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Extrait de la publication

Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · A vant-propos Laurent Lapierre, titulaire1 2 Chaire de leadership Pierre-Péladeau Emmanuel Raufflet, professeur agrégé HEC Montréal

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Responsabilité

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Presses internationalesP o l y t e c h n i q u e

Sous la direction de

EmmanuelRauffletPierre Batellier

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Responsabilité sociale de l’entreprise ‒ Enjeux de gestion et cas pédagogiquesSous la direction de Emmanuel Raufflet et Pierre Batellier

Révision : Denise Boudreau Couverture : Cyclone Design

Pour connaître nos distributeurs et nos points de vente, veuillez consulter notre site Web à l’adresse suivante : www.polymtl.ca/pub

Courrier électronique des Presses internationales Polytechnique :[email protected]

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Tous droits réservés © Presses internationales Polytechnique, 2008

Réimpression, automne 2009

On ne peut reproduire ni diffuser aucune partie du présent ouvrage, sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite de l’éditeur.

Dépôt légal : 3e trimestre 2008 ISBN 978-2-553-01425-3 (version imprimée) Bibliothèque et Archives nationales du Québec ISBN 978-2-553-01636-3 (version pdf) Bibliothèque et Archives Canada Imprimé au Canada

Cet ouvrage a été imprimé sur du papier et du carton recyclés.

Copyright.indd 2 2012-04-23 09:39:08

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Avant-propos

Laurent Lapierre, titulaire1 2

Chaire de leadership Pierre-PéladeauEmmanuel Raufflet, professeur agrégéHEC Montréal

ENSEIGNER LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DE L’ENTREPRISE PAR LA MÉTHODE DES CAS

ENSEIGNER LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DE L’ENTREPRISE (RSE) : QUELQUES DÉFISEnseigner la RSE dans des contextes universitaires, d’écoles de gestion et de formation professionnelle présente plusieurs défis. Le premier a trait à la nécessité de penser au-delà de chacune des fonctions de l’entreprise et de penser la responsabilité de l’entreprise dans son ensemble. Or souvent, l’enseignement en gestion est divisé à partir des limites fonctionnelles d’une part et de disciplines académiques aux fondements théoriques différents d’autre part. Le deuxième est lié à la nécessité de former à penser et agir à plusieurs niveaux d’action. Les questions de responsabilité d’entreprise traversent les niveaux individuels – celui des gestionnaires et des leaders – pour aller dans les processus internes des entreprises vers les interactions entre les entreprises et leurs milieux locaux, nationaux et internationaux. Le troisième défi est pédagogique. Certains étudiants peuvent considérer les enjeux de responsabilité d’entreprise comme fuyants et vagues. Après tout, ces enjeux semblent moins concrets, moins immédiats et moins

1 L’auteur remercie Bernard Chassé, Ph. D., chercheur et post-doctorant à la Chaire de leadership Pierre-Péladeau, pour sa contribution et ses suggestions.

2 Laurent Lapierre est le fondateur du Centre de cas HEC Montréal et en a été le premier direc-teur. www.hec.ca/pages/laurent.lapierre.

3 Une version différente et beaucoup plus brève a été publiée sous le titre : « The Case for Non-Teaching », in Klein, H. E. (ed.), Interactive Teaching and Learning Across Disciplines and Cultures, WACRA, Boston, 2001, 153-157.

4 Cet article a été publié dans Gestion, revue internationale de gestion, vol. 31, printemps 2006, n° 1, p. 10-13.

5 Cet avant-propos est adapté de « Enseigner le leadership » de Laurent Lapierre, tant nous sont apparus semblables les défis de l’enseignement du leadership et ceux de la responsabilité sociale de l’entreprise par la méthode des cas tel que proposé dans cet ouvrage.

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IV Avant-propos

mesurables à l’aune des profits financiers à court terme de l’entreprise et des décisions plus opérationnelles. Le risque est donc de reléguer ces enjeux au second plan, de les évacuer ou, tout simplement, de les ignorer. L’enjeu pédagogique est donc de rendre palpables et concrets des enjeux a priori complexes et fuyants. Plus particulièrement, le défi est de mettre à jour des liens souvent peu apparents entre ce qui est le centre d’intérêt habituel de l’enseignement de la gestion – le gestionnaire, la prise de décision, les techniques, les logiques d’affaires et l’entreprise – et des questions moins proches de ce centre d’intérêt classique.

Le point de départ de cet ouvrage est que l’enseignement par la méthode des cas a le potentiel de faire face à ces défis, et ce, pour trois caractéristiques de cette méthode. D’abord, elle permet aux étudiants de se mettre en situation « quasi-réelle » – au-delà des silos fonctionnels et des barrières théoriques qui fractionnent les réalités de l’entreprise, face à des enjeux parfois compliqués et complexes. Les solutions préformatées ne fonctionnent pas dans de tels contextes. Ensuite, former à la prise de décision et à la formation du jugement. Nombre de cas n’ont pas de solution « parfaite » en tant que telle. Aussi, l’objectif de cet ouvrage est de contribuer à for-mer les étudiants au jugement, défini ici comme synthèse de données et d’analyse ancrées dans un contexte donné. La formation au jugement est sensiblement différente de la formation à la décision, souvent réduite au choix entre deux possibilités. Cette formation à la décision, de plus, a tendance à omettre les effets secondaires de ce choix et ne prendre que marginalement en compte le contexte dans lequel ce choix est effectué.

Le dictionnaire Robert définit le jugement de la façon suivante : « Faculté de l’esprit permettant de bien juger de choses qui ne font pas l’objet d’une connaissance immédiate certaine, ni d’une démonstration rigoureuse. » Cette définition nous semble s’appliquer tout à fait à une réflexion et à une formation sur la responsabilité sociale de l’entreprise.

Peut-on enseigner la responsabilité sociale de l’entreprise ? Si l’on prend l’expression « enseigner la responsabilité d’entreprise » dans le sens de transmettre des connaissances, on peut penser que la responsabilité d’entreprise ne s’enseigne pas. Avoir des connaissances sur le sujet ne suffit pas à ce qu’une personne prenne des décisions et agisse avec un sens de la responsabilité de ses actes. Avoir « la tête bien pleine », pour reprendre l’expression de Montaigne, ne garantit pas qu’on saura s’y prendre pour atteindre des objectifs nouveaux, parfois audacieux, en impliquant toute une collectivité ou une société. Il faut avoir « la tête bien faite ». Aussi, enseigner la RSE consiste probablement davantage à « former », c’est-à-dire, susciter, sensibiliser, former au jugement, plutôt qu’à « qu’enseigner » défini comme la transmission d’outils, de connaissances, de théories ou d’approches.

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Avant-propos V

LA MÉTHODE DES CAS COMME PÉDAGOGIEOn peut apprendre et développer son potentiel. On peut le faire toute sa vie et toutes les occasions sont bonnes : les programmes de formation, des rencontres significatives, des expériences, des lectures, des œuvres de fiction, etc. En fait, toutes ces occasions offrent des possibilités d’apprentissage aux personnes disposées à les saisir. Pour croître comme personne responsable et comme leader, on peut faire flèche de tout bois. Dans des programmes ou en y ayant recours soi-même, la méthode des cas est particulièrement riche sous ce rapport.

Pratiquer la méthode des cas, c’est faire de la formation. Tout comme faire la formation d’un artiste interprète, c’est l’accompagner dans une démarche rigoureuse, disciplinée, sensible, qui, au-delà de la maîtrise de techniques essentielles à la pratique, reste toujours collée à l’apprentissage visé et à la personne « apprenante ». On veut amener l’« élève » à découvrir par lui-même sa propre façon de « voir », de « lire », d’« entendre », de « sentir », d’« interpréter », de « dire », de « faire », de « jouer » ou simplement d’« être », la seule façon qui lui soit proprement authentique.

LA RESPONSABILITÉ D’ENTREPRISE COMME PRAXIS

Apprendre la responsabilité d’entreprise est une praxis qui s’apprend en grande partie à l’épreuve de l’expérience, celle des autres d’abord, la sienne ensuite. Cet apprentissage se fait par l’action que l’on enrichit d’une réflexion simultanée ou a posteriori, et qui permet, à force de travail répété, de mieux l’intégrer et d’en arriver à une action toute personnelle. Bien souvent les leaders s’intéressent à la pratique des autres leaders, pour se nourrir, mais aussi pour se découvrir. Ce n’est pas par hasard qu’ils ont une grande propension à lire des biographies ou des autobiographies.

La méthode des cas dont il est question ici est une approche inductive des apprentissages, basée idéalement sur l’expérience concrète et directe ou, à défaut, sur un matériel empirique et expérientiel : des situations, des simulations, des « cas » et des mini-cas de discussion. Le postulat de base est double : on apprend en faisant soi-même et en observant l’action des autres. En fait, tout apprentissage commence inévitablement par l’observation de situations, de pratiques et d’actions. Il peut y avoir des documents pédagogiques d’accompagnement (logiciels, diaporamas, textes de réflexion ou théoriques) dont on prend connaissance avant ou après la séance. La prépondérance de l’apprentissage est accordée à la pratique elle-même, à l’étude du phénomène, cas par cas, où l’on examine l’intelligence de l’action de ceux et celles qui y réussissent (ou qui échouent), en se faisant un devoir d’examiner ce qui se passe en réalité, dans la vraie vie,

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VI Avant-propos

afin d’en tirer des apprentissages que l’apprenant pourra mettre à profit dans ses propres pratiques6.

Trouver sa voie ou sa façon d’être et d’agir n’est pas simple. C’est précisément cette complexité qui a amené l’introduction de la méthode des cas, non seulement dans les écoles de gestion, mais aussi dans plusieurs écoles de formation professionnelle, qu’elles soient universitaires ou non (droit, médecine, soins infirmiers, génie, architecture, écriture et études littéraires, mécanique automobile, etc.).

L’une des difficultés de cette méthode d’apprentissage à s’imposer, voire à être reconnue dans les universités, réside dans la confusion qui existe entre « transmettre des informations ou des connaissances » et « diriger un apprentissage de façon systématique ». Cette confusion est réelle, entre-tenue inutilement par des débats idéologiques, parce que, par expérience, nous savons tous, professeurs et étudiants, que les connaissances sont de l’apprentissage virtuel et que l’apprentissage ne se fait pas sans connaissances acquises de façon précise, explicitement ou implicitement.

LA MÉTHODE DES CAS ET LE FORMATEURLa méthode des cas est difficile, elle demande d’avoir une conviction solide et des dispositions particulières. Elle exige un travail de préparation considérable de la part du professeur et des étudiants, et suppose que le professeur et les étudiants soient à l’aise avec l’idée même d’apprentissage et avec le fait qu’ils ne sont qu’indirectement en contrôle du processus. L’expérience personnelle de la méthode comme étudiant aide évidemment à en voir les bénéfices. L’apprentissage par la méthode des cas ne donne pas l’impression (ou l’illusion) d’une démarche d’apprentissage finie comme celle que l’on peut éprouver après un cours magistral, au contraire. Elle implique un processus ouvert, qui se redéfinit sans cesse à chaque séance et s’inscrit dans le long terme.

