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Fascicule
Cartographie intégrant les questions de genre
Ceci est le fascicule complémentaire au module électronique intitulé :
Cartographie intégrant les questions de genre
Ces modules s’adressent à des professionnels du développement intervenant au sein de
programmes d’appui aux chaînes de valeur en Afrique, Asie et Amérique latine.
Les modules électroniques sont largement inspirés des boîtes à outils conçues par
AgriProFocus et des expériences accumulées au cours des trajectoires genre et chaînes de
valeur. Ils ont été mis au point grâce aux contributions d’un réseau de professionnels du
genre.
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Table des matières
SECTION I : UNE CHAÎNE DE VALEUR ............................................................................................................................................... 4 1.1 Appui à la chaîne de valeur du lait au Nicaragua .................................................................................. 4 1.2 Les projets ne prenant pas en compte le genre ................................................................................... 5 1.3 Les coûts et bénéfices pour les producteurs laitiers à Villanueva ........................................................ 5 1.4 Qu’est-ce qu’une chaîne de valeur ?.................................................................................................... 8 1.5 Les composantes de la chaîne de valeur .............................................................................................. 9 1.6 Acteurs et prestataires de services .................................................................................................... 10 SECTION II : LA CARTOGRAPHIE INTÉGRANT LES QUESTIONS DE GENRE EN 5 ÉTAPES .............................................................. 11 2.1 La cartographie intégrant les questions de genre .............................................................................. 11 2.2 Étape 1 : Réaliser la cartographie de la chaîne de valeur du lait au Nicaragua ................................... 11 2.3 Prudence Ukkonika et ses rôles ........................................................................................................ 13 2.4 Étape 2 : Rendre les femmes visibles ................................................................................................. 13 2.5 Étape 3 : Ajouter la main-d’œuvre rémunérée et non rémunérée .................................................... 14 2.6 Étape 4 : Cartographie des services d’appui ...................................................................................... 16 2.7 Étape 5 : Les facteurs de l’environnement ........................................................................................ 17 SECTION III : ANIMATION ................................................................................................................................................................ 20 3.1 Les leçons apprises d’un prestataire de services suite à la cartographie ............................................ 20 3.2 L’art de la cartographie intégrant les questions de genre ................................................................. 20 3.3 Travail de préparation avant de réaliser la cartographie .................................................................... 21 3.4 Soyez sûrs d’inviter les bonnes personnes ......................................................................................... 21 3.5 Les moments « Aha ! » ...................................................................................................................... 23 3.6 L’animation d’une discussion en focus groupe .................................................................................. 23 3.7 Le rôle de l’animateur : rendre les femmes visibles .......................................................................... 24 3.8 L’animation de la cartographie intégrant les questions de genre : les « petits » boulots ................... 24 SECTION IV : CONCLUSION .............................................................................................................................................................. 25 4.1 Auto-évaluation et clôture ................................................................................................................ 25
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Introduction
Ceci est le second module d’une série de cours en ligne portant sur le genre et l’agriculture. Le premier module
s’intitule « Une introduction aux questions de genre en agriculture ». D’autres modules similaires sont en cours
de conception.
Ce cours portant sur la cartographie intégrant les questions de genre vous proposera des outils pratiques
d’analyse selon le genre, que vous pourrez utiliser dans le cadre de votre appui aux chaînes de valeur. Vous
travaillez peut-être en appui à des producteurs de pomme de terre, à des éleveurs nomades ou encore dans le
secteur du café ou de l’horticulture. Ce sera l’occasion d’analyser la position des femmes au sein d’une chaîne de
valeur, de les rendre plus visibles et de valoriser leurs contributions, participant ainsi à l’amélioration des
performances de la chaîne.
Ce module peut être suivi en ligne ou sauvegardé sur une clé USB et suivi par la suite. Les personnes qui n’ont
pas un accès régulier à Internet ou qui voudraient consulter et faire référence aux documents une fois le cours
en ligne complété trouveront toute l’information dans le présent fascicule.
Objectifs d’apprentissage
Dans la première partie du cours, vous découvrirez ce qu’est une cartographie intégrant les questions
de genre et comment la réaliser.
Dans la seconde partie, vous acquerrez les compétences nécessaires pour animer un atelier
participatif avec pour objectif la réalisation d’une cartographie intégrant les questions de genre.
Groupes cibles directs
Agents de vulgarisation agricole au sein de l’organisation ou prestataires de services.
Experts ou points focaux genre.
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SECTION I : UNE CHAÎNE DE VALEUR
1.1 Appui à la chaîne de valeur du lait au Nicaragua
La plupart des projets ne prennent pas en compte les questions de genre dès l’étape de la conception. Seuls les
intérêts des hommes regroupés en organisations paysannes sont pris en compte, alors que les contributions des
femmes au sein de la chaîne de valeur sont invisibles. Les interventions qui ne prennent pas en compte les
questions de genre ont un impact négatif sur les femmes et compromettent également l’efficacité des appuis au
développement de la chaîne, la génération de revenus et la création d’emplois, en somme, toute l’économie
locale. Le cas suivant est un exemple de projet qui n’a pas intégré les questions de genre à l’étape de la
conception.
À la rencontre de Manuel
Manuel est agent de vulgarisation agricole au Nicaragua. Avec sa collègue Gabriella, il travaille au sein d’un nouveau projet d’appui à la chaîne de valeur du lait. Voici ce qu’a révélé l’analyse de contexte.
La plupart des familles de la zone élèvent du bétail. Certaines n’ont que quelques têtes alors que d’autres possèdent plus de 50 vaches. Les hommes font paître les vaches, les nourrissent et s’occupent de la traite avec l’aide d’autres membres de la famille, tandis que leurs femmes s’occupent de la transformation artisanale du lait et de la confection de fromage et de lait caillé. Les hommes sont les propriétaires du bétail et sont organisés en coopératives.
