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Extrait de la publication… · LE RHIN PARMI LES FLEUVES Aucun fleuve au monde n'a pris dans l'histoire et le déve-loppement de la civilisation, dans les créations et les soucis

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Tons droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris la Russie.

© igôo Librairie Gallimard.

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LE RHIN PARMI LES FLEUVES

Aucun fleuve au monde n'a pris dans l'histoire et le déve-loppement de la civilisation, dans les créations et les soucisdes hommes, une part aussi directe, aussi diverse, aussi étendue,aussi notoire que le Rhin. Miroir mouvant de l'Europe, il enest le parfait représentant dans le royaume des eaux. Commeelle en face de l'Asie, de l'Amérique et de l'Afrique, il ne peutrivaliser en quantité, en dimensions, en volume avec les énormescourants à demi sauvages qui collectent en un unique déversoir,sur des milliers de kilomètres, les eaux ruisselant à traversces continents. Sa primauté n'est pas dans sa masse naturellec'est un fleuve d'élite, au régime équilibré, qui a attiré dansson bassin, et davantage encore à proximité même de ses rives,à la fois la plus haute densité des hommes civilisés et la con-centration industrielle la plus forte de la terre. 44 millionsd'hommes vivent dans ce bassin, soit environ 200 au kilomètre

carré et les quatre cinquièmes d'entre eux appartiennent auxsecteurs secondaire et tertiaire de la population, c'est-à-direà l'industrie, aux services d'administration ou de direction,aux professions libérales ou d'ordre intellectuel. Si son apportagricole est négligeable, à l'inverse des fleuves tropicaux etsubtropicaux, et notamment du Nil, s'il n'est pas un nourricierindispensable à l'alimentation élémentaire de ses riverains, lafonction commerciale du Rhin est sans pareille, son rôle inter-national incomparable, les transports et échanges auxquels seprêtent son cours et sa vallée, sans équivalent. En Europemême, les fleuves russes et le Danube le dépassent en longueur,en débit, en superficie de bassin. Mais, alors qu'il est un fleuve« maritime » et atlantique, ouvert sur la mer la plus sillonnéede navires du monde, les uns et les autres sont « continentaux »,orientés vers l'Asie ou l'Arctique, et débouchent sur des mersfermées ou peu fréquentées. Quelque importantes qu'aient étéet que soient les voies de communications offertes par les rivièresrusses, et particulièrement par le Volga, elles demeurent confi-nées dans l'histoire et le cadre national d'un seul peuple. Le

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L'HOMME ET LE RHIN

Danube, sans doute, sur une longueur double du Rhin, avecune triple surface d'écoulement, traverse ou limite le territoirede huit États et draine les eaux d'un neuvième, mais, dans cerecord d'internationalisme, il reste essentiellement rural etaccentue ce caractère au fur et à mesure qu'il descend versl'Orient en Allemagne même, aucune usine n'est située surses bords. Il n'est, sauf à la fin de son cours, ni une barrière niun lien entre ses États et son rôle historique est faible. Les plusillustres fleuves de l'Europe Occidentale, la Seine, le Tibre,la Tamise ne doivent leur gloire qu'aux capitales qu'ils reflètent.Bien autre a été le sort du Rhin. Avec une population sensible-ment égale à celle de tous les espaces danubiens, dans un bassinmoindre de deux tiers, il parcourt ou borne, sur son bref chemin,presque autant d'États que son rival international l'Italied'abord, où le « Reno di Lei », solitaire torrent alpestre, a lavaleur d'une participation symbolique, puis la Suisse, la prin-cipauté de Liechtenstein, l'Autriche, l'Allemagne et la France,jusqu'au delta des Pays-Bas auxquels il faut ajouter dans sesversants, le Luxembourg et, si l'on y comprend, à juste raison,la Meuse, la Belgique toute l'Europe de l'Ouest, sauf la pénin-sule ibérique, les Iles Britanniques et la Scandinavie. Traitd'union, ou objet de disputes de premier plan entre ces nations,la sorte de personnalité indivise, matérielle et spirituelle quele Rhin s'est acquise, a répandu, en même temps, autour delui, chez ses riverains, de sa source à son embouchure, uneévidente solidarité et similitude de mœurs, de pensées, d'éco-nomie et de niveau de vie. Fleuve urbain par excellence, il règnesur les cités qu'il effleure. Si la Seine, le Tibre et la Tamisesont les rivières de Paris, de Rome et de Londres, Bâle, Stras-bourg, Cologne, Duisbourg ou Rotterdam sont, elles, les villesdu Rhin. Seul, son nom émerge, parmi tant d'autres, du voca-bulaire des eaux vives pour désigner à la fois la région qu'iltraverse et qu'il colore la Rhénanie, et ses habitants, les Rhé-nans, et pour qualifier respectivement d' « Outre-Rhin » lespays qu'il sépare. Inspirateur de tant de poèmes et de contes,de chants et de légendes qui ont charmé l'imagination des siècles,célébré comme un père ou un demi-dieu, emblème de tantd'aspirations populaires et nationales, d'espoirs et d'attaches,son nom est, depuis deux mille ans, et mieux encore depuistrois cents ans, l'un des termes fondamentaux les plus reten-tissants de la politique et de la stratégie européennes. Sonparrainage a englobé jadis bien des ligues et des confédérations,il patronne aujourd'hui, moins solennellement, des groupements,associations, sociétés et firmes sans nombre. Nul fleuve ne s'estagrégé plus complètement au domaine matériel et spirituel de

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LE RHIN PARMI LES FLEUVES

l'homme. Prééminence qu'il doit, tout à la fois, à sa situation,à son orientation, à son climat, à son sol et à son régime.

