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    Stphane Franois

    droite de lacacia :

    de la nature rellede la franc-maonnerie ?

    ditions de La Hutte

    BP 8 - 81340 Valence dAlbigeois

    Site Web : www.editionsdelahutte.com

    Adresse e-mail : [email protected]

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    Du mme auteur

    La Musique europaenne.Ethnographie politique dune subculture de droite,prface de Jean-Yves Camus, Paris, LHarmattan, 2006. En appen-

    dice : textes de trois entretiens de Stphane Franois avec TierryJolif, Alain de Benoist et Christian Bouchet.

    Le Nazisme revisit. Loccultisme contre lhistoire,Paris, Berg International, 2008.

    Les No-paganismes et la Nouvelle Droite :pour une autre approche,prface de Philippe Raynaud, Arch, 2008.

    Le complot cosmique.Torie du complot, ovnis, thosophie et extrmistes politiques,Milan, Arch, 2010. Prface de Jean-Bruno Renard, postface de

    Jean-Pierre Laurant. Co-crit avec Emmanuel Kreis.

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    Prface de Jean Solis

    La question de la nature exacte de la franc-maonnerieest un sujet inpuisable si on le formule de faon trop large,ou oue. Club social ou club service pour certains1, thinktank politique pour dautres2, lieu de dveloppement per-

    sonnel ax sur ltude sotrique de ses contenus pourbeaucoup3ou encore cole maternelle de loccultisme et dela magie selon quelques autres4, la franc-maonnerie estetresteraquelque chose qui rete ce quon y met.

    1. Beaucoup de francs-maons estiment plus le travail des fraternellesque celui des loges, la vocation des premires tant le plus souvent cellede lentraide voire du npotisme.2. Cest la revendication historique de beaucoup de cadres du GrandOrient de France que les loges servent de laboratoire la Rpublique,aux Droits de lHomme et la lacit depuis la Commune.3. Cest lobjet principal du travail des hauts grades en France et dansles pays latins en gnral. Se rfrer aux textes de leurs rituels estsuffisant pour comprendre que la discussion ne se situe pas ailleurs.4. Cette ide a t fortement remise au got du jour, aprs les prmissesdOswald Wirth, par des auteurs occultistes comme Robert Amadou,Robert Ambelain et Jean-Pierre Giudicelli de Cressac-Bachlerie.

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    Il existe toutefois une constante bien dnie et ana-lyse en dautres lieux : comprenant un mythme uniquequels que soient les rites ou rituels pratiqus et procdant,

    qui dune glose de ce mythme dans la culture latine, quide sa litanie perptuelle au travers de la rcitation du rituelcomme dans les pays anglo-saxons, la pratique de lafranc-maonnerie relve bien dune contre-culture5. Soncorpus ritulique narre les origines mythiques de lhomme

    judochrtien au travers de la cosmognse de lAncienestament, la chute de lhomme, sa qute de sens ou de

    vrit au l dune lecture de la volont rvle du G.A.D.LUou de la pratique dune gnosologie plus personnelle, aveccomme chance lavnement, symbolique pour certains,intrieurpour beaucoup et mme extrieur et civilisationnel

    pour dautres, du Saint Empire rgnr, de la Cit Sainte,de la Jrusalem Cleste rvle ou encore du emple dune

    humanit ayant transcend ses erreurs par le travail de laraison6.

    Le discours maon, quel que soit sa variante ou safamille de travail, est une glose organise selon des rgles

    5. Bruno tienne, La Franc-maonnerie. Une voie pour lOccident,Dervy, 2000 ; avec Jean Solis, Les 15 sujets qui fchent les francs-maons, La Hutte, 2008.6. Cest tout le sens de la trituration des rituels au Grand Orientdepuis un sicle et demi, voir les rsultantes du type Groussier ou Amiable . On y voit une substitution progressive de la foi, duG.A.D.LU. et de sa volont rvle par la raison, le droit et la libertde conscience. Au Suprme Conseil du Grand Collge des rites, leremplacement du traditionnel Deus MeumQue Jus par Suum CuiQue

    Jus est trs significatif. Quand on se cantonne aux diffrents rituelsanciens et originels, par exemple du Rite cossais Rectifi ou du Ritecossais ancien & accept, la drive est alors flagrante.

    droite de lacacia : de la nature relle de la franc-maonnerie ?

