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Extrait de la publication…Cazeneuve, La société de l'ubiquité(Denoël, 1972), chap. IV. Extrait de la publication. peuple privé de ses jeux et de ses modes ferait bien de regarder

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© Éditions Gallimard, 1982.

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AVANT-PROPOS

Pour analyser et comprendre une société à unecertaine époque, plusieurs méthodes sont possibles.Par exemple, on peut tenter d'expliquer toutes sesstructures et ses modes de fonctionnement à partird'un de ses secteurs jugé déterminant. Ainsi, lesmarxistes accordent un rôle essentiel aux facteurs

économiques, tandis qu'Auguste Comte ramène tout àdes modes de connaissance, cependant que Riesmanaccorde une place prépondérante à la démographie,et Mac Luhan aux types de communication. On peutaussi avoir à l'esprit, dès le départ, une théorieexplicative, que l'on applique à tout ce que l'observa-tion révèle. Par exemple l'école fonctionnaliste s'ef-force de retrouver en toute chose une fonction. Mais

il est une autre manière d'aborder l'étude des

phénomènes collectifs en dehors de tout esprit desystème. Elle consiste à examiner un à un diversaspects de la vie d'une société, à tâcher de lesdécrire, d'en trouver les tenants et les aboutissants.

En procédant ainsi par petites touches, on peutespérer proposer à la fin une vue d'ensemble qui ne

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souffre en principe d'aucun parti pris a priori et quipeut suggérer de libres réflexions.

C'est cette approche qui a été choisie ici, et celaexplique que chacun des courts essais qui composentce livre présente une relative autonomie, bien qu'il nesoit pas difficile de découvrir une certaine unité dansla manière de traiter les différents sujets abordés.

Ceux-ci, en principe, sont pris dans la vie quoti-dienne et très souvent ils concernent nos façons de

passer le temps les plus courantes.A chaque fois, on s'efforce de faire le point sur la

question, à partir des documents disponibles. Enmême temps, on recherche les racines profondes detel ou tel comportement collectif, voire sa significa-tion par rapport à la condition humaine, On en tireéventuellement une morale, et si possible quelquesenseignements de nature prospective. Les jugementssur ces menus épisodes de notre façon de vivre sontpresque toujours présentés sans acrimonie, car ils'agit plus de comprendre que de critiquer ou des'ériger en arbitre pour dire ce qui est bien, ce qui estmal. Les choses sont ainsi on les constate, on les

mesure si possible. Mais l'indignation et l'ironie sontdes réactions trop faciles et stériles pour qu'on enabuse. Et celui qui s'érige en juge sévère des mœurscontemporaines risquerait fort, dans quelques cas,d'être pris en flagrant délit d'y participer ou tout aumoins d'avoir d'autres attitudes prêtant également ausarcasme.

Le lecteur, en définitive, est invité à prendreconnaissance dans chaque chapitre d'un petit dossiertrès résumé, et à tirer les conclusions personnellesqui lui conviendront.

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Il eut été bien présomptueux de chercher à êtreexhaustif. Bien des aspects de la vie contemporaineont été omis. Le choix est, il faut l'avouer, arbitraire.

Mais, dans l'esprit de l'auteur, il devrait être assezéquilibré. Toutefois, les très grands problèmes, ceuxde l'économie, de la politique, auraient été déplacésdans ce contexte. Ils ne sont donc, en principe, pasévoqués, sauf de façon subsidiaire.

Tous ces petits tableaux de l'existence contempo-raine ont été classés en trois parties.

La première concerne l'aspect ludique du compor-tement social, le domaine du divertissement et de la

mode, avec ses rites, ses traditions, ses changements.Ainsi, les festivités, les distractions, sous leurs

formes les plus usuelles et même les plus trivialessont appelées en témoignage. Elles sont parfois plusrévélatrices de la condition humaine profonde que nele sont les engagements sérieux, car ces dernierspeuvent être moins spontanés.

La deuxième partie réunit quelques études sur desprocessus sociaux de plus grande envergure en lesabordant par un biais qui n'est pas toujours usuel,soit pour proposer des définitions soit pour mettrel'accent sur des structures et des évolutions plusimportantes qu'on ne le croit généralement.