Des dix fleuves, dont trois navigables, qui drainent les eauxdes Alpes, seul le Rhin dirige son cours vers la Mer du Nordet l'Atlantique septentrional, ouvrant ainsi la grande voienaturelle entre les montagnes les plus habitées et les mieuxpercées du globe et les mers les plus parcourues et avec cetteorientation favorable, du Sud-Sud-Est au Nord-Nord-Ouest,depuis les quatre cols qui donnent accès du versant méditer-ranéen sur ses hautes vallées, jusqu'aux multiples branches deson delta, il crée le passage géographique et le contact historiquele plus direct entre le Monde ancien, la civilisation de l'Orientet de Rome et le Monde moderne de la civilisation occidentale.

Fleuve du Nord, le ciel relativement sec et les chauds étés deses rives avivent sa vallée et ses vignes d'une teinte méridionalejusque fort en aval vers la grande plaine. Fleuve germanique,c'est néanmoins sur ses bords imprégnés de latinité que la trans-fusion s'est faite de l'empire romain à l'empire médiéval.

C'est sur ses bords aussi, banc d'essai des institutions supra-nationales, que, si elle le veut et le peut, l'Europe future sesoudera.

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LE RHIN NATUREL

Long de i 326 kilomètres dans un bassin de 224 000 km2,le Rhin répète trois fois dans son allure un cycle analogue detrois étapes rivière de montagne au cours rapide ou resserré,rivière de plaine et fleuve élargi en une manière de delta ouestuaire une première fois, le haut Rhin, de sa naissance aulac de Constance et à Schaffhouse, une seconde, le Rhin médian,de Schaffhouse à Bingen, à l'entrée du Massif Schisteux, unedernière fois, le bas Rhin, de ce point à la Mer du Nord.

Le cadre de ses rives. Les Rhins des Grisons. Torrents alpestres.

A ses sources comme à son embouchure, le cours du Rhinperd son unité nominale et se pluralise. Il y a un seul Rhinallemand, mais plusieurs Rhins suisses et plusieurs brancheshollandaises. Cependant celles-ci, sauf la plus appauvrie, perdentl'une après l'autre, dans le lacis du delta, le nom de Rhin pouremprunter paradoxalement ceux de ses affluents, ou diversesdénominations successives. En Suisse, au contraire, le nom deRhin est disputé, aux hautes altitudes, entre plusieurs torrents,dont les deux principaux, le Rhin antérieur (Vorderrhein) etle Rhin postérieur (Hinterrhein) convergent tumultueusementen amont de Coire, au pied du rocher et du château de Rei-chenau, en abandonnant leurs qualificatifs pour former le troncunique du fleuve.

Le Rhin antérieur.

Le Rhin antérieur, le moins fourni mais le plus long, quiimprime sa direction au cours d'eau réuni, naît, comme leRhône, dont sa vallée prolonge exactement l'axe, dans le massifdu Saint-Gothard, à l'altitude de 2 344 mètres et à 4 kilomètresau sud du col de l'Oberalp, d'une petite coupe alpestre auxeaux vertes que surplombent parmi les pâturages, les rochersde gneiss et les névés du pic Badus ou Six Madun. Bondissant

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LE RHIN NATUREL

de cascade en cascade sur les schistes cristallins, il parcourtaussitôt les verdoyantes prairies de l'étroit val Tavetsch pours'encaisser peu à peu et recevoir sous Disentis un premier affluentde droite, le « Rhin moyen » qui, descendu des schistes du Coldu Lukmanier, lui parvient à travers les gorges granitiques deMedel et double son volume. Sillon presque rectiligne sur 60 kilo-mètres vers l'E.-N.-E., la vallée passe par une alternance depetits bassins ouverts, ceux de Somvix-Truns et d'Ilanz, et derétrécissements boisés et sauvages enfoncés entre de hautsbalcons de prairies et de cultures où se juchent les villages,serrés eux-mêmes de près, au nord, par la barrière des picsde schistes et de conglomérats qui se dresse à l'altitude presqueconstante de 3 000 à3 200 mètres, de l'Oberalp et du Tôdià la Calanda. Au sud, au contraire, la ligne des crêtes de schisteslustrés, d'une hauteur égale, s'éloigne à partir du pic Gaglia-nera et fait place à trois fertiles vallées affluentes taillées dansles nappes de charriage, et coulant dans le sens du méridien,le val de Somvix ou Teniger, le Rhin de Vals bifurqué avecle Glenner, et le val de Sâfien, terminé par une sombre gorge.Le lit du Vorderrhein lui-même se creuse d'abord dans le

diluvium glaciaire, puis dans les roches du « verrucano » d'Ilanz,avant de découper de ses méandres aux bouillonnantes eauxgris clair l'éboulis préhistorique de Flims, masse énorme etblanchâtre, épaisse de 600 mètres et couverte sur 52 km2 deforêts de pins, qui bloque la vallée et la scinde en deux com-partiments, la « Surselva » en amont, la « Suotselva » en aval.Et six kilomètres en aval, le « Vorderrhein » confond ses eauxavec les flots plus troubles et foncés de l'autre rameau dufleuve.