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    propres (doxa) ne recourant pas des ressources intellec-tuelles ou spirituelles extrieures fors la Bible qui est lemythme maonnique, mme quand celui-ci est reni (par

    suite dune inculture des origines qui arrange bien celles etceux qui veulent faire de la franc-maonnerie une arrire-boutique des partis politiques ayant pignon sur rue). Celaen fait bien une communaut (ecclesia) qui respiredu mmedsir de comprendre lHomme (pneuma) autrement que

    par lcole du commun7.

    Pour autant, sotrismeest-il le mot qui convient pourdsigner, obligatoirement, la nature de cette dmarche ? Ilnchappera aucun des maons franais, belges ou suissesqui aura voyag dans les loges britanniques ou amricainesque, part deux farfelus rencontrs a et l, persuads de

    pouvoir mler pertinemment franc-maonnerie, Graal,OVNIs et Wicca selon des travers dailleurs trs amri-cains, les mots dsotrisme et mme de symbolisme sonttotalement absents, aussi bien des rituels que de la conver-sation hors-loge.

    Les Anglais eux-mmes, autoproclams inventeurs, fon-dateurs et rgulateurs de la pure, vraie et ancienne franc-maonnerie, ne tolrent aucune discussion smiologique

    en loge ou en dehors, au prtexte que la Vrit est dans laBible de lhtel et que discuter du rituel revient vouloirle changer un jour o lautre lide de changement tantinsupportable une classe de maons socialement trs

    7. Lcole de la Rpublique a-t-elle jamais prtendu apprendre auxlves se connatre ?

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    Prface

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    conservateurs, souvent trs aiss, et dune moyenne dgefort leve.

    Si les Anglais, les Irlandais, les cossais ou mme les

    Franais inventrent la franc-maonnerie, convenons aumoins de nous poser la question dans ce sens : tait-elle, ses origines des et esicles, sotrique ou occul-tiste (alors que ces mots mmes nexistaient pas !), et eut-elle

    vocation le devenir ?

    Stphane Franois, universitaire rigoureux et non

    maon nous donne un aperu clair de ce quil en est. Ilaidera franc-maons comme profanes distinguer etcest souvent ncessaire ! ce qui procde du rcit contreculturel propre au travail maonnique de ce qui relve de la

    prosaque ralit sociale et historique. Ainsi, nous verronsmieux ce qui est a priori, et ce qui vinta posteriori, dansles constituants qui font la maonnerie daujourdhui, sans

    que cela ninduise aucun jugement de valeur.

    droite de lacacia : de la nature relle de la franc-maonnerie ?

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    Introduction

    Cet essai porte sur les liens existant entre lsotrismeet loccultisme dune part et la franc-maonnerie dautre

    part. Cependant, nous devons reconnatre, en remarque li-minaire, que nous ne sommes ni franc-maon, ni sotriste,ni occultiste, ni gunonien Nous sommes simplement un

    observateur extrieur, juste un chercheur qui sintressescientiquement une forme de pense, lsotrisme, ainsiqu lhistoire des ides. Ce texte est donc la fois le pointde vue dun historien des ides et celui dun non-maon,dun sans tablier .

    Si la problmatique des liens existants, ou suppos ltre,

    entre lsotrisme et la franc-maonnerie est passionnantedun point de vue intellectuel, elle est aussi un cheminsem dembches. En effet, le chercheur qui souhaite sy in-tresser srieusement doit naviguer dans un mli-mlo detextes, dont seule une trs petite minorit est scientique.Ceux-ci baignent, au contraire, au milieu dune immensemajorit douvrages pseudo-scientiques, de spculations

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    sotriques et occultistes, maonniques ou non. De fait,la neutralit axiologique propre au monde scientique (ousuppose ltre) nest que trs rarement prsente lorsque

    nous parlons des rapports entre la franc-maonnerie et lesspculations sotrico-occultistes. Seuls quelques auteurs,souvent francs-maons eux-mmes, se dmarquent claire-ment par leurs positions scientiques, et surtout critiques :le prcurseur Ren Le Forestier1, Roger Dachez2, PierreMollier, John Hamill3, Eric Ward4, etc., qui font partie dece quon peut appeler l cole authentique .

