dévastationque ne justifient pas les exigences militaires;

c) Les crimes contre l'Humanité c'est-à-dire l'assas-

sinat, l'extermination, la réduction en esclavage, ladéportation et tout autre acte inhumain commis contretoutes populations civiles, avant ou après ou pendantla guerre, ou bien les persécutions pour des motifs poli-tiques, raciaux ou religieux 4.

Tout cela sentait quelque peu l'improvisation, et l'onvoit notamment qu'entre la notion classique des crimesde guerre, et la nouvelle notion des crimes contre l'Hu-manité, la distinction n'était pas bien nette. Quant aupremier chef d'accusation, crimes contre la Paix, il f ut

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par la suite scindé en deux les dirigeants nazis furentaccusés d'une part d'un complot organisé en vue de laconquête du pouvoir absolu, et d'autre part, du déclen-chement des guerres d'agression, crimes contre la Paixà proprement parler.

Les 21 accusés

Mais qui devaient être les justiciables? Hitler s'était

soustrait au jugement par le suicide, Gœbbels, Himmleret (à la veille de l'ouverture du procès) Robert Ley, le

chef du « Front de Travailnazi, avaient fait de même.

Il est remarquable de constater qu'aucun des grands

chefs restés en vie (à l'exception, peut-être, de MartinBormann) n'échappa à la justice des Alliés; les uns seconstituèrent eux-mêmes prisonniers; les autres secachaient trop maladroitement ou f urent dénoncés.Autotal les personnages suivants se retrouvèrent surle banc des accusés

Neuf militants nazis de haut rang Hermann Gœring,

Rudolf Hess, l'ex-remplaçant du Führer, l'idéologueAlfred Rosenberg, Hans Frank, le gouverneur de laPologne, et Seyss-Inquart, celui de l'Autriche, Frick,ministre de l'Intérieur, le propagandiste antisémiteJulius Streicher, le chef des Jeunesses hitlériennes Bal-dur von Schirach, et le commissaire général à la main-d'œuvre Fritz Sauckel.

Quatre chefs militaires les généraux Keitel et Jodl,et les amiraux Donitz et Raeder.

Trois diplomates Joachim von Ribbentrop, Franz

von Papen, Constantin von Neurath.Cinq hauts fonctionnaires ou technocrates le finan-

cier Hjalmar Schacht, le directeur de la ReichsbankWalter Funk, le ministre de l'Armement Albert Speer,

Hans Fritsche, un assistant du Dr. Goebbels et ErnstKaltenbrunner, le dernier chef de toutes les polices duUV Reich.

Martin Bormann était le seul inculpé jugé par contu-

mace. Le cas de Gustav Krupp fut disjoint en rai-

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son de son état d'extrême sénilité, et ce fut finalement

son fils Alfred Krupp qui, au cours d'un autre procès,organisé par la justice américaine, fut jugé à sa place.

D'autre part, en une innovation originale, le tribunaljoignait au cas de ces vingt et un accusés celui de sixgroupements considérés comme criminels le cabinet du

Reich, le « corps des chefs politiques du parti nazi »,le haut commandement des forces armées allemandes,

les deux organisations para-militaires des SS (Schutz-Staffeln) et SA (Sturm-Abteilungen), et la Gestapo.

Sur ce point comme sur bien d'autres,il s'agissaitdonc d'un procès sans précédent. Cependant, un procèséquitable et public était promis aux accusés par le sta-tut. Il importe de citer à ce propos son article 16, quiétablissait les règles de procédure suivantes

Afin d'assurer que les accusés soient jugés avecéquité, la procédure suivante sera adoptée

a) L'acte d'accusation comportera les élémentscomplets spécifiant en détail les charges relevées à l'en-contre des accusés. Une copie de l'acte d'accusationet de tous les documents annexes sera remise à l'accusé.

c) Les interrogatoires préliminaires et le procès desaccusés devront être conduits dans une langue quel'accusé comprend, ou traduits dans cette langue.

d) Les accusés auront le droit d'assurer eux-mêmes

leur défense devant le Tribunal, ou de se faire assister

par un avocat;

e) Les accusés auront le droit d'apporter au coursdu procès, soit personnellement, soit par l'intermédiairede leur avocat, toutes preuves à l'appui de leur défense,et de poser des questions à tous les témoins produitspar l'accusation 5.