Dans la troisième partie, il est question de l'opi-nion publique, des moyens de la connaître, del'évaluer, voire de l'influencer. En effet, il semble

bien que, de plus en plus, dans les nations libéralestout au moins, la société, par une sorte de narcis-sisme, est à l'écoute d'elle-même. Il faut alors savoir

comment peuvent être saisis les courants qui la

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traversent, et quel usage on peut faire des indicationsainsi recueillies.

En définitive, cette série d'essais devrait révéler

son unité dans un tableau global qui respecterait lacomplexité des processus et des comportements, touten se référant aux motivations essentielles qui peu-vent les expliquer.

Vivre dans une société, ce nest pas seulementparticiper à son devenir politique, mais y insérer uneexistence quotidienne. A ce titre, les problèmes del'équilibre de la terreur, ou ceux des institutions nesont certes pas les moins importants. Mais ils fontl'objet de nombreuses études. Peut-être n'était-il pasinutile d'attirer l'attention sur des aspects moinsbrûlants mais non moins intéressants de la vie

moderne.

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PREMIÈRE PARTIE

Nécessité et futilité

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Chapitre1

LA RÈGLE DU JEU

Sans doute les âmes d'élite peuvent-elles consacrerleur existence en ce bas monde uniquement à desactions qui en valent la peine, et se comporter entoutes circonstances d'une manière qui se justifie dupoint de vue spirituel ou culturel. Mais il faut faire lapart de l'utopie et celle de la vantardise. Nous savonsbien que cet univers est celui de l'imperfection. Et ilfaut bien que la vie soit supportable pour ceux qui nevisent pas toujours le plus haut possible.

Ou plutôt, la condition humaine étant ce qu'elleest, le temps qui passe ne serait-il pas désespérémentterne, si un peu de fantaisie ne venait apporterquelques tonalités différentes sur un fond rationnel ettrop organisé. Ainsi, ne nous hâtons pas d'appelermédiocrité ou vulgarité ce qui est plus exactementfutilité, c'est-à-dire autre chose que le sérieux, autrechose que l'important.

Oui, à peu d'exceptions près, nous avons tous, àcertains moments, des manières d'être ou d'agir quine se justifient pas par d'autre motif que le laisser-aller, l'esprit routinier, le besoin de se détendre, etplus généralement, le divertissement, le jeu.

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On peut donc, à volonté, selon l'humeur et le pointde vue, s'affliger ou se réjouir de voir l'humainenature douée de la vertu d'inutilité. Cela ne l'empê-che pas de surpasser toutes les autres espècesvivantes par son efficacité technique et ses prouessesculturelles.

Il n'est en tout cas pas étonnant que les formesactuelles de l'esprit ludique se situent dans leprolongement de phénomènes sociaux primitifs ouarchaïques. Assez souvent, la grande différence entrele présent et le passé réside en particulier dans unedésacralisation. Il est vrai que l'on a parfois exagéréen retrouvant l'origine de toutes nos institutions et nosfaçons de vivre dans la magie ou la religion. Mais ilfaut reconnaître que tout ce qui est jeu, fête, tout cequi n'est pas directement utilitaire ne peut bien secomprendre sans une référence à d'anciennes tradi-tions qui, elles, baignaient dans l'atmosphère dusurnaturel et du rituel.

D'autre part, ce qui ne présente pas une utilité ouune efficacité matérielle ou culturelle n'est pas pourautant dénué de toute finalité. On peut mêmesoutenir que le comportement ludique, la fantaisie, lafrivolité, la festivité, la mode sont, du point de vuesocial, des faits collectifs hautement fonctionnels. En

d'autres termes, ils permettent à la société de se faireaccepter par les individus et à ceux-ci d'oublier leurssoucis, leurs contraintes, leurs obligations, et par làmême de les mieux supporter.

Les intellectuels, les doctes, échafaudent des

théories philosophico-sociales qui, généralement,comportent deux postulats. Selon le premier, laclasse cultivée serait composée de gens qui ne

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songent qu'à enrichir leur savoir et recherchentuniquement des occupations de très haut niveau. Parexemple, à la télévision, cette élite ne regarderait queles émissions dites culturelles, et elle n'aurait aucun

goût pour tout ce qui est distraction. Le secondpostulat, qui se greffe sur le premier, pose enprincipe que la classe populaire est ignare, fermée àtout ce qui est beau, intéressant, et que par consé-quent tout ce qui sert à la distraire est méprisable. Ilfaut donc lui interdire tout divertissement et la

contraindre à se cultiver. Ainsi, les programmes de latélévision ne devraient plus comporter d'émissionsdistrayantes.