    La franc-maonnerie, depuis quasiment ses origines,se voit associe lsotrisme. Cette proximit, qui esttout sauf naturelle comme nous le verrons, sest impose

    profondment dans les esprits. Ainsi, la classication dela franc-maonnerie dans les rayonnages des librairies (in-dpendantes, ou faisant partie de franchise) la rapproche

    systmatiquement de lsotrisme/occultisme/spiritualitset non de la philosophie ou des sciences humaines Noussommes donc l face un gros problme de dnition dela franc-maonnerie : est-ce un mouvement spirituel, unmouvement philosophique ou est-elle de nature religieuse ?Nous tenterons donc, dans cet essai, de dmler lcheveau.

    1. Ren Le Forestier,La Franc-maonnerie templire et occultiste auxXVIIIeet XIXesicles, Milan, Arch, 2002.2. Voir par exemple, Roger Dachez,LInvention de la franc-maonnerie.

    Des opratifs aux spculatifs, Paris, Vga, 2010.3. John Hamill, The Craft. A History of Freemasonry, Aquarian Press,1986 ; John Hamill, Masonic History and Historians ,AQC, vol. 99,1986, pp. 1-7.4. Eric Ward, The birth of freemasonry , AQC, vol. 91, 1978, pp.77-116.

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    droite de lacacia : de la nature relle de la franc-maonnerie ?

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    Un cheveau dailleurs trs largement entretenu par lesmaons eux-mmes comme le montre cette anecdote rap-

    porte par Raoul Girardet. En 1904, soit deux cents ans

    aprs lacte offi ciel de naissance de la franc-maonnerie, la Chambre des dputs, devant les attaques furieuses dela droite, dnonant linuence occulte de la maonnerie,les accuss rpondent, peu prs dans les mmes termes,en voquant la ncessit de combattre armes gales lesmanuvres souterraines, les pratiques de dlation et des-

    pionnage des congrgations et des socits pieuses 5. Cette

    anecdote montre clairement que nous sommes face desmythes agglutinants qui sauto-justient et qui, surtout,sautoalimentent.

    Dun autre ct, la lecture dun grand nombre de textes,destins tant au grand public quau public averti, montrequil existe encore dans lesprit de certaines personnes des

    confusions quant au sens donner au mot sotrisme .Cela sexplique par un fait prcis : LUniversit, dans sonensemble, sest montre jusqu maintenant peu empressedexaminer srieusement des prols intellectuels qui lui pa-raissaient sans doute quoique bien tort subalternes,ou attards des chimres, et qui, au demeurant, lui ren-daient bien son mpris. 6Lsotrismeest, comme lcrit

    Antoine Faivre, une discipline universitaire nouvelle 7

    :5. Raoul Girardet,Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil 1986,p. 59.6. Jean-Pierre Brach, Avant-propos , inMark Sedgwick, Contre lemonde moderne. Le traditionalisme et lhistoire intellectuelle secrtedu XXesicle, Paris, Dervy, 2008, p. VII.7. Antoine Faivre, Une discipline universitaire nouvelle :lsotrisme , inJean-Baptiste Plantin (dir.), Le Dfimagique, vol. I

    Introduction

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    elle nobtint sa lgitimit scientique quentre 1950 et1970. Nanmoins, les fameuses Confrences Eranos , si

    par certains aspects sont contestables nous le verrons plus

    loin, qui eurent lieu de 1933 1984 Ascona (en Suisse8

    ) ,ont largement contribu stimuler lintrt dune bonnepartie du monde acadmique pour ces diffrentes formes depense et/ou de spiritualits.