LE TEMPS D’APPRENTISSAGEApprendre par la méthode des cas ne se fait pas sans qu’il y ait interaction des personnes, dans et avec le temps. Qu’est-ce qu’un développement « durable » pour un individu ou pour une organisation ? Prendre du temps

6 Laurent Lapierre a produit quelques centaines d’histoires de cas qui sont utilisées dans divers programmes pour former au leadership. Cette liste de cas est accessible à www.hec.ca/pages/laurent.lapierre. Tous ces cas sont déposés au Centre de cas et la plupart sont directement accessibles en ligne à l’adresse suivante : www.hec.ca/centredecas. Il suffit de s’inscrire à l’adresse du catalogue pour pouvoir télécharger gratuitement les cas : www.hec.ca/centredecas/catalogue.

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Avant-propos VII

avec les personnes, c’est la seule façon d’en arriver à des changements et à des résultats durables, pour l’apprenant en responsabilité sociale, comme pour une organisation.

Le temps reste mystère, un mystère qui nous précède et nous enveloppe. La façon dont nous aménageons le temps est déterminante de nos apprentissages. Prendre le temps de penser et d’apprendre apparaît important, aujourd’hui ou demain, et nécessite qu’on ait un certain contrôle sur le temps, pour avoir justement du temps à soi et pour les autres. Ce n’est pas facile, car le temps de la réflexion et le temps de l’action entrent en concurrence. Apprendre à respecter ses horloges internes et à se redéfinir dans son rapport au temps demande du courage.

LE « NATUREL INNÉ » ET LE « NATUREL ACQUIS »On peut affirmer qu’il y a probablement des professeurs et des étudiants qui ne sont pas « naturellement » faits pour la méthode des cas. La démarche scolaire traditionnelle repose souvent sur la transmission de concepts, de théories et d’outils entre un formateur et un public. Elle convient très bien à ces professeurs, vraisemblablement parce qu’elle leur a convenu comme élève et comme étudiant en premier lieu. Nous avons souvent constaté que ces personnes ont elles-mêmes de la difficulté à connaître et à apprendre par l’action. Partant de là, elles ne peuvent évidemment pas valoriser suffisamment ce type d’acquisition de connaissances et cette voie vers l’apprentissage pour y consacrer toute l’énergie, le temps et les efforts requis. Les façons d’apprendre varient d’une personne à l’autre et la méthode des cas, qui est un substitut de la pratique et de l’expérience directe, ne peut pas être une panacée, même pour un « croyant » et un « pratiquant ».

On peut cependant affirmer que lorsqu’on croit vraiment en la puissance de cette approche pédagogique, même si l’on en connaît les insuffisances, les limites, on sait faire confiance à l’apprenant, non seulement dans un apprentissage spécifique, mais aussi dans son « apprentissage de l’apprentissage ». On sait faire confiance à ce processus d’apprentissage par l’action ou par la réflexion sur l’action et l’on s’en remet à la richesse d’une démarche inductive.

Cette conviction change le rôle du professeur de façon considérable. C’est précisément cela qui est profondément insécurisant. Appliquer la méthode des cas implique de résister au besoin « naturel et légitime » du professeur d’enseigner et surtout à la propension à « professer », qui est intériorisée tout au long de l’éducation reçue, et à vouloir impressionner comme professeur.

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VIII Avant-propos

Être professeur, c’est détenir une position de pouvoir extraordinaire, qui peut séduire professeur et étudiant. S’effacer comme professeur, renoncer à faire impression n’est pas facile pour une personne qui a de la facilité à réussir et à briller, surtout lorsqu’il est question de leadership. Chez les Grecs, le « pédagogue » était celui qui conduisait l’élève au maître, non celui qui enseignait.

La méthode des cas suppose la possibilité de pouvoir compter, pour un cours particulier, sur un ensemble de cas variées et pertinents. Ceux-ci doivent permettre de couvrir les principaux aspects des apprentissages visés (pour chacune des problématiques abordées lors des séances), être en mesure d’informer sur le domaine et le secteur d’activité, être intéressants sur le plan de la démarche pédagogique, c’est-à-dire constituer des documents susceptibles de susciter l’intérêt lors de la lecture et de produire une dynamique d’apprentissage d’une durée suffisante, sans compter qu’ils doivent être à jour et d’actualité. Le professeur doit aussi pouvoir compter sur une collection de textes qui contiennent des informations, des réflexions, des modèles ou des théories utiles aux apprentissages, de façon à ce que l’apprenant puisse assumer la responsabilité de les acquérir par lui-même. Il ne s’agit surtout pas de plaquer un discours théorique, abstrait, sur une réalité.

La préparation du professeur, immédiatement avant la séance d’apprentis-sage, est capitale. Il lui faut bien maîtriser le contenu du cas (les habiletés pédagogiques sont au service d’un apprentissage à acquérir), sinon il risque de perdre rapidement toute crédibilité. Il doit établir une démarche pédagogique précise, qu’il rendra explicite dans les notes pédagogiques du cas, se familiariser avec les outils didactiques disponibles ou qu’il juge nécessaire à son enseignement (tableau, diapositives, sites Internet, etc.), décider de contributions d’étudiants qui pourraient être recherchées (une ouverture de discussion, une opinion individuelle, une opinion d’équipe, etc.), rester disponible à ce qui arrive pour tirer profit des hasards heureux7, et savoir conclure et fermer la discussion8 pour créer l’impression agréable d’avoir bouclé la boucle d’un apprentissage ou d’une ouverture vers un apprentissage.

La préparation antérieure, plus lointaine, du professeur est aussi cruciale. Elle suppose une réflexion en profondeur sur son rôle nouveau. Abandonner l’idée même d’enseigner, apprendre à faire confiance au désir d’apprendre des étudiants, à faire confiance au processus d’apprentissage par l’action

7 « Le hasard est le fidèle pourvoyeur de ceux et celles qui sont attentifs à ce qui arrive », aphorisme souvent utilisé par Pierre Laurin, ex-directeur de HEC Montréal, dans le cadre de ses cours de leadership au MBA).

8 « La fin couronne l’œuvre », disaient les Latins. Finis coronat opum.

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Avant-propos IX

ou par des substituts de l’action, à faire confiance à son matériel, apprendre à écouter (les questionnements, les découvertes, les émerveillements, les silences, l’intérêt, l’ennui), apprendre à laisser parler, à faire parler, prendre le temps de laisser le groupe réfléchir et « s’écouter penser » comme groupe, développer des habiletés pédagogiques d’animation de façon à gagner de l’aisance et à acquérir un sentiment de compétence et accepter que ça prenne du temps, sont quelques-uns des apprentissages nécessaires à l’utilisation de la méthode des cas. Ce peut être l’histoire d’une vie.

S’il n’y a pas de préparation sérieuse et rigoureuse de la part du professeur et des étudiants, la méthode des cas est vouée à l’échec. Lorsqu’on participe à une séance de formation donnée par la méthode des cas, on ne vient pas en classe pour prendre des notes. Cela comporte un côté insécurisant pour l’étudiant qui a été habitué à cette façon de « suivre un cours », la tête plongée dans son cahier ou sur le clavier de son ordinateur. Contrairement à ce qu’on leur a toujours dit aux niveaux primaire, secondaire, collégial et même dans d’autres cours universitaires, on prend les notes surtout avant et après le cours. On participe à une session d’apprentissage (une sorte de happening, de moment de découverte). Le professeur doit organiser la période : orchestrer les temps, les transitions, savoir utiliser à bon escient les technologies, la logistique, etc. C. Rolland Christensen9 disait que le professeur qui travaille avec les cas reste le régisseur, même l’appariteur qui s’occupe des aspects concrets du déroulement de la séance et du confort des participants.

L’utilisation d’outils pédagogiques comme le tableau, les diapositives, les présentations PowerPoint et les sites Internet n’est pas une fin en soi. Elle doit se faire en souplesse, sans causer de rupture dans le processus ou créer de malaise. Le professeur doit savoir composer avec le paradoxe de la préparation et de l’improvisation, et bien doser la participation et les interventions. Une séance est une montée vers un ou des apprentissages qu’il faut savoir bâtir et mener. Établir les liens avec les séances passées et les séances à venir, délimiter les espaces d’apprentissage qui restent non couverts demeurent l’une des véritables habiletés de synthèse que les étudiants acquièrent par l’exemple du professeur.

Quand on ne croit pas vraiment à la méthode des cas, il y a bien des façons de se donner raison… Il y a d’abord cette attitude qui consiste à trouver la méthode des cas « facile »… et à ne pas faire ce qu’il faut pour que ça réussisse, et celle à l’inverse qui consiste à la trouver « trop difficile »

9 « Apprendre peut devenir très amusant – C. Rolland Christensen et la méthode des cas », Centre de cas, HEC Montréal, 9 99 1995 001, 21 pages, version anglaise : « Learning Can be Fun. C. Rolland Christensen and The Case Method » in Klein, H. E. (ed.) Interactive Teaching & Emerging Technologies, WACRA, Boston, 1996, p. 219-231.

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X Avant-propos

et à ne même pas essayer de l’apprendre. Ne pas bien maîtriser les habiletés à acquérir parce qu’on n’en soupçonne pas la complexité, ne pas se donner des situations et un matériel d’apprentissage riches, ne pas savoir se préparer mentalement et concrètement à une démarche d’apprentissage, ne pas accorder d’importance à la forme du matériel qui est indissociable du contenu, ne pas savoir créer et entretenir l’intérêt, ne pas tenir compte des différences individuelles et des degrés différents de maturité et de motivation des apprenants, ne pas respecter le désir de certains de ne pas apprendre, etc. représentent autant de pièges qui guettent le formateur qui veut travailler avec les cas. L’apprentissage réel et patient de la méthode des cas consiste à se préparer mentalement, à s’informer auprès de collègues (aller les voir enseigner), à développer ses compétences, à oser et oser encore pour trouver des façons de faire, des trucs du métier, à produire ou rechercher un matériel pédagogique adéquat, etc.

Notons que l’utilisation de la méthode des cas n’exclut pas que l’enseignant puisse donner ponctuellement un cours magistral dans lequel il pourra communiquer des connaissances techniques ou théoriques pertinentes à certaines situations d’apprentissage de l’action.

LA MÉTHODE DES CAS ET L’« APPRENANT »Certains étudiants ont connu beaucoup de succès à l’école en étant exposés à une pédagogie traditionnelle. C’est heureux, mais cette même « réussite scolaire » peut parfois devenir un empêchement à apprendre par l’action. S’ils ont été gratifiés pour cette « facilité scolaire », ils ne seront pas enclins à valoriser l’apprentissage par l’action. Il nous est même arrivé de rencontrer des étudiants qui n’avaient pas idée de ce qu’était un véritable apprentissage et qui avaient l’impression que l’apprentissage était une perte de temps, ou une activité qui n’était pas de niveau universitaire.

Nous avons constaté des différences notables dans les façons d’apprendre entre les étudiants de culture anglo-saxonne, à l’aise avec une démarche d’apprentissage inductive à partir d’un matériel empirique, et des étudiants de culture germanique et latine, beaucoup plus à l’aise avec une démarche d’apprentissage déductive, utilisant des concepts, des modèles, des théories et des processus qu’on applique par la suite. De plus, nous avons même constaté que, peu importe le contexte culturel d’origine des étudiants, si une session d’apprentissage par voie inductive, expérientielle et misant sur un matériel empirique riche est menée de façon compétente, on découvre très rapidement le même talent naturel d’apprendre par soi-même, quels que soient l’éducation, la culture ou le sexe. Quand on gratte un peu le vernis culturel, rapidement apparaît la nature humaine universelle, avec sa propension spontanée à apprendre. Dommage que l’école brime chez certains cet élan naturel.