Certaines familles vendent leur lait aux unités de transformation artisanale qui sont pour la plupart gérées par des femmes. Ces dernières confectionnent du fromage frais et du lait caillé qu’elles vendent à domicile ou sur le marché local. Les unités de transformation ne peuvent gérer que de faibles volumes, ne disposent pas de mesures de contrôle de la qualité ni de système d’élimination des déchets adéquat. Ces transformatrices ne sont pas organisées. Pendant la rencontre, les participants ont formulé les objectifs suivants :
Mettre en relation les producteurs locaux avec la firme « La Vaquita » afin d’obtenir un meilleur prix pour leurs produits laitiers
Mettre sur pied des centres de collecte de lait équipés de chambres froides (cold tank)
Créer des espaces réservés à la traite pour améliorer les conditions d’hygiène
Donner des formations et augmenter le cheptel
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La vente du lait à la firme « La Vaquita » contribuera sans aucun doute à l’amélioration des conditions de vie des
populations de la zone et à l’efficacité de la chaîne de valeur. Cependant, il est évident que les résultats des
discussions lors de la rencontre ne prennent pas en compte les questions de genre. Les besoins des femmes sont
ignorés et, par conséquent, ce type d’intervention pourrait menacer leur emploi ou leur activité génératrice de
revenu.
Dans ce cours, vous allez vous familiariser avec le développement des chaînes de valeur et la cartographie
intégrant les questions de genre. Quand vous maîtriserez ce processus, vous éviterez de telles erreurs.
Source : Faire changer les chaînes : équité entre les genres dans le développement des chaînes de valeur agricoles,
KIT, AgriProFocus, IIRR, Amsterdam 2012
1.2 Les projets ne prenant pas en compte le genre
Dans le cas précédent, le travail des femmes n’est pas pris en compte ; seul le manque d’hygiène durant la
transformation a été relevé. Si personne n’intervient, le projet d’appui à la chaîne de valeur du lait ignorera les
questions de genre. N’importe qui peut intervenir et c’est notre devoir de le faire.
Plusieurs facteurs expliquent qu’on oublie de prendre en compte les emplois créés par les femmes dans une
région donnée :
Les équipes de projet sont souvent composées d’hommes qui interagissent avec des leaders
masculins.
Les équipes de projet pensent que les unités de transformation artisanale gérées par des femmes
ne sont pas importantes.
En intervenant dans le maillon production, on se concentre automatiquement sur les hommes.
La plupart des femmes sont des transformatrices, elles sont donc ignorées.
Récemment, le rôle central (mais invisible) des femmes au sein des chaînes de valeur agricoles a été reconnu,
malgré toutes les difficultés que celles-ci rencontrent. Les femmes sont souvent très actives dans la production
de cultures de rente ou vivrières ou dans l’élevage. Elles contribuent tous les jours à l’entreprise familiale et
jouent un rôle primordial pour la sécurité alimentaire de leur famille et de la nation (FAO 2010).
Malheureusement, elles ne récoltent pas pour autant les fruits de leurs efforts.
Les entreprises gérées par des femmes sont souvent considérées comme de petites entreprises familiales et informelles, avec un faible niveau de technologie. Malheureusement, les femmes elles-mêmes ne se rendent pas compte à quel point elles contribuent au processus de production. Elles n’expriment pas leurs points de vue ou se contentent de penser comme leurs maris et ont l’impression que leur contribution n’est pas importante.
Posez-vous la question : jusqu’à quel point vos propres interventions abordent les questions de genre ? Grâce à
la cartographie intégrant les questions de genre, vous pourrez évaluer si vos activités prennent en compte ces
questions.
1.3 Les coûts et bénéfices pour les producteurs laitiers à Villanueva
Il y a plusieurs manières de revoir un projet où les questions de genre ont été ignorées à l’étape de la planification.
Gabriella a entrepris l’analyse participative des opportunités de création d’emploi au sein de la chaîne de valeur.
Elle a convié des acteurs à réfléchir à la question en séparant hommes et femmes dans des focus groupes distincts.
Puis, elle les a invités à partager leurs points de vue dans le cadre d’une discussion. Grâce à cette initiative, le
projet a pu être reformulé pour prendre en compte les deux points de vue.
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Dans la zone de Manuel, Gabriella a conçu un formulaire et a demandé aux producteurs et productrices laitiers de le remplir et de discuter des impacts possibles du projet. Chaque groupe devait se demander de quelle manière le projet influerait sur la vie des autres acteurs au sein de la chaîne de valeur.
Par la suite, les membres de la communauté ont mené une réflexion sur la manière dont le projet était conçu. Les personnes âgées en particulier ont convaincu les autres participants que les transformatrices créent de nombreux emplois ; ils craignaient l’impact négatif du projet au sein de la communauté s’il était mis en œuvre.
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Voici les résultats que Gabriella a obtenus lors de l’atelier organisé au Nicaragua.
Acteurs
Travail
Revenu
Position sociale/sur le
marché
Producteur
Un ouvrier de plus engagé
par ferme bénéficiaire. (+)
Grâce aux progrès
techniques dans la
gestion du lait et du
bétail, les jeunes au sein
des exploitations
agricoles familiales
s’intéresseront à
l’élevage. (+)
Les hommes seront
davantage en mesure de
bénéficier des opportunités
offertes par le programme
d’appui au secteur laitier en
raison de la taille de leurs
terres et de leurs troupeaux.
(+)
Plus de revenu grâce à de
meilleurs prix pour leurs
produits laitiers. (+)
Les leaders des fermes
laitières ne veulent pas
signer de contrats dans
lesquels ils s’engagent à
vendre du lait de qualité aux
transformatrices. (-)
« Ils pensent qu’il est
préférable de vendre leur
lait à « La Vaquita ». Ils se
sentent plus importants
lorsqu’ils font des affaires
entre hommes. »
(témoignage d’une
transformatrice). (-)
Productrice
Les femmes des propriétaires
de bétail n’ont plus accès au
lait produit par leur mari
pour la confection de
fromage. Impact négatif sur
leur revenu. (-)
Le pouvoir de décision des
femmes quant à l’utilisation
du revenu au sein de leur
foyer pourrait être affecté.
(-)
Transformateur
Transformatrice
La charge de travail des
transformatrices va
augmenter, car elles
devront se déplacer vers
les communautés
distantes pour acheter du
lait. (-)
Les transactions entre les
producteurs laitiers et les
unités de transformation
artisanale seront
interrompues, menaçant
plus de 40 industries
artisanales et une
centaine de vendeurs de
produits laitiers au détail.