    Les rapports entre lsotrisme traditionnel, cest--direau sens dvelopp par Ren Gunon et ses successeurs, etla notion dinitiation est problmatique et complexe9. Elleest lie une autre notion, celle du secret. De fait, lin-trt rcent des universitaires pour les socits initiatiques(souvent concentres sur la franc-maonnerie) correspond,

    jusqu un certain point, lintrt pour lsotrisme occi-dental10. Il est donc ncessaire pour nous de nous penchersur ces diffrents points. En outre, ces tudes se sont vues l

    encore discrdites par une multitude de publications (ar-ticles, brochures et livres), ne correspondant pas aux critresuniversitaires et soutenant lexistence de socits secrtes,en particulier dune suppose liation de la franc-maon-nerie avec les chevaliers du emple, ainsi quavec le mou-

    vement rosicrucien. Concernant ce dernier point, Frances

    (sotrisme, Occultisme, Spiritisme), Lyon, Presses Universitaires deLyon, 1994, p. 35. Voir aussi, Wouter Hanegraaff, Introduction: thebirth of a discipline , inAntoine Faivre et Wouter Hanegraaff (dir.),Western Esotericism and the Science of Religion, Leuven, Peteers,1998.8. Joseph Campbell, The Mysteries, Papers from the Eranos Yearbooks,Princeton, Princeton University Press, 1978.9. Henrik Bodgan, sotrisme occidental et rituel dinitiation, Milan,Arch, 2010.10.Ibid., p. 37.

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    Yates crit : Comme cest souvent le cas, la discussionembrume des Rosicruciens et de leur histoire se mle auxmythes maonniques, le chercheur sent quil senfonce

    inexorablement dans un marais sans fond 11

    ...Non seulement ce marais est sans fond, mais il est

    aussi drivatif et fonctionnant sur le mode du rhizome(un mythe amne un autre qui lui-mme est en contactavec un autre, etc.), ce qui le rend trs complexe tudier.Cependant, certains sy sont attachs. Ainsi, dun ctRoger Dachez, la suite des historiens de lcole au-thentique

    anglo-saxonne, qui respectent les rgles scien-tiques danalyses historiques, a dmont la mythologieentourant la naissance de la franc-maonnerie12. andisque de lautre, un autre historien rigoureux, AntoineFaivre, spcialiste de lsotrisme, a montr la prsence delsotrisme dans les hauts grades maonniques ds la pre-

    mire moiti du e

    sicle13

    Et nous ne parlons pas dela multiplication, ds cette poque, des structures parama-onniques aux thses sotrisantes. Sans compter sur le faitque certains maons sotrisants, se piquant de rexionshistoriographiques, vont tout faire pour assoir lide dunerelation logique et naturelle entre la franc-maonnerie etlsotrisme. Serge Hutin, la suite de Ren Gunon, par

    exemple, va dvelopper cette ide : selon celui-ci, la maon-nerie devait tre vue comme une religion des religions ,

    11. Frances Yates, The Rocicrucian Enlightenment, Londres, Routledge,1996, p. 206.12. Roger Dachez,LInvention de la franc-maonnerie, op. cit.13. Antoine Faivre,Accs de lsotrisme occitental, Paris, Gallimard,1986, pp. 218-226.

    Introduction

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    pour reprendre son expression. Dans un article consacr lsotrisme maonnique, il affi rme sans dmonstrationque la tradition est une, lsotrisme est un ; la formula-

    tion, la manifestation seules en varient14. Un propos quireste dmontrer, les traditionalistes/prennialistes ne s-lectionnant, pour les besoins de leurs dmonstrations, queles lments allant dans leur sens, nous reviendrons sur ce

    problme qui est ancien : des maons feront preuve desyncrtisme ds le esicle15.

    En outre, comme le reconnat Antoine Faivre, lecontenu lexical du mot sotrisme est faible. Aussi biennest-ce point tant son tymologie quil sagit dinterroger,que sa fonction, qui est dvoquer un faisceau dattitudes,un ensemble de discours16 . Il nest donc pas inutile derevenir rapidement sur le concept dsotrisme et de voir

    sa place dans le champ des ides de la pense occidentale.Nous nous plaons dans la continuit des travaux dAn-toine Faivre, mais il existe dautres approches de lobjet sotrisme , qui ne sont pas incompatibles entre elles.Pour Wouter Hanegraaff, il sagit dun concept ; pourKocku von Stuckrad, il sagit dun champ de discours ; pourMarco Pasi dun phnomne historique particulier ; pourHenrik Bogdan, dune forme occidentale de spiritualit

    14. Serge Hutin, Lsotrisme maonnique : ses buts et sa mthode ,in Henri-Charles Puech (dir.), Histoire des religions, t. II, Paris,Gallimard, 1972, p. 1395.15. Setareh Houman, De la philosophia perennis au prennialismeamricain, Milan, Arch, 2010, pp. 40-41.16.Ibid., p. 35.