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Avant-propos XI

La méthode des cas suppose que les étudiants ou les participants soient bien préparés. C’est la responsabilité première du formateur de les intéresser à investir dans l’apprentissage visé en misant sur leur tendance naturelle. Quand le matériel proposé est riche et pertinent, quand les lectures proposées sont stimulantes et éclairantes, quand la démarche d’apprentissage en classe est conduite de façon à susciter l’intérêt et la découverte, les étudiants vont se l’approprier et développer des aptitudes d’auto-apprentissage, que nous appelons « apprendre à apprendre ».

POUR PRÉSENTER CET OUVRAGEPour que la méthode des cas donne les résultats escomptés, il est nécessaire que le professeur qui l’utilise y croie vraiment, c’est-à-dire qu’il soit prêt à faire ce qu’il faut pour que les conditions suffisantes soient remplies. Mettre l’apprenant au cœur de sa démarche d’apprentissage, lui fournir un matériel empirique riche, des textes et des documents d’accompagnement qui lui permettent d’avoir accès rapidement aux informations et aux connaissances utiles préalables ou sous-jacentes à cet apprentissage, créer un climat d’apprentissage qui donne envie de s’y abandonner en toute confiance en ayant l’assurance que le temps pris n’est pas du temps perdu, mais qu’il s’agit d’une démarche d’apprentissage inductive, qui est longue et lente, certes, mais qui donne des résultats.

Il y a une intelligence compréhensive, cette partie de l’intelligence naturelle qui est à la base du jugement de gestion, que l’intelligence artificielle ne pourra jamais remplacer et que la méthode des cas permet de découvrir, de développer et de nourrir.

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Introduction

Les questions de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) se sont imposées au cours des dernières années dans les arènes économiques, sociales et poli-tiques, sur le plan local, national et international. Répondant à cet intérêt croissant, nombre de cours de RSE ont été créés dans les programmes de gestion dans l’ensemble des pays francophones.

Cet ouvrage pédagogique – le premier en langue française spécialement conçu à des fins pédagogiques autour de la RSE – vise à familiariser les étu - diants avec les débats et les notions-clés liées à la RSE, ainsi qu’à les former à évaluer décisions, pratiques et plans d’action à différents niveaux d’analyse. Il complète et illustre des discussions en classe et l’étude de textes à teneur plus théorique.

Le premier public de cet ouvrage est composé des professeurs et étudiants des cours de RSE, des cours proches du Business and Society nord-américain ou du Business in Society européen et des cours de gestion et développement durable dans les établissements universitaires francophones de premier et de deuxième cycles (baccalauréat nord-américain – licence, DESS, maîtrise et MBA). Ces cas peuvent également servir de matériel pédagogique dans différents cours de gestion traditionnels pour y aborder la RSE. Un public complémentaire est constitué de formateurs, de consultants et de cadres en entreprise.

APPROCHES DE L’OUVRAGE L’ensemble des cas présentés sont récents, en contexte réel ou basés sur des situations réelles. Ils s’appuient sur des recherches approfondies et certains d’entre eux ont reçus récompenses et prix internationaux. Ces cas ont été testés en classe et améliorés grâce à cette expérience.

Des cas variésDes cas couvrant quatre continents (Europe, Asie, Afrique et Amériques), des situations dans des pays développés et dans des pays en développe-ment ainsi que des questions internationales qui dépassent les frontières nationales.

Extrait de la publication

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XIV Introduction

Des contextes multiplesDes cas dans différents secteurs d’activités, différents contextes internes (grandes entreprises, PME, association professionnelle, etc.) et avec une diversité des parties prenantes impliquées.

Différents angles d’analyse de la RSERegards historiques sur la RSE.•RSE et processus internes de gestion de l’entreprise : décisions, structures, •processus, culture d’entreprise, etc. La RSE comme interaction de l’entreprise avec la société et relations •avec ses parties prenantes.Nouvelles approches d’affaires autour de la RSE : entrepreneuriat social, •micro-crédit, investissement socialement responsable, commerce équi-table, codes de conduite, innovations sociales, etc.

Une diversité de formats de cas pédagogiquesL’ouvrage contient des cas élaborés, dont certains décisionnels et d’autres analytiques, qui permettent des discussions approfondies de concepts et notions de RSE. Ceux-ci requièrent une préparation préalable des étudiants.

Des mini-cas (une à deux pages) permettent, quant à eux, d’ouvrir des débats directement en classe; leur longueur offre une lecture rapide par les étudiants, ils présentent souvent des dilemmes basés sur des situations réelles et invitent les participants à prendre position et à la justifier en mobilisant des concepts liés à la RSE.

UN SOUTIEN PÉDAGOGIQUE POUR UTILISER LES CASUn site Web à accès restreint aux professeurs, enseignants et formateurs propose les notes pédagogiques : www.polymtl.ca/pub

Nous souhaitons que ce matériel pédagogique contribue à enrichir la for - mation des étudiants en matière de responsabilité d’entreprise et qu’il favorise les échanges entre formateurs-enseignants autour des meilleurs outils pédagogiques pour enseigner les notions de RSE.

Extrait de la publication

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Table des matières

Avant-propos........................................................................................ IIIIntroduction ......................................................................................XIIIIndex des auteurs .................................................................................XVRésumés des cas ................................................................................XXIII

Partie IRegards historiques sur la responsabilité sociale de l’entreprise ................. 1

1. Arthur W. Page et AT&T, relations publiques et responsabilité sociale au début du vingtième siècle ....................... 32. L’entreprise San Rafael, paternalisme et modernité ......................... 153. La publicité destinée aux enfants ................................................... 23

Partie IIResponsabilité sociale et processus internes de gestion de l’entreprise .......43

4. Seventh Generation et Wal-Mart.................................................... 455. Degussa AG et le Mémorial de l’Holocauste ................................... 696. Danone Pologne, des aliments « santé » abordables pour les familles à faible revenu ..................................................... 897. Deux enjeux de l’industrie pharmaceutique ................................. 1038. L’entreprise Jérôme face au défi de la relève, la mise en œuvre d’une GRH responsable .............................................................. 1079. Le salaire des cadres supérieurs ................................................... 11510. Le plafond de verre ..................................................................... 11711. Discrimination positive et égalité des chances, la politique d’embauche de Génie Conseil ..................................................... 11912. Les Autochtones à la Provincial Corporation ................................ 12113. Les conditions de travail sur la chaîne de production d’un constructeur automobile ...................................................... 12314. Les droits des animaux et expériences scientifiques ...................... 127

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XXII Table des matières

Partie IIIL’entreprise dans son contexte : la responsabilité socialede l’entreprise comme interaction avec ses parties prenantes ................. 129

15. Le parfum du pouvoir, Yves Rocher à La Gacilly ......................... 13116. Barimel ....................................................................................... 14117. Des sans-abri au terminus d’autobus de Maville ........................... 14518. Fiscalité à l’italienne .................................................................... 14719. Geocan et ses intermédiaires ....................................................... 14920. Remettre en question les pots-de-vin institutionnalisés .................. 15121. Agrista International .................................................................... 15322. Le travail des enfants en Asie du Sud .......................................... 15523. L’entreprise forestière Barama au Guyana .................................... 15724. Royal Dutch Shell dans le delta du Niger ..................................... 15925. Talisman au Soudan .................................................................... 161

Partie IV Vers de nouvelles approches d’affaires ............................................... 163

26. Jouets Plus inc., maître du jeu d’apprendre .................................. 16527. WebTel et la certification SA8000 ................................................ 17728. Partenariat entreprise-ONG, le cas de la grande distribution alimentaire .................................................................................. 18929. Dilemme à Oslo, comment gérer le plus grand fonds d’investissement au monde ? ....................................................... 20130. La Fondation ABRINQ, promouvoir la cause des enfants au Brésil ..................................................................................... 20531. Taddy Blecher et l’Université CIDA, Afrique du Sud, entrepreneuriat social et leadership .............................................. 21932. Muhammad Yunus et la Grameen Bank, la découverte et l’expansion du microcrédit ....................................................... 22533. Tiviski et le lait de chamelle en Mauritanie, les coutumes locales au cœur du modèle d’affaires ...................... 24534. La filière du coton équitable, l’exemple du Mali ........................... 259

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Résumés des cas XXIII

RÉSUMÉS DES CAS

PARTIE IREGARDS HISTORIQUES SUR LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DE L’ENTREPRISE

Arthur W. Page et AT&T, relations publiques et responsabilité 1. sociale au début du vingtième siècle

États-Unis, télécoms, grande entreprise – gouvernement

Guy Versailles, Emmanuel Raufflet

Monopole•Service au public •Relations publiques •

– communicationsStratégie•

A. W. Page est le père fondateur des relations publiques modernes. Ce cas examine son parcours professionnel dans le contexte de l’émergence des grandes firmes aux États-Unis au début du ving-tième siècle. Il décrit la vision des relations publiques de Page, qu’il conçoit comme « conscience » de l’entreprise et gardienne de ses idéaux de service au public, mise au profit de l’objectif fondamental d’AT&T à savoir, maintenir son monopole.

L’entreprise San Rafael, paternalisme et modernité 2.

Mexique, pâtes et papiers, grande entreprise – gouvernement – syndicats

Emmanuel Raufflet

Relations avec les parties •prenantes localesConditions de travail•

Ce cas examine l’évolution des relations entre une entreprise et ses parties prenantes locales sur un siècle. Il met en lumière les facteurs de durabilité des rela-tions entre une firme et ses parties prenantes.

La publicité destinée aux enfants 3.

Québec, publicité – jouets-friandise, entreprises – gouvernement – ONG

Jean Pasquero

Législation•Consommation•Enfants•Relations publiques – •communicationsMarketing – vente•

Ce cas décrit la longue controverse qui oppose diverses industries, organismes publics et groupes de pression autour de la légitimité de la publicité télévisée destinée aux enfants. Une loi en pro- mulgue l’abolition sous certaines conditions, mais les entreprises s’adaptent et la controverse perdure pendant des années en se renouvelant sans cesse.

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XXIV Résumés des cas

PARTIE IIRESPONSABILITÉ SOCIALE ET PROCESSUS INTERNES DE GESTION DE L’ENTREPRISE

Seventh Generation et Wal-Mart4.

Amérique du Nord, produits ménagers, grande distribution, PME et grande entreprise

Patrick Elie, Emmanuel Raufflet

Stratégie•Culture organisationnelle •– valeurs

Mue par des valeurs et une philosophie d’affaires écologiquement et socialement responsable, Seventh Generation s’est imposée comme le leader de la distribution de produits d’entretien « verts » aux États-Unis. En 2003, Wal-Mart Canada lui pro-pose de devenir un de ses fournisseurs. Ce cas décisionnel présente le dilemme que cette proposi-tion suscite au sein de Seventh Generation.

Degussa AG et le Mémorial de l’Holocauste 5.

Allemagne, chimie, grande entreprise

RuthAnn Althaus, Alfred Rosenbloom

Histoire et mémoire •organisationnelle

Septembre 2002, le président directeur général de Degussa AG, multinationale allemande de l’industrie chimique, doit présenter au conseil d’administration une soumission à un appel d’offres pour fournir un revêtement anti-graffiti au nouveau Mémorial de l’Holocauste à Berlin. Simple routine d’habitude, cet appel d’offres est très controversé. En effet, au cours de la Deuxiè-me Guerre mondiale, Degesh, l’une des filiales de Degussa a produit et distribué le gaz uti-lisé par les les Nazis dans les camps de concentra-tion pour assassiner les Juifs et d’autres personnes. Le PDG doit considérer dans sa décision les dimen-sions éthiques par rapport à ce passé.