(-)
« Les femmes avaient
l’habitude d’acheter notre
lait, le projet aura un impact
négatif sur elles. »
(témoignage d’un
producteur) (-)
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Hommes et
femmes de la
communauté
Le programme d’appui à
la chaîne de valeur ne
bénéficiera qu’à un
nombre minime de
producteurs sur
l’ensemble des fermes
laitières présentes dans la
municipalité. (-)
On court le risque de
perdre des emplois si on
n’appuie que les grosses
industries de
transformation et que
l’on laisse de côté les
unités de transformation
artisanale de produits
laitiers. (-)
« Nos communautés, nos
familles et nos femmes
risquent d’être déstabilisées.
N’y a-t-il pas moyen d’éviter
cette déstabilisation ? »
(témoignage d’un
producteur). (-)
Une organisation de femmes leaders a utilisé les résultats de l’enquête pour faire pression sur le programme
d’appui au secteur laitier (le Millennium Challenge Account) pour que ses interventions s’adressent également
aux transformatrices de produits laitiers. Ces entreprises de transformation se sont avérées très rentables depuis.
Avec un investissement de 100-600 $ seulement, elles ont obtenu le retour sur investissement requis de 18% et
leur revenu annuel a augmenté en moyenne de 615 $. Ce qui fait des entreprises féminines celles qui ont obtenu
les meilleurs résultats au sein du programme.
Ce cas est inspiré du travail réalisé au Nicaragua par Patricia Lindo et Mercedes Díaz.
1.4 Qu’est-ce qu’une chaîne de valeur ?
Une chaîne de valeur se définit comme un modèle à la fois analytique et opérationnel. Ce modèle se compose
d’acteurs, d’organismes d’appui et des facteurs de l’environnement. Il démontre qu’un produit est rarement
consommé là où il est produit. Un produit est transformé, combiné à d’autres produits, transporté, emballé, mis
à l’étal, jusqu’à atteindre le consommateur final. Au cours de ce processus, la matière première et les produits
intermédiaires et finaux sont la propriété de différents acteurs, qui sont liés par des relations commerciales et
des services ; et chacun ajoute de la valeur au produit.
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Dans ce schéma, on trait la vache (production) ; puis le lait est transformé en yogourt à l’usine et transporté
jusqu’à sa destination finale, le magasin où il sera acheté par le consommateur.
Il y a une différence importante entre les acteurs et les prestataires de services. Lorsque vous réaliserez la
cartographie, vous devrez bien les distinguer. Les prestataires de services ne sont jamais les propriétaires d’un
produit ; ils le manipulent ou le transportent.
Le schéma ci-dessus illustre deux prestataires de services. La banque locale propose des services financiers tels
que des prêts, mais ne détient pas le produit. Le transporteur local, avec son camion rose, est payé pour
transporter le lait, il n’en est pas propriétaire ; c’est un prestataire de services qui s’occupe du transport ; il se
pourrait qu’il propose aussi d’autres services. Il peut lui arriver d’être très occupé, de devoir changer d’itinéraire
et d’arriver en retard, ce qui nuira à la qualité du lait. L’usine transporte également le lait et d’autres produits
laitiers dérivés tels que le yogourt ou le fromage. Ces produits sont transportés par le camion en jaune, sous la
supervision de l’usine. Ces prestataires de services de transport font partie intégrante des acteurs de la chaîne de
valeur.
1.5 Les composantes de la chaîne de valeur
La chaîne de valeur est composée d’acteurs, de prestataires de services, de régulateurs, de produits et de produits
finaux. Les femmes sont souvent responsables de la transformation de produits qu’on a tendance à ignorer
lorsqu’on ne se concentre que sur les produits jugés les plus importants lors de la cartographie. Les produits
transformés par les femmes peuvent offrir des perspectives intéressantes en termes de valeur ajoutée et de
création d’emplois dans une région donnée.
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Les flèches rouges indiquent les fonctions d’une chaîne de valeur. Les prestataires de services sont représentés
sous les flèches tandis qu’au-dessus, figurent les facteurs de l’environnement qui peuvent être favorables ou
défavorables à l’équité de genre. La cartographie intégrant les aspects de genre se présente sous cette forme
séquentielle. Nous prendrons pour exemple le cas du Nicaragua.
1.6 Acteurs et prestataires de services
Lisez le cas ci-dessous :
Santos Esmilda Rizo était auparavant enseignante dans une école
rurale. Afin d’augmenter son revenu, elle s’est mise à acheter du
lait caillé aux productrices laitières des villages avoisinants pour
le vendre sur le marché urbain.
Elle s’est vite rendu compte qu’il y avait une demande et a donc
décidé d’acheter du lait aux éleveurs locaux pour confectionner
son propre lait caillé. Elle a commencé par produire 20 litres à la
fois, puis 200 litres. Elle confectionnait son fromage à domicile et
le vendait aux consommateurs locaux.
Grâce à l’appui et aux formations dispensées par le programme Millennium Challenge Account Nicaragua,
elle a commencé à utiliser des technologies améliorées, a augmenté sa productivité et réussi à transformer
1000 litres de lait par jour. Elle a obtenu un permis du ministère de la Santé et un code barre. Elle a amélioré
la présentation de ses étiquettes et vend maintenant du lait caillé et du fromage grillé et fumé à des marchés
haut de gamme tels que des supermarchés et autres points de vente.
Son entreprise emploie quatre salariés à plein temps et toute sa famille y contribue. Son revenu est passé à
environ 2200 $ par an. Elle a obtenu son premier prêt de la banque pour investir dans l’achat d’un fumoir et
d’un système de traitement des eaux. Elle est indépendante économiquement et sa famille se porte bien.
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Dans le cas décrit ci-dessus, Santa Esmilda Rizo et sa famille sont les acteurs de la chaîne de valeur. Ils sont
propriétaires du produit. Ils achètent du lait et le transforment en lait caillé ou en fromage grillé et fumé. Il existe
différents producteurs, qui fournissent différents marchés (locaux, d’exportation, haut et bas de gamme). Une
chaîne de valeur peut comporter des produits (lait frais, lait caillé) ou des produits finis (fromage emballé) avec
de la valeur ajoutée.
La banque est prestataire de services, elle offre des prêts. Le ministère de la Santé est un régulateur, il fournit un
permis sanitaire. Le lait est un produit transformé en produit fini – le fromage – qui est acheté par un
consommateur.