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    Succinctement, lsotrisme peut tre dni commeun monde foisonnant, une forme de pense selon le motdAntoine Faivre, souvent tranger au plus grand nombre :

    pour certains, il sagit dun terme fourre-tout ; pourdautres, dun discours volontairement crypt ; il peutaussi sagir dun sotrisme traditionaliste, celui dun RenGunon ou dun Julius Evola ; dun discours gnostique ;et enn, dune approche universitaire17. Parfois, ces accep-tions fusionnent allgrement, rendant ardu le travail delsotrologue18. outes ces diffrences de signication font

    que la pense sotrique peut tre vue comme un motautobus o montent des gens qui ne se connaissent pas etqui descendront des haltes diffrentes sans stre parl,mls dautres voyageurs, au hasard du trajet, nayant encommun que la destination 19. cette premire srie dediffi cults sen ajoute une autre, trs importante : la placede lobservateur, de celui qui tudie la fois la franc-maon-

    nerie et lsotrisme.

    17. Cf.Antoine Faivre, Quest-ce que lsotrisme , in CatherineGolliau (dir.), Lsotrisme. Kabbale, franc-maonnerie, astrologie,soufisme, Paris, Tallandier, 2007, p. 8.18. Cf. Alessandro Grossato (d.), Forme e correnti dellesoterismooccidentale, Milan, Medusa, 2008.19. Jean-Pierre Laurant,Lsotrisme, Paris/Qubec, ditions du Cerf/Fides, 1993, p. 8.

    Introduction

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    Chapitre I

    La place de lobservateur

    Ce premier dveloppement nous amne donc uneautre question : celle de la neutralit axiologique de lob-servateur. En effet, un grand nombre de spcialistes delsotrisme, et plus largement de lhistoire des religions,

    sont inuencs par les dnitions gunoniennes de lsot-risme et de la religion (cest--dire le prennialisme), voiresont par les dbats ns des Confrences Eranos. Ces conf-rences, fondes en 1930 par une disciple de la thosopheAlice Bailey, regroupaient des spcialistes des religions, trssouvent emprunts de mysticisme (Jung, Eliade, Durand,Hillman, etc.) ou croyants (Massignon, Buber, Corbin,

    Sholem, etc.). Cela signie que ces observateurs ont souventune approche religioniste1ou du moins partisane2: Les

    1. Pour faire simple, cette approche suppose que pour comprendre unereligion ou un fait religieux, il faut tre soi-mme croyant, et inscritdans le cadre dune religion.2. Ainsi le Norvgien Henrik Bogdan, qui est considr comme lun desmeilleurs spcialistes des rituels sotriques, est un adepte de la religion thlmite ne des spculations de loccultiste Aleister Crowley. Cf.

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    participants sont en majorit des chercheurs en scienceshumaines, rassembls par une volont de comprendre cequi peut tre appel simplement la dimension spirituelle

    du monde et des hommes 3

    . Cela se ressent malheureu-sement la fois dans leur approche de la franc-maonnerieet dans leur volont dy trouver de lsotrisme. Ainsi, uneforte majorit des mythologues/sociologues/historiensamricains des religions sont des prennialistes, cest--direquils sont inuencs par les thses dEliade, de Gunon etde leurs disciples4.A contrario, certains maons de haut vol,

    tels Roger Dachez ou John Hamill, vacuent lsotrismeet loccultisme de la franc-maonnerie.