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Résumés des cas XXV

Danone Pologne, des aliments « santé » abordables pour les familles 6. à faible revenu

Pologne, agroalimentaire, grande entreprise

Bolesław Rok

Santé – nutrition•Pauvreté et accessibilité•Stratégie•Marketing – vente•

Le groupe Danone, un leader mondial de l’indus-trie de l’agroalimentaire et des boissons, se posi-tionne de plus en plus sur le secteur des produits « santé ». Ce cas présente la démarche de sa filiale Danone Pologne qui, à l’instar d’autres filiales du groupe, s’est lancée dans une démarche collabo-rative innovante pour développer et distribuer de produits « santé » abordables pour les populations à faible revenu.

Deux enjeux de l’industrie pharmaceutique 7.

Pharmaceutique, grande entreprise

Pierre Batellier, Emmanuel Raufflet

Répartition du profit•Santé•Marketing – vente•

La partie A du cas, Les profits des pharmaceu-tiques, aborde la question de la légitimité des niveaux de profit très élevés réalisés par l’industrie pharmaceutique. La partie B, Des trucs payants pour les pharmaceutiques, présente deux pratiques discutables des pharmaceutiques : accès aux don-nées des dossiers d’ordonnance et « création de maladies ».

L’entreprise Jérôme face au défi de la relève, la mise en œuvre d’une 8. GRH responsable

France, bâtiment et travaux publics, PME

Elise Bonneveux, Aude Rychalski, Richard Soparnot

Relève, formation •et rétention du personnel GRH•

L’entreprise Jérôme, PME spécialisée dans le sec-teur du BTP et du génie civil fait face à un risque majeur : la perte de marchés à cause du manque de personnel qualifié. Cette situation de pénurie pousse l’entreprise à revoir de façon proactive sa gestion des ressources humaines pour attirer des jeunes diplômés, tout en qualifiant et fidélisant son personnel dans le cadre d’une nouvelle politique de GRH responsable, cohérente et ambitieuse.

Extrait de la publication

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XXVI Résumés des cas

Le salaire des cadres supérieurs9.

Discrimination – équité•GRH•

Frederick Bird

Le plafond de verre10.

Discrimination – équité•GRH•

Frederick Bird

Discrimination positive et égalité des chances, la politique 11. d’embauche de Génie Conseil

Discrimination – équité•GRH•

Frederick Bird

Les Autochtones à la Provincial Corporation12.

Discrimination – équité•GRH•

Frederick Bird

Les conditions de travail sur la chaîne de production d’un 13. constructeur automobile

France, automobile, grande entreprise

Chloé Dodinot, Pierre Batellier,

Santé & conditions de •travailGestion des opérations•

Le responsable d’une chaîne de production d’une usine de montage automobile est chargé de mettre en place des projets pour améliorer les conditions de travail physiques sur sa chaîne de production. Les syndicats et responsables de la santé lui font remonter une certaine tension entre les mesures envisagées et les effets pervers potentiels au niveau psychologique qui viennent limiter la réduction de la pénibilité.

Les droits des animaux et expériences scientifiques14.

Droits des animaux• Frederick Bird

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Résumés des cas XXVII

PARTIE IIIL’ENTREPRISE DANS SON CONTEXTE : LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DE L’ENTREPRISE COMME INTERACTION AVEC SES PARTIES PRENANTES

Le parfum du pouvoir, Yves Rocher à La Gacilly 15.

France, cosmétiques, grande entreprise – collectivité locale

Monique Le Chêne, Emmanuel Raufflet

Relations de pouvoir •Développement local •

Ce cas aborde les relations de pouvoir entre un entrepreneur, son entreprise et la petite ville dont il est maire.

Barimel16.

France, agroalimentaire, PME – collectivité locale

Jean Pasquero

Relations avec parties •prenantes localesStratégie•

Le nouveau directeur d’une usine de province se trouve confronté à l’hostilité des parties prenantes locales à l’annonce d’un important investissement.

Des sans-abri au terminus d’autobus de Maville17.

Exclusion sociale – •pauvreté

Frederick Bird

Fiscalité à l’italienne18.

Corruption – transparence•Culture et pratiques •locales

Frederick Bird

Geocan et ses intermédiaires19.

Corruption – transparence•Culture et pratiques •locales

Frederick Bird

Extrait de la publication

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XXVIII Résumés des cas

Remettre en question les pots-de-vin institutionnalisés20.

Corruption – transparence•Culture et pratiques •locales

Frederick Bird

Agrista International 21.

Afrique, ressources naturelles, grande entreprise – gouvernement

Jean Pasquero

Partage des revenus•Gestion de crise •Stratégie•

Ce cas présente la situation d’un cadre qui doit désamorcer un conflit naissant relatif à des ques-tions de développement, entre une multinationale du secteur primaire et le gouvernement local dans un pays d’Afrique.

Le travail des enfants en Asie du Sud22.

Travail des enfants•Approvisionnements•Codes de conduite•

Frederick Bird

L’entreprise forestière Barama au Guyana23.

Externalités•Exclusion – pauvreté•

Frederick Bird

Royal Dutch Shell dans le delta du Niger24.

Partage des revenus•Corruption – transparence•Environnement•

Frederick Bird

Talisman au Soudan25.

Droits humains – Conflits• Frederick Bird

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Résumés des cas XXIX

PARTIE IVVERS DE NOUVELLES APPROCHES D’AFFAIRES

Jouets Plus inc., maître du jeu d’apprendre26.

Global, manufacturier – jouets, grande entreprise – actionnaires

Lise Parent, Brenda Plant, Alain Lapointe

Approvisionnements•

Activisme actionnarial •

Droits, conditions de •travail, codes de conduite

Certains actionnaires de JPI, concepteur-fabricant de jouets, sont convaincus que l’image de l’entre-prise est mise à risque par certaines pratiques de ses fournisseurs et sous-traitants envers leurs employés et que les solutions que la direction a mises en place pour répondre à ce risque sont insuffisantes. Ce cas présente les différents points de vue autour d’un jeu de rôle sur un projet de résolution à la pro-chaine Assemblée Générale de Jouets Plus.

WebTel et la certification SA8000 27.

Belgique, Services, PME Manal El Abboudi

GRH •GOP – •ApprovisionnementsConditions de travail•Norme – code de •conduite

Le directeur général de WebTel, décide de faire certifier son entreprise à la norme internationale SA8000. Dans sa démarche progressive d’aligne-ment aux exigences de la SA8000, l’entreprise se trouve très rapidement devant des blocages de la part de certaines de ses parties prenantes internes et externes.

Partenariat entreprise-ONG, le cas de la grande distribution 28. alimentaire

France, grande distribution, grande entreprise

Elodie Brûlé

Partenariat •Entreprise-ONGEnvironnement•

Un chargé de mission d’une entreprise de grande distribution française est chargé d’identifier une ONG environnementaliste en vue d’un partenariat stratégique. Ce cas explique les enjeux liés à ce type de partenariats notamment en termes de sélec-tion du partenaire.

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XXX Résumés des cas

Dilemme à Oslo, comment gérer le plus grand fonds d’investisse-29. ment au monde ?

Norvège, finance Vincent Calvez, Vanessa Duthu

Finance•Investissement éthique•

Gro Nystuen, juriste, dirige le Petroleum Fund’s Advisory Council on Ethics, le conseil d’éthique du plus important fonds d’investissement du monde chargé de l’étude des entreprises et de leurs domai-nes d’activité sous un angle éthique. Quatre dossiers portant sur des investissements actuels du Fonds doivent être étudiés.

La Fondation ABRINQ, promouvoir la cause des enfants au Brésil30.

Brésil, manufacturier – jouets, association industrielle

Emmanuel Raufflet, Cecilia Gurgel do Amaral

Exclusion sociale – •pauvretéDiscrimination – équité•Entrepreneuriat social•

Ce cas retrace la trajectoire de la Fondation ABRINQ pour les droits des enfants au Brésil. Créée en 1990 à l’initiative d’entrepreneurs du secteur du jouet, cette Fondation, de par son approche et son modèle innovateurs, s’est rapidement imposée comme un promoteur central de la cause des enfants dans les cercles de dirigeants économiques du gouvernement et de la société civile du Brésil.

Taddy Blecher et l’Université CIDA, Afrique du Sud, entrepreneu-31. riat social et leadership

Afrique du Sud, éducation en gestion, université

Kariann Aarup, Emmanuel Raufflet

Exclusion sociale – •pauvretéEntrepreneuriat – •leadershipIntrospection•

Ce cas est basé sur une entrevue avec Taddy Ble-cher, cofondateur de l’Université CIDA, la première université gratuite d’Afrique du Sud. Il aborde les aspects de changement personnel liés à l’entrepre-neuriat social et au changement sociétal.

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Table des matières XXXI

Muhammad Yunus et la Grameen Bank, la découverte et l’expan-32. sion du microcrédit

Bangladesh, finance Emmanuel Raufflet, Mehedi Hasan

Micro-crédit•Innovation sociale•Exclusion sociale – •pauvretéEntrepreneuriat social•Leadership•

Ce cas présente la trajectoire de Muhamad Yunus lors des premières années de la création de la Banque Grameen en mettant l’accent sur son pro-cessus de création et d’apprentissage ainsi que sur l’originalité du modèle d’affaire de Grameen en comparaison aux banques commerciales classiques.

Tiviski et le lait de chamelle en Mauritanie, les coutumes locales au 33. cœur du modèle d’affaires

Mauritanie, produits laitiers, PME

Mamadou Gaye

Exclusion – pauvreté•Partage des revenus •Culture locale •Entrepreneuriat social•

L’entrepreneure Nancy Abeiderrahmane développe un modèle intégrant les parties prenantes locales et leurs cultures. Cette prise en compte place au centre du modèle la réduction de la pauvreté et l’accrois-sement des revenus des nomades éleveurs de cha-meaux dans un milieu complexe.

La filière du coton équitable, l’exemple du Mali34.

Mali & France, textiles, producteurs locaux – moyenne entreprise

Mamadou Gaye

Exclusion – pauvreté•Partage des revenus•Approvisionnements •Marketing – vente•

Autour des producteurs de coton au Mali, ce cas décrit les enjeux des marchés agricoles mondiaux pour le Mali. Il présente les perspectives d’augmen-tation des revenus des producteurs maliens par la mise sur pied d’une filière du coton équitable à par-tir des petits producteurs jusqu’aux intermé diaires français.

Extrait de la publication

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Arthur W. Page et AT&TRelations publiques et responsabilité sociale au début du vingtième siècle

Guy Versailles Emmanuel Raufflet

Dans un pays démocratique, toute entreprise trouve son origine dans une autorisation publique et ne peut exister qu’avec l’approbation du public. Si cela est vrai, il s’ensuit que l’entreprise devrait expliquer au public ses politiques, ses actions et ses projets avec enthousiasme1.

Au début du XXe siècle, après l’expiration du brevet accordant l’exclusivité du téléphone à American Bell2, plus de 6 000 entreprises indépendantes s’arrachent les clients. Les nouvelles entreprises offrent le service à un tarif inférieur à celui de Bell et doivent ensuite choisir entre donner aux actionnaires les substantiels rendements promis, ou investir dans la qualité du service. Les faillites sont nombreuses et le service souvent mauvais. Par exemple, un abonné désirant communiquer avec une personne desservie par une autre entreprise doit souvent payer les tarifs des deux entreprises. Dans ce contexte, American Bell et, à compter de 1900, AT&T mènent une lutte très agressive destinée à écraser la concurrence, allant jusqu’à brûler dans la rue les téléphones des compagnies vaincues afin d’intimider la population. Toute cette agitation autour d’un service rapidement devenu indispensable soulève un tollé. Un mouvement se crée, qui réclame la nationalisation des services téléphoniques afin d’y mettre de l’ordre et de protéger les intérêts des consommateurs.