Le Rhin postérieur.

Celui-ci, le Rhin postérieur, plus court, plus puissant, a uneallure plus irrégulière, marquée de trois gradins et de troisverrous il jaillit, large et impétueux, à 2 216 mètres, dans lesgneiss de l'Adula sous l'auvent en forme de mufle de bœufdu glacier du Rheinwaldhorn puis, après un palier inaugural,le Zappart, s'abaisse rapidement au pied du col du S. Ber-nardino vers la haute vallée dénudée, à pente douce du Rhein-waldtal où conflue, à 1 520 mètres, le vallon descendu duSplügen. Un court seuil de porphyre, la Rofna, est ensuitefranchi en une gorge écumeuse à sa sortie converge à droitele « Rhin d'Avers » dont la vallée, étagée de i 800 à 2 00o mètres,aujourd'hui à l'écart des grandes routes, conduit, à travers desalpages nus, au pied du col du Septimer, et draine les eaux

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L'HOMME ET LE RHIN

du sauvage Reno di Lei italien. Un nouveau bassin de prairieset de cultures, celui de Schams, à l'altitude de 900 mètres, suc-cède à la Rofna, puis, sur 8 kilomètres, le torrent s'engloutit,à peine large de 8 mètres, dans la sombre fissure, profondede 500 mètres, aux parois de schistes calcaires verticales ou sur-plombantes que les voyageurs de jadis ont maudites du nomde « Via Mala ». A l'issue du défilé, le Rhin s'enfle à gauchede la fougueuse et dangereuse Nolla, aux eaux noires et auxcrues subites à droite, il absorbe la grosse rivière de l'Albulaqui ouvre le chemin de l'Engadine et qui, par la verte et largevallée de son affluent, le « Rhin » d'Oberhalbstein, mène auxcols de Julier et du Septimer il débouche alors, en déposantpour la première fois son limon, en exhaussant son lit et endivaguant, à l'état naturel, dans la riante cuvette du Domleschg,longue de 15 kilomètres pour rejoindre enfin, à 600 mètres,après un dernier étranglement, sous Rhâzuns, la branche anté-rieure.

Le Rhin de Saint-Gall.

Torrent encore, mais fleuve déjà, le cours désormais uniquedu Rhin, bordé d'aulnes et de saules blancs, s'élargit à 75 mètreset, dans sa vallée alluvionnaire, plaine large de 3 kilomètres,à la hauteur de Coire, entre les massifs schisteux des Grisonssur sa rive droite, et les sommets calcaires de la Calanda sursa rive gauche, sa pente qui, jusqu'à Reichenau, était de 26 °/00pour le Rhin antérieur, et de 25 °/00 pour le Rhin postérieur,s'abaisse à 4 0/00. Les témoins d'un dernier verrou rocheuxémergeant des masses d'alluvions qui ont comblé la vallée laresserrent encore au Luziensteig, près de Ragaz, où le fleuvequitte le pays rhétique, après avoir reçu à droite la violenteLandquart enflée au printemps des neiges fondues du Prâtigauet, à gauche, la Tamina dont le canyon terminal, dans lesfissuresdu calcaire jurassique, rivalise de sombre profondeuravec la Via Mala. Puis, à Sargans, sur la gauche, une brèches'ouvre largement entre les montagnes vers le nord-ouest, surun fond de marécage à peine plus élevé de 6 mètres que lavallée principale la rivière Seez y coule en s'éloignant versle lac de Walenstadt, le cours de la Linth et le lac de Zurichelle dessine ainsi l'ancien lit quaternaire du Rhin que ses débor-dements, au cours de l'histoire, faillirent plusieurs fois lui fairereprendre. La pente diminue encore et n'est plus sur les 64 kilo-mètres suivants jusqu'au lac de Constance, que de 1,37 0/00boueux, jaunâtre, peu profond dans le Rheinthal Saint-Gallois,où il devient désormais fleuve frontière pour 40o kilomètres,

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LE RHIN NATUREL

abondamment alimenté par l'Ill du Vorarlberg, au cours rapideet par les torrents qui ont amoncelé de part et d'autre leurscônes de déjection, le Rhin serpentait jadis avec des cruesredoutables parmi les graviers, les sables et les marais de ce« Rheinthal », la plus grande plaine d'accumulation de la Suisse(15 kilomètres de large) en remplissant de grosses alluvions(150000 mètres cubes par an) et exhaussant continuellementson lit (5 à 6 mètres au xixe siècle) au-dessus du thalweg. Il estaujourd'hui rectifié.