    lorigine de cette ide, nous trouvons lsotristefranais Ren Gunon, incontournable dans ce genre dap-

    proche. En effet, selon lui, la vritable rgularit rsideessentiellement dans lorthodoxie maonnique ; et cette

    orthodoxie consiste avant tout suivre dlement la tradi-tion 5Celui-ci a toujours soutenu la liation existantentre la franc-maonnerie moderne, spculative, et la ma-onnerie ancienne, mdivale et oprative. Mieux encore,il a fait de cette continuit institutionnelle ne ft-elle quesubtilement dcelable [] la conditionsine qua nonde la

    Henrik Bogdan, sotrisme et rituels dinitiation, op. cit.3. Kaj Noschis, Monte Verita. Ascona et le gnie du lieu, Lausanne,Presses polytechniques et universitaires romandes, 2011.4. Setareh Houman, De la philosophia perennis au prennialismeamricain, op. cit., en particulier le chapitre IV Les dbats etcontroverses suscites autour du courant prennialiste au sein delAmerican Academy of Religion (AAR) , pp. 519-575.5. Cit inJean-Pierre Laurant, Avant-propos inRen Le Forestier,

    LOccultisme et la franc-maonnerie cossaise, Milan, Arch, 1987, p.VIII.

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    lgitimit traditionnelle et de la rgularit initiatique dela maonnerie6. Cest l erreur oprative de Gunon,

    pour reprendre une expression forge par Roger Dachez,

    une erreur trs largement reprise par nos universitaires p-rennialistes7, mais aussi par les francs-maons eux-mmes.Roger Dachez y voit les limites du regard 8des francs-maons lgard de leur pass. Selon lui, lapport guno-nien est double : Dune part, il a contribu donner auxtudes symboliques une certaine rigueur et surtout uneassise intellectuelle incontestable [] Dautre part, il sest

    attach thoriser le phnomne initiatique et montrerle rle particulier dvolu, selon lui, la franc-maonnerieau sein du monde occidental moderne 9, et cest l que lebas blesse : Gunon avait une vision de la franc-maonneriefoncirement anhistorique.

    Il sagit l dun aspect paradoxal de la question de lso-

    trisme au sein de la franc-maonnerie : certains univer-sitaires non-maons insistent sur la nature sotrique dela franc-maonnerie (tels Henrik Bogdan, Marie-France

    James, Mircea Eliade, etc.), une nature au contraire d-construite par des historiens maons (Dachez, Hamill,Mollier, etc.) Enn, des sotristes et des occultistescontestaient eux-mmes la suppose nature sotrique de

    6. Roger Dachez, Ren Gunon et les origines de la franc-maonnerie.Les limites dun regard , in Jean-Pierre Brach et Jrme Rousse-Lacordaire (dir.), tudes dhistoire de lsotrisme. Mlange offert

    Jean-Pierre Laurant pour son soixante-dixime anniversaire, Paris,ditions du Cerf, 2007, p. 187.7.Ibid., p. 198.8.Ibid., p. 183.9.Ibid., pp. 183-184.

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    La place de lobservateur

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    la franc-maonnerie. Le plus connu reste Julius Evola, quivoyait dans celle-ci une cration moderne ex nihiloet nonpas une persistance dune tradition immmoriale et soppo-

    sait par consquent Ren Gunon, qui voyait en la franc-maonnerie spculative une hritire, certes dgnre, dela franc-maonnerie mdivale. Ce qui est partiellement

    vrai puisque Roger Dachez et les historiens britanniquesde la franc-maonnerie voient la prhistoire de la franc-ma-onnerie spculative aux alentours du dbut du esicle,

    vers 1598 pour tre prcis et la naissance environ un sicle

    plus tard10. Mme loccultiste liphas Lvi, donc lorgani-sateur du premier occultisme du e sicle, contestait lecontenu sotrique/occultiste de la franc-maonnerie. Il

    parlait son sujet de socit quasi publique qui prten-dait avoir ses mystres 11. De fait, les rituels furent divul-gus ds 1730 par Pritchard, dans son Masonry Dissected.

    Malgr cette divulgation ancienne, la question du secret estreste capitale dans les milieux maonniques.