SECTION II : LA CARTOGRAPHIE INTÉGRANT LES QUESTIONS DE GENRE EN 5 ÉTAPES
2.1 La cartographie intégrant les questions de genre
La cartographie intégrant les questions de genre vise essentiellement à rendre les femmes visibles au sein d’une
chaîne de valeur. Elle permet aux femmes d’exprimer leur point de vue, donne un aperçu de leur position et mène
à l’identification des opportunités qui s’offrent à elles. Grâce à la cartographie intégrant les questions de genre,
vous obtenez une illustration systémique de la chaîne de valeur. Ce qui est fort différent d’une analyse qui
porterait sur un foyer, dans lequel vous souhaiteriez peut-être que les hommes et les femmes décident de
manière concertée des dépenses. Cependant, pour atteindre cet objectif, vous devez faire davantage ou autre
chose que la cartographie d’une chaîne de valeur. Aborder les questions de genre à l’aide de la cartographie
consiste également à illustrer où et comment les femmes participent dans la chaîne de valeur, en tant que
propriétaires d’une ferme ou d’une entreprise, en tant que main-d’œuvre non rémunérée au sein d’une
entreprise familiale, ou en tant que salariées.
Gardez bien à l’esprit que cet outil n’aura jamais pour but de démontrer que les femmes devraient être mieux
rémunérées que les hommes.
2.2 Étape 1 : Réaliser la cartographie de la chaîne de valeur du lait au Nicaragua
L’étape 1 décrit une chaîne de valeur générique.
À titre d’exemple, nous illustrerons la chaîne de valeur du lait dont Santos Esmilda Rizo est une actrice.
Instructions
Définissez la zone géographique (pays et province) et/ou un produit fini pour démarrer la cartographie.
Identifiez chaque fonction de la chaîne de valeur, ainsi que les liens entre elles. Inscrivez-les sur des cartes de la même couleur en forme de flèche. Précisez : fourniture d’intrants, production, transformation, collecte, commercialisation et vente sur les marchés nationaux et exportation.
Identifiez les marchés (haut et bas de gamme) et inscrivez-les sur des cartes ovales.
Dressez la liste des différents acteurs de la chaîne de valeur et inscrivez-les sur des cartes rectangulaires d’une autre couleur. Distinguez les différents acteurs à l’aide des critères suivants : taille, statut légal (entreprise familiale, petite et moyenne entreprise ou firme, coopérative, gouvernement), niveau de technologie, etc.
Placez les cartes selon une suite logique sur une affiche.
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Bien que dans les instructions nous ayons suggéré de placer les fonctions suivantes selon une suite logique;
fourniture d’intrants, production, transformation, collecte, commercialisation, vente à l’export et sur les marchés
nationaux, nous utilisons une autre séquence pour le cas du Nicaragua. En effet, les fonctions fourniture d’intrants
et transformation ne figurent pas sur la cartographie, alors que le terme mise en marché est utilisé à la place
d’échanges commerciaux et que la fonction collecte figure avant la transformation.
Il n’y a pas de raison particulière de placer les gros éleveurs de bétail au-dessus des petits éleveurs. Lorsque vous
collerez les cartes, assurez-vous que chaque acteur est aligné sous la fonction à laquelle il correspond et que les
flèches illustrant les flux du produit sont claires et logiques.
Il faut savoir que chaque chaîne de valeur est différente. Les instructions ont été conçues à l’origine pour la chaîne
de valeur du café alors que nous réalisons la cartographie d’une chaîne de valeur du lait au Nicaragua. Il n’existe
pas d’instructions écrites qui s’appliqueraient à toutes les chaînes de valeur. Ce qui signifie que chacun doit avoir
recours à son expérience et à ses connaissances professionnelles et choisir la terminologie et la séquence logique
appropriées lorsqu’il ou elle réalise la cartographie de sa chaîne de valeur.
Souvenez-vous que les cartes en forme de flèche :
Représentent les différentes fonctions nécessaires à l’acheminement du produit vers le marché final
selon une séquence logique
Sont formulées à l’aide d’un verbe ou d’un nom : par exemple « production » ou « produire » (et non
pas « produit »)
Sont liées à une personne/un groupe/une coopérative/une compagnie (des acteurs) qui ajoutent de la
valeur au produit.
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2.3 Prudence Ukkonika et ses rôles
Cette histoire démontre qu’une femme peut jouer plus d’un rôle au sein d’une chaîne de valeur au cours de sa
vie. Ukkonika a fait partie de chaque catégorie, allant de la main-d’œuvre non rémunérée alors qu’elle travaillait
avec ses parents au statut de chef d’entreprise.
Les femmes peuvent donc être propriétaires, fournir une main-d’œuvre non rémunérée ou être salariées. La
plupart des petites exploitations agricoles sont des entreprises familiales. Bien que les hommes détiennent
souvent les titres fonciers ou soient considérés comme les propriétaires de la terre, leur exploitation repose en
réalité sur la main-d’œuvre familiale et sur des investissements en termes de ressources et de travail fournis par
leurs épouses ou leurs filles. Les femmes se retrouvent plus souvent dans les maillons transformation et
commercialisation. Cependant, la taille de leurs entreprises reste limitée, elles mènent leurs activités à domicile
de manière artisanale et produisent essentiellement pour les marchés locaux.
Dans la plupart des contextes culturels, les femmes produisent pour les marchés locaux alors que les hommes
produisent surtout pour les marchés de gros et l’exportation. Les femmes sont souvent employées pour effectuer
des tâches délicates telles que la cueillette, le tri, l’emballage de produits fragiles (fruits frais, légumes, fleurs…).
La plupart des femmes chefs d’exploitation sont soit veuves soit divorcées, et leurs parcelles sont plus petites que
celles des hommes.
2.4 Étape 2 : Identifier les hommes et les femmes propriétaires
Comme nous l’avons vu, l’histoire d’Ukkonika démontre que les femmes peuvent exercer plus d’un rôle au sein
d’une chaîne de valeur. Lorsque vous réaliserez la cartographie de votre chaîne de valeur dans le cadre d’un
atelier participatif, assurez-vous que les femmes sont représentées dans tous leurs rôles.
« Chaque matin, je passais devant le marché pour aller travailler.
C’était tellement dommage de voir tous ces ananas, ces mangues et
ces fruits de la passion pourrir, quel gaspillage ! » dit Ukkonika, alors
qu’elle charge un carton de Bella Wine, l’un de ses produits, sur un
camion stationné devant K-Roma Limited, la compagnie qu’elle a
créée. K-Roma fabrique des emballages et distribue des jus et des
vins partout en Afrique de l’Est. « Quand j’étais plus jeune, je
travaillais avec mes parents dans l’exploitation familiale, mais je
n’étais jamais payée », poursuit Ukkonika. « Ma mère dépendait
financièrement de mon père pour l’achat de nos vêtements. Plus
tard, ma famille a décidé de fabriquer de la bière artisanale, j’ai donc
été employée au sein de l’entreprise familiale ». Aujourd’hui,
Ukkonika travaille avec des fermiers ougandais, des femmes pour la
plupart, qui produisent des fruits et procurent la matière première à
son industrie. « Quand j’étais une petite fille, on me disait d’attendre
que mon mari subvienne à mes besoins. Mais à présent, grâce aux
efforts de promotion des droits des femmes, tout a changé » dit-elle.
14
Sur le schéma ci-dessus, vous voyez que les hommes sont les principaux propriétaires du bétail. Les femmes sont
surtout propriétaires d’unités de transformation. En utilisant des symboles de différentes tailles, vous obtenez
un portrait fidèle de la situation. Plus votre symbole est grand, plus il y a d’acteurs, et inversement.
C’est un homme qui est propriétaire de la firme « La Vaquita » : le symbole dessiné sur la carte représente un
homme. Si vous dessinez de petits et de grands symboles pour illustrer les hommes et les femmes, votre public
comprendra rapidement la différence entre le nombre d’hommes et de femmes en termes de propriété.
Veuillez noter que les cartes ovales représentent les consommateurs finaux des produits.
2.5 Étape 3 : Illustrer la main-d’œuvre rémunérée et non rémunérée
Après avoir indiqué la propriété, l’étape suivante est d’illustrer la main-d’œuvre rémunérée et non rémunérée.
Cette étape permet de réellement voir où et comment les femmes participent dans cette chaîne de valeur.
Découpez des formes d’hommes et de femmes pour représenter la main-d’œuvre rémunérée.
Instructions
Identifiez le nombre d’hommes et de femmes pour chaque activité et indiquez ceux qui sont propriétaires sur des cartes de couleur.
Utilisez des symboles différents pour les hommes et les femmes ou la propriété commune.
Illustrez visuellement le nombre d’acteurs à l’aide de symboles de tailles différentes.
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Vous pouvez voir sur le schéma ci-dessus que « La Vaquita » crée moins d’emplois que les unités de
transformation artisanale de lait.
La chaîne de valeur est source de création d’emploi salarié pour les hommes comme pour les femmes. Seuls les
hommes figurent parmi les salariés dans le maillon production, alors que les femmes salariées se retrouvent aux
niveaux de la transformation artisanale et de la commercialisation.
Il n’y a aucune femme salariée dans la transformation industrielle. Pour le même volume de lait transformé,
l’industrie emploie 12 salariés – tous des hommes – alors que 82 femmes et 50 hommes ont des emplois
rémunérés grâce à la transformation artisanale qui génère de plus un revenu pour une soixantaine de
propriétaires, des femmes pour la plupart. Par conséquent, la transformation du lait de manière industrielle
risque d’exercer un impact négatif sur les emplois locaux et la génération de revenu, en particulier pour les
femmes.
Au niveau de l’exploitation familiale, les femmes fournissent une main-d’œuvre non rémunérée. Les tâches
invisibles qu’elles accomplissent telles que la collecte de l’eau, le nettoyage du matériel et le ménage sont très
Instructions
Identifiez la main-d’œuvre rémunérée et non rémunérée.
Indiquez quels acteurs ont recours à une main-d’œuvre rémunérée.
Utilisez des cartes d’une couleur différente pour y inscrire le nombre d’hommes et de femmes employés.
Au besoin, faites la distinction entre les emplois saisonniers et les emplois permanents.
Indiquez à quelle étape les femmes fournissent une main-d’œuvre gratuite, avec peu ou pas de contrôle sur le revenu.
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importantes pour la qualité du lait. Les deux cercles orange de même taille dans le schéma ne veulent pas dire
que le nombre de femmes non rémunérées est le même dans les exploitations familiales et dans les élevages plus
importants. Gabriella et son groupe n’ont tout simplement pas trouvé de données précises à ce sujet.
2.6 Étape 4: Cartographier les services d’appui à la chaîne de valeur
L’Étape suivante consiste à cartographier les services d’appui. Les services étatiques de vulgarisation agricole, les
programmes de microfinance et le programme d’appui à la chaîne de valeur du lait sont inscrits sur des cartes
que vous placerez en dessous des acteurs et des fonctions.
Instructions
Identifiez les prestataires qui fournissent des services aux acteurs de la chaîne de valeur et qui
correspondent aux différentes fonctions. Inscrivez-les sur des cartes d’une couleur différente.
Décrivez les contraintes que pourraient rencontrer les femmes pour accéder à ces services et
identifiez les opportunités dont elles pourraient bénéficier afin d’améliorer leur efficacité,
contribuant ainsi à une meilleure coordination et à la performance de la chaîne.
Écrivez les contraintes et opportunités les plus importantes sur des cartes. Ajoutez un + à côté
des opportunités et un – pour les contraintes.
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Quand l’exercice portera sur votre propre chaîne de valeur, vous devrez encourager la participation active des
acteurs invités et, à cet effet, vous devrez poser des questions qui stimuleront les échanges.
Voici des exemples de question pour vous guider :
Quel est le pourcentage d’hommes et de femmes aidés par ces prestataires ?
Est-ce que les femmes qui fournissent une main-d’œuvre dans l’exploitation de leurs maris bénéficient
des services financiers ou de vulgarisation agricole ?
Est-ce que les salariées ont accès à des formations en cours d’emploi ?
Est-ce que les services sont conçus de manière à prendre en compte les conditions et les besoins
particuliers des femmes, par exemple les tâches ménagères, les contraintes de temps, la mobilité
réduite, l’accès limité aux marchés et aux réseaux, l’accès limité à la propriété, le manque de garanties
pour obtenir un prêt, etc.
Quels sont les principaux obstacles qui empêchent les femmes de bénéficier des services d’appui ?
Quels sont les services qui permettraient aux femmes d’améliorer leur position dans la chaîne de valeur?
Est-ce qu’il existe des services qui pourraient réduire la charge de travail des femmes, par ex. des services
de garde d’enfants?
2.7 Étape 5 : Décrire les facteurs de l’environnement
L’Étape 5 consiste à décrire les facteurs de l’environnement.
Instructions
Identifiez les principaux facteurs qui peuvent avoir une influence positive ou négative sur les rôles et la position des femmes dans une chaîne de valeur, comme par exemple les lois sur la propriété foncière, les infrastructures, les politiques publiques, le droit du travail, les stéréotypes et rôles de genre, les normes de certification et de régulation, les tendances des consommateurs, les mouvements de promotion des droits des femmes, etc.
Inscrivez ces facteurs sur des cartes d’une couleur différente.
Identifiez les contraintes et les opportunités pour l’autonomisation des femmes dans la chaîne de valeur. Écrivez-les sur des cartes et ajoutez les symboles + et - .
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À cette étape, évitez d’utiliser des questions trop précises sur les tendances des consommateurs ou sur le droit
foncier. L’étape 5 permet de dresser un portrait global de la situation et c’est pourquoi les questions plus
générales seront plus appropriées.
Dans cet exercice, il s’agit d’utiliser des questions ouvertes, qui n’aboutiront pas à des réponses telles que « oui »
ou « non ». Elles devront ouvrir le débat entre les participants. Il ne s’agit pas de faire des déclarations telles que
« les femmes qui cultivent pour leur propre consommation ne devraient pas faire partie de la chaîne de valeur »
ou « nous savons qu’il y a un manque d’information sur les marchés », car ce sont des jugements de valeur et non
pas des questions. Elles n’ont d’ailleurs pas de points d’interrogation !
Voici quelques questions pour orienter la discussion :
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Comment les normes culturelles et les législations influent-elles sur les pratiques en termes de propriété
foncière ?
Comment cela influence-t-il l’adhésion des femmes aux organisations paysannes et l’accès aux services
qui y sont liés ?
Comment les stéréotypes de genre influent-ils sur les opportunités et les bénéfices que pourraient tirer
les femmes de leur participation à la chaîne de valeur, y compris les emplois rémunérés ?
Comment cela influence-t-il la présence ou l’absence des femmes dans des fonctions précises de la
chaîne de valeur, ainsi que la valorisation et la rétribution de leur contribution ?
Quel est l’effet sur l’amélioration de la chaîne, la qualité du produit, la productivité et la gestion de la
chaîne de valeur ?
Quelles sont les contraintes et les opportunités pour les femmes quant à l’amélioration de leur position
dans la chaîne, par exemple en termes de prise de décision et de contrôle sur le revenu tiré de l’activité
au sein de l’exploitation familiale, de conditions de travail ou d’accès à des emplois rémunérés et/ou à
des postes de gestion ?
Est-ce que les systèmes de normes et de certifications accordent une attention suffisante au rôle et à la
position des femmes ?
Cet exercice est inspiré de la cartographie de la chaîne de valeur du lait à Villanueva, réalisée par Patricia Lindo et
Mercedes Díaz.
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SECTION III : ANIMATION
3.1 Les leçons apprises d’un prestataire de services suite à la cartographie
Didier Uhoraningoga est vulgarisateur agricole ; il travaille au sein d’une organisation prestataire de services qui
intervient dans la chaîne de valeur de la pomme de terre au Rwanda. Il a eu l’occasion d’animer un atelier avec
des fermiers. Ils ont réalisé la cartographie de la chaîne de valeur de la pomme de terre et discuté de la pertinence
des services pour les hommes et les femmes.
Depuis, il s’est fixé de nouveaux objectifs en tant que prestataire de services. Il s’efforcera d’obtenir plus d’équité
de genre.
Réfléchissez un moment. Que pourriez-vous faire autrement à l’avenir dans votre chaîne de valeur ?
Vous pourriez :
Mettre sur pied des services réservés aux femmes,
Organiser les formations à proximité du domicile des fermiers et fermières et non pas loin, en ville,
Proposer des technologies pour réduire le temps que les femmes passent à travailler aux champs,
Encourager les hommes à envoyer leurs femmes aux formations dispensées,
Créer de l’espace pour les femmes dans les chaînes traditionnellement dominées par les hommes.
3.2 L’art de la cartographie intégrant les questions de genre
Une fois que vous aurez achevé la cinquième étape, votre cartographie est prête.
Souvenez-vous : une cartographie n’est jamais parfaite. Il s’agit d’un outil particulièrement efficace pour rendre
visible la présence des femmes dans la chaîne de valeur. Cet outil vous permettra d’améliorer la rentabilité de la
chaîne en validant le travail et la contribution des femmes. Vous ne pourrez jamais faire un inventaire exhaustif
de toutes les questions de genre à l’aide d’une seule cartographie. Vous devrez établir des priorités.
C’est toujours positif si vos participants ont apprécié l’exercice. Assurez-vous de le rendre amusant. Faites
participer tous les invités de votre atelier grâce à des focus groupes et en donnant la parole aux personnes plus
réservées. Il est même possible que les participants applaudissent à la fin de l’atelier.
Le but n’est pas d’atteindre la perfection, ni que les participants s’amusent ou qu’ils expriment de la gratitude. Le
meilleur indicateur d’une bonne animation est d’avoir stimulé les débats, abordé des questions ignorées jusque-
là, ou encore ouvert les yeux des participants.
Mon objectif
Depuis les formations reçues, mon travail prend en
considération les questions de genre. Mon objectif en tant que
coach en appui au Mega pôle d’entreprise agricole (PEA)
pomme de terre est d’impliquer davantage les femmes dans les
activités que nous menons. Je me suis rendu compte de leur
faible participation aux formations, par exemple.
La prochaine étape sera de donner aux femmes des outils qui simplifieront leur travail dans les champs et
d’organiser des formations près de leur domicile pour qu’elles puissent y participer facilement.
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3.3 Travail de préparation avant de réaliser la cartographie
Avant de réaliser la cartographie dans le cadre d’un atelier participatif réunissant les acteurs de la chaîne de valeur
– hommes et femmes –, un certain travail de préparation est nécessaire.
Voici ce que vous pouvez faire pour préparer l’animation :
Interrogez des femmes leaders ou des actrices intervenant dans différents maillons afin d’obtenir des
données sur les questions de genre et d’avoir un portrait objectif du fonctionnement de la chaîne.
Menez des entretiens auprès de personnes ressources afin de bien maîtriser les fonctions de la chaîne.
Vous pourrez également vous instruire sur les fonctions de la chaîne de valeur en consultant des sources
secondaires.
Réunissez tout le matériel nécessaire (carton de couleur, punaises, marqueurs, ciseaux)
Découpez les formes au préalable et essayez de les placer sur le tableau.
Si vous êtes bien préparé, vous aurez déjà accompli la moitié du travail ! Sans préparation, vous ne pourrez pas
connaître suffisamment votre chaîne pour pouvoir en réaliser la cartographie. Faites confiance à vos participants
– ils savent de quoi ils parlent. Si vous êtes bien préparé et que vous posez les bonnes questions au cours des
différentes étapes, tout se passera bien. Les données ne demandent qu’à être révélées.
3.4 Soyez sûrs d’inviter les bonnes personnes
Lorsque vous procéderez à la cartographie intégrant les questions de genre, il est évident que vous devrez inviter
les hommes et les femmes.
Cependant, il peut s’avérer difficile d’obtenir la participation des femmes, car ces dernières pourraient ne pas se
sentir concernées ou ne pas être informées qu’une rencontre va avoir lieu.
Lorsqu’on dit aux hommes que les femmes sont également invitées, ils
peuvent amener la première venue. Vous obtenez ainsi une réunion où des
femmes sont effectivement présentes, mais sans pour autant être celles qui
sont actives dans la chaîne de valeur.
Un bon moyen de s’assurer de la présence des femmes est d’abord de bien
connaître votre chaîne de valeur. Même si vous intervenez en appui à une
chaîne, en particulier depuis un certain temps, vous pourriez avoir des
surprises en posant certaines questions telles que « où sont les femmes dans
cette chaîne de valeur ? Que font-elles ? »
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Si vous arrivez à obtenir les noms de certaines femmes actives dans la chaîne, vous pourriez personnaliser les
invitations et écrire leur nom. Vous pourriez également choisir le lieu et l’heure de la réunion de manière à ce
que les femmes puissent y participer.
Les médias tels que la radio sont de bons moyens d’informer le public cible qu’une réunion va avoir lieu. Il convient
d’éviter d’utiliser le terme « genre », car il pourrait éveiller des préjugés ou de la méfiance avant la rencontre.
Réfléchissez à la manière dont vous invitez des participants à une réunion. D’habitude, est-ce que les hommes
comme les femmes y participent ? Est-ce que l’une des stratégies décrites ci-dessus pourrait encourager l’un et
l’autre à participer ?
3.5 Introduction du concept de chaîne de valeur auprès des participants
Félicitations ! Tous vos participants sont là. Vous pouvez dès maintenant commencer la réalisation de la
cartographie intégrant les questions de genre.
Les questions fusent : « Que va-t-on faire ? Qu’est-ce que le genre vient faire là-dedans ? C’est quoi une chaîne
de valeur ? » En tant qu’animateur, évitez de supposer que vos participants savent ce qu’est une chaîne de valeur.
Vérifiez d’abord !
En guise d’introduction, voici un exercice qui permettra à vos participants de se familiariser avec le concept de
chaîne de valeur.
Séparez le groupe en deux : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre.
Demandez à chaque groupe de dessiner ce qu’ils produisent, à qui ils vendent et le marché final visé par
leurs produits.
Demandez à un membre de chaque groupe de présenter leurs illustrations, et comparez les différences.
Il s’agit d’un bon exercice
d’introduction. Bien que vos
participants sachent sans doute pas ce
qu’est une chaîne de valeur, la
réalisation d’une cartographie est
réussie lorsqu’elle est faite par un
groupe d’acteurs.
Vos participants pourraient très bien
dire « les femmes dessinent mais pas
les hommes », ne vous laissez pas
distraire de votre activité.
Les hommes ayant participé à l’atelier
au Nicaragua n’ont eu aucun problème
à dessiner. Ils ont même aimé ça. Vous
êtes le seul à connaître votre groupe.
Vous savez donc comment le motiver.
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3.6 Les moments « Aha ! »
Sylvia Torres est l’ancienne responsable des questions de genre pour le programme Millennium Challenge
Account au Nicaragua ; elle repense à la cartographie intégrant les questions de genre de la chaîne de valeur lait
au Nicaragua.
Au Nicaragua, ils disent « Aha ! ». Au Botswana, ils disent « Ehe ! », en Éthiopie « Ishe Ishe ! ». Toutes ces
exclamations signifient la même chose : « Maintenant, je prends conscience de quelque chose que j’ignorais
auparavant ». La cartographie intégrant les questions de genre aide à visualiser et à valoriser le rôle des femmes.
Elle permet de comptabiliser les jours travaillés, de mettre en relief leur contribution à la qualité et à l’hygiène,
leurs compétences en administration et les tâches ménagères qu’elles effectuent et qui permettent de libérer du
temps pour que d’autres s’occupent de tâches productives. Les femmes commencent à considérer leur « aide »
comme des contributions importantes pour la performance de la chaîne de valeur. L’« aide » devient du
« travail ». Ces moments « Aha ! » sont des moments de révélation formidables pour un animateur. En fait, vous
pouvez même voir une lueur dans les yeux des participants. C’est ce dont se souvient Sylvia, bien après l’exercice
de cartographie, réalisé il y a déjà un certain temps.
C’est aussi ce que vise l’autonomisation : les femmes (et les hommes) voient les choses différemment, en ce qui
concerne leur vie mais aussi leurs contributions. Ils peuvent dès lors renégocier les dynamiques de pouvoir dans
leur foyer, mais aussi avec les autres acteurs de la chaîne de valeur.
3.7 L’animation d’une discussion en focus groupe
Parfois, les débats en focus groupes réunissant hommes et femmes peuvent devenir animés. Est-ce un
problème ? Non !
Le rôle premier de l’animateur est de s’assurer que tout le monde s’exprime librement. Lorsque vous réalisez une
cartographie intégrant les questions de genre, vous séparez les hommes et les femmes, puis vous mettez en
commun les résultats de chaque groupe. Est-ce que tout le monde devrait être d’accord ? Certainement pas. Il
est bien normal que les avis diffèrent. Parfois, ceux qui expriment un avis durant une réunion changent d’avis
plus tard et affirment quelque chose de totalement différent.
En tant qu’animateur, vous devez rester neutre, mais vous devez aussi vous assurer que chacun a eu l’occasion
de s’exprimer. Si une personne monopolise la parole, faites en sorte que les autres puissent aussi parler en vous
« Aha ! »Le travail réalisé par les femmes est souvent
invisible ; à cause de cette invisibilité, la plupart des tâches
qu’elles effectuent en milieu rural, qu’elles soient
productives ou autres, est considérée comme « de l’aide ».
En rendant ce travail visible dans l’espace public, il est
perçu comme du travail productif.
Alors que nous réalisions la cartographie intégrant les
questions de genre avec les producteurs laitiers et leurs
femmes, ces derniers ont vécu un moment « Aha ! ». Ils
ont affirmé : « Oui, c’est vrai : les femmes accomplissent
30% des journées de travail ».
Ce moment « Aha ! » déclenche un changement dans la
dynamique des relations familiales. Les hommes et les
femmes commencent à se respecter les uns les autres.
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adressant à eux directement. Vous devez également mettre un point d’honneur à rendre visible le travail des
femmes ignoré par le groupe.
Une bonne question pour stimuler la participation serait : Si une tâche, par exemple transporter le fertilisant,
n’était pas menée, quel serait l’impact pour la chaîne de valeur ?
L’animation vous intéresse ? Regardez les vidéos (en anglais) : Best and worst way to facilitate group discussions
and 10 bad facilitation techniques
3.8 Le rôle de l’animateur : rendre les femmes visibles
Durant l’atelier de cartographie animé par Didier, des participants ont affirmé qu’il existe certaines tâches
« faciles » réservées aux femmes, telles que le transport du fertilisant.
Le fait de qualifier certaines tâches de « faciles » et d’évoquer la tradition est une façon de maintenir le statu quo
et de favoriser les hommes. En Afrique, il est d’usage d’affirmer que la plupart des travaux de la ferme sont
effectués par les femmes. Cependant, si on introduit une charrue, le labour devient une tâche récupérée par les
hommes. Les traditions peuvent donc changer. Les hommes intervenant dans la chaîne de valeur de la pomme
de terre se sont montrés prêts à distribuer le fumier s’ils pouvaient le transporter à l’aide de brouettes. Si vous
étiez une participante à cet atelier, comment réagiriez-vous ? Est-ce que vous vous sentiriez respectée dans votre
travail ? Est-ce que vous vous exprimeriez ?
S’il est peu valorisant pour les hommes de transporter du fumier, pourquoi ne serait-ce pas le cas pour les
femmes ? Est-ce qu’il y a de « petites » activités, ou des activités « faciles » dans votre chaîne de valeur ? À quel
point sont-elles « petites » ?
3.9 L’animation de la cartographie intégrant les questions de genre : les « petits » boulots
Supposez que vous animiez une discussion en focus groupe réunissant des exploitations familiales membres
d’une coopérative qui fabrique des meubles en bois.
Pendant la réalisation de la cartographie, une femme affirme : « j’ai une tâche sans importance dans l’atelier de
mon mari. Je ne fais que balayer le plancher ». Un bon animateur poserait la question suivante : « Qu’arriverait-
il si personne ne balayait ? »
Il est important de balayer le plancher lorsqu’on fabrique des meubles. Les meubles sont vernis. Si vous essayez
d’appliquer le vernis alors que votre atelier est plein de poussière et que le vent souffle, vous n’avez plus qu’à
recommencer, car la poussière s’incrustera dans le vernis. Votre rôle en tant qu’animateur est d’aider les
participants à déterminer si les petits boulots tels que désherber ou balayer sont vraiment sans importance. Si
vous prenez votre rôle de facilitateur au sérieux, les personnes responsables des « petits boulots » se rendront
compte que leur travail est important après tout, et les autres participants pourront également en prendre
conscience.
Pour en savoir plus, lisez : Faire changer les chaînes : équité entre les genres dans le développement des chaînes
de valeur agricoles, page 147-150, Cas 5.3. : Sortir les productrices laitières de l’anonymat au Nicaragua, de Mieke
Vanderschaege et Patricia Lindo. Page 147-150..
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SECTION IV : CONCLUSION
4.1 Auto-évaluation et clôture
L’apprentissage en ligne ou à partir de documentation comme ce fascicule, vous oriente sur ce qu’il faut faire,
mais rien ne vaut l’expérience pratique.
À vous de mettre en pratique vos apprentissages.
Évaluez-vous ! Essayez les choses suivantes :
Expliquer ce qu’est une cartographie intégrant les questions de genre à votre patron, votre collègue
ou votre ami.
Réaliser une cartographie intégrant les questions de genre de votre chaîne de valeur afin de recueillir
des données pertinentes pour votre appui.
Animer un atelier de cartographie en focus groupes séparés (hommes et femmes).
Rendre cet exercice de cartographie utile et amusant et essayer de résoudre les problèmes qui
surgissent pendant que vous le réalisez.
Vous accomplirez davantage si vous travaillez avec un groupe de personnes qui partagent vos valeurs et qui
pensent également que la position des femmes dans les chaînes de valeur agricoles devrait être améliorée.
------ Bonne chance ! -------
Mieke Vanderschaeghe, spécialiste en genre et appui aux chaînes de valeur inclusives, Nicaragua
Gerry van der Hulst et Ariane Umurerwa, conseillères Three Mountains en apprentissage, Rwanda
Vincent Nyalik, illustrateur, Kenya
Jaqueline Terrillion, traductrice, Cambodia
Sophie Viguier, correctrice, France
Avec la contribution active des membres du réseau Genre et chaînes de valeur d’AgriProFocus