L'apaisement du lac de Constance.

Un delta limoneux et spongieux, qui s'avance tous les ansde 25 mètres, termine enfin sous les joncs et les roseaux, à395 mètres d'altitude, dans la nappe miroitante du plus grandlac d'Europe occidentale, le Bodensee, Bodan ou lac de Cons-tance, la première étape rhénane, celle de l' « Alpenrhein »du Rhin alpestre, dont le bassin s'étend sur 11ooo kilomètrescarrés. Première étape où se manifeste déjà ce caractère devéhicule méridional, de conduite de chaleur dans les contréesdu Nord de l'Europe qui sera jusqu'à son embouchure la marquebienfaisante du grand fleuve et qu'il doit ici au « fœhn ». Plon-geant dans la profondeur de 251mètres du lac de Constance,le Rhin y reçoit indirectement ses premiers affluents non alpestresqui drainent les plateaux de mollasse de Haute-Souabe. Il ycapte aussi près des deux tiers des eaux du Danube supérieuren effet, celui-ci se perd en partie à Mohringen dans les enton-noirs calcaires de son lit pour surgir, près d'Engen, au pieddu Jura souabe, des profondeurs d'un siphon, aux tourbillon-nantes et vertes sources vauclusiennes de l'Aach, et se déverserdans le lac après un bref parcours de 15kilomètres. Les deuxrivières de la Forêt Noire, Brege et Brigach, qui forment lehaut Danube, sont ainsi bien plutôt indivises entre ce fleuveet le Rhin.

Des chutes de Schaffhouse au coude de Bâle.

Après sa traversée du lac, ou mieux, des deux lacs entrelesquels il reparaît à Constance sur 2 kilomètres, l'Obersee,d'abord, la grande nappe, la « Mer Souabe », de 475 km2, puisl'Untersee, de 62 km2, digité, cerné de collines et qui se pro-longe en s'effilant dans le fleuve jusqu'à Stein, un nouveau sec-teur s'ouvre alors pour le Rhin le « Hochrhein » qui courtvers l'ouest jusqu'à Bâle, ou même, géologiquement, se ter-mine à la barre rocheuse d'Istein, 7 kilomètres au-delà. De Steinà Schaffhouse, la pente (0.3 0/00) est insensible, le chenal bien

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établi, la largeur dépassant no mètres; les eaux vertes etpures doivent ensuite se frayer un passage sur un gradin decalcaire jurassien et subitement s'écroulent d'une hauteur de24 mètres dans un blanc jaillissement d'écume et d'embrunen une double et magnifique cataracte, aux célèbres « chutesde Neuhausen ». En aval, le courant s'accélère dans un chenalsans bavures, fixé au milieu des terrasses de graviers d'une dizainede mètres accumulées au diluvium entre les proches paroisdes coteaux de grès mollassiques couverts de bois jusqu'àKaiserstuhl, puis, au-delà, entre les collines triasiques du Juraargovien et les premiers contreforts de la Forêt Noire, avecquelques crochets prononcés, déterminés, comme celui deMôhlin, par l'avancée d'anciennes moraines glaciaires. La pentenaturelle est inégale, en escaliers, avec des différences de 0,5à 3,50 0/00, et des étranglements rocheux qui réduisent en cer-tains points la largeur du fleuve de 120 à 25 mètres, agitantses eaux, sur leurs écueils, de tumultueux rapides ou « Laufen »,à Kadelburg, près de Zurzach, à Dogern, surtout, (le plusrocailleux sur le gneiss), à Laufenburg, puis sur le muschelkalkà Schwoerstadt et Rheinfelden. Quelques affluents dont laWutach est le principal, descendent de la Forêt Noire d'autres,la Thur, la Toess portent les eaux des mollasses de Thurgovie,l'Ergotz et la Birse celles du Jura bâlois. Mais le confluent capitalqui confirme et accentue même le caractère alpestre de ce secteurrhénan est, entre Koblenz et Waldshut, celui de l'Aare, le grandcollecteur de toutes les Alpes et Préalpes centrales, du Plateausuisse et du Jura oriental. C'est là, véritablement, l'artère maî-tresse naturelle, et si la prépondérance lui a été refusée dans lanomenclature, la raison en est sans doute dans la barrière oppo-sée au passage et au trafic nord-sud, jusqu'au XIIIe siècle parles Alpes de l'Oberland qui en fermaient sans brèche prati-cable le cours supérieur et celui de ses ramifications, et, fauted'un couloir continental, cantonnèrent son bassin dans le rôlede berceau politique de la Confédération helvétique.

La formation de la vallée centrale.