Craignant une intervention du gouvernement, les dirigeants d’AT&T développent une nouvelle approche destinée à attirer de nouveaux clients par la qualité du service, la courtoisie et un traitement efficace des plaintes.

1 Page, Arthur W., 1941, p. 154 : « All business in a democratic country begins with public per - mission and exists by public approval. If that be true, it follows that business should be cheer- fully willing to tell the public what its policies are, what it is doing, and what it hopes to do. »

2 À l’origine, AT&T était une filiale d’American Bell incorporée à New York. La charte d’American Bell – elle-même incorporée à Boston – fixait des limites à sa capacité à lever des capitaux, ce qui limitait son développement. Comme AT&T n’avait aucune limite de ce genre, les deux entreprises fusionnèrent en 1900. Les financiers bostonnais cédèrent graduellement le contrôle de l’entreprise à ceux de New York.

1

Extrait de la publication

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4 Partie I

L’approche porte ses fruits. L’analyse de la revue de presse d’AT&T révèle que, de 1903 à 1907, les mentions de l’entreprise évoluent de 90 % en défaveur de l’entreprise à 80 % en sa faveur3. Ce changement pour le moins spectaculaire est attribué essentiellement à la qualité et à la courtoisie du service, bien davantage qu’à la propagande publiée par l’entreprise.

Ce mouvement sera accentué par Theodore Vail, président d’AT&T de 1907 à 1919. Au début de sa présidence, AT&T desservait autant de clients que les entreprises concurrentes. En 1919, AT&T exerçait un monopole. Vail, qui pouvait être impitoyable en affaires, avait néanmoins conscience du danger que représentaient pour AT&T les lois adoptées pour contrer les trusts et les monopoles. Il voulait que la population et les gouvernements considèrent le service téléphonique comme un « monopole naturel » de la même manière que les chemins de fer à l’époque. À cette fin, outre l’approche misant sur la qualité du service, il considérait comme essentiel de gagner la confiance du public par une attitude de complète honnêteté et de grande ouverture dans la communication : « La politique de communication (publicity) d’AT&T ne peut reposer que sur l’exactitude absolue de toute affirmation verbale ou écrite; aucun fait matériel, même défavorable, ne doit être caché s’il est pertinent à la discussion. »4

De très importants moyens de communication sont dès lors utilisés, dans un effort qui durera plusieurs décennies. Les premières cam pagnes publicitaires sont de nature argumentaire; elles expliquent les mérites du monopole pour l’efficacité du service. Suivent des campagnes mettant en vedette les employés de l’entreprise. Sont mis à contribution : le cinéma, la publicité imprimée et les événements promotionnels, comme la mise en scène du premier appel entre New York et San Francisco, en 19155. Ces efforts portent leurs fruits puisqu’en 1920, le Graham Act consacre la légalité du monopole de fait maintenant exercé par AT&T et le met à l’abri des lois antitrust.

Le successeur de Vail, Harry Bates Thayer, poursuit lui aussi de manière déterminée des stratégies parallèles de relations publiques et de qualité de service, l’enjeu du début des années 1920 étant de protéger les

3 À cette époque, les entreprises membres du conglomérat que forme AT&T gèrent déjà un service de coupures de presse qui achemine à New York les milliers d’articles publiés quotidiennement sur l’entreprise.

4 La notion de « publicity » désignait à l’époque une forme de communication très utilisée par les entreprises, à mi-chemin entre le communiqué de presse et le publireportage. La citation est attribuée à Vail par Georges Griswold Jr., 1967.

5 Le président des États-Unis y participait, avec les dirigeants des entreprises Bell tout au long du parcours. « Tout au long du parcours, des centaines d’employés de Bell installés dans des wagons, à cheval ou en raquettes étaient prêts à intervenir immédiatement en cas de pro-blèmes. Pour éviter toute faille dans les communications, Ellsworth [le responsable des commu-nications] avec embauché des rédacteurs supplémentaires chargés de préparer des réponses à toutes les questions qui risquaient d’être posées par les journalistes couvrant l’événement. »

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L’entreprise San RafaelPaternalisme et modernité

Emmanuel Raufflet

ÉPOQUE 1 : 1893-1936L’entreprise San Rafael a régné sur l’industrie des pâtes et papiers au Mexique au cours de la première partie du vingtième siècle. Fondée en 1893 dans le village de San Rafael, municipalité de Tlalmanalco, aux pieds du volcan Iztaccihuatl, à 40 kilomètres au sud-est de Mexico, elle a dominé le paysage local de cette région. Créée par un groupe d’investisseurs étrangers et nationaux, équipée de machines modernes importées, dotée d’abondantes ressources naturelles et protégée par de lourdes barrières tari faires à l’importation, l’usine de San Rafael s’impose rapidement comme premier producteur de pâtes et papiers au Mexique. De 120 en 1900, le nombre d’employés passe à 500 en 1910 pour dépasser le millier au début des années 19301. San Rafael, principal fabricant de papier journal, jouit d’une position de monopole au Mexique jusque dans les années 19302.

Dans cette région, comme dans la plupart des zones rurales du Mexique de la fin du dix-neuvième siècle, les haciendas constituent la pierre angulaire de la vie socioéconomique locale. Résultat de la concentration de la propriété de la terre, la plupart des paysans travaillent et vivent comme travailleurs agricoles/ métayers (peones) dans les haciendas3. Ainsi, en 1891, seuls 8 % des paysans de Tlalmanalco possèdent une terre. Même si les travailleurs et leur famille se voient offrir un revenu de subsistance incluant le logement, un salaire et des possibilités de crédit pour les temps difficiles, ils sont liés à l’hacienda par leur dette contractée dans les magasins ruraux, seule source locale d’approvisionnement de produits et de nourriture de base. Ces derniers vendent leurs produits à des prix exorbitants, et les travailleurs ne peuvent quitter l’hacienda tant qu’ils n’ont pas remboursé toutes leurs dettes4.

1 Cet article est une version retravaillée de Raufflet, E. « The Mixed Blessings of Paternalism: San Rafael, Mexico », in International Businesses and the Dilemmas of Development, Bird, Raufflet and Smucker, ed., Macmillan-Palgrave, London, 2004, p. 216-232. L’adaptation, les révisions, mais aussi les erreurs et omissions, sont de l’auteur.

2 Espejel, 1993.

3 Huerta Gonzalez, 1994, p. 284.

4 Huerta Gonzalez, 1994.

2

Extrait de la publication

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La publicité destinée aux enfants

Jean Pasquero

PARTIE A

LES ENJEUX

Le problème qui nous intéresse ici a mobilisé pendant des années un grand nombre d’intervenants. Il a fait l’objet de nombreux débats et donné lieu à l’adoption d’une loi qui fut longuement contestée devant les tribunaux. Malgré le passage des ans, la problématique de la publicité destinée aux enfants au Québec reste pourtant toujours d’actualité. Placée au cœur de notre modèle de consommation, elle n’a depuis quarante ans jamais cessé de se renouveler.

HISTORIQUE ET PROBLÉMATIQUETout commença à la fin des années 1960 quand la CSN (Confédération des syndicats nationaux), une grande centrale syndicale québécoise reconnue alors pour son militantisme, mit sur pied un comité interne, dont l’objectif était d’obtenir l’abolition de la publicité destinée aux enfants à la télévision. La question était déjà débattue depuis quelques années aux États-Unis. Le gouvernement québécois y avait porté un certain intérêt, mais n’en faisait guère une priorité. Le comité de la CSN obtint toutefois l’appui d’autres intervenants et le problème mûrit pendant plusieurs années. Puis, en mars 1976, la publication d’un sondage sur le sujet mené auprès de 872 familles de la région de Montréal relança le débat. L’enquête révélait que, de façon générale, les consommateurs exprimaient une opinion nettement défavorable à l’égard de la publicité télévisée destinée aux enfants (environ 65 % d’opi-nions défavorables, 18 % favorables, et 17 % indifférentes). La majorité (55 %) des parents d’enfants de moins de 13 ans estimaient que la publicité télévisée influençait fortement les choix de leurs enfants, particulièrement pendant la période de Noël (65 %). Le sondage constatait également que 53 % des parents étaient favorables à l’abolition pure et simple de la publicité télévisée destinée aux enfants, contre 36 % qui se prononçaient pour sa conservation, à condition qu’elle soit encadrée par des lois plus sévères1.

1 Mémoire déposé par le Groupe de recherche en consommation de la Faculté de droit de l’Université de Montréal devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada, avril 1976.

3

Extrait de la publication

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24 Partie I

Le sondage avait été effectué par le Groupe de recherche en consommation de la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il fut fortement médiatisé. Les recommandations des auteurs étaient sans équivoque. Adressées à l’Office de la protection du consommateur du Québec (OPC)2 et au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC)3, elles se résumaient ainsi :

1. La suppression de toute publicité télévisée destinée aux enfants4;2. La suppression de toute publicité, même celle destinée aux adultes,

pendant les heures d’écoute où la plus grande partie de l’auditoire était composée d’enfants, soit entre 16 heures et 18 heures en semaine et entre 9 heures et midi en fin de semaine.

L’un des problèmes à l’origine de ces pressions concernait l’influence de la publicité sur le comportement des enfants. De nombreux parents se plaignaient que leurs enfants se montraient trop souvent déçus par la piètre valeur de certains jouets achetés à leur demande sur la foi de réclames triomphantes répétées à la télévision, et qui à l’usage se révélaient vite sans intérêt, de qualité médiocre, voire dangereux5. Ils s’indignaient de voir leurs enfants victimes d’exagérations commerciales qu’ils assimilaient à de la publicité trompeuse.

Un point essentiel du débat portait sur la capacité des enfants à établir des mécanismes de défense suffisants devant l’abondance de stimuli auxquels les médias d’information, et tout particulièrement la télévision, les exposaient. Cette question mobilisait un nombre considérable d’intervenants; elle était particulièrement lourde de conséquences pour certains acteurs économiques. Elle suscita de vives réactions de leur part, en particulier de ceux dont les revenus étaient le plus susceptibles d’être touchés par l’adoption d’une loi restrictive. L’avenir les préoccupait, car la population dans son ensemble semblait de plus en plus consciente de l’importance de la publicité dans les médias et de l’influence qu’elle pouvait exercer sur les enfants. Le sondage de 1976 démontrait d’ailleurs une radicalisation de l’opinion publique depuis les études menées quelques années plus tôt.

2 OPC : organisme provincial du gouvernement du Québec, créé en 1971.

3 CRTC : organisme fédéral règlementant entre autres le secteur de la télévision. Il fut créé en 1968, sous la forme d’un établissement public autonome rendant compte au Parlement canadien. Il prit son nom actuel en avril 1976.

4 Un enfant est défini comme toute personne âgée de moins de treize ans.

5 Parmi les jouets les plus problématiques figuraient les jouets militaires, les figurines de monstres de toutes sortes, les jouets d’horreur et les jouets de violence. Plus tard, les associations de consommateurs y ajouteront les « jeux électroniques stupides », dont certains passaient pour menacer la vision des enfants, et les jouets « véhiculant des préjugés sexistes », tels que déterminés par des groupes témoins composés de parents.