    Chez les spcialistes, la question du secret dans lso-trisme fait encore rage. Pierre Riffard, dans son essai sur

    Lsotrisme12, insiste sur laspect cach et sur le mystrecontenu dans ce terme. Antoine Faivre, au contraire,

    affi rme quil faut carter les dnitions insuffi santes ouparesseuses. sotrisme voque gnralement lide de

    10. Roger Dachez, LInvention de la franc-maonnerie, op. cit., pp.129-136 ; 177-190 et 191-217.11. Jean-Pierre Laurant, Introduction , in Jean-Pierre Laurant &mile Poulat,LAntimaonnisme catholique, Paris, Berg International,1994, p. 812. Pierre Riffard,Lsotrisme, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 1990.

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    droite de lacacia : de la nature relle de la franc-maonnerie ?

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    secret, de discipline de larcane, de connaissances rser-ves. Certes, il nest pas question ici de considrer commeillgitime lemploi du mot dans ce sens-l, sens vague

    souhait et bien peu opratoire. [] Aussi bien la plupart destextes sotriques ne sont-ils point secrets ! sotrismeest confondu souvent aussi avec initiation, ce qui revient lui faire dire nimporte quoi, et le voir partout.13 milePoulat va dans le mme sens : Lsotrisme nest pas unedoctrine dinitis, mais un mode de pense accessible tousdans sa singularit, qui sexplique par lhistoire de la pense

    occidentale. Ltranget de cette pense dans notre culturecontemporaine est le produit de notre ignorance et de notreindiffrence moderne ce qui sest jou dans le conit entrela foi et la science, ou, pour tre plus exact, entre la pensethologique et la pense scientique. Lsotrisme, cest ceque lune ou lautre considrent comme un rsidu ngli-geable au terme du choc culturel qui les constitue toutes

    deux dans leur modernit antagoniste.14 En outre, lso-trisme peut aussi tre analys paradoxalement comme un mode dexistence souterrain de visions du monde qui se

    veulent alternatives aux savoirs offi ciels 15. En effet, lapense sotrique doit tre vue comme porteuse dun savoirdiffrent, alternatif.

    13. Antoine Faivre, Une discipline universitaire nouvelle :lsotrisme , art. cit., p. 35.14. mile Poulat, Avant-propos , in Jean-Pierre Brach et JrmeRousse-Lacordaire (dir.), tudes dhistoire de lsotrisme. Mlangeoffert Jean-Pierre Laurant pour son soixante-dixime anniversaire,Paris, ditions du Cerf, 2007, p. 12.15. Jacques Matre, sotrisme et instances officielles de rgulationdes savoirs inJean-Pierre Brach et Jrme Rousse-Lacordaire (dir.),tudes dhistoire de lsotrisme, op. cit., p. 25.

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    La place de lobservateur

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    Malgr tout, Jean-Pierre Laurant souligne que lapense sotrique dveloppe dans lhistoire des modes sp-ciques de transmission o prdominent loralit, la rela-

    tion personnelle de matre disciple, linitiation et, dansune moindre mesure, le secret.16 Effectivement, elle sestdveloppe loin de la culture populaire, mtabolisedans des lires plus ou moins initiatiques 17. Cependant,comme nous lavons dit prcdemment, il ne sagit pas dedoctrines secrtes car les changes entre sotrisme etexotrisme viennent relativiser ces distinctions 18. Cest

    ce que nous allons voir.

    16. Jean-Pierre Brach et Jrme Rousse-Lacordaire, Introduction , inJean-Pierre Brach et Jrme Rousse-Lacordaire (dir.), tudes dhistoirede lsotrisme, op. cit., p. 18.17. Jacques Matre, sotrisme et instances officielles de rgulationdes savoirs , art. cit., p. 31.18.Ibid., p. 31.

    droite de lacacia : de la nature relle de la franc-maonnerie ?

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    TABLE DES MATIRES

    Prface de Jean Solis .....................................................Introduction ....................................................................Chapitre I. La place de lobservateur...........................Chapitre II. Lsotrisme et loccultisme ...................Chapitre III. La radition ....................................Chapitre IV. Maonnerie et sotrisme ......................Chapitre V. La mthode traditionnelle .............

    Chapitre VI. Une vision litiste du monde ...............Chapitre VII. Rexions dun chercheur en scienceshumaines ..........................................................................Conclusion ......................................................................Bibliographie ...................................................................

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