A 170 kilomètres du lac de Constance, le fleuve virant soudainvers le nord quitte définitivement la zone alpestre et jurassienne,au point précis où la largeur du bassin rhénan se réduit à 1 20 kilo-mètres, pincé entre les affluents du Rhône et le versant médi-terranéen à l'ouest, le haut Danube et le versant de la MerNoire à l'est. Le majestueux coude fluvial dont la terrasseconcave porte les maisons de la vieille ville de Bâle témoigned'un tournant décisif dans l'évolution géologique du Rhin et

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LE RHIN NATUREL

marque actuellement, en même temps que son entrée dansla région hercynienne, le point de départ de la navigation.Jusqu'à la fin dé la période pliocène, le fleuve poursuivait eneffet son élan vers l'ouest et par la « trouée de Belfort », lescours du Doubs, de la Saône et du Rhône, se jetait dans laMéditerranée. Un accident tectonique consécutif à la pousséedes Alpes, au début du tertiaire, l'affaissement basculé de deuxmôles disloqués de la pénéplaine hercynienne, cristallins ausud, gréseux au nord, Vosges et Forêt Noire, avait ouvertentre eux, pendant l'oligocène, un long golfe marin transformélentement, au pliocène, en lac d'eau douce et peu à peu comblépar une couche de sables, conglomérats et sédiments'marneuxépaisse de i ooo à i 500 m qui pénétrait au nord jusqu'au Taunus.Cette dépression restait toutefois cloisonnée, à la hauteur deKaiserstuhl, par une ligne de partage qui renvoyait vers le« Rhin méditerranéen » les eaux coulant au sud jusqu'au jouroù, par suite de quelque nouvel affaissement, l'érosion que le« Rhin de la Mer du Nord» pratiquait dans le Massif Schisteux,alors aplani, entre le Taunus et le Hunsrück, atteignit la plaineactuelle et parvint, au-delà de cette ligne de partage, à capterle Rhin alpestre et à lui imprimer, au début du quaternaire,sa forme présente. Depuis lors, après le déblaiement ou l'en-noyage des couches tertiaires dont les témoins subsistent encore,à des altitudes décroissantes du sud au nord, sur certains avant-monts de la Forêt Noire, au Kochersberg, près de Strasbourgou sur les collines de la Hesse Rhénane, la plaine s'est remblayée,à l'époque glaciaire, de nappes diluviales successives. Les éro-sions ont transformé ensuite ces nappes en terrasses qui flanquentde leurs ressauts de quelques mètres (6, 12 et 52 mètres à Saint-Louis) le Rhin de Bâle à Brisach, et dont la plus basse se retrouvede Strasbourg jusqu'à Worms, sous forme d'une berge assezprononcée.

L'actuelle vallée centrale.

Cette vaste plaine centrale, le « Mittelrheinebene » des Alle-mands, s'allonge sur 360 kilomètres au nord de Bâle, entredeux rangées de montagnes ou collines forestières qui en main-tiennent constamment la largeur à 35 ou 40 kilomètres. Le Rhin,qualifié maintenant en allemand de « Oberrhein », Rhin supé-rieur, la parcourt, large lui-même de 253 mètres à Bâle, de 330à Strasbourg, de 400 à Mannheim, relativement encaissé dansses alluvions anciennes en amont, avec une zone d'inondationcroissante en aval. Six kilomètres au-delà du tournant de Bâle,une double barre rocheuse à bandes de calcaires jurassiques

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L'HOMME ET LE RHIN

et de grès, encore entièrement submergée et inconnue il y a70 ans, émerge aujourd'hui à Istein, au travers du lit, et pro-voque un rapide de 2 mètres de dénivellation sur 300 mètresl'érosion est en effet très vive dans cette section à forte penterelative (I.I°/°° de Bâle à Strasbourg), à courant rapide, jusqu'àBrisach et arrache gros graviers et cailloutis qui se déposentau contraire au-delà vers Lauterbourg. Dans ses fourrés deplantes et de bas taillis aquatiques, c'est la région des îles innom-brables (on en comptait 2 218 entre Bâle et Mannheim en 1825,avant la régularisation), des lacis, des coulées, des bras sansissue, des « Vieux Rhins » malaisément franchissables, languis-sants aux basses eaux dans leurs joncs et leurs roseaux, rempliset bouillonnants au moment des crues. Le Rhin y recueilleà droite les vives eaux des rivières de la Forêt Noire, Wiese,Dreysam, Kinzig, Murg. Certaines d'entre elles et jusqu'auNeckar lui-même, coulaient jadis longtemps parallèles au fleuveavant de s'unir à lui. C'est aussi sur la rive gauche le cas,sur une plus grande échelle, de l'Ill, qui parcourt ainsi lesdeux tiers de l'Alsace et n'apporte au fleuve qu'à Strasbourg,d'une traite, toutes les eaux qu'elle accapare d'un bassin vosgiende 4 600 km2. La section suivante, qui se dessine en aval deLauterbourg et du confluent de la Murg avec une pente moindre(0,6 0/00 de Strasbourg à Spire) est, jusqu'à Mayence,celledes dépôts de graviers et de sables très fins, et des méandresparesseux, coulant à fleur de sol, mais entre des berges relati-vement élevées. Le Rhin y absorbe son premier grand affluentde droite, le Neckar, qui draine les eaux du Jura souabe, durevers de la Forêt Noire et de la Basse Souabe. Puis, jusqu'audébouché du Main à Mayence, le cours qui, à partir d'Oppen-heim, frôle à gauche la base des collines tertiaires et lœssiquesde la Hesse rhénane, laissant à droite une plaine absolumenthorizontale, plaquée de lœss, elle aussi, passe par son segmentle plus naturellement régulier, où la vitesse du courant, surune pente infime, de 0.08 0/00, se ralentit notablement. Le Main,malgré son bassin franconien, double de celui du Neckar, maismoins arrosé et plus calcaire, n'est guère plus fourni que luiet n'a pas l'influence que l'on pourrait attendre d'une aussilongue rivière. Au confluent, le Rhin dont le bassin atteint98.000 km2 s'infléchit, suivant l'axe de son affluent, versl'ouest, au pied de la barre de schistes et de quartzites du Tau-nus sur 30 kilomètres, dans ce secteur du « Rheingau », ils'épanouit, pour la seconde fois, en une manière de delta peuprofond, de pente très faible (0,125 °/00) élargi, en certainsendroits, jusqu'à 800 mètres entre des îles étirées et des bancsde sable fin déposés par les eaux du Main.