Le malheur, c'est que l'élite intellectuelle accro-chée à ces principes se trompe sur elle-même 1.Toutes les enquêtes, en France ou dans d'autres pays,nous apprennent que le public cultivé, celui-là mêmequi voudrait une télévision uniquement éducative,regarde en réalité les émissions divertissantes, légè-res, à plus petite dose peut-être que le reste destéléspectateurs, mais dans une proportion non négli-geable. Inversement, on sait aussi que le grandpublic n'aime pas que les niaiseries. D'excellentesœuvres peuvent avoir sa faveur. On citerait aisémentdes émissions de grande qualité qui, au petit écran,ont suscité une audience considérable et une appro-bation massive. Qu'en faut-il conclure? Non pascertes, que tous les publics se valent et qu'il importepeu de diffuser des navets ou des chefs-d'œuvre.Mais ce qui est vrai, c'est que tout n'est pas blancd'un côté, noir de l'autre. Tel qui voudrait voir le bon

1. Cf. J. Cazeneuve, La société de l'ubiquité (Denoël, 1972), chap. IV.

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peuple privé de ses jeux et de ses modes ferait biende regarder chez soi pour voir s'il ne tombe pasparfois dans les mêmes travers, même si c'est à unmoindre degré.

« Panem et circenses », disaient les Romains,

pour désigner les satisfactions que la plèbe attendaitde ses dirigeants en échange de sa docilité. Les jeuxdu cirque n'étaient cependant qu'une sorte de perver-sion des distractions que, dans des temps antérieurs,les fêtes religieuses fournissaient avec succès. Lethéâtre grec, ancêtre du théâtre tout court, est uneautre dérivation, plus intelligente, de cet éternelappétit d'évasion par rapport aux inévitables détermi-nations quotidiennes.

Lorsqu'une partie d'une machine n'est pas solide-ment assujettie aux autres, lorsqu'elle a par rapportà l'ensemble une certaine autonomie de mouvement,

on dit qu'elle a du jeu. Ce n'est pas par hasard qu'onemploie ce mot dans ce contexte assez éloigné de sonusage courant. Nous aussi, nous nous abandonnons

volontiers à une activité ludique, c'est-à-dire libre etgratuite, au moins en apparence, parce que nous

bénéficions d'une sorte de marge de manœuvre,parce qu'il y a en somme du jeu dans le système des

activités plus ou moins nécessaires que nous accom-plissons au cours de notre existence.

Sous toutes ses formes, le jeu est donc le symboleparfois dérisoire, parfois enrichissant, de notre auto-nomie. A ce groupe de comportements, que la sociéténe peut pas méconnaître et qu'elle discipline ouorganise à sa façon, appartiennent les fêtes, les

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périodes de détente, les jeux, la recherche dedérivatifs de toutes sortes 1.

Peut-on rattacher la mode à cette rubrique ? Sousun certain aspect, oui, car si elle est contraignantepour l'individu, elle est en même temps, pour lacollectivité qui l'impose, option délibérée, choixapparemment gratuit. Certes, s'il s'agit par exempledes modes vestimentaires, on pourra sans peineanalyser les investissements financiers, les circuitscommerciaux, qui constituent des pressions bienréelles sur les décisions des couturiers. Il n'en reste

pas moins vrai que celles-ci ne sont pas entièrementdéterminées par là. Et, d'autre part il y a des modesqui sont adoptées d'emblée par la clientèle, d'autres

qui ne réussissent pas à entraîner le public.Bref, comme le jeu, la mode évolue dans la marge

d'indétermination, de caprice même, dont disposentapparemment les individus d'une part, les collectivi-tés d'autre part, à l'intérieur de certaines règles. Car,ainsi que l'ont bien vu Huizinga et Roger Caillois, lesdeux meilleurs analystes de l'activité ludique, le jeuest à la fois un système de règles et un moyend'échapper aux règles. Il n'y a pas de jeu véritablequi n'ait ses conventions. Et le tricheur, qui ne lesrespecte pas, est mauvais joueur.