Une juridictioncontestée

Mais un procès fait par les vainqueurs aux vaincus,

et un tribunal composé par les représentants des quatre

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grandes puissances victorieuses, pouvait-il assurer une

justice équitable? Les critiques faisaient égalementobserver que les diverses législations nationales,àcommencer par celle de l'Allemagne, contenaient toutesun arsenal de textes convenant parfaitement à la répres-sion des crimes les plus hideux du III' Reich, les mas-sacres des populations civiles ou de prisonniers désar-més pourquoi, dans ces conditions, établir un droitnouveau, dresser des chefs d'accusation inédits, aumépris de la règle universelle pas de peine sans loiantérieure, nulla poena sine lege? Dès la création, en1942, de la commission interalliée des crimes de guerre,

des juristes américains et anglais de renom avaient élevécette objection, que lors de l'ouverture du procès, le19 novembre- 1945, les avocats allemands chargés dela défense réitéraient en ces termes

Les avocats de tous les accusés négligeraient leurdevoir s'ils acceptaient silencieusement l'abandon duDroit international en vigueur et le retrait d'un principeuniversellement reconnu par la jurisprudence criminellemoderne, et étouffaient les scrupules exprimés ouverte-ment aujourd'hui, et cela, même en dehors des fron-

tières de l'Allemagne.

En conséquence, les avocats proposaient d'élaborerd'abord une législation nouvelle

Là où l'accusation vise des faits qui, lorsqu'ils ont

été accomplis, n'étaient pas punissables, le Tribunaldevrait se borner à en faire une mention générale et àconstater ensuite ce qui a été commis la Défense, envéritable auxiliaire du Tribunal, lui apportera sa colla-boration la plus totale. Sous le poids de ces déclarationsdu Tribunal, les Etats de la communauté internationale,d'un commun accord, institueraient alors un droit nou-

veau, selon lequel celui qui, dans l'avenir, se rendraitcoupable du déclenchement d'une guerre injuste seraitmenacé d'un châtiment par le Tribunal international.

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Mais, aux yeux de la défense, le procès paraissait mal

engagé pour une autre raison encore

Les avocats considèrent de leur devoir de mettre en

lumière une autre particularité de ce Procès qui s'écartedes principes communément reconnus par la jurispru-dence pénale moderne les juges ont été exclusivement

désignés par les Etats ayant formé l'un des partis belli-gérants. Celui-ci est tout en un créateur des Statuts du

Tribunal et des règles de droit, procureur et juge. Laconviction juridique commune voulait qu'il n'en fût pasainsi. De même, les Etats-Unis, en tant que championsde l'institution d'une juridiction et d'un arbitrage inter-nationaux, ont toujours réclamé que des neutres, amenéspar des représentants des parties en cause, occupassentle siège des juges 6.

La défense

des juges

Dans son jugement, prononcé près d'un an plus tard,le Tribunal de Nuremberg eut à cour de réfuter la pre-

mière objection de la défense. Il rappelait donc qu'unnouveau droit international, prescrivant les guerresd'agression, ou guerres injustes, avait commencéà pren-dre forme, dans la première moitié du XX' siècle. Enef f et, les conventions de La Haye de 1899 et 1907 stipu-laient le recours à la médiation, lors des conflits inter-

nationaux, et, en cas d'échec, une déclaration de guerreen bonne et due forme; le traité de Versailles avait

ébauché la notion de « criminels de guerre »; et surtout,

le pacte Briand-Kellogg de 1928, signé par l'Allemagne,

bannissait la guerre des relations internationales. Ce

pacte déclarait notamment que le règlement de la solu-tion de tous les différends ou conflits, de quelque natureou de quelque origine qu'ils puissent être, ne devrajamais être recherché que par des moyens pacifiques.