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LE RHIN NATUREL

Le « Défilé Héroïque» dans le Massif Schisteux.

La longue étape de la plaine centrale se termine et la murailleabrupte, de plus en plus proche, du Massif Schisteux, semblefermer toutes les issues. Mais la percée d'érosion qui succèdeà la facilité de la zone déprimée, préexistait au soulèvementdu Massif. Elle s'insinue entre Ruedesheim et Bingen au niveauoù le Massif présente le moins d'épaisseur, au point correspon-dant à l'indentation accentuée du « golfe de Bonn » que lesmers du Septentrion dessinaient à la sortie opposée. Dès l'époquemiocène, le bas-Rhin, affluent de ce golfe, mordait le vieux blocnivelé, déjà débarrassé de sa couverture de dépôts secondairesla lente surrection du Massif à la période diluviale a déterminéensuite un enfoncement du fleuve par six cycles alternatifsd'érosion et de remblaiement qui ont laissé sur ses rives troisrangs de terrasses étagées et plus fortement abaissées versl'aval que la pente actuelle des eaux. La terrasse principale,la « Hauptterrasse », coiffe les hauteurs à 245 mètres auRochusberg, près de Bingen, à 200 mètres aux confluentsde la Lahn et de la Moselle, s'abaisse à 150 aux collines deVille près de Bonn, à 100 mètres à Dusseldorf la terrasseinférieure n'apparaît guère dans les lobes connexes qu'au-delàde Braubach, à 70 mètres, par exemple à Neuwied. C'est parune gorge taillée dans de dures quartzites dont les écueils fonttournoyer en rapides son flot au Binger Loch, que le Rhin,le « Mittelrhein » allemand (Rhin central), rétréci à nouveau à400 mètres, et grossi de la Nahe qui lui apporte les eaux duHunsrück, entame actuellement sa trouée. Sa pente qui, dans lesrapides, dépasse même 8 0/00 sur quelques mètres, s'accentue àprès de 0.50 °/00 jusqu'à Oberwesel, pour s'abaisser ensuite à 0.19jusqu'à Coblence. Les falaises de quartz des versants restentextrêmement abruptes et ravinées, jusqu'au double confluentde la Lahn et de la Moselle et, au niveau des étranglementsles plus prononcés, la profondeur du fleuve atteint ses plus hautschiffres avec 23 mètres, et même 27 mètres, au voisinage du rocde la Lorelei. Plusieurs rangées d'écueils et de tourbillonsaffleurent à la surface, comme le Wilde Gefahr à Saint-Goar.Par places seulement, lorsque les schistes ou les terrasses qua-ternaires se substituent aux quartzites, au-delà de Boppard etde Braubach, le sol des rives se prête à quelques cultures autresque la vigne. A Coblence, après le débouché exigu de la Lahnqui déverse les eaux du pluvieux Westerwald répandues surun bassin de5 900 km2, et au-delà du roc fortifié d'Ehren-breitstein, le défilé s'ouvre sur une petite plaine intérieure

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déblayée dans les affaissements du tertiaire et environnée deplateaux de basaltes et de tufs, le bassin de Neuwied, en facedu confluent de la Moselle, sortie des méandres qu'elle a vrillésdans les grès du Hunsrück et de l'Eifel.

Nouveau resserrement de la vallée rhénane au-delà d'Ander-

nach, toutefois sans l'âpre raideur du défilé antérieur, et avecquelques îles dans la rivière aux approches de Bonn, sur larive droite, les petits cônes volcaniques des Siebengebirge,débris de cratères tertiaires, trachyte, andésite et basalte, sontle dernier adieu des montagnes au puissant fleuve. Les troisterrasses diluviales, mieux marquées, s'élargissent et s'étalentà gauche, l'une d'elles, le Vorgebirge, ou Ville assise sur l'argileà lignite pliocène, présente encore à la rivière un versant assezprononcé qui la domine de ioo mètres à droite s'éloignentet s'abaissent les collines dévoniennes du Bergisches Land.

Le débouché dans la Grande Plaine du Nord.

La vallée élargie se fond à Cologne dans l'infini de la grandeplaine du Nord le fleuve qui, désormais, est désigné comme« Niederrhein » (Rhin inférieur), et dont la pente se maintientde 0.10 à 0.23 °/00 entre Coblence et Duisburg, forme desméandres, des îles, et des « Vieux Rhins », sape ses berges etle fond du lit et s'enfonce progressivement son cours capri-cieux a maintes fois varié, avec une zone inondable de 8 à 10 kilo-mètres dans la masse d'argile collante et les prairies maréca-geuses. Il recueille ses deux derniers affluents de droite laRuhr et la Lippe, la première issue de collines schisteuses,à ruissellement de surface, et très irrégulière, l'autre coulantsur terrains calcaires et beaucoup plus pondérée. Cependantles terrasses diluviales se prolongent, la plus basse qui a 12kilo-mètres de large à Cologne, par un gradin à peine indiqué,de5à io mètres, la seconde, à 50 mètres, la plus haute à 75ou 80 mètres. Elles sont mieux marquées sur la rive gaucheoù elles forment des buttes boisées sablonneuses, les « Donken »,au-dessus des argiles tertiaires, en aval de l'immense nappede cailloutis par endroits aride, mais en majorité couverte dulœss le plus fertile, qui s'est épandue des contreforts nord del'Eifel sur la plaine de la Roer et de l'Erft, entre Rhin et Meuse.Sur la rive droite, un bas plateau de sable tertiaire, au nord dela Ruhr, marqué par un ressaut de 25 mètres, porte forêts etlandes. Et, au-delà de Wesel, jusqu'à Nimègue, les glaces qua-ternaires scandinaves ont atteint et dépassé le Rhin et mêmela Niers des moraines frontales ont laissé, de part et d'autredu fleuve, des monticules qui émergent jusqu'à 100 mètres

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au-dessus des prairies spongieuses, à Elten et dans l'Achterdonkhollandais sur la rive droite, et, surtout sur la rive gauche,avec l'échine des hauteurs forestières du Reichswald d'originemi-fluviale, mi-glaciaire, longue de 58 kilomètres, large de 7,haute de 40 à 100 mètres, qui se détache au loin de l'horizonsans bornes et dresse ses derniers belvédères presque à l'aplombdu fleuve à Nimègue. Le Rhin dorénavant ne recevra plusd'affluents sa longue étape « hercynienne » de 700 kilomètresest terminée.

La formation du delta.

Six kilomètres plus loin, s'ouvre à Pannerden la premièrefourche du delta. Aucune région d'Europe n'a subi dans saconfiguration physique plus de modifications depuis l'èrehumaine que les terres amphibies où le Rhin prolonge sa coursedans la confusion de l'eau douce, du flot marin et du limonfluvial. Étendu à l'époque pliocène jusqu'à la latitude des Shet-land, le domaine rhénan où le fleuve principal collectait lesrivières d'Angleterre, d'Écosse et de Frise, fut envahi au qua-ternaire par la mer jusqu'au pied du Massif Schisteux dont lesoulèvement ultérieur la chassa à son tour vers le nord et vers

ses limites présentes. Puis la calotte glaciaire, bloquant lepassage des eaux, infléchit le fleuve vers l'ouest le long del'actuelle côte flamande. La fonte des glaces laissa ensuite unlac d'eau douce au Zuiderzee et une période tourbeuse s'établitpour de longs siècles. A la fin de cette époque glaciaire où seforma la terrasse moyenne, le Rhin s'écoulait vers le nord, endirection de l'actuel Zuiderzee, par une large vallée entre lesremblais morainiques du Gooi à l'ouest et les plateaux degraviers et de sables plus importants de la Veluwe, bordéseux aussi de tertres glaciaires à l'est. Les auteurs anciens nouslaissent incertains quant au nombre des bouches à l'époqueromaine. César dit plusieurs, Tacite en cite deux la « ger-manique » au cours rapide (le Lek actuel), la « gallique » pluslente (le Waal) qui rejoint la Meuse. Virgile fait allusion auRhin « bicorne » à deux branches Pline, comme Ptoléméeaffirme que le Rhin a trois déversoirs l'occidental (Helium)qui se confond avec la Meuse, le septentrional, Flevum, quise jetait dans les lacs, le médian, le plus modeste qui encerclaitentre les autres les îles des Bataves et des Frisons. Et, vraisem-blablement, l'embranchement du delta était alors situé plusen amont l'Ijssel se détachait déjà à Rees et rejoignait soncours actuel à Doesburg.

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Le delta actuel.

Depuis lors, le large flot du fleuve se dédouble à Pannerdenseulement la moindre des deux branches qui n'emporte, touten monopolisant le nom de Rhin plus exactement de Bas-Rhin (Neder-Rijn) qu'un tiers du débit aux hautes eaux,un quart à l'étiage, glisse vers le nord-ouest le tronc prin-cipal, le Waal, jadis frontière de la Gaule romaine à qui il doitson nom, s'oriente vers le sud-ouest, mais l'un et l'autre effleurentles renflements sableux d'origine glaciaire, landes boisées dela Veluwe au nord, colline forestière du Reichswald au sud quiles dévient et les ramènent parallèlement vers l'ouest. Char-riant annuellement quelque i 500 00o mètres cubes de boueet 39o 00o de sable, dont les gros grains sont arrêtés en avalpar les eaux plus lourdes des flots inférieurs de la marée mon-tante, le niveau des deux fleuves s'exhausse continuellementsur ces dépôts d'alluvions ils coulent bientôt au niveau mêmede la plaine, puis, à partir d'Ochten et de Bommel pour le Waal,de Wijk-bei-Duurstede pour le Rhin-Lek, s'élèvent au-dessusdu sol ferme. La terre, soustraite aux fleuves et à la mer, n'estplus au-delà de ces deux points que l'œuvre des hommes etde leurs artifices. Le Rhin proprement dit, le Neder Rijndétache, en amont d'Arnhem, son rameau nord, l'actuel Ijssel,ancien canal creusé par les Romains qui reçoit à Doesburg levieil Ijssel naturel, et va se diluer dans la mince lame d'eaude ce qui fut le Zuiderzee. Puis la grande branche se subdiviseencore inégalement à Wijk-bei-Duurstede, et, cette fois aussi,c'est la ramille la plus faible, sineuse et languissante, qui garded'un passé plus actif le nom de Rhin et qui, d'abord qualifiéede Kromme Rijn Rhin tordu jusqu'à Utrecht, va ensuite,prêtant ses dernières forces à la voie canalisée du Vecht, mourir,ralentie et épuisée sous le nom d'Oude Rijn (Vieux Rhin)après avoir traversé Leyde, entre les dunes de Katwijk. L'autrerameau, d'origine peut-être artificielle, conserve, malgré uncourant presque nul, la très grosse masse des eaux c'est le Lekqui projette encore à sa droite, d'abord le canal naturel duVaartsche Rijn, en communication avec le Vecht, puis l'Ijsselde Hollande, jadis rivière plus ou moins indépendante, annexéeau système rhénan, et qui retrouve enfin, à l'entrée du réseauaquatique de la Hollande méridionale, une des branches issuesdu bras majeur du delta, le Waal.

Ce Waal, qui est aujourd'hui le véritable Rhin, séparé du Lekpar la longue plaine alluviale de la Betuwe (l'île des Bataves)coule parallèlement à lui au sud, avec une pente infime

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de 0,04 o/00. Son chenal sinueux, aujourd'hui corrigé, étaità l'origine d'inégale profondeur, avec des creux de 6 mètres,et des accumulations d'alluvions formant des seuils gênants.Jusqu'à la fin du xixe siècle, le Waal s'unissait à la Meuseà Heerenwaard, pour se répandre avec elle dans cet immensedelta, l'Helium, qui émerveillait Tacite actuellement, ceconfluent est repoussé à 30 kilomètres en aval, et la Meusedont la pente est plus forte, ne déverse à Woudrichem, à traversdes écluses, presque au point de marée, qu'une partie de seseaux dans le Waal le surplus poursuit sa course vers le multipleestuaire zélandais. Les deux fleuves perdent leurs noms à lajonction où le grand courant des eaux prend celui de Merwedeet presque aussitôt se divise encore une « Nouvelle Merwede »artificielle, ouverte au xixe siècle, emporte aujourd'hui 65du volume des eaux et entraîne la masse des alluvions à travers

les marécages du Biesboch vers le Hollandsche Diep et laZélande quant à la Merwede proprement dite, très courte,elle se scinde, une fois de plus, quelques kilomètres au-delàsous les quais de Dordrecht en trois branches, l'une, le Kilcanalisé, coupe vers le sud, rejoint le Hollandsche Diep uneautre, vers l'ouest, fait renaître le nom de Meuse la VieilleMeuse (Oude Maas) et se dirige vers la mer en se subdivisantà son tour entre les îles de Beveland et de Putten enfin la der-nière, étroite et profonde d'abord désignée sous le nom de Noord,rejoint au bout de 10 kilomètres l'autre grand bras rhénan,le Lek, puis l'Ijssel de Hollande et, reconstituant en somme lamajeure partie du Rhin, dans son imposante largeur, au traversdu port de Rotterdam, reprend alors, pour la courte étape ter-minale qu'elle franchit jusqu'à la mer, 'le vocable de Meuseou de Nouvelle Meuse (Nieuwe Maas) qui, par un paradoxefinal, fait du puissant fleuve l'aflluent nominal de son affluentréel.

Le climat rhénan. Les vents.

Le climat du sillon rhénan est remarquablement tempérédans son ensemble. La latitude ne joue presque aucun rôledans les conditions atmosphériques que détermine surtout levoisinage de la mer, l'altitude relative, l'orientation généralede la vallée, le relief environnant, l'exposition locale. Les ventsprédominants soufflent du sud-ouest en hiver, de l'ouest auprintemps, du nord-ouest en été. Un seul vent régional vienttroubler cette régularité dans le secteur alpestre, et plus par-ticulièrement dans la vallée orientée dans le sens du méridien

en amont du lac de Constance le fœhn », vent sec du sud,

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