Dans ce vaste secteur des jeux, des divertisse-ments, des modes, on pourrait citer de très nombreuxtypes de comportements sociaux dans nos sociétésmodernes. Les chapitres qui suivent ne constituent

l.Cf. J. Cazeneuve, Jeux de vertige et L'esprit ludique dans lesinstitutions (in Jeux et sports, Encyclopédie de la Pléiade, EditionsGallimard, 1968, pp. 683 à 825).

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qu'une sélection. C'est ainsi que vont être abordés lessujets suivants d'abord les festivités (fêtes engénéral, fêtes foraines), puis le jeu et les périodes dedétente (vacances, premier de l'an, échanges devœux et de cadeaux), ensuite les modes (celle desvêtements, celle des accessoires purement ludiquesou bidules et celle des danses à travers une manifes-

tation transitoire, nommée disco), enfin deux moyensde diversion (animaux domestiques, automobiles),fort différents, certes, qui révèlent deux directionsdivergentes des besoins profonds de l'humanitécelui de la compagnie et celui de la liberté mêlée ausentiment de puissance.

A travers tous ces aspects de la vie moderne, onretrouve en effet quelques données fondamentales etsans doute permanentes de la condition humaine.

La fête, avec ses flonflons et ses mascarades, les

vacances avec leurs fausses évasions, les modes avec

leurs caprices, les reports affectueux sur les ani-maux, les défoulements grâce aux engins motorisés,tout cela sert à rééquilibrer l'individu dans uncontexte collectif, parfois pesant, et à lui donner aumoins l'illusion du changement, voire du libre arbi-tre. Mais la distinction est-elle claire entre se croire

libre et être libre ? De la même façon, être heureux,n'est-ce pas d'abord s'estimer heureux ?

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Chapitre 2

FÊTES ET MASCARADES

L'un des problèmes les plus importants et les plusriches d'enseignements concernant la fête est peut-être posé par les ressemblances et les différencesentre les fêtes populaires les plus prestigieusesd'aujourd'hui et les fêtes archaïques celles quiétaient célèbres dans l'Antiquité ou au Moyen Age, etcelles qui persistent encore dans les populations ditesprimitives ou « sauvages ».

Le principe et les thèmes

Existe-t-il non seulement une définition, mais,

mieux, un canevas général, de l'effervescence popu-laire institutionnalisée qui convienne à ces différen-tes étapes de l'évolution des fêtes ? Il faut, pour s'enapprocher, se donner au moins quelques facilités audépart en considérant parmi les festivités modernescelles qui présentent d'assez nets caractères desurvivances, ou qui, du moins, mettent en jeu desformes de participation et d'action contrastant avecles cadres de la vie contemporaine. C'est dire qu'on

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aura intérêt à se pencher moins sur les célébrationsnationales comme celle du 14 juillet que sur lesgrandes festivités folkloriques dont le carnaval estl'exemple le plus répandu.

Un des thèmes les plus courants, parmi ceux quitémoignent de la distance par rapport à l'existencecourante, c'est la négation des hiérarchies et barriè-res sociales. Les saturnales, dans la Rome antique,en étaient la meilleure illustration. Durant ces festivi-

tés, qui commémoraient l'âge d'or et le règne deSaturne, les esclaves, coiffés du chapeau des hom-mes libres, revêtus des vêtements de leurs maîtres

avaient le droit de plaisanter avec ceux-ci et de leurdire n'importe quoi. Au Moyen Age et jusqu'à laRenaissance, la fête des fous était marquée par lespitreries des prêtres, les moqueries à l'adresse desplus hauts prélats et des dignitaires du royaume.

Le carnaval, à Rio par exemple, fait descendre toutle monde dans la rue et mêle dans un désordre

général gueux et riches. Ailleurs, il est l'occasion desatires, de parodies où sont représentés et critiquésou même tournés en dérision les gens les plusinfluents de la ville ou de l'Etat. Pendant le Hallo-

ween, aux Etats-Unis, les enfants narguent lesadultes. Au soir de la Sainte-Agathe, en pleincarnaval, les femmes s'arrogeaient tous les droits, cequi contrastait avec les coutumes patriarcales.

Aussi, plusieurs auteurs ont-ils cru déceler desanalogies entre fêtes et révolutions. C'est là une vuesuperficielle qui méconnaît un autre principe essen-tiel de la fête, à savoir qu'elle est par essence hors dela réalité sociale normale. En vérité, elle confirme la

hiérarchie en la niant pour un instant bien déterminé,

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