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En conséquence, le Tribunal s'estimait fondé à passeroutre à l'objection

Il faut rappeler que la maxime Nullum crimen sinelege ne limite pas la souveraineté des Etats; elle ne for-mule qu'une règle généralement suivie. Il est faux deprésenter comme injuste le châtiment infligé à ceux qui,au mépris d'engagements et de traités solennels, ont,sans avertissements préalables, assailli un Etat voisin. Enpareille occurrence, l'agresseur sait le caractère odieuxde son action. La conscience du monde, bien loin d'être

offensée s'il est puni, serait choquée s'il ne l'était pas.Vu les postes qu'ils occupaient dans le Gouvernementdu Reich, les accusés connaissaient les traités signés parl'Allemagne, qui proscrivaient le recours à la guerrepour régler les différends internationaux; ils savaientque la guerre d'agression est mise hors la loi par la plu-part des Etats du monde, y compris l'Allemagne elle-même c'est en pleine connaissance de cause qu'ils vio-laient le droit international'

Il restait la seconde objection, celle d'un procès faitpar les vainqueurs au vaincu, que le Tribunal laissaitsans réponse peut-être parce qu'il était en peine d'yrépondre. L'un de ses membres, le juge français Henry

Donnedieu de Vabres, convenait par la suite que cette

critique était pleinement justifiée la composition duTribunal, écrivait-il, était défectueuse, et la créationd'une cour authentiquement internationale aurait éténécessaire 8. Il tombe sous le sens que la participation

de juges de nationalité neutre aurait grandement rehaussél'autorité du verdict. A un quart de siècle de distance,on peut même admettre raisonnablement que toute l'évo-lution des relations internationales aurait été autre, si

les quatre grandes puissances s'étaient de la sorte désis-tées d'une partie, au moins, de leur pouvoir en faveurd'une instance neutre.

Ainsi, si les innombrables crimes du IIP Reich exi-

geaient de nouvelles formes de justice, ce droit-là pa-

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raissait loin d'être le droit idéal. Et cependant, les impro-

visations des Alliés n'étaient, tout compte fait, qu'uneréplique à une autre improvisation, celle d'un droitarbitraire, cette contradiction dans les termes, qui régis-

sait l'Allemagne depuis 1933, conformément au« prin-cipe du chef(Führerprinzip).

Hors

du droit

Ce principe voulait que Adolf Hitler soit l'unique

source du droit, en Allemagne tout lui étant permis,tous les crimes ordonnés par lui devenaient licites. En

conséquence, l'existence d'un droit en soi se trouvait

niée. Dès avant la prise du pouvoir, Alfred Rosenberg,

l'idéologue du national-socialisme, l'avait publiquementproclamé

Pour le national-socialisme, il n'y a pas de droit ensoi. Son but est la force de l'homme allemand. le droit,

la vie sociale, la politique et l'économie doivent êtresubordonnés à ce but-là 9.

En 1933, le plus illustre des juristes allemands, Carl

Schmitt, rallié au régime, exprimait la même idée endes termes plus savants, en écrivant qu'en Allemagne,

un ordre concret avait remplacé l'ordre du droit 10. Rele-vons encore cette remarque désabusée de l'accusé Hans

Frank, un ancien avocat Pour Hitler, tout juriste étaitun élément perturbateur dressé contre son pouvoir n.

Aucours du procès, l'un des accusateurs américains,

Frank B. Wallis, décrivait le fonctionnement du

Führerprinzip en ces termes

Le principe du chef entraîne deux conceptions poli-tiques importantes

1. Le principe d'autorité;2. Le principe totalitaire.Le principe d'autorité implique ce qui suit Toute

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l'autorité est concentrée au sommet et remise entre les

mains d'une seule personne, le Führer. Cela signifie, enoutre, que le Führer est infaillible comme il est tout

puissant. Le manuel du parti déclare « Commande-ments du national-socialiste le Führer a toujours rai-son.II n'y a aucune limite légale ou politique àl'autorité du Führer. De plus, dans la sphère de compé-tence qui lui est impartie, chaque personne désignée parle Führer exerce son pouvoir d'une façon égalementillimitée, subordonnée seulement aux ordres de ses supé-rieurs.

Le principe totalitaire entraîne les conséquences sui-vantes l'autorité du Führer, des personnes qu'il désigne,et par leur intermédiaire, de l'ensemble du Parti, s'étendà toutes les sphères de la vie publique et privée le Partidomine l'Etat; le Parti domine l'Armée; le Parti domine

tous les individus dans l'Etat; le Parti élimine toutes les

institutions, les groupes et les individus qui se refusentà accepter la direction de leur Führer 12.

La signification et la portée du Führerprinzip, cettepierre angulaire du système nazi, ne cessait de revenir

sur la scène, au cours du procès. Citons à ce propos ses

deux grandes figures de proue, Hermann Gœring, et leprocureur Robert Jackson

Sur ce point comme sur d'autres, Gœring refusait debrûler ce qu'il avait adoré

J'étais partisan de ce principe et je le suis encore posi-tivement en toute conscience. On ne doit pas faire

l'erreur d'oublier que la structure politique dans lesdifférents pays a des origines différentes et se modifiede différentes manières. Ce qui convient parfaitementà un pays peut échouer complètement dans un autre.L'Allemagne, au cours de longs siècles de régime monar-chique, a toujours connu ce principe du chef. Le régimedémocratique apparut en Allemagne à une époque oùelle était en mauvaise posture et se trouvait au fond del'abîme. L'autorité était aux mains de la masse et la

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responsabilité aux mains du chef, contrairement à la

normale. Je suis encore d'avis que le salut de l'Allema-gne, particulièrement à ce moment-là de son déclin,alors qu'il était nécessaire que toutes ses forces fussentefficacement groupées, résidait dans le principe du chef;c'est-à-dire l'autorité, s'exerçant de haut en bas et laresponsabilité assumée depuis le bas jusqu'en haut. Jecomprends parfaitement que, là encore, un principe par-faitement sain en lui-même puisse conduire à des excès.

Et Gœring de conclure que le principe devait avoirdu bon, puisqu'il se trouvait également appliqué enRussie Je pense pouvoir dire aussi que la Russie n'au-rait pas pu, sans le principe du chef, survivre à lapénible épreuve qui lui a été imposée par cette guerre 13.

Il va de soi qu'aux yeux du principal accusateur deGœring, ce principe était abominable

M. Justice Robert Jackson L'Allemagne était divi-sée en petites principautés nazies; chacune avait seschefs du Parti reconnus, sa police du Parti et ses espionssecrets. Elles furent organisées en unités plus impor-tantes avec des chefs de grade supérieur, le tout formantla pyramide d'un pouvoir illégal, dont le Führer occu-pait le sommet et dont la base était constituée par lesfonctionnaires du Parti. Le despotisme nazi n'était passeulement représenté en la personne de ces accusés. Ily avait un millier de petits Führer qui commandaient,un millier d'imitateurs de Gcering qui se pavanaient,mille Schirach excitant la jeunesse, mille Sauckel faisanttravailler les esclaves, mille Streicher et Rosenberg atti-sant la haine, mille Kaltenbrunner torturant et massa-

crant tandis que mille Schacht, Speer et Funk admi-nistraient, appuyaient et finançaient ce mouvement. 14.

Mais nous voici déjà, de la sorte, en pleine salle d'au-dience. Avant de continuer, il importe de donner uneidée de l'organisation matérielle et de l'ambiance duprocès-fleuve de Nuremberg.

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Le théâtre

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Nuremberg, la ville médiévale des Maîtres chanteurs

wagnériens, située juste au centre de l'ancien Saint Em-

pire germanique, avait été symboliquement choisie parHitler pour y tenir les congrès annuels du parti nazi.C'est là que se réunissaient à partir de 1933 les fidèlespour y parader au pas de l'oie, c'est là que les haranguaitle chef bien-aimé et qu'aux cris de « Heil », il exaltaitleurs passions jusqu'à la frénésie. En 1945, le choix deNuremberg en qualité de siège du Tribunal des grands

criminels- de guerre paraissait être un anti-symbole pré-médité. En réalité, il n'en était rien simplement, lesAméricains, organisateurs matériels du procès, avaientconstaté que le grand palais de justice était demeuréintact, qu'il en était de même de la prison, et que Nu-remberg of frait quelques autres facilités, notammentun grand hôtel qui restait debout, parmi les ruines; carpour le reste, les bombardements alliés ne l'avaient pasépargnée, et la majeure partie de la ville n'était qu'untas de décombres. Ainsi, tout le procès gravitait autourde deux grandes bâtisses, dont l'une, le palais de justice,

faisait of fice de scène, tandis que l'autre, l'hôtel, figu-rait les coulisses, où.se succédaient les délégations étran-

gères, et où, au fil des semaines, les Soviétiques commen-çaient à fraterniser avec les Occidentaux.

Les accusés, de leur côté, s'étaient rapidement soudés

en un groupe cohérent, dont Gœring était devenu le

I

Nuremberg

Des accusés

consentants

Nuremberg

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