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Seventh Generation et Wal-Mart

Patrick ElieEmmanuel Raufflet

Ce cas a reçu le Emerson Award for the Outstanding Case in Business Ethics, North American Case Research Association 2005.

En ce matin ensoleillé de la mi-mars 2003, sur les sommets encore enneigés du Vermont, Jeffrey Hollender, directeur général de Seventh Generation, éteint son téléphone cellulaire après une intense discussion avec Gregor Barnum, directeur de la conscience organisationnelle de cette même entre-prise. Jeffrey ferme ses yeux. Le vent doux accompagné des rayons de soleil printaniers lui réchauffe le visage. Il respire profondément et laisse l’air frais des montagnes emplir ses poumons. En ce mardi matin, les monts immaculés du Vermont offrent un calme « magique ».

Jeffrey et Gregor viennent de discuter de la possibilité d’un partenariat avec Wal-Mart Canada, une filiale du géant américain de la distribution. Wal-Mart a récemment pressenti Seventh Generation en vue de distribuer ses produits ménagers non toxiques et respectueux de l’environnement. Le partenariat représente une formidable opportunité de croissance ainsi que la possibilité de toucher directement des millions de consommateurs qui n’ont pas encore essayé les produits de marque Seventh Generation. De plus, Jeffrey pense qu’une distribution en masse de ces produits pourrait avoir des effets positifs significatifs sur l’environnement.

En 2003, Seventh Generation a acquis une solide position de leader dans la commercialisation d’un large éventail de produits ménagers verts aux États-Unis : eau de Javel sans chlore; essuie-tout, papiers hygiéniques et mouchoirs, serviettes de table et assiettes en papier 100 % recyclé; produits pour la lessive, savon à vaisselle et nettoyants non toxiques, sans phosphates et biodégradables; sacs à ordures faits de plastique recyclé à 65-100 %; couches sans chlore; lingettes pour bébé fabriquées à partir de substrats blanchis sans chlore et ampoules à spectre naturel. Nombre de ses produits sont fabriqués par ses fournisseurs.

En même temps, cette opportunité soulève des questions difficiles pour Seventh Generation. Est-ce que le partenariat va affecter le cœur et l’âme de l’entreprise ? À long terme, ne risque-t-il pas de transformer le leader des

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Extrait de la publication

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46 Partie II

produits ménagers non toxiques aux États-Unis, en un simple fournisseur du géant ? Seventh Generation devra-t-elle fléchir devant les contraintes que les impératifs de production et de distribution de Wal-Mart lui imposeront ? Pire encore, ne risque-t-elle pas de perdre sa marge de manœuvre en ce qui concerne les décisions portant sur la qualité et la composition des produits ? Cette proposition de partenariat est une formidable occasion d’affaires, mais elle crée également des tensions importantes en termes de valeurs : la vision de Seventh Generation en ce qui a trait à la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) semble être aux antipodes de celle de Wal-Mart. Ces deux visions, couplées à deux systèmes de valeurs opposés, sont-elles conciliables ? Cela fait presque trois mois maintenant que l’offre de partenariat est sur les bureaux au siège social de l’entreprise. Wal-Mart attend une réponse demain.

L’HISTOIRE DE SEVENTH GENERATIONL’histoire de Seventh Generation est liée à celle de son fondateur, Jeffrey Hollender. Dans les années 1980, celui-ci s’impose comme entrepreneur dans le domaine des livres audio. En 1987, il vend son entreprise à Warner Communications. Il prend alors le temps d’écrire un livre et passe beaucoup de temps chez lui, à Brooklyn, auprès de sa petite fille qui vient de naître. Alors qu’il effectue des recherches pour un livre sur la responsabilité sociale de l’entreprise, une approche de gestion innovante pour l’époque, il entend parler de Renew America, une petite organisation sans but lucratif basée à Washington, qui vend par correspondance des produits pour réduire la consommation d’eau et d’énergie. Elle connaît toutefois de graves difficultés financières et pense à fermer ses portes. L’entrepreneur flaire une bonne opportunité d’investissement et décide d’ache ter Renew America. Avec l’aide d’investisseurs, il veut donner un nouveau souffle à l’affaire.

En 1989, Renew America est rebaptisée Seventh Generation. Dans sa première lettre aux inves tisseurs, Hollender expose les valeurs centrales et les grands idéaux qui vont guider la gestion de l’entreprise au cours de la prochaine décennie. Il écrit :

L’entreprise cherchera à combiner avec succès une variété d’objectifs interreliés qui s’appuient mutuellement. Financiè-rement, l’entreprise veillera à offrir aux action naires un retour sur investisse ment supérieur à la moyenne […] tout en cher-chant à diffuser ses principes en matière de responsabilité sociale et environnementale à ses partenaires d’affaires1.

1 Hollender J. et S. Fenichell, 2004, p. 253.

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Degussa AG et le Mémorial de l’Holocauste

Alfred RosenbloomRuthAnn Althaus

Ce cas a reçu le Gold Best Workshop Case Award, North Ameri-can Case Research Association 2006.

Septembre 2002. Utz-Hellmuth Felcht, PDG de Degussa, regarde par la fenêtre de son bureau de Düsseldorf, en Allemagne. Il est perdu dans ses pensées. Il tient un dossier qui, dans des circonstances normales, ne se serait pas retrouvé entre ses mains. Ce dossier contient le détail précis d’unepropositiondecontratde812000 1 que Degussa a soumise dans le cadre d’un appel d’offres pour un revêtement anti-graffiti, Protectosil®, destiné à protéger les 2 700 stèles de béton du nouveau Mémorial de l’Holocauste à Berlin. Dès ses débuts. le projet du Mémorial a fait l’objet de nombreuses controverses. Les journaux et chaînes de télévision allemandes ont régulièrement fait état de conflits sur la localisation, la conception et le financement du Mémorial ainsi que sur le caractère approprié ou non d’avoir un Mémorial de l’Holocauste dédié uniquement aux victimes juives à l’exclusion des autres groupes persécutés et assassinés lors de la Deuxième Guerre mondiale. Craignant que des manifestants néo-nazis ne s’en prennent au Mémorial, le conseil d’administration de la fondation du Mémorial, qui administre le chantier de la construction, a demandé qu’un revêtement anti-graffiti soit appliqué sur toutes les stèles avant leur installation. Plusieurs entreprises fabriquent ce type de produit, mais le Protectosil® de Degussa est généralement reconnu pour être le meilleur sur le marché car, contrairement aux autres produits, il ne nécessite pas de nouvelle application après l’effacement des graffitis.

Felcht a de bonnes raisons de craindre que l’implication de Degussa dans le projet du Mémorial ne crée une polémique. En tant que président-directeur général de Degussa, il sait que durant la Deuxième Guerre mondiale, l’entreprise a collaboré avec les nazis. L’aspect le plus incontournable de cette collaboration est la participation à hauteur de 42,5 % dans une

1 Paul, 2003.

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70 Partie II

entreprise, aujourd’hui disparue, dénommée Degesch. Cette dernière a produit la totalité du Zyklon B, un gaz cyanhydrique utilisé par Hitler et les nazis pour assassiner des millions d’êtres humains à Auschwitz, Madjanek et dans d’autres camps d’extermination dans les dernières années de la guerre.

Né dans l’après-guerre, Felcht, comme beaucoup d’autres Allemands de son âge, n’a appris le détail des atrocités nazies que depuis relativement peu de temps. Pendant la guerre froide, il a grandi en Allemagne de l’Ouest, où l’attention nationale se concentrait sur la menace que représentait le com-munisme dont les forces étaient au pouvoir en Allemagne de l’Est. Le douloureux examen du passé sur les conditions de la montée en puissance des nazis était généralement ignoré.

Ce n’est qu’en 1998 que le conseil d’administration de Degussa a recruté Peter Hayes, un historien américain spécialiste de l’Allemagne pendant la période nazie, pour qu’il explore de manière objective les activités de la firme au cours de la Deuxième Guerre mondiale2. Hayes a découvert, qu’en plus d’être le distributeur du Zyklon B, Degussa avait acquis des entreprises et des biens immobiliers que les propriétaires juifs avaient été forcés de vendre, qu’elle avait obtenu les droits de transformation de l’or et de l’argent volés aux victimes juives, et enfin, qu’elle avait profité de travailleurs forcés dans certaines de ses usines.

Felcht s’attend donc à ce que la réponse de Degussa à l’appel d’offres du Mémorial provoque un grand intérêt médiatique, des conflits potentiels au sein de son conseil d’administration et des protestations de la communauté juive. Il s’interroge aussi sur l’éthique et le bien-fondé même d’avoir répondu à cet appel d’offres. Cependant, il sait qu’en tant que PDG, il a une responsabilité fiduciaire de présenter cette offre à son conseil. Sa tâche, en cette belle journée de septembre, est de préparer une présentation nuancée. Il doit endosser une double mission : assurer la rentabilité de Degussa, d’une part, et faire en sorte que l’entreprise assume son lourd passé, d’autre part.

L’ASCENSION AU POUVOIR DES NAZISLe Parti national-socialiste des travailleurs allemands (nazi) est une orga-nisation politique d’extrême droite nationaliste et raciste qui a émergé à la suite de la défaite allemande à la fin de la Première Guerre mondiale. Le traité de Versailles, signé en 1919 et mettant fin à la Première Guerre mondiale, humilie une Allemagne économiquement faible. Au travers de ce

2 Degussa, 2000.

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Danone PologneDes aliments « santé » abordables pour les familles à faible revenu

Bolesław Rok1

INTRODUCTIONLe Groupe Danone est un des chefs de file mondiaux de l’industrie agro-alimentaire. Il concentre ses activités dans trois secteurs : 1) les produits laitiers frais; 2) les boissons; 3) les biscuits et autres produits à base de céréales. Le Groupe Danone est le leader mondial (en volume) dans le secteur des produits laitiers frais et de l’eau embouteillée et le deuxième sur le marché des biscuits. En 2005, cette entreprise française dont le siège est à Paris employait 88 184 personnes et avait un chiffre d’affaires de 13 milliards d’euros et une croissance interne de 6,7 %. Environ 36 % des employés du Groupe Danone sont en Europe, 47 % en Asie et 17 % dans le reste du monde.

HISTOIRE ET STRATÉGIE DU GROUPE DANONELes origines de la société remontent à 1966 lorsque le fabricant français de verre Glaces de Boussois et Verrerie Souchon Neuvesel fusionnent pour former Boussois Souchon Neuvesel (BSN). En 1970, BSN commence à se diversifier dans les boissons et l’agroalimentaire. Après plusieurs acquisitions, BSN devient le leader du marché français de la bière, de l’eau embouteillée et des aliments pour enfants. En 1973, BSN fusionne avec Gervais Danone, un fabricant français de produits laitiers et de pâtes, devenant ainsi la plus grande entreprise agroalimentaire française avec des ventes consolidées en 1973 de 1,4 milliard d’euros.

Au cours des années 1970 et 1980, BSN concentre son expansion sur les produits alimentaires et les boissons, principalement en Europe de l’Ouest. Avec un chiffre d’affaires de 7,4 milliards d’euros en 1989, BSN devient le troisième groupe agroalimentaire diversifié d’Europe, et le premier en France, en Italie et en Espagne. Au début des années 1990, BSN procède

1 La rédaction de ce cas a été financée par le programme Growing Inclusive Markets (GIM) du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).

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Deux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Pierre BatellierEmmanuel Raufflet

PARTIE A

LES PROFITS DE L’INDUSTRIE1

L’industrie pharmaceutique réalise des profits bien supérieurs à la moyenne des autres industries. Selon le classement des 500 plus grandes entreprises figurant sur la liste dressée par le magazine Fortune, le taux de profits moyen (par rapport aux revenus) des entreprises, tous secteurs confondus, s’établissait en 2001 à 3 %, contre 17 % pour les entreprises pharmaceutiques, dépassant ainsi toutes les autres industries2. Dans le classement 2008 du Fortune 500, malgré une légère baisse de leur rentabilité moyenne, les pharmaceutiques présentaient encore un taux de profits moyen de 15,8 % contre moins de 4 % pour celui des autres industries. L’industrie pharmaceutique est dépassée à la tête de ce classement uniquement par le secteur des équipements de réseau et de communication, et celui de la production minière et de pétrole brut portés respectivement par la modernisation des grands réseaux de communication et la flambée des matières premières3. Dans une étude parue en 20034, le groupe Public Citizen’s Congress Watch a calculé qu’au cours des années 1980, les profits médians des firmes pharmaceutiques étaient deux fois plus élevés que la moyenne des autres entreprises du Fortune 500, puis quatre fois plus élevés dans les années 1990 et même, six fois au début des années 2000.

Dans la plupart des pays, la durée normale du brevet d’un produit phar-maceutique est de 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande. Certains pays comme les États-Unis permettent toutefois leur prolongation

1 Ce cas est inspiré de « Drug Company Monopolies and Profits » dans The Business Ethics Velazquez Reader, Santa Clara University, California, 2005.

2 Fortune, 17 avril 2003, page F-26.

3 Fortune 500, classement 2008, http://money.cnn.com/magazines/fortune/fortune500/.

4 2002 Drug Industry Profits: Hefty Pharmaceutical Company Margins Dwarf Other Industries, Public Citizen’s Congress Watch, Juin 2003.

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L’entreprise Jérôme face au défi de la relèveLa mise en œuvre d’une GRH responsable

Elise BonneveuxAude RychalskiRichard Soparnot

« L’un des enjeux majeurs pour l’avenir de notre entreprise est de disposer d’un personnel qualifié et fidèle », confie Jean-Claude Brossier. À la tête de l’entreprise Jérôme, une PME de 180 salariés créée en 1933 et spécialisée dans le secteur des travaux publics et du génie civil, ce dirigeant reste vigilant et anticipe sur l’avenir de l’organisation. Plus précisément, il sait que son entreprise doit affronter un problème de taille : il risque de perdre des contrats à cause d’une pénurie de personnel compétent. Une inquiétude d’autant plus légitime que le secteur du bâtiment et des travaux publics n’attire plus les jeunes diplômés, ce qui se traduit par un manque de main-d’œuvre qualifiée. En juillet 2006, ce qui n’était au départ qu’une inquiétude vague devient une préoccupation bien réelle : un client potentiel vient d’émettre un appel d’offres représentant 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Devant cette annonce, Jean-Claude Brossier décide de convoquer son comité de direction pour traiter de cette épineuse question : la tension sur les ressources humaines devient désormais un enjeu économique important. Cette situation appelle la mise sur pied d’une politique de gestion des ressources humaines permettant d’attirer des collaborateurs tout en retenant et en formant le personnel en place.

LE BTP EN FRANCE : UN SECTEUR EN TENSIONEn France, le secteur du BTP (bâtiment et travaux publics) emploie 1 782 500 sala - riés, soit 1 474 000 dans le bâtiment et 308 500 dans les travaux publics. Dans la région Centre, le secteur compte 13 796 entreprises employant plus de 58 000 salariés1. Ces entreprises sont impliquées dans environ 4,3 % des travaux nationaux. Depuis dix ans, les entreprises du BTP ont embauché 800 000 personnes et créé 160 000 nouveaux emplois2. Elles sont de plus en plus nombreuses à ouvrir leurs portes à des jeunes qui doivent faire face à des difficultés économiques ou à un manque de perspectives d’évolution dans leur premier métier.

1 www.etoile.regioncentre.fr.

2 Le Moniteur, 17 août 2007.

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Le parfum du pouvoirYves Rocher à La Gacilly

Monique Le ChêneEmmanuel Raufflet1

Imaginer, organiser, construire, réaliser, voilà mon but ! Ceux qui nous suivront sont ceux qui veulent vivre. Un jour, La Gacilly sera connue et prospère. J’en fais le serment. Vous serez juges !

– Yves RocherExtrait d’une lettre adressée aux Gaciliens en 1959

Quarante-cinq ans plus tard, le Groupe Yves Rocher emploie plus de 1 800 salariés sur son site de La Gacilly, en Bretagne. La population municipale est passée de 1 100 habitants en 1959 à 2 300 en 2000. Le Groupe Yves Rocher est devenu le leader français des produits cosmétiques et réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires à l’international. Il représente plus de 3 000 emplois dans la région. La ville reçoit plus de 500 000 touristes par an. L’exemple d’Yves Rocher à La Gacilly est souvent cité en Bretagne comme un modèle de développement économique en milieu rural.

UNE PETITE VILLE EN DÉCLIN ET UN HOMME PROVIDENTIEL

La Gacilly est une localité bretonne située à une soixantaine de kilomètres de la mer, aux confins des départements du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine. À la fin des années 1950, comme le mentionne un historien local2, « rien d’extraordinaire, rien d’original ne distingue cette région de La Gacilly. [...] Même si la campagne est plutôt plus agréable que dans bien d’autres contrées, rien de singulier ne permet de remarquer ce pays. » Depuis la Révolution française, la commune est chef-lieu de canton. Ce privilège lui a autrefois

1 De larges extraits, des mêmes auteurs, sont tirés de : Turcotte, Marie-France, Salmon, Anne, Responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2005, p. 46-63.

2 Guillet, 2000, p. 4.

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Jouets Plus inc.Maître du jeu d’apprendre

Lise ParentBrenda Plant Alain Lapointe1

RÉUNION SPÉCIALE ENTRE DES ACTIONNAIRES, DES MEMBRES DU CONSEIL D’ADMINISTRATION ET LA DIRECTION DE JOUETS PLUS INC.En prévision de la prochaine assemblée générale annuelle de Jouets Plus inc. (JPI), la direction de l’entreprise a convoqué une réunion spéciale pour discuter des pratiques de gestion des ressources humaines que suivent certains de ses fournisseurs et sous-traitants, une question maintes fois soulevée par un groupe d’actionnaires qui a fini par en faire un projet de résolution. La présente rencontre est la seconde que la direction organise sur le sujet. La première a eu lieu il y a deux ans et les actionnaires concernés, jugeant que la situation ne s’est pas améliorée, entendent défendre leur projet de résolution à la prochaine assemblée générale si les dirigeants de l’entreprise ne prennent pas immédiatement des mesures pour remédier à la situation. Outre les actionnaires proposeurs et les cadres de direction, la direction a convié à cette réunion spéciale des membres du conseil d’administration, des investisseurs institutionnels et des employés. Tous ont reçu avec la convocation l’ensemble du dossier.

PROJET DE RÉSOLUTIONLa résolution demande à Jouets Plus inc. de s’engager à :

Modifier son code de conduite pour ses propres activités de fabrication 1. et celles de ses fournisseurs et de leurs sous-traitants, afin d’y intégrer les principes de l’Organisation internationale du travail (OIT);Se doter d’un programme de vérification directe et indépendante de 2. l’application de ce code chez ses fournisseurs et sous-traitants;Faire rapport annuellement aux actionnaires des conclusions des 3. vérificateurs.

1 Cas rédigé par Lise Parent et Brenda Plant © pour Amnistie internationale, avec la collaboration du professeur Alain Lapointe, Chaire de responsabilité sociale et de développement durable, ESG-UQAM.

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WebTel et la certification SA8000

Manal El Abboubi

PARTIE A

UN NOUVEAU JOUEUR EN TÉLÉMARKETING

Décembre 2004. Un sapin de Noël est dressé à l’entrée de l’entreprise. Une ambiance de fête sous la pression de la productivité. Albert Piroton con-voque tous les superviseurs et chefs de projet pour leur présenter les résul-tats annuels et discuter des projets de l’an 2005. Une réunion qui suscite la curiosité de tous. Tout le monde attend les grandes déclarations, mais surtout se demande quels changements auront lieu en 2005. M. Piroton prend la parole :

La productivité cette année a été très bonne. Maintenant, nous souhaitons aller plus loin, pas uniquement en productivité, mais aussi au niveau de notre rôle dans la société. Je souhaite que WebTel soit une entreprise citoyenne, Malgré notre petite taille, croyez-moi, nous pouvons être responsables.

Cette déclaration étonne tout le monde. Viser une orientation autre que la productivité et la satisfaction des clients sort du langage habituel de la direction. Pourquoi ce changement d’orientation ? Mais au-delà du pourquoi, Albert Piroton avance la question du comment : il n’a aucune idée de la façon dont il doit s’y prendre. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il veut agir en entrepreneur responsable.

Nous devons penser à une stratégie pour être une entreprise citoyenne. Penser peut-être à une certification ISO, mais je ne sais pas laquelle, ou autre chose, je vous invite à y réfléchir, déclare-t-il.

Une jeune superviseure, Corinne Lejeune, encore étudiante à l’université propose la norme SA8000. Elle en a entendu parler dans un séminaire de gestion des ressources humaines. Sa proposition n’a pas l’air de plaire à ses collègues. Tout le monde sent le danger d’un changement stratégique et non contrôlé dans les procédures de travail habituellement maîtrisées. Mais le directeur semble être emballé par cette idée et demande de plus amples renseignements sur cette certification.

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Partenariat entreprise-ONGLe cas de la grande distribution alimentaire

Elodie Brûlé

À la fin de mars 2007, vous êtes nommé chargé de projet Environnement au Service du développement durable d’une chaîne de grande distribution française nommée Distrimarché.

Cette chaîne de grande distribution, présente surtout en sol français, regroupe plus de 500 hypermarchés et supermarchés situés sur l’ensemble du territoire. Tous les magasins de distribution de cette enseigne sont indépendants. Les propriétaires sont membres du comité stratégique qui prend les décisions d’orientation générale de l’enseigne (politique de prix, communication, etc.). C’est ce comité qui a décidé, il y a deux ans, de créer un service responsable du développement durable. Si depuis sa création, on n’y avait affecté qu’une seule personne, on a embauché deux nouvelles recrues cette année : M. S., chargé de projet « social », et vous-même.

La principale mission qui vous est confiée est d’analyser les possibilités de collaboration entre Distrimarché et une ONG environnementaliste. Vous devez rendre votre rapport au début de mars 2008, date à laquelle vous soumettrez le nom d’une organisation avec laquelle il serait possible de collaborer. Il vous faudra également réfléchir à un thème de collaboration qui puisse à la fois améliorer l’image du groupe, intéresser l’ONG partenaire et s’inscrire dans une perspective de long terme.

Pour débuter, votre supérieure, Mme D., vous présente les caractéristiques générales du groupe, et le contexte dans lequel cette démarche s’inscrit.

CONTEXTE DE LA DÉMARCHE DU DÉVELOPPEMENT DURABLEEn ce qui concerne l’organisation logistique du groupe, tous les produits distribués sont gérés par 16 centrales d’achats réparties dans les différentes régions françaises. Cette caractéristique le distingue des autres enseignes de la grande distribution qui travaillent généralement avec moins de 10 cen - trales d’achats. Depuis quelques années, les alliances entre distributeurs se développent pour augmenter leur puissance de négociation face aux

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La Fondation ABRINQPromouvoir la cause des enfants au Brésil

Emmanuel RauffletCecilia Gurgel do Amaral1

Il est minuit, le 23 juillet 1993, dans le centre-ville de Rio de Janeiro. Une cinquantaine de jeunes garçons et filles dorment sous les porches de l’église Candelâria. Une voiture freine, quelques hommes masqués en sortent et ouvrent le feu sur les enfants endormis. « Sept enfants et un jeune adulte sont tués. Quatre garçons meurent instantanément, un cinquième est abattu alors qu’il fuit. Trois autres sont enlevés et emmenés dans une voiture; deux d’entre eux sont abattus dans les jardins de Aterro do Flamengo. Un jeune adulte meurt de ses blessures quatre jours plus tard. Un autre, Wagner dos Santos, laissé pour mort, survit à un coup de feu en plein visage2. » Cet événement choquant illustre les conditions de vie déplorables des enfants et adolescents pauvres dans le Brésil du début des années 1990, victimes de la violence et de l’indifférence de la société.

L’exclusion des enfants pauvres est l’une des plus sombres réalités du Brésil, pays aux contradictions criantes. En 1991, avec plus de 146 millions d’habitants dans 26 États, le Brésil est le leader économique de l’Amérique latine. Un Brésil de classe mondiale que représentent les États de São Paulo et de Rio Grande do Sul qui, « s’ils étaient indépendants, compteraient parmi les 45 nations les plus riches au monde [...]. L’État de São Paulo a un produit national brut (PNB) supérieur à celui de l’Argentine et la ville de São Paulo est une mégalopole avec une [...] place financière et d’affaires très dynamique ainsi qu’une vie culturelle vibrante »3. Mais aussi un Brésil qui souffre, où plus de 40 millions de personnes vivent avec moins de 50 $ US par mois, privés de services d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable pourtant essentiels. « Les 20 % les plus pauvres de la popu - lation reçoivent 2 % des richesses quand les 20 % les plus riches en reçoivent 60 % »4, des chiffres affligeants qui classent le pays parmi les plus inégalitaires

1 Publié avec l’autorisation de Springer Verlag, 2007/P489/BVS, Journal of Business Ethics 73(1): 119-128, 2007, (Raufflet/ Gurgel).

2 Amnesty International, 2003.

3 Maxwell, 2000, p. 50-60.

4 ibid.

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Extrait de la publication

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Muhammad Yunus et la Grameen Bank La découverte et l’expansion du microcrédit

Emmanuel RauffletMehedi Hasan1

Ce cas est basé sur l’histoire personnelle de Muhammad Yunus, pionnier de la microfinance et fondateur de la Grameen Bank, la plus importante institution de microcrédit au monde. Ce cas se centre sur trois dimensions : 1) le par-cours de Muhammad Yunus en tant qu’entrepreneur institutionnel; 2) le pro- cessus de découverte du besoin de microprêts dans une communauté rurale pauvre au Bangladesh; 3) la description de l’organisation qu’est la Grameen Bank, l’institution financière créée par Yunus pour servir les pauvres.

MUHAMMAD YUNUS ET LA GRAMEEN BANK : LA DÉCOUVERTE ET L’EXPANSION DU MICROCRÉDITNous sommes en 1974 au Bangladesh. Muhammad Yunus, jeune pro-fesseur de la Faculté d’économie de l’Université de Chittagong, étudie les communautés rurales pauvres de Jobra, un village voisin du campus. Il s’aperçoit que l’accès à de très petits financements peut grandement améliorer les conditions de vie des plus démunis. Cette découverte l’amène à consacrer sa vie à se battre pour favoriser l’accès des pauvres de son pays et du reste du monde au microcrédit. Pour ce faire, il crée la Grameen Bank, l’organisme de microcrédit qui est devenu l’un des principaux instruments de la lutte contre la pauvreté. En 2004, à Washington, le Microcredit Summit Campaign2 recensait 2 931 institutions de microcrédit dans le monde, rassemblant plus de 80 millions de clients3. Fin 2003, le microcrédit touche près de 274 millions de personnes parmi les familles les plus pauvres au monde, ce qui représente l’équivalent des populations du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Irlande et de la Suède réunies.4 L’impact du microcrédit comme modèle d’affaires innovateur est

1 Les auteurs de ce cas remercient le Fonds FLIPE et la Fondation Benoît Duchesne pour leur soutien financier.

2 Le Microcredit Summit s’est tenu du 2 au 4 février 1997 à Washington. Plus de 2 900 personnes de 137 pays y ont participé.

3 State of the Microcredit Summit Campaign Report 2004: www.microcreditsummit.org.

4 Ibid.

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226 Partie IV

tel que Yunus est cité par la Wharton Business School comme l’un des « 25 dirigeants d’entreprise les plus influents de notre époque » aux côtés de Warren Buffett, Peter Drucker, Bill Gates, Alan Greenspan, Sam Walton et Jack Welch5.

Ce cas présente le parcours de Muhammad Yunus et l’histoire de la Grameen Bank, l’institution mondia lement connue qu’il a fondée.

MUHAMMAD YUNUS

Muhammad Yunus naît en 1940 à Chittagong, la deuxième ville du Bangladesh, territoire qui fait alors partie des Indes et est sous colonisation anglaise. Son éducation lui inculque des valeurs et un caractère qui contribueront à faire de lui un visionnaire, un fin innovateur et un leader. David Bornstein, qui a observé l’expérience Grameen, écrit :

Yunus a grandi au sein d’une grande famille prospère [...] Son père était un riche négociant en or et même s’il pouvait occasionnellement montrer un visage très strict, en fait, il a laissé à son fils une grande autonomie6.

Yunus se remémore :

Contrairement à mon père, ma mère, Sofia Khatun, était une forte femme très exigeante. C’est elle qui faisait régner la discipline dans la famille et nous savions qu’une fois qu’elle mordillait sa lèvre inférieure, il était inutile d’essayer de la faire changer d’avis. Elle voulait que chacun d’entre nous soit aussi méthodique qu’elle pouvait l’être elle-même. Elle a probablement été la personne qui a eu le plus d’influence sur moi. Pleine de compassion et d’attention, ma mère gardait toujours un peu d’argent pour tout parent qui venait de villages distants nous rendre visite. C’est elle qui, par sa préoccupation pour les pauvres et les défavorisés, a contribué à faire naître en moi cet intérêt pour l’économie et la réforme sociale.7

Yunus se rappelle clairement les valeurs de son père :

Mon père fut un musulman dévot toute sa vie. Il a effectué trois pèlerinages à la Mecque et s’habillait généralement tout de blanc : des chaussures blanches, des pantalons légers blancs,

5 Wharton Business School: knowledge.wharton.upenn.edu.

6 Bornstein, 1997, p. 64.

7 Yunus, 2003, p. 5.

Extrait de la publication

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Tiviski et le lait de chamelle en MauritanieLes coutumes locales au cœur du modèle d’affaires

Mamadou Gaye1

Fondée en Mauritanie en 1987 par Nancy Abeiderrahmane, Tiviski est la pre - mière entreprise africaine de produits à base de lait de chamelle. Elle fabrique aussi des produits à base de lait de vache et de chèvre principalement pour la consommation nationale. Tiviski s’approvisionne en lait auprès de bergers semi-nomades vivant d’élevage de subsistance, permettant à ces derniers de tirer des revenus de leurs troupeaux. La commercialisation du lait frais de chamelle et d’autres produits laitiers au détriment des produits importés d’Europe a contribué à l’amélioration de l’économie mauritanienne.

LE CONTEXTE MAURITANIENLa Mauritanie est un pays recouvert presque entièrement de déserts arides, et la grande majorité des trois millions d’habitants sont des bergers nomades ou semi-nomades gardant chameaux, moutons, chèvres ou vaches. Après son indépendance de la France en 1960, la Mauritanie a subi plusieurs grandes sécheresses entre 1970 et 1979. Pendant cette période, la capitale Nouakchott a vu sa population passer de 100 000 à près d’un million d’habitants, la vie d’élevage de subsistance devenant de plus en plus précaire. Le déplacement de la population des zones de pâture traditionnelle vers les centres urbains n’a pas été associé à une hausse significative des secteurs manufacturiers et autres activités économiques dans les villes.

Dans un pays du Sahel tel que la Mauritanie, l’élevage de troupeaux est essen- tiellement une activité nomade. C’est particulièrement vrai pour l’élevage des chameaux, qui peuvent se nourrir sur des pâtures peu denses et couvrir des distances plus longues que les autres animaux. La densité des troupeaux est relativement faible, étant donné l’éparpillement et le nombre limité des zones de pâture dans les déserts. Il n’y a pas de fermes ni de clôtures dans le pays et, avant la création de Tiviski, il n’existait aucun équipement de traite ni d’infrastructures de stockage du lait frais.

1 La rédaction de ce cas a été financée par le programme Growing Inclusive Market (GIM) du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).

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La filière du coton équitableL’exemple du Mali

Mamadou Gaye1

CONTEXTELa culture du coton trouve ses origines dans la vallée du Nil et se pratique en Afrique depuis plus de 5 000 ans, ce qui fait du coton l’un des plus vieux produits agricoles commercialisés au monde. Plus de 70 pays produisent et exportent du coton. Les cinq plus gros producteurs sont la Chine qui produit 6,3 millions de tonnes (Mt) de coton brut, soit 24 % de la production mondiale, les États-Unis (5,1 Mt, 19 %), l’Inde (4,1 Mt, 16 %), le Pakistan (2,5 Mt, 10 %) et le Brésil (1,2 Mt, 5 %)2. Trois des principaux producteurs (Chine, Inde et Pakistan) n’exportent pas de quantités significatives de coton puisque seulement un tiers de leur production est vendu sur le marché mondial, pour une valeur de huit milliards de dollars américains. Les trois plus grands exportateurs, les États-Unis, l’Ouzbékistan et l’Australie représentent, à eux seuls, 50 % des exportations mondiales. Les pays d’Afrique occidentale et centrale3 comptent pour environ 15 % des exportations mondiales de coton, le Mali en tête.

La production de coton dans cette région a connu une forte croissance dans les années 1980, encouragée par les politiques d’ajustements structurels du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Entre 1980 et 1990, son volume a triplé et il a encore doublé en 20014.

Au Mali comme dans les autres pays africains producteurs, l’accroissement rapide de la production de coton a été corrélée à un déclin du prix de cette ressource, passant de 3 $ US à 0,80 $ US pour un kilo entre 1980 et 2001.5 Les subventions versées aux producteurs européens, américains et chinois ont contribué à cette chute des prix au point que beaucoup de fermiers maliens vendent désormais leur coton à un prix inférieur à leurs coûts de production. Au Mali, au Burkina Faso et au Bénin, la production de coton

1 La rédaction de ce cas a été financée par le programme Growing Inclusive Market (GIM) du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).

2 Données tirées de la saison 2003-2004 citées dans Kooistra, K., (2006).

3 Mali, Burkina Faso, Bénin, Cameroun, Tchad, Côte d’Ivoire, Togo, Sénégal, République centraficaine et Niger.

4 Veenstra, R., (2005).

5 Ibid.

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Extrait